Chambre d'isolement : du point de vue des patients. Impact d'un temps d'élaboration sur le vécu des patients après un séjour en chambre d'isolement dans une unité d'hospitalisation de psychiatrie adulte( Télécharger le fichier original )par Charlotte Mouillerac Université Paris 8 - Master 1 psychologie clinique et psychopathologie 2007 |
Globalement les commentaires sont très négatifs mais il ressort que certains patients ont pu se sentir rassurés (expressions en italique). Certains patients soulignent la survenue d'un sentiment de sécurité et de protection, un sentiment d'apaisement ou de réassurance. La différence de perspective pourrait être fonction de la pathologie du patient, des conditions de la prescription, de la prise en charge, de la relation du patient avec les soignants, du travail de réflexion post isolement... 9.1 L'ÉTUDE DE WADESON ET CARPENTERL'article de Wadeson H. et Carpenter W.T.101(*) en 1976 dit bien la force des sentiments exprimés par les patients à l'issue d'un séjour en isolement. Ces médecins ont évalué les réactions des patients au travers de leurs productions artistiques sur une période de 3 ans. 62 patients ont ainsi été évalués au cours de ces sessions. Parmi eux, 41 avaient fait un séjour en CI. 20 patients sur ces 41 ont spontanément produit des dessins se rapportant à cette expérience. 17 dessins représentent une hallucination vécue en isolement, 23 une expérience délirante associée à l'isolement, 12 un affect intense associé à l'isolement. Dans la représentation des hallucinations, il apparaît qu'une importante proportion des oeuvres a un caractère réconfortant, rassurant, ou distrayant, comme si les patients avaient inconsciemment cherché à se récréer un univers mental apaisant pour contrebalancer leur angoisse. A l'inverse en effet, les représentations des expériences délirantes associées à l'isolement ont majoritairement un caractère déplaisant, voire terrifiant. Plusieurs patients se sont crus en prison, et un a même pensé qu'il était dans une chambre à gaz. Les dessins représentant les affects ont tous un caractère négatif. Une patiente décrit l'expression du visage qu'elle a dessiné comme étant : « mélancolique, malheureux, frustré ». Une patiente imagine qu'elle avait été isolée parce que les soignants voulaient avoir la paix, et dessine donc de la colère. 9.2 L'ÉTUDE DE DOMINIQUE FRIARDD. Friard, infirmier de secteur psychiatrique à Laragne (05), réalise en 1996 une recherche sur le vécu de patients102(*). Il pose 14 questions à 10 patients volontaires, à distance de leur séjour en CI. Il relève que plusieurs mots reviennent comme un leitmotiv dans les réponses : prison, cigarette / fumer, piqûre, calme / rester calme, punition, privation de tabac associée à énervement et agressivité. L'isolement n'est pas perçu comme arbitraire. Le lien est fait par les patients avec le trouble du comportement ou le passage à l'acte qui a précédé. Ce passage à l'acte paraît minimisé ou décontextualisé. Les patients se montrent peu loquaces sur les raisons de l'isolement. D. Friard fait l'hypothèse d'une absence d'élaboration, d'une forme de déni. S'il y a absence d'élaboration, à qui la faute ? Y a-t-il eu suffisamment de place faite à l'élaboration par l'équipe ? D. Friard insiste sur l'importance d'informer le patient sur les raisons et le déroulement de l'isolement et sur les buts poursuivis dans son cas. Il soulève l'idée qu'il est sans doute plus difficile de comprendre le pourquoi d'une mise en isolement lorsqu'il n'y a pas eu de passage à l'acte, dans le cas d'une mesure préventive. Les patients se représentent comme des enfants
capricieux punis par leurs parents : Les théories explicatives des patients sont d'une grande pauvreté. La chambre d'isolement, c'est une punition. Si on est calme, on a des chances d'en sortir, mais même alors l'on n'est sûr de rien. Le conseil qu'ils donneraient aux autres patients : « reste calme, écoute l'infirmière ». Le soin en chambre d'isolement se résume pour les patients à la "piqûre". Le soin relationnel n'est pas reconnu comme un soin à part entière. La piqûre est vécue comme une contrainte et une violence. Les infirmiers viennent à plusieurs, « ils appellent leurs copains ». Friard note cependant que cette piqûre qui fait mal et qui fait effraction permet aussi de retrouver les limites de son corps. Les patients font la différence avec les "bons" médicaments : ceux qui permettent de dormir et d'oublier. Créer une alliance thérapeutique avec un patient change la donne : le patient se sent alors entre de bonnes mains, et « de bonnes mains ne peuvent pas faire de mauvaises piqûres ». La cigarette prend une importance considérable pour le patient isolé. Il faut rappeler que les psychotiques sont de gros fumeurs, particulièrement dans ces périodes d'hospitalisation où le temps passe si lentement. La cigarette est le bon objet qui remplit et permet de supporter le manque. En chambre d'isolement, elle est rationnée ou supprimée. Le moment cigarette devient un temps privilégié de rencontre entre le patient et les soignants. Le "bon" soignant est celui qui autorise une deuxième cigarette, qui permet un temps de sortie un peu prolongé. Les patients se plaignent moins de l'absence de musique, et pourtant, nombreux sont ceux qui utilisent la musique pour camoufler les voix, que ce soit avec un poste portatif ou un baladeur. Les patients interrogés par Friard se plaignent aussi des conditions matérielles, particulièrement spartiates dans leur cas, puisqu'ils sont contraints d'utiliser des seaux hygiéniques et que leurs murs sont couverts de graffitis. Dans l'utilisation des pronoms personnels "je", "ils", Friard remarque que les soignants sont en position de sujet. Les patients agissent moins mais c'est sur eux que porte l'action du verbe. Quand le "ils" est employé pour désigner les soignants, le verbe renvoie au registre de la sanction : "piéger, tricher, imposer, consigner...". Quand le soignant est individualisé, appelé par son nom, on entre dans le domaine du soin relationnel. La relation est différenciée, créatrice d'alliance thérapeutique. L'utilisation de la chambre d`isolement modifie les relations du patient avec les soignants. Difficile d'établir un lien de confiance avec celui qui vous a enfermé. Un lien privilégié existe parfois cependant, avec ceux qui auront adouci les contraintes (laissé plus de temps pour une cigarette, par exemple). Les interactions sont multiples dans ce système entre les soignants et le patient. Comme dans un système familial, il est très difficile de déterminer les responsabilités. Le ressenti des patients varie, de celui qui trouve que ce n'était pas si long, ou qui ne s'en souvient pas parce qu'il était "dans le coltar", à ceux qui parlent de torture ou de prison. Les mots sont très forts : « J'avais l'impression que j'allais mourir. Je me suis senti en prison » ; « enfermé comme un chien » ; « Je vivais ça comme une punition, un viol, une sorte de torture muette » ; « J'ai perdu ma pudeur, mon intimité ». Un patient insiste sur l'impuissance ressentie : « Ils te mettent en position de mendiant... T'as l'impression de retourner à un état animal. Ca permet de tout faire sortir physiquement, on peut se laisser aller. Je me servais du lit en ferraille pour défoncer la porte, du coup ils ont enlevé le lit. Tu perds ta dignité d'être humain. » Cette étude met en évidence le fait que les patients ayant été isolés plus d'une semaine expriment tous des angoisses de morcellement, morcellement dont il est difficile de savoir s'il aurait existé en dehors de la CI du fait de leur pathologie ou s'il est majoré par l'isolement. En effet, les expériences réalisées pour étudier les effets de l'isolation sensorielle montrent que la privation de stimulation provoque ce type d'angoisses. 9.3 L'ÉTUDE DE MEEHAN ET ALL'étude de Meehan et al103(*), publiée en 2000, porte sur 12 patients entre 18 et 52 ans, après une période courte d'isolement (3 à 4 heures) dans les 7 jours précédents. Elle fait ressortir 5 points principaux : 1) Perception de l'isolement Les patients estiment que l'usage de l'isolement bénéficie plus au personnel qu'aux patients. La plupart trouve que l'usage de la force pour isoler les patients, de même que le fait de leur retirer leurs vêtements et leurs effets personnels et de leur donner un traitement est injustifié. A nouveau, ils associent isolement et punition. Certains cependant perçoivent l'isolement comme la possibilité de retrouver le contrôle de soi dans un environnement sécurisé. 2) Impact émotionnel D'un point de vue émotionnel, l'isolement engendre de la colère, d'abord dirigée vers le personnel, perte de contrôle, humiliation, peur (des espaces confinés, des injections, des traitements). Ces sentiments persistent après la sortie de CI. 3) Isolement sensoriel Les patients décrivent des sensations de dépression, une plus grande sensibilité aux bruits, une difficulté à se repérer dans le temps, des sensations de perte de contrôle. 4) Stratégies Différentes stratégies sont mises en oeuvre pour tenter de reprendre le contrôle : se parler à soi-même pour briser le silence, rester calme pour sortir plus vite... 5) Interaction thérapeutique Tous les patients se plaignent du manque de communication avec les soignants durant et après la période d'isolement. La plupart auraient aimé être informés sur l'isolement et sur les moyens de l'éviter. Ils soulignent le fait que l'isolement les a privé de leurs droits élémentaires. Ils expriment enfin le souhait d'un véritable débriefing après le temps d'isolement. 9.4 AUTRES ÉTUDESI. Pépier104(*) mentionne l'étude de Soliday (1985) dans laquelle des questionnaires distribués aux patients et aux soignants d'un même hôpital montraient des opinions diamétralement opposées entre les deux groupes. Les patients éprouvaient des sentiments négatifs, considérant que l'isolement était humiliant, que c'était comme une punition et que ça durait trop longtemps, alors que les soignants ne relevaient que des aspects positifs. Martinez et al105(*) ont conduit une étude sur l'isolement du point de vue des patients auprès de 15 enfants, 13 adolescents et 41 adultes dans un hôpital de Denver. Comme dans les autres études, les patients parlent de sentiments de vulnérabilité, abandon, punition, peur, rejet, ennui et claustrophobie. Selon eux, c'est l'isolement qui conduit à l'expression de colère et d'agitation. Mann, Wise, et Shay106(*) (1993) étudient le point de vue de 50 patients peu après leur sortie d'isolement et obtiennent des résultats similaires. Wadeson et Carpenter107(*) soulignent le retentissement qu'une mise en CI peut avoir sur l'atmosphère du service et sur le vécu des autres patients. Ils notent que ceux-ci peuvent se sentir rassurés, jaloux de l'attention manifestée envers un seul, nerveux ... Les patients non isolés peuvent se sentir mal à l'aise et nerveux lorsqu'il savent qu'il y a un patient en isolement, même s'ils peuvent s'avouer rassurés de ne plus les croiser dans les couloirs. Pour Hammpi et al, cités par I. Pépier108(*), « les souvenirs des patients concernant leur expérience personnelle ont été généralement précis et exacts quant aux faits (estimation de la durée, des motifs, des circonstances de mise en isolement, contact avec les infirmiers), si l'on excepte une tendance de quelques patients à minimiser tout comportement agressif ou agité de leur part. » La plupart des études montrent aussi que malgré le vécu négatif dont parlent les patients, tous sont d'accord pour dire que la CI est nécessaire pour empêcher les blessures et maîtriser un comportement agité. Antonin Artaud décrit en ces termes l'enfermement qui fut le sien lors de son internement : « A force d'être enfermé, on finit par s'imaginer que le monde extérieur n'existe pas. Et la conscience s'en ressent. Elle finit par perdre le sens concret, de l'objectif, et par conséquence du vrai, et elle est menacée de s'attarder inconsidérément sur de fausses images, de fausses impressions. Et d'y croire avec le temps. »109(*) 9.5 EN CONCLUSIONLe point commun de toutes ses études est certainement le vécu négatif des patients. Les mots utilisés pour l'exprimer sont souvent très forts. Même sans remettre en cause le bien fondé de cette pratique, dont il reconnaissent l'utilité pour protéger les autres (patients ou soignants) d'un comportement dangereux, les patients dénoncent ce qu'ils ressentent comme une violence faite à leur encontre. Il est d'ailleurs frappant de noter le fossé qui existe entre ces propos et ceux des soignants. A ce sujet, un patient fait cette remarque : « Il est essentiel que les professionnels de la santé mentale arrêtent de nier nos perceptions. » Différents éléments reviennent : Ø Le manque d'information. Ø Le mot punition qui revient dans toutes les études. Ø Le sentiment de solitude et d'abandon. Ø La perte de repères. Ø Le sentiment d'impuissance Ø La peur Ø La colère Ø La tristesse Ø Le sentiment de privation (de liberté, de cigarette...) Bien entendu, les conditions dans lesquelles ont été réalisées ces différentes études sont trop diverses (isolement durant de quelques heures à plusieurs jours...) pour qu'il soit possible de déterminer ce qui fait que le vécu d'un patient puisse être négatif ou positif. Il ne faut pas négliger cependant le fait que certains patients aient pu se sentir rassurés voire réconfortés par cette forme de prise en charge. Il semblerait, et c'est un point sur lequel toutes les études se rejoignent, que la façon dont l'isolement aura été parlé et expliqué fait une grande différence. C / Hypothèses et méthodologie 1 Problématique et Hypothèses1.1 PROBLÈMATIQUECe n'est pas sans raison que les soignants doivent si souvent répéter cette phrase : « L'isolement c'est un soin, pas une punition. » L'enfermement renvoie forcément à des notions de culpabilité, de punition et de solitude. Par ailleurs, nombre de mises en CI se font au décours ou en prévention de passages à l'acte agressifs ou violents, ce qui contribue à les inscrire dans les représentations des patients (voire parfois des soignants) comme des sanctions posées face à une transgression. Isoler un patient est loin d'être un geste facile pour un soignant, c'est un geste qui peut même à certains moments paraître antinomique du soin. « Le refus de soins [...] met en échec le désir de soigner ou l'échec du soin [...] disqualifie la compétence du soignant et active la déception en rapport à l'idéal soignant et au projet formé pour le patient. Tout ceci fait, en quelque sorte, violence au soignant en attaquant son idéal, à son niveau archaïque du Moi idéal, non pas modèle à approcher mais objectif à remplir obligatoirement. 110(*)» Il est indispensable que les objectifs en soient clairement définis et qu'ils aient été compris de tous Cette recherche ne pourra pas faire l'économie de souligner la difficulté du travail des soignants dans cette démarche compliquée de "faire du soin" à partir de la CI. La CI représente en effet dans son dispositif un concentré de toute la complexité du travail des personnels de santé mentale. Car de quoi parle-t-on lorsqu'on parle de soin en psychiatrie ? Le docteur Vignat111(*) dit plusieurs choses à ce sujet : 1) « Le soin en psychiatrie est inscrit dans le plan relationnel. C'est une interaction entre le patient, les soignants et un environnement qui est celui de l'institution psychiatrique ». En CI, cette interaction prend d'abord la forme d'une contrainte. Elle est imposée au patient qui souvent ne pense ne plus avoir de liberté que dans l'opposition. Le dispositif, l'institution et les soignants sont vécus comme persécuteurs. On conçoit alors la difficulté de la position soignante. Il s'agit d'aller vers un patient qui peut être opposant, voire agressif ou insultant, et néanmoins d'être dans une démarche de soins. Il ne faut pas non plus négliger le fait que « le fonctionnement psychique du patient n'est pas sans effet sur le soignant. Celui-ci met en oeuvre, avec sa propre histoire et son appareil psychique, d'une part une ensemble d'émotions et de sentiments, d'autre part un système de représentations. 112(*)» 2) « Les objectifs du soin sont de contenir, d'apaiser et de rétablir la communication ». Ce sont aussi les objectifs de la CI. Contenir d'abord (une agitation, une angoisse, un délire,...), d'une manière physique et concrète, grâce aux murs et à l'espace réduit, psychique ensuite grâce aux règles imposées par le cadre de soin, aux entretiens et temps de parole, à la rythmicité réinstaurée. Apaiser ensuite, dans une démarche de soins intensifs, où le nursing a une grande part et où la fiabilité des soignants et de la parole donnée est primordiale. Rétablir la communication enfin, en donnant du sens à ce qui s'est passé et en redonnant accès à la parole. Redonner une place à l'autre dans le champ psychique du patient, c'est passer des mécanismes persécutifs et projectifs à une capacité retrouvée d'ambivalence au sein de relations différenciées. 3) « Le soin est aussi un travail sur les représentations, les contenus psychiques, et sur le temps, l'espace et la distance relationnelle ». La CI peut permettre ce travail sur les représentations et les contenus psychiques à condition de prévoir un temps d'élaboration a posteriori, revenant sur les événements et leur chronologie. Elle permet à coup sûr un travail sur la temporalité, en permettant de réinstaurer un rythme journalier, ponctué des visites des infirmiers, des temps de repas, de traitements, de sommeil... L'espace et la distance relationnelle sont au coeur du dispositif. Henry Ey disait de la maladie mentale qu'elle est une pathologie de la liberté. J.P. Vignat ajoute que c'est aussi une pathologie de la relation. C'est à partir du moment où le soignant est capable : Ø d'analyser les attitudes du patient et ses propres contre-attitudes ( Il ne s'agit pas de « persuader les soignants de changer d'attitude mais [de] leur permettre de parvenir à repérer et comprendre ce qui sous-tend cette attitude et, dans un processus d'élaboration, de former des représentations prenant en compte ces éléments. 113(*)»), Ø de rester soignant dans des situations conflictuelles, malgré la violence, Ø d'entamer ou de poursuivre une relation thérapeutique tout en assurant un maintien du cadre de soin, Ø de mettre du sens là où souvent la parole a été remplacée par l'acting, ... ... que l'on peut espérer que le vécu du patient pourra se nuancer. Cela ne va pas de soi et cela demande un réel travail d'élaboration et un investissement important de la part de tous les professionnels de santé mentale. L'isolement est une période difficile qui peut affecter la suite de la prise en charge. Prendre en compte le vécu des patients est indispensable 1.2 ORIENTATION THÉORIQUEL'orientation choisie au départ de cette recherche s'inscrit dans une démarche pragmatique. En effet, plutôt que de se limiter à l'analyse des pathologies, la recherche en pragmatique se porte du côté des professionnels de la santé mentale et notamment sur les dispositifs thérapeutiques. Si comme il a été mentionné plus haut, le soin est une interaction entre un patient, des soignants et un environnement, il n'empêche que le dispositif de soins est rarement mis au centre des recherches. Les dysfonctionnements de la pensée ne peuvent cependant être analysés en dehors du contexte. C'est vers cette idée que s'oriente la pragmatique linguistique avec Austin et Searle, partant du constat que la signification d'un énoncé doit être infirmée à partir du contexte verbal situationnel dans lequel il s'inscrit. Le principal objectif de cette recherche est d'approcher le point de vue des patients, usagers des soins, sur une pratique, dans une perspective d'évaluation et d'amélioration des prises en charge. 1.3 HYPOTHÈSE GÉNÉRALELes recherches portant directement sur le vécu des patients en CI sont, on l'aura vu, peu nombreuses. Le sujet reste encore peu développé et la forte disparité des études ne permet encore aucune généralisation. Néanmoins, ce qui ressort de manière évidente des recherches évoquées plus haut, c'est que l'isolement ne peut être thérapeutique qu'à la condition d'être envisagé comme un véritable soin intensif, encadré par une équipe formée et ayant accompli un véritable travail de réflexion sur le sujet. Les rares témoignages obtenus auprès de patients au sujet de la chambre d'isolement montrent une majorité de sentiments négatifs, des sentiments souvent très forts qui interpellent forcément la place de ce soin. Cependant, il apparaît que quelques perceptions positives sont évoquées à plusieurs reprises. Elles portent principalement sur l'aspect rassurant de la chambre, qui est alors vécue comme un endroit paisible et réconfortant, à l'abri des sollicitations du service. Comment se peut-il que des patients (parfois d'un même service ?) aient pu percevoir ce temps d'isolement de manière si différente ? De nombreux facteurs peuvent être en cause, notamment la pathologie en question, l'histoire du patient dans le service, la durée de l'isolement... L'hypothèse posée ici est que le fait d'avoir pu bénéficier d'un temps d'élaboration auprès de soignants après la période d'isolement pourrait justement être un facteur déterminant. Il n'est pas négligeable que nombre de patients soient isolés plusieurs fois au cours de leurs différentes hospitalisations. Le fait d'avoir pu donner du sens à cette expérience difficile pourrait entraîner une meilleure acceptation de cette pratique qui pourrait alors se dérouler dans de meilleures conditions. Je reprendrai à ce sujet certains points d'un article extrait d'Alcoologie et Addictologie114(*), qui, bien que portant sur le thème des addictions, me semble apporter un éclairage intéressant. Partant de la théorie de l'autodétermination de Deci et Ryan, les auteurs soulignent l'importance du besoin d'autodétermination dans la motivation d'un patient : « Si ce besoin est réprimé ou menacé, la personne va réagir pour retrouver sa liberté de choix. » Cette théorie est en lien avec le concept de résignation acquise115(*) de Martin Seligman qui pose que lorsqu'une personne ne peut pas faire de lien entre ses actions et leurs conséquences, elle éprouve une forte baisse de motivation et une augmentation des sentiments de déprime. Sous l'incitation de personnes significatives (soignants, famille, par exemple), une personne peut tendre à intérioriser et à s'approprier un comportement pour lequel elle ne manifestait a priori pas d'intérêt. « Lorsque cela se produit, la personne se perçoit alors comme la cause de son comportement qui devient donc, ainsi, autodéterminé. » Pour obtenir une meilleure adhésion au programme de soins, il est nécessaire que les patients se sentent motivés, qu'ils aient le sentiment d'être partie prenante dans les décisions, c'est-à-dire que le besoin d'autodétermination soit satisfait. « Les personnes amotivées se sentent incompétentes, elles se comportent comme si elles n'avaient pas de contrôle sur leurs actions, elles perçoivent leurs comportements comme étant produits par des facteurs extérieurs et souvent même elles l'abandonnent. » Dans le cas de la psychose, il est d'autant plus difficile d'obtenir une motivation à se soigner que les patients n'ont pas une réelle conscience des troubles. Ces propos renvoient à la théorie de la dissonance cognitive de Léon Festinger : face à une incompatibilité entre ses cognitions, la personne va rechercher un moyen de réduire la dissonance, source de tension pénible. Ainsi, face à un soin pénible comme la CI, modifier les représentations des patients en leur permettant de donner du sens à cette expérience (utile, soin intensif) pourrait entraîner une minimisation du vécu de pénibilité et par là favoriser la motivation à accepter les soins proposés. En plus des entretiens post isolement, les patients bénéficient de temps de parole avec les soignants (médecins et infirmiers) pendant leur temps d'isolement. Le médecin les voit une fois par jour, pour un entretien ou du moins une évaluation de leur état. Les infirmiers passent toutes les heures, amènent les repas, prennent les constantes, accompagnent les temps de douches ou de sorties provisoires. Quelle perception les patients ont-ils de ces échanges ? Ces temps de parole sont-ils suffisants et répondent-ils à leurs attentes ? L'HYPOTHÈSE GÉNÉRALE EST DONC LA SUIVANTE : C'est par le travail d'élaboration accompli pendant et après le temps d'isolement que les représentations des patients peuvent être modifiées. Le sens que les patients donnent alors à cette période d'isolement modifie leur vécu. Les patients ont l'impression d'avoir pu bénéficier d'un soin intensif, reconnaissent une utilité à ce soin et profitent davantage des temps de parole proposés. 1.4 HYPOTHÈSES SPÉCIFIQUES· Hypothèse 1 : Comme l'ont montré les études existantes, les patients ont une représentation négative de leur séjour en CI. Cette hypothèse se décompose en quatre points :
· Hypothèse 2 : Avoir bénéficié d'un temps d'élaboration améliore la représentation que les patients ont de leur séjour en CI. Cette hypothèse se décompose en quatre points : v Hypothèse 2a : Avoir bénéficié d'un temps d'élaboration améliore le ressenti des patients. v Hypothèse 2b : Avoir bénéficié d'un temps d'élaboration permet aux patients de considérer la CI comme un soin intensif. v Hypothèse 2c : Avoir bénéficié d'un temps d'élaboration permet aux patients de reconnaître une utilité à la CI. v Hypothèse 2d : Les patients ayant bénéficié d'un temps d'élaboration ont un meilleur vécu des temps de parole en CI. La particularité du terrain d'expérimentation a fait surgir une question supplémentaire, davantage centrée sur le travail spécifique accompli par le psychologue de l'unité, P. Perret, au cours de ses entretiens de recueil du vécu en CI. Cette question a entraîné la formulation d'une hypothèse complémentaire : · Hypothèse 3 (complémentaire) : Les entretiens de recueil du vécu répondent à un besoin des patients de parler de leur expérience d'isolement. 2 Méthodologie et déroulement expérimentalLe but premier de cette recherche a été de recueillir des témoignages permettant d'évaluer le vécu de patients par rapport à une pratique thérapeutique. Plutôt qu'une approche strictement statistique, une approche qualitative a donc été privilégiée, au travers d'une représentation idiographique, c'est-à-dire privilégiant les traits caractéristiques de l'objet d'observation. Le but recherché était de comprendre l'expérience des patients et les interprétations qu'ils en font. Le discours de la personne devait être respecté, avec ses particularités, sa dynamique et ses cadres de référence. Il s'agit par ailleurs d'une étude transversale, qui représente le cliché d'une population à un moment donné, et permet, dans ce cas précis, l'étude d'une association entre un dispositif (la CI) et une issue clinique (le vécu des patients). Il était important de réaliser cette recherche dans un service où l'isolement se passait dans de bonnes conditions. Il n'était en effet pas question de polémiquer sur un sujet déjà difficile, mais plutôt de mieux connaître le retentissement de ce soin sur les patients, dans une perspective d'amélioration des pratiques thérapeutiques. 2.1 CHOIX DU LIEU DE RECHERCHELa recherche a été effectuée au printemps 2007 au sein d'un service de psychiatrie adulte de l'hôpital Saint Jean de Dieu de Lyon. L'unité Saint-Exupéry est en effet dans une démarche remarquable de recherche et d'évaluation des dispositifs d'accueil et d'isolement, dans laquelle la position du patient est vécue comme centrale. Le travail accompli par le docteur J.P. Vignat, chef de service, et par ses équipes, est comme on l'a vu dans la partie théorique, cité en référence dans de nombreuses études. De plus, le psychologue de l'unité, M. Patrick Perret, est l'un des rares en France à réaliser de manière systématique des entretiens de "débriefing" auprès des patients ayant fait un séjour en chambre d'isolement. P. Perret s'est dit intéressé par le thème de cette recherche puisqu'il s'agit d'interroger les patients à distance de leur séjour en chambre d'isolement, ce qui est un plus par rapport à leur démarche actuelle. Dans un même temps, l'hôpital Saint Jean de Dieu a, en ce début d'année 2007, effectué un travail de réflexion et d'amélioration des dispositifs, en oeuvrant sur la redéfinition des protocoles de soins d'isolement. Le protocole spécifique créé et utilisé par l'unité Saint-Exupéry a servi de modèle à cette redéfinition. 2.1.1 QUELQUES CHIFFRES.2.1.1.1 Thèse d'Isabelle Pépier en 1992Lors de son travail de recherche effectué à Saint Jean de Dieu en 1992116(*), c'est-à-dire avant la publication du rapport de l`ANAES, Isabelle Pépier présente un certain nombre de données chiffrées qui permettent de se représenter l'évolution de l'utilisation de la CI dans cet hôpital. Durant la période de 4 mois étudiée par elle :
Les raisons invoquées pour les cas représentés (285) sont : Ø Agitation psychomotrice 24,56% Ø Désorientation 14,73% Ø Violence, acte agressif 10,52% Ø Dissociation, déstructuration 8,77% Ø Fugues 7,71% Ø Agressivité verbale 6,31% Ø Prévention d'actes auto-agressifs 6,31% Ø Risques suicidaires 5,96% Ø Acte non toléré par le règlement 5,61% Ø Ivresse 4,21% Ø P.O. ou P.V. 3,5% Ø Refus de soins 1,75% 2.1.1.2 À ce jourIl n'y a pas à ce jour de statistiques précises sur l'occupation des chambres d'isolement à Saint Jean de Dieu. Si l'on peut constater que les CI fonctionnent à flux tendu, la durée moyenne des séjours n'est pas connue, pas plus que le pourcentage de patients ayant été isolés à un moment de leur séjour. 2.1.2 L'UNITÉ SAINT-EXUPÉRY2.1.2.1 Projet de serviceJ.P. Vignat, médecin-chef du secteur G 13 a élaboré un document de travail qui préconise des règles de conduites pour la mise en CI :
2.1.2.2 La chambre d'isolement à l'unité Saint-ExupéryLa CI de Saint-Exupéry est équipée d'un large sas permettant d'évoluer à l'aise même avec des renforts. On y trouve un placard et une douche. Dans la chambre elle-même, dans un recoin, se trouve un point toilette avec WC. Les murs sont peints en blanc, le plafond est suffisamment haut pour être inaccessible. Le lit fait face à une fenêtre à la vitre opaque mais translucide. Il est scellé au sol. Les patients disposent d'une sonnette. Une pendule, située dans le sas, est visible par la porte munie d'une vitre sécurisée. La chambre est climatisée. Les patients y sont en pyjama. Les repas sont servis en plateau. Il est interdit de fumer dans la chambre mais les patients bénéficient rapidement de temps de sortie provisoires en fonction de leur état. Le protocole définit les rythmes des surveillances effectuées par les infirmiers (au minimum surveillances horaires). Le docteur Ribault, médecin de l'unité, voit le patient tous les jours, généralement dans la chambre, mais parfois aussi dans son bureau quand le patient en est capable. Elle modifie alors si besoin la prescription (surveillances ou temps de sortie). 2.1.3 LES ENTRETIENS DE RECUEIL DU VÉCUEn conformité avec le critère 20 de l'ANAES, P. Perret, psychologue à Saint-Exupéry depuis 2004, réalise de manière systématique des entretiens de recueil du vécu des patients au sortir de la chambre d'isolement. Ces entretiens sont proposés aux patients comme un temps d'échange dans les quelques jours suivant la levée de la mesure d'isolement. Un compte-rendu écrit de ces entretiens est joint au dossier du patient. Ce travail a donné lieu à une synthèse117(*) qui aborde les aspects quantitatifs et qualitatifs de ce travail. Les questions posées au cours de cet entretien portent sur les points suivants :
Les objectifs sont de pratiquer une évaluation clinique et une évaluation de la prise en charge du patient, de permettre à l'équipe d'avoir un feed-back de la prise en charge et au patient de parler de son vécu. S'exprimer sur le sujet doit lui permettre de « sortir par les mots d'une expérience éprouvante ». Une synthèse des principaux éléments du vécu fait ressortir les items suivants: Versant négatif
Versant positif Ø la pendule comme repère temporel Ø les visites infirmières Ø les soins d'hygiène/les repas Ø l'effet calmant du traitement Ø sécurité/tranquillité/repos P. Perret repère trois temps dans l'isolement : le début, la prise en charge, la préparation à la sortie. Le début est une période toujours difficile, avec un vécu d'enfermement, de persécution ou de détresse, dont l'évocation est souvent l'objet de déni et de projection. L'expérience renvoie certains patients à la remémoration d'éléments traumatiques de leur histoire personnelle. La prise en charge donne lieu à des mouvements régressifs et à des sentiments de vide et de solitude. L'évocation des soins par les patients renvoie principalement aux soins d'hygiène et aux repas. La rythmicité et l'effet calmant du traitement, en apportant de la sécurité, favoriserait l'investissement de la relation d'objet. La préparation à la sortie est constituée
de la mise en place de sorties provisoires, dont En lien avec le postulat de cette présente recherche, P. Perret fait enfin la remarque suivante : « Au-delà d'une fonction cathartique, affects et représentations peuvent être remis en lien de façon structurante. » 2.2 POPULATION ÉTUDIÉEL'étude a porté sur 11 patients hospitalisés à l'unité Saint-Exupéry pendant la période d'expérimentation (avril à juin 2007). Tous ont passé un temps en chambre d'isolement au minimum 15 jours avant l'entretien de recherche et au maximum 2 ans auparavant. Ce délai de 15 jours a été choisi afin de permettre aux patients un certain recul par rapport à leur expérience. Dans cet intervalle, conformément au projet du service, ils auront pu bénéficier d'un entretien de « recueil du vécu » auprès du psychologue, M. Patrick Perret, qui aura pu permettre un début d'élaboration. Il aurait pu être envisagé une autre approche, avec une participation de ma part à ces entretiens de débriefing, mais cette démarche aurait interféré avec le travail habituel de l'unité et faussé les données. D'autre part, cette mise à distance permettait de préserver ma place d'intervenant extérieur au service, ce qui autorisait à penser que les patients interrogés répondraient avec plus de liberté aux questions. Sous couvert d'anonymat, la neutralité de l'intervenant extérieur permet en effet des critiques qui ne mettent pas en danger le lien à l'équipe soignante. La position de stagiaire est intéressante pour réaliser cette recherche, car elle rassure sur l'implication et les conséquences possibles : le stagiaire ne sera pas toujours là, ne fait pas partie de l'équipe. Le fait d'être en position de psychologue (même stagiaire) garantit aussi que ce qui est dit restera confidentiel. Le parti pris de négliger certaines variables, telles que la durée, le lieu et les conditions de l'isolement ou la pathologie, était justifié par les hypothèses retenues. Tous les patients interrogés étaient pris en charge par l'équipe de Saint-Exupéry au moment de la recherche. Pour certains, cependant, l'isolement s'était déroulé dans une autre unité. Ces patients n'ont donc pas bénéficié des entretiens de recueil du vécu de P. Perret, ce qui a permis un point de comparaison. Diagnostics CIM10 des patients interrogés : - schizophrénie : 6 - trouble affectif bipolaire : 2 - trouble schizotypique : 1 - trouble schizo-affectif : 1 - trouble délirant persistant : 1 Durées des périodes d'isolement - moins de 48h: 1 - entre 48h et 10 jours: 6 - entre 10 jours et 1 mois: 2 - supérieurs à 1 mois: 2 Durée moyenne d'isolement pour les 11 patients interrogés : 15 jours Sexe - 2 femmes - 9 hommes Age - Patients de 25 à 55 ans. - Moyenne d'âge : 42 ans Lieu d'isolement - Patients isolés à Saint-Exupéry : 7 - Patients isolés dans une autre unité : 4 Principales indications d'isolement (plusieurs indications possibles) - Etats d'agitation : 5 - Etats dissociatifs : 7 - Actes ou propos agressifs : 7 - Confusion, désorientation 1 Entretiens de recueil du vécu 5 patients ont bénéficié d'un entretien de recueil du vécu par le psychologue de l'unité dans la semaine ayant suivi leur sortie de CI. 1 patient a été ajouté à ce groupe. Il s'agit d'un patient qui a une grande capacité d'introspection et qui recherche énormément le lien et la discussion avec les soignants. Ayant été hospitalisé à plusieurs reprises, et isolé plusieurs fois également, il a donc eu de nombreuses occasions d'élaborer autour de la CI avec des soignants. Ces 6 patients ont été considérés comme ayant bénéficié d'un temps d'élaboration et ont été numérotés de A à F. Les patients n'ayant bénéficié de ce temps d'élaboration ont été numérotés de 1 à 5. 2.3 TECHNIQUE D'EXPÉRIMENTATION ET DÉROULEMENT EXPÉRIMENTALEn 1996, D. Friard interroge 10 patients volontaires sur leur vécu, à distance d'une période d'isolement (pour 5 d'entre eux : 3 semaines après, pour 3 : 3 mois après, pour 1 : 1 an après et pour 1 : 2 ans après). Pour réaliser cette enquête, il choisit des questionnaires mêlant 4 questions fermées et 10 questions ouvertes. Il reçoit les patients en entretien, pour 8 d'entre eux, 2 préférant remplir eux-mêmes le questionnaire. L'analyse des réponses se fit ensuite en deux étapes : 1) découpage des réponses en unités de base, 2) classement des unités de base par catégories. Friard utilise pour sa méthodologie le livre L'analyse de contenu de L. Bardin118(*) Dans notre cas, le recueil de données est réalisé par le biais d'entretiens semi directifs, standardisés par un guide d'entretien119(*). La réalisation du questionnaire guide a été faite en prenant en compte la forte proportion de malades psychotiques, et notamment schizophrènes, présents dans le service, et les données épidémiologiques relevées dans la partie B de ce travail. La réalisation du questionnaire-guide a donc pris en compte différents critères, prenant en compte la symptomatologie spécifique de la schizophrénie et inspirés des théories cognitives sur l'incompétence pragmatique : difficulté à saisir l'enjeu souvent implicite des situations sociales, déficit de théorie de l'esprit, déficit du monitoring des intentions d'autrui. Les entretiens ont été préparés dans cette même optique : Ø Formulation des questions simple et non ambiguë Ø Rappel fréquent du thème (difficultés à prendre en compte le contexte) Ø Explication répétée des consignes, si nécessaire Ø Pas de choix multiples (difficulté à faire des choix, déficit de l'action volontaire) Ø Durée de l'entretien limitée (déficit de la mémoire de travail) Ø Ne pas hésiter à reformuler et à répéter les questions (déficit de la coréférence par excès de crédit de connaissance partagée attribuée à l'auditeur, déhiérarchisation de la structure du récit / Rochester et Martin) Ø Prendre du temps, dans un endroit calme (bureau) Ø Questions permettant des réponses courtes pour que le patient ne se perde pas dans sa réponse (perte du fil conducteur par trouble de la capacité de planification de l'action) Les patients ont été informés du statut d'étudiant de l'interviewer. Leur anonymat leur a été garanti. Les entretiens ont été retranscrits par une méthode de prise de notes rapide, qui a permis de reproduire fidèlement les propos des sujets. Le guide d'entretien a permis aux patients de conserver un fil conducteur sans limiter leur parole. 2.4 DIFFICULTÉS RENCONTRÉESDurant la période d'expérimentation, treize patients auraient pu correspondre aux critères de sélection. Si certains ont accepté sans hésiter de participer aux entretiens, pour d'autres, cette démarche n'a pas été sans difficulté. Il n'était pas question que cette recherche vienne perturber les soins et il a donc fallu s'adapter jour après jour à l'évolution de l'état de chacun. Un jeune patient a reçu cette proposition avec beaucoup d'angoisse, comme si reparler de la CI la faisait réapparaître dans le présent, et le mettait en danger d'y retourner. Sa première question a été : « Est-ce que vous pourrez supporter ce que je vais vous dire ? », à entendre comme : est-ce que vous pourrez contenir ? L'évocation de la CI a fait ressortir tout un vécu délirant, persécuté et traumatique. Il a finalement accepté, au bout de plusieurs semaines, après beaucoup d'hésitations. Pour un autre, un enjeu s'est fait jour, en lien avec sa relation au psychologue avec lequel il avait déjà eu un entretien de recueil du vécu. Son accord a demandé un long travail "d'apprivoisement". Un patient a repoussé l'échéance jusqu'au bout, si bien qu'il n'a pu être consulté. Une patiente n'a pu être interrogée car son état s'est aggravé au cours de la période d'expérimentation et elle n'a plus été en état de participer de manière sereine. 1 RésultatsL'attention que porte la pragmatique sur les caractéristiques formelles des discours ne doit pas faire oublier l'importance des contenus sémantiques. Pour que l'analyse ait du sens, il faut bien évidemment savoir à quoi se réfère le discours et dans quel contexte il est prononcé. Certains des patients interrogés présentaient des troubles ou un appauvrissement du langage, une tendance au néologisme, voire au paralogismes. Certains avaient tendance à rationaliser, d'autres à interpréter sur un mode délirant, d'autres encore étaient à un moment critique de leur vie et mettaient plus ou moins de poids dans les mots qu'ils utilisaient. Certains étaient avares de mots, d'autres au contraire parlaient beaucoup. Tous avaient pourtant quelque chose à dire sur le sujet120(*). Le caractère subjectif de ces expressions a donné lieu à des interprétations qui pourront être contestées mais qui ont été faites avec le plus grand respect du contexte, histoire des patients et de leur maladie. L'analyse des réponses s'est faite en deux étapes121(*) : 1) relevé des termes et des propositions correspondant aux 4 thématiques suivantes : ressenti, notion de soin intensif, notion d'utilité, temps de parole. Chaque entretien a été analysé afin d'en extraire les propositions correspondant à chaque thématique. 2) classement des propositions par catégories. (ex : dans la thématique "notion de soin intensif", 6 catégories) Pour chaque thématique, il a ainsi été possible de déterminer à combien de patients correspondait chaque catégorie. Étant donné le faible nombre de sujets, les résultats ne sont pas significatifs d'un point de vue inférentiel. L'analyse s'en tiendra donc à un point de vue descriptif. 1.1 ÉTUDE DE DEUX ENTRETIENSAvant la présentation des résultats, le choix a été fait d'exposer ici le détail de deux cas apparemment très différents, avec des patients ayant vécu leur temps d'isolement de façon presque opposée. En effet, comme l'a montré la première partie de ce travail, les conditions d'isolement sont toujours uniques et les paramètres multiples. Les deux cas présentent des différences : La durée d'abord. Le patient 4 est resté 36 jours en CI, ce qui est deux fois la moyenne de l'échantillon. Le patient A n'y est resté qu'un jour, ce qui n'arrive que rarement dans l'unité. Les pathologies des patients sont différentes : Le patient 4 souffre d'une trouble affectif bipolaire, avec
des comportements de type Le patient A souffre d'une schizophrénie. Il présente des signes graves de désorganisation de la pensée et du langage et des angoisses de morcellement importantes. Les circonstances de MCI sont également très différentes. Le patient 4 a été isolé en urgence, dans un état de grande agitation, avec appel de renforts. Il a dû être contenu une journée aux quatre membres. Il a également subi le transfert d'une unité à une autre au bout d'une journée. Le patient A a donné son accord. Il a formulé son accord en évoquant l'idée que l'on allait être « aux petits soins » avec lui. Il s'est lui-même rendu dans la CI et mis en pyjama, simplement accompagné par les soignants. Sa seule inquiétude était que l'on ne réponde pas à ses sonnettes. Le patient A a déjà bénéficié d'un entretien de recueil du vécu par le psychologue de l'unité lors d'un précédent isolement. Ce n'est pas le cas du patient 4. Ils présentent aussi des points communs : Les deux patients ont une histoire personnelle émaillée d'abandons. Ils sont suivis à Saint-Exupéry depuis une longue période. Tous deux ont été isolés à Saint-Exupéry, dans laquelle ils connaissaient déjà le personnel. Tous deux ont déjà été isolés dans le passé. 1.1.1 ENTRETIEN 4Le patient 4 a été isolé pendant 36 jours au début de l'année 2007. Il s'agit d'un patient de 49 ans connu de l'unité pour un trouble affectif bipolaire et des conduites délinquantes et violentes qui lui ont valu des séjours en prison et en UMD. Il a été hospitalisé en HO après un problème familial (sa mère est partie sans le prévenir), à la suite duquel il s'est montré agressif et a proféré des menaces. Il a été amené par la police et a dû être contenu, avec appel de renforts, dans une unité où il est resté 1 jour en "dépannage"122(*). Il a été décontenu dès son arrivée en CI à Saint-Exupéry. Les indications d'isolement étaient alors les suivantes : - Agitation psychomotrice - Dissociation, destructuration - Acte agressif, violence gestuelle ou verbale, attitudes ou comportements menaçants En CI, l'humeur était triste avec présence d'idées suicidaires. Des temps de sortie provisoire ont été organisés à partir du 13/03 mais différentes transgressions du cadre puis des menaces envers un infirmier ont conduit à la poursuite de l'isolement et à une mutation à l'USIP (unité de soins intensifs psychiatriques) de l'hôpital du Vinatier. C'est pourquoi il n'a pas bénéficié d'entretien de recueil du vécu. Au moment de l'entretien de recherche, il est de retour de l'USIP depuis 3 jours. Il s'y est comporté comme un "malade modèle". Il est encore en HO mais elle va être levée quelques heures après et une sortie est prévue dans les jours qui suivent avec un retour au domicile parental. Il a accepté de participer à cet entretien de recherche sans hésiter. Son humeur est stabilisée. Il ne présente plus d'idées suicidaires ni de troubles du comportement et a retrouvé des défenses d'ordre psychopathique. On sent dans cet entretien de recherche que le patient mesure ses paroles chaque fois qu'il est question de l'équipe soignante, comme s'il retenait de la colère ou de la violence. Plusieurs fois, alors qu'il évoque (directement ou pas) son histoire personnelle, il passe du "je" au "ils", comme pour mettre ses propos à distance. Il a une assez bonne représentation, à quelques jours près, de la durée de son temps d'isolement. Il minimise l'importance de ses comportements et des propos menaçants qu'il a eu et rejette la responsabilité des événements sur l'infirmier : « Je l'ai menacé sans vraiment le menacer. J'ai dit : si demain c'était l'apocalypse tu serais le premier que j'égorgerais. J'ai dit ça comme une plaisanterie. Il l'a pris au sérieux et l'a répété au docteur Ribault. » CLASSEMENT DES PROPOSITIONS PAR CATÉGORIES A- Ressenti Apaisement on finit par s'habituer / ça s'apaise Fatigue ça fatigue, l'isolement / c'est la fatigue qui donne l'air apaisé / encore fatigué Colère rage d'être enfermé / en colère / haine contre la société Ennui, temps long rien à faire / toujours en instance d'attente Incompréhension pourquoi moi ? Mal être c'est dur, très dur / mal dans votre peau / très mal / l'enfer Solitude, abandon abandonné / le silence ,le désert Regrets regret des propos qu'on a eu Tristesse, déprime beaucoup affecté moralement / plus dans la déprime B- Soin intensif Pas du soin intensif : pas du soin intensif C- Utilité A améliorer la relation aux soignants : oui, beaucoup même / ça crée une sympathie A calmer : vous êtes apaisé A changer : ça change votre état A protéger : à isoler des autres patients quand un patient est menaçant / à se protéger soi-même et les autres Pour les malades difficiles : pour les malades difficiles / comme les UMD A faire le point : à faire le point A évaluer : les médecins font des évaluations A rien : silencieux, face à soi-même, on guérit pas / l'isolement, ça ne guérit pas D- Temps de parole Pas de temps de parole : non / enfermé entre 4 murs, il n'y a pas de discussion Ca manque : ça manque ça / il manque des psychologues, des psychiatres, des psychanalystes / il faudrait plus d'écoute du patient Consignes, évaluations : c'est des évaluations, pas des temps de parole Pas envie d'en parler : tout le monde la craint. C'est peut-être pour ça qu'on n'en parle pas A qui ? : jamais (à personne) / la famille n'est pas au courant 1.1.2 ENTRETIEN ALe patient A a été isolé 1 jour à Saint-Exupéry au début de l'année 2007. Il s'agit d'un patient de 33 ans hospitalisé de longue date dans l'unité pour une schizophrénie. Il présente une symptomatologie principalement négative, avec des troubles du langage et une désorganisation du comportement. On retrouve aussi des perceptions corporelles étranges. L'isolement a été décidé en réponse à une inquiétude de l'équipe face à des propos dépressifs et énigmatiques : « Surveillez-moi bien, parce que j'ai un mauvais pressentiment ». Peu avant cela, le patient avait eu un épisode d'exhibition devant une infirmière qui avait donné lieu à un recadrage du médecin chef. Il a donc été informé par le médecin de l'unité de la décision d'isolement dont il faisait l'objet et il a donné son accord. Il a accepté la décision en disant : « s'il faut que vous soyez aux petits soins avec moi... ». Les indications d'isolement étaient alors les suivantes : - Dissociation, déstructuration Le patient n'est resté en CI qu'un seul jour, ce qui est une durée exceptionnellement courte dans l'unité, pour laisser ensuite la place à un patient qui nécessitait un isolement en urgence. Le jour même était prévue une réunion d'analyse de la pratique avec un intervenant extérieur (psychanalyste), qui a été consacrée à ce patient. La sortie du patient de CI a pu se faire avec sérénité. Il n'y a pas eu d'entretien de recueil du vécu après ce séjour, mais il y en avait eu un lors d'un précédent isolement. Le discours y avait été critique : « J'ai fait l'idiot ». Il avait reconnu une surenchère de son comportement, se trouvait trop têtu. Le séjour était jugé positif. Il lui avait permis de prendre du recul, de faire une pause. Il disait avoir besoin de limites. Il était calme et posé mais dissocié. Le discours restait confus et désorganisé. Au moment de l'entretien de recherche, Cet entretien a été proposé 15 jours auparavant au cours d'un entretien hebdomadaire mené par le psychologue en l'absence du médecin. Ces entretiens sont habituellement menés conjointement par le psychologue et le médecin. Le patient a d'abord accepté de participer puis a changé d'avis quand le psychologue lui a rappelé l'entretien de recueil du vécu qu'ils avaient eu à sa sortie de CI. Il a ensuite renouvelé vigoureusement son refus le lendemain au tour devant le médecin. J'ai ensuite plusieurs fois eu l'occasion de croiser le patient dans les couloirs, où il montrait une plus grande réserve à mon égard. J'ai également pu le rencontrer deux fois dans un groupe médiatisé, où nous avons progressivement pu nous "ré-apprivoiser" mutuellement, sans que jamais je ne ré-aborde la question. L'après midi suivant la deuxième séance de ce groupe, il m'a abordée dans le couloir en me demandant : « on en parle de la CI ? ». J'ai donc aussitôt organisé cet entretien. Au cours de l'entretien, il répond de manière fluide, tout en contrôlant ce que je note ou pas. Il y a des choses que je ne dois pas noter, d'autres pour lesquelles au contraire il faut que je note. Vers la 14ème question, il est fatigué et manque de s'arrêter. Il reste bien concentré sur le thème, ne fait pas de digressions. Il prend soin de moi, remarque qu'il me faut écrire vite. Il est aussi sensible à l'humour, qui lui permet d'arriver au bout malgré la fatigue. Son discours n'est pas trop hermétique, alors qu'il peut l'être parfois au point de devenir incompréhensible. On le sent en confiance avec l'unité et le médecin: « C'est elle qui sait ». Il reste cependant méfiant envers le psychologue qu'il soupçonne d'essayer de le piéger et de lire dans sa tête à son insu. Mais il relativise, disant que c'est peut-être nécessaire. Il se repère mal dans le temps, il ne sait plus très bien situer cette période d'isolement. Il ne remet pas en question la décision médicale, même s'il n'est pas capable d'expliciter les raisons qui l'ont conduit à être isolé. C'était « pour de bonnes raisons ». CLASSEMENT DES PROPOSITIONS PAR CATÉGORIES A- Ressenti Apaisement calmé à fond et ça suffit Solitude, chaleur des visites des soignants content de voir du monde / chaud au coeur / les visites du docteur, c'est chaleureux / on vient prendre de vos nouvelles / ça amène quelque chose de bon Désorientation spatio-temporelle surpris par l'heure qu'il est Ennui, temps long ennui / le temps surtout au début Impression de bénéfique mais imagination Rassurant, sensation de cocooning ça berce / ça passe doucement / impression qu'on prend bien soin de vous Reposant, calme reposant B- Soin intensif Absence de cigarettes : isolement des cigarettes Absence de stimulations : On est à l'abri du bruit extérieur Attention des soignants : présence du docteur assez souvent Cocooning : on est cocooné Environnement simplifié: C'est statique, c'est plein. C'est un environnement sain - ou simple température régulée, toilette, simplicité. On simplifie la vie Concertation : Parole mais surtout concertation C- Utilité A améliorer la relation aux soignants : plus proche A calmer : les patients sont moins stressés A changer : on sort transformé A faire le point : ça permet de s'interroger sur son comportement et d'y remédier A moins fumer : les patients fument moins A arrêter quand ça dérape : quand il y a un comportement déplacé A trouver un bon dosage : on revoit les médicaments et ça donne un résultat, mieux en général A évaluer : elle fait un bilan des jours qui passent D- Temps de parole A qui Non. J'en ai parlé au docteur, au psychologue, aux infirmiers 1.1.3 ANALYSE COMPARÉE DES ENTRETIENSRessenti Le ressenti du patient 4 est assez violent. La chambre d'isolement est décrite comme un lieu plutôt détestable. « C'est le silence, le désert, un endroit pas accueillant. On croit que c'est l'enfer qui vous arrive, qui vous tombe sur la tête. » Les propos sont à la mesure du ressenti : « En fait, rien ne fait du bien en CI. » Ses paroles sont empreintes de révolte : « C'est la rage. » Le sentiment qui prédomine est la colère, qu'il dit dirigée contre la société (il préserve les soignants). Mécanismes projectifs qui lui évitent sans doute une dépression qui n'est jamais loin. Il se pose en effet beaucoup de questions : « Pourquoi moi, pourquoi moi ? Pourquoi toujours moi ? Avec le regret des propos qu'on a eu, de notre conduite. » Cependant, même s'il dit que l'isolement lui a permis de faire le point (« sur moi-même, sur ma vie, sur l'avenir, on pense beaucoup à l'avenir : que vais-je faire, que vais-je devenir ? »), le retour à la stabilité a entraîné la remise en place d'un fonctionnement défensif de type psychopathique. Après avoir répondu qu'on « finit par s'habituer » et que «ça s'apaise », il revient sur ses propos et dénonce cette idée : « Ça fatigue, l'isolement. C'est ce qui vous donne un air d'être apaisé. En vérité, sa maladie elle est toujours latente, elle sommeille. C'est la fatigue qui donne l'air apaisé ». Il apparaît clairement dans ses propos que, la CI obligeant à l'inactivité, il s'y retrouve face à lui-même et à son mal-être. « C'est dur, très dur. » : l'ennui, le silence qui angoisse, la solitude qui provoque un sentiment d'abandon (d'autant, dit-il, qu'il n'a pas eu de visites depuis deux mois). « Des fois le traitement ne convient pas. Tous les jours vous vous sentez mal dans votre peau. » C'est la CI qu'il accuse d'être responsable de sa déprime : elle l'a « beaucoup affecté moralement ». En attribuant à une cause extérieure les raisons de son mal-être, il continue de mettre à distance la maladie, se protégeant ainsi probablement de l'effondrement dépressif. L'isolement aurait peut-être pu être l'occasion de travailler sur le lien existant entre ses comportements agressifs et cette "déprime" sous-jacente. La CI permet en effet d'aborder avec un maximum de conditions de sécurité ce type de problématique qui fait émerger un risque suicidaire accru. Face à un patient qui s'est retrouvé en CI suite à des troubles du comportement de type agressif, dont le fonctionnement habituel est la délinquance et qui a pris l'habitude de manipuler les règles en prison, faire ce type de travail demande une véritable remise à plat des contre attitudes des soignants. Une réflexion sur les bénéfices et les risques est également nécessaire, afin que l'ambition des soignants ne dépasse pas la demande du patient. Peut-être, comme cela a été le cas ici, ne faut-il pas attendre davantage qu'un retour à l'équilibre initial, même précaire. Le patient conclut en tout cas en disant que la CI ne l'a pas aidé, car il est « encore fatigué » à présent qu'il en est sorti. Le patient A décrit de son côté des journées vides où l'on s'ennuie, mais il ne les a pas vécues du tout de la même façon. Le calme est au contraire rassurant. Le patient a en tête l'idée qu'il est là pour qu'on prenne soin de lui. Il décrit une routine qui rassure. Il trouve dans l'environnement des choses auxquelles s'accrocher : « La clim fait du bruit mais ça fait une présence, on s'y fait. Le moteur c'est une notion de temps pour moi. Un peu comme une montre. Ça berce. On voit la pendule, ça remonte le moral. Parfois quand on la regarde on est surpris par l'heure qu'il est. » On peut penser d'après ses propos (« ennui, mais imagination ») qu'il trouve que le vide oblige à se retrouver face à soi-même : « On peut rester planté des heures à regarder le décor et à faire travailler l'imagination. ». Cela semble être pour lui un point positif. En plus de la durée de l'isolement, qui est très différente pour les deux patients, les circonstances de MCI peuvent expliquer en partie un tel décalage entre leurs ressentis. Le patient A est dans une relation de grande confiance avec l'équipe, qu'il vit un peu comme un substitut familial. Il est en accord avec la mesure, dont il attend un mieux : c'est le médecin qui sait ce qui est bon pour lui. Il se réfère d'ailleurs à elle avant de répondre à une question : « Le docteur Ribault me l'avait dit ». Il en est tout autrement avec le patient 4 qui n'adhère pas au cadre de soins qu'il contourne dès qu'il en a la possibilité et qui a été isolé avec appel de renforts, contre sa volonté. On note que les visites des soignants sont importantes :
« La moindre visite fait un chaud au coeur. » La
solitude est un sentiment qui revient, comme on le verra, dans plusieurs
entretiens. Même s'il ne s'en plaint pas, c'est, d'une manière
détournée, ce qui ressort des propos du Le patient 4 propose des solutions à ce sentiment de solitude : une radio qui diffuserait de la musique classique ou des informations, et surtout des discussions. Notion de soin intensif Pour le patient 4 les choses sont claires : la CI n'est « Pas du soin intensif. Plutôt une punition. » La notion de soin intensif est associée pour le patient A au « cocooning » et à l'absence de stimulation : « On est à l'abri du bruit extérieur. C'est statique, c'est plein. C'est un environnement sain - ou simple. Pas de cigarette, température régulée, toilette, simplicité. On simplifie la vie. Notion d'isolement, isolement des cigarettes. On est cocooné » C'est aussi un temps où l'attention des soignants est concentrée sur soi : « présence du docteur assez souvent ». La relation aux soignants est valorisée, la CI permettant d'être « plus proches ». C'est en parlant avec le médecin que l'on peut aller mieux. Le patient 4 remarque lui aussi que la CI a pu changer quelque chose à sa relation aux soignants : « Ils ont pas été méchants, plus compatissants, ça crée une sympathie ». C'est un effet qui apparaît dans la littérature : les infirmiers, qui nourrissent et procurent les soins d'hygiène, sont perçus comme un objet maternel et l'on note bien l'émergence d'un sentiment de reconnaissance. P. Perret note à ce sujet dans son document de synthèse123(*) que c'est parce que le clivage cède du terrain à l'ambivalence que peut émerger ce sentiment. Le patient A remarque enfin que la CI est un environnement simplifié. « C'est statique, c'est plein. C'est un environnement sain - ou simple. Température régulée, toilette, simplicité. On simplifie la vie ». Il ne faut pas cependant pas que cela dure trop longtemps : « Après on obtient la nostalgie et on veut sortir de là. A un moment où c'est trop, on est calmé à fond et ça suffit. » L'isolement, même quand il se passe dans d'aussi bonnes conditions, n'est pas une pratique anodine. « C'est un manque de liberté comme un autre, plus restreint. » Notion d'utilité Pour le patient A, le rôle de la CI est avant tout de traiter les troubles du comportement : « C'est quand il y a un comportement déplacé. Ca permet de s'interroger sur son comportement et d'y remédier. » Il faut être « pénible » pour aller en CI : « Rarement pour la maladie. Quelqu'un qui est malade ne peut pas se permettre d'être pénible. Il est plutôt intérieur. » Le patient 4 propose une interprétation assez proche. Selon lui, le rôle de la CI est principalement de protéger des comportements dangereux (« C'est comme les UMD. Ca sert à se protéger soi-même et les autres »). C'est en effet sur cette indication qu'il a toujours été isolé, même si les troubles du comportement masquent chez lui une détresse psychologique profonde. Il ne pense cependant pas qu'il aurait pu se faire du mal. C'est également l'indication la plus fréquente à l'unité Saint-Exupéry. Il est donc normal que tous deux y aient pensé en premier lieu. Le patient A trouve cependant d'autres points qui ont échappé au patient 4 : - évaluation, concertation : « Il y a les visites du docteur, c'est chaleureux. Elle fait un bilan des jours qui passent. Parole mais surtout concertation. On espère beaucoup du docteur, peut-être pas d'en sortir, mais... » - apaisement et sevrage de la cigarette : « On sort transformé. Les patients fument moins, sont moins stressés » - adaptation du traitement : « On revoit les médicaments et ça donne un résultat, mieux en général. » Le patient 4 ne lui reconnaît pas d'effet positif. Au contraire, la CI serait plutôt néfaste : « Je suis encore fatigué, ça m'a beaucoup affecté moralement, je suis plus dans la déprime. L'isolement, ça ne guérit pas. » S'il remarque lui aussi que « les médecins font des évaluations », il précise que « ça tient à rien du tout », marquant par là son peu d'adhésion à cette idée. Temps de parole Le patient A pense avoir eu des temps de parole en CI : « quand le docteur vient ». Il n'a parlé de l'isolement à personne en dehors des soignants. Il est vrai qu'il a peu de contact avec les autres patients et pratiquement pas à l'extérieur de l'hôpital. Le patient 4 dit, comme la plupart des patients interrogés (8 sur 11), ne pas avoir eu de temps de parole en CI : « Ça manque ça. Ils ne viennent pas discuter avec vous. Il manque des psychologues, des psychiatres, des psychanalystes, je ne sais pas. Il faudrait plus d'écoute du patient. Les patients ont en mémoire un lourd passé. Ils ont été abusés, malmenés, abusés sexuellement, c'est ça la maladie. Si ils pouvaient parler, ils seraient sur la voie de la guérison. Mais là, enfermé entre 4 murs, il n'y a pas de discussion. Les médecins font des évaluations, mais ça tient à rien du tout. C'est des évaluations, pas des temps de parole. Il faudrait des psychologues, qu'ils extraient la maladie du patient. Il n'y a que la parole qui peut faire ça. Silencieux, face à soi-même, on ne guérit pas. Nul médicament ne viendra à bout de vos souvenirs. Ils sont ancrés en vous, ça fait du mal. On ne peut qu'en parler. » Entretien de recueil du vécu Le patient 4 n'a pas bénéficié d'un entretien de recueil du vécu auprès de P. Perret du fait de sa mutation à l'USIP. Il pense que ce serait bien, « d'autant que c'est une personne charmante » : « Ca m'a manqué. » Cette tendance à l'obséquiosité pourrait faire douter de la sincérité de paroles qui sont néanmoins probablement authentiques, si l'on les met en lien avec ses propos précédents. Le patient A s'en souvient. Il dit d'abord que
« c'est inutile. Tout sert à tout. Je pense qu'on a assez
cherché dans tous les sens, ça va 5 minutes. Les choses sont
claires. On peut être un bon ou un mauvais psychologue. C'est Cette attitude de défiance est sans doute à mettre au compte de mécanismes persécutoires et projectifs qui sont habituels chez ce patient. Il n'empêche qu'un lien de confiance s'est créé avec le psychologue, qu'il voit en entretien pluridisciplinaire une fois par semaine. Comme on le verra, ces deux attitudes sont assez représentatives du groupe. Les patients qui ont bénéficié d'un entretien de recueil du vécu ont tendance à en minimiser l'utilité, voire comme le patient A, à en suspecter les objectifs. Les patients n'en ayant pas bénéficié sont au contraire en demande de temps de parole de ce type. Conclusion Etudiés à la lumière du fait que l'un des patients (A) a bénéficié d'un temps d'élaboration (l'entretien de recueil du vécu réalisé par le psychologue), et l'autre (4) pas, ces entretiens montrent plusieurs éléments intéressants, qui recoupent les résultats présentés ci-après : Ø Il est certain que le ressenti du patient A est bien meilleur que celui du patient 4. Les circonstances de leur isolement peuvent en être la raison. Tous deux ont ressenti de l'ennui et de la solitude, et ont accueilli avec plaisir les visites des soignants. Tous deux ont ressenti une forme d'apaisement. Leur vécu semble directement influencé par leur représentation de l'isolement : un soin pour l'un, une brimade pour le second. Ø Le patient 4 ne perçoit pas la notion de soin intensif, contrairement au patient A qui en a une représentation très proche de celle des soignants. Ø Pour le patient 4, l'utilité de la CI se résume à traiter les troubles du comportement, ce qui correspond à son cas particulier. Le patient A imagine d'autres types d'indications. D'autres facteurs interviennent cependant, qui ne permettent pas de conclure avec certitude. Néanmoins, recoupés avec les résultats présentés au chapitre suivant, ces données semblent aller clairement dans le sens d'un effet positif d'un temps d'élaboration sur le vécu des patients. On notera en tout cas que le patient 4 soulève avec beaucoup de clairvoyance l'impasse thérapeutique que peut représenter la CI. L'isolement en soi n'est pas suffisant pour faire de cette pratique un soin. Comme il le dit très justement, « silencieux, face à soi-même, on ne guérit pas ». 1.2 VÉCU DES PATIENTSPour rappel, l'hypothèse est la suivante : · Hypothèse 1 : Comme l'ont montré les études existantes, les patients ont une représentation négative de leur séjour en CI. Cette hypothèse se décompose en quatre points : v Hypothèse 1a : Les patients ont un ressenti négatif du séjour en CI. v Hypothèse 1b : Les patients ne reconnaissent pas la CI comme un soin intensif. v Hypothèse 1c : Les patients ne reconnaissent pas d'utilité à la CI. v Hypothèse 1d : Les patients ne sont pas satisfaits des temps de parole en CI. 1.2.1 RESSENTISLes termes et propositions relevés évoquent des ressentis liés au séjour en CI : affects, sentiments, impressions, vécu subjectif... Ne sont reprises que les réponses donnant lieu à des expressions de sentiments. Ont été laissés de côté : les expressions trop ambiguës, les ressentis se rapportant à un épisode de contention. Au total, 137 propositions ont été relevées. Le thème est principalement véhiculé par les questions 3 à 6 et 9 et 10 mais les patients évoquent aussi leurs sentiments en réponse à d'autres questions. Le relevé de toutes ces propositions a permis d'opérer des regroupements en 11 catégories : 1) Apaisement, résignation 2) Tension interne 3) Mal-être 4) Ennui, perturbation du rapport au temps 5) Solitude 6) Angoisse, peur 7) Sensations d'enfermement 8) Punition 9) Colère 10) Sensations positives 11) Tristesse 1) Apaisement, résignation 9 patients sur 11 (82%) se disent apaisés par le dispositif (chiffre auquel on peut ajouter la patiente C qui dit avoir été toujours calme). Le retour au calme est l'effet recherché en priorité, et le signe qu'il va être possible de retrouver une chambre ordinaire. Cette notion d'apaisement vient en effet pour tous en réponse à la question 5 (Comment étiez-vous à la fin ?). Pour le patient 5, il y a bien un début où l'on est « angoissé, agité » et une fin où l'on est « calme et détendu ». La CI calme pour différentes raisons : « le vide devient rassurant (F)», on s'habitue, on fatigue, c'est « à cause des injections (1)»... On finit par être : « calmé à fond et ça suffit (A)». Pour 4 patients, cet apaisement n'est qu'une forme de résignation. « On comprend que ça sert à rien (B)» (de taper sur la porte) ; « C'est la fatigue qui donne l'air apaisé (4)», « On n'a plus de forces, on s'épuise (E) ». 2) Tension interne 8 patients (73%) évoquent une tension interne qui se manifeste de diverses façons : agitation, stress, labilité de l'humeur, confusion des sentiments (« on pleure, on rigole, tous les sentiments (B)»)... 3 patients se demandent ce qu'ils font là : « on ne sait pas pourquoi on y va » (E). L'un d'eux se plaint de n'avoir pas eu d'explications (1). Pour 2 autres, « ça travaille dans la tête » (3). « Pourquoi moi ? », se demande l'un d'eux (4). Cette tension interne est manifeste, même lorsqu'elle n'est pas dite directement : un patient (5) se plaint qu'on lui ait retiré ses chaussures orthopédiques, ce qui lui a occasionné des douleurs aux pieds « à force de tourner autour du lit (5)». Un autre raconte qu'il tapait sur la porte (B). 3) Mal-être L'intitulé Mal-être a été choisi faute de trouver une meilleure expression : il regroupe les expressions d'un mal-être profond, lié à l'impression d'une violence subie, et d'une pénibilité importante. 8 patients (73%) expriment des ressentis de cet ordre. Les termes utilisés sont forts : « désastreux (1) », « cauchemar (F) », « sentiment de honte, d'être un animal (F) », « la misère (B) », « trou noir (E) », « l'enfer (4) ». « C'est dur, très dur », dit le patient 4. Pour le patient F, la CI symbolise l'échec : « l'impression qu'on restera toujours des gens faibles, qu'on n'avance pas et que ça se répète à l'hôpital : comme dehors, on n'est pas grand-chose. » 4) Ennui, perturbation du rapport au temps 8 patients sur 11 (73%) se plaignent du temps qui ne passe pas. La journée est rythmée par les repas, il n'y a d'ailleurs « rien d'autre à faire que manger (E) ». « On dort, y a que ça à faire (D) »... « C'est très routinier (D) ». Mais l'ennui a du bon. Il oblige à penser et à réfléchir. C'est ce que souligne le patient A quand il dit : « ennui mais imagination. On peut rester planté des heures à regarder le décor et à faire travailler l'imagination ». Pour ce patient, l'ennui est vécu avec tranquillité : « On dort. Il n'y a pas beaucoup de bruit. La clim fait du bruit mais ça fait une présence, on s'y fait. Le moteur c'est une notion de temps pour moi. Un peu comme une montre. Ca berce. On voit la pendule, ça remonte le moral. » Pour tuer l'ennui, on s'occupe l'esprit et le corps. « Ca fait repenser au passé, il faut bien s'occuper, sinon on devient fou. (B) ». La patiente C décrit ainsi ses journées d'isolement : « La journée, je fais ma gymnastique, je chante, je danse. Le déjeuner, la douche, les médicaments matin, midi et soir. (C) » La CI est l'occasion de se retourner sur son passé, de réfléchir à sa vie, à ce qui a conduit à l'hôpital... 4 patients parlent de désorientation temporelle ou spatiale : « on est surpris par l'heure qu'il est (A) ». On ne sait pas « si c'est le jour ou la nuit (10) ». Certains éléments concrets de l'isolement sont mis en avant pour expliquer cette sensation : la lumière, toujours allumée, l'absence de vue sur l'extérieur (« on ne voit rien de la fenêtre (F)»), le fait de ne pas disposer de ses lunettes (D). Tableau 1 - Ressenti / Nombre de sujets par catégorie de réponse
Figure 1 - Ressentis / Moyennes du nombre de sujets par catégorie de réponse
5) Solitude Dans le prolongement de cette expression d'ennui, 7 patients (64%) évoquent la solitude et le sentiment d'abandon qu'elle provoque. Pour le patient F, « On perd le statut d'humain, comme un chien qu'on a enfermé en lui disant : je reviens te chercher. » On tape dans la porte (B). On a peur d'être oublié : « On appelle, mais on n'est jamais entendu à cause de la double porte (F) ». En conséquence, les visites des soignants sont attendues avec impatience et vécues comme un soulagement. C'est le cas pour 5 patients qui évoquent pour les uns les visites qui font « chaud au coeur (A) », pour d'autres « les infirmières très gentilles (5) ». Le patient F parle notamment du « bruit des clés qui rassure » et fait une comparaison avec la prison, où il a fait plusieurs séjours : « C'est un bruit qui veut dire : « c'est bon, ils viennent ». Pas comme en prison où c'est effrayant parce que ça peut vouloir dire qu'on va au tribunal par exemple. Là, c'est plus libérateur. » « En prison, on sait qu'il y a du monde ». Pour ce patient, les multiples demandes (« comme les clopes ») qui peuvent être faites ne sont en réalité que des prétextes à voir du monde. Pour lutter contre ce sentiment de solitude, deux patients (4 et F ) imaginent que l'on pourrait installer un poste de radio qui diffuserait de la musique classique. Ils l'imaginent encastré dans le mur, inaccessible et contrôlé par les soignants, mais cela ferait au moins « une voix humaine ». 6) Angoisse, peur 6 patients (54%) reconnaissent avoir été angoissés particulièrement au début. L'angoisse est en général un des déterminants qui a conduit à l'isolement. Il est donc difficile de faire la part entre cette angoisse et l'angoisse iatrogène, générée par la CI elle-même. Un patient (E) mettra plusieurs semaines à accepter de participer à cette recherche, à nouveau assailli d'angoisse à l'idée d'en parler, comme si le seul fait d'évoquer la CI pouvait conduire à y retourner. « Ce que je ne supportais pas, dit-il, c'est quand je voyais plusieurs médecins, nombreux pour regarder, c'est plutôt effrayant, ça fait peur. » 3 patients parlent de peur : « Le premier instinct est de remettre tout de suite le pied dehors (F) ». Un patient (1) dont c'est la première hospitalisation dit avoir eu « peur d'y rester longtemps » pour avoir entendu des histoires de patients à qui c'était arrivé. 7) Sensations d'enfermement 6 patients sur 11 (54%) parlent de sensations d'enfermement. La petitesse de la pièce et le fait d'y être enfermé à clé provoquent des sensations d'oppression pour 2 patients. Aucun ne dit littéralement qu'on y est comme en prison (même si le patient D dit se sentir « prisonnier ») mais cette notion sous-tend les propos : « quand on nous relâche on se sent libre (B) ». Deux patients (F et 5) qui ont fait des séjours en prison comparent les conditions de vie dans les deux lieux. 8) Punition Seuls 4 patients (36%) parlent véritablement de punition, contrairement à ce que l'on aurait pu penser. Un patient (3), répond littéralement à la question de départ de cette recherche : ce n'est « pas un soin, une punition ». Le patient F précise : « Le terme de punir n'est pas adapté mais c'est ce qui est ressenti. On est condamné. On est dans les limbes. » La notion d'injustice est présente : la patiente C l'exprime par ces mots : « c'est moi qui trinque ». 9) Colère 4 patients (36%) évoquent de la colère : contre la société (4), contre les médecins (1) ; contre le système et contre lui-même pour le patient 4 qui se reproche « de n'avoir pas su [se] contrôler » 10) Sensations positives 3 patients (27%) évoquent des sensations positives. Il est important de rappeler que, pour l'un d'entre eux (A), les circonstances de MCI sont particulières. Il s'agit du seul patient qui ait été en accord avec la procédure, envisagée comme un temps où l'on prendrait « bien soin de lui ». Le temps d'isolement a par ailleurs été de courte durée (1 jour). Pour un autre (F), ce qui est souligné est l'absence de stimulations extérieures, qui donne une impression de pureté apaisante. La troisième (C) manifeste plutôt un déni des troubles (et particulièrement de l'agressivité) qui l'ont conduite à l'isolement. 11) Tristesse De la tristesse est ressentie par 3 patients (27%). La CI les a « déprimé (1) », et « beaucoup affecté moralement (4) ». La patiente 2 parle de « tristesse d'être enfermée ». 1.2.2 NOTION DE SOIN INTENSIFLa notion de soin intensif vient principalement en réponse aux questions 7 à 9. Au total, 32 propositions ont été relevées, classées en 6 catégories : 1) Pas un soin intensif 2) Plus d'attention de la part des soignants 3) Absence de stimulations 4) Cocooning 5) Possibilité d'être contenu physiquement 6) Plus de médicaments 1) Pas un soin intensif 9 patients sur 11 (82%) ne reconnaissent pas de prime abord la CI (appelée CSI pour "chambre de soins intensifs" dans l'unité) comme un soin intensif. Ce sont des réponses qui jaillissent avec spontanéité, avant que les patients n'approfondissent leur réflexion. Pour deux patients, cette affirmation se fait sous la forme d'une dénonciation : « c'est dégueulasse et scandaleux (1) », « même en prison on ne traite pas les gens comme ça (F) ». Les autres ne voient pas de différence avec les soins ordinaires : c'est pareil. 2) Absence de stimulations Pour 5 patients (45%), il y a soin intensif dans l'absence de stimulations. « On est à l'abri du bruit extérieur. C'est statique, c'est plein. C'est un environnement sain - ou simple. Pas de cigarette, température régulée, toilette, simplicité. On simplifie la vie. Notion d'isolement, isolement des cigarettes. On est cocooné. (A) » 3) Plus d'attention de la part des soignants 4 patients (36%) considèrent que l'attention des soignants est davantage dirigée sur les patients isolés. « On suit son évolution de près », dit ainsi le patient IV. 4) Cocooning Seuls 2 patients notent une part de cocooning. L'environnement est « plus cadré (D) ». C'est cependant un aspect qui est également reconnu par les 5 patients qui évoquent le lien aux soignants124(*). Les infirmiers sont attendus avec impatience, on note que les .infirmières sont « très gentilles, adorables (5) », « il y a une bonne relation entre les patients et les infirmiers (A) ». 5) Possibilité d'être contenu physiquement 1 patient considère que l'appellation soin intensif vient de ce que l'on peut y être contenu : « Parce que certaines personnes sont attachées et même si ils hurlent les médecins ne viennent pas et des fois ça peut durer éternellement jusqu'à avoir un trou noir dans la tête. C'est très intensif parce que c'est pire que les menottes, on peut pas dormir. (E) » Il s'agit d'un patient qui a été isolé et contenu à plusieurs reprises dans le passé, pour des conduites violentes avec délire de persécution. 6) Plus de médicaments 1 patient juge qu'il y a soin intensif « parce qu'on a beaucoup de médicaments (1) ». L'isolement a eu lieu en début d'hospitalisation pour ce patient qui reste très persécuté et méfiant. Tableau 2- Notion de soin intensif / Nombre de sujets par catégorie de réponse
Figure 2 - Notion de soin intensif / Moyennes du nombre de sujets par catégorie de réponse
1.2.3 NOTION D'UTILITÉLa notion d'utilité de la CI vient en réponse aux questions 11 à 14. Au total, 68 propositions ont été relevées, qui ont été classées en 11 catégories : 1) À rien 2) À calmer 3) Ca améliore la relation aux soignants 4) À soigner 5) À recadrer 6) À faire le point 7) À arrêter quand ça dérape 8) À protéger (de soi-même et des autres) 9) À faire une évaluation 10) À se rassembler 11) À trouver un bon dosage 1) À calmer Pour 7 patients (64%) la CI sert à calmer des états de crise ou d'agitation. C'est « pour ramener au calme rapidement (4) » 2) À rien 6 patients (55%) déclarent que la CI ne sert à rien. Parmi eux, 2 la trouvent plutôt néfaste : pour l'un, ça sert à « emmerder les gens, à les embêter encore plus, à les faire souffrir encore plus (B) »; pour l'autre, c'est même l'isolement qui rend malade : « A avoir des hauts et des bas. Avant, j'étais une personne qui changeait jamais, une personne simple, avec sa personnalité, maintenant je suis bipolaire. (E) ». Pour les 4 autres patients, elle ne sert tout simplement à rien. Les propos sont plutôt pessimistes : « C'est une solution pas terrible, mais y a pas autre chose (D) » « La CI, ça arrange rien (B) » « Silencieux face à soi-même, on guérit pas. (4) » Néanmoins, sur ces 6 patients, un seul se contente de cette réponse. Les 5 autres formulent d'autres propositions parmi les suivantes : 3) Ça améliore la relation aux soignants 6 patients (55%) notent qu'un séjour en CI améliore la relation aux soignants. L'amélioration est valable dans les deux sens : d'une part les patients montrent « un plus grand respect (F) », d'une autre, ce sont les soignants qui sont « plus gentils (B) ». Le patient F remarque que les soignants « doivent être autant effrayés que nous, de recevoir des coups. Ce sont surtout des femmes, qui viennent avec un plateau. C'est lourd, ça peut faire mal. J'ai de l'estime. On les remercie de leur gentillesse, de leur compassion, de leur sympathie. C'est encourageant. Les hommes, c'est plus pour la cigarette. Ils relativisent : « T'inquiète pas, Bonhomme ». C'est plus rude mais avec une touche d'humour qui aide à se sentir humain. » 4) À soigner Pour 5 patients (45%), la CI modifie en mieux l'état des patients. Cela peut être une stabilisation : « faire d'un état nerveux un état stable (D) », une transformation : « on sort transformé (A) », « ça change votre état (F) », ou quelque chose « un petit peu utile (2) », qui soigne. 5) À recadrer 4 patients (36%) trouvent que l'isolement a un côté disciplinaire. Il s'agit de « remettre dans le droit chemin (3) », pour les rebelles, « comme les UMD (F) ». 6) À faire le point 4 patients sur 11 (36%) ont trouvé que l'isolement permettait de faire le point à un moment de sa vie. C'est surtout l'inactivité qui oblige à « repenser au passé (B) ». Pour un patient (F), c'est un peu comme toucher le fond : « J'ai vu jusqu'où je pouvais aller dans la chute. Ca permet d'aller de l'avant, vers la sortie. ». 7) À arrêter quand ça dérape 4 patients (36%) voient la CI comme un garde-fou, qui empêche de s'enfoncer trop profondément dans la maladie : « si elles ont des pensées qui dépassent la normale, elles vont prendre des crises. (C) ». Pour le patient F : « Ça a une utilité. Sinon il n'y aurait plus de limite dans les délires, c'est un signal, pareil qu'en ville, il y a un commissariat. Ça sert de garde-fou, de panneau stop « de danger ponctuel ». 8) À faire une évaluation 4 y voient l'occasion d'une évaluation des patients par les soignants. La CI sert ainsi à « ouvrir la personnalité de la personne pour que le médecin découvre... (E) ». 9) À protéger (de soi-même et des autres) Ils sont seulement 3 à penser que la CI puisse servir à se protéger ou à protéger les autres, « à éviter les disputes, les bagarres (C) » 10) À se rassembler 3 encore accordent à la CI le bénéfice d'aider à lutter contre le morcellement psychique. Il s'agit ainsi de « récupérer les bouts qui s'en vont (D) ». 11) À trouver un bon dosage 2 patients y voient enfin l'occasion de modifier le traitement et d'ajuster les doses : « on revoit les médicaments et ça donne un résultat, mieux en général (A) ». Tableau 3 - Notion d'utilité / Nombre de sujets par catégorie de réponse
Figure 3 - Notion d'utilité/ Moyennes du nombre de sujets par catégorie de réponse 1.2.4 TEMPS DE PAROLECe point vient surtout en réponse à la question 15. Au total, 32 propositions ont été relevées, classées en 4 catégories: 1) Pas de temps de parole 2) Des consignes plutôt que des temps de parole 3) Soignants pressés 4) Ça manque Tableau 4 - Temps de parole / Nombre de sujets par catégorie de réponse
Figure 4 - Temps de parole/ Moyennes du nombre de sujets par catégorie de réponse 1) Pas de temps de parole 8 patients sur 11 (73%) estiment n'avoir tout simplement pas eu de temps de parole en CI, ou du moins pas tellement pour l'une d'entre eux : « Un peu avec les infirmiers. Un peu avec le médecin (2) ». 2) Des consignes plutôt que des temps de parole Pour 5 patients (45%), les échanges avec les soignants ne sont pas vraiment des temps de parole : « plus des consignes, pas des temps de parole (4) ». Il ne s'agit pas vraiment de s'exprimer sur son vécu de l'isolement. C'est plutôt « pour savoir comment ça va, mais pas trop sur les sentiments (2) », « plus des questions-réponses (D) ». 3) Soignants pressés 4 patients (36%) expliquent le manque de temps de parole par le fait que les soignants manquent de temps. « On amène le plateau et ils repartent. Ils n'ont pas le temps (F) ». 4) Ça manque Le patient 4 est le seul à exprimer un manque. Selon lui, la guérison passe par la parole : « il faudrait plus d'écoute des patients ». 1.3 EFFET D'UN TEMPS D'ÉLABORATION· Hypothèse 2 : Avoir bénéficié d'un temps d'élaboration améliore la représentation que les patients ont de leur séjour en CI. Cette hypothèse se décompose en quatre points : v Hypothèse 2a : Avoir bénéficié d'un temps d'élaboration améliore le ressenti des patients. v Hypothèse 2b : Avoir bénéficié d'un temps d'élaboration permet aux patients de considérer la CI comme un soin intensif. v Hypothèse 2c : Avoir bénéficié d'un temps d'élaboration permet aux patients de reconnaître une utilité à la CI. v Hypothèse 2d : Les patients ayant bénéficié d'un temps d'élaboration ont un meilleur vécu des temps de parole en CI. Pour des raisons de clarté, le groupe ayant bénéficié d'un temps d'élaboration a été appelé TE+, l'autre groupe TE-. 1.3.1 RESSENTID'un point de vue descriptif, il apparaît que les moyennes du groupe TE- sont supérieures dans sept catégories de réponses : Ø Tension interne : 100% des patients du groupe TE- ont éprouvé ce type de ressenti contre 50% des patients du groupe TE+. Ø Mal-être : 80% des patients du groupe TE- ont eu ce type de réponses pour 67% des patients du groupe TE-. Ø Solitude : La différence paraît importante pour cette catégorie avec 80% des patients TE- pour 50% des patients TE+. Pour un patient TE- sur les 4, ce sentiment de solitude passe par l'expression de soulagement à l'arrivée des soignants : « les infirmières très gentilles » (5). C'est par contre le cas pour l'ensemble des patients TE+ : « content de voir du monde » (A), « le bruit des clés qui rassure » (F). Ø Angoisse, peur et Sensations d'enfermement : 60% des patients TE- ont eu ce type de réponse pour 50% des patients TE+ dans ces deux catégories. Ø Colère : 60% des patients TE- ont ressenti de la colère en CI pour seulement 17% des patients TE+. Cette colère est dirigée contre la société pour le patient 4, contre les médecins (mais aucun précisément) pour le patient 1. Ø Tristesse : Seuls les patients du groupe TE- ont eu ce type de réponses. Dans la catégorie Apaisement, la
différence paraît insignifiante entre les deux
groupes : Par contre, les moyennes du groupe TE+ sont supérieures dans trois catégories de réponses : Ø Ennui : Les patients du groupe TE+ sont 83% à se plaindre d'ennui pour 60% des patients TE-. Ils sont aussi beaucoup plus prolixes sur le sujet sur lequel ils donnent plus de détails. Ce sont eux par exemple qui parlent de désorientation. Les patients TE- sont plus concis : « On s'emmerde » (5), « Le temps ne passe pas vite » (2). Ø Sensations positives : Seuls les patients du groupe TE+ (50%) ont eu ce type de réponses. Ø Punition : 50% pour les patients TE+ et seulement 20% pour les patients TE-. Tableau 5- Ressenti / Nombre de sujets du groupe TE- par catégorie de réponse
Tableau 6 - Ressenti / Nombre de sujets du groupe TE+ par catégorie de réponse
Figure 5 - Ressentis / Comparaison des moyennes des groupes par catégorie de réponse
1.3.2 NOTION DE SOIN INTENSIFLes moyennes du groupe TE- sont supérieures dans deux catégories de réponses : Ø Pas un soin : 100% des patients du groupe TE- déclarent ne pas voir dans la CI de soin intensif pour seulement 67% des patients du groupe TE+. Dans chaque groupe, un patient va plus loin : « dégueulasse et scandaleux »(1), « même en prison on ne traite pas les gens comme ça » (F). Ø Plus de médicaments : Un seul patient (1), appartenant au groupe TE-, a fait ce type de réponse. Pour les quatre autres catégories de réponse, les moyennes du groupe TE+ sont supérieures. Elles sont assez notables pour les deux premières : Ø Plus d'attention de la part des soignants : Ce type de réponse est donné par 50% des patients du groupe TE+ pour seulement 20% pour le groupe TE-. Ø Absence de stimulation : Aucun patient du groupe TE- n'a apporté ce type de réponse alors que c'est le cas pour 83% des patients du groupe TE+. Ø Cocooning : Les deux patients qui ont fait ce type de réponse appartiennent au groupe TE+. Ø Contention : Un seul patient (E), appartenant au groupe TE+, a pensé à la possibilité d'être contenu. Tableau 7 - Notion de soin intensif / Nombre de sujets du groupe TE- par catégorie de réponse
Tableau 8 - Notion de soin intensif / Nombre de sujets du groupe TE+ par catégorie de réponse
Figure 6 - Notion de soin intensif / Comparaison des moyennes des groupes par catégorie de réponse
1.3.3 NOTION D'UTILITÉLes moyennes du groupe TE- ne sont supérieures que dans deux catégories de réponses : Ø À rien : Peu de différence entre les scores des deux groupes pour cette catégorie. Les patients TE- sont un peu plus nombreux (60% pour 50%) à trouver que la CI ne sert à rien. Ø À recadrer : Les patients TE- sont 40% à penser que la CI a un rôle disciplinaire, pour 33% des patients TE+. Dans toutes les autres catégories, les moyennes du groupe TE+ sont supérieures à celles du groupe TE-. Ø À calmer : 67% des patients TE+ pour 60% des patients TE-. Ø À soigner : 50% des patients TE+ pour 40% des patients TE-. Ø Ça améliore la relation aux soignants : Les patients TE+ sont 67% à avoir trouvé que la CI améliorait leur relation aux soignants pour 40% des patients TE. Ø À faire le point, À arrêter quand ça dérape et À faire une évaluation : Dans ces trois catégories, les patients du groupe TE+ sont 50% pour seulement 20% des patients du groupe TE-. Ø À protéger (de soi-même et des autres) : 33% des patients TE+ font cette catégorie de réponses pour 20% des patients TE-. Ø À se rassembler et À trouver un bon dosage : les patients du groupe TE+ sont les seuls à avoir eu ce type de réponses (respectivement 50% et 17%). Tableau 9 - Notion d'utilité/ Nombre de sujets du groupe TE- par catégorie de réponse
Tableau 10 - Notion d'utilité/ Nombre de sujets du groupe TE+ par catégorie de réponse
Figure 7 - Notion d'utilité / Comparaison des moyennes des groupes par catégorie de réponse
1.3.4 TEMPS DE PAROLELes moyennes du groupe TE- sont supérieures dans trois catégories de réponses : Ø Pas de temps de parole : Pour 100% des patients TE- il n'y a pas de temps de parole en CI. Les patients TE+ sont moins radicaux. Ils ne sont que 50% à affirmer la même chose. Ø Des consignes plutôt que des temps de parole : Les patients TE- sont 60% à penser qu'il s'agit davantage de consignes que de temps de parole, pour 33% des patients TE+. Ø Ça manque : Un seul patient TE- (4), pour aucun TE+, évoque une notion de manque. La moyenne du groupe TE+ est supérieure dans une catégorie : Soignants pressés : Ils sont 50% dans ce groupe, pour seulement 20% dans le groupe TE-, à expliquer le manque de temps de parole par le fait que les soignants manquent de temps : « c'est toujours trop court. Ils sont pressés, je crois » (D) Tableau 11 - Temps de parole / Nombre de sujets du groupe TE- par catégorie de réponse
Tableau 12 - Temps de parole / Nombre de sujets du groupe TE+ par catégorie de réponse
Figure 8 - Temps de parole / Comparaison des moyennes des groupes par catégorie de réponse
1.4 ENTRETIENS DE RECUEIL DU VÉCUCe point vient en réponse à la question 16. 1.4.1 PATIENTS N'AYANT PAS BÉNÉFICIÉ D'UN ENTRETIEN DE RECUEIL DU VÉCULes patients n'ayant pas bénéficié d'un entretien de recueil du vécu en CI par le psychologue de l'unité sont 5 sur 6 (83%) à penser que cela aurait pu leur être utile. L'une d'entre eux donne aussi la réponse inverse (« ça ne sert à rien d'en parler (2) »), ce qui revient peut-être à dire qu'elle n'en sait rien. Pour les 4 autres, l'idée est accueillie de façon positive : « ça aurait été utile pour avoir des explications (1) », « Ca m'a manqué (4) », « J'aurais aimé. Pour rejeter cette mauvaise période, l'extraire de mon vécu (F) ». 1 patient n'a pas répondu à cette question. 1.4.2 PATIENTS AYANT BÉNÉFICIÉ D'UN ENTRETIEN DE RECUEIL DU VÉCU1) Ne s'en souvient pas 3 patients sur 5 (60%) ne se souviennent pas de cet entretien. Si pour deux d'entre eux, cet oubli peut être expliqué par le temps qui a passé depuis, ce n'est pas le cas pour le troisième (B), pour lequel l'entretien a eu lieu une dizaine de jours auparavant. 2) Inutile Pour 3 patients (60%), cet entretien n'est pas utile (pour l'un deux, qui ne s'en souvient pas, cela ne lui a pas manqué). « Ça ne m'aide en rien d'en parler », dit le patient C. 3) Intrusif 2 patients (40%) sont assez attaquants envers le psychologue qu'ils soupçonnent de fouiller à leur insu dans leur tête. Le patient A est assez explicite : « Je pense qu'on a assez cherché dans tous les sens, ça va 5 minutes». Il relativise cependant puisqu'il fait aussi partie des 2 patients qui accèdent à l'idée que cela peut être utile. 4) Peut être utile 2 patients (40%) pensent que cela peut être utile. Le patient A est hésitant. Le patient D ne se souvient pas d'avoir bénéficié de cet entretien et se rallie à l'opinion de la majorité des patients qui n'en ont effectivement pas bénéficié : « Oui, ça peut être utile, sur le vif, à exprimer les sentiments, voir comment ça va ». Tableau 13 - Patients n'ayant pas bénéficié d'entretien de recueil du vécu Nb de sujets par catégorie de réponse
Tableau 14 - Patients ayant bénéficié d'un entretien de recueil du vécu Nb de sujets par catégorie de réponse
2 Discussion2.1 UN VÉCU GLOBALEMENT NÉGATIF· Hypothèse 1 : Comme l'ont montré les études existantes, les patients ont une représentation négative de leur séjour en CI. Il est certain que les données ne sont pas
représentatives étant donné le faible nombre de sujets.
Cependant, d'un point de vue descriptif, les résultats vont dans le sens
des études précédentes. Sur tous les points excepté
le point 1c, l'hypothèse se vérifie comme on le voit v Hypothèse 1a : Les patients ont un ressenti négatif du séjour en CI. Le thème donne lieu à l'expression du plus grand nombre de propositions : 137 contre 32 pour "soin intensif", 68 pour "utilité" et 32 pour "temps de parole". Contrairement aux autres items, les questions font appel à un vécu brut plutôt qu'à une élaboration, ce qui explique peut-être la profusion des données recueillies. Il semblerait aussi que les patients se saisissent de cet entretien de recherche pour exprimer un ressenti dont ils ont eu peu l'occasion de parler, ainsi que le montrera la variable "temps de parole". Leurs propos ont ainsi parfois l'allure d'une "décharge" d'émotions jusque là réprimées. Ils s'expriment apparemment sans réserve, probablement rassurés par le statut de stagiaire du chercheur, qu'ils perçoivent comme étranger à l'équipe. Les mots sont forts pour décrire cette expérience. L'hypothèse 1a est vérifiée d'un point de vue descriptif : comme le laissaient présager les précédentes recherches, le ressenti est globalement négatif. La catégorie Sensations positives ne rassemble que 3 patients sur les 11 interrogés. C'est peu, d'autant que la seule autre catégorie "positive" (apaisement, résignation) n'est pas sans soulever quelques réserves. En réponse à la question « Comment étiez-vous à la fin », 82% des patients reconnaissent avoir ressenti un apaisement. C'est une réponse qui présente un intérêt certain puisqu'elle confirme les observations des soignants. La décision de levée d'isolement est prise à partir du moment où les soignants constatent la présence d'un apaisement. Il est intéressant de noter que les patients partagent cette impression. On retrouve la notion repérée par P. Perret d'un isolement composé de 3 temps distincts : les premières heures sont empreintes d'une angoisse importante, voire de peur. Les patients passent ensuite par une période où l'ennui et les sensations de solitude prédominent. Puis vient un moment où l'on s'apaise. C'est souvent le début des temps de sortie provisoire qui préparent à la sortie définitive de CI. Néanmoins, pour 4 patients, ce calme recouvré n'est qu'apparence. La CI serait plutôt une manière de saper la résistance. Le calme serait en quelque sorte obtenu "à l'usure". Cette idée va dans le sens d'une CI normative qui tendrait à imposer aux patients une façon de se comporter. On retrouve dans les autres catégories des éléments déjà repérés dans les précédentes études125(*) : punition, sentiment de solitude et d'abandon, perte de repères, sentiment d'impuissance, peur, colère, tristesse, sentiment de privation. Il faut noter cependant que la notion de punition n'apparaît pas de manière significative. Seuls 4 patients en font mention. Cela doit être mis en lien avec la qualité du travail accompli dans l'unité Saint-Exupéry, où l'isolement a donné lieu à un important travail d'élaboration. Les soignants sont vigilants à repérer leurs contre attitudes et à respecter les indications de MCI prescrites par l'ANAES. Pour des catégories comme Tension interne ou Tristesse, il est difficile de déterminer avec précision ce qui est causé par l'isolement et ce qui directement lié à la pathologie qui fait l'indication de l'isolement. C'est une question que posait D. Friard126(*) à propos du fait que les patients exprimaient des angoisses de morcellement dont on ne pouvait déterminer exactement la cause, iatrogène ou liée à la pathologie. Angoisse et peur amène la même interrogation, à cela près que la peur semble bien être liée à un manque d'information. Lors d'un premier isolement, les patients sont confrontés à l'inconnu. Ils ne savent pas combien de temps ils vont rester isolés ni ce qui est attendu de leur part. D'autres catégories de ressentis semblent plus clairement liées à l'enfermement lui-même : Colère, Mal-être, Enfermement, Solitude, Ennui et perturbation du rapport au temps. Les trois premières catégories renvoient à la violence de l'isolement. Ce sont des représentations qui marquent fortement les esprits. L'isolement a un caractère insupportable qui ne peut pas être minimisé. Le reconnaître est déjà un pas vers l'amélioration des pratiques. Il est intéressant de noter que la colère est dirigée contre la société ou l'institution, ce qui permet de préserver les soignants. Comme le remarquaient déjà Meehan et al127(*), ces émotions persistent à la sortie de CI. Même à distance, reparler de cet épisode ravive des sentiments d'angoisse et de colère, particulièrement pour le patient E, qui a beaucoup hésité à participer, comme si le simple fait d'évoquer la CI lui faisait courir le risque d'y retourner. La question de l'ennui et de la solitude renvoie davantage à la notion de soin. Malgré la pénibilité de ces affects, ce sont des sentiments sur lesquels les soignants peuvent agir. L'ennui oblige à réfléchir sur soi et sur ses actes. Le patient A, qui n'a passé qu'un jour en CI (mais pour qui ce n'était pas un premier séjour) remarque qu' « on peut rester planté des heures à regarder le décor et à faire travailler l'imagination », C'est tout de même « trop long » pour les 10 autres patients qui se plaignent de l'inactivité. L'étude de Meehan et al avait déjà évoqué les stratégies mises en place pour tenter de reprendre le contrôle. Les patients sont ici dans la même démarche : « il faut bien s'occuper, sinon on devient fou ». Alors qu'Akimi et al considéraient que l'isolement permet de « retrouver un sens aigu du temps qui s'écoule »128(*), les résultats semblent montrer le contraire. 4 patients évoquent plutôt une difficulté à se repérer dans le temps, dont parlaient déjà Meehan et al. L'importance qu'il y a à travailler sur les rythmes a déjà été évoquée. Les repas, les soins d'hygiène, les visites des soignants... sont autant de micro-événements qui permettent aux patients de retrouver des repères. On conçoit alors qu'être dans l'incertitude quant à l'heure à laquelle vont passer les soignants soit une source importante d'angoisse et d'agressivité. Fixer des horaires et s'y tenir est déjà une manière d'apaiser le patient. La solitude peut favoriser la création d'un lien thérapeutique. Le fait est que les patients attendent les visites des soignants avec impatience. P. Perret fait cette hypothèse que la CI permet « l'évocation de relations personnalisées avec les soignants où la notion d'altérité prend le pas sur l'indifférenciation. Dans la continuité de ce processus, le clivage cède du terrain à l'ambivalence rendant possible l'expression d'un sentiment de gratitude. 129(*) » v Hypothèse 1b : Les patients ne reconnaissent pas la CI comme un soin intensif. 82% des patients déclarent effectivement ne pas reconnaître la CI comme un soin, ce qui va clairement dans le sens de l'hypothèse. Cependant, quelques réponses viennent s'opposer à ce résultat et montrent qu'une partie des patients perçoit l'intention de soin présente dans cette pratique : attention de la part des soignants, absence de stimulations, cocooning, médicaments. Mais ce point donne lieu à très peu de discussion, comme si les patients ne s'étaient jamais posé la question auparavant. Le fait que la chambre d'isolement soit justement appelée CSI (chambre de soins intensifs) à Saint-Exupéry n'est pas repéré. Peut-être peut-on interpréter cela en soulignant le manque de communication autour de la chambre d'isolement. Dans de nombreux services, la porte n'est même pas identifiée, ce qui renforce l'idée d'une pratique honteuse, dont on ne parle pas. Très rares sont les soignants qui évoquent l'existence de cette chambre lorsqu'ils font faire le tour du service à un nouvel hospitalisé. Encore plus rares ceux qui la font visiter. La chambre d'isolement n'est pas mentionnée dans le livret d'accueil de l'hôpital, ni dans le règlement intérieur des unités. Comment les patients pourraient-ils l'envisager comme un soin intensif ? v Hypothèse 1c : Les patients ne reconnaissent pas d'utilité à la CI. Cette hypothèse n'est pas vérifiée. Si 55% des patients déclarent que la CI ne sert à rien, un seul d'entre eux se contente de cette réponse. Les patients ont leur idée sur l'utilité de la CI. Leurs propositions se rapprochent de ce que les soignants pourraient eux-mêmes en dire. Peut-être est-ce là le produit des échanges entre patients et soignants. Les patients isolés interrogent en effet beaucoup les soignants sur les raisons de leur isolement. On est loin de retrouver ici la grande pauvreté de théories explicatives que décrivait D. Friard.130(*) v Hypothèse 1d : Les patients ne sont pas satisfaits des temps de parole en CI. Cette hypothèse se vérifie pleinement. Pour 73% des patients, il n'y a pas de temps de parole en CI. Hormis les moments d'entretiens médicaux, qu'ils se représentent plutôt comme des évaluations, les soignants sont trop pressés pour prendre du temps. Interrogés à ce sujet, les soignants confirment : avec deux infirmiers et un aide-soignant pour une unité de 28 lits, il n'est pas possible de prendre vraiment du temps en CI. Les visites horaires sont assurées, mais il est difficile de faire plus. Ce sont souvent les temps de sortie provisoire, les soins d'hygiène et les repas qui offrent des espaces d'échange. La cigarette a une place importante dans les discours : parce qu'on en manque, parce que la CI permet d'arrêter de fumer pendant un moment, parce que le temps-cigarette permet des contacts humains et des sorties temporaires. 2.2 BÉNÉFICES D'UN TEMPS D'ÉLABORATION· Hypothèse 2 : Avoir bénéficié d'un temps d'élaboration améliore la représentation que les patients ont de leur séjour en CI. A nouveau, les données ne sont pas représentatives étant donné le faible nombre de sujets, cependant, d'un point de vue descriptif, elles vont globalement dans le sens de l'hypothèse. v Hypothèse 2a : Avoir bénéficié d'un temps d'élaboration améliore le ressenti des patients. Bénéficier d'un temps d'élaboration semble avoir un effet positif sur le ressenti des patients. Les patients TE+ sont ainsi les seuls à mentionner des sensations positives. Toutefois, ce point est contrebalancé par le fait qu'étonnamment, ils sont aussi plus nombreux que les patients TE- à évoquer un sentiment de punition. Il apparaît que le sentiment le plus généralement exprimé par ces patients est l'ennui, qui apparaît comme une émotion assez neutre alors que des ressentis plus violents ou difficiles sont exprimés par une majorité de patients TE-. Ces résultats donnent à penser que les patients TE+ seraient mieux à même d'envisager ce temps d'isolement auquel ils donneraient peut-être plus de sens que les patients TE-. Il est cependant difficile de conclure en faveur de l'hypothèse car, à l'exception du patient A, tous expriment tout de même des sentiments très négatifs. Pouvoir parler et réfléchir sur cette expérience ne suffit sans doute pas à améliorer le ressenti d'une expérience qui est concrètement très difficile à vivre. Cela peut à la limite permettre de mieux accepter d'avoir dû en passer par là, et c'est vraisemblablement ce que montrent ces résultats. Il est évident que l'adhésion à ce soin n'est pas suffisante pour que la théorie de la dissonance cognitive de Festinger soit ici applicable. v Hypothèse 2b : Avoir bénéficié d'un temps d'élaboration permet aux patients de considérer la CI comme un soin intensif. Il y a une différence assez notable entre les deux groupes, qui va dans le sens de l'hypothèse. Pour l'ensemble des patients du groupe TE-, la CI n'est pas un soin. Trois catégories de réponses correspondent à ce que les soignants considèrent eux-mêmes comme faisant partie intégrante du soin en CI : l'attention accrue, l'absence de stimulation et le cocooning. Dans ces 3 catégories, les patients TE+ sont largement majoritaires. Ils sont même les seuls à avoir pensé aux catégories absence de stimulation et cocooning. Les patients ayant bénéficié d'un temps d'élaboration semblent donc mieux percevoir les caractéristiques du soin en isolement. Il faut cependant noter que les conditions de MCI des patients A et D ont également pu avoir une influence non négligeable: le patient A était en accord avec la décision d'isolement, dans l'idée qu'on y prendrait « bien soin de lui ». Le patient D, également d'accord, était dans une période d'agitation maniaque que l'absence de stimulation a pu faire régresser. A l'opposé, le patient 1, qui juge l'isolement « dégueulasse et scandaleux » et pense qu'on parle de soin intensif « parce qu'on a beaucoup de médicaments », a été isolé contre son gré, avec appel de renforts. v Hypothèse 2c : Avoir bénéficié d'un temps d'élaboration permet aux patients de reconnaître une utilité à la CI. L'hypothèse semble là encore vérifiée. Les patients qui n'ont pas bénéficié d'un temps d'élaboration sont les plus nombreux à associer le rôle de la CI à un recadrage. On n'est pas très éloigné de la notion de "punition" de la question de départ. S'ils sont une majorité dans les deux groupes pour dire que la CI est indiquée pour calmer les états de crise, ce sont surtout les patients TE+ qui donnent des réponses se rapprochant de la perception des soignants. Avoir pu parler de cette expérience avec des soignants permet manifestement de mieux cerner les objectifs de la CI. v Hypothèse 2d : Les patients ayant bénéficié d'un temps d'élaboration ont un meilleur vécu des temps de parole en CI. Avoir bénéficié d'un temps d'élaboration semble avoir un effet sur la perception des temps de parole en CI. En effet, seule la moitié des patients TE+ dit ne pas avoir bénéficié de temps de parole, face à l'ensemble des patients TE-. Mais surtout, ils sont plus nombreux (50% contre 20%) à penser que c'est parce que les soignants sont pressés, alors que les patients TE- soulignent le fait d'avoir plutôt entendu des consignes (60% pour 33%). Il semble que les patients TE+ cherchent des excuses aux soignants, ou qu'ils sont plus conscients de leurs difficultés, alors que les patients TE- seraient davantage dans une dynamique de reproches, ce qui va dans le sens d'un lien amélioré par les temps d'élaboration. 2.3 PARLER DE SON EXPÉRIENCE· Hypothèse 3 : Les entretiens de recueil du vécu répondent à un besoin des patients de parler de leur expérience d'isolement. Il est frappant de constater que 83% des patients n'ayant pas bénéficié de ces entretiens le regrettent alors que ceux qui en ont bénéficié n'en voient finalement pas tellement l'utilité. Ces chiffres sont en contradiction avec les résultats obtenus par ailleurs qui montrent nettement que les temps d'élaboration permettent aux patients d'aller plus loin dans la réflexion et de prendre de la distance par rapport à leur expérience. Les réponses des 3 patients qui affirment ne pas se souvenir de cet entretien sont peut-être à mettre en lien avec celles des 2 patients qui se sentent intrusés. Il pourrait en effet s'agir d'une forme de méfiance envers le psychologue dont on se demande quelles sont vraiment ses intentions : A quoi servent ces entretiens ? S'agit-il vraiment d'aider les patients ? De les étudier à leur insu ? De faire une étude ? A la lecture de la synthèse réalisée par P. Perret, on constate que les objectifs sont en effet de plusieurs ordres : évaluation, feed-back à l'équipe et debriefing du patient. Même si ces entretiens sont présentés au patient comme un temps d'échange, peut-être serait-il utile de réinterroger ces objectifs dans une optique de clarification. Une autre hypothèse est que, bien qu'extérieur à la démarche d'isolement, le psychologue est repéré comme faisant partie de l'équipe soignante et peut être soupçonné de "collusion". Pour le patient B en particulier, peut-être est-ce une façon de manifester sa rancune envers l'équipe qui l'a isolé, en attaquant l'idéal soignant : "ce que vous faites ne sert à rien". Cet "oubli" qui ressemble fort à du déni
pourrait aussi être une forme de revendication : Les propos des patients qui n'ont pas bénéficié d'un entretien montrent en tout cas que le besoin existe véritablement de parler de son expérience. 2.4 EN BREFConcernant les 4 points de l'hypothèse 1 : 1a) Les patients ont un ressenti globalement négatif de leur séjour en CI. L'hypothèse est vérifiée d'un point de vue descriptif. 1b) Si pour 82% des patients la CI n'est pas un soin intensif, certains perçoivent cependant l'intention de soins. L'hypothèse n'est que partiellement vérifiée. 1c) La représentation que les patients ont de l'utilité de la CI se rapproche de ce que les soignants auraient eux-mêmes pu en dire. L'hypothèse n'est pas vérifiée. 1d) Les patients déclarent à 73% n'avoir pas eu de temps de parole en CI. D'un point de vue descriptif, l'hypothèse est vérifiée. Concernant les 4 points de l'hypothèse 2 : 2a) Avoir bénéficié d'un temps d'élaboration ne diminue pas la pénibilité du ressenti des patients. Néanmoins il semble que les patients sont mieux à même de donner du sens à leur expérience. L'hypothèse n'est pas vérifiée. 2b) Les patients ayant bénéficié d'un temps d'élaboration semblent mieux percevoir les caractéristiques du soin en CI. L'hypothèse est vérifiée d'un point de vue descriptif. 2c) Les patients ayant bénéficié d'un temps d'élaboration cernent mieux les objectifs de la CI. L'hypothèse est vérifiée d'un point de vue descriptif. 2d) Alors que 73% des patients disent ne pas avoir eu de temps de parole en CI, les patients ayant bénéficié d'un temps d'élaboration semblent être plus conscients des difficultés des soignants. Les résultats vont dans le sens de l'hypothèse. Concernant l'hypothèse 3 (complémentaire) Alors que les patients du groupe TE- sont en demande de ce type d'entretien, les patients TE+ disent ne pas en voir l'utilité, ce qui est en contradiction avec les résultats précédents. Si l'on considère ces réponses comme une forme de déni, les résultats vont dans le sens de l'hypothèse. 2.5 LIMITES DE L'ÉTUDEIl est certain que les résultats présentés ci-dessus ne sont à prendre en compte qu'en regard des limites de cette étude. Le simple fait d'avoir participé à ces entretiens de recherche a constitué en soi une forme de travail d'élaboration, qui a pu générer un biais. Plusieurs patients m'ont en effet fait la remarque que parler avec moi de leur expérience d'isolement leur avait fait du bien. N'avoir pu interroger que 11 patients limite la validité de la recherche qui n'a qu'une portée descriptive. De même, le fait que les conditions d'isolement soient si différentes d'un lieu à l'autre permet difficilement d'en généraliser les résultats. Il s'agissait avant tout de recueillir des témoignages, dans un lieu et un temps donné. Chaque cas est de toute façon particulier. La part de subjectivité dans le vécu des patients rend difficile une approche statistique de la question. Il est intéressant de noter cependant que les résultats vont dans le sens des quelques études précédentes ayant pris le parti d'interroger des patients.
C ette étude a été réalisée au travers de onze entretiens auprès de patients ayant fait un séjour en chambre d'isolement, dans une unité classique d'hospitalisation pour adultes. Dans les limites relatives à ce travail, elle a pu mettre en lumière l'importance d'un temps d'élaboration qui permet aux patients de prendre du recul face à une expérience qui reste néanmoins difficile. Au terme de ce mémoire, il semble important de souligner plusieurs points :
· Il permet aux patients de mieux comprendre et analyser leur vécu, · Il permet aux soignants de mieux prendre conscience de la pénibilité de ce soin, et d'améliorer leur pratique, · Il participe à la construction d'un meilleur lien thérapeutique. L'information des patients n'est pas seulement une obligation légale. C'est aussi une façon de les aider à mieux traverser leur hospitalisation, même dans les moments les plus difficiles Ce mémoire aura pu aussi souligner la difficulté du travail des soignants en psychiatrie. Etre thérapeutique en CI demande en effet à prendre du temps, à aller vers l'autre, à entrer en contact avec quelqu'un d'agressif et/ou de non compliant, dans des conditions matérielles qui sont loin d'être facilitantes. Le patient en CI nous fait en effet violence en nous renvoyant à notre impuissance : impuissance à soigner, à calmer l'angoisse, à gérer l'agressivité, à comprendre le délire... Le patient isolé ne peut pas venir vers les soignants. Au plus peut-il sonner pour demander une présence. Pour entrer en contact avec lui, le soignant doit entrer "chez lui". Il n'y est pas invité, souvent il est mal reçu. Il est généralement debout quand le patient est couché ou assis sur son lit, le protocole exige la présence de deux personnes, la notion de danger est sans cesse présente... : ce n'est pas une démarche naturelle. L'effort demandé est d'autant plus considérable qu'il n'est pas reconnu. On ne dit jamais combien il est difficile d'aller vers le patient isolé. La démarche est plus facile s'il existe une réflexion d'équipe à ce sujet et si le personnel a reçu une formation à ce type de soins. Il s'agit de « constituer et maintenir un espace de pensée, où les affects et les représentations peuvent se dire, circuler, se travailler et se modifier.131(*) » L'existence d'un protocole oblige les soignants à un minimum de présence pour des soins ou passages prescrits. Cependant, le protocole ne suffit pas : seule la volonté des soignants, qui doivent être dans une proximité attentive, peut permettre de créer un lien thérapeutique. Le patient isolé est dans une situation de
dépendance totale qui peut être très angoissante. Chacun va
tenter de retrouver une maîtrise et de se rassurer à sa
façon : certains patients sonnent sans arrêt, certains
refusent l'entrée aux soignants, d'autres se réfugient dans le
sommeil, Dans les conditions de travail qui sont celles des services de psychiatrie (manque de personnel et de moyens), il est facile de se laisser déborder et de finir par considérer le patient qui sonne toutes les cinq minutes comme un gêneur ou un provocateur. Enfin, que propose-t-on au patient qui sort de CI ? Si un travail s'accomplit pendant l'isolement, il faut aussi qu'il s'en fasse un en dehors (réflexion sur le cas, ce qui s'est passé, ce qui aurait pu être autrement, accès à la parole, réappropriation du patient par les soignants, réappropriation du soin par le patient, préparation à son retour dans le service). Les raisons qui ont conduit à la décision d'isolement doivent avoir été explicitées et comprises et si un passage à l'acte a été le déclencheur de la situation de soins, il faut qu'il ait été travaillé en équipe, afin que les conditions d'une réelle relation thérapeutique soient réunies, et que l'on ne soit pas dans le rejet ou l'exclusion. Une réflexion d'équipe et une bonne formation des personnels sont indispensables. La place du psychologue est auprès du patient dans les jours qui suivent l'isolement afin de l'aider à analyser ce qu'il a traversé et de proposer un espace d'écoute, de mise en mots du vécu et de la souffrance. Elle est aussi avec l'équipe dans toutes les étapes de la prise en charge. Le psychologue doit pouvoir offrir un espace de pensée qui permettra au groupe de travailler sur ses clivages, ses antagonismes et ses contre attitudes. De par sa position de tiers, il est à même d'aider les soignants dans ce soin qui n'est pas un soin comme les autres. Il est enfin celui qui peut, sans la trahir, transmettre la parole des patients. Il y a encore beaucoup à faire pour que les chambres d'isolement puissent être partout considérées comme un soin à part entière. Plusieurs patients ont ainsi pu me dire qu'ils espéraient que cette recherche pourrait servir à en améliorer les conditions. Certains ont été plus catégoriques et ont souhaité leur disparition pure et simple. Travailler sur des alternatives à l'isolement pourrait apporter des réponses intéressantes. Les signes avant coureur sont en effet souvent repérés, mais peu utilisés. Dans un premier temps, généraliser l'expérience menée à Saint-Exupéry par Monsieur Perret serait une démarche simple qui bénéficierait à tous. Ce travail a été enrichissant d'un bout à l'autre. Il m'a offert des rencontres à la fois passionnantes et émouvantes avec des patients qui m'ont fait confiance pour évoquer un sujet parfois douloureux et toujours difficile à aborder. Il m'a aussi permis de prendre du recul par rapport à un dispositif sur lequel je n'arrivais pas à me prononcer - et pour cause ! Je travaille actuellement comme infirmière en psychiatrie, dans un service d'hospitalisation pour adolescents, et mon approche de l'isolement, dans cette unité comme dans les cas d'appel à renforts dans d'autres unités, s'en ressent de manière tout à fait positive. J'ai aussi eu l'occasion, au cours de mes recherches préliminaires, de m'inscrire dans un groupe de travail sur la contention, dans le cadre des évaluations des pratiques professionnelles (en vue des démarches d'accréditation). Ces échanges de points de vue à la fois complémentaires et contradictoires m'ont apporté une aide non négligeable. La réalisation de ce mémoire s'est faite en lien avec toute l'équipe de l'unité Saint-Exupéry qui m'a apporté son entier soutien. Je les en remercie à nouveau. Rendez-vous a été pris pour que je puisse présenter ce travail en réunion d'équipe courant septembre. Il pourrait être question par la suite que l'équipe se serve de cette recherche pour ré aborder, dans le cadre du projet de soins de l'unité, cette question de l'isolement et du recueil du vécu des patients. 2 Possibilités de prolongementsDe nombreux facteurs entrent en compte dans le vécu des patients, qui n'ont pas été retenus dans cette recherche et qui pourraient être l'occasion de prolongements :
D'autres approches auraient pu être possibles : Enregistrer les entretiens, ce qu'il ne m'a pas été possible de faire ici, pourrait permettre d'étudier par exemple la présence de marqueurs langagiers. D. Friard avait ainsi noté que l'utilisation de pronoms personnels permettait de marquer une individualisation de la relation soignant/soigné. 3 La parole aux patientsA la fin de chaque entretien, les patients ont eu la liberté d'ajouter un commentaire de leur choix. J'aimerais terminer ce travail de recherche sur ces quelques mots. Ils nous rappellent de toujours écouter la parole des patients et qu'il reste beaucoup de travail à accomplir pour que l'isolement, dont on ne peut encore se passer dans les services classiques de psychiatrie, puisse vraiment être considéré comme un soin à part entière. C NC'est dur. NC'est quand même une forme de cage. On est séparé des autres et de soi-même car on ne peut pas parler à l'autre. C'est vous-même dans une boule enfermée dans un grand cube. On n'en est plus maître. Le maître, c'est le médecin. NC'est un manque de liberté comme un autre, plus restreint. NLes médecins font des évaluations, mais ça tient à rien du tout. C'est des évaluations, pas des temps de parole. Il faudrait des psychologues, qu'ils extraient la maladie du patient. Il n'y a que la parole qui peut faire ça. Silencieux, face à soi-même, on guérit pas. Nul médicament ne viendra à bout de vos souvenirs. Ils sont ancrés en vous, ça fait du mal. On ne peut qu'en parler. NC'est dégueulasse et scandaleux. Une honte. Dans le futur ça va disparaître. Si une personne est agitée ou veut fuguer, il faut la laisser faire. NC'est le silence, le désert, un endroit pas accueillant. On croit que c'est l'enfer qui vous arrive, qui vous tombe sur la tête. Je suis encore fatigué, ça m'a beaucoup affecté moralement, je suis plus dans la déprime. L'isolement, ça ne guérit pas. NJe voudrais qu'avant qu'on mette les gens en chambre d'isolement sans faire attention aux cris... il y a des manipulateurs qui manipulent les médecins, on peut pas le voir parce qu'on pense trop aux malades... discuter avant avec l'infirmière et ne pas nous prendre pour des imbéciles. Plus de discussion, parce que parfois, en 5 secondes il y a une bagarre et ils vous mettent en CI et c'est nous qui trinquons. NC'est "game-over", on n'est plus dans la partie. NC'est une solution. C'est pas idéal mais il n'y a pas autre chose. On ne peut pas changer l'ordre établi. LIVRES, MÉMOIRES :Anzieu, D. (1985) Le Moi-peau. Paris. Dunod / Ed. Bordas Arnoux, I. (1994) Les droits de l'être humain sur son corps. Talence. Ed. des Presses universitaires de Bordeaux Baloste-Fouletier (1973) Chronique de l'ordre asilaire. Paris. Librairie François Maspero Bardin L. (1993) L'analyse de contenu. Paris. PUF Barnes, M./ Berke, J. (1973) Mary Barnes, un voyage à travers la folie. Paris. 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Charte de la personne hospitalisée (actualisation de la charte du patient hospitalisé de 1995) : disponible sur : http://www.sante.gouv.fr/htm/dossiers/charte_patient/accueil.htm Circulaire n°48 DGS/SP3 du 19 juillet 1993 (circulaire Veil) portant sur le rappel des principes relatifs à l'accueil et aux modalités de séjours des malades hospitalisés pour troubles mentaux Décret no 2002-194 du 11 février 2002 relatif aux actes professionnels et à l'exercice de la profession d'infirmier Décret no 2002-637 du 29 avril 2002 relatif à l'accès aux informations personnelles détenues par les professionnels et les établissements de santé en application des articles L. 1111-7 et L. 1112-1 du code de la santé publique Loi n° 70-1318 du 31 décembre 1970 portant réforme hospitalière Loi n° 90-527 du 27 juin 1990 relative aux droits et à la protection des personnes hospitalisées en raison de troubles mentaux et à leurs conditions d'hospitalisation Loi n° 91-748 du 31 juillet 1991 portant réforme hospitalière Loi n° 2002-303 du 4 mars 2002 relative aux droits des malades et à la qualité du système de santé Propositions de réforme de la loi du 27 juin 1990 relative aux droits et à la protection des personnes hospitalisées en raison de troubles mentaux et à leurs conditions d'hospitalisation / Rapport présenté par Docteur Alain Lopez et Isabelle Yéni, membres de l'Inspection générale des affaires sociales et Martine Valdès-Boulouque et Fabrice Castoldi, membres de l'Inspection générale des affaires judiciaires / Mai 2005 Recommandation 1235 du 12 avril 1994, relative à la psychiatrie et aux droits de l'homme de l'Assemblée parlementaire du Conseil de l'Europe AnnexesGRILLE D'ENTRETIENEn préambule : Explications sur les buts de cette recherche Explications sur le fait que je vais prendre des notes 1- Vous souvenez-vous de votre dernier séjour en CSI. C'était quand ? Ca a duré combien de temps ? 2- Vous souvenez-vous pourquoi vous y étiez allé ? Dans quelles conditions ? 3- Comment s'était déroulé le séjour ? Racontez-moi 4- Comment étiez-vous au début ? 5- Comment étiez vous à la fin ? 6- Est-ce que vous vous rappelez quels étaient vos sentiments en CSI ? 7- A votre avis, pourquoi parle-t-on de chambre de soins intensifs ? 8- Pensez-vous qu'on s'occupe différemment des patients en CSI ? 9- Qu'est-ce qui fait du bien en CSI ? 10- Qu'est-ce qui est difficile en CSI ? 11- A quoi sert la CSI à votre avis ? 12- Et pour vous, à quoi vous a-t-elle servi ? 13- Est-ce que ça a changé quelque chose à votre prise en charge, à votre projet de soins ? 14- Est-ce que ça a changé quelque chose à votre relation aux soignants ? 15- Vous souvenez-vous avoir eu des temps de parole en CSI ? Pouvez-vous en parler ? 16- Vous rappelez-vous avoir eu un entretien de recueil du vécu avec M. Perret ? Qu'en avez-vous pensé (utile, suffisant ?) 17- Avez-vous pu parler de la CSI à quelqu'un d'autre ? A- Commentaire : TRANSCRIPTION DES ENTRETIENS ET RELEVÉ DES DONNÉESEntretien 1 Date de mise en CI : 20/10/06 Date de sortie de CI : 26/10/06 Durée totale : 6 jours Lieu : Pussin (UHCD) Indications : - Etat dissociatif + - Dissociation, destructuration - Acte agressif, violence gestuelle ou verbale, attitudes ou
comportements Statut : HO Diagnostic CIM 10 : schizophrénie Année de naissance : 1967 Sexe : M Circonstances de MCI : Le patient a été mis en isolement dès son entrée à l'UHCD Pussin. Il est arrivé menotté, avec la police. Très agité, il a du être contenu jusqu'au 4ème jour puis décontenu progressivement à partir du 3ème jour. Les 2 premiers jours, il refuse le traitement et doit le recevoir en injectable. Il a des temps de sortie progressive à partir du 6ème jour. Durant cette période, il est angoissé, somnolent, dans le déni, la minimisation des faits (avait jeté le chat de son frère par la fenêtre et menacé de mort le médecin d'SOS) et l'opposition. Quelques sourires immotivés. Résumé de la période d'isolement : Isolement dès l'entrée. Primo-hospitalisation. Est arrivé menotté avec la police. A nécessité l'intervention de renforts. Très agité. A été contenu jusqu'au 23 (essais de décontention à partir du 22). A eu des temps de sortie progressifs à partir du 25. Dans le déni des troubles, minimisant les actes qui l'ont conduit à être hospitalisé (a jeté un chat par la fenêtre et menacé le médecin de SOS). Opposant. Entretien de recueil du vécu : N'en a pas bénéficié Attitude durant l'entretien de recherche : Patient très opératoire qui répond aux questions sans plus de commentaire. Aucune critique de l'épisode qui lui a valu cette période d'isolement. Déni des troubles. Encore très projectif. Vérifie en même temps ce que j'écris. 18- Vous souvenez-vous de votre dernier séjour en CSI. C'était quand ? Ca a duré combien de temps ? En novembre 2006, pendant 3 jours 19- Vous souvenez-vous pourquoi vous y étiez allé ? Dans quelles conditions ? Suite à une tentative de fugue. [Pense qu'il serait rentré à la maison] 20- Comment s'était déroulé le séjour ? Racontez-moi Je suis resté attaché aux mains et aux pieds pendant les 3 jours. 21- Comment étiez-vous au début ? Au début, très angoissé 22- Comment étiez vous à la fin ? Mieux mais encore un peu angoissé. C'est à cause des injections qui m'ont calmé. 23- Est-ce que vous vous rappelez quels étaient vos sentiments en CSI ? Sentiment de colère contre les médecins et peur d'y rester longtemps. Je connaissais l'histoire de gens qui y étaient restés longtemps. Je n'ai pas eu d'explications. 24- A votre avis, pourquoi parle-t-on de chambre de soins intensifs ? Parce qu'on a beaucoup de médicaments Il n'y a pas eu de parole apaisante. Les visites des soignants étaient aux moments des repas. On a détaché une main pour que je mange. 25- Pensez-vous qu'on s'occupe différemment des patients en CSI ? Je ne sais pas 26- Qu'est-ce qui fait du bien en CSI ? Rien 27- Qu'est-ce qui est difficile en CSI ? L'isolement. Le fait d'être seul, enfermé. 28- A quoi sert la CSI à votre avis ? Ca sert à isoler, à sanctionner. Sur moi c'était désastreux. Ca m'a complètement déprimé. A la fin, j'étais plus déprimé qu'au début. 29- Et pour vous, à quoi vous a-t-elle servi ? A rien 30- Est-ce que ça a changé quelque chose à votre prise en charge, à votre projet de soins ? Rien 31- Est-ce que ça a changé quelque chose à votre relation aux soignants ? Rien 32- Vous souvenez-vous avoir eu des temps de parole en CSI ? Pouvez-vous en parler ? Non 33- Vous rappelez-vous avoir eu un entretien de recueil du vécu avec M. Perret ? Qu'en avez-vous pensé (utile, suffisant ?) Non. Ça aurait pu être utile pour avoir des explications. Je ne savais pas que ça existait. 34- Commentaire : C'est dégueulasse et scandaleux. Une honte. Dans le futur ça va disparaître. Si une personne est agitée ou veut fuguer, il faut la laisser faire. Relevé par thèmes A- Ressenti Angoisse, peur : très angoissé / encore un peu angoissé / peur d'y rester longtemps Apaisement : mieux / à cause des injections qui m'ont calmé Colère : colère contre les médecins Incompréhension : je n'ai pas eu d'explication Mal être : désastreux Solitude, abandon, isolement isolement / seul, enfermé Tristesse : déprimé / plus déprimé qu'au début B- Utilité Ne sert à rien : à rien C- Soin intensif Beaucoup de médicaments : parce qu'on a beaucoup de médicaments Néfaste : dégueulasse et scandaleux / une honte D- Temps de parole Pas de temps de parole : pas eu d'explication du médecin / non E- Entretien de recueil du vécu Aurait pu être utile : Ça aurait pu être utile pour avoir des explications Entretien 2 Date de mise en CI : 05/09/06 Date de sortie de CI : 18/09/06, puis est mutée à Saint-Exupéry où est placée en CSA (chambre de soins attentifs) Durée totale : 13 jours Lieu : Pussin (UHCD) Indications : - Etat dissociatif aggravé par prise de toxiques + fugue à son arrivée Statut : HDT Diagnostic CIM 10 : trouble schizotypique Année de naissance : 1982 Sexe : F Circonstances de MCI : A son entrée, a tenté de fuguer. Résumé de la période d'isolement : Entretien de recueil du vécu : N'en a pas bénéficié Attitude durant l'entretien de recherche : Patiente très coopérante, espère qu'elle va arriver à bien répondre, fait de son mieux. Se rapproche physiquement de ma chaise pendant l'entretien. Est en confiance. A du mal à se rappeler. 1- Vous souvenez-vous de votre dernier séjour en CSI. C'était quand ? Ca a duré combien de temps ? [Ne se rappelle pas quand.] Ca a duré 2 semaines. 2- Vous souvenez-vous pourquoi vous y étiez allé ? Dans quelles conditions ? [A du mal à se rappeler.] Je pense que j'étais sortie sans autorisation dans le parc. Ou bien le médecin m'a dit que je ne prenais pas soin de moi et qu'il fallait qu'on m'aide à mieux prendre soin de moi. J'étais d'accord, il n'y a pas eu besoin de renforts. 3- Comment s'était déroulé le séjour ? Racontez-moi Pas très bien. C'est trop renfermé. Le temps ne passe pas vite. Je ne voyais personne. Si, je voyais les infirmiers. 4- Comment étiez-vous au début ? Au début, angoissée, un peu agitée. Je restais dans le lit. 5- Comment étiez vous à la fin ? Après c'est parti, je ne sais pas pourquoi. J'étais plus calme. Je voulais sortir. 6- Est-ce que vous vous rappelez quels étaient vos sentiments en CSI ? Du stress. [Je demande une précision] Je ne me sentais pas tranquille. Pas de peur, plutôt de la tristesse d'être enfermée. 7- A votre avis, pourquoi parle-t-on de chambre de soins intensifs ? Je ne sais pas. Non, il n'y a pas de soins supplémentaires. Pareil que dehors. 8- Pensez-vous qu'on s'occupe différemment des patients en CSI ? Non. C'est pareil. 9- Qu'est-ce qui fait du bien en CSI ? Etre au calme 10- Qu'est-ce qui est difficile en CSI ? Tout. Que ce soit une pièce petite comme ça. 11- A quoi sert la CSI à votre avis ? A se calmer. A progresser. C'est un petit peu utile. 12- Et pour vous, à quoi vous a-t-elle servi ? A rien. [Question : Et par rapport à l'objectif de départ ?] Ca m'a aidée à prendre mieux soin de moi. 13- Est-ce que ça a changé quelque chose à votre prise en charge, à votre projet de soins ? Rien 14- Est-ce que ça a changé quelque chose à votre relation aux soignants ? Rien 15- Vous souvenez-vous avoir eu des temps de parole en CSI ? Pouvez-vous en parler ? Il n'y avait pas tellement de temps de parole. Un peu avec les infirmiers. Un peu avec le médecin, pour savoir comment ça va, mais pas trop sur les sentiments. 16- Vous rappelez-vous avoir eu un entretien de recueil du vécu avec M. Perret ? Qu'en avez-vous pensé (utile, suffisant ?) Non. Je ne savais pas que ça existait. Ca ne sert à rien d'en parler. Peut-être que ça ferait du bien. [ne sait pas] 17- Commentaire ? C'est dur. Relevé par thèmes A- Ressenti Angoisse, peur : au début, angoissée Apaisement : après, plus calme / au calme Ennui, temps long le temps ne passe pas vite Mal être c'est dur Oppression : trop renfermé / une pièce petite comme ça Solitude, abandon je ne voyais personne Tension interne : un peu agitée / du stress, pas tranquille Tristesse, déprime : tristesse d'être enfermée B- Utilité Ne sert à rien : à rien A calmer : à se calmer A progresser : à progresser / à prendre mieux soin de moi Utile : un petit peu utile C- Soin intensif Pas de soin intensif : Non, il n'y a pas de soins supplémentaires. Pareil que dehors D- Temps de parole Pas de temps de parole : pas tellement de temps de parole Pas assez de temps : Un peu avec les infirmiers. Un peu avec le médecin Consignes, évaluations : pour savoir comment ça va, mais pas trop sur les sentiments E- Entretien de recueil du vécu Aurait pu être utile : Peut-être que ça ferait du bien Ne sert à rien : Ça ne sert à rien d'en parler Entretien 3 Date de mise en CI : 09/02/05 Date de sortie de CI : 17/04/05, puis est muté en UMD Durée totale : 57 jours Lieu : Saint-Exupéry Indications : - Agitation psychomotrice - Acte agressif, violence gestuelle ou verbale, attitudes ou
comportements Statut : HO Diagnostic CIM 10 : autres troubles délirants persistants Année de naissance : 1958 Sexe : M Circonstances de MCI : Résumé de la période d'isolement : A été contenu. Entretien de recueil du vécu : N'en a pas bénéficié Attitude durant l'entretien de recherche : Patient qui a de grosses difficultés à garder le fil. Mélange CSI et UMD. Confond isolement et cadre de soin (limitations des droits de sortie) Nécessité de lui rappeler sans cesse le fil conducteur. Aucune conscience des troubles. Défenses paranoïaques. Troubles cognitifs suite à une rupture d'anévrisme. Troubles de mémoire. Très peu de capacités d'élaboration. 1- Vous souvenez-vous de votre dernier séjour en CSI. C'était quand ? Ca a duré combien de temps ? Il y a deux ans (confond avec son séjour en UMD) 2- Vous souvenez-vous pourquoi vous y étiez allé ? Dans quelles conditions ? J'étais insupportable parce que je n'avais pas pu avoir de permission chez ses parents. J'étais devenu méchant parce qu'enfermé à l'hôpital. J'ai été emmené de force avec des renforts. 3- Comment s'était déroulé le séjour ? Racontez-moi Pas de sortie dans le parc. Isolé. Ca travaille dans la tête. Etre enfermé est insupportable. 4- Comment étiez-vous au début ? Enervé. Tout le monde était d'accord pour que j'aille à Sarreguemines, ça m'a énervé. 5- Comment étiez vous à la fin ? 6- Est-ce que vous vous rappelez quels étaient vos sentiments en CSI ? En colère. On gamberge. Je suis pas malade. Il y a des gens pire que moi qui ont un appartement. Je ne vois pas pourquoi je suis hospitalisé. 7- A votre avis, pourquoi parle-t-on de chambre de soins intensifs ? Pas un soin : une punition. 8- Pensez-vous qu'on s'occupe différemment des patients en CSI ? On est enfermé mais il n'y a pas de soins particuliers. 9- Qu'est-ce qui fait du bien en CSI ? Rien 10- Qu'est-ce qui est difficile en CSI ? Etre enfermé. Ne pas avoir de cigarette. 11- A quoi sert la CSI à votre avis ? A donner une leçon, à dire : il faut être comme ça. Pour ceux qui fument de la drogue : ça les arrête, y a que ça. 12- Et pour vous, à quoi vous a-t-elle servi ? Ca a réussi à me remettre dans le droit chemin. (Sarreguemines) 13- Est-ce que ça a changé quelque chose à votre prise en charge, à votre projet de soins ? Rien 14- Est-ce que ça a changé quelque chose à votre relation aux soignants ? A la fin (à Sarreguemines) on se tutoyait. Ils sont plus cool maintenant. 15- Vous souvenez-vous avoir eu des temps de parole en CSI ? Pouvez-vous en parler ? Non 16- Vous rappelez-vous avoir eu un entretien de recueil du vécu avec M. Perret ? Qu'en avez-vous pensé (utile, suffisant ?) Non. 17- Commentaire : Aucun commentaire Relevé par thèmes A- Ressenti Agitation psychomotrice : ça travaille dans la tête / on gamberge Colère : en colère Punition : pas un soin, une punition Sensation d'enfermement, d'être en prison : etre enfermé est insupportable / être enfermé B- Utilité Donner une leçon : à donner une leçon Normaliser : à dire : il faut être comme ça / remettre dans le droit chemin Arrêter quand ça dérape : ça les arrête (ceux qui fument de la drogue) C- Soin intensif Pas un soin : pas un soin Pas de soin intensif : pas un soin / pas de soins particuliers D- Temps de parole Pas de temps de parole : non E- Entretien de recueil du vécu Entretien 4 Date de mise en CI : 07/03/07 Date de sortie de CI : 12/04/07 Durée totale : 36 jours Lieu : Fontaine et Roseau (1 jour) puis Saint-Exupéry Indications : - Agitation psychomotrice - Dissociation, destructuration - Acte agressif, violence gestuelle ou verbale, attitudes ou
comportements Statut : HO Diagnostic CIM 10 : trouble affectif bipolaire Année de naissance : 1958 Sexe : M Circonstances de MCI : Suite à un problème familial (sa mère est partie sans le prévenir), le patient a manifesté de l'agressivité et a proféré des menaces. Il a été amené par la police et a dû être contenu, avec appel de renforts, à son arrivée à Fontaine Roseau où il est resté 1 jour. Résumé de la période d'isolement : Le patient a été décontenu à Saint-Exupéry. L'humeur était triste avec présence d'idées suicidaires. Des temps de sortie provisoire ont été organisés à partir du 13/03 mais différentes transgressions du cadre (cache du tabac sous le matelas) puis des menaces envers un infirmier conduisent à la poursuite de l'isolement et à une mutation à l'USIP (unité de soins intensifs psychiatriques). Entretien de recueil du vécu : N'en a pas bénéficié Attitude durant l'entretien de recherche : On sent dans cet entretien que le patient mesure ses paroles chaque fois qu'il est question de l'équipe soignante, comme s'il retenait de la colère ou de la violence. Il minimise les menaces proférées. Plusieurs fois il passe du « je » au « ils », comme pour mettre à distance des propos qui semblent évoquer directement ou pas son histoire personnelle. Il est encore en HO mais elle va être levée quelques heures après et une sortie est prévue dans les jours qui suivent avec un retour au domicile parental. Il est revenu 3 jours plus tôt de l'USIP, où il a passé 1 mois et où il s'est montré un « malade modèle ». C'est un patient qui a fait de la prison. 1- Vous souvenez-vous de votre dernier séjour en CSI. C'était quand ? Ca a duré combien de temps ? Le mois dernier pendant 35 jours : 30 jours à Saint-Exupéry et 5 jours à l'USIP. 2- Vous souvenez-vous pourquoi vous y étiez allé ? Dans quelles conditions ? Suite à des propos menaçants à un infirmier. Je l'ai menacé sans vraiment le menacer. J'ai dit : si demain c'était l'apocalypse tu serais le premier que j'égorgerais. J'ai dit ça comme une plaisanterie. Il l'a pris au sérieux et l'a répété au docteur Ribault. Et après j'ai essayé de rentrer une cigarette dans la CI, ça m'a coûté préjudice. 3- Comment s'était déroulé le séjour ? Racontez-moi C'est la rage. D'être enfermé. On se pose des questions : pourquoi moi, pourquoi moi ? Pourquoi toujours moi ? Avec le regret des propos qu'on a eu, de notre conduite. On fait rien, y a rien à faire. Vous attendez... les repas ; les cigarettes. Toujours en instance d'attente. Les 35 jours pareils. Ca passe vite. On s'habitue. C'est dur, très dur. Des fois le traitement ne convient pas. Tous les jours vous vous sentez mal dans votre peau. Vous vous sentez abandonné, entre 4 murs. Surtout sans visite dit que parfois on a droit aux visites à l'USIP] 4- Comment étiez-vous au début ? En colère. Très mal. La haine contre la société. 5- Comment étiez vous à la fin ? Ca diminue. On finit par s'habituer. Ca s'apaise. 6- Est-ce que vous vous rappelez quels étaient vos sentiments en CSI ? La colère, c'est tout. 7- A votre avis, pourquoi parle-t-on de chambre de soins intensifs ? C'est pour les malades difficiles. Pas du soin intensif. Plutôt une punition. 8- Pensez-vous qu'on s'occupe différemment des patients en CSI ? 9- Qu'est-ce qui fait du bien en CSI ? Ce qui serait bien c'est de la musique classique, un haut parleur accroché au mur, même si c'était contrôlé par eux. Les informations. Avoir des discussions avec des psychologues, avec d'autres patients. La CI ça change votre état, vous êtes apaisé En fait, rien ne fait du bien en CI. 10- Qu'est-ce qui est difficile en CSI ? Le silence, ça angoisse. Ca fatigue, l'isolement. C'est ce qui vous donne un air d'être apaisé. En vérité, sa maladie elle est toujours latente, elle sommeille. C'est la fatigue qui donne l'air apaisé. 11- A quoi sert la CSI à votre avis ? A isoler des autres patients quand un patient est menaçant. C'est comme les UMD. Ca sert à se protéger soi-même et les autres.[dit qu'il ne pense pas qu'il aurait pu être dangereux lui-même] 12- Et pour vous, à quoi vous a-t-elle servi ? A faire le point sur moi-même, sur ma vie, sur l'avenir, on pense beaucoup à l'avenir : que vais-je faire, que vais-je devenir ? 13- Est-ce que ça a changé quelque chose à votre prise en charge, à votre projet de soins ? Je sens un changement. Deux aides-soignants m'ont dit que j'avais changé. Mais ça ne fait pas longtemps que je suis revenu de l'USIP, je ne me rends pas compte. 14- Est-ce que ça a changé quelque chose à votre relation aux soignants ? Oui, beaucoup même. Ils ont pas été méchants, plus compatissants, ça crée une sympathie. Mais pour le moment je ne sais pas, ça ne fait pas assez longtemps que je suis sorti. 15- Vous souvenez-vous avoir eu des temps de parole en CSI ? Pouvez-vous en parler ? Non, ça manque ça. Ils ne viennent pas discuter avec vous. Il manque des psychologues, des psychiatres, des psychanalystes, je ne sais pas. Il faudrait plus d'écoute du patient. Les patients ont en mémoire un lourd passé. Ils ont été abusés, malmenés, abusés sexuellement, c'est ça la maladie. Si ils pouvaient parler, ils seraient sur la voie de la guérison. Mais là, enfermé entre 4 murs, il n'y a pas de discussion. Les médecins font des évaluations, mais ça tient à rien du tout. C'est des évaluations, pas des temps de parole. Il faudrait des psychologues, qu'ils extraient la maladie du patient. Il n'y a que la parole qui peut faire ça. Silencieux, face à soi-même, on guérit pas. Nul médicament ne viendra à bout de vos souvenirs. Ils sont ancrés en vous, ça fait du mal. On ne peut qu'en parler. 16- Vous rappelez-vous avoir eu un entretien de recueil du vécu avec M. Perret ? Qu'en avez-vous pensé (utile, suffisant ?) Non. Ca serait bien, oui, d'autant que c'est une personne charmante [authenticité ?]. Ca m'a manqué. 18 Commentaire : C'est difficile à vivre. La famille n'est pas au courant parce que je n'ai pas de visites depuis 2 mois. On se sent complètement abandonné. [dit qu'il pourrait leur en parler] C'est difficile surtout quand on est attaché. [dit qu'il a été attaché chaque fois qu'il a été en CI] C'est le silence, le désert, un endroit pas accueillant. On croit que c'est l'enfer qui vous arrive, qui vous tombe sur la tête. Je suis encore fatigué, ça m'a beaucoup affecté moralement, je suis plus dans la déprime. L'isolement, ça ne guérit pas. Relevé par thèmes E- Ressenti Apaisement on finit par s'habituer / ça s'apaise Fatigue ça fatigue, l'isolement / c'est la fatigue qui donne l'air apaisé / encore fatigué Colère rage d'être enfermé / en colère / haine contre la société Ennui, temps long rien à faire / toujours en instance d'attente Incompréhension pourquoi moi ? Mal être c'est dur, très dur / mal dans votre peau / très mal / l'enfer Solitude, abandon abandonné / le silence ,le désert Regrets regret des propos qu'on a eu Tristesse, déprime beaucoup affecté moralement / plus dans la déprime F- Utilité A améliorer la relation aux soignants : oui, beaucoup même / ça crée une sympathie A calmer : vous êtes apaisé A changer : ça change votre état A protéger : à isoler des autres patients quand un patient est menaçant / à se protéger soi-même et les autres Pour les malades difficiles : pour les malades difficiles / comme les UMD A faire le point : à faire le point A évaluer : les médecins font des évaluations A rien : silencieux, face à soi-même, on guérit pas / l'isolement, ça ne guérit pas G- Soin intensif Pas du soin intensif : pas du soin intensif H- Temps de parole Pas de temps de parole : non / enfermé entre 4 murs, il n'y a pas de discussion Ca manque : ça manque ça / il manque des psychologues, des psychiatres, des psychanalystes / il faudrait plus d'écoute du patient Consignes, évaluations : c'est des évaluations, pas des temps de parole I- Entretien de recueil du vécu Aurait pu être utile : Ca serait bien, oui / Ca m'a manqué Entretien 5 Date de mise en CI : 24/05/07 Date de sortie de CI : 29/05/07 puis mutation à Saint-Exupéry Durée totale : 5 jours Lieu : Fontaine et Roseau (Unité pour psychotiques déficitaires) Statut : HO Indications : - Agitation aux urgences. Patient délirant avec humeur haute. Circonstances de MCI : Diagnostic CIM 10 : schizophrénie Année de naissance : 1952 Sexe : M Résumé de la période d'isolement : A eu une altercation avec un voisin. A sorti un couteau. A été contenu pendant 13 heures au début. Calme malgré quelques « vociférations » et paroles virulentes. Patient volubile mais conciliant avec une allure impressionnante et un vécu persécutoire. N'a pas pu bénéficier de temps de sortie progressifs étant donné le type d'unité. Est porteur de chaussures orthopédiques. Entretien de recueil du vécu : N'en a pas bénéficié Attitude durant l'entretien de recherche : Grandes difficultés à se concentrer. Part dans de longs récits détaillés après chaque réponse, sans rapport avec le sujet (non transcrits). Doit être sans arrêt arrêté et ramené au thème de départ. Beaucoup d'excitation et de théâtralisme : se met en scène comme un « gros méchant », injurieux et vulgaire. A été vu en entretien le matin même par le docteur Ribault qu'il connaît bien et s'est montré beaucoup plus posé et adapté. Probablement intimidé par le cadre de cet entretien de recherche, et se défend en cherchant à m'impressionner. Plus calme vers la fin. S'excuse à deux reprises. 1- Vous souvenez-vous de votre dernier séjour en CSI. C'était quand ? Ca a duré combien de temps ? Mercredi dernier ou le mercredi d'avant. Pendant 4 ou 5 jours. A Fontaine-Roseau. 2- Vous souvenez-vous pourquoi vous y étiez allé ? Dans quelles conditions ? Ils m'ont pris pour un brigand, un meurtrier. Pieds et poings liés, si fort que j'avais des marques aux pieds. [Montre ses chevilles] Une infirmière, ou un médecin, m'a dit : moi, je vous détache, ça m'a fait plaisir parce que ça faisait mal. Je disais : pas si fort. J'étais agité, pas d'accord pour y aller. C'était parce que j'avais un couteau, mais j'ai menacé personne, je suis pas un meurtrier. C'était pour me défendre. Un voisin qui pouvait pas me piffer. On a dit que je faisais peur à tout le monde mais c'est moi qui avais peur. 3- Comment s'était déroulé le séjour ? Racontez-moi Pas de bagarre, très poli, même si je les aimais pas. On s'emmerde. Quand on arrive à dormir, on passe le temps. Je tournais autour de mon lit. Il y avait une lumière qui s'allumait dès que je bougeais, quand on se met dessous, au WC. C'est le modernisme. On arrive, ça s'allume tout seul. C'est la merde. Quand mon lit était en face de la lampe, je bougeais un pied, ça s'allumait. Toute la nuit comme ça. Je pouvais pas dormir. Des drogues, complètement ensuqué, parce que je dormais pas la nuit : on élimine pas les médicaments quand on ne dort pas. J'étais constamment bourré de médicaments. Plus de médocs que ce que j'avais à manger. Quand on est en cellule, on mange pas beaucoup. Des petites portions comme chez Bocuse. Je disais : j'ai pas assez à manger mais il n'y avait pas de rab. Les infirmières très gentilles, adorables. Pas de sorties, juste pour aller à la douche. Toute la journée enfermé, alors qu'au Vinatier j'avais droit à ¼ d'heure de sortie. 4- Comment étiez-vous au début ? Angoissé, agité. 5- Comment étiez vous à la fin ? Calme, détendu. 6- Est-ce que vous vous rappelez quels étaient vos sentiments en CSI ? J'en avais marre, une semaine de plus, j'aurais pété les plombs. 7- A votre avis, pourquoi parle-t-on de chambre de soins intensifs ? J'en sais rien. C'est pareil que d'habitude à part qu'on est enfermé. 8- Pensez-vous qu'on s'occupe différemment des patients en CSI ? On s'en occupe beaucoup, ils venaient souvent me voir, ils étaient gentils, tous. 9- Qu'est-ce qui fait du bien en CSI ? Rien. La sonnette pour appeler. 10- Qu'est-ce qui est difficile en CSI ? Les caméras. Ils me prennent pour un con. Planquée sous les boutons de la lumière. Aussi dans la salle de bains, dans un bouton rond, c'est dégueulasse. L'enfermement. J'ai besoin de mes chaussures, je peux pas marcher, sans chaussures. Je marche, mais très difficilement, sur la pointe des pieds. Alors à force de tourner autour du lit, j'avais mal aux pieds. 11- A quoi sert la CSI à votre avis ? A calmer les personnes énervées. 12- Et pour vous, à quoi vous a-t-elle servi ? A ça. A quoi d'autre ça servirait ? 13- Est-ce que ça a changé quelque chose à votre prise en charge, à votre projet de soins ? Oui. Les gens sont plus gentils. 14- Est-ce que ça a changé quelque chose à votre relation aux soignants ? Oui, et comment ! Moi, je m'énerve après tout le monde. Je ne suis pas méchant. Allez au fond de votre chambre, qu'ils me disaient. Je comprends pas, parce qu'après, avec leur plateau qui est lourd et qui peut être dangereux, elles étaient à 10 cm de moi pour me mettre le sucre dans le café ! Ca me fait penser aux anciennes prisons : ils passaient directement le plateau par l'espèce de chatière dans la porte. 15- Vous souvenez-vous avoir eu des temps de parole en CSI ? Pouvez-vous en parler ? Rien. Si : j'ai demandé de baisser le traitement. Le médecin a voulu que je raconte ma vie, mais tintin ! 16- Vous rappelez-vous avoir eu un entretien de recueil du vécu avec M. Perret ? Qu'en avez-vous pensé (utile, suffisant ?) Non. J'accepte tout, je m'en fous, le bon, le mauvais. Mais je réagis différemment. [Ca vous a manqué ?] Bien sûr, personne ne parle avec moi. J'essaie de me faire des amis, je donne des clopes. Et quand j'ai plus de clopes, y a plus personne. Je suis trop gentil. 17- Commentaire : Rien. A part cette lumière. Il fallait attendre une minute pour que ça s'éteigne. Relevé par thèmes A- Ressenti Angoisse, peur angoissé Agitation agité Apaisement calme, détendu Ennui, temps long on s'emmerde Ensuqué des drogues, complètement ensuqué / bourré de médicaments Mal être une semaine de plus, j'aurais pété les plombs / on mange pas beaucoup Sensation d'enfermement, d'être en prison : l'enfermement Solitude, chaleur des visites des soignants les infirmières très gentilles, B- Utilité A améliorer la relation aux soignants : les gens sont plus gentils / oui A calmer : à calmer les personnes énervées C- Soin intensif Attention des soignants : on s'en occupe beaucoup Pas de soin intensif : pareil que d'habitude à part qu'on est enfermé D- Temps de parole Pas de temps de parole : Rien. Des consignes Si : j'ai demandé de baisser le traitement. E- Entretien de recueil du vécu Aurait pu être utile : J'accepte tout, je m'en fous / [Ca vous a manqué ?]Bien sûr, personne ne parle avec moi. Entretien A Date de mise en CI : 02/04/07 Date de sortie de CI : 03/04/07 puis CSA le 16/04/07 Durée totale : 1 jour Lieu : Saint-Exupéry Indications : - Dissociation, destructuration Statut : HDT Diagnostic CIM 10 : schizophrénie Année de naissance : 1974 Sexe : M Circonstances de MCI : Résumé de la période d'isolement : Entretien de recueil du vécu : Attitude durant l'entretien de recherche : Cet entretien a été proposé 15 jours auparavant au cours d'un entretien hebdomadaire mené par le psychologue en l'absence du médecin. Ces entretiens sont habituellement menés conjointement par le psychologue et le docteur Ribault. Le patient a d'abord accepté de participer puis a changé d'avis quand le psychologue lui a rappelé l'entretien de recueil du vécu qu'ils avaient eu à sa sortie de CI. Il a ensuite renouvelé vigoureusement son refus le lendemain au tour devant le docteur Ribault. J'ai ensuite plusieurs fois eu l'occasion de croiser le patient dans les couloirs, où il montrait une plus grande réserve à mon égard. J'ai également pu le rencontrer deux fois à l'atelier Mine de Rien (groupe médiatisé ouvert), où nous avons progressivement pu nous « ré apprivoiser » mutuellement, sans que jamais je ne ré aborde la question. L'après midi suivant la deuxième séance de ce groupe, il m'a abordée dans le couloir en me demandant : « on en parle de la CI ? ». J'ai donc aussitôt organisé cet entretien. Au cours de l'entretien, il répond de manière fluide, tout en contrôlant ce que je note ou pas. Il y a des choses que je ne dois pas noter, d'autres pour lesquelles au contraire il faut que je note. Vers la 14ème question, il est fatigué et manque de s'arrêter. Il reste bien concentré sur le thème, ne fait pas de digressions. Il prend soin de moi, remarque qu'il me faut écrire vite. Il est aussi sensible à l'humour, qui lui permet d'arriver au bout malgré la fatigue. Son discours n'est pas trop hermétique, alors qu'il peut l'être parfois au point de devenir incompréhensible. On le sent en confiance avec l'unité et le docteur Ribault : « C'est elle qui sait ». Il est par contre en contentieux avec M. Perret qu'il soupçonne d'essayer de le piéger et de lire dans sa tête à son insu. Mais il relativise, disant que c'est peut-être nécessaire. 1- Vous souvenez-vous de votre dernier séjour en CSI. C'était quand ? Ca a duré combien de temps ? C'était au début de l'année. Ne sait pas combien de temps ça a duré. 2- Vous souvenez-vous pourquoi vous y étiez allé ? Dans quelles conditions ? Pour de bonnes raisons. Un comportement comme beaucoup d'entre nous. Rarement pour la maladie. Quelqu'un qui est malade ne peut pas se permettre d'être pénible. Il est plutôt intérieur. 3- Comment s'était déroulé le séjour ? Racontez-moi On essaie d'y vivre. La première journée se passe, le matin on se réveille, on est content de voir du monde. La moindre visite fait un chaud au coeur. Le matin tout se passe très bien, on prend sa douche. Le repas, on vient prendre de vos nouvelles, ça amène quelque chose de bon. 4- Comment étiez-vous au début ? La première fois on regarde autour de nous et on fait un état des choses, ce qui est à notre portée. On est tout seul dans une pièce. C'est blanc, avec des néons, une fenêtre, des robinets. On fait un état des lieux. 5- Comment étiez vous à la fin ? Il y a les visites du docteur, c'est chaleureux. Elle fait un bilan des jours qui passent. Parole mais surtout concertation. On espère beaucoup du docteur, peut-être pas d'en sortir, mais...[demande que je ne note pas la fin de cette phrase] On sort transformé. Les patients fument moins, sont moins stressés. On revoit les médicaments et ça donne un résultat, mieux en général, sauf une fois [fait allusion à un patient particulier]. 6- Est-ce que vous vous rappelez quels étaient vos sentiments en CSI ? Ennui mais imagination. On peut rester planté des heures à regarder le décor et à faire travailler l'imagination. On dort. Il n'y a pas beaucoup de bruit. La clim fait du bruit mais ça fait une présence, on s'y fait. Le moteur c'est une notion de temps pour moi. Un peu comme une montre. [demande que je ne note pas] Ca berce. On voit la pendule, ça remonte le moral. Parfois quand on la regarde on est surpris par l'heure qu'il est. 7- A votre avis, pourquoi parle-t-on de chambre de soins intensifs ? Le Docteur Ribault me l'avait dit. On est à l'abri du bruit extérieur. C'est statique, c'est plein. C'est un environnement sain - ou simple. Pas de cigarette, température régulée, toilette, simplicité. On simplifie la vie. Notion d'isolement, isolement des cigarettes. On est cocooné [insiste sur ce mot] Il y a une bonne relation entre les patients et les infirmiers. 8- Pensez-vous qu'on s'occupe différemment des patients en CSI ? 9- Qu'est-ce qui fait du bien en CSI ? C'est reposant. Ca passe doucement. 10- Qu'est-ce qui est difficile en CSI ? Rien. Le temps, surtout au début. Après on obtient la nostalgie et on veut sortir de là. A un moment où c'est trop, on est calmé à fond et ça suffit. 11- A quoi sert la CSI à votre avis ? C'est quand il y a un comportement déplacé. Ca permet de s'interroger sur son comportement et d'y remédier. 12- Et pour vous, à quoi vous a-t-elle servi ? Avec la présence du docteur assez souvent. Impression qu'on prend bien soin de nous. 13- Est-ce que ça a changé quelque chose à votre prise en charge, à votre projet de soins ? Rien 14- Est-ce que ça a changé quelque chose à votre relation aux soignants ? Plus proche 15- Vous souvenez-vous avoir eu des temps de parole en CSI ? Pouvez-vous en parler ? Quand le docteur vient. 16- Vous rappelez-vous avoir eu un entretien de recueil du vécu avec M. Perret ? Qu'en avez-vous pensé (utile, suffisant ?) [S'en souvient. Entretien qui a été
mentionné par M. Perret quand je lui ai proposé de participer
à mes entretiens de recherche] C'est inutile. Tout sert à tout.
Je pense qu'on a assez cherché dans tous les sens, ça va 5
minutes. Les choses sont claires. On peut être un bon ou un mauvais
psychologue. C'est 18 Commentaire : C'est un manque de liberté comme un autre, plus restreint. Relevé par thèmes E- Ressenti Apaisement calmé à fond et ça suffit Solitude, chaleur des visites des soignants content de voir du monde / chaud au coeur / les visites du docteur, c'est chaleureux / on vient prendre de vos nouvelles / ça amène quelque chose de bon Désorientation spatio-temporelle surpris par l'heure qu'il est Ennui, temps long ennui / le temps surtout au début Impression de bénéfique mais imagination Rassurant, sensation de cocooning ça berce / ça passe doucement / impression qu'on prend bien soin de vous Reposant, calme reposant F- Utilité A améliorer la relation aux soignants : plus proche A calmer : les patients sont moins stressés A changer : on sort transformé A faire le point : ça permet de s'interroger sur son comportement et d'y remédier A moins fumer : les patients fument moins A arrêter quand ça dérape : quand il y a un comportement déplacé A trouver un bon dosage : on revoit les médicaments et ça donne un résultat, mieux en général A évaluer : elle fait un bilan des jours qui passent G- Soin intensif Absence de cigarettes : isolement des cigarettes Absence de stimulations : On est à l'abri du bruit extérieur Attention des soignants : présence du docteur assez souvent Cocooning : on est cocooné Environnement simplifié: C'est statique, c'est plein. C'est un environnement sain - ou simple température régulée, toilette, simplicité. On simplifie la vie Concertation : Parole mais surtout concertation H- Temps de parole I- Entretien de recueil du vécu Inutile : C'est inutile. Tout sert à tout. Intrusif : Je pense qu'on a assez cherché dans tous les sens, ça va 5 minutes Peut être utile : Des fois il en faut un peu. Entretien B Date de mise en CI : 12/04/07 Date de sortie de CI : 04/05/07 Durée totale : 24 jours Lieu : Saint-Exupéry Indications : - Dissociation, destructuration - Acte agressif, violence gestuelle ou verbale, attitudes ou
comportements Statut : HDT Diagnostic CIM 10 : schizophrénie Année de naissance : 1965 Sexe : M Circonstances de MCI : A l'approche de son anniversaire, le patient a vécu une recrudescence d'angoisse de persécution et a dû être mis en CSA (chambre de soins attentifs). Le passage en CSI avec appel de renforts a été décidé devant une aggravation de son état. Résumé de la période d'isolement : Au début, alternance de moments d'agitation intense (crie, tape sur la porte) et de calme. Grandes fluctuations de l'humeur. A dû être contenu aux quatre membres du 12/04 au 17/04. A pu avoir des temps de sortie provisoires à partir du 23/04. Entretien de recueil du vécu : Calme. Ne conteste pas la décision dont il reconnaît le bien-fondé puisqu'il a retrouvé son calme. Expérience dure, surtout la contention. C'est par la voix qu'il traduit son agitation (et sa destructuration psychique) : « je parle et je chante ». Dit que ce qui était difficile à supporter était de ne pas pouvoir fumer. Entretien qui dérive ensuite vers un entretien classique. Attitude durant l'entretien de recherche : Patient qui est dans la plainte. Tonalité dépressive et immature. Il a du mal à se concentrer sur le sujet à partir de la moitié du questionnaire, je dois le recentrer plusieurs fois. 1- Vous souvenez-vous de votre dernier séjour en CSI. C'était quand ? Ca a duré combien de temps ? Il n'y a pas longtemps. J'y passe encore la nuit et les siestes [en réalité, est sorti de la CI il y 3 semaines et l'a réintégrée il y a 3 jours pour ces courtes périodes car n'arrivait pas à respecter ses temps en chambre] 2- Vous souvenez-vous pourquoi vous y étiez allé ? Dans quelles conditions ? Parce que j'ai fumé du cannabis. 3- Comment s'était déroulé le séjour ? Racontez-moi Au début, j'étais attaché, les deux mains et les deux pieds. C'est la misère. Qu'ils arrêtent de faire ça aux gens ! Attaché c'est pire. Au moins qu'ils n'attachent que les pieds ou que les mains. C'est parce qu'ils ont peur qu'ils fassent quelque chose. Je comprends pas qu'on attache les pieds et les mains. On peut pas se gratter. Des fois on nage dans la pisse. J'ai vraiment souffert. Pourvu que ça ne se reproduise plus. J'y suis allé forcé, avec des renforts. Il y en a beaucoup, l'un il vous attrape les pieds, les autres les mains, un il vous étrangle. Pendant qu'ils vous attachent, ils vous déshabillent et ils vous mettent en pyjama, tout à la fois. Etre détaché ça fait du bien, on se sent libre malgré qu'on est encore en CI, on marche, on peut circuler, le sang circule. Les journées, c'est la misère, on pleure, on rigole, on pense à ce qu'on a fait avant, on rigole de quand on était enfant. Ca fait repenser au passé, il faut bien s`occuper sinon on devient fou. La CI ça arrange rien. Il vaut mieux que le médecin il vous parle [pour que ça s'arrange]. 4- Comment étiez-vous au début ? Au début, agité, je frappais, je tapais dans la porte. Après on comprend que ça sert à rien. On garde le silence et c'est eux qui viennent me voir. Alors je réponds pas. Quand c'est le médecin je dis que ça va, pour qu'elle me laisse sortir. Les infirmiers je les respecte comme mes amis. Ils sont super ici à Saint-Ex [cite des noms] 5- Comment étiez vous à la fin ? Quand on nous relâche on se sent libre mais après on remarque qu'on est en prison. Ca fait 2 ans que je suis là. 6- Est-ce que vous vous rappelez quels étaient vos sentiments en CSI ? Pas de sentiments. On a tous les sentiments. Un coup on rigole, un coup on pleure. 7- A votre avis, pourquoi parle-t-on de chambre de soins intensifs ? Ca soigne. Ca calme les gens. Ca les pose. Moi ça m'a calmé. Avant, le premier qui disait un mot, je luis mettais un coup de boule. Maintenant, c'est plus la discipline. Il y a les piqûres aussi. J'ai horreur de ça. Si on n'est pas calme, ils viennent avec une boîte, il y a du coton et la seringue. J'en ai eu beaucoup en 2 ans. 5 ou 6. 8- Pensez-vous qu'on s'occupe différemment des patients en CSI ? Oui, il y a des patients qu'on ne traite pas de la même façon : Une femme qui a fait Heil Hitler à ma mère, elle n'est restée que 2 jours. Moi, 2 mois. Les arabes sont moins bien traités. [n'a pas compris la question, je la lui répète] C'est pareil. Pas de soins particuliers. 9- Qu'est-ce qui fait du bien en CSI ? Rien. Avoir de l'eau potable à boire. Pas celle qui est là-dedans, elle est imbuvable. Le calme, c'est bien. Rien d'autre. 10- Qu'est-ce qui est difficile en CSI ? Quand on est attaché. [montre sa cheville où l'on voit une cicatrice à la place des contentions] L'attente. On ne sait pas quand on sort. 11- A quoi sert la CSI à votre avis ? A emmerder les gens, à les embêter encore plus, à les faire souffrir encore plus. A l'hôpital on est toujours en prison, c'est la liberté qu'on vous prend. Depuis 1999, j'arrête pas de faire de l'isolement. 12- Et pour vous, à quoi vous a-t-elle servi ? A être bien avec les gens qui m'entourent [les autres patients]. A être calme, tranquille. C'est utile [se ravise] mais pas trop, non. Pas plus d'un mois. 13- Est-ce que ça a changé quelque chose à votre prise en charge, à votre projet de soins ? 14- Est-ce que ça a changé quelque chose à votre relation aux soignants ? Ils sont gentils avec moi, ils me font plus confiance. Avant, je faisais n'importe quoi. Je vieillis. 15- Vous souvenez-vous avoir eu des temps de parole en CSI ? Pouvez-vous en parler ? Oui. Le docteur Vignat est venu me voir. Il m'a dit : « Pourquoi vous refusez qu'on vous soigne ? ». C'est un très bon médecin. Pas de temps de parole avec les infirmiers, les médecins. C'est la misère, j'ai jamais de sous, jamais rien, j'ai 42 ans, comment je vais être à 50 ans ? 16- Vous rappelez-vous avoir eu un entretien de recueil du vécu avec M. Perret ? Qu'en avez-vous pensé (utile, suffisant ?) Je ne me rappelle pas, j'ai des problèmes de mémoire. [C'était 10 jours auparavant] 18 Commentaire : Relevé par thèmes
Ne se souvient pas : Je ne me rappelle pas, j'ai des problèmes de mémoire. Entretien C Date de mise en CI : 11/05/07 Date de sortie de CI : 15/05/07 Durée totale : 4 jours Lieu : Saint-Exupéry Indications : - Agitation psychomotrice - Dissociation, destructuration - Acte agressif, violence gestuelle ou verbale, attitudes ou
comportements Statut : Diagnostic CIM 10 : schizophrénie Année de naissance : 1961 Sexe : F Circonstances de MCI : La patiente vient de traverser une période de crise qui a duré environ 3 semaines après qu'elle ait dû renoncer à un appartement qu'elle conservait depuis des années. La décision de MCI a été prise suite à une altercation avec un autre patient. La patiente l'a agressé verbalement, de manière raciste, et il a répliqué en lui donnant un coup de poing qui lui a percé le tympan. Les propos racistes sont fréquents chez elle et lui ont déjà valu plusieurs avertissements. Elle a même une fois été mise dehors, pendant deux jours. Résumé de la période d'isolement : Au début, elle est sur un mode revendicateur, dénonçant l'injustice dont elle pensait être victime. Elle s'apaise ensuite, chante, fait de la gymnastique... Elle a des temps de sortie accompagnée dans l'unité, pendant lesquels elle fume une cigarette. Entretien de recueil du vécu : A l'entretien de recueil du vécu, elle est dans le déni de toute responsabilité, parle de décision arbitraire du médecin. Elle dit ne pas avoir souffert étant donné qu'elle aime la solitude et qu'elle n'a pas la notion du temps (ce qui revient très souvent dans son discours). Attitude durant l'entretien de recherche : Au moment de l'entretien, la patiente est à nouveau calme dans le service après la période de crise. Elle fait beaucoup de digressions sur l'hypnose, mais c'est son mode de communication habituel. Il a fallu insister un peu pour la convaincre de participer car, disait-elle, elle l'avait déjà fait avec M. Perret qui l'avait hypnotisée, elle ne voyait pas l'intérêt. Elle a accepté quand j'ai parlé de mes études. Elle se montre très coopérante pendant l'entretien. Elle arrive à rester concentrée sur le sujet quand les questions sont précises. Quand la consigne est libre (y a-t-il des choses que vous voudriez rajouter ?), elle perd de vue le thème de l'entretien et a besoin qu'on le lui rappelle. 1- Vous souvenez-vous de votre dernier séjour en CSI. C'était quand ? Ca a duré combien de temps ? Récemment mais je ne sais pas quand parce que je suis sous hypnose. Ca a duré un jour et demi ou deux jours et demi. 2- Vous souvenez-vous pourquoi vous y étiez allé ? Dans quelles conditions ? Gratuitement à cause des autres qui m'ont agressée et c'est sur moi que ça retombe à cause des mots que j'emploie. Ils le prennent mal et du coup c'est moi qui trinque soi-disant parce que je suis raciste ou que j'ai des mots qui dérangent. Si c'était quelqu'un d'autre... Ca s'est passé tranquillement, sans renforts. 3- Comment s'était déroulé le séjour ? Racontez-moi Normalement. Quand j'ai sommeil, je dors. La journée, je fais ma gymnastique, je chante, je danse. Le déjeuner, la douche, les médicaments matin, midi et soir. La douche est juste à côté. Les infirmiers sont là, j'ai une aide, pour m'accompagner. 4- Comment étiez-vous au début ? Normalement. Je n'ai rien à me reprocher. 5- Comment étiez vous à la fin ? Pareil, sauf que j'ai eu des menaces de ceux à cause de qui j'y suis allée. 6- Est-ce que vous vous rappelez quels étaient vos sentiments en CSI ? Aucun sentiment. Je me sentais bien, au moins je ne fume pas, c'est bien. 7- A votre avis, pourquoi parle-t-on de chambre de soins intensifs ? Rien du tout comme soins intensifs. J'en sais rien, je suis pas médecin. Je vois pas pourquoi on dit soin intensif, peut-être parce qu'on reste plus longtemps, une fois je suis restée une semaine. [enchaîne sur des souvenirs d'hospitalisation] 8- Pensez-vous qu'on s'occupe différemment des patients en CSI ? Pour moi c'est pareil, j'en sais rien. 9- Qu'est-ce qui fait du bien en CSI ? D'arrêter de fumer. Le calme, ça ne me dérange pas parce que j'aime la solitude. Il n'y a jamais de silence parce que dans ma tête je chante des chansons, je réfléchis, je me rappelle des souvenirs. 10- Qu'est-ce qui est difficile en CSI ? Ne pas avoir de chasse d'eau. Quand on va aux toilettes, on tire sa chasse d'eau, c'est la moindre des choses. Comme d'habitude, sauf que je comprends pas le comportement du docteur R. qui veut m'obliger à penser comme elle. Je suis obligée de mentir, de lui donner raison parce qu'elle est contre mes idées. 11- A quoi sert la CSI à votre avis ? J'en sais rien. Pour les autres ça sert à éviter les disputes, les bagarres et même ceux qui se disputent pas, à les isoler pour leur pensée. [Je demande une explication] Si elles ont des pensées qui dépassent la normale, elles vont prendre des crises. Mais je ne comprends pas : pourquoi les mettre au maximum d'eux-mêmes, au lieu de discuter avec elles ? Il y a des gens qui crient, qui tapent aux portes. 12- Et pour vous, à quoi vous a-t-elle servi ? A rien qu'à arrêter de fumer. [Mais vous avez repris ensuite ?] C'est parce qu'en moi je ne suis pas seule, j'ai quelqu'un qui manipule mon esprit, sans arrêt je suis obligée de faire attention à ce que je pense et ressens. 13- Est-ce que ça a changé quelque chose à votre prise en charge, à votre projet de soins ? Je ne sais pas. Rien qu'on m'ait dit. 14- Est-ce que ça a changé quelque chose à votre relation aux soignants ? Si ça devait se répéter souvent, je dirais que c'est des mauvais soins, qu'ils ne considèrent pas la personne, qu'ils ne voient que l'apparence et ce qu'il y a sur le dossier. Sachant qu'un mot peut vouloir dure plusieurs choses. 15- Vous souvenez-vous avoir eu des temps de parole en CSI ? Pouvez-vous en parler ? Non. Ils sont venus prendre la tension, la température, pour la douche, et me dire vous sortez à telle heure pour tel temps... Plus des consignes, pas des paroles. 16- Vous rappelez-vous avoir eu un entretien de recueil du vécu avec M. Perret ? Qu'en avez-vous pensé (utile, suffisant ?) Non, c'était le même système que le vôtre [des questions]. Mais il me mettait sous hypnose et j'étais très en colère car il m'y a mis sans que je m'en rende compte. J'ai fait des petits yeux [méfiants] et il m'a donné aucune explication. On a parlé de la chambre d'isolement mais pas que de ça. Non, ça ne m'aide en rien d'en parler. 17- Commentaire : Je me rappelle d'un jeune ado et le lui parlais beaucoup de la nature et quand il était en chambre d'isolement je lui disais : dessine des fleurs, et il donnait des coups de pieds dans la porte. Je lui ai dis : excuse moi et après un jour il a compris. Il est parti. Je voulais l'aider en lui faisant des électrochocs positifs, en parlant de la nature, des belles choses. Je voudrais qu'avant qu'on mette les gens en CI sans faire attention aux cris... il y a des manipulateurs qui manipulent les médecins, on peut pas le voir parce qu'on pense trop aux malades... discuter avant avec l'infirmière et ne pas nous prendre pour des imbéciles. Plus de discussion, parce que parfois, en 5 secondes il y a une bagarre et ils vous mettent en CI et c'est nous qui trinquons. Je tiens à rajouter qu'ils sont capables de penser à votre place, ils l'utilisent partout [l'hypnose]. Relevé par thèmes A- Ressenti Calme normalement / aucun sentiment, je me sentais bien / le calme, ça ne me dérange pas Punition, injustice : c'est moi qui trinque B- Utilité A protéger : à éviter les disputes, les bagarres A rassembler : à les isoler pour leur pensée A arrêter quand ça dérape : si elles ont des pensées qui dépassent la normale, elles vont prendre des crises. C- Soin intensif Absence de stimulations : le calme, ça ne me dérange pas Pas du soin intensif : rien du tout comme soins intensifs / je vois pas pourquoi on dit soin intensif / pour moi c'est pareil, D- Temps de parole Pas de temps de parole : non Consignes, évaluations : plus des consignes, pas des paroles. E- Entretien de recueil du vécu Intrusif : il me mettait sous hypnose et j'étais très en colère car il m'y a mis sans que je m'en rende compte / il m'a donné aucune explication. Inutile Non, ça ne m'aide en rien d'en parler. Entretien D Date de mise en CI : 01/03/07 Date de sortie de CI : 10/03/07 Durée totale : 10 jours Lieu : Saint-Exupéry Indications : - Dissociation, destructuration - Confusion, désorientation Statut : HL Diagnostic CIM 10 : trouble schizo-affectif, type maniaque Année de naissance : 1952 Sexe : M Circonstances de MCI : Résumé de la période d'isolement : Temps de sortie à partir du 3ème jour. Entretien de recueil du vécu : Attitude durant l'entretien de recherche : L'humeur est plutôt triste mais sans excès, après une période d'agitation maniaque ayant nécessité un séjour en CSA d'une dizaine de jours. Le patient est posé, répond sans difficulté, ni problème de concentration. 1- Vous souvenez-vous de votre dernier séjour en CSI. C'était quand ? Ca a duré combien de temps ? Je ne sais plus. Ca duré un mois à peu près. 2- Vous souvenez-vous pourquoi vous y étiez allé ? Dans quelles conditions ? Je ne sais plus quelle raison ils m'avaient donnée. J'avais déconné, fait une connerie. J'étais d'accord, ça s'est passé dans le calme. 3- Comment s'était déroulé le séjour ? Racontez-moi Au début c'est dur et après on s'habitue. C'est le quotidien, bouteille d'eau, passage des infirmiers... Une fois, j'étais en contention. C'est pas marrant, de ne pas pouvoir pisser, pisser dans le bocal. [Combien de temps ?] Quelques semaines. On dort, y a que ça à faire. Dormir, boire, manger. On est contraint par la force. On est réveillé le matin, petit déjeuner, on va dans la douche, pendant ce temps ils refont le lit, on se remet dans le lit, le médecin vient nous voir. C'est très routinier. 4- Comment étiez-vous au début ? Je n'étais pas agité. Plutôt angoissé. Speed. 5- Comment étiez vous à la fin ? Plus clean, moins speed. 6- Est-ce que vous vous rappelez quels étaient vos sentiments en CSI ? Déplacé. Je me demandais ce que je faisais dans cette chambre. [Déplacé : pour pas à votre place ?] Oui. C'est un sentiment négatif. Comment dire... ? 7- A votre avis, pourquoi parle-t-on de chambre de soins intensifs ? Parce qu'on fait des soins intensifs. On suit son évolution de près. Le lavage, la mourriture, le lit, tout ce qui va avec : plus cadré. 8- Pensez-vous qu'on s'occupe différemment des patients en CSI ? Pareil 9- Qu'est-ce qui fait du bien en CSI ? Le repos. 10- Qu'est-ce qui est difficile en CSI ? D'être enfermé, pas pouvoir sortir, être prisonnier, quoi. Les contentions, c'est plus dur. Mais c'est exceptionnel. Le problème, c'est qu'on m'enlève mes lunettes et je ne vois pas l'heure qu'il est, si c'est le jour ou la nuit. Le temps est long. 11- A quoi sert la CSI à votre avis ? A calmer un état de crise. A récupérer les bouts qui s'en vont. Faire d'un état nerveux un état stable. 12- Et pour vous, à quoi vous a-t-elle servi ? Je me le demande... Je ne sais pas. C'est une solution. Pas terrible mais y a pas autre chose. 13- Est-ce que ça a changé quelque chose à votre prise en charge, à votre projet de soins ? Non 14- Est-ce que ça a changé quelque chose à votre relation aux soignants ? Un peu. Avec certains j'ai plus de relations qu'avec d'autres. 15- Vous souvenez-vous avoir eu des temps de parole en CSI ? Pouvez-vous en parler ? Oui. Le médecin qui vient, [cite des noms de médecins hommes]. Ils vous parlent mais ils restent pas longtemps. Je peux répondre, mais brièvement. C'est plus des questions/réponses. Avec les infirmiers, pendant le temps de la cigarette, oui, quand même. C'est toujours trop court. Ils sont pressés, je crois. 16- Vous rappelez-vous avoir eu un entretien de recueil du vécu avec M. Perret ? Qu'en avez-vous pensé (utile, suffisant ?) Non. Je ne savais pas que ça existait. Oui, ça peut être utile, sur le vif, à exprimer les sentiments, voir comment ça va. [Ca vous a manqué ?] Pas vraiment 17- Commentaire : C'est pas idéal mais il n'y a pas autre chose. On ne peut pas changer l'ordre établi. Relevé par thèmes A- Ressenti Angoisse, peur angoissé Apaisement après on s'habitue / plus clean, moins speed Désorientation spatio-temporelle si c'est le jour ou la nuit Ennui, temps long on dort, y a que ça à faire / le temps est long Mal être au début c'est dur / déplacé / c'est un sentiment négatif Sensation d'enfermement, d'être en prison : enfermé, prisonnier Tension interne speed Incompréhension je me demandais ce que je faisais dans cette chambre B- Utilité A améliorer la relation aux soignants : un peu. Avec certains j'ai plus de relations qu'avec d'autres A calmer : à calmer un état de crise A se rassembler : récupérer les bouts qui s'en vont. A stabiliser : faire d'un état nerveux un état stable A rien : je me le demande... Je ne sais pas / C'est une solution. Pas terrible mais y a pas autre chose C- Soin intensif Absence de stimulations : le repos Attention des soignants : on suit son évolution de près Plus cadré plus cadré Pas de soin intensif : pareil D- Temps de parole Consignes, évaluations : plus des questions/réponses Pas assez de temps : ils vous parlent mais ils restent pas longtemps / c'est toujours trop court. Ils sont pressés, je crois E- Entretien de recueil du vécu Ne s'en souvient pas : Non. Je ne savais pas que ça existait. Peut être utile : Oui, ça peut être utile, sur le vif, à exprimer les sentiments, voir comment ça va. Ça n'a pas manqué : [Ça vous a manqué ?] Pas vraiment Sujet E Date de mise en CI : 27/03/06 Date de sortie de CI : 04/04/06 Durée totale : 8 jours Lieu : Saint-Exupéry Indications : - Acte agressif, violence gestuelle ou
verbale, attitudes ou comportements Statut : HO Diagnostic CIM 10 : schizophrénie Année de naissance : 1977 Sexe : M Circonstances de MCI : A donné une claque à une patiente de l'unité et a eu une altercation avec un patient. Résumé de la période d'isolement : Est resté calme mais tendu, ne comprenant pas ce qui était prévu pour lui. Vécu persécutoire. Parle de cellule, d'injustice. A déjà été isolé auparavant, sur de plus longues périodes. Entretien de recueil du vécu : Le patient souhaitait déjà rencontrer M. Perret avant d'être isolé. Pendant cet entretien, il est détendu et investit l'échange. Il reconnaît les raisons de l'isolement mais ne s'y attarde pas. Il exprime un ressenti très physique : sensations corporelles de chaleur, de transpiration et peur d'étouffer. Il parle d'un manque aigu de cigarette qui a affecté sa relation avec l'équipe infirmière. Comme il ne veut pas s'étendre sur le sujet, l'entretien s'oriente ensuite vers un entretien classique. Attitude durant l'entretien de recherche : Patient qui revient dans l'unité 1 à 2 fois par semaines pour des consultations. Il a accueilli ma demande d'entretien avec beaucoup d'angoisse et a d'abord refusé de participer, tout en m'en reparlant à chacune de nos rencontres. Il me donne enfin son accord la veille de mon départ. Il est alors dans une période difficile. Il vient de commencer un stage d'évaluation, vient d'être victime d'une agression (par son beau-père ?), lutte contre une rechute qu'on sent proche. Vu en entretien un peu avant par le médecin, il est dans un questionnement sur son diagnostic et sur le traitement prescrit. Il se montre soupçonneux, dans un mouvement qui est nettement projectif : c'est lui qu'il remet en question au terme d'une semaine où il a été beaucoup en difficulté. Déstabilisé, il cherche des explications à son état : ainsi dira-t-il que c'est la chambre d'isolement qui l'a rendu « bipolaire ». Ses propos sont empreints d'angoisse et de persécution. Il est néanmoins relativement apaisé quand il répond à mes questions. 1- Vous souvenez-vous de votre dernier séjour en CSI. C'était quand ? Ca a duré combien de temps ? Il y a 3 ou 4 ans. Pendant 1 mois, 2 mois et demi. 2- Vous souvenez-vous pourquoi vous y étiez allé ? Dans quelles conditions ? 3- Comment s'était déroulé le séjour ? Racontez-moi Au bout d'un moment, on n'a plus de forces, on s'épuise. 4- Comment étiez-vous au début ? 5- Comment étiez vous à la fin ? 6- Est-ce que vous vous rappelez quels étaient vos sentiments en CSI ? Un sentiment de vide, de trou noir. Une sensation de ne pas pouvoir respirer. On a peur, on se sent vide. C'est oppressant, angoissant, on est enfermé [montre sa gorge]. On a l'impression que c'est une punition, il y a une odeur quand on y rentre, on ne sait pas pourquoi on y va. 7- A votre avis, pourquoi parle-t-on de chambre de soins intensifs ? Parce que certaines personnes sont attachées et même si ils hurlent les médecins ne viennent pas et des fois ça peut durer éternellement jusqu'à avoir un trou noir dans la tête. C'est très intensif parce que c'est pire que les menottes, on peut pas dormir. 8- Pensez-vous qu'on s'occupe différemment des patients en CSI ? 9- Qu'est-ce qui fait du bien en CSI ? Les pauses cigarettes et la douche le matin, les repas aussi parce qu'on n'a rien d'autre à faire que manger quand on est en chambre d'isolement. 10- Qu'est-ce qui est difficile en CSI ? Ce que je supportais pas, c'est quand je voyais plusieurs médecins, nombreux pour regarder, c'est plutôt effrayant, ça fait peur. 11- A quoi sert la CSI à votre avis ? A ouvrir la personnalité de la personne pour que le médecin découvre... 12- Et pour vous, à quoi vous a-t-elle servi ? A avoir des hauts et des bas. Avant, j'étais une personne qui changeait jamais, une personne simple, avec sa personnalité, maintenant je suis bipolaire. 13- Est-ce que ça a changé quelque chose à votre prise en charge, à votre projet de soins ? 14- Est-ce que ça a changé quelque chose à votre relation aux soignants ? Oui, surtout dans ma tête, j'étais comme un homme qui s'en allait au fin fond du désert sans savoir se guider. [Je demande des précisions] Pareil, pas plus ou moins confiance. L'important, c'est plutôt de retrouver les patients pour rigoler et parler dans le service. [quand on sort de la CI]. 15- Vous souvenez-vous avoir eu des temps de parole en CSI ? Pouvez-vous en parler ? On est impatient d'en avoir chaque fois qu'on entend la porte s'ouvrir. Ca dépend de l'heure, s'ils sont pressés ou pas. 16- Vous rappelez-vous avoir eu un entretien de recueil du vécu avec M. Perret ? Qu'en avez-vous pensé (utile, suffisant ?) C'est moi qui lui réclame toujours mais il est dans l'incapacité de me recevoir. Le seul entretien intéressant avec M. Perret, c'a été quand on a parlé pour avoir mon appartement. Mais on a jamais parlé de la chambre d'iso. Si M. Perret s'intéressait vraiment à ce qui nous arrive dans la tête en chambre d'isolement, je serais pas bipolaire.
En chambre d'isolement, on ne peut rien dire, il faut la boucler. J'y ai été très longtemps et après je me suis enfui, je ne voulais plus être à l'hôpital. La chambre d'isolement, c'est très dur. Ils croyaient que j'étais dangereux. Quand ils ont compris que je n'étais pas dangereux, ils m'ont laissé sortir pour fumer une cigarette. Relevé par thèmes A- Ressenti Angoisse, peur : angoissant / effrayant / peur Ennui, temps long rien d'autre à faire que manger Fatigue on n'a plus de forces, on s'épuise Incompréhension on ne sait pas pourquoi on y va Vide vide, trou noir Mal-être il y a une odeur quand on y rentre / c'est très dur Punition : punition Oppression : sensation de ne pas pouvoir respirer / oppressant / enfermé Sensation d'enfermement, d'être en prison on est enfermé [montre sa gorge] Solitude on est impatient d'en avoir chaque fois qu'on entend la porte s'ouvrir B- Utilité A évaluer : à ouvrir la personnalité de la personne pour que le médecin découvre... A rien : pareil, pas plus ou moins confiance. Néfaste : à avoir des hauts et des bas C- Soin intensif Contention : parce que certaines personnes sont attachées D- Temps de parole Pas assez de temps : ça dépend de l'heure, s'ils sont pressés ou pas E- Entretien de recueil du vécu Ne s'en souvient pas : C'est moi qui lui réclame toujours mais il est dans l'incapacité de me recevoir. Mais on a jamais parlé de la chambre d'iso. Entretien F Date de mise en CI : 27/04/07 Date de sortie de CI : 02/05/07 Durée totale : 6 jours Lieu : Alphée (UHCD) Indications : - Etat d'agitation psychomotrice avec discours incohérent et agressif Statut : HO Diagnostic CIM 10 : Trouble affectif bipolaire Année de naissance : 1964 Sexe : M Circonstances de MCI : A été amené menotté par la police dans un état de grande agitation maniaque. Résumé de la période d'isolement : A eu des sorties progressives à partir du 30/04 Entretien de recueil du vécu : N'en a pas bénéficié Il s'agit d'un patient qui a une grande capacité d'introspection et qui recherche énormément le lien et la discussion avec les soignants. Ayant été hospitalisé à plusieurs reprises, et isolé plusieurs fois également, il a donc eu beaucoup d'occasions d'élaborer autour de la CI avec des soignants. Attitude durant l'entretien de recherche : L'entretien dure 1/2h. Le patient est dans une phase maniaque qui commence à s'apaiser, laissant apparaître la dépression sous jacente. Il a l'air fatigué et triste. Il parle sans interruption. Les idées s'enchaînent vite mais il reste concentré sur le sujet. Pas de coq à l'âne, pas de jeux de mots. Il est sérieux et grave. A la fin, il prolonge l'entretien en me racontant comment il est arrivé à Saint-Exupéry. Il avait arrêté son traitement depuis plus de 15 jours. Ses parents étaient partis. Il avait eu des mots avec son fils pour une histoire de mauvaise note à l'école. Mieux valait que ce soit les flics qui l'aient amené à l'hôpital plutôt que les pompiers parce que ça aurait pu être beaucoup plus grave [me laisse penser à une possible TS] Dit que c'est la première fois qu'il a un entretien sur ce thème et que ça lui a fait du bien. A relativiser car est encore en phase maniaque et fait des compliments à tous les membres du personnel. 1- Vous souvenez-vous de votre dernier séjour en CSI. C'était quand ? Ca a duré combien de temps ? Le 26 avril, pendant 4 nuits et 5 jours. J'avais eu une injection avant, donc j'étais calme même si pas d'accord. 2- Vous souvenez-vous pourquoi vous y étiez allé ? Dans quelles conditions ? Parce que j'étais extrêmement agité en arrivant des urgences. Pour ma sécurité et celle des autres. Avec du recul je pense qu'ils ont eu raison et que c'était une bonne chose. 3- Comment s'était déroulé le séjour ? Racontez-moi Au début, effrayant. Aucun décor. Comme d'être jeté dans un trou tout blanc. Le premier instinct est de remettre tout de suite le pied dehors. En prison on sait qu'il y a du monde. Là, il n'y a pas de bruit avec la double porte calfeutrée, on ne voit rien de la fenêtre. On ne peut pas évacuer soi-même ses déchets et ça donne un sentiment de honte, d'être un animal. On perd le statut d'humain, comme un chien qu'on a enfermé en lui disant je reviens te chercher. Le temps est rythmé par les repas, chronologie de la journée. On est éclairé en permanence : la nuit n'a pas de sens. Il faudrait installer un haut parleur, une radio murale, de la musique classique, une voix humaine. On appelle, mais on n'est jamais entendu à cause de la double porte. On appelle : Madame l'infirmière ! Les repas servent de repère. On essaie de dialoguer, on demande des choses, comme les clopes, pour voir quelqu'un. C'est comme une relation prisonnier/bourreau (comme dans La Ligne Verte) C'est l'ultime punition pour un patient, en tout cas c'est comme ça qu'on en parle entre nous. C'est « game over », on n'est plus dans la partie. Ne pas pouvoir s'essuyer comme on voudrait après être allé aux toilettes, ça fait que les patients peuvent rester une journée sale, avant qu'on les amène à la douche. 4- Comment étiez-vous au début ? On essaie de plaire, de montrer qu'on a été maté. On se dit : « Je suis devenu une bête sauvage » puis la forme humaine en nous nous dit qu'il faut dialoguer. Il y a les injections. On comprend vite qu'il faut montrer la fesse et se laisser faire. 5- Comment étiez vous à la fin ? Ils ont compris que je recherchais les contacts humains et ils m'ont fait sortir au bout de 4 jours. 6- Est-ce que vous vous rappelez quels étaient vos sentiments en CSI ? De la rage de m'être fait avoir, de n'avoir pas pu me contrôler, contre le système, pas contre les soignants. Un sentiment d'injustice au début. L'impression qu'on restera toujours des gens faibles, qu'on n'avance pas et que ça se répète à l'hôpital : comme dehors, on n'est pas grand-chose. Impression d'être devenu une merde. 7- A votre avis, pourquoi parle-t-on de chambre de soins intensifs ? Tous les regards sont braqués sur vous. On essaie de vous trouver un bon dosage, on regarde comment vous réagissez entre les repas, par exemple. On évalue. 8- Pensez-vous qu'on s'occupe différemment des patients en CSI ? 9- Qu'est-ce qui fait du bien en CSI ? Le bruit des clés qui rassure : « c'est bon, ils viennent ». Pas comme en prison où c'est effrayant parce que ça peut vouloir dire qu'on va au tribunal par exemple. Là, c'est plus libérateur. Après 24h, une quiétude, parce qu'on n'est plus agressé par quoi que ce soit. Plus d'agression sonore, visuelle. Le vide redevient rassurant. On est seul avec soi-même, on rêve, pas de cauchemars, comme dans le roman de Jack London. 10- Qu'est-ce qui est difficile en CSI ? Les 1ères 24 h on tape aux portes et puis ça s'arrête. Les 2-3 premières heures c'est un cauchemar. L'impression d'être banni, puni, maudit. 11- A quoi sert la CSI à votre avis ? On y met ceux qui sont rebelles, pas les agneaux. C'est pour contenir ceux qui pourraient être dangereux pour eux ou les autres... [donne l'exemple d'un patient calme qui ne pourrait pas y aller, puis se ravise et rajoute :]... ou pour ramener au calme rapidement. Ca a une utilité. Sinon il n'y aurait plus de limite dans les délires, c'est un signal, pareil qu'en ville, il y a un commissariat. Ca sert de garde-fou, de panneau stop « de danger ponctuel ». 12- Et pour vous, à quoi vous a-t-elle servi ? Elle a permis un apaisement. Refondu sur moi-même. Permis de refaire le point. C'est pas plus mal, rien qui me pousse à la destruction. C'était propre, un univers pur, sans souillure. Blanc, qu'on n'a pas envie de salir. J'ai fait du yoga pour m'échapper mais on ne peut pas. C'est quand même une forme de cage. On est séparé des autres et de soi-même car on ne peut pas parler à l'autre. C'est vous-même dans une boule enfermée dans un grand cube. On n'en est plus maître. Le maître c'est le médecin. On s'arrange pour plaire pour en sortir. 13- Est-ce que ça a changé quelque chose à votre prise en charge, à votre projet de soins ? Oui parce que j'ai touché le fond. J'ai vu jusqu'où je pouvais aller dans la chute. Ca permet d'aller de l'avant, vers la sortie. J'avance vers ma sortie. 14- Est-ce que ça a changé quelque chose à votre relation aux soignants ? Un plus grand respect. Ils doivent être autant effrayés que nous, de recevoir des coups. Ce sont surtout des femmes, qui viennent avec un plateau. C'est lourd, ça peut faire mal. J'ai de l'estime. On les remercie de leur gentillesse, de leur compassion, de leur sympathie. C'est encourageant. Les hommes, c'est plus pour la cigarette. Ils relativisent : « T'inquiète pas, Bonhomme ». c'est plus rude mais avec une touche d'humour qui aide à se sentir humain. 15- Vous souvenez-vous avoir eu des temps de parole en CSI ? Pouvez-vous en parler ? Non. On amène le plateau et ils repartent. Ils n'ont pas le temps. 16- Vous rappelez-vous avoir eu un entretien de recueil du vécu avec M. Perret ? Qu'en avez-vous pensé (utile, suffisant ?) J'étais à Alphée. Je ne savais pas que ça existait. J'aurais aimé. Pour rejeter cette mauvaise période, l'extraire de mon vécu, car c'est violent. Ca donne l'impression qu'on nous pousse à l'intérieur de nous. [fait le geste avec ses mains, puis le geste d'écraser du pied]. Même en prison on ne traite pas les gens comme ça. On se radoucit parce qu'on voit qu'on nous amène à manger, qu'on s'occupe de nous. 18 Commentaire : Ma famille ne sait même pas ce que c'est. Ils prendraient peur, ils prendraient un avocat pour porter plainte. Ce qui pourrait être amélioré : - de la musique classique douce - avoir une veilleuse à l'intérieur - On est désorienté dans le temps et l'espace mais il vaut mieux ne pas avoir de pendule, c'est encore pire [on voit trop passer les minutes] - Si on pouvait avoir une collation à 16h comme les autres patients. C'est trop long entre les 2 repas. Et une bouteille d'eau. Le terme de « punir » n'est pas adapté mais c'est ce qui est ressenti. On est condamné. On est dans les limbes. Si on m'y remet, c'est que j'aurais fait une faute grave, comme ne pas prendre le traitement. Relevé par thèmes A- Ressenti Angoisse, peur au début, effrayant Apaisement après 24h une quiétude / apaisement / le vide devient rassurant Colère rage de m'être fait avoir Désorientation spatio-temporelle la nuit n'a pas de sens / on est désorienté dans le temps et l'espace Ennui, temps long c'est trop long entre les deux repas Honte, sentiment de dégradation devenu une merde / sentiment de honte, d'être un animal Impuissance gens faible /, game over, plus dans la partie / on n'en est plus maître Mal être cauchemar, c'est violent / impression qu'on nous pousse à l'intérieur de nous Vide trou blanc Injustice sentiment d'injustice Punition : banni, puni, maudit / l'ultime punition / punir, c'est ce qui est ressenti condamné / limbes Pureté, propreté: propre, un univers pur, sans souillure Solitude, abandon, chaleur des visites des soignants jamais entendu / essaie de dialoguer pour voir quelqu'un /le bruit des clés qui rassure B- Utilité A améliorer la relation aux soignants : un plus grand respect A arrêter quand ça dérape : un signal, pareil qu'en ville, il y a un commissariat ça sert de garde-fou, de panneau stop « de danger ponctuel A calmer : pour ramener au calme rapidement A donner une leçon : ceux qui sont rebelles A évaluer : on regarde comment vous réagissez / on évalue A faire le point : j'ai vu jusqu'où je pouvais aller dans la chute / permis de refaire le point / ça permet d'aller de l'avant, vers la sortie A protéger : pour contenir ceux qui pourraient être dangereux pour eux ou les autres A trouver un bon dosage : trouver un bon dosage A se rassembler : refondu sur moi-même C- Soin intensif Absence de stimulations : plus agressé par quoi que ce soit / plus d'agression sonore, visuelle Attention des soignants : tous les regards sont braqués sur vous Pas un soin : même en prison on ne traite pas les gens comme ça. D- Temps de parole Pas de temps de parole : non Pas assez de temps : On amène le plateau et ils repartent. Ils n'ont pas le temps E- Entretien de recueil du vécu Aurait pu être utile : J'aurais aimé. Pour rejeter cette mauvaise période, l'extraire de mon vécu CATÉGORISATION DES DONNÉESRESSENTI Sensations positives Nombre de sujets Total 03/11 Sans entretiens Total 00/05 Avec entretien Total 03/06 A/ Impression de bénéfique mais imagination A/ Reposant, calme reposant A/ Rassurant, sensation de cocooning ça berce / ça passe doucement / impression qu'on prend bien soin de vous C/ Calme normalement / aucun sentiment, je me sentais bien / le calme, ça ne me dérange pas F/ Pureté, propreté: propre, un univers pur, sans souillure Apaisement, résignation Nombre de sujets Total 9/11 Sans entretiens Total 04/05 Avec entretien Total 05/06 1/ Apaisement : mieux / à cause des injections qui m'ont calmé 2/ Apaisement : après, plus calme / au calme 4/ Apaisement on finit par s'habituer / ça s'apaise 4/ Fatigue ça fatigue, l'isolement / c'est la fatigue qui donne l'air apaisé / encore fatigué 5/ Apaisement calme, détendu A/ Apaisement calmé à fond et ça suffit B/ Résignation Après on comprend que ça sert à rien. On garde le silence D/ Apaisement après on s'habitue / plus clean, moins speed E/ Fatigue on n'a plus de forces, on s'épuise F/ Apaisement après 24h une quiétude / apaisement / le vide devient rassurant Ennui, perturbation du rapport au temps Nombre de sujets Total 08/11 Sans entretiens Total 03/05 Avec entretien Total 05/06 2/ Ennui, temps long le temps ne passe pas vite 4/ Ennui, temps long rien à faire / toujours en instance d'attente 5/ Ennui, temps long on s'emmerde A/ Désorientation spatio-temporelle surpris par l'heure qu'il est A/ Ennui, temps long ennui / le temps surtout au début B/ Ennui, temps long il faut bien s'occuper / l'attente D/ Désorientation spatio-temporelle si c'est le jour ou la nuit D/ Ennui, temps long on dort, y a que ça à faire / le temps est long E/ Ennui, temps long rien d'autre à faire que manger F/ Ennui, temps long c'est trop long entre les deux repas F/ Désorientation spatio-temporelle la nuit n'a pas de sens / on est désorienté dans le temps et l'espace Tension interne Nombre de sujets Total 08/11 Sans entretiens Total 05/05 Avec entretien Total 03/06 1/ Incompréhension : je n'ai pas eu d'explication 2/ Tension interne : un peu agitée / du stress, pas tranquille 3/ Agitation psychomotrice : ça travaille dans la tête / on gamberge 4/ Incompréhension pourquoi moi ? 5/ Agitation agité B/ Agitation : agité B/ Instabilité de l'humeur on pleure, on rigole, tous les sentiments D/ Tension interne speed D/ Incompréhension je me demandais ce que je faisais dans cette chambre E/ Incompréhension on ne sait pas pourquoi on y va Colère Nombre de sujets Total 04/11 Sans entretiens Total 03/05 Avec entretien Total 01/06 1/ Colère : colère contre les médecins 3/ Colère : en colère 4/ Colère rage d'être enfermé / en colère / haine contre la société F/ Colère rage de m'être fait avoir Solitude Nombre de sujets Total 07/11 Sans entretiens Total 04/05 Avec entretien Total 03/06 1/ Solitude, abandon, isolement isolement / seul, enfermé 2/ Solitude, abandon je ne voyais personne 4/ Solitude, abandon abandonné / le silence ,le désert 5/ Solitude, chaleur des visites des soignants les infirmières très gentilles, A/ Solitude, chaleur des visites des soignants content de voir du monde / chaud au coeur / les visites du docteur, c'est chaleureux / on vient prendre de vos nouvelles / ça amène quelque chose de bon E/ Solitude on est impatient d'en avoir chaque fois qu'on entend la porte s'ouvrir F/ Solitude, abandon jamais entendu / essaie de dialoguer pour voir quelqu'un / le bruit des clés qui rassure Tristesse Nombre de sujets Total 03/11 Sans entretiens Total 03/05 Avec entretien Total 00/06 1/ Tristesse : déprimé / plus déprimé qu'au début 2/ Tristesse, déprime : tristesse d'être enfermée 4/ Tristesse, déprime beaucoup affecté moralement / plus dans la déprime 4/ Regrets regret des propos qu'on a eu Angoisse, peur Nombre de sujets Total 06/11 Sans entretiens Total 03/05 Avec entretien Total 03/06 1/ Angoisse, peur : très angoissé / encore un peu angoissé / peur d'y rester longtemps 2/ Angoisse, peur : au début, angoissée 5/ Angoisse, peur angoissé D/ Angoisse, peur angoissé E/ Angoisse, peur : angoissant / effrayant / peur F/ Angoisse, peur au début, effrayant Sensations d'enfermement Nombre de sujets Total 06/11 Sans entretiens Total 03/05 Avec entretien Total 03/06 2/ Oppression : trop renfermé / une pièce petite comme ça 3/ Sensation d'enfermement, d'être en prison : etre enfermé est insupportable / être enfermé 5/ Sensation d'enfermement, d'être en prison : l'enfermement B/ Sensation d'enfermement, d'être en prison : Quand on nous relâche on se sent libre D/ Sensation d'enfermement, d'être en prison : enfermé, prisonnier E/ Sensation d'enfermement, d'être en prison on est enfermé [montre sa gorge] E/ Oppression : sensation de ne pas pouvoir respirer / oppressant / enfermé Mal-être Nombre de sujets Total 08/11 Sans entretiens Total 04/05 Avec entretien Total 04/06 1/ Mal être : désastreux 2/ Mal être c'est dur 4/ Mal être c'est dur, très dur / mal dans votre peau / très mal / l'enfer 5/ Mal être une semaine de plus, j'aurais pété les plombs / on mange pas beaucoup 5/ Ensuqué des drogues, complètement ensuqué / bourré de médicaments B/ Mal être c'est la misère / sinon on devient fou D/ Mal être au début c'est dur / déplacé / c'est un sentiment négatif E/ Mal-être il y a une odeur quand on y rentre E/ Vide vide, trou noir F/ Impuissance gens faible /, game over, plus dans la partie / on n'en est plus maître F/ Vide trou blanc F/ Honte, sentiment de dégradation devenu une merde / sentiment de honte, d'être un animal F/ Mal être cauchemar, c'est violent / impression qu'on nous pousse à l'intérieur de nous Punition Nombre de sujets Total 04/11 Sans entretiens Total 01/05 Avec entretien Total 03/06 3/ Punition : pas un soin, une punition C/ Punition, injustice : c'est moi qui trinque E/ Punition : punition F/ Injustice sentiment d'injustice F/ Punition : banni, puni, maudit / l'ultime punition / punir, c'est ce qui est ressenti condamné / limbes NOTION DE SOIN INTENSIF Pas un soin intensif Sujets Total 09/11 Sans entretiens Total 05/05 Avec entretien Total 04/06 1/ Néfaste : dégueulasse et scandaleux / une honte 2/ Pas de soin intensif : Non, il n'y a pas de soins supplémentaires. Pareil que dehors 3/ Pas un soin : pas un soin 3/ Pas de soin intensif : pas un soin / pas de soins particuliers 4/ Pas du soin intensif : pas du soin intensif 5/ Pas de soin intensif : pareil que d'habitude à part qu'on est enfermé B/ Pas du soin intensif : C'est pareil. Pas de soins particuliers C/ Pas du soin intensif : rien du tout comme soins intensifs / je vois pas pourquoi on dit soin intensif / pour moi c'est pareil, D/ Pas de soin intensif : pareil F/ Pas un soin : même en prison on ne traite pas les gens comme ça. Plus d'attention de la part des soignants Sujets Total 04/11 Sans entretiens Total 01/05 Avec entretien Total 03/06 5/ Attention des soignants : on s'en occupe beaucoup A/ Concertation : parole mais surtout concertation A/ Attention des soignants : présence du docteur assez souvent D/ Attention des soignants : on suit son évolution de près F/ Attention des soignants : tous les regards sont braqués sur vous Absence de stimulations Sujets Total 05/11 Sans entretiens Total 00/05 Avec entretien Total 05/06 A/ Absence de cigarettes : isolement des cigarettes A/ Absence de stimulations : On est à l'abri du bruit extérieur A/ Environnement simplifié: C'est statique, c'est plein. C'est un environnement sain - ou simple température régulée, toilette, simplicité. On simplifie la vie B/ Absence de stimulations : le calme, c'est bien C/ Absence de stimulations : le calme, ça ne me dérange pas D/ Absence de stimulations : le repos F/ Absence de stimulations : plus agressé par quoi que ce soit / plus d'agression sonore, visuelle Cocooning Sujets Total 02/11 Sans entretiens Total 00/05 Avec entretien Total 02/06 A/ Cocooning : on est cocooné D/ Plus cadré plus cadré Possibilité d'être contenu physiquement Sujets Total 01/11 Sans entretiens Total 00/05 Avec entretien Total 01/06 E/ Contention : parce que certaines personnes sont attachées Plus de médicaments Sujets Total 01/11 Sans entretiens Total 01/05 Avec entretien Total 00/06 1/ Beaucoup de médicaments : parce qu'on a beaucoup de médicaments UTILITÉ A rien Sujets Total 06/11 Sans entretiens Total 03/05 Avec entretien Total 03/06 1/ Ne sert à rien : à rien 2/ Ne sert à rien : à rien 4/ A rien : silencieux, face à soi-même, on guérit pas / l'isolement, ça ne guérit pas B/ A rien : la CI ça arrange rien B/ Néfaste : à emmerder les gens, à les embêter encore plus, à les faire souffrir encore plus D/ A rien : je me le demande... Je ne sais pas / C'est une solution pas terrible mais y a pas autre chose E/ A rien : pareil, pas plus ou moins confiance. E/ Néfaste : à avoir des hauts et des bas A recadrer Nombre de sujets Total 04/11 Sans entretiens Total 02/05 Avec entretien Total 02/06 3/ A donner une leçon : à donner une leçon 3/ A normaliser : à dire : il faut être comme ça / remettre dans le droit chemin 4/ Pour les malades difficiles : pour les malades difficiles / comme les UMD B/ Pour les malades difficiles : maintenant, c'est plus la discipline F/ A donner une leçon : ceux qui sont rebelles A calmer Nombre de sujets Total 07/11 Sans entretiens Total 03/05 Avec entretien Total 04/06 2/ A calmer : à se calmer 4/ A calmer : vous êtes apaisé 5/ A calmer : à calmer les personnes énervées A/ A calmer : les patients sont moins stressés / les patients fument moins B/ A calmer : à être calme, tranquille / Ca calme les gens. Ca les pose / moi, ça m'a calmé D/ A calmer : à calmer un état de crise F/ A calmer : pour ramener au calme rapidement A protéger (de soi-même et des autres) Nombre de sujets Total 03/11 Sans entretiens Total 01/05 Avec entretien Total 02/06 4/ A protéger : à isoler des autres patients quand un patient est menaçant / à se protéger soi-même et les autres C/ A protéger : à éviter les disputes, les bagarres F/ A protéger : pour contenir ceux qui pourraient être dangereux pour eux ou les autres A faire le point Nombre de sujets Total 04/11 Sans entretiens Total 01/05 Avec entretien Total 03/06 4/ A faire le point : à faire le point A/ A faire le point : ça permet de s'interroger sur son comportement et d'y remédier B/ A faire le point : ça fait repenser au passé F/ A faire le point : j'ai vu jusqu'où je pouvais aller dans la chute / permis de refaire le point / ça permet d'aller de l'avant, vers la sortie A arrêter quand ça dérape Nombre de sujets Total 04/11 Sans entretiens Total 01/05 Avec entretien Total 03/06 3/ A arrêter quand ça dérape : ça les arrête (ceux qui fument de la drogue) A/ A arrêter quand ça dérape : quand il y a un comportement déplacé C/ A arrêter quand ça dérape : si elles ont des pensées qui dépassent la normale, elles vont prendre des crises. F/ A arrêter quand ça dérape : un signal, pareil qu'en ville, il y a un commissariat ça sert de garde-fou, de panneau stop « de danger ponctuel A se rassembler Nombre de sujets Total 03/11 Sans entretiens Total 00/05 Avec entretien Total 03/06 C/ A rassembler : à les isoler pour leur pensée D/ A se rassembler : récupérer les bouts qui s'en vont. F/ A se rassembler : refondu sur moi-même A soigner Nombre de sujets Total 05/11 Sans entretiens Total 02/05 Avec entretien Total 03/06 2/ A progresser : à progresser / à prendre mieux soin de moi 2/ Utile : un petit peu utile 4/ A changer : ça change votre état A/ A changer : on sort transformé B/ A soigner : ça soigne D/ A stabiliser : faire d'un état nerveux un état stable Ca améliore la relation aux soignants Nombre de sujets Total 06/11 Sans entretiens Total 02/05 Avec entretien Total 04/06 4/ A améliorer la relation aux soignants : oui, beaucoup même / ça crée une sympathie 5/ A améliorer la relation aux soignants : les gens sont plus gentils / oui A/ A améliorer la relation aux soignants : plus proche B/ A améliorer la relation aux soignants : ils sont gentils avec moi, ils me font plus confiance D/ A améliorer la relation aux soignants : un peu. Avec certains j'ai plus de relations qu'avec d'autres F/ A améliorer la relation aux soignants : un plus grand respect A trouver un bon dosage Nombre de sujets Total 02/11 Sans entretiens Total 00/05 Avec entretien Total 02/06 A/ A trouver un bon dosage : on revoit les médicaments et ça donne un résultat, mieux en général F/ A trouver un bon dosage : trouver un bon dosage A faire une évaluation Nombre de sujets Total 04/11 Sans entretiens Total 01/05 Avec entretien Total 03/06 4/ A évaluer : les médecins font des évaluations A/ A évaluer : Elle fait un bilan des jours qui passent. E/ A évaluer : à ouvrir la personnalité de la personne pour que le médecin découvre... F/ A évaluer : on regarde comment vous réagissez / on évalue TEMPS DE PAROLE EN CI Pas de temps de parole Sujets Total 08/11 Sans entretiens Total 05/05 Avec entretien Total 03/06 1/ Pas de temps de parole : pas eu d'explication du médecin / non 2/ Pas de temps de parole : pas tellement de temps de parole 3/ Pas de temps de parole : non 4/ Pas de temps de parole : non / enfermé entre 4 murs, il n'y a pas de discussion 5/ Pas de temps de parole : Rien. 5/ Refus Le médecin a voulu que je raconte ma vie, mais tintin ! B/ Pas de temps de parole : pas de temps de parole avec les infirmiers, les médecins C/ Pas de temps de parole : non F/ Pas de temps de parole : non Soignants pressés Sujets Total 04/11 Sans entretiens Total 01/05 Avec entretien Total 03/06 2/ Pas assez de temps : Un peu avec les infirmiers. Un peu avec le médecin D/ Pas assez de temps : ils vous parlent mais ils restent pas longtemps / c'est toujours trop court. Ils sont pressés, je crois E/ Pas assez de temps : ça dépend de l'heure, s'ils sont pressés ou pas F/ Pas assez de temps : On amène le plateau et ils repartent. Ils n'ont pas le temps Des consignes plutôt que des temps de parole Sujets Total 05/11 Sans entretiens Total 03/05 Avec entretien Total 02/06 2/ Consignes, évaluations : pour savoir comment ça va, mais pas trop sur les sentiments 4/ Consignes, évaluations : c'est des évaluations, pas des temps de parole 5/ Des consignes Si : j'ai demandé de baisser le traitement. C/ Consignes, évaluations : plus des consignes, pas des paroles. D/ Consignes, évaluations : plus des questions/réponses Ca manque Sujets Total 01/11 Sans entretiens Total 01/05 Avec entretien Total 00/06 4/ Ca manque : ça manque ça / il manque des psychologues, des psychiatres, des psychanalystes / il faudrait plus d'écoute du patient ENTRETIENS DE RECUEIL DU VÉCU Patients n'ayant pas bénéficié d'un entretien de recueil du vécu Aurait pu être utile Sujets Total 05/06 1/ Aurait pu être utile : Ça aurait pu être utile pour avoir des explications 2/ Aurait pu être utile : Peut-être que ça ferait du bien 4/ Aurait pu être utile : Ca serait bien, oui / Ca m'a manqué 5/ Aurait pu être utile : J'accepte tout, je m'en fous / [Ca vous a manqué ?]Bien sûr, personne ne parle avec moi. F/ Aurait pu être utile : J'aurais aimé. Pour rejeter cette mauvaise période, l'extraire de mon vécu Inutile Sujets Total 01/06 2/ Ne sert à rien : Ça ne sert à rien d'en parler Patients ayant bénéficié d'un entretien de recueil du vécu Ne s'en souvient pas Sujets Total 03/05 B/ Ne se souvient pas : Je ne me rappelle pas, j'ai des problèmes de mémoire. D/ Ne s'en souvient pas : Non. Je ne savais pas que ça existait. E/ Ne s'en souvient pas : C'est moi qui lui réclame toujours mais il est dans l'incapacité de me recevoir. Mais on a jamais parlé de la chambre d'iso. Inutile Sujets Total 03/05 A/ Inutile : C'est inutile. Tout sert à tout C/ Inutile Non, ça ne m'aide en rien d'en parler. D/ Ça n'a pas manqué : [Ça vous a manqué ?] Pas vraiment Intrusif Sujets Total 02/05 A/ Intrusif : Je pense qu'on a assez cherché dans tous les sens, ça va 5 minutes C/ Intrusif : il me mettait sous hypnose et j'étais très en colère car il m'y a mis sans que je m'en rende compte / il m'a donné aucune explication. Peut être utile Sujets Total 02/05 A/ Peut être utile : Des fois il en faut un peu. D/ Peut être utile : Oui, ça peut être utile, sur le vif, à exprimer les sentiments, voir comment ça va. * 1 Association des hôpitaux du Québec / mars 2004 / Cadre de référence. Utilisation exceptionnelle des mesures de contrôle : contention et isolement : document disponible sur le site http://perso.orange.fr/cec-formation.net/contentionquebec.pdf * 2 Cf. Partie B. Paragraphe 3.6 Le motif. * 3 Roumieux, A. (1996) Artaud et l'asile 1. Paris. Ed Séguier, p 80 * 4 Laplane, D. (2005) Penser, c'est-à-dire ? Enquête neurophilosophique. Paris. Ed. Armand Colin. p 123 * 5 http://www.serpsy.org/piste_recherche/isolement/sequestration.html * 6 Foucault, M. (1974) Histoire de la folie (Folie et déraison à l'âge classique). Paris. Ed. Plon * 7 In
Pépier, I. (1992) A propos de l'utilisation des
chambres d'isolement dans l'institution psychiatrique. * 8 Foucault, M. (1974) Histoire de la folie (Folie et déraison à l'âge classique). Paris : Ed. Plon. p 59 * 9 Id p 9 * 10 In Pépier, I. (1992) A propos de l'utilisation des chambres d'isolement dans l'institution psychiatrique. Thèse de médecine. Faculté de Dijon. p 11 * 11 http://ledroitcriminel.free.fr/la_legislation_criminelle/anciens_textes/code_penal_1810/code_penal_1810_ 3.htm * 12 Londres A. (1993) Chez les fous. Les empêcheurs de penser en rond. p50 * 13 Londres, A. (1993) Chez les fous. Les empêcheurs de penser en rond. Chapitre X * 14 Roumieux, A. (1996) Artaud et l'asile 1. Paris .Ed Séguier. p 63 * 15 In Pépier, I. (1992) A propos de l'utilisation des chambres d'isolement dans l'institution psychiatrique. Thèse de médecine. Faculté de Dijon. p 12 * 16 Roumieux, A. (1996) Artaud et l'asile 1. Paris. Ed Séguier. p 63 * 17 Loi n° 90-527 du 27 juin 1990 relative aux droits et à la protection des personnes hospitalisées en raison de troubles mentaux et à leurs conditions d'hospitalisation. Article L 3211-1 * 18 Aujourd'hui HAS (Haute Autorité de la Santé) * 19 http://www.sante.gouv.fr/htm/dossiers/sante_mentale/plan_2005-2008.pdf. p 34 * 20 Code de la Santé Publique. Article L 3211-2 * 21 Dorsner-Dolivet, A. : Le statut juridique de la décision d'isolement, op. cit. / in Friard, D. (2002) L'isolement en psychiatrie. Paris. Ed Masson. p 49 * 22 Circulaire n°48 DGS/SP3 du 19 juillet 1993 (circulaire Veil) portant sur le rappel des principes relatifs à l'accueil et aux modalités de séjours des malades hospitalisés pour troubles mentaux * 23 Clément, P. (2001) La forteresse psychiatrique. Paris. Ed Flammarion-Aubier. * 24 Déclaration Universelle des Droits de l'Homme. Article 3 * 25 http://www.serpsy.org/psy_levons_voile/droit/charte_usager.html * 26 ANAES. 24 et 25 novembre 2004. Conférence de consensus - Liberté d'aller et venir dans les établissements sanitaires et médico-sociaux et obligation de soins et de sécurité. Paris (ministère des solidarités, de la santé et de la famille) * 27 WAPR 2000 8-9 mai 2000. 7ème Congrès de l'association mondiale de réhabilitation psychosociale (Manifeste pour l'établissement d'un dialogue soignant-usager-famille) in : http://www.serpsy.org/humeurs/charte_france.html * 28 ANAES. 24 et 25 novembre 2004. Conférence de consensus - Liberté d'aller et venir dans les établissements sanitaires et médico-sociaux et obligation de soins et de sécurité. Paris (ministère des solidarités, de la santé et de la famille) * 29 Recommandation 1235 du 12 avril 1994, relative à la psychiatrie et aux droits de l'homme de l'Assemblée parlementaire du Conseil de l'Europe * 30 ANAES. 1998. Evaluation des pratiques professionnelles dans les établissements de santé - L'audit clinique appliqué à l'utilisation des chambres d'isolement en psychiatrie/ Collection Evaluation en Etablissements de Santé. Paris * 31 http://www.serpsy.org/piste_recherche/isolement/congre_isolement/abrham.html * 32 http://www.serpsy.org/piste_recherche/isolement/sequestration.html * 34 Wadeson, H./ Carpenter, W.T. (1976) Impact of the seclusion room experience. Journal of nervous and mental disease. vol. 163, n°5. p 318-328 * 35 Mason, T. (1992) Seclusion: definitional interpretations. Journal of Forensic Psychiatry. 3(2). p 261-270 * 36 Clément P. (2001) La forteresse psychiatrique. Paris. Ed Flammarion-Aubier. p 258-262 * 38 Propositions de réforme de la loi du 27 juin 1990 relative aux droits et à la protection des personnes hospitalisées en raison de troubles mentaux et à leurs conditions d'hospitalisation. Rapport présenté par Docteur Alain Lopez et Isabelle Yéni, membres de l'Inspection générale des affaires sociales et Martine Valdès-Boulouque et Fabrice Castoldi, membres de l'Inspection générale des affaires judiciaires. Mai 2005 / http://afcap.free.fr * 39 Propositions de réforme de la loi du 27 juin 1990 relative aux droits et à la protection des personnes hospitalisées en raison de troubles mentaux et à leurs conditions d'hospitalisation. Rapport présenté par Docteur Alain Lopez et Isabelle Yéni, membres de l'Inspection générale des affaires sociales et Martine Valdès-Boulouque et Fabrice Castoldi, membres de l'Inspection générale des affaires judiciaires. Mai 2005 / http://afcap.free.fr * 40 Morello, R. / Riou, M. / Thouin, A. (1996) Les chambres d'isolement en milieu psychiatrique. Revue épidémiologique de Santé Publique. n°44. p 214-22 * 41 in Pépier, I. (1992) A propos de l'utilisation des chambres d'isolement dans l'institution psychiatrique. Thèse de médecine. 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(1996) Le voyage dans l'anti-psychiatrie anglaise.
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Une étude de vingt fiches. Approche quantitative et qualitative / Document de travail / Unité Saint-Exupéry - Secteur G16 - Dr J.P. Vignat (document joint en annexe) * 124 Cf. Partie B. Paragraphe 1.2.1 Ressentis. * 125 Cf. Partie B. Paragraphe 6.5. En conclusion. * 126 Cf. Partie B. Paragraphe 6.2. L'étude de Dominique Friard. * 127 Cf. Partie B. Paragraphe 6.3 L'étude de Meehan et al. * 128 Cf. Partie B. Paragraphe 5.2.2. L'étude d'Akimi et al. * 129 Perret P. / 2004 / Recueil de vécu. Une étude de vingt fiches. Approche quantitative et qualitative / Document de travail / Unité Saint-Exupéry - Secteur G16 - Dr J.P. Vignat * 130 Cf. Partie B. Paragraphe 6.2. L'étude de Dominique Friard. * 131 Prieto, N./ Vignat, J.P. (Avril 1998). La violence comme contre-attitude. Soins. N° 624. p 23
| "I don't believe we shall ever have a good money again before we take the thing out of the hand of governments. We can't take it violently, out of the hands of governments, all we can do is by some sly roundabout way introduce something that they can't stop ..." |