UNIVERSITE DE LIMOGES
FACULTE DE DROIT ET DES SCIENCES ECONOMIQUES DE
LIMOGES
PROGRAMME UNIVERSITE PAR SATELLITE
AGENCE UNIVERSITAIRE DE LA FRANCOPHONIE
(AUF)
MASTER DROIT INTERANTIONAL ET COMPARE DE
L'ENVIRONNEMENT
Formation à distance, Campus Numérique
« ENVIDROIT »
LES MULTINATIONALES PETROLIERES ET LA PROTECTION DE
L'ENVIRONNEMENT EN AFRIQUE CENTRALE
Mémoire présenté par Levy Cardel
PAYIMA
Sous la direction de M. Damien ROETS,
Maître de conférences à l'université de
Limoges
Août 2007
UNIVERSITE DE LIMOGES
FACULTE DE DROIT ET DES SCIENCES ECONOMIQUES DE
LIMOGES
PROGRAMME UNIVERSITE PAR SATELLITE
AGENCE UNIVERSITAIRE DE LA FRANCOPHONIE
(AUF)
MASTER DROIT INTERANTIONAL ET COMPARE DE
L'ENVIRONNEMENT
Formation à distance, Campus Numérique
« ENVIDROIT »
LES MULTINATIONALES PETROLIERES ET LA PROTECTION DE
L'ENVIRONNEMENT EN AFRIQUE CENTRALE
Mémoire présenté par Levy Cardel
PAYIMA
Sous la direction de M. Damien ROETS,
Maître de conférences à l'université de
Limoges
Août 2007
DEDICACES
Je dédie ce travail en mémoire de mon
défunt père Victor PAYIMA et en hommage à ma mère
Henriette NDONGO pour tous les sacrifices qu'ils ont consentis pour ma
réussite, en hommage à mon oncle l'Abbé Valentin MOYONGO
qui a fait preuve de sacrifices pour ma réussite dans les études
en général et dans ce travail en particulier, à mes
frères Auxence, Eddy Ghislain et Hérissonne PAYIMA, à mes
soeurs, à mon fils Lévy Benny Stavain PAYIMA, à ma
concubine Laetitia Stavine MASSA AKOLI, à mon ami Silvère Jonas
MAMBILA, à toutes mes connaissances.
En hommage également à tous ceux qui luttent
pour la protection de l'environnement et la paix en Afrique et dans le monde.
Remerciements
Je remercie tout d'abord le bon Dieu qui m'a donné
l'opportunité de suivre cette formation et qui a fait que j'ai une
santé de fer tout au long d'elle. Je remercie l'Agence Universitaire de
la Francophonie et le Campus Numérique de Brazzaville notamment M.
KABIROU et Adolphe NKEPENA.
Mes remerciements également à M. Damien ROETS,
Maître de conférences à l'université de Limoges qui
a bien voulu assurer la direction de ce mémoire qui a fait preuve de
disponibilité par l'attention accordée à travers ses
suggestions et ses compléments. Mes remerciements à monsieur Guy
Richard BOSSOTO professeur à la Faculté des Sciences à
l'université Marien NGOUABI pour son soutien multiforme, au colonel
Jules EBOUA des Forces armées congolaise (FAC), à mes oncles
Raphaël et Guillaume MOKOKO pour leur soutien financier et
matériel, au Docteur Jean Didier ELONGO de la Faculté de droit de
l'université Marien NGOUABI. Mes remerciements aux correspondants locaux
de l'INICA à Brazzaville, à la cellule antipollution du
ministère des hydrocarbures et à la Direction
Générale de l'environnement du ministère de l'Economie
forestière et de l'environnement du Congo Brazzaville.
A tous ceux qui d'une façon ou d'une autre, de
près ou de loin, m'ont apporté leur contribution et leur soutien
dans l'élaboration de ce travail ; qu'ils trouvent ici l'expression
de ma profonde gratitude.
Abréviations
ACERAC : Association des conférences
épiscopales de la région d'Afrique centrale
AHJUCAF : Association des Hautes Juridictions de Cassation
des Pays Ayant en Partage le Français
Al : Alinéa
Art : Article
BIT : Bureau International du Travail
CARPE : Programme Régional d'Afrique
Centrale pour l'Environnement
CAD : Centre de développement de l'OCDE
CEEAC : Communauté Economique des Etats de
l'Afrique Centrale
CEFDHAC : Conférence sur les
écosystèmes des forêts denses et humides en Afrique
centrale
CEMAC : Communauté Economique et
Monétaire de l'Afrique Centrale
CJCE : Cour de Justice des Communautés
Européennes
CIPCRE : Centre International pour la Promotion de
Création
COMIFAC : Commission des Forêts du Bassin du Congo
CORAF : Congolaise de raffinerie
DSRP : Document de Stratégies de
Réduction de la Pauvreté
ECOFAC : Ecosystèmes forestiers d'Afrique centrale
FAO : Organisation des Nations Unies pour
l'alimentation et l'agriculture
FIPOL : Fonds International d'Indemnisation pour les
pollutions par les Hydrocarbures
GES : Gaz à Effet de Serre
IDH : Indice du Développement Humain
INADES : Institut Africain de Développement
Economique et Social
INICA : Initiative pour l'Afrique Centrale
ITIE : Initiative de Transparence des Industries
Extractives
ISO : International Organisation for
Standardisation
OCDE : Organisation de Coopération et de
Développement Economique
OEV : Orphelins et Enfants Vulnérables
ONG : Organisation Non Gouvernementale
ONU : Organisation des Nations Unies
P : Page
PFBC : Partenariat pour les forêts du Bassin du
Congo
PNAE : Programme National de l'Environnement
PNUE : Programme des Nations Unies pour
l'environnement
PPTE : Pays pauvres très endettés
RDC : République Démocratique du
Congo
RCA : République Centre Africaine
SIDA : Syndrome d'immunodéficience acquise
SNPC : Société Nationale des
Pétrole du Congo
SOGARA : Société gabonaise de
raffinage
UDEAC : Union Douanière et Economique de l'Afrique
Centrale
UICN : Union Internationale pour la Conservation de
la Nature
UNICEF : Fonds des Nations Unies pour l'enfance
WWF : World wildlife Fund (Fond mondial pour la
nature)
ZEE : Zone Economique Exclusive
Sommaire
Introduction générale
.........................................................................page,7
Partie I : L'impact de l'exploitation
pétrolière sur l'environnement : état des
lieux.
Chapitre I : L'impact sur les
milieux....................................................page,14
Chapitre II : L'impact socio-sanitaire
..................................................page,24
Conclusion de la première
partie............................................................page,32
Partie II : les mesures visant à limiter
l'impact de l'exploitation pétrolière sur
l'environnement
Chapitre I : Les stratégies de protection de
l'environnement...............page,34
Chapitre II : La mise en oeuvre des
stratégies........................................page,43
Conclusion de la deuxième
partie...........................................................page,51
Conclusion
générale...............................................................................page,52
Annexe
INTRODUCTION GENERALE
Sur une thématique telle que
pollution et protection de l'environnement en Afrique centrale, on ne pouvait
éviter de parler des multinationales pétrolières. Non par
ce que l'actualité s'y prête avec des prix du baril qui s'affolent
alimentant toutes sortes d'angoisses pour l'avenir, mais par ce que s'il est un
domaine de l'économie de l'Afrique centrale qui porte atteinte à
l'environnement, c'est bien celui de l'industrie pétrolière.
Le sujet est immense, on se limitera, dans le cadre de ce
travail, aux multinationales dites « majors »
(TotalFinaElf, Texaco, Exxon Mobil, Chevron, ...)1 dans le jargon
pétrolier. Et il ne sera point question de traiter le cas par cas, pays
par pays, entreprise par entreprise mais, de voir la situation d'une
façon globale.
D'abord situons l'Afrique centrale. Contrairement
à une idée fausse mais qui tend à s'enraciner, voulant
étendre l'Afrique centrale à tous les pays du bassin du Congo et
des grands lacs, l'Afrique centrale stricto sensu n'est composée que des
six Etats membres de la CEMAC que sont : le Cameroun, le Congo, le Gabon,
la Guinée Equatoriale, la RCA et le Tchad.
Géographiquement, l'Afrique centrale est
limitée au nord par la Libye, au sud par l'Angola et l'océan
Atlantique sur un littoral de 1789 km, le plateau continental d'une profondeur
de 200m a une superficie de 66500 km² et la zone économique
exclusive s'étend sur plus de 537900 km². A l'ouest l'Afrique
centrale est limitée par le Nigéria et le Niger, à l'est
par la RDC et le Soudan.
Sur le plan démographique, l'Afrique centrale
compte environ 32,1 millions d'habitants, en majorité jeune, repartis
sur environ 3 millions de km².
Sur le plan politique et économique enfin, les Etats de
l'Afrique centrale se regroupent au sein de deux institutions, la
Communauté Economique et Monétaire des Etats de l'Afrique
Centrale (CEMAC) créée en 1994 sur les cendres de l'Union
Douanière et Economique de l'Afrique Centrale (UDEAC) et la
Communauté Economique des Etats de l'Afrique Centrale (CEEAC).
Cinq des six Etats de l'Afrique centrale sont
producteurs de pétrole notamment le Gabon, le Congo, le Cameroun, la
Guinée Equatoriale et le Tchad. Toutefois, certaines études
sembles prometteuse au nord de la RCA a révélé
l'Association des Conférences Episcopales de la Région de
l'Afrique Centrale (ACERAC) 2. C'est pour ainsi dire qu'à
court ou long terme, tous les pays de l'Afrique centrale pourront devenir
producteurs de pétrole.
Au Congo, quatrième producteur africain
avec une production journalière estimée, en 2006 à 250000
baril/jour, TotalFinaElf qui a hérité des actifs d'Elf dans les
Etats francophones est le principal opérateur, où Agip,
implantée depuis les années 60, occupe la deuxième place.
TotalFinaElf y opère principalement en association avec Chevron Texaco,
Energy Africa (Engen, Afrique du Sud) et SNPC (Société Nationale
des Pétrole du Congo), la société nationale Agip
opère également en association avec Chevron Texaco et SNPC.
1 - Bulletin annuel de statistiques 2005 de l'OPEP ; Society
of petroleum Engineers
2 - ACERAC, L'Eglise et la pauvreté en Afrique
centrale : le cas du pétrole
Si Shell, Exxon Mobil ou BP n'y ont que des
intérêts très limités, des sociétés
plus petites, souvent nord-américaines comme l'entreprenante
société Marathon (également très présente en
Guinée Equatoriale) ou Anadarko, ont récemment pris des
participations importantes dans l'offshore congolais. Depuis 1968, les
compagnies pétrolières travaillent sous le régime des
jointes venture. En 1994, une nouvelle loi a offert aux compagnies
étrangères la possibilité de passer des contrats de
partage de production et la plupart des opérateurs en ont
signé.
Cependant, le Congo ne dispose que d'une raffinerie sur les
côtes de Pointe Noire, détenue par la société Coraf
(Congolaise des raffineries).
Au Gabon, troisième producteur africain avec
325000 baril/jour en 2006, les deux principaux opérateurs restent Shell
et TotalFinaElf implantés depuis le début dans le pays. Mais,
plus encore qu'au Congo, les investissements d'exploration sont
dorénavant surtout le fait de petites compagnies privées comme
Amerada Hess, qui produit déjà, Pioneer Natural Ressources,
Vaalco Energy, Pan African Energy Corporation Ltd, Sasol Petroleum
International et Petro Energy Ressources Corporation. Agip, troisième
opérateur historique du Gabon, s'est associée à la
très active société nationale Petronas sur trois blocs
d'exploitation.
Le Gabon, comme le Congo, ne dispose que d'une seule
raffinerie, sur les côtes de Port Gentil détenue par la SOGARA
(Société Gabonaise de Raffinage).
En Guinée Equatoriale, deuxième
producteur africain avec 350000 barils/jour en 2006, la première
découverte et la première production d'huile a été
réalisée par la firme espagnole Cepsa en 1994. Ce premier champ
à être exploité (Alba), qui fournit des quantités
très modestes, environ 1 million de tonnes par an d'une huile
très légère appelée
« Condensat », est désormais la
propriété de Marathon Oil, en association avec de petites
compagnies indépendantes américaines (Noble Affiliate, Globex
International). Le champ le plus important, Zafiro, est opéré par
Exxon Mobil, avec Ocean Energy, une compagnie américaine
indépendante. Le troisième champ important, Ceiba, est
désormais exploité par Amerada Hess.
Le Cameroun, septième producteur africain avec
une production moyenne de 62000 baril/jour, a commencé son exploitation
en 1978. Elf était omniprésent et contrôlait jusqu'au
début des années 90 les 2/3 de la production
pétrolière du champ de Limbe. Les modestes réserves de
pétrole et de gaz naturel du Cameroun se repartissent dans trois
zones : la petite fraction du delta du Niger qui se situe en territoire
camerounais, région vieillissante, le bassin de Douala/Kribi sur la
côte, et le bassin de Lagoni dans le nord.
Le Cameroun ne dispose également que d'une seule
raffinerie sur les côtes de Douala.
Au Tchad, nouveau venu dans la scène
pétrolière de l'Afrique et du monde, l'exploitation a
commencé en 2003 dans la région du Logone oriental dans le champ
de Doba par le consortium Exxon Mobil, Chevron et Petronas. Prévue
à l'origine pour s'élever à 225000 barils/jour, la
production s'est en fait établie en moyenne en 2005 autour de 180000
baril/jour. Le pétrole produit à Doba est évacué
vers le terminal de Kribi par un oléoduc long de 1070 km. Globalement,
l'Afrique centrale a produit en 2006 1115000 barils/jour soit 406975000barils
pour toute l'année 2006. Malgré cette potentialité
énorme en produits pétroliers, l'Afrique centrale ne compte que
trois raffineries de pétrole. L'essentiel de la production étant
vendu brut. L'Afrique centrale est à 80% exportatrice nette de brut.
Riche en pétrole, essentiellement offshore,
l'Afrique centrale demeure également exposée aux menaces sur
l'environnement et les personnes que représente chacune des
étapes de cette industrie. En effet, l'exploitation offshore
obéit à plusieurs étapes.
Autrefois des plateformes fixes étaient
utilisées pour l'extraction du pétrole, mais comme on a
recherché le pétrole dans les eaux de plus en plus profondes (=
200 m) et de plus en plus au large des côtes, les installations de
productions flottantes sont devenues la solution la plus courante pour
exploitation offshore.
L'exploitation offshore commence
généralement par les études sismiques. Cela consiste
à générer des ondes sonores puissantes,
généralement d'une basse fréquence. Leur réflexion
depuis le fond de la mer et les couches souterraines fournit des données
sur le potentiel en pétrole et en gaz de la zone. Cependant, les impacts
écologiques des études sismiques sont généralement
mal compris. Il existe que peu d'informations. Il a été
révélé que des études sismiques peuvent avoir un
impact négatif sur les poissons. Les prises de poissons dans la zone
où une étude sismique a été conduite peuvent
être réduites temporairement de 40%. Les scientifiques de ce
domaines estiment que les impacts peuvent être plus profonds et à
plus long terme si les études sont menées pendant la migration ou
la reproduction des poissons.
Dès que les études sismiques
révèlent une zone prometteuse pour la découverte de
pétrole, le forage exploratoire commence. Les opérations de
forage introduisent du pétrole et une grande variété
d'autres composés chimiques complexes dans l'environnement à
travers les fluides et les déblais de forage. Les écoulements les
plus importants viennent des eaux de production. Les volumes varient
considérablement tout au long de la durée de la vie d'un
gisement. Les eaux de production sont constituées en majorité
d'eau de réservoir à pétrole, relativement chaude,
contenant du pétrole dissous et dispersé, de fortes
concentrations en sel, de métaux lourds, d'hydrocarbures aromatiques
polycycliques, pas d'oxygène et parfois des matériaux
radioactifs.
Comment alors gérer les déchets ainsi
produits ?
Quatre méthodes sont possibles pour se
débarrasser des déchets de production, le rejet par-dessus bord,
le transfert à terre, comme l'illustre l'image en annexe, la
réinjection dans la structure géologique ou le stockage dans le
coeur de la plateforme ou d'autres structures comme des cuves
spécialement construites dans les fonds marins. Le rejet à la mer
est la méthode la plus simple et la moins chère mais aussi,
malheureusement, la méthode la plus dangereuse pour l'environnement.
La bande côtière fortement peuplée
et lieu d'importantes activités économiques de l'Afrique centrale
est l'une des zones les plus menacées par la pollution des hydrocarbures
et par les torchères qui brulent des gaz à longueur de
journée.
Si le pétrole fait peser la menace d'une
marée noire et la diminution des possibilités de pêche et
des activités touristiques, les torchères des gaz font quant
à elles peser celle de la montée des eaux (augmentation du niveau
de la mer), de la déforestation et la disparition de la diversité
biologique. Sur la population cependant, les habitants de cette région
de l'Afrique paient un lourd tribut. Non seulement les revenus
pétroliers alimentent les conflits internes et contribuent à
l'achat d'armes et au maintien de certains régimes dits dictatoriaux
mais aussi son exploitation est source de beaucoup de maladies suite à
la pollution. Le cas notamment du Congo Brazzaville (guerre du 5 juin 1997) et
de la rébellion tchadienne aux alentours des champs pétroliers
de la région du Logone oriental en sont révélateurs.
Ceci a pour conséquence la paupérisation
des populations car en Afrique en général et l'Afrique centrale
en particulier, le pétrole appauvrit plus qu'il n'enrichit entrainant
l'abaissement des revenus agricoles, des revenus de pêche, mais aussi la
diminution du taux de scolarisation.... En outre l'exploitation du
pétrole est source de beaucoup de maladies, surtout respiratoires et
épidermiques. Ainsi ces populations devraient méditer sur cette
phrase très courante en Afrique « si tu trouves du
pétrole dans ton jardin, bouches le trou et n'en parles à
personne ». Dans cette logique, ces propos d'Ester PABOU MBAKI
arrivent à point nommé quand elle déclare
qu'«à Pointe-Noire, à la fois ville du pétrole et
capitale économique du Congo Brazzaville, la pollution
pétrolière est un vrai problème qui menace dangereusement
aussi bien l'environnement que la santé des populations
»3. Et au ministre congolais des hydrocarbures,
l'écrivain Jean Baptiste TATI LOUTARD de reconnaître
« qu'en dépit des flux financiers importants que
génère l'activité pétrolière, son expansion
à un impact, non seulement sur la nature mais aussi sur les populations
proches des sites d'exploitation de pétrole ». Au Gabon, les
habitants du champ de Gamba, au Tchad et Cameroun, les habitants du long de
l'Oléoduc transportant le pétrole du champ de Doba vers le port
de Kribi sont exposés à la pollution résultant des fuites
des hydrocarbures. D'où cette indignation de monsieur Grégoire
MBA MBA, maire de Kribi lors d'une fuite sur l'oléoduc en 2006
« Notre ville vit de la pêche et du tourisme. Si d'autres
incidents, cette fois plus importants se produisent, c'est l'avenir
économique de la ville qui est menacé ».
Face à cette situation et sous la pression
de l'opinion publique et des ONG favorisées par l'arrivée de
l'ère démocratique, les multinationales ont, à partir des
années 70, multiplié les codes de conduite, les chartes, les
labels sociaux et environnementaux. Ces codes sont pour la plupart
auto-imposés, rédigés par les entreprises
elles-mêmes et portent sur les normes sociales, environnementales voire
sur le respect des droits de l'homme en général. Les
« majors » avec en tête de liste TotalFinaElf se sont
dotés de codes de conduite. Ainsi, TotalFinaElf dans son code notamment
au point 10 préconise d'agir « en respectant les
environnements naturels et les cultures de tous les pays dans lesquels il est
implanté ». Toujours en vue de respecter les principes
environnementaux ils mettent également en place des installations de
traitement de déchets. C'est dans cette logique que le 23 octobre 2006,
en présence du ministre congolais des hydrocarbures, TotalFinaElf,
représenté par son directeur général monsieur Guy
Maurice, a officiellement inauguré son installation de traitement
biologique des boues de forage et autres résidus hydrocarburés
sur son site du terminal pétrolier de Djeno (Congo), pourtant total
opère au Congo depuis les années 60. Ces entreprises disposent
aujourd'hui de département entier consacré aux questions
environnementales.
En dehors de cet aspect
« réglementaire », les multinationales mènent
également d'autres opérations telles que la sensibilisation des
populations environnantes des lieux de leurs activités des dangers
résultants de ceux-ci. Ils assistent aussi les populations par des
actions multiforme en faveur de la lutte contre la pauvreté en
construisant les centres scolaires, les centres médicaux sociaux et en
assistant les malades par une aide diversifiée aux malades.
Cependant ces déclarations de principes que sont
les codes de conduite posent un problème de contrôle et de valeur
juridique. Constituent-ils un réel progrès dans la prise en
considération par les multinationales des normes environnementales ou
bien sont-ils qu'un « rideau de fumée destiné à
calmer et à rassurer l'opinion publique ? » Ainsi, pour
M. Aubin de la Messuzière, directeur d'Afrique du Nord et du
Moyen-Orient au ministère français des Affaires
étrangères : « les codes de conduite (....) ne
sont pas dénués d'une certaine hypocrisie. Ils répondent
au souci d'image... »4. L'ACERAC de renchérir en
affirmant que «les entreprises pétrolières violent les
engagements pris dans le domaine de la protection de
l'environnement..... »5.
3 - voir PABOU MBAKI Esther, Le Congo désarmé
face à la pollution pétrolière
4 - voir le Rapport d'informations sur le rôle des
compagnies pétrolières dans la politique
internationale et son impact social et environnemental
5 - ACERAC, Pétrole et pauvreté en Afrique
centrale : le cas du pétrole.
Toutefois, même si l'ampleur des problèmes
dépasse largement les solutions apportées, il faut tout de
même reconnaître que ces compagnies veulent un tant soit peu
protéger l'environnement. Mais malgré cette volonté,
l'exploitation pétrolière ne peut être faite sans
pollution. En outre cette volonté est limitée par des
considérations tant intrinsèques qu'extrinsèques. Les
considérations intrinsèques tiennent à la philosophie que
suivent ces compagnies. Il s'agit du profit notamment. Toute activité
commerciale vise tout d'abord le profit et la protection de l'environnement
étant déconnecté du reste des activités, il est
souvent difficile d'y faire attention et d'apporter les fonds énormes
nécessaires à ces opérations. A cela s'ajoute la difficile
remise en état des sites après l'exploitation. De ce fait,
réduire la pollution au point zéro devient alors une illusion
pour les multinationales pétrolières même si les codes de
conduite le prévoient expressément.
Le problème de la pollution se pose avec
acuité en Afrique centrale du fait d'un manque de volonté
politique. En effet, les autorités politiques d'Afrique centrale
brillent par un laxisme caractérisé quant à l'application
des normes environnementales en général et celles relatives
à l'industrie pétrolières en particulier.
En Afrique centrale il ne manque des normes en la
matière6. Car la plupart des pays de cette région sont
signataires des grandes conventions relatives à la protection de
l'environnement adoptées depuis les années 60 au niveau
international et régional. Ces Etats ont également
développé au niveau national un corpus juridique apte à
protéger l'environnement ; chacun de ces pays dispose d'un
Programme National pour l'Environnement (PNAE). Le Congo a adopté le
tien en 1992. Le problème qui se pose est au contraire celui de
l'application de ces normes. Les normes environnementales ne sont pratiquement
pas appliquées, surtout celles relatives à l'exploitation
pétrolière. Cela se justifie par le fait que l'économie de
l'Afrique centrale reste très dépendante de l'industrie
pétrolière.
Le pétrole domine les économies
nationales. Il représente plus de 67% du PIB au Congo, 73% au Gabon, 86%
en Guinée Equatoriale. Les recettes pétrolières
représentent, au Congo par exemple 80% des recettes
budgétaires7. Cette situation est pratiquement la même
pour tous les pays de la région, producteurs de pétrole sauf le
Cameroun où, compte tenu de la diminution et de l'absence de nouvelles
découvertes, il a été développé
l'agriculture et l'industrie agropastorale. En outre, ces majors souvent
impliqués dans la gestion de ces Etats et leur soutien aux
différents régimes dits dictatoriaux. Du fait de cette situation
la pollution due par l'industrie pétrolière devient un sujet
tabou. Dans les milieux politiques on n'ose pas en parler car le faire serait
risquer sa vie. Toutefois certaines têtes, dépasser par la
situation finissent par « s'éclater » en le
dénonçant ouvertement. C'est notamment le cas du
député de l'opposition tchadienne NGARLEJY YORONGAR devenu la
figure emblématique à cause surtout de ses dénonciations
faites contre le consortium en charge de la construction de l'oléoduc
Tchad - Cameroun.
6 - Voir Maurice KAMTO, Les conventions régionales sur
la conservation de la nature et des ressources naturelles en Afrique et leur
mise en oeuvre.
7 - Yates (2004)
Ce laxisme et ce caractère tabou du sujet de la
pollution pétrolière sont en outre favorisés par la
mauvaise perception des questions environnementales non seulement par les
autorités politiques elles-mêmes, mais aussi par l'opinion
publique et les quelques ONG qui existent. En effet, en Afrique centrale,
parler de la pollution de l'environnement est une abstraction ou même une
vue de l'esprit. Car dans cette région la dégradation de
l'environnement n'est pas encore très perceptible aux yeux du public,
sauf quelques esprits éveillés, malgré sa
dégradation accélérée. On note toutefois quelques
ONG internationales luttant pour la conservation de la nature présentes
en Afrique centrale dont le World Wildlife Fund (WWF), le Global Witness, le
Centre International pour la Promotion de la Création (CIPCRE),
l'Institut Africain de Développement Economique et Social
(INADES-Formation), etc.
Face à ce constat, doit-on décider du
départ des multinationales pétrolières ? Sans
embarras nous dirons non. Car « pour les Africains ce qui est pire
que d'avoir une multinationale (pétrolière) sur son territoire,
c'est de pas en avoir du tout ». Mais dans quelle mesure ces
dernières sont-elles respectueuses de l'environnement en Afrique
centrale ? La réponse à cette question nous amène,
avant d'exposer les mesures visant à limiter l'impact de l'exploitation
pétrolière sur l'environnement (Partie II), de
faire d'abord l'état des lieux de l'impact sur l'environnement
(Partie I).
PARTIE I : L'impact de l'exploitation
pétrolière sur l'environnement : état des lieux.
L'Afrique centrale est une sous-région riche en
ressources minérales et notamment en pétrole. De ce fait, elle
représente un enjeu géostratégique, donc politique de
taille et constitue l'alternative au Moyen-Orient. Car les Etats-Unis, la
Chine, l'Inde ou le Brésil, pays dont les besoins
énergétiques s'accroissent avec leur développement
économique lui font recours.
Cette manne pétrolière n'apporte
évidemment rien aux populations. Non seulement ces populations ne
profitent pas des revenus pétroliers, au motif qu'il est
géré dans une opacité caractérisée entre les
mains d'une frange au pouvoir. Mais aussi leur environnement est durablement
affecté. Dans les paysages de Gamba-Conkouati, cette industrie est un
acteur essentiel et des impacts négatifs importants sur l'environnement
ont été observés. Le sud Tchad, zone
particulièrement favorable à l'agriculture et à
l'élevage est également touché du fait de l'exploitation
des puits de Doba. La ville de Kribi au Cameroun considérée comme
l'une des meilleurs sites touristiques du monde, la pollution est visible et
les populations sont gravement affectées.
A côté du risque réel de grandes
marées noires, la pollution générale reste un
problème, telle que ces populations du Golf de Guinée ont
surnommé le pétrole «la merde du diable ».
L'abandon non-conforme des puits de forage et pipeline tout comme les impacts
indirects, notamment le braconnage résultant de l'ouverture des massifs
forestiers, comme l'attestent les photos en annexe, mais aussi les maladies
respiratoires et épidermiques dues à la poussière dans le
cas du Tchad, des odeurs des hydrocarbures et des torchères de gaz qui
brulent à longueur de journée menacent également la
région. Le manque d'application des meilleures pratiques sur le plan
social et écologique demeure à long terme un défi
important. Il sera alors question, dans cette partie, de faire l'état
des lieux de l'impact sur les milieux naturels (Chapitre I)
avant de voir l'impact socio-sanitaire (Chapitre II) comme
conséquence d'un manque de protection de l'environnement.
Chapitre I : L'impact sur les milieux naturels
L'exploitation du pétrole ne peut se faire sans
emprise sur les milieux physiques. Cette emprise n'est pas cependant sans
impact. En Afrique centrale deux milieux sont principalement affectés.
Le milieu marin (section 1) du fait que l'exploitation du
pétrole est faite essentiellement offshore et c'est sur les côtes
que sont situés les terminaux et les raffineries, mais aussi le milieu
forestier (section 2) du fait de l'ouverture des massifs
forestiers pour y placer des installations et de l'effet de serre causé
par les gaz brulés dans les torchères.
Section 1 : L'impact sur le milieu marin
La pollution par hydrocarbure est en augmentation dans les
eaux côtières et sur les plages de toute l'Afrique centrale. Les
effets observés sur place indiquent que des dommages sont causés
aux écosystèmes côtiers (paragraphe 1), aux ressources
halieutiques et limite ainsi les possibilités de pêche et les
activités touristiques (paragraphe 2).
Paragraphe 1 : Pollution des côtes
Le littoral des pays d'Afrique centrale est long de
1789 km, le plateau continental d'une profondeur de 200 m a une superficie de
66500 km² et la zone économique exclusive (ZEE) 8
s'étend sur plus de 537900 km². La zone côtière
d'Afrique centrale est caractérisée par des lagunes, des
mangroves, des herbiers, des plages de sable et des zones humides d'estuaires
constituant des ressources vitales pour les activités de substance et le
développement économique. Cependant, compte tenu de
l'activité pétrolière intense dans cette zone elle est
exposée à une pollution multiforme notamment des plages et des
habitats naturels due aux installations pétrolières comme les
barges et les terminaux pétroliers qui reçoivent le
pétrole même quand il est produit on shore comme au Tchad par
exemple, mais aussi des torchères des gaz avec des conséquences
variées sur le milieu marin que nous verrons ci-dessous.
a) Pollution des plages
La géomorphologie définit une plage
comme une « accumulation sur le bord de mer de matériaux d'une
taille allant des sables fins aux blocs ». La plage ne se limite donc
pas aux étendues de sable fin ; on trouve également des
plages de galets et, dans les cas des blocs les plus gros, des plages
appelées beachrock.
On a tendance à restreindre la plage à
l'estran, mais elle comprend aussi l'avant-plage (aussi appelée
avant-côte et où l'on trouve les avant-dunes, appelées
dunes par les vacanciers, qui fait partie de la zone infralittorale. Quoiqu'il
en soit, les plages s'orientent perpendiculairement à la houle
dominante.
8 - Longtemps les Etats ont chacun, selon ses
capacités, déterminé leur plateau continental. Ce n'est
qu'à la troisième conférence des Nations Unies sur le
droit de la mer tenue à Montego Bay en 1986 qu'une eu été
trouvée une solution, le limitant à 200 mille marin. C'est au
cours de cette conférence que fut signée la convention de Montego
Bay dite la constitution de la mer.
Les plages de sable fin sont les plus appréciées
des vacanciers. On peut distinguer les sables « blancs »
d'origine organique (reste squelettes et autres coquilles ou siliceux) des
sables « noirs » d'origine minérale ou volcanique.
La distinction ne doit cependant pas se faire uniquement sur la couleur, des
sables d'origine organique pouvant apparaître noirs s'ils sont
chargés en matières organiques, et des sables d'origine
minérale pouvant être clairs, selon le type de roche qui leur a
donné naissance9.
Les plages de l'Afrique centrale sont classées parmi
les meilleures du monde. C'est notamment le cas des plages de Kribi au
Cameroun, de Pointe Noire au Congo et de Libreville ou de Port-Gentil au
Gabon, paradoxalement elles sont très polluées.
Cependant, le problème ne vient pas
uniquement des marées noires. L'exploitation du pétrole se fait
presque toujours au prix de la pollution des zones concernées et au
détriment des populations autochtones, qui n'en perçoivent pas
les bénéfices.
Il est fréquent que des pétroliers
dégazent et nettoient leurs moteurs au large. Ainsi, des résidus
de pétrole dégradé s'agglomèrent et sont
déposés sur les rivages par le vent, les courants et les vagues,
sous forme de boules de goudron. Viennent s'y ajouter les fuites provenant des
activités de forage de puits de pétrole, de la manipulation du
pétrole et des produits pétroliers dans les ports et des
raffineries situées en zones côtières (Pointe-Noire,
Port-Gentil, Douala), ainsi que celles des vedettes et pétroliers.
D'où ce voeux du président du Conseil Economique et Social du
Gabon constatant la pollution sur la plage de Mayumba : « il
serait bon que nous prêtions attention à la pollution de nos
côtes par les hydrocarbures issus de l'exploitation
pétrolière. Ce qui est observé à Mayumba ne saurait
nous laisser indifférents car ce phénomène suscite
beaucoup d'inquiétudes auprès des populations ». Mais,
le président va plus en disant qu'une enquête sera ouverte pour
déterminer les responsabilités sur cette pollution et a
suggéré « de faire quelque chose qui oblige les
responsables pétroliers de faire en sorte que l'environnement de ces
côtes ne soit pas abîmé car les conséquences sont
nombreuses sur la santé des hommes » 10.
b) Destruction des habitats naturels
L'habitat naturel c'est l'habitat de pêche
nécessaire pour la production de ressources données. Il peut
s'agir d'alevinières (par exemple, des mangroves et des herbiers
marins), ou de frayères (par exemple, des lieux particuliers dans
l'océan où les poissons se rassemblent pour se reproduire)
11. Ces habitats naturels font l'objet d'une destruction massive à
cause de certaines pratiques de pêche notamment les grands chalutiers
traînants et aussi par la pollution des hydrocarbures.
9 - Cette pollution n'est pas souvent prise en compte faute
d'une preuve de la faute des pétroliers. Dans ce domaine, il faut bien
arriver un jour à la mise en place de la responsabilité sans
faute des pétroliers dès que l'on constate un cas de pollution
liés aux hydrocarbures.
10 - FAO 2005
11 - Voir le site
www.infosplusgabon
Ces habitats sont également détruits
par l'activité pétrolière. En effet l'activité
pétrolière en polluant les côtes, n'épargne pas les
habitats naturels. Cette situation est encore plus accentuée en Afrique
centrale. En effet, on relève une destruction
accélérée des habitats naturels en Afrique centrale du
fait que cette pollution atteint les lieux de reproduction. Aussi dans son
rapport sur la diversité biologique, le gouvernement congolais, au titre
des menaces qui pèsent sur la diversité biologique ne manque
d'affirmer que « la pollution due aux activités
pétrolières....engendre naturellement la destruction de la faune,
de la flore, des habitats et des zones de fraie ». C'est aussi ce que
nous révèlent ces propos de Marcel TATY, chef des projets de
conservation de la nature dans la réserve de Conkouati à 160 km
de Pointe-Noire « Nous avons enregistré des
déversements pétroliers surtout à partir d'août
1998, sur les côtes. Et nous avons prélevé du goudron, du
cambouis qui remontait même très haut dans la lagune de Conkouati
qui constitue aujourd'hui une des réserves protégées de
l'Afrique centrale ». Cela est le fait des rejets en mer des
quantités de plus en plus importantes des hydrocarbures.
En détruisant les habitats naturels, la pollution
ne permet pas ou limite la reproduction des espèces, d'où la
diminution des possibilités de pêche et de tourisme.
Paragraphe 2 : Diminution des possibilités de
pêche et de tourisme
La pollution des côtes entraine une diminution des
possibilités de pêche (a) et de tourisme (b).
a) Diminution des possibilités de pêche
Les côtes ouest africaines en
général sont riches en ressources d'une diversité
variée. On y trouve des stocks pélagiques côtiers notamment
des sardinelles et des stocks pélagiques hauturiers notamment des
thonidés. Compte tenu de cette richesse, ces côtes sont le lieu
d'une intense activité de pêche. On y trouve de fortes
communautés de l'Afrique de l'ouest attirées par cette richesse.
Cette activité est d'abord menacée du
fait de la surpêche et de certaines pratiques qui ne protègent pas
les ressources d'une taille moyenne et d'un manque de politiques réelles
de conservation des ressources de la zone. Car les Etats de l'Afrique centrale
n'ont pas le contrôle effectif de leurs côtes. Parmi ces pratiques
l'on peut citer la pêche à travers les chalutiers et certaines
pratiques qui consistent à déplacer les rochers marins afin de
permettre le passage libre de ces chalutiers qui, de par ce fait
détruisent les habitats naturel.
Mais aussi et surtout, le développement croissant de
l'activité pétrolière et la pollution qui en
résulte est source d'une diminution de l'activité dans cette
zone. En effet, les rejets d'huiles qui forment une nappe flottante dans la
zone entraine un évitement de celle-ci par les espèces notamment
les crustacées et les sardinelles.
Cela a pour conséquence de contraindre les
pêcheurs artisanaux à aller de plus en plus loin au large pour
pouvoir attraper quelque chose. D'où ce constat d'Abraham MOSSASSI,
pêcheur dans un village près de Pointe-Noire « j'ai
constaté que l'eau a noirci. Elle devient parfois très sale. Les
pêcheurs reviennent avec peu de poisson. Et puis, ces derniers temps
nous sommes obligés d'aller plus loin pour espérer rentrer avec
une quantité de poisson. Ce phénomène de la pollution nous
empêche de mener à bien nos activités. Aussi, Albert YAMA
NKOUNGA dans son article intitulé « Pétrole et
développement » ne manque pas de souligner
qu' «.....en mer les espèces de poissons ont
disparu »12. Cette pollution du milieu marin et les
conséquences est aussi favorisée par le manque d'un encadrement
conventionnel de la matière. C'est ainsi que M. Bruno Rebelle avait
exprimé son regret pour le fait que « la convention de Londres
ne contienne aucune disposition sur le rejet en mer des plates-formes
pétrolières d'exploration ou d'exploitation ».
12 - voir Albert YAMA KOUNGA, Pétrole et
développement en Afrique centrale.
Du fait que l'économie de l'Afrique centrale est
entièrement tournée vers le pétrole, la diminution de ces
espèces ne semble pas préoccuper les Etats de cette
région. C'est à la fin de l'exploitation du pétrole que se
manifestera la nécessité de protéger des ressources et
ça sera trop tard ; la pollution ayant déjà tout
emporté à son passage. C'est aussi à partir de ce moment
qu'apparaîtra le drame de tant de décennies d'exploitation du
pétrole.
L'une des causes de non intéressement des Etats aux
problèmes de pollution marine est aussi le fait que la plupart des
pêcheurs artisanaux ne sont pas les ressortissants de ces Etats. On y
trouve de fortes communautés béninoises à Pointe-Noire et
Port-Gentil.
Voir aussi à juste titre le rapport national sur la
diversité biologique précité.
Une autre source de pollution cette fois moins visible
est bien sûr celle due à la peinture anti-Fuling appliquée
sur les coques des navires. En effet, la peinture anti-Fuling sur les navires
est une source importante mais souvent négligée de la pollution
causée par le trafic maritime. Ces peintures contiennent souvent de
puissants biocides tels que la tributytin. Les biocides réduisent
l'adhérence et la fixation des organismes marins sur la coque des
navires.
Mais ces substances pénètrent dans
l'environnement marin et peuvent affecter défavorablement plusieurs
espèces. Un des effets de la contamination par la tributyrine est
masculinisation d'escargots marins femelles, causant une réduction de
reproduction et le déclin des populations. Les escargots femelles
présentant un développement anormal d'organes reproductifs
mâles (appelés aussi imposex).
b) Diminution des possibilités touristiques.
Quatre des six Etats de l'Afrique centrale sont
côtiers et présentent de très belles plages qui constituent
de ce fait le lieu d'intense activité touristique. Cependant,
l'exploitation du pétrole étant essentiellement offshore, et du
fait d'un manque de protection effective de l'environnement notamment
côtier par ces Etats favorise la pollution résultante de
l'exploitation pétrolière par les multinationales
pétrolières. Cela cause un dommage à l'activité
touristique, d'où son ralentissement. Au Congo par exemple, le nombre de
touristes est passé de 30 milles en 1994 à 19 milles en
200013.
Ce ralentissement cause du tort non seulement aux
passionnés du tourisme, mais également à l'économie
de ces pays. Alors que l'on dénombrait plus de 356 milles touristes en
Afrique centrale en 1991, ce nombre est en décroissance significative
pour atteindre 335 milles en 1995.
En dépit du fait qu'ils sont producteurs de
pétrole, certains d'entre eux dépendent énormément
de l'activité touristique. Cette indignation de monsieur Grégoire
MBA MBA, maire de Kribi lors d'une fuite sur l'oléoduc Tchad / Cameroun
en 2006, « Notre ville vit de la pêche et du tourisme. Si
d'autres incidents, cette fois plus importants se produisent, c'est l'avenir
économique de la ville qui est menacé » n'est que
révélatrice. A Pointe-Noire par exemple, on constate qu'il y a du
goudron sur la plage. Cette plage qui, autrefois était beaucoup
fréquentée, n'est devenue que lieu de simples promenades. Car les
gens évitent également les odeurs des hydrocarbures qui viennent
du large. Le constat est le même dans les autres pays. Au Gabon, les
plages du Cap Lopez pourtant réputées comme l'une des meilleures
en Afrique, ne sont pas épargnées par cette grogne.
Section 2 : L'impact sur le milieu forestier
La pollution pétrolière n'épargne pas les
forêts tropicales d'Afrique centrale (Paragraphe 1) et la
diversité biologique qu'elles contiennent (Paragraphe 2)
13 - entretien avec le directeur général du
tourisme du Congo le 15 juin 2007
Paragraphe 1 : Dégradation des
écosystèmes forestiers
La FAO définit la forêt tropicale comme
étant « l'écosystème où la densité
minimale du couvert forestier et/ou des bambous est de 10%, et qui ne fait pas
l'objet d'utilisation agricole ». Cette définition
s'écarte de celle adoptée par la Commission des
Communautés Européennes. En effet selon elle les forêts
tropicales sont « ....les écosystèmes forestiers
naturels et semi naturels tropicaux ou subtropicaux intacts (primaires) ou non
intacts (secondaires) qui se caractérisent par la présence
abondante d'arbres, sous des climats secs humides »14. Ces
forêts font l'objet d'une destruction accélérée due
à l'exploitation industriels, artisanale mais aussi de la pollution.
a) Destruction des forêts suite à
l'exploitation industrielle et artisanale
L'Afrique Centrale abrite la forêt tropicale
humide du bassin du Congo, qui est la deuxième grande forêt
tropicale primaire du monde après les forêts amazoniennes. C'est
ainsi qu'on l'appelle le deuxième poumon du monde. Elle totalise
à elle seule quelques 31323600 hectares de forêts naturelle contre
12516000 pour l'Afrique de l'Ouest, 6586000 pour l'Afrique australe. Sa flore
détient un pourcentage d'endémisme très important de
familles et de genres. Le Cameroun à lui seul renferme 17% des
phanérogames et 44 à 55% de ptéridophytes du continent
africain. Quant à la RCA, sa forêt naturelle est encore intacte
à 59%. Cette forêt regorge plusieurs essences de valeur (3000
environ) dont les plus importantes sont : l'Okoumé,
l'Obèche, l'Azobé, l'Andoung, l'Ebène, l'Eucalyptus,
l'Acajou, le Sapéli, l'Ayous, l'Iroko. En chiffres, cela se traduit par
les données ci-dessous :
14 - FAO, Le défi de l'aménagement durable des
forêts : quel avenir pour les forêts du monde Rome 1994,
P,18
La FAO classifie les forêts en forêts tropicales
ombrophiles, forêts humide de zones sèches et très
sèches. Cf. FAO, Le défi de l'aménagement durable des
forêts, Rome 1994 P, 15 - 17
En Afrique, la forêt tropicale se trouve
concentrée dans le bassin du Congo, principalement en sur la territoire
de la République Démocratique du Congo. Ce pays concentre
à lui seul 109 245 millions d'hectares de forêts, dont
109 203 sont des forêts naturelles, occupant 48% du territoire.
Selon d'autres études, l'extension des forêts dans ce pays serait
de 177 millions d'hectare, dont 90% de forêt vierge.
Selon Park, plus de 60% de toutes les espèces de
plantes connues se trouvent dans les forêts tropicales ainsi que 40% des
espèces d'oiseaux, 80% des espèces d'insectes ( sur un total
estimé de 300000 espèces ) et 90% des espèces de
primates.
Pays, superficies forestières Millions d'hectares,
production de grumes Millions de m3
Cameroun
|
17,5
|
3,9
|
RCA
|
3,4
|
0,40
|
Congo
|
14,0
|
0,51
|
Gabon
|
20,4
|
3,0
|
Guinée Equatoriale
|
2,2
|
0,7
|
Tchad
|
0,2
|
|
Malgré cette grande potentialité, les
forêts d'Afrique centrale subissent une forte pression tant de la part
des autochtones mais aussi des étrangers.
En effet, l'Afrique centrale est classée parmi les
régions les plus pauvres du monde, les populations tirent l'essentiel
des substances de leur existence de la forêt. Il s'agit entre autre des
ressources biologiques de cette forêt, du bois de chauffe, et toute autre
ressource nécessaire à leur survie. Mais également ces
forêts sont le lieu d'importantes activités agricoles mais une
agriculture rudimentaire avec des pratiques comme itinérantes sur brulis
très couteuses à l'environnement.15
En outre l'exploitation du bois par les
sociétés étrangères surtout Malaisiennes ne
respectent pas le respectent pas le principe du développement
durable16.
Pourtant une institution à caractère sous
régionale est mise en place depuis 1999 afin de protéger cette
forêt : la COMIFAC qui a connu une mutation de la Conférence
des Ministres en charge des Forêts d'Afrique Centrale à la
Commission des Forêts d'Afrique Centrale lors du sommet de Brazzaville du
05 juin 05, qui a connu une participation internationale dont celle du
président français Jacques CHIRAC.
15 - la COMIFAC est aujourd'hui soutenue par l'Union
Européenne et les Etats-Unis d'Amérique
16 - le développement durable impose à ce que le
développement économique des générations actuelles
n'enfreigne pas les générations futures à répondre
à leurs besoins.
b) Dégradation due à l'exploitation
pétrolière
Les causes de dégradation sus
évoquées occultent en effet celle relative à
l'exploitation du pétrole.
L'exploitation du pétrole dans les forêts
tropicales exige des défrichages de certaines zones. Ainsi, au Cameroun
et au Tchad, la forêt a été détruite sur une
longueur de 1070 km afin de faire construire l'Oléoduc sus
évoqué. En dehors de cette dégradation directe, les
forêts d'Afrique centrale subissent également un effet de serre
résultant des torchères des gaz.
Le déversement du pétrole dans le milieu
forestier ne permet pas le développement normal des espèces. En
effet, quand le recouvre les racines aériens des arbres de mangrove, il
empêche l'oxygène de circuler dans les tissus des racines
enfoncées dans les sols anoxiques. Le pétrole peut être
absorbé par les racines, véhiculé jusqu'aux feuilles et
bloquer la transpiration. Le pétrole peut perturber les membranes des
racines, ce qui provoque une concentration mortelle de sel dans les tissus.
Une mortalité soudaine et massive d'arbres de
mangrove provoque une érosion des sédiments. A la suite d'un
déversement de pétrole à Panama en 1986, beaucoup d'arbres
de mangrove ont pourri et sont tombés. Cet exemple est visible aux
alentours de Gamba et du terminal de Djeno. Les sédiments de ces
habitats se sont érodés à des rythmes pouvant atteindre
plusieurs centimètres par jour. Cet impact sur la mangrove atteint les
habitats naturels marins que nous avons vus plus haut.
Paragraphe 2 : Disparition de la diversité
biologique
La convention de Rio de 1992 sur la diversité
biologique définit la diversité biologique comme étant la
« la variabilité des organismes vivants de toute origine y
compris, entre autres, les écosystèmes terrestres, marins et
autres écosystèmes aquatiques et les complexes écologiques
dont ils font partie ; cela comprend la diversité au sein des
espèces et entre espèces ainsi que celle des
écosystèmes » 17.
Il est devenu évident que depuis plusieurs
années, dans les plus grandes zones forestières tropicales
d'Afrique centrale, la diversité biologique se trouve menacée
à la suite de la déforestation et de la dégradation des
forêts. Le problème de l'extinction de la diversité
biologique dans cette région devient ainsi une priorité
internationale.
Les forêts tropicales de l'Afrique centrale
abritent la plus importante réserve de la biodiversité du monde
après les forêts amazoniennes. Elles sont riches en espèces
emblématiques, rares et ou menacées dont les grands
mammifères (Gorilles de plaines, Chimpanzés, etc....) ou les
oiseaux de forêt (Perroquets, Picatharte...). On y dénombre plus
de 10000 espèces de papillons....dont beaucoup sont
endémiques.
Cette importante réserve mondiale est en prise
également à la déforestation suite à l'exploitation
du pétrole, et à la pollution qui en résulte. Cela
entraine une diminution des ressources phitogénétiques.
17 - Convention de Rio de 1992 art.2
a) Disparition de la diversité biologique suite
à la déforestation.
L'exploitation du pétrole impose, à
certains endroits, l'ouverture et/ou le défrichage de massifs forestiers
à grande échelle. Ce défrichage est indispensable pour
l'implantation des installations nécessaires à l'exercice de
l'activité mais également des pistes ou voies où doivent
circuler les engins. La construction de l'oléoduc Tchad / Cameroun en
est une belle illustration.
Ce défrichage et les piste ainsi créées
favorisent un braconnage de plus en plus accrue dans les zones
d'activités. Car ils permettent aux chasseurs de pénétrer
très loin dans la forêt et à des endroits où, sans
ces pistes et ces voies ils ne pouvaient pas y arriver au grand dame de la
diversité biologique18.
Ainsi donc la suite de cette déforestation, la
diversité biologique se trouve menacée 19. Le
problème de l'extinction de la diversité biologique devient ainsi
une priorité politique internationale.
Sur le plan mondial, la disparition de la
diversité biologique a donné lieu à l'adoption de la
convention sur la diversité biologique, dont les objectifs sont la
conservation, l'utilisation commerciale durable et le partage des avantages
découlant de l'exploitation de ces ressources.20
18 - Cf. The Ecologist, 1987, vol. 17, n°4/5. Selon
l'éditorial de ce numéro, chaque jour de déforestation
impliquerait la disparition d'une espèce.
19 - Rapport Brundtland, P. 185
20 - La convention sur la diversité biologique fut
ouverte à la signature le 5 juin 1992 et est entrée en vigueur le
29 décembre 1993. Malgré l'existence de cet instrument
juridiquement contraignant, la disparition des espèces continue à
être l'un des problèmes majeurs de notre temps. Les constatations
à cet égard sont accablantes. Le rapport préparé et
publié par le Programme des Nations Unies pour l'Environnement (PNUE)
confirme la tendance à la disparition accélérée de
la biodiversité dans toutes les régions du monde. Cette tendance
s'est accélérée plus particulièrement en
Amérique du Sud, en Afrique et en Asie ou la dégradation de la
diversité biologique a atteint un niveau très préoccupant.
En dehors de cet aspect, l'exploitation du
pétrole se fait parfois directement dans des zones
considérées comme des réserves nationales ou mondiales de
biodiversité. Les installations pétrolières dans les
champs de Gamba Ivinga et de Rabi-Kounga au Gabon sont une illustration
parfaite de ce cas de figure. C'est à juste titre que Jean BOURGEAIS,
Conseiller Technique Principal de WWF - Gamba, intitule son article
publié le 21 décembre 2001 « Impact de l'exploitation
pétrolière dans le complexe de Gamba : le pire est à
venir ». En effet, dans cet article Jean BOURGEAIS met en
évidence la disparition de la biodiversité et l'impact
socio-sanitaire qui en résulte.
b) Disparition de la diversité biologique suite
à la pollution.
La diversité biologique, notion qui ne fait
pas l'assentiment de tous les auteurs21, est victime de la pollution
directe suite aux activités pétrolières. Le
problème s'accentue encore en Afrique centrale dans la mesure où
les Majors qui y opèrent n'entendent pas protéger cette
dernière. La diversité biologique est exposée à la
pollution des hydrocarbures notamment des odeurs, des nuisances et les rejets
qui échappent des installations. Cette pollution détruit les
habitats naturels. Tout compte fait, l'exploitation et extraction du
pétrole sont incompatibles avec les objectifs des aires
protégées appartenant aux catégories 1 à 4 de
l'UICN22et devraient donc être interdites par la
réglementation ou tout autre moyen.
L'environnement n'est pas une abstraction mais bien l'espace
où vivent les être humains et dont dépendent la
qualité de leur vie et leur santé et une atteinte à
l'environnement a nécessairement des répercussions
socio-sanitaires23.
21 - Voir à ce sujet Edward O. WILSON, La
diversité de la vie, Paris, Odile Jacob, 1993. En général,
Wilson préfère recourir à l'expression
« diversité de la vie », plutôt qu'à
son raccourci plus médiatique de
« biodiversité ».
22 - Voir Jean BOURGEAIS, Impact de l'exploitation
pétrolière dans le complexe de Gamba : le pire est à
venir. Selon Mr BOURGEAIS, « le complexe d'aires
protégées de Gamba n'est pas un cas unique d'implantation d'une
activité pétrolière, il existe d'autres continents, et la
zone tropicale humide africaine est depuis les années 70 le support
d'une activité pétrolière en plein développement on
shore et off-shore. Un recensement non exhaustif portant sur l'Amérique
latine identifie seize aires protégées dans la situation de Gamba
dont quatre classées en site Ramsar et quatre en réserve de
biosphère.
A consulter aussi le rapport de la République du Congo
intitulé « Rapport National sur la Diversité
Biologique », juin 2001.
www.riddac.org
23 - Voir à ce sujet l'ouvrage collectif de Michel
GERIN, Pierre GOSSELIN, Sylvaine Cordier CLUDE VIAU et Philippe
QUÉNEL : Environnement et santé publique : fondements
et pratiques, Tec & Doc Lavoisier, 1er janvier 2003
Chapitre II : L'impact socio - sanitaire
La vie en société et la santé
des hommes dépendent largement de leur environnement tant
immédiat que lointain. L'environnement est un élément
déterminant du maintien des moyens d'existence. La
nécessité de conserver les forêts tropicales amazoniennes
et celle du bassin du Congo témoigne cette adéquation entre
l'environnement, la société et la santé. Cette relation
est encore beaucoup visible et perceptible en Afrique en général
mais en Afrique centrale en particulier. En effet, il existe un paradoxe,
l'Afrique est la région la plus pauvre de la planète mais elle
est également l'une des régions où l'environnement est
encore à 70% naturel et intact malgré une dégradation
accélérée. En Afrique centrale en particulier, compte tenu
l'activité pétrolière qui s'y développe et du fait
que les populations de cette région tirent l'essentiel de leur
existence de leur milieu naturel, l'environnement en est gravement
affecté (cf. chapitre I). Destruction des forêts, pollution des
côtes, disparition des espèces, diminution de la
biodiversité débouchent inévitablement sur un impact
social (section 1) et encore et surtout à un impact sanitaire
très grave (section 2).
Section 1 : L'impact social
La dégradation de l'environnement a de graves
répercutions sur les populations de cette région d'Afrique
centrale en les rendant pauvres (paragraphe 1) et plusieurs conséquences
en résultent (paragraphe 2).
Paragraphe 1 : La paupérisation des populations
Qu'est ce que la pauvreté ? Selon le
Larousse, « la pauvreté est l'insuffisance des ressources
matérielles et des conditions de vie, ne permettant pas à des
êtres humains de vivre dignement selon les droits légitime et
vitaux (droit à l'eau, droit à l'alimentation etc.) de la
personne humaine, et les condamnant aux dures difficultés de la survie
au jour le jour ».
L'Afrique centrale est l'une des régions les plus
pauvres du monde. Plusieurs causes expliquent cet état de chose, entre
autre la dégradation de l'environnement. Comme le dit Ingrid HOVEN,
Président du Groupe de travail sur la coopération pour le
développement de l'environnement « La dégradation de
l'environnement est la principale cause de
pauvreté »24
Nombreux sont les facteurs qui expliquent la
dégradation de cet environnement de l'Afrique centrale entre autre
l'industrie pétrolière. Cette dégradation entraine une
paupérisation directe suite à l'occupation de certains milieux
notamment les terres agricoles (cf. sud Tchad) mais aussi une
paupérisation à long terme compte tenu de la pollution.
24 - Ingrid HOVEN, Avant propos sur le rapport de l'OCDE
« Liens entre pauvreté, environnement et
égalité entre l'homme et la femme. Pré-impression des
dossiers du CAD 2001, Volume 2, n°4, P.3
Selon d'autres études et analyses « il faut
commencer par éradiquer la pauvreté avant de se préoccuper
de l'environnement ».
a) Paupérisation directe
« Le pétrole rend pauvre »
dit - on. Cela est vrai pour les pays en développement. En effet, la
plupart les pays producteurs de pétrole d'Afrique centrale sont
classés parmi les plus pauvres du monde selon l'indice du
développement humain (IDH) de 1998 de la Commission Economique pour
l'Afrique et Centre de Développement sous Régional pour l'Afrique
Centrale. Cela s'explique surtout par la mauvaise gouvernance. Aussi comme
l'affirme Emil Salim « Non seulement les industries
pétrolières (.....) n'ont pas aidé les populations les
plus pauvres des pays en voie de développement, mais elles les ont
appauvri davantage »25.
Les populations non seulement ne tirent pas profit de
cette manne, elles sont encore victime de la pollution et de la
dégradation de leur environnement suite à cette activité.
S'il est admis que par environnement, on entend la terre
indispensable pour faire pousser de quoi manger, l'eau nécessaire pour
boire, se laver et irriguer les cultures, l'air que l'on respire, et une
multitude de produits alimentaires et médicaux naturels, il devient
évident que préserver l'environnement équivaut à
préserver la production alimentaire, préserver les moyens
d'existence, et préserver la santé.
Or pour exploiter le pétrole, les
multinationales portent une atteinte directe à l'environnement tant
terrestre, aquatique qu'aérien. Cette atteinte résulte de
l'implantation de leurs installations sur les terres cultivables ou en mer et
du défrichage des forêts mais aussi des torchères des gaz.
Cela rend les populations de plus en plus pauvres d'autant plus qu'elles ne
tirent l'essentiel de leurs moyens d'existence que de leur
environnement26.
25- Dr Emil Salim résumé du rapport de la Banque
mondiale 2004, paru le 16 juin 2004 dans le Financial Times britannique,
cité par Sandra Kloff et Clive Wicks dans Gestion
environnementale de l'exploitation de pétrole offshore et du transport
maritime pétrolier, paru octobre 2004
26 - Voir aussi le rapport aussi le Rapport d'Informations sur
le Rôle des compagnies pétrolières dans la politique
internationale et son impact social et environnemental, déposé
par la Commission des Affaires étrangères de l'Assemblée
nationale française, présenté par Mme
Hélène-Marie AUBERT, MM. Pierre BRANA et Roland BLUM, Tome 1, P.3
notamment l'audition de M. Mongo Béti, le 24 mars à 16h 15. Selon
lui, « les populations ne savent rien sur le montant de la rente
pétrolière, qui est déposé sur un compte du
Président de la République en Suisse. Ces sommes servent à
renforcer la dictature qui dispose ainsi de moyens importants pour se fournir
en armes et corrompre les hommes politiques locaux ou étrangers, voire
les intellectuels ».
Voir aussi à juste titre pour le cas du Congo, le
Document de Stratégies de Réduction de la Pauvreté
b) Paupérisation à long terme
Les multinationales n'exploitent le pétrole de
façon durable. Les actes qu'on pose aujourd'hui peuvent avoir des
répercussions dans l'avenir mais, rares sont ceux qui se
l'aperçoivent. La pauvreté qui sévi aujourd'hui peut
être la conséquence d'un manque de protection effective de
l'environnement. Seulement, cet aspect de la pauvreté n'est pas souvent
pris en compte lorsqu'on évalue les facteurs de la
pauvreté27. La destruction des forêts, la pollution des
côtes et les terres conduit inévitablement à
« l'insuffisance matérielle » et l'incapacité
de répondre aux besoins de première nécessité. Les
parents se retrouvent dans l'impossibilité d'envoyer leurs enfants
à l'école par le manque de moyens. C'est ce qui ressort du
tableau ci-dessous sur taux de l'éducation primaire:
Pays
|
1990
|
2000
|
2004
|
Cameroun
|
73,6
|
75,2
|
----
|
Centrafrique
|
46
|
44,9
|
66
|
Congo
|
79,4
|
77,9
|
----
|
Gabon
|
85
|
93,5
|
77
|
Guinée Equatoriale
|
91
|
93,3
|
85
|
Tchad
|
34
|
56,6
|
57
|
Certains n'arrivent plus accéder aux soins
médicaux et l'alimentation de base comme l'indique le tableau
ci-dessous :
Pays
|
Nombre de personnes sous alimentées
(millions)
|
Proportion de personnes sous alimentées sur la
population totale (%)
|
1999-90
|
2001-03
|
1990-92
|
2001-03
|
Cameroun
|
4,0
|
4,0
|
33
|
25
|
Centrafrique
|
1,5
|
1,7
|
50
|
45
|
Congo
|
1,4
|
1,2
|
54
|
34
|
Gabon
|
0,1
|
0,1
|
10
|
5
|
Guinée Equatoriale
|
-
|
-
|
-
|
-
|
Tchad
|
3,5
|
2,7
|
58
|
33
|
Total
|
10,5
|
9,8
|
-
|
-
|
Paragraphe 2 : Les conséquences
résultantes de cette paupérisation
La dégradation de l'environnement conduit
à la pauvreté. La pauvreté l'une des sources principales
des maux qui minent l'Afrique centrale tant au plan sociopolitique qu'au plan
économique.
27 - Document des stratégies de réduction de la
pauvreté (DSRP, Congo)
a) Les conséquences sociopolitiques
La sous région d'Afrique centrale est non
seulement l'une des régions les plus pauvres d'Afrique mais aussi celle
où l'on retrouve plusieurs pandémies notamment le SIDA.
L'insécurité alimentaire et la malnutrition constituent de graves
problèmes. L'Afrique centrale est aussi l'une des régions
où le taux de prévalence est très élevé. Il
est de 10,7% en Centrafrique, de 7,9% au Gabon, de 3,5% au Tchad et de 3,2% en
Guinée Equatoriale. Ce taux de prévalence et la mort des
séropositifs qui s'ensuit, car les populations n'ont pas l'accès
facile aux médicaments antiviraux est la cause d'un taux
élevé d'orphelins. Au Congo par exemple, une enquête
menée en 2003 a permis d'établir que 47% des enfants orphelins le
sont du fait du SIDA. Ils sont 78000 enfants classés OEV (Orphelins et
Enfants Vulnérables).
L'Afrique centrale est l'une des régions les
plus agitées d'Afrique. Cependant, longtemps on occulte l'aspect
lié à la pauvreté, qui est elle-même liée
à la dégradation de l'environnement. Car comme le dit le
professeur KAMTO, « l'idée de conservation de la nature est
vaine dans des régions où sévit la misère,
où les populations empruntent tout à la nature pour survivre,
où l'économie monétaire moderne en est elle-même
largement tributaire »28.
Cependant quand on évoque les causes de la
situation sociopolitique comme la guerre en Afrique centrale, on ne fait jamais
allusion aux causes liées à la dégradation de
l'environnement.
Le cercle ainsi défini nous permet alors de
dire que la dégradation de l'environnement entrainant la pauvreté
est donc de loin l'une des causes des conflits armés en Afrique
centrale. Car comme le dit Ingrid HOVEN « dans de nombreux pays en
développement, (....) et l'accélération de la
dégradation des ressources naturelles sont l'une des causes principales
des affrontements qui se produisent autour des ressources naturelles. Aussi
à Didier Claude ROD de renchérir « on est donc dans le
cycle infernal où le pétrole est la cause et la
conséquence du sous-développement : la population
s'appauvrit, victime de la guerre alimentée par les achats d'armes
grâce à la manne pétrolière ; tous les secteurs
économiques se désagrègent, sauf le secteur
pétrolier contrôlé par une minorité de dirigeants
étatiques et les firmes internationales, qui se renforce. La boucle est
bouclée : la population est non seulement spoliée des
richesses que les dirigeants se sont appropriés, mais elle en est
victime à travers la guerre » 29.
28- Maurice KAMTO, Les conventions régionales sur la
conservation de la nature et des ressources naturelles en Afrique et leur mise
en oeuvre.
«comment juguler, en effet, la destruction des
forêts par des paysans qui ont besoin de lopins de terre pour pratiquer
une agriculture de subsistance et de bois de chauffage pour des besoins
domestiques si l'on n'est en mesure de leur proposer des solutions
alternatives ? Comment mettre un terme à la déforestation
massive ou à l'exploitation anarchique des ressources sylvicoles par un
Etat qui en tire une part substantielle de ses revenus ou par des exploitants
agréés par lui, sans créer des sources alternatives de
revenus dans l'industrie par exemple sans promouvoir l'accès à la
technologie du bois dans les pays concernés, à la maîtrise
des techniques de régénération forestière et sans
fournir les moyens de protection et de préservation des domaines
forestiers classés en raison du caractère vital ou de la richesse
exceptionnelle de leurs écosystèmes ? «
Voir aussi les auditions de Mongo Béti, de Pascal
LISSOUBA et YORONGAR
29 - voir la sentence du Tribunal permanent des peuples
prononcée sur plainte du collectif « Elf ne doit pas faire la loi
en Afrique« Paris le 21 mai 1999.
a) Les conséquences économiques
Les conséquences économiques auxquelles
on fait allusion ici il s'agit de celles résultant de la pollution
pétrolière. Abstraction faite à la gestion des revenus de
la cette rente.
L'exploitation du pétrole dans les pays en
développement en général est synonyme de sous
développement de pauvreté et de maladies. Comme l'illustre les
cas du Congo, du Cameroun, Tchad et du Cameroun, c'est sous l'exploitation du
pétrole que la dette de ces pays a augmenté d'une façon
vertigineuse. Au Congo, la dette s'élevait à six milliard en 1992
alors que ce petit pays a commencé l'exploitation de son pétrole
dans les années 1960.30
Des conséquences sont dues entre autre à
la diminution de la force de travail. En réduisant la force de travail
suite à la maladie qu'elle cause, la pollution pétrolière
constitue un coup dur pour l'économie de cette région. Les autres
secteurs se trouvent alors affectés non par ce que les revenus
pétroliers ne sont pas ventilés vers ces secteurs mais par ce que
toute la population se retourne alors à cette manne.
En négligeant les autres secteurs de
l'économie, les Etats d'Afrique centrale deviennent des Etats rentiers
très dépendants des fluctuations du prix du
baril31.
L'économie d'un pays ou d'une région est
intimement liée au niveau de vie de ses populations et de leur force de
travail. C'est de l'état de santé de la population que
dépend le rendement dans tous les secteurs de l'économie. Les
populations de l'Afrique centrale étant durement affectées,
l'économie paie un lourd tribut. Car ces populations ne peuvent plus
travailler compte tenu de tous ce qui précède et ne peuvent plus
produire la richesse normale nécessaire à sa survie. Il en
résulte donc une dépendance à d'autres régions et
d'autres continents notamment l'Europe ; exception faite toutefois au
Cameroun. L'importation des produits alimentaires est par exemple de
près de 40% du total général des importations chaque mois.
30 - Rapport d'informations précité de Mme
Hélène HAUBERT de 1999, voir audition de monsieur Pascal LISSOUBA
et ses deux ministres de l'époque.
31 - la conférence de l'association des Hautes
Juridictions de Cassation des Pays Ayant en Partage le Français sur le
thème « La contribution du droit au développement
durable«, voir la contribution de Roland POURTIER.
Section 2 : L'impact sanitaire
La pollution due aux hydrocarbures est source de plusieurs
maladies aussi bien respiratoires (paragraphe 1) qu'épidermiques
(paragraphe 2).
Paragraphe 1 : Les maladies respiratoires
Le pétrole tue. Le pétrole tue au double
niveau, aussi bien à l'exploitation qu'à la consommation. La
consommation de plus en plus élevée du pétrole de par le
monde constitue un risque pour la santé de la planète. La
canicule et aujourd'hui le combat pour les biocarburants en sont des
illustrations parfaites de ce phénomène. Cependant ne seront
abordées ici que les maladies liées à son exploitation.
a) La tuberculose
Le manque de protection effective de l'environnement par
les multinationales pétrolières cause du tort à
l'environnement (cf. chapitre 1) et aussi à la santé des
populations surtout environnantes. Au premier bon des accusés, les
maladies respiratoires : la tuberculose. La tuberculose est une maladie
infectieuse causée par le bacille de Koch. Cette maladie est
fréquente en Afrique centrale, surtout dans les zones
pétrolières.
Cela est dû à la présence dans ce minerai
(le pétrole) de certaines substances comme les oxydes d'azote, le
monoxyde de carbone et surtout le dioxyde de soufre également
très cancérigènes.
A cela s'ajoute la poussière des gros engins. En
effet dans certaines zones, pour faire évacuer leurs productions, les
multinationales pétrolières ont ouvert des voies, mais sans
pourtant les bitumées. Des milliers de camions citernes qui y circulent
nuit et jour, soulèvent de la poussière au mépris des
populations environnantes. Cette situation est surtout perceptible le long de
l'oléoduc Tchad / Cameroun. La poussière ne permet pas le
développement normal des plantes. Car la poussière ainsi
soulevée se dépose sur les feuilles, ce qui empêche la
photosynthèse nécessaire à tout le métabolisme de
la plante.
Ces substances et cette poussière sont
très nuisibles à la santé et elles atteignent
principalement les organes respiratoires (les poumons, le foie...). Ainsi, en
Afrique centrale et nomment dans les zones d'exploitation, on relève une
forte augmentation du taux de tuberculeux. Dans cette situation, les plus
touchés demeurent les femmes et les enfants. Le taux des tuberculeux est
de 385 de personnes au Gabon pour une population de moins de deux millions
d'habitants et de 283 en Guinée Equatoriale pour une population de moins
d'un million d'habitants. Au Cameroun, le taux des maladies respiratoires est
de 25 à 30% alors qu'il était de 20% dans les années
80.
C'est ce que, parlant de la toux sans indiquer le nom de
cette maladie, le député tchadien NGARLÉJY KOJI YORONGAR
affirme « les gens souffrent de la toux ». Cette situation
est devenue très préoccupante à tel point que monsieur
Noël NOUDJITOUDJI de la cellule Environnement et sécurité
routière du ministère tchadien des Infrastructures prédit
en disant qu' : « à la longue, la zone enregistrera
beaucoup de maladies pulmonaires, à la limite
cancérigène ».
En outre, le pétrole en affectant les eaux
côtières ainsi que les ressources qui y vivent, portent atteinte
à la santé de la population environnante. Car celle-ci tire
l'essentiel de sa subsistance des eaux, en consommant ces ressources, elle
consomme donc directement les substances sus évoquées. Les
poissons de mer à Pointe Noire par exemple ont un arrière gout
d'hydrocarbures.
b) Le cancer
Le cancer est une maladie encore male connue en Afrique
centrale, pourtant le nombre de cancéreux va en augmentant et on ignore
aujourd'hui les origines de cette maladie. Pourtant les hydrocarbures
polycycliques aromatiques font partie des premiers cancérigènes
connus.
On trouve en Afrique centrale par exemple les cas de cancer
d'estomac, de poumon, de foie et bien d'autres. Mais aussi le cancer de la peau
qu'on étudiera ci-dessous. Au Congo Brazzaville et notamment à
Pointe Noire, on relève 558 patients de cancer en 1999. Cette situation
devient encore plus alarmante à cause d'un accès limité
aux services de santé de base.
Paragraphe 2 : Les maladies de la peau
Elles sont plusieurs, les infections dues à
l'exploitation du pétrole. Dans le cadre de cette étude, nous
nous limiterons aux allergies cutanées et aux cancers de la peau.
a) Les allergies cutanées.
Les pays en développement en
général et ceux de l'Afrique centrale en particulier contribuent
peu sinon pas à la production industrielle des gaz à effet de
serre (GES). Car dans cette région il n'existe pas de grandes industries
de fabrication avec une consommation de plus en plus élevée des
hydrocarbures, susceptibles d'entrainer un effet de serre et porter atteinte
à la santé.
Toutefois, les problèmes de santé
liés à la pollution de l'environnement demeurent cruciaux. En
Afrique centrale, il manque de véritables sociétés de
ramassage des ordures ménagères et bien d'autres déchets
comme les sachets utilisés pour l'emballage. L'utilisation de plus
élevé de sachets crée le problème d'inondation dans
certaines zones. Car les eaux de pluies n'arrivent plus à
s'infiltrer.
Cependant l'exploration et l'exploitation du
pétrole dans cette région pollue l'atmosphère à
cause des gaz qui sont brulés par les torchères au large des
côtes et aussi de l'abandon non-conforme des puits après
l'exploitation. Ainsi, du fait de cet effet de serre, on enregistre des cas de
certaines allergies cutanées. A Pointe Noire, où près de
1200 personnes cohabitent avec terminal de Djeno, on enregistre cinq à
dix cas par mois, auxquels s'ajoutent vingt à vingt quatre dermatoses
traitées. Cette situation s'accentue à cause aussi de l'abandon
non-conforme des anciens puits et de la mauvaise gestion des déchets.
Ainsi, à Pointe-Noire, on trouve un endroit dite
« rivière rouge » par la population environnante
à cause de la pollution de la dite rivière exploitée par
Total dans les années 70, aujourd'hui abandonnée à
Zetath.
b) Les cancers de la peau
Les types les plus fréquents de cancer de la
peau sont carcinome basocellulaire et carcinome spinocellulaire. Le carcinome
basocellulaire se manifeste souvent sous forme de petits cratères dont
la surface est brillante ou perlée.
Le cancer de la peau autre que le mélanome
débute pratiquement toujours par une plaie ou une marque sur la peau qui
n'arrive pas à guérir. Parfois, on remarque une modification de
taille, de forme, de sensation, de couleur, d'apparence à la surface et
d'élévation par rapport au reste de la peau. La plaie peut
également devenir irritée ou douloureuse, ou commencer à
saigner ou à s'ulcérer.
Cette maladie est très présente en
Afrique centrale surtout dans les zones pétrolières. Cependant,
faute d'une bonne information cumulée à l'inculturation, peu sont
alors les patients qui consultent les médecins. Ceux qui souffrent de
cette maladie se considèrent comme étant victime d'un mauvais
sort communément appelée « mouandza) en Afrique
centrale.
En outre, faute de voir un médecin, l'origine de
la maladie demeure inconnue du grand public. Pourtant, les quelques cas
enregistrés révèlent le rejet des substances
cancérigènes dans l'atmosphère par les torchères
qui brulent à longueur des journées.
Conclusion de la première partie
L'Afrique centrale exploite le pétrole depuis
plus de quatre décennies. Quatre décennies d'exploitation, quatre
décennies de destruction de l'environnement. Le bilan de l'exploitation
du pétrole est lourd. En effet, l'exploitation du pétrole a
porté une atteinte très grave à l'environnement tant
terrestre, marin qu'aérien. On relève la destruction des
écosystèmes forestiers, destruction qui entraine la disparition
de la diversité biologique, pollution des côtes et des plages qui
entraine la diminution des possibilités de pêche et de
tourisme.
Cet impact aux milieux naturels a eu de graves
répercutions sur la société. Car l'environnement et
l'homme sont unis par un lien naturel de cause à effet. Ainsi, porter
atteinte à l'environnement revient à porter atteinte à
l'homme. Elles vont de l'atteinte physique à l'atteinte sociale. Cette
atteinte a des conséquences pluridimensionnelles.
De l'atteinte physique, on relève des maladies
de différentes sortes et en occurrence les maladies respiratoires, comme
la tuberculose, et d'autre comme le cancer qui atteignent les appareils
respiratoires, notamment les poumons, le foie etc. A ces maladies
respiratoires, il s'ajoute les maladies de la peau entre autre, le cancer de la
peau et d'autres infections et allergies cutanées.
Sur le plan social le bilan est également
lourd. Le pétrole est une source théorique de richesse. Il est en
fait, facteur de corruption et augmente l'écart entre les riches et les
pauvres. Non seulement la destruction de l'environnement entraine des maladies
qui, du reste, ne permettent pas à l'homme de travailler et de se
développer comme il le faut, mais aussi elle rend pauvre. De la
pauvreté résultent beaucoup de maux qui accablent l'Afrique
centrale. Augmentation du taux de pauvreté, diminution du taux de
scolarisation, insécurité politique et alimentaire, tous ces maux
sont de près ou de loin les conséquences de la destruction de
l'environnement et vice versa. La pauvreté constitue l'une des causes de
la destruction de l'environnement. On se retrouve alors dans un cercle
fermé entre l'environnement et la pauvreté. Car l''environnement
et la pauvreté sont liés par un lien de causalité.
Ces maladies et toutes ces conséquences sont
en proportions montante, malgré les voeux des ONG et de certaines
institutions internationales pour le respect de l'environnement par les
multinationales pétrolières sous le thème de
développement durable, celles-ci peinent à protéger
l'environnement compte tenu de la déconnection de cette activité
avec les autres. Toutefois, sous cette pression, les multinationales
pétrolières ont défini, depuis les années 1970,
certaines stratégies et politiques visant à protéger
l'environnement.
PARTIE II : Les mesure visant à limiter
l'impact de l'exploitation pétrolière sur l'environnement
L'Afrique centrale exploite le pétrole depuis
les années 60. Cela fait plus de quarante ans. Pourtant, ce n'est
qu'à partir des années 70 à la faveur de la
conférence de Stockholm de 1972 sur le thème, l'Environnement
humain qu'est apparue la nécessité d'oeuvrer de façon
collective pour la protection de l'environnement. Suite à cette
conférence et notamment aux principes contenus dans la
déclaration dite de Stockholm, deux plus tard, en 1974, le Conseil
Economique et Social des Nations Unies a mis sur pied une commission des
sociétés transnationales. Trois ans après, cette
commission lançait un groupe de travail chargé de faire des
propositions pour réglementer au niveau international les
activités des entreprises transnationales (tout secteur confondus). Mais
les travaux n'aboutirent à aucun consensus politique et le projet tomba
définitivement à l'eau en 1992, avec la fermeture du Centre des
Nations Unies sur les entreprises transnationales. Une fermeture due aux
pressions des Etats-Unis et d'autres pays industrialisés.
En 1976, l'Organisation pour la Coopération et
le Développement Economique (OCDE), le club des pays
industrialisés adoptait à son tour des principes directeurs de
l'OCDE) à l'intention des entreprises de respecter ces principes partout
où elles sont présentes. Rédigés de manière
vague, ils couvrent notamment des aspects de développement durable et de
droit de l'homme.
Dans cet élan, chacune des multinationales
pétrolières adoptèrent, bien que de façon
lancinante, des stratégies de protection de l'environnement. Ces
stratégies peuvent être classées en deux groupes : les
stratégies internes et les stratégies externes.
Les stratégies internes sont propres à
l'entreprise. C'est l'entreprise elle - même qui défini ses normes
relatives à la protection des droits de l'homme, de la protection de
l'environnement..... Parmi ces stratégies, la première a
consisté à adopter les codes de conduite. C'est Shell, dans le
secteur pétrolier, qui a ouvert la voie dans ce sens. TotalFinaElf a
adopté le tien en décembre 2000. A la page10 de ce code, le
Groupe préconise d'agir « en respectant les environnements
naturels et culturels de tous les pays dans lesquels il est
implanté ».
Les stratégies externes sont celles relatives à
la sensibilisation des populations aux dangers résultants de leurs
activités et aussi des actions d'appui ou d'aide aux populations.
Ces stratégies du reste ne sont que des
politiques et options à suivre dépourvues d'une force
contraignante. Leur effectivité dépend de leur application
pendant et après l'exploitation du gisement selon le bon vouloir de
l'entreprise.
Partant, dans cette deuxième partie, nous examinerons
ces stratégies (Chapitre 1) avant de déboucher
sur leur mise en oeuvre (Chapitre 2).
Chapitre 1 : Les stratégies de protection
de l'environnement
Conscientes du fait que leur activité est très
polluante, les multinationales pétrolières ont défini
certaines stratégies internes (section 1), mais
également d'autres externes (section 2) afin de
protéger l'environnement.
Section 1 : Les stratégies internes
Parmi les stratégies internes figurent, les codes de
conduite (Paragraphe 1) et aussi la formation de leurs agents aux
problèmes environnementaux (Paragraphe 2).
Paragraphe 1 : Les codes de conduite
Selon une étude de l'Organisation pour la
Coopération et le Développement Economique, on peut
définir ces codes privés comme l'énoncé par la
société « des normes et des principes régissant
la manière de conduire son activité »32. Les
codes de conduite sont des instruments à caractère intentionnel
qui définissent des objectifs à atteindre mais, leur valeur
juridique reste discutable.
a) Le caractère intentionnel des codes de
conduite
Longtemps, l'industrie du pétrole comme toutes
les autres formes d'industrie se sont développées en dehors des
« préoccupations environnementales » 33.
Ce n'est qu'à partir des années 70, suite aux catastrophes comme
l'échouage d'Amoco Cadiz que la communauté internationale, suite
à la pression des ONG et des organismes internationaux, a senti
l'urgence de lutter pour la protection de l'environnement.
La pression des organismes internationaux (OCDE),
régionaux (Conseil de l'Europe) et des ONG (Greenpeace, .....) a
poussé les multinationales pétrolières à adopter
les codes de conduite. Ceux-ci définissent les intentions ou des
objectifs à suivre en matière de droits de l'homme et de
protection de l'environnement. Cependant, ces documents sont souvent
rédigés par des spécialistes de droit enfermés dans
leurs bureaux, sans avoir mis pied sinon pour une courte durée dans un
champ pétrolier.
Dans cette course aux codes de conduite, c'est Shell la
première à avoir adopté un code de conduite. La position
de Shell traduit les dénonciations faites à son endroit dans le
Delta de Niger. Shell fut succédée par TotalFinaElf en 2000.
32 - Codes de conduite : étude exploratoire sur
leur importance économique. Groupe de travail du Comité des
échanges de l'OCDE.
33 - loi du 10 juillet 1976 sur la protection de la nature,
art. 2
Dans sa préface au code de conduite de TotalFinaElf,
monsieur Thierry DESMARET, Président Directeur Général du
Groupe énonce que « Nos valeurs de base sont le
professionnalisme, le respect des collaborateurs du Groupe, le souci permanent
de la sécurité et de la protection de l'environnement ainsi que
la contribution à l'essor des communautés qui accueillent nos
activités ».
Ces codes, chartes ou déclarations de
principes, les intitulés varient, ressemblent souvent à des
textes pour les consommateurs qu'à un outil de marketing destiné
aux syndicats ou aux associations tiers-mondistes ou de défense de
l'environnement. Dès lors, à côté des modèles
avancés par les entreprises elles-mêmes ou encore proposés
par des organisations non gouvernementales, sont apparus des codes
proposés par des institutions gouvernementales, à l'instar de
ceux élaborés par le Bureau International du Travail (BIT) ou
encore, plus récemment, le Parlement Européen, ou encore, le code
de conduite des multinationales de l'Organisation pour la Coopération et
le Développement Economique.
b) Valeur juridique des codes de conduite
La valeur juridique des codes est un
élément important lorsqu'on veut parler de la
responsabilité des multinationales pétrolières. Doit-on
les placer au même titre que des lois auxquelles elles sont tenues, ou
bien encore que de simples intentions ou de simples objectifs à
atteindre dépourvus de la force obligatoire ou contraignante ?
Sinon, quelle est la valeur de ces codes ?
La réponse à toutes ces interrogations
nous amènent à analyser le comportement de ces multinationales
sur le terrain, en Afrique centrale en particulier, à travers les
différents cas sus évoqués (Oléoduc Tchad /
Cameroun, le champ de Gamba, les terminaux de Kribi et de Djeno). De l'examen
de ces cas fait dans la première partie de ce travail et les
conclusions sont très décevantes.
C'est pourquoi, l'on ose croire que ces codes, comme dit plus
haut ne répondent qu'à un souci d'image suite aux
dénonciations dont elles sont la cible, non pas à une
volonté réelle de protection de l'environnement et de tous les
autres objectifs qu'elles se sont fixées. Tout ceci découle du
contexte et du processus de leur élaboration.
Les code sont élaborés par les
multinationales pétrolières elles-mêmes et se concentrent
généralement sur des questions précises ci-dessus
évoquées. Volontaires, le non respect des principes
érigés dans ces codes n'est pas
« sanctionnable »34en droit. Néanmoins,
le droit ne considère pas que le caractère juridiquement
sanctionnable d'un document soit la condition nécessaire et suffisante
de son fondement en droit. Dans son intervention à la session du
Tribunal permanent des peuples sur les conditions de travail dans le secteur
textile, René De SCHUTTER cite Giorgio SACEDOTI à propos de la
portée des codes de conduite. « La théorie juridique,
écrit ce dernier, s'est libérée du préjugé
selon lequel la sanction est une donnée essentielle pour
reconnaître à une règle un caractère juridique. La
théorie du droit international s'est libérée à son
tour d'un autre préjugé selon lequel il n'y aurait de droit que
là où il y a une procédure formelle de création de
la règle, bien établie à
l'avance... »35
34 - Anne PEETERS, Les codes de conduite,
instrument de régulation des multinationales ?
Le meilleur ou le
pire
GESEA Asbl, 1999
35 - En Afrique la mise en cause d'un pétrolier est
synonyme d'atteinte à l'Etat. Cf. la répression de Shell contre
le peuple Ogoni au Nigéria appuyée par les forces de l'ordre de
cet Etat
Il ressort que les codes de conduite peuvent bien
servir de base pour engager la responsabilité des multinationales
pétrolières.
Cependant, qui peut intenter une telle action et
devant quel juridiction compte tenu de l'implication de ces multinationales
dans la gestion de ces Etats d'Afrique centrale, mais aussi et surtout de la
faiblesse de la société civile et de la faible mobilisation des
ONG.
Paragraphe 2 : la formation des agents aux questions
environnementales
Afin d'atteindre les objectifs qu'elles se sont fixés
en matière d'environnement, les multinationales
pétrolières entreprennent la formation de leurs agents. Elles ne
peuvent prétendre préserver l'environnement si leurs agents
ignorent les contours de ce concept.
a) des programmes de recherche
L'industrie pétrolière se
développe, en grande partie en Afrique centrale, en milieu marin. Afin
de mieux comprendre ce milieu et mieux le préserver face à la
menace croissante des hydrocarbures, les multinationales
pétrolières financent de nombreux programmes de recherche pour
leurs agents, axés prioritairement sur les récifs coralliens et
les mangroves.
Depuis 1992 par exemple, la fondation Elf est partenaire du
parc national du Port-Cros, premier parc national marin d'Europe et de
Méditerranée, et de son service, le conservatoire botanique
national de Porquerolles.
Dans ce cadre, la fondation soutient un programme à
forte dominance marine qui s'est poursuivi dans le les domaines
suivant :
Etude de l'impact de plongée sous marine sur les
milieux fragiles et particulier sur les algues calcaires, suivi et adaptation
de mesures d'éradication des espèces toxiques ou envahissantes,
évaluation et amélioration des mouillage écologiques
expérimentaux.
Toujours dans ce sens de la formation de ses agents, la
fondation vient de lancer un programme de recherche international sur la
biodiversité des récifs coralliens. Couvrant environ un million
de kilomètre carré (km²) et abritant des milliers
d'espèces animales et végétales, ils constituent l'un des
écosystèmes les plus diversifiés de la planète et
protègent de nombreuses côtes de l'érosion.
Tout ceci, en vue d'atteindre l'objectif fixé à
l'article 7 de sa Charte Sécurité Environnement Qualité
selon lequel « Chacun, à tout niveau, doit être
conscient de son rôle et de sa responsabilité personnelle en
matière (.....) de dommage à l'environnement ».
Cependant cette option de formation est moins
visible dans la région d'Afrique centrale. Ceux qui
bénéficient de ces formations sont pour la plupart des
expatriés et non les autochtones. Ce qui fait que cette région
est toujours victime des pollutions et bien d'autres dégâts
causés à l'environnement.
b) les ateliers et séminaires
Pour être toujours bien informées des
enjeux de l'environnement et surtout des nouvelles questions qui se posent, les
multinationales pétrolières participent également aux
ateliers et séminaires qui sont organisés à travers le
monde en la matière.
C'est pour cette raison que lors de l'atelier
régional tripartite sous le thème « comment maximiser
l'impact de l'industrie pétrolière sur le développement en
Afrique centrale ? » organisé par l'Initiative pour
l'Afrique Centrale (INICA) et le Centre de Développement de l'OCDE (DEV)
du 13 au 14 juillet 2005 à Brazzaville, on note la présence des
représentants de l'industrie pétrolière36.
36 - Liste des participants à l'atelier de l'INICA du
13 au 14 juillet 2005 à Brazzaville sous le thème «Comment
maximiser l'impact de l'industrie pétrolière sur le
développement en Afrique centrale ?«
Hormis cet appui financier et technique, les multinationales
pétrolières consacrent des investissements croissants aux
populations sous forme d'investissements sociaux et de plans de
développement local, construction d'écoles, assistance SIDA pour
les employés.
TotalFinaElf était représenté par
André BAHOUMINA, coordonnateur de développement durable et
d'Yves-Robert LEFEBURE, Directeur Négociations et Relations
Extérieures. De son côté, Chevron était
représenté par Katia Tatu MOUNTHAULT, coordonatrice des relations
publiques et des projets communautaires.
Section 2 : Les stratégies externes
Dans le but de protéger les environnements dans
lesquels elles opèrent, les multinationales pétrolières
sensibilisent le public sur cette question (Paragraphe 1) et appuient les
actions sous régionales de protection de l'environnement (Paragraphe
2).
Paragraphe 1 : La sensibilisation du public
La sensibilisation du public aux questions environnementales
découle de la convention d'Aarhus du 25 juin 1998 sur l'accès
à l'information, la participation du public au processus
décisionnel et l'accès à la justice en matière
d'environnement.
a) La notion de public
La définition de la notion de public diffère
à travers les textes.
La convention d'Aarhus introduit une distinction entre les
notions de « public » (art 2 - 4°) et de
« public concerné » (art 2 - 5°).
Le public selon ladite convention,
« désigne une ou plusieurs personnes physiques ou morales, et,
conformément à la législation ou à la coutume du
pays, les associations, organisations ou groupes constitués par ces
personnes ». Quant au public concerné, il est formé par
« le public qui est touché ou qui risque d'être
touché par les décisions prises en matière d'environnement
ou qui a un intérêt à faire valoir à l'égard
du processus décisionnel ». Toutefois, une présomption
d'intérêt est posée au bénéfice des
« ONG qui oeuvrent en faveur de la protection de l'environnement et
qui remplissent les conditions pouvant être requises en droit
interne » : elles sont « réputées avoir
un intérêt »37
Le public est donc entendu très largement38,
mais on peut ne pas être absolument convaincu par l'opportunité de
distinguer entre « public » et « public
concerné ». En effet, une redondance est nette entre le
« public concerné » de forme associative
réputé avoir un intérêt du paragraphe 5 de l'article
2 et les « associations, organisations ou groupes
constitués », « personnes (...) morales »,
du paragraphe 4 du même article. Tout au plus peut-on inférer que
le « public concerné » désigne les personnes
physiques ou morales plus directement affectées matériellement ou
à l'égard de leurs buts par les décisions
environnementales, mais sans que le régime institué
ultérieurement par la convention n'établisse de privilège
net en sa faveur au plan de la procédure administrative non
contentieuse.
37 - voir la contribution de Gérard MANEDIAIRE au
Séminaire International de Droit de l'Environnement : Rio + 10,
sous le thème Mondialisation et Droit de l'Environnement, Page 33.
38 - voir en particulier le paragraphe 9 de l'art3 de la
convention (Dispositions générales) qui exclut toute condition de
nationalité, de citoyenneté, de domicile pour les personnes
physiques, et fait de même, mutatis mutandis, pour les personnes
morale.
La directive communautaire de 2001 quant à elle est
beaucoup plus lapidaire dans sa définition du public. Selon l'article 2
(Définitions), le public désigne « une ou plusieurs
personnes physiques ou morales, ainsi que, selon la législation ou la
pratique nationale, les associations, organisations et groupes rassemblant ces
personnes ».
b) Les moyens de sensibilisation.
Plusieurs moyens sont employés à cet effet pour
informer le public. Il peut s'agir de la sensibilisation de proximité
lors surtout des études d'impact, de la sensibilisation à travers
les médias, les séminaires et les ateliers, les forums ou encore
les journées portes ouvertes.
TotalFinaElf a depuis longtemps compris la
nécessité de sensibiliser le public sur ses activités.
Ainsi, à travers sa fondation, le Group a développé une
mission d'informer et de sensibiliser le public sur les enjeux de la
biodiversité et l'utilisation rationnelle des ressources naturelles. Le
Groupe informe également le public sur la dangerosité de
certaines installations.
Sans attendre l'élaboration de la loi,
certaine entités ont déployé des programmes d'action
volontaires pour améliorer l'information du public et des acteurs locaux
(élus, écoles, entrepreneurs voisins, etc.). Ainsi, Atofina,
pôle chimie du Groupe, a lancé en juillet 2002 la démarche
« Terrains d'Entente« qui a donné lieu déjà
à des actions d'information variées et originale : visite
d'élus, échanges avec les écoles, etc.
Depuis plusieurs années, les sites
industriels du Groupe que ce soit en France ou à l'international,
mettent en oeuvre de nombreuses actions d'information de proximité.
L'usine Atofina (branche chimie du Group Total) de Crosby au Texas (Etats-Unis)
est très impliquée dans les organisations économiques ou
sociales. Elle édite des brochures et un journal d'information à
destination des riverains et organise une coopération très active
avec le milieu enseignant. A Feluy en Belgique, la mise en service d'une
nouvelle unité de production de polypropylène (PP3) a
été accompagnée par des journées portes ouvertes.
Un film original «PP3 : l'enquête« a permis d'aborder avec
les riverains et les employés du site les impacts de cette
réalisation sur la sécurité et l'environnement.
Considéré en Afrique centrale cependant,
ce principe connaît beaucoup de limites malgré l'affirmation des
déclarations en ce sens39.
39 - voir à ce sujet la déclaration de
Brazzaville du 30 mai 1996 qui évoque « la
nécessité d'impliquer d'avantage les populations autochtones, les
collectivités locales, les organisations non gouvernementales.....dans
la conservation et la gestion des écosystèmes »
(Paragraphe 9, Déclaration issue de la CEDHAC)
Voir aussi la Déclaration de Yaoundé des chefs
d'Etats du 17 mars 1999 qui précise la volonté des Etats
d'Afrique centrale de renforcer les actions visant à accroître la
participation rapide des populations et des autres acteurs dans le processus de
gestion durable et de conservation des écosystèmes forestiers
Le public ou le public concerné selon les cas n'est pas
effectivement sensibiliser. Cela s'explique par plusieurs raisons et notamment
de l'organisation de ce public en occurrence les ONG. Ces ONG sont
limitées dans leurs missions. Cela tient à certaines entraves
intrinsèques mais aussi à d'autres extrinsèques.
Des faiblesses intrinsèques résultent
entre autre aux finances et aux ressources humaines.
Qu'il s'agisse des ONG nationales ou internationales
présentes dans la région, l'on note d'une manière
générale que l'absence ou l'insuffisance des moyens financiers ou
matériels constitue leur faiblesse majeure, d'où une
dépendance poussée à l'égard des financements
extérieures.
Beaucoup d'ONG en Afrique centrale qui sont nées
dans la mouvance des années 1990 répondaient plus à un
besoin d'opportunisme qu'à une connaissance réelle des
problèmes environnementaux. Aussi, ces ONG sont-elles souvent de
« petits cercles d'amis » sans aucune qualification.
Par ailleurs, le personnel des ONG est également
flottant et instable tantôt il s'agit des fonctionnaires de l'Etat
déjà très occupés, tantôt des
étudiants en quête d'un travail temporaire, tantôt encore
d'hommes d'affaires pour qui la gestion de l'ONG ne constitue qu'un passe
temps40.
Des faiblesses extrinsèques sont dues
à la marginalisation.
Les ONG nationales sont très peu impliquées et
consultées lors des activités de gestion de l'environnement.
Elles ne sont pas considérées comme partenaires efficace ni par
l'Etat qui déjà les redoute, ni par les bailleurs de fonds moins
encore par les ONG internationales41.
En dehors de cet aspect, lorsque le public arrive
quand même à être informé et consulté, cas
très rares d'ailleurs, son avis est difficilement, sinon pas pris en
compte.
Ainsi par exemple, les dénonciations faites au
consortium en charge de la construction de l'oléoduc sus cité
entre le Tchad et le Cameroun par le public n'ont jamais été
prise en compte et la population et l'environnement en sont victimes. Il en est
de même pour les activités pétrolières des terminaux
de Djeno, de Kribi et du champ de Gamba ou les timides dénonciations
faites ne retiennent jamais l'attention des pétroliers.
Faute d'une population sensibilisation effective enfin,
les populations n'hésitent pas à fréquenter et à
circuler aux alentours des installations dangereuses. C'est ainsi qu'au mois de
juin 2007 un incendie a été déclaré sur les
installations de TotalFinaElf à Pointe-Noire causant la mort à
deux pêcheurs.
40 - Selon Elena CORSI, Intervention à l'atelier de l'OCDE
sus cité, cela s'explique aussi par le fait que « les liens
forts entre le secteur public et multinationales du pétrole
marginalisent dans certaine mesure les communautés locales et la
société civile, souvent males organisées et
divisées ».
41 - voir Patrick Juvet LOWE GNINTEDEM, mémoire sur le
thème «Les ONGO et la protection de l'environnement en Afrique
centrale, sous la direction de Gérard MONÉDIAIRE
Paragraphe 2 : Appui aux actions de protection de
l'environnement.
L'Afrique centrale est une région pauvre,
cette pauvreté ne permet pas la protection adéquate de
l'environnement, faute de moyens financiers et surtout de moyens techniques.
Cet état de chose ne laisse pas indifférent les multinationales
pétrolières qui, d'ailleurs sont tenues pour responsables de la
pollution de l'environnement. Elles apportent un soutien financier et technique
aux actions de protection de l'environnement.
a) Appui financier42
Les pays d'Afrique centrale sont très pauvres ;
ils se classent parmi les plus pauvres du monde, avec un produit
intérieur brut très faible.
La protection de l'environnement exige la
mobilisation de beaucoup de moyens financiers. L'Europe a dépensé
en 2006 près de 800000 millions d'Euro pour la protection de
l'environnement. Cependant, en Afrique centrale les Etats, pourtant avec des
budgets en hausse, plus de 1000 milliards pour le Congo Brazzaville en 2007, ce
budget ne consacre que peu d'argent à la protection de l'environnement.
En 2003, à la rubrique «environnement« du budget
d'investissement alloué au ministère de l'Economie
forestière sont inscrits 362 millions de francs CFA soit 550 000
euros.
conscientes de cet état de chose et du danger
qui pèse sur la population suite à la pollution de
l'environnement et aux conséquences socio-sanitaires et
socio-économiques que nous avons vu dans la première partie de ce
travail, les multinationales initient des projets et mettent les moyens
à la disposition des population dans le cadre du développement
durable qui n'est en fait que la prise en compte de la protection de
l'environnement pour préserver les intérêts des
générations présentes et futures dans les activités
de productions. C'est dans ce cadre que le Président Directeur
Général de la compagnie anglo-néerlandaise Shell Gabon,
Hans BAKKER, a annoncé jeudi 22 mars 2007 qu'un fonds d'une valeur de
300 millions de francs CFA sera octroyé au bénéfice du
développement communautaire de Gamba. « Le but de ce
programme, a annoncé monsieur BAKKER, est d'aider le département
de Ndougou et les parties prenantes locales à développer une
vision prospective dans un contexte « après pétrole« et
une stratégie réaliste pour atteindre cette vision ».
À cette même occasion, monsieur BAKKER a traduit son
« souci de vulgariser la sensibilisation aux actions de
développement durable et de permettre au personnel d'acquérir des
connaissances nouvelles ».
Hormis cet aspect qui concerne directement les
populations, les multinationales pétrolières sont souvent
sollicitées pour financer les actions liées à la
protection de l'environnement. Ces actions sont entre autres les
séminaires, ateliers et forums qui sont organisés dans la
cette région. Ainsi, il n'est pas rare de voir mentionné, lors de
ces événements les mentions telles que « TotalFinaElf,
Sponsor officiel » ou encore « Shell ou Chevron Sponsor
officiel ». Cette participation financière aux actions de
protection de l'environnement traduit à la volonté de ces
multinationales de protéger l'environnement.
42 - Au niveau international, les multinationales
pétrolières financent le FIPOL, crée en 1992 pour
indemniser les dommages dus à la pollution par les hydrocarbures.
Ces multinationales ne manquent pas également
à signer des accords de partenariat avec les organismes internationaux
ou régionaux dans leurs actions de protection de l'environnement et de
formation des populations. Elles soutiennent la COMIFAC et l'ECOFAC. En date du
13 octobre 2005 un accord de partenariat a été signé entre
Total Gabon et le Fonds des Nations Unies pour l'Enfance (UNICEF) dans le but
d'apporter un appui au renforcement de la lutte contre le paludisme et la
promotion de la vaccination des enfants ». Cet accord paraît ne
pas inclure la protection de l'environnement, mais lorsqu'on sait le paludisme
découle aussi bien de la pollution de l'environnement, il vaut la peine
d'être cité.
b) Appui technique et scientifique
L'Afrique centrale, comme il a été
mentionné plus haut, est une région pauvre. Cette
pauvreté, cumulée au désintéressement des
autorités politiques, ne permet pas le financement à grands
coût des actions de protection de l'environnement. D'où la
tendance de faire la politique de la main tendue vers les organismes
internationaux et les grandes firmes pétrolières pour pouvoir
obtenir le financement nécessaire. Mais à cela s'ajoute le manque
de la maîtrise de la technologie et de la science dans leur acception la
plus large.
La protection de l'environnement fait intervenir
plusieurs sciences (la chimie, la biologie, la médecine, le droit,
.....) 43. Or cette région, aux ressources limitées,
ne dispose pas des grandes écoles en ces domaines. Cela entraine un
manque d'une bonne connaissance des milieux par les ressortissants de cette
région.
Sur le plan du droit, pour ne citer que celui
là, l'Afrique centrale n'a qu'un seul professeur de renommé
international en matière d'environnement. Il s'agit du professeur
Maurice KAMTO du Cameroun. D'où, pour élaborer les textes
régissant le domaine de l'environnement, les Etats sont contraints sinon
obligés de faire appel aux cabinets de juristes internationaux qui, pour
la plupart, de connaissent pas très bien cette région.
Dans ces conditions, les experts des multinationales
restent le dernier recours à défaut des cabinets internationaux.
Dans ces multinationales on trouve les chimistes bien assermentés en
la matière, des physiciens ou même des juristes qui constituent un
secours pour les institutions sous régionales de protection de
l'environnement comme ECOFAC, COMIFAC, etc. Pour aller plus loin, ces
multinationales signent des accords avec les instituions internationales qui
opèrent dans la région. Ainsi, Total Gabon a conclu en 2005 un
accord avec l'UNICEF dans le cadre de la sensibilisation de la population de
Gamba pour préparer l'après pétrole.
Ces experts des multinationales fournissent des
données qui contribuent à la connaissance des milieux de la
région d'Afrique centrale. Lors des sommets internationaux ou sous
régionaux organisés en Afrique centrale, on note la
présence des représentants de ces groupes pétroliers dans
les groupes techniques.
L'industrie pétrolière devient un mal
nécessaire dans double dimension en Afrique centrale. Non seulement le
pétrole génère de l'argent aux pays producteurs et
représente un grand pourcentage dans les budgets de ces Etats, mais
aussi un apport en technologie indispensable pour le développement de
ces pays.
Cependant, comme le disait un contemporain, « une loi
aussi en lettres d'or soit-elle écrite, n'a de la valeur que si elle est
effectivement appliquée«.
43 - SCET Tunisie : Etude d'impact sur l'environnement
dans le cadre de l'Aménagement et bitumage de la route Obouya - Bondie -
Okoyo - Frontière Gabon, juillet 2007
Cette phrase nous amène à voir la mise en
application des stratégies définies.
Chapitre II : La mise en oeuvre des
stratégies.
Une fois les stratégies définies, leur
effectivité dépend de leur mise en oeuvre. Cette mise en oeuvre
se fait en deux moments principaux en amont et en aval. En amont, il s'agit de
la phase d'exploitation (Section 1), en aval c'est la gestion des sites
après exploitation (Section 2).
Section 1 : Mise en oeuvre des stratégies
pendant l'exploitation.
La mise oeuvre des stratégies pendant l'exploitation se
fait à travers les installations (Paragraphe 1) et la gestion des
déchets (Paragraphe 2).
Paragraphe 1 : Les installations
La mise en oeuvre des stratégies définies
se fait d'abord à travers les installations. Parmi celles-ci il faut
faire une première distinction entre des installations à terre et
les installations à l'eau et une deuxième distinction avec les
engins mobiles.
a) Les installations à terre et à
l'eau.
L'exploitation du pétrole, comme nous l'avons
sus évoqué, se fait soit à terre (exploitation on shore),
soit à l'eau (exploitation offshore). La différence de
localisation géographique entraine la différence du
matériel et des pratiques pour protéger l'environnement.
A terre, les compagnies pétrolières
ont cherché à mettre en place des innovations techniques en
utilisant les équipements moins polluants. Par exemple, pour
éviter les déversements accidentels d'hydrocarbures à
travers le transport par la route à l'aide des camions citernes, les
multinationales pétrolières ont mis en place une technique de
transport par pipeline en acier. Tel est le cas de l'oléoduc Tchad /
Cameroun précité. A Pointe-Noire, le transport de pétrole
des puits au large des côtes jusqu'au terminal de Djeno se fait
également par le même procédé.
A l'eau, plusieurs installations permettent de
protéger l'environnement marin contre la pollution par les
hydrocarbures. Pour se faire, certaines installations sont spécialement
aménagées afin de protéger l'environnement. A la suite des
accidents connus ici et là, la conception des plates formes
pétrolière a considérablement changé. On en
distingue trois principaux modèles, les plates formes fixes
utilisées en mer peu profonde, moins de 300 mettre, les plates formes
flottantes, utilisées pour l'exploitation de champs pétroliers
dans les grands fonds de plus 300 mettre, c'est ce type de plates formes qui
est utilisé dans le Golf de Guinée.
Les multinationales construisent également des cuves
dans les fonds marins afin estoquer les déchets produits.
b) Les engins à terre et à l'eau
Pour assurer la protection de l'environnement, les
multinationales ont également conçu des engins
spécialement aménagés à cette fin.
Ainsi, à terre par exemple, elles ont mis en
place le transport par oléoduc ou pipeline au lieu du transport par les
camions citernes. Ce qui protège la biodiversité et les
populations environnantes contre les nuisances et la poussière due
à la circulation intense des camions citernes.
A l'eau par contre, les côtes de l'Afrique
centrale sont le lieu d'intense activité pétrolière. De
cette intensité résulte le risque de plus en plus
élevé de marée noire.
Conscientes de cette situation et suite aux désastres
causés par les accidents des bateaux pétroliers, Exxon Valdez (24
mars 1989, 40000 tonnes déversées, 1744 km de côtes
polluées), Torrey Canyon (18 mars 1967, 119 000 tonnes
déversés), Amoco Cadiz (16 mars 1978, 223 000 tonnes
déversés) pour ne citer que ceux là, les multinationales
ont mis en place des navires de production, de stockage et de
déchargement à double coque. Cela est d'autant plus vrai lorsque
qu'on observe que depuis les années 1960, début de la production
du pétrole dans cette région, aucun accident majeur de type Amoco
ou Exxon Valdez précité ne s'y est produit. En outre si cela
venait à se produire, l'Afrique centrale ne dispose pas de moyens
nécessaires pour faire face et risque est grand pour la population et
l'environnement.
A l'eau toujours, les multinationales ont
développé un autre mode de nettoyage de leurs bateaux.
Jusqu'à un passé récent, le nettoyage des barges se
faisait avec du pétrole0. Ayant constaté les dégâts
causés à l'environnement, les multinationales utilisent
actuellement de l'eau pour nettoyer leurs cargaisons.
Paragraphe 2 : La gestion des déchets
L'Afrique centrale n'est pas en soit productrice de
déchets industriels de grande quantité, car elle ne dispose pas
de grandes industries de fabrication. Par contre, compte tenu de la
présence d'une grande forêt et l'exploitation du pétrole,
on dénote un accroissement des déchets provenant de ces secteurs.
Cependant, les compagnies pétrolières, productrices de
déchets dit dangereux s'emploi à protéger l'environnement
contre les effets de ces déchets.
a) Circonscription de la notion de déchets
Etats européens, conscients de la croissance
de production de déchets dangereux à travers le monde et de leurs
mouvements transfrontières, ont adopté à Bâle, le 22
mars 1989, la Convention sur le contrôle des mouvements
transfrontières de déchets dangereux et de leur
élimination. Selon cette convention, « On entend par
"déchets" des substances ou objets qu'on élimine, qu'on a
l'intention d'éliminer ou qu'on est tenu d'éliminer en vertu des
dispositions du droit national ». Article 2 de la
convention44
.
44 - La convention de Bâle signée le 22 mars 1989
est entrée en vigueur en juin 1992. Au niveau européen, elle a
été renforcée par une directive communautaire qui
catégorise les déchets selon trois listes : la liste verte,
la liste rouge et la liste orange.
Deux ans plus tard, on réaction à cette
convention qu'ils avaient refusé de signer du fait qu'elle ne
correspondait pas à leurs aspirations, les Etats africains ont
adopté à leur tour la Convention de Bamako sur l'interdiction
d'importer en Afrique des déchets dangereux et sur le contrôle des
mouvements transfrontières et la gestion des déchets dangereux
produits en Afrique. Celle-ci en son article 1er définit les
comme étant « des substances qu'on élimine, qu'on a
l'intention d'éliminer ou qu'on est tenu d'éliminer en vertu des
dispositions du droit national ».
Les déchets en soi ne poseraient pas de
problème s'il n'y en avait pas de dangereux45. La notion de
déchet dangereux a fait l'objet d'une abondante littérature. La
convention de Bamako, sans donner une définition de la notion de
déchets dangereux, les énumère et en donne la façon
de les gérer. A l'annexe 1, plusieurs substances sont citées et
parmi ceux-ci les « mélanges et émulsions d'huile / eau
ou hydrocarbure / eau » (Y9) mais aussi les
« résidus goudronneux de raffinage, distillation ou de toute
opération de pyrolyse » (Y11) qui concernent le domaine
pétrolier.
Cependant avant de faire cette
énumération la convention de Bamako préconise la gestion
des dits déchets. En effet, « on entend par gestion, la
prévention et la réduction de déchets dangereux ainsi que
la collecte, le transport, le stockage, le traitement, même en vue de
recyclage ou de réutilisation, et l'élimination des
déchets dangereux, y compris la surveillance des sites
d'élimination ». Il ne s'agit pas ici de n'importe quelle
gestion mais d'une « gestion écologiquement rationnelle de
déchets dangereux, toutes mesures pratiques permettant d'assurer que les
déchets dangereux sont gérés d'une manière qui
garantisse la protection de la santé humaine et de l'environnement
contre les effets nuisibles que peuvent avoir ces déchets »
art 1er 10). 46
45 - Sur différentes catégories de
déchets, voir aussi Agenda 21 chapitre 20 (Gestion écologiquement
rationnelle des déchets dangereux, y compris la prévention du
trafic international illicite de déchets dangereux ; chapitre 21
(Gestion écologiquement rationnelle des déchets solides et
questions relatives aux eaux usées).
46 - Malgré l'adoption de cette convention le 30
janvier 1991 par une conférence des ministres de l'environnement de 51
Etats africains, ceux-ci peinent encore à gérer leurs
déchets. Preuve palpable du fait que cette convention n'était pas
signée par conviction mais simplement par enthousiasme en réponse
à la convention de Bâle de 1989 dont ils avaient refusé de
signer.
En outre, non seulement cette convention n'est pas
appliquée par les Etats, pour preuve le déversement à
Abidjan en 2006 des déchets toxiques par le Probo Koala, faute d'une
transposition des conventions internationales sur plan national. (cf. Maurice
KAMTO, Les conventions régionales de conservation de la nature et des
ressources naturelles en Afrique et leur mise en oeuvre).
b) Pratiques de gestion
La des déchets est en quelque sorte le revers
de la médaille de l'exploitation du pétrole. En effet,
l'exploitation du pétrole est productrice de déchets à
chaque de son processus, des études sismiques, au forage d'exploitation
et au transport et au stockage des produits. Les déchets produits par
l'industrie pétrolière sont classés selon la directive
européenne sur la liste rouge.
En Afrique centrale, les multinationales
pétrolières qui y opèrent, conscientes de cette situation,
ont développé des pratiques et des stratégies de gestion
des déchets. Cette prise en compte de la gestion des déchets leur
a value des distinctions honorifiques dont la certification ISO.
Il ya dix ans, Shell Gabon devenait la première
société du Groupe Shell en Afrique, et la première de la
sous région à obtenir la certification ISO 14001 pour son
système de gestion de l'environnement, dans toutes ses activités.
En 2000 et 2003, Shell Gabon a été ré-certifiée ISO
14001.
Quant à Total Gabon, il a obtenu en juillet 2006
un trophée de la Direction Hygiène, Santé,
Sécurité, Environnement du Groupe Total pour la qualité de
ses actions menées et les résultats obtenus dans le domaine de
l'hygiène Sécurité Environnement (HSE) depuis plus de cinq
ans.47
Plus concret, Total E&P Congo, a mis en place
des installations de traitement de déchets par le procédé
Land-Farming. Ce procédé consiste d'abord en la
caractérisation en laboratoire des matériaux pollués et au
calcul des besoins en nutriments et autres apports. Les déchets
hydrocarburés sont ensuite mélangés à des
structurants tels que ; sciure de bois, copeaux, et à de l'engrais.
Ce mélange est homogénéisé puis étalé
sur une surface dite « plate forme biologique », il est
régulièrement arrosé et retourné par un tracteur,
pour faciliter l'aération, et donc le développement
bactérien « bactéries mangeuses
d'hydrocarbures ». Le sol est isolé de la plateforme de
traitement par une bâche (géotextile ou géo membrane) pour
empêcher l'infiltration dans le sol des eaux souillées par les
hydrocarbures. Un réseau de drainage permet de collecter toutes ces eaux
souillées par les hydrocarbures vers un séparateur des
hydrocarbures.
L'eau décantée est
contrôlée puis rejetée dans un drain naturel à un
taux en hydrocarbures inférieur à 5mg/1 suivant la
sensibilité de l'environnement.
Un suivi est régulièrement fait sur le site afin
de s'assurer du retournement, de l'homogénéité et de
l'aération du mélange. Il peut aussi être nécessaire
de ré-humidifier le mélange. Des échantillons sont donc
prélevés périodiquement afin de vérifier
l'évolution de la bio dégradation. Les matériaux doivent
avoir un résiduel de 0,5 à 2g/kg d'hydrocarbures de la masse des
matériaux traités. La durée moyenne d'un cycle de
traitement varie entre six et douze mois.
47 - Mr Alphonse MOUSSAVOU DOUKAGA, le Directeur de la
communication et des relations extérieures, « cette
distinction a été décernée à l'occasion du
séminaire HSE de la Direction Générale de l'Exploitation -
Production du Groupe Total qui a réuni dans la ville du Mans, en France,
du 29 juin au 1er juillet 2006 dirigeants et responsables HSE du
siège et de toutes les filiales du Groupe.
Section 2 : Mise en oeuvre des stratégies
après l'exploitation
Après l'exploitation, les multinationales
pétrolières réhabilitent et remettent en l'état les
sites d'implantation et d'exploitation (Paragraphe 2). Ces opérations ne
sont pas cependant sans difficultés (Paragraphe 2).
Paragraphe 1 : Réhabilitation des sites.
Les modalités de réhabilitation des sites se
différencient selon que l'exploitation a été off shore ou
on shore.
a) Réhabilitation des sites offshore
L'exploitation du pétrole en Afrique
centrale se fait comme nous l'avons dit plus haut essentiellement off shore.
Cependant, depuis le début de l'exploitation en Afrique centrale, c'est
à peine que l'on s'aperçoit de l'épuisement des
réserves et donc de la nécessité de penser à
d'autres secteurs d'activité d'où la nécessité de
réhabiliter les sites pouvant servir à ces activités.
La réhabilitation des sites offshore ne pose pas trop
de problème aux multinationales pétrolières. Car les
hydrocarbures se dégradent facilement d'eux même dans l'eau.
Par contre ce qui reste à faire ce n'est que le
démantèlement des installations érigées pour cette
activité.
Total Congo par exemple, conscient de la mauvaise
gestion des autorités congolaise, a mis en place des provisions pour
abandon de sites pétroliers constituées par des capitaux
ségrégué durant toute la durée d'exploitation des
puits. Jusqu'à une date récente, ces provisions était
gérées exclusivement par les compagnies
pétrolières. Désormais, un comité mixte
d'évaluation des provisions pour réhabilitation examinera les
programmes de travaux, calculera les sommes dues et les intérêts
financiers ainsi que le partage des dits intérêts entre Total et
l'Etat.
En mer toujours, malgré cette prise de
conscience et la volonté qui anime les multinationales, la
réhabilitation demeure difficile ; par ce que l'environnement
perceptible est seulement la surface de la mer, le fond marin étant mal
connu ou presque pas du grand public. Cet état de choses fait qu'il n'y
ait pas un contrôle sur les fonds marins. En outre, même si les
sites peuvent être réhabilités, les ressources marines
comme les poissons ne fréquenteront plus ce milieu comme avant
l'exploitation. De ce fait, la remise en l'état du milieu marin demeure
une question préoccupante en Afrique centrale.
Un autre problème non résolu est celui
du milieu aérien dégradé par les gaz à effet de
serre torchés en mer et qui créent un effet de serre
« local ». Est-il que les questions d'environnement se
caractérisent aussi par leur internationalisation. Une source de
dégradation de l'environnement détectée en Afrique
centrale a des répercutions au niveau international. Afin de
réhabilité ce milieu, les multinationales luttent en faveur des
biocarburants, des énergies renouvelables et à la
réduction de la production de gaz à effet de serre.
b) Réhabilitation des sites on shore
La réhabilitation des sites sur terre est un
réel problème auquel les multinationales s'emploient depuis de
longues dates.
A terre comme en mer d'ailleurs, il s'agit de
démanteler les installations et de traiter le sol contaminé par
la pollution et les déchets. Il s'agit ici de redonner à la terre
ses compositions et sa capacité de production après
l'exploitation. Ces opérations nécessitent beaucoup de fonds et
de technologie.
Cependant sur terre comme en mer le
démantèlement n'est pas facile par ce que dans la sous
région d'Afrique centrale il n'existe pas de grandes industries de
traitement ou de recyclage des métaux. Le fait que le matériel
démantelé s'il n'est pas réutilisé est
abandonné sur les sites car le transporté vers les zones de
traitement reviendrait encore plus cher aux entreprises. C'est ainsi que
même après tant d'années d'exploitation, on retrouve encore
le matériel sur les sites. En mer, cela entraine la salinisation des
côtes. Cette salinisation est aussi l'une des sources des
conséquences décrites plus haut notamment la diminution des
possibilités de pêche et de tourisme.
Le traitement des déchets intègre bien cette
politique de réhabilitation des sites. Toutefois aussi bien qu'on
s'emploiera à réhabiliter les sites, cette opération prend
beaucoup de temps et les populations doit attendre pour pouvoir
réutiliser cette terre.
Paragraphe 2 : Difficultés de mise en oeuvre
des stratégies
Il serait faut de dire que les stratégies
définies plus haut sont facilement mises en oeuvre. En effet, plusieurs
causes enfreignent la mise en oeuvre des stratégies. Certaines sont
intrinsèques aux multinationales elles-mêmes, d'autres sont
extrinsèques.
a) Difficultés intrinsèques aux
multinationales.
Dans le processus d'exploitation du
pétrole, qu'elle soit offshore ou on shore, la protection de
l'environnement n'y fait pas partie. C'est lorsque, pour la plupart des temps
qu'on a terminé les différentes phases que l'on pense aux actions
de protection de l'environnement. Il s'agit alors de la gestion des
déchets ou de la réhabilitation ou de la remise en l'état
des sites. Comme on peut le constater, toutes ces opérations
n'interviennent qu'à la fin des opérations. Cette
déconnection de la protection de l'environnement au processus
d'exploitation fait que malgré la volonté de protéger
l'environnement, les multinationales reviennent peu sinon pas en arrière
pour gérer les questions d'environnement. L'idéal serait que la
protection de l'environnement soit inclus dans le processus et que les
études d'impact sur l'environnement soient bien menées en amont
afin que les problèmes qui se posent en aval ne connaissent pas
difficile pour traitées.
Il est souvent difficile dans ces conditions de redonner
à la nature tout ce qu'elle avait de naturel sans qu'il n'y ait pas de
ratés.
Les multinationales pétrolières
sont des acteurs commerciaux internationaux. La protection de l'environnement
est une question qui nécessite la mobilisation de beaucoup de fonds.
Pour se faire, les multinationales doivent soit prelever à chaque
étape de l'exploitation des pourcentages en vue de la protection de
l'environnement. Ce fait n'arrange pas les opérateurs que sont les
multinationales. Car tout opérateur économique ne poursuit qu'un
seul but : le profit.
Ces dépenses colossales pour les questions
environnementales font que les multinationales ne prêtent pas toujours
attention aux problèmes d'environnement ou quand elles le font, les
solutions apportées ne sont pas à la hauteur des
problèmes. Ainsi, Total Congo par exemple, comme nous l'avons
évoqué plus haut, a dépensé en 2003 et pour le seul
site de la rivière rouge, 1,5 millions d'euros. Et tous les ans, Total
Congo emploie entre 3 et 4 milliards d'euros pour la protection de
l'environnement, alors que l'Etat congolais ne consacre que 362 millions de
francs CFA soit 550000 euros48.
En dehors de la protection de l'environnement par des
actions préventives, il y a également un autre volet lié
la réparation des accidents. La réparation des accidents
environnementaux peut même entrainer la faillite d'une entreprise. En
effet, la réparation des accidents n'est chiffrée qu'en millions
ou même en milliards selon les cas.
En 2001 par exemple, le filet d'un bateau de pêche
s'accroche à la vanne de la bouée où les cargos viennent
s'amarrer au large pour être chargés. 15000 barils
s'échappent, l'amende est fixée à 150 millions de francs
CFA.
Cette difficulté à laquelle sont
confrontées les multinationales se trouve réconforté ou
même favorisée par une opinion publique qui n'accorde pas une
attention particulière aux « préoccupations
d'environnement ».49
b) Difficultés extrinsèques
Plusieurs causes extrinsèques aux multinationales
pétrolières expliquent la difficulté de mise en oeuvre des
stratégies définies.
D'abord la notion même de l'environnement, si
elle intègre aujourd'hui les politiques des multinationales
pétrolières, elle demeure encore male comprise d'elles et des
populations de l'Afrique centrale. En effet, le droit de l'environnement ou
l'environnement lui-même font l'objet de beaucoup
d'interprétations. Ce foisonnement des définitions et des
interprétations de la législation environnementale crée
une confusion au niveau des multinationales. Aussi, dans leurs chartes, leurs
codes de conduite ou même dans leurs déclarations, elles ne font
état que de l'aspect lié au respect de l'environnement. Ainsi,
il n'est pas rare de lire dans leurs codes de conduite « ....veille
au respect des environnements »50 des pays dans lesquels
elles sont implantées.
Par contre, elles délaissent l'aspect du droit
à l'environnement. Faute de cette connaissance, les actions en faveur de
la protection de l'environnement sont menées en dehors de la
considération de la vie humaine donc du droit à
l'environnement.
48 - Voir Budget d'investissement de l'Etat congolais exercice
2003
49 - Loi française N°76 - 629 du 10 juillet 1976
relative à la protection de la nature, art 2 al 1er
« Les travaux et projet d'aménagement qui
sont entrepris par une collectivité publique ou qui nécessitent
une autorisation ou une décision d'approbation ainsi que les documents
d'urbanisme doivent respecter les préoccupations
d'environnement ».
50 - voir le code de conduite de TotalFinaElf, le principe
10.
Ensuite, l'absence d'une bonne connaissance des
milieux dans lesquels elles opèrent constitue un handicap pour la
protection de l'environnement. Les actions qui sont menées ne concernent
que l'environnement immédiat, alors que la destruction de
l'environnement a des effets différés ou à long terme
très graves pour la santé humaine ou les milieux physiques. Tel
en est le cas de l'effet de serre. Car l'interdépendance est l'un des
critères du droit de l'environnement. Un incident environnemental
produit en Afrique centrale peut avoir des répercutions dans le reste
du monde. La mobilisation pour la protection des forêts amazoniennes et
celles du bassin du Congo illustre bien cet aspect de chose.
Enfin, l'environnement n'est pas une abstraction ou
une création de l'homme. Quelque soit cette volonté de le
protéger, l'action de l'homme ne lui donnera qu'un aspect artificiel.
Dans ces conditions, la vraie protection de l'environnement devrait se faire
par des actions préventives de sensibilisation ou de mobilisation contre
des atteintes dont-il est victime. D'où la difficulté des
multinationales pétrolière à appliquer les
stratégies définies, au motif qu'elles ne sauraient
décider à la place de l'autorité politique détenue
par les Etats eux-mêmes.
Cependant, l'environnement est une notion male
comprise tant par les populations que par les Etats d'Afrique centrale. En
Afrique centrale, l'environnement est un concept qui fait partie des mots
savant lorsqu'on emploie auprès des populations. Il est
réservé aux têtes bien faites alors que les
conséquences de sa dégradation touchent surtout les
défavorisés qui sont exposés aux impacts tant
environnementaux que socio sanitaire.
L'action de protection de l'environnement est une action
laissée à l'initiative des quelque ONG encore à la
recherche d'identité et d'affirmation. La population pour elle s'en
remet à l'Etat à qui, selon revient l'initiative de protection de
l'environnement. Les populations ignorent leur droit à l'environnement,
cela est d'autant plus vrai par le simple fait que rares sont les cas de
saisine du juge pour atteinte à l'environnement.
Au niveau de l'autorité politique cependant
plusieurs initiatives louables ont été prises. La signature des
accords sous régionaux en est un exemple.51
Ces accords, faute d'une application effective dans
chaque pays deviennent du « droit dormant » 52.
Ce droit dormant n'incite pas les multinationales pétrolières
dans le sens de la protection de l'environnement. Pourtant dans d'autres
continents, notamment l'Europe et l'Amérique ce sont ces accords ou ces
conventions cumulés avec l'action des ONG qui incitent les
multinationales à oeuvrer pour la protection de
l'environnement.53
51- ces accords ont donné naissance aux institutions
comme la COMIFAC, ECOFAC et bien d'autres initiatives
52 - Voir Maurice KAMTO précité.
53 - voir le travail de Patrick Juvet LOWE GNINTEDEM
précité.
Conclusion de la deuxième partie.
En définitive, les dénonciations
faites à l'endroit des multinationales pétrolières suite
à l'impact de leurs activités sur l'environnement et les hommes
les ont amené à prendre compte les préoccupations
d'environnement. Pour traduire cela dans les faits, elles se sont
imposées certaines stratégies.
Pour se faire, elles ont adopté certaines
mesures internes.
Dès les années 70, elles ont adopté les
codes de conduite, les chartes ou encore formulé des déclarations
de principe dans le sens de la protection de l'environnement. Cependant, ces
codes de conduite ou ces chartes, adoptés par les multinationales
elles-mêmes posent un réel problème de valeur juridique et
de contrôle. Peuvent-ils être considérés au
même titre qu'un code de l'environnement par exemple, donc à
valeur de loi ? Comment assurez leur contrôle à partir du
moment où il n'existe pas un pouvoir ou une autorité
extérieur aux multinationales pétrolières capable de
veiller à leur strict respect ? Comment enfin engager leur
responsabilité sur la base de ces codes ?
Comme stratégie interne, les
multinationales procèdent également à la formation de
leurs agents aux questions environnementales en les envoyant en formation dans
des centres de formation, en leur faisant participer aux séminaires et
ateliers qui se tiennent à travers le mode. Preuve de cette
volonté de protéger l'environnement, dans leur organisation,
elles disposent actuellement d'un département entier consacré
à l'environnement. Ce département veille au respect des principes
environnementaux par la compagnie.
Enfin, pour mieux protéger l'environnement
et surtout que cette protection nécessite beaucoup de fonds, les
multinationales pétrolières oeuvre aux côtés des
Etats de la sous région dans leurs actions de protection de
l'environnement. Elles leur apportent un appui tant financier que technique.
Elles financent les séminaires et ateliers ou conférences
consacrés à la protection de l'environnement.
Cependant, toutes ces stratégies qui ont
été définies connaissent des limites endogènes et
exogènes dans leur application.
En premier lieu, le processus d'exploitation du
pétrole n'intègre pas d'abord la protection de l'environnement.
En ce domaine, la protection de l'environnement apparaît comme
« l'oiseau de minerve » qui prend son envole que la nuit
que faisait allusion Hegel à propos de la philosophie. En effet, c'est
lorsqu'on a fini d'exploiter qu'il faut alors penser à la protection de
l'environnement, tandis que l'argent produit par cette exploitation a
déjà peut être servi à d'autres besoin ou investi
à ailleurs. Cela explique la déconnection de la protection de
l'environnement. D'où l'abandon non-conforme des puits et de certaines
installations.
Mais aussi et surtout, la protection de l'environnement
coûte très cher. Toute société ou tout
opérateur économique ne poursuit que le profit. La protection de
l'environnement en nécessitant beaucoup de moyens financiers ne
rencontre pas souvent l'assentiment des multinationales. Car cette
opération ne leur apporte rien au retour.
En deuxième lieu, la mauvaise perception de la notion
d'environnement ne permet pas la mise en oeuvre effective de ces
stratégies. Peu sont ceux qui, dans la sous région de l'Afrique
centrale ont une bonne connaissance de la notion d'environnement. Aussi les
multinationales n'abordent la question de l'environnement que sous l'angle de
préservation de la nature simplement en laissant de côté
l'aspect du droit à l'environnement considéré au
même titre que les autres droits de l'homme à travers les
constitutions des Etats de l'Afrique centrale.54
Cependant les multinationales pétrolières ne
perçoivent pas la question sous cet angle. Cela ne favorise pas les
multinationales, en ce qui les concerne, elles ne mènent que des
études précises dans un environnement précis. Il revient
aux nationaux eux-mêmes d'étudier leur environnement et de fournir
les données.
54 - Voir constitution de la République du Congo du 20
janvier 2002 art.35 ; Constitution gabonaise du 11 octobre 2000, art
1er , 8) ; Préambule de la Constitution
camerounaise du 02 juin 1972 ; Constitution Tchadienne du 31 mars
1996, art.47.
Conclusion générale
Plus de quatre décennies d'exploitation
pétrolière en Afrique centrale, le bilan de l'impact de cette
activité sur l'environnement est très lourd. Cet impact se
présente sous divers aspects et atteint différents milieux.
Le milieu marin est le premier à être
affecté par la pollution, le pétrole étant exploité
essentiellement offshore dans cette région. Cette pollution du milieu
marin implique donc celle des côtes et des plages qui forment ce milieu,
le tout conduisant à une diminution des possibilités de
pêche et de tourisme.
L'Afrique centrale, région a forte présence
de forêts tropicales, l'exploitation du pétrole qui s'y pratique
affecte durement ce milieu. La dégradation des forêts entraine la
disparition de la diversité biologique. Car ces forêts constituent
un « trésor mondial », un « poumon
mondial » pour la préservation de la diversité
biologique selon Walter Kansteiner. Cette idée a conduit à
l'institutionnalisation de la protection du bassin du Congo55. On y
trouve des espèces inscrites sur la liste rouge de l'UICN. Cependant,
cet impact sur les ces milieux a de graves répercutions sur la
société, la politique et l'économie de cette
région. D'où on parle d'un des conséquences
sociopolitiques et économiques.
Cet impact est dû au manque d'une bonne politique
environnementale des multinationales pétrolières qui
opèrent dans cette région.
Toutefois, conscientes de la nocivité de leurs
activités sur l'environnement, les multinationales ont
développé des stratégies en vue de minimiser cet impact.
Ainsi, elles ont adopté des codes de conduite, des chartes et des labels
environnementaux qui prennent en compte des préoccupations
d'environnement. Cependant, les solutions apportées ne sont pas la
hauteur des résultats escomptés. Faute de pouvoir protéger
l'environnement, les multinationales multiplient des actions sociales qui du
reste ne répondent pas parfois aux besoins des populations. Des
écoles et des centres médicaux sociaux construits en pleine
forêts manquent du personnel. Les populations sont obligées de
payer eux-mêmes les enseignants et les médecins. N'ayant plus des
possibilités financières à cause de la dégradation
de l'environnement, les enfants ne vont plus à l'école, le taux
de mortalité augmente suite aux moyens limités d'accès aux
services de santé de base.
55 - le Partenariat pour les Forêts du Bassin du Congo
(PFBC) est défini comme « une association qui regroupe
29 organisation gouvernementales et non gouvernementales et qui s'efforce
d'améliorer la communication et la coordination entre ses membres
concernant leurs projets, programmes et politiques pour promouvoir la gestion
durable des écosystèmes et des ressources naturelles des
forêts du bassin du Congo, ainsi que pour améliorer la vie des
habitants de la région. Le PFBC ne participe pas directement à la
mise en oeuvre ou au financement des programmes et ne dispose pas de
secrétariat ou de personnel. Par contre, il assure un service de
coordination entre bailleurs de fonds et organismes d'exécution et sert
de forum pour le dialogue. Le PFBC vise à sensibiliser davantage les
bailleurs et autres aux programmes qui sont actuellement financés et mis
en oeuvre par ses organisations membres, à relever l'efficacité
de ces programmes et des activités de coordination correspondantes,
ainsi qu'à identifier et éliminer les lacunes et les
chevauchements des programmes et des financements »
Au plan sociopolitique, la pollution occasionne beaucoup de maux.
D'abord il sied de rappeler que c'est à son
environnement que la population de l'Afrique centrale doit sa survie. Car c'est
de ce dernier qu'elle tire l'essentiel des subsistances. De cet environnement
dépend l'Agriculture même si les pratiques appliquées ne
sont pas protectrices de l'environnement (itinérante sur brûlis),
de lui proviennent le poisson et la viande pour l'alimentation. De cet
environnement, dépend toute la vie de cette population, le
pétrole ne bénéficiant qu'à élite au
pouvoir. En détruisant l'environnement l'exploitation du pétrole
ne permet pas aux parents de payer les frais scolaires et de santé de
leurs enfants par manque de ressources. On voit alors la décroissance
rapide du taux de scolarisation, du taux de maladies surtout respiratoire
males connues par le passé dans cette région. On voit
également l'augmentation de la pauvreté (Cf. Indice du
développement humain) à travers les conflits sociopolitiques
inter-états ou internes qui n'ont pas d'autres explications que la lutte
pour le contrôle de la manne et c'est sous l'exploitation
pétrolière que la dette des pays d'Afrique centrale a
quadruplé.
Sur le plan économique, le pétrole n'a
pas permis à cette région de
« décoller » économiquement. Ces Etats
peinent toujours sur le poids de la dette malgré l'exploitation du
pétrole. Les effets de la pollution sur l'économie ne sont pas
encore très visibles sauf aux esprits avisés qui savent que le
pétrole est une ressource non renouvelable. Et si son exploitation a
entraîné la destruction de l'environnement, à la longue ces
Etats ne seront plus à même de juguler leurs problèmes
d'alimentation.
L'attitude des multinationales à ne pas
protéger l'environnement est favorisée par les liens forts
qu'elles tissent avec les pouvoirs en place. Il est aujourd'hui connu en
Afrique que « pour se maintenir au pouvoir il faut être en
bonne relation avec les compagnies pétrolières surtout
françaises. Le cas de M. Pascal LISSOUBA et la guerre civile de 1997 au
Congo Brazzaville, la rébellion tchadienne autour de la zone
pétrolifère du pays en sont des illustrations
parfaites56. Cela se justifie par la dépendance
économique que ces Etats ont vis-à-vis du pétrole et de
l'implication de ces multinationales pétrolières à la
gestion de ces Etats de l'Afrique centrale.
Ce comportement des pétroliers et des hommes
politique est aussi favorisé par le cadre légal et la
société civile, encore en quête d'identité. En
effet, en Afrique centrale la plupart des textes législatifs et
conventionnels adopté en matière de protection de l'environnement
ne sont pas appliqués. Pour mémoire, l'Afrique en
général y compris les Etats de l'Afrique centrale est l'une des
premières régions ou continents au monde à avoir
adopté une convention sur la conservation de la nature, la Convention
d'Alger de 1968, précédée par la convention sur les
ressources phytogénétiques de 1967 adoptée à
Kinshasa. Alors que les instruments de cette même nature adoptés
en Europe et en Amérique contribuent efficacement à la protection
de la nature, en Afrique et Afrique centrale en particulier ils constituent du
« droit dormant ». En outre le mécanisme de
transposition ne marche pas bien ; souvent les conventions adoptées
au niveau international ne trouvent pas une application au niveau national.
56 - voir le rapport de la Commission des Affaires
Etrangères précité, l'audition de Pascal LISSOUBA, ex
président de la République du Congo et NGALEZY YORONGAR,
député tchadien.
Lire aussi à ce sujet l'article de Benoît
KOUKEBENE, Le pétrole, facteur de développement ou du sous
développement : le cas de l'Afrique centrale, Juillet 2006
La société civile notamment les ONG de
l'Afrique centrale se cherchent encore. De graves problèmes entravent
leurs activités. D'une part des problèmes internes, ceux-ci sont
liés à la configuration de ces ONG. Celle-ci manque encore du
personnel qualifié dans les différents domaines de leurs
interventions. Souvent, ce sont les timides individus
désespérés par ceux qu'ils vivent et ne trouvant pas les
moyens de l'exprimer ils se constituent en ONG non qualifiée d'ailleurs
pour dénoncer le mal. Les principales ONG qu'on trouve sont des ONG
internationales comme la WWF, les Amis de la terre etc. qui, du reste n'ont pas
de représentations locales. Les ONG locales manquent de financement et
ne peuvent pas mener des opérations de grande envergure. Et lorsqu'elles
révèlent quelques vérités cachées aux
populations, elles le font au risque de leur vie. Les compagnies
pétrolières n'hésitent pas de recourir à la
violence pour les disperser et l'Etat ne manque pas d'occasion pour les
suspendre. Tout près de l'Afrique centrale, les répressions de
Shell contre les populations de la région pétrolière du
Nigeria illustre bien ce cas de figure. Mais aussi, lorsqu'on envisage mener
une exploitation pétrolière, les études d'impact qu'on
mène le sont pour la bonne forme, les opinions des citoyens et des ONG
ne sont pas pris en compte57.
Dans ces conditions, comment alors emmener les
multinationales pétrolières à respecter les environnements
dans les quels elles travaillent en Afrique centrale ?
A cette question plusieurs voies de sorties sont
envisageables :
Tout d'abord couper les liens entre le monde du pétrole
et celui de la politique en développant de véritables Etats
démocratiques. Avant cela, il faut tout d'abord développer les
autres secteurs économiques comme l'agriculture, l'agropastorale,
l'élevage afin que l'économie ne soit pas dépendante de la
manne pétrolière dont on sait d'ailleurs que le prix n'est pas
stable.
Redynamiser les ONG en sensibilisant les populations afin que
leur travail trouve un écho au sein de la population. Cela ne pourra
être effectif que si l'on assure l'autofinancement des ONG.
Enfin il faut opérer la transposition des
conventions adoptées au niveau international ou régional à
travers des lois et décrets sur le plan national.
57 - voir Patrick Juvet LOWE GNINTEDEM, mémoire sur le
thème «Les ONGO et la protection de l'environnement en Afrique
centrale, sous la direction de Gérard MONÉDIAIRE
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- Constitution de la République du Congo du 20 janvier
2002, art.35
- Constitution de la République du Gabon du 11 octobre
2000, art 1er, 8)
- Constitution de la République du Tchad du 31 mars 1996,
art. 47
- Constitution de la République du Cameroun
- Convention de Rio sur la Diversité Biologique, juin
1992
- Convention de Bâle du 22 mars 1989 sur le contrôle
des mouvements transfrontières de déchets dangereux et de leur
élimination
- Convention de Montego Bay sur le droit de la mer de 1982
- Convention de Bamako du 30 janvier 1991 sur l'interdiction
d'importer en Afrique des déchets dangereux et le contrôle de
leurs mouvements transfrontières en Afrique
- Convention d'Aarhus sur l'accès à l'information,
la participation du public au processus décisionnel et l'accès
à la justice en matière d'environnement du 25 juin 1998
- Convention internationale pour la prévention de la
pollution par les navires de 1973,
- Déclaration de Stockholm de 1972
- Déclaration de Rio de 1992
- Discours de Didier Claude ROD, pétrole et
éthique : une conciliation possible ?
- Déclaration de Brazzaville du 30 mai 1996
- Le protocole de Kyoto sur l'élimination des gaz à
effet de serre de 1997
- Le vivant, les hommes et le territoire, Essai de bio
géopolitique, Thèse présentée par Hervé
BREDIF, 10 novembre 2004, p.65 - 68
- Rapport sociétal et environnemental 2005 de
TotalFinaElf
- Loi française sur la conservation de la nature du 10
juillet 1976, art. 2
- Rapport d'information, de la Commission des Affaires
Etrangères, sur le Rôle des compagnies pétrolières
dans la politique international et son impact social et environnemental, Tome
1, 13 octobre 1999
- Rapport national sur la diversité biologique (Congo -
Brazzaville, juin 2001)
- Traité instituant la CEMAC, Ndjamena, le 16 mars 1994
Liens Internet :
www.equatorialeguinea.monalige.com
www.univ-lemans.fr
www.assemblee-nationale.fr
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www.monde-diplomatique.fr
www.sangonet.com
www.ahjucaf.org
www.infoplusgabon.com
www.congopage.com
www.congo-site.net
Table des matières
Abréviations..........................................................................Page,4
Sommaire..............................................................................
Page, 6
Introduction générale
.................................................................................Page,7
Partie I : L'impact de l'exploitation
pétrolière sur l'environnement : état des
lieux
Chapitre I : l'impact sur les
milieux.........................................Page,14
Section 1 : l'impact sur le milieu marin
........................................Page,14
§ 1 : Pollution des
côtes...............................................................Page,14
a) Pollution des plages
b) Destruction des habitats naturels
§ 2 : Diminution des possibilités de
pêche et de tourisme...............Page,16
a) Diminution des possibilités de pêche
b) Diminution des possibilités touristiques
Section 2 : l'impact sur le milieu
forestier...................................Page,18
§ 1 : Dégradation des
écosystèmes
forestiers................................Page,19
a) Destruction industrielle et artisanale
b) Destruction liée à la pollution
§ 2 : Disparition de la diversité
biologique...................................Page,21
a) Disparition liée à la déforestation
b) Disparition liée à la pollution
Chapitre II : l'impact
socio-sanitaire...........................................Page,24
Section 1 : l'impact
social............................................................Page,24
§ 1 : la paupérisation des
populations...............................................Page,
a) Paupérisation directe
b) Paupérisation à long terme
§ 2 : les conséquences résultantes
de cette paupérisation..............Page,26
a) Les conséquences socio politiques
b) Les conséquences économiques
Section 2 : l'impact
sanitaire.....................................................Page,28
§ 1 : les maladies
respiratoires...................................................Page,28
a) La tuberculose
b) Le cancer
§ 2 : les maladies de la
peau......................................................Page,30
a) Les allergies cutanées
b) Les cancers de la peau
Conclusion de la première
partie............................................... Page,32
Partie II: les Mesures visant à limiter
l'impact de l'exploitation pétrolière sur
l'environnement.
Chapitre I : Les stratégies de protection
de l'environnement.............. Page,33
Section 1 : les stratégies
internes..............................................................Page,34
§ 1 : Les codes de
conduite.............................................................................Page,34
a) Caractère intentionnel des codes de conduite
b) Valeur juridique des codes conduite
§ 2 : La formation des agents aux questions
environnementales...................Page,36
a) Des programmes de recherche
b) Les ateliers et séminaire
Section 2 : Les stratégies
externes.............................................................Page,38
§ 1 : Les sensibilisation des
populations....................................................Page,38
a) La notion du public
b) Les moyens de sensibilisation
§ 2: Appui aux actions sous régionales de
protection de l'environnement...... Page,41
a) Appui financier
b) Appui technique
Chapitre II : La mise en oeuvre des
stratégies.............................................Page,43
Section 1 : Mise oeuvre des stratégies pendant
l'exécution des travaux............ Page,43
§ 1 : Les installations de protection de
l'environnement.................................. Page,43
a) Les installations à terre et à l'eau
b) Les engins à terre et à l'eau
§ 2 : La gestion des
déchets.........................................................................
Page,44
a) La notion de déchet
b) Pratiques de gestion
Section 2 : Mise en oeuvre des stratégies
après l'exécution des travaux..............Page,47
§ 1 : Réhabilitation en état des
sites...............................................................Page,47
a) Réhabilitation sites offshore
b) Réhabilitation des sites on shore
§ 2 : Difficultés de mise en
oeuvre................................................................Page,48
a) Difficultés intrinsèques aux multinationales
pétrolière
b) Difficultés extrinsèques
Conclusion de la deuxième
partie................................................................Page,51
Conclusion
générale...................................................................................
Page,53
Annexe
Annexe
Torchage de gaz à Pointe-Noire
Barge de pétrole au large de
Pointe-Noire
Installations pétrolières dans le champ de
Gamba
Site pollué à Pointe-Noire
Pollution à Pointe-Noire
Plage de Kribi
Plage de Kribi
Carte de l'Afrique centrale
Pollution zone CORAF à Pointe-Noire
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