Chambre d'isolement : du point de vue des patients. Impact d'un temps d'élaboration sur le vécu des patients après un séjour en chambre d'isolement dans une unité d'hospitalisation de psychiatrie adulte( Télécharger le fichier original )par Charlotte Mouillerac Université Paris 8 - Master 1 psychologie clinique et psychopathologie 2007 |
8.3.3 LES RISQUESLa CI est un lieu à haut risque (suicidaire, agressif, de blessure, d'incendie...). Plusieurs types de complications peuvent être rencontrées au moment de la mise en isolement : escalade de la violence, blessure du patient ou des soignants, dégradation des équipements... Parallèlement à ces risques inhérents au dispositif, l'isolement peut également avoir des effets pervers, pour peu que son utilisation ne soit pas suffisamment encadrée et réfléchie : Ø distorsion des perceptions, Ø passage à l'acte à connotation masochiste d'un patient cherchant à provoquer sa mise en isolement, Ø risque d'exclusion du patient qui n'a plus la possibilité d'aller vers les soignants et devient tributaire du bon vouloir de ceux-ci, Ø utilisation abusive à visée punitive, Ø risque d'échec de la prise en charge avec difficulté à créer une alliance thérapeutique. Le professeur Vignat99(*) insiste sur l'attention particulière à porter aux « accidents morbides qui accompagnent tout état psychiatrique aigu sévère mais que l'isolement peut favoriser ou dont il peut retarder le repérage, notamment lorsque la mesure n'est pas assortie d'une réelle conduite de soins intensifs » (gestes suicidaires, états catatoniques, confusionnels, syndrome malin des neuroleptiques). La CI est une prescription médicale. Tout manquement des soignants aux règles prescrites est le symptôme d'un dysfonctionnement institutionnel qu'il est indispensable d'analyser. Il s'agit là de souligner l'importance de la présence d'un tiers institutionnel, qui peut être le psychologue, pour prendre de la distance par rapport à l'acte et voir à nouveau la personne derrière le protocole. Tout outil de soin peut être perverti. Faire de la CI un outil de soins demande un effort constant pour aller à l'inverse de ce que le lieu lui-même incite à faire : isoler et oublier. 8.3.4 LE CERCLE VICIEUXOn voit souvent des malades qui paraissent "chercher" la chambre d'isolement (et qui parfois la demandent réellement), pour différentes raisons, conscientes ou inconscientes, délirantes ou non, que ce soit pour mettre en scène leur mal être ou leur idée de leur propre dangerosité, se mettre à l'abri, manifester un fort sentiment de culpabilité, s'auto punir... Faut-il entendre cette demande pour ce qu'elle est en surface, ou aller au-delà et y voir peut-être une demande d'aide, formulée au travers de la représentation qu'ils se font de la chambre d'isolement, d'eux-mêmes, de leur maladie, du soin et des soignants, demande à laquelle répondre par un isolement ne serait pas forcément la seule option ? La souffrance masochiste, nous rappelle Anzieu, avant d'être secondairement érotisée, s'expliquerait par des alternances brusques de frustrations (privation de contacts d'avec la mère ou son substitut) et de satisfactions (sur-stimulation) du besoin d'attachement. Ce n'est pas autre chose que reproduit le patient " client chronique de la CI ", qui, dans un mouvement abandonnique, teste le lien avec l'équipe " mère " d'un passage à l'acte à l'autre. Le passage à l'acte garantit le retour de la mère (appel à l'aide, contention, manipulations physiques, cadre resserré, mise en CI) et lorsqu'à la fin de l'isolement le patient retrouve sa place habituelle dans le service, il a eu son plein de rapprochés et retombe dans la frustration, dans la " non-existence " du nouveau-né privé de contact, en attendant le début d'un nouveau cycle. De tels fonctionnements mettent les équipes en échec, en les confrontant à un sentiment d'impuissance qui pousse à un désinvestissement du malade. Ainsi l'exemple de ce patient qui reproduisait dans son unité le fonctionnement qu'il avait dans sa famille, où il avait le rôle de l'enfant difficile qu'il faut gronder et punir. Transgressant systématiquement toutes les règles du service, il ne faisait qu'entrer et sortir de CI, s'attirant les foudres de son médecin, qui prenait ainsi la place de la mère. On voit par là quel soulagement, voire quelle satisfaction masochiste, peut apporter au patient la CI et comme il est nécessaire de prendre du recul face à de telles situations. L'isolement est pathologique chaque fois qu'il devient un mode de fonctionnement systématique ou régulier pour un patient donné. La parole du malade mental a toujours peu de valeur, elle reste non reconnue, voire irrecevable. C'est sans doute une des raisons pour laquelle on trouve encore très peu de publications de témoignages de patients concernant ce soin. Les plaintes spontanées sont également rares après un passage en chambre d'isolement. Les patients sortis de CI n'abordent pas spontanément le sujet. La plupart des études sur le sujet sont une fois de plus anglo-saxonnes, à l'exception de celle de Dominique Friard. Le thème le plus abordé par les patients est celui de la liberté, mais pas seulement lorsqu'ils parlent de la CI. Ce thème est évoqué pour parler de l'hospitalisation en psychiatrie de manière générale. C'est l'hospitalisation toute entière qui fait vivre un sentiment de perte de liberté. Jérôme Palazzolo fait une revue de la littérature dans Chambre d'isolement et contentions en psychiatrie100(*) et souligne que, si quelques expériences positives ont été décrites (particulièrement pour des patients ayant eu un bon encadrement et/ou un long entretien sur les raisons de leur isolement), la plupart des patients interrogés ont une vision plutôt négative de la chambre d'isolement. Si l'on fait la liste (par ordre alphabétique) des qualificatifs utilisés dans ces différentes études, on obtient ceci :
Globalement les commentaires sont très négatifs mais il ressort que certains patients ont pu se sentir rassurés (expressions en italique). Certains patients soulignent la survenue d'un sentiment de sécurité et de protection, un sentiment d'apaisement ou de réassurance. La différence de perspective pourrait être fonction de la pathologie du patient, des conditions de la prescription, de la prise en charge, de la relation du patient avec les soignants, du travail de réflexion post isolement... * 99 Vignat J.P./ Conduites à tenir, Mise en Chambre d'Isolement. Document de travail contenu dans le dossier bibliographique remis par l'ANDEM, " L'audit clinique appliqué à l'évaluation de l'utilisation des chambres d'isolement en psychiatrie d'adultes ". * 100 Palazzolo, J..(2002) Chambre d'isolement et contention en psychiatrie. Paris. Ed Masson |
|