Chapitre II : L'impact socio - sanitaire
La vie en société et la santé
des hommes dépendent largement de leur environnement tant
immédiat que lointain. L'environnement est un élément
déterminant du maintien des moyens d'existence. La
nécessité de conserver les forêts tropicales amazoniennes
et celle du bassin du Congo témoigne cette adéquation entre
l'environnement, la société et la santé. Cette relation
est encore beaucoup visible et perceptible en Afrique en général
mais en Afrique centrale en particulier. En effet, il existe un paradoxe,
l'Afrique est la région la plus pauvre de la planète mais elle
est également l'une des régions où l'environnement est
encore à 70% naturel et intact malgré une dégradation
accélérée. En Afrique centrale en particulier, compte tenu
l'activité pétrolière qui s'y développe et du fait
que les populations de cette région tirent l'essentiel de leur
existence de leur milieu naturel, l'environnement en est gravement
affecté (cf. chapitre I). Destruction des forêts, pollution des
côtes, disparition des espèces, diminution de la
biodiversité débouchent inévitablement sur un impact
social (section 1) et encore et surtout à un impact sanitaire
très grave (section 2).
Section 1 : L'impact social
La dégradation de l'environnement a de graves
répercutions sur les populations de cette région d'Afrique
centrale en les rendant pauvres (paragraphe 1) et plusieurs conséquences
en résultent (paragraphe 2).
Paragraphe 1 : La paupérisation des populations
Qu'est ce que la pauvreté ? Selon le
Larousse, « la pauvreté est l'insuffisance des ressources
matérielles et des conditions de vie, ne permettant pas à des
êtres humains de vivre dignement selon les droits légitime et
vitaux (droit à l'eau, droit à l'alimentation etc.) de la
personne humaine, et les condamnant aux dures difficultés de la survie
au jour le jour ».
L'Afrique centrale est l'une des régions les plus
pauvres du monde. Plusieurs causes expliquent cet état de chose, entre
autre la dégradation de l'environnement. Comme le dit Ingrid HOVEN,
Président du Groupe de travail sur la coopération pour le
développement de l'environnement « La dégradation de
l'environnement est la principale cause de
pauvreté »24
Nombreux sont les facteurs qui expliquent la
dégradation de cet environnement de l'Afrique centrale entre autre
l'industrie pétrolière. Cette dégradation entraine une
paupérisation directe suite à l'occupation de certains milieux
notamment les terres agricoles (cf. sud Tchad) mais aussi une
paupérisation à long terme compte tenu de la pollution.
24 - Ingrid HOVEN, Avant propos sur le rapport de l'OCDE
« Liens entre pauvreté, environnement et
égalité entre l'homme et la femme. Pré-impression des
dossiers du CAD 2001, Volume 2, n°4, P.3
Selon d'autres études et analyses « il faut
commencer par éradiquer la pauvreté avant de se préoccuper
de l'environnement ».
a) Paupérisation directe
« Le pétrole rend pauvre »
dit - on. Cela est vrai pour les pays en développement. En effet, la
plupart les pays producteurs de pétrole d'Afrique centrale sont
classés parmi les plus pauvres du monde selon l'indice du
développement humain (IDH) de 1998 de la Commission Economique pour
l'Afrique et Centre de Développement sous Régional pour l'Afrique
Centrale. Cela s'explique surtout par la mauvaise gouvernance. Aussi comme
l'affirme Emil Salim « Non seulement les industries
pétrolières (.....) n'ont pas aidé les populations les
plus pauvres des pays en voie de développement, mais elles les ont
appauvri davantage »25.
Les populations non seulement ne tirent pas profit de
cette manne, elles sont encore victime de la pollution et de la
dégradation de leur environnement suite à cette activité.
S'il est admis que par environnement, on entend la terre
indispensable pour faire pousser de quoi manger, l'eau nécessaire pour
boire, se laver et irriguer les cultures, l'air que l'on respire, et une
multitude de produits alimentaires et médicaux naturels, il devient
évident que préserver l'environnement équivaut à
préserver la production alimentaire, préserver les moyens
d'existence, et préserver la santé.
Or pour exploiter le pétrole, les
multinationales portent une atteinte directe à l'environnement tant
terrestre, aquatique qu'aérien. Cette atteinte résulte de
l'implantation de leurs installations sur les terres cultivables ou en mer et
du défrichage des forêts mais aussi des torchères des gaz.
Cela rend les populations de plus en plus pauvres d'autant plus qu'elles ne
tirent l'essentiel de leurs moyens d'existence que de leur
environnement26.
25- Dr Emil Salim résumé du rapport de la Banque
mondiale 2004, paru le 16 juin 2004 dans le Financial Times britannique,
cité par Sandra Kloff et Clive Wicks dans Gestion
environnementale de l'exploitation de pétrole offshore et du transport
maritime pétrolier, paru octobre 2004
26 - Voir aussi le rapport aussi le Rapport d'Informations sur
le Rôle des compagnies pétrolières dans la politique
internationale et son impact social et environnemental, déposé
par la Commission des Affaires étrangères de l'Assemblée
nationale française, présenté par Mme
Hélène-Marie AUBERT, MM. Pierre BRANA et Roland BLUM, Tome 1, P.3
notamment l'audition de M. Mongo Béti, le 24 mars à 16h 15. Selon
lui, « les populations ne savent rien sur le montant de la rente
pétrolière, qui est déposé sur un compte du
Président de la République en Suisse. Ces sommes servent à
renforcer la dictature qui dispose ainsi de moyens importants pour se fournir
en armes et corrompre les hommes politiques locaux ou étrangers, voire
les intellectuels ».
Voir aussi à juste titre pour le cas du Congo, le
Document de Stratégies de Réduction de la Pauvreté
b) Paupérisation à long terme
Les multinationales n'exploitent le pétrole de
façon durable. Les actes qu'on pose aujourd'hui peuvent avoir des
répercussions dans l'avenir mais, rares sont ceux qui se
l'aperçoivent. La pauvreté qui sévi aujourd'hui peut
être la conséquence d'un manque de protection effective de
l'environnement. Seulement, cet aspect de la pauvreté n'est pas souvent
pris en compte lorsqu'on évalue les facteurs de la
pauvreté27. La destruction des forêts, la pollution des
côtes et les terres conduit inévitablement à
« l'insuffisance matérielle » et l'incapacité
de répondre aux besoins de première nécessité. Les
parents se retrouvent dans l'impossibilité d'envoyer leurs enfants
à l'école par le manque de moyens. C'est ce qui ressort du
tableau ci-dessous sur taux de l'éducation primaire:
Pays
|
1990
|
2000
|
2004
|
Cameroun
|
73,6
|
75,2
|
----
|
Centrafrique
|
46
|
44,9
|
66
|
Congo
|
79,4
|
77,9
|
----
|
Gabon
|
85
|
93,5
|
77
|
Guinée Equatoriale
|
91
|
93,3
|
85
|
Tchad
|
34
|
56,6
|
57
|
Certains n'arrivent plus accéder aux soins
médicaux et l'alimentation de base comme l'indique le tableau
ci-dessous :
Pays
|
Nombre de personnes sous alimentées
(millions)
|
Proportion de personnes sous alimentées sur la
population totale (%)
|
1999-90
|
2001-03
|
1990-92
|
2001-03
|
Cameroun
|
4,0
|
4,0
|
33
|
25
|
Centrafrique
|
1,5
|
1,7
|
50
|
45
|
Congo
|
1,4
|
1,2
|
54
|
34
|
Gabon
|
0,1
|
0,1
|
10
|
5
|
Guinée Equatoriale
|
-
|
-
|
-
|
-
|
Tchad
|
3,5
|
2,7
|
58
|
33
|
Total
|
10,5
|
9,8
|
-
|
-
|
|