III/ Caractérisation
L'utilisation du filtrage numérique permet d'obtenir
des PEAEP d'une qualité suffisante et stable intra- et inter- session
pour un patient donné ; cela permet d'étudier les
paramètres qui influent sur les caractéristiques des PEAEP afin
de les utiliser si cela est possible en routine clinique pour des tests
pré- per- et post implantation.
al Adaptation et PEAEP
Il est important avant toute chose de quantifier l'effet de la
durée et de la fréquence de stimulation sur les
caractéristiques des PEAEP. Ces deux paramètres
représentant deux formes d'adaptation du système auditif suite
à une stimulation électrique pourraient détériorer
la qualité des tracés de PEAEP. La caractérisation de ces
deux phénomènes permettrait d'élaborer des protocoles
d'enregistrement qui minimiserait ces effets.
Durée de stimulation et PEAEP :
Lors d'une stimulation acoustique continue, l'activité
neurale du système auditif décroît puis se stabilise
à un certain niveau (Kiang et al, 1965). D'après la
littérature, cet effet serait essentiellement produit au niveau de la
cochlée lors de la transduction de l'énergie acoustique en influx
nerveux électrique (Edgermont, 1985). Lors d'une stimulation
électrique de la cochlée, les avis sur les modifications des
réponses en fonction du temps de stimulation sont partagés.
Malgré l'absence de la transduction, certains auteurs montrent de
grosses modifications de l'activité (Brimacombe et al, 1984 ; Dynes et
al, 1992) en fonction de la durée de stimulation ; d'autres auteurs par
contre ne trouve pas de variations des réponses (Killian et al, 1994).
Ces divergences pourraient provenir de l'état fonctionnel du
système auditif des populations étudiées par ces
différents articles. Les populations animales qui sont rendues sourdes
depuis longtemps et que l'on vient de réactiver par stimulation
électrique de la cochlée présenteraient lors des premiers
jours de stimulations des phénomènes d'adaptation importante ;
à contrario des populations animales que l'on rendrait sourdes
subitement puis que l'on stimulerait électriquement ne
présenteraient pas de phénomènes d'adaptation de
l'activité en fonction du temps de stimulation.
Aucune étude chez l'homme n'a été
effectuée pour évaluer cet effet d'adaptation neurale par
stimulation électrique de la cochlée. Lorsque l'on veut
recueillir des PEAEP il est néanmoins nécessaire de pouvoir
estimer ce phénomène car une adaptation importante provoquerait
une disparition progressive des PEAEP en fonction du temps de stimulation.
Six sujets implantés cochléaires depuis plus de 1
an ont participé à cette étude. Pour chacun d'eux
l'électrode 4 (basale) et 14 (apicale) ont été
testées à 70% de la dynamique.
timulation 1
|
Stimulation 10
|
Somme
|
1-50
|
1-50
|
E
|
|
|
|
151-200
|
151-200
|
E
|
301-350
|
301-350
|
|
451-500
|
451-500
|
E
|
|
|
|
|
|
|
1151-1200 -----
|
1151-1200
|
E
|
Stop 3 min
|
Stop 3 min
|
|
Le protocole d'enregistrement schématisé figure
94 consiste à recueillir dix séries de 12 traces de 50
stimulations espacées de 100 stimulations. Après chaque
série, un temps de repos de 3 min est nécessaire pour revenir
à un état dit normal de l'excitabilité du système
auditif. Ainsi chacune des 12 traces représente respectivement les PEAEP
générés à 0-1, 3-4, 6-7, 9-10, 12-13, 15-16, 18-19,
21-22, 24-25, 27-28, 30-31, 33-34 secondes. Comme la fréquence de
stimulation est de 50 Hz, chaque traçe représente respectivement
les PEAEP générés par les 0-50, 150-200, 300-350, 450-500,
600-650, 750800, 900-950, 1050-1100, 1200-1250, 1350-1400, 1500-1550,
1550-1600ème stimulation. Afin d'améliorer le rapport signal sur
bruit de chaque tracé, une sommation des dix séries est
effectuée. Au final chaque courbe correspond à un moyennage de
500 stimulations. Afin d'analyser les PEAEP, le filtrage numérique
post-traite
Figure 94 : Protocole
d'enregistrement des PEAEP pour la mesure de l'adaptation.
Comme l'exemple du patient #1 représenté figure
95, la qualité des PEAEP pour chaque trace de 500 passages est bonne.
Des mesures de latence et amplitude des ondes II, III, V ainsi que la mesure
d'énergie globale du tracé ont été
effectuées. L'analyse statistique par anova n'a pas montré de
différence de latences ou/et amplitude ou/et énergie en fonction
du temps de stimulation, cela pour les 2 électrodes testées.
Cette étude démontre que pour la population
testée (stimulation électrique de la cochlée depuis plus
d'un an), le phénomène d'adaptation de l'activité du
système auditif en fonction de la durée de stimulation est
négligeable à 70 % de la dynamique (pour les électrodes
basales comme apicales) pour l'obtention des PEAEP. Il n'y a ni baisse ni
désynchronisation de l'activité en fonction du temps de
stimulation. Dans ce cas de figure le protocole d'enregistrement des PEAEP peut
être indépendant du temps de stimulation ; seuls des facteurs
augmentant le rapport signal sur bruit et temps d'enregistrement peuvent
être pris en compte.
0 0 0.5 1.0 1.5 2.0 2.5 3:0 3.5 4.0 4'.5 5.0 5.5
6.0
0 0 0.5 1.0 1.5 2.0 2.5 3.0 3.5 4.0 4.5 5.0 5.5 6 0
Figure 95 Exemple de PEAEP pour
le Patient # 1 en fonction du temps de stimulation pour
les électrodes 14 et 4. La dernière trace correspond à
la moyenne des 12 :
Par contre, cette étude limitée au niveau des
conditions étudiées ne répond pas à
l'éventuelle adaptation de l'activité auditive pour des
populations sourdes que l'on vient juste de réhabiliter (cas des PEAEP
pré et per opératoire). De plus l'adaptation à des niveaux
faibles d'intensité n'a pas été étudiée.
Période réfractaire et PEAEP :
Des études effectuées chez l'animal
(Stypulkowski et van den Honert, 1984 ; Miller et al, 1993) puis chez l'homme
(Abbas et Brown, 1991 ; Kasper, 1992) ont décrit la possibilité
de mesurer la période réfractaire des circuits du système
auditif avec les PEAP et/ou PEAEP et potentiels d'actions composites. Cette
période réfractaire se traduit par une diminution de
l'activité et de la synchronisation en fonction de la fréquence
de stimulation acoustique et/ou électrique de la cochlée.
Les études de Abbas et Brown 1991 ont décrit les
modifications de l'activité qui génère les PEAEP en
fonction de la durée inter-stimulation électrique de la
cochlée au niveau des amplitudes de l'onde V. Par contre aucune
étude n'a analysé les latences et amplitudes des ondes II, III et
V afin de mieux localiser et comprendre cette période réfractaire
suite à une stimulation électrique.
L'objectif est d'étudier les modifications des
caractéristiques des PEAEP en fonction de la durée inter-
stimulation afin d'évaluer la fréquence de stimulation critique
pour l'obtention des PEAEP.
12 sujets implantés cochléaires ont
participé à cette étude. L'électrode 14 (apicale) a
été testée à 70% de la dynamique pour des
durées inter-stimulation de 17, 5, 4, 3, 2.5, 2, 1.6 et 1.3 ms.
Comme le montre le protocole d'enregistrement
schématisé figure 96 les enregistrements se font en deux temps.
Tout d'abord les PEAEP sont recueillis avec un délai inter-stimulation
fixe de 17 ms (A). Puis on recueille les PEAEP avec deux stimulations
espacées de dT et 2T-dT (B) ; cela permet d'avoir en moyenne le
même nombre de stimulations par seconde que dans le premier
enregistrement. De manière numérique, on soustrait ensuite le
PEAEP (B) au PEAEP (A) ; la réponse obtenue représente le PEAEP
provoqué par la deuxième impulsion.
A
B
B-A
Figure 96 : Principe de la mesure de période
réfractaire via les PEAEP
2 3 4 5 6 7 8 9 10
17 ms 5 ms 4 ms
3 ms
2.5 ms 2 ms 1.6 ms
Tg
eVb
2 3 4 5 6 7 8 9 10
0 1 2 3 4 5 6 7 8 9 10
0
Figure 96 : Exemple sur 3 sujets des PEAEP en
fonction de la durée inter-stimulation
Comme le montre la figure 97, la morphologie des PEAEP
reste stable jusqu'à des durées inter stimulation de 1.3 à
4 ms suivant le patient. En dessous de cette durée, on assiste à
une décomposition de l'onde V en 2 ondes Va et Vb. Cette
décomposition pourrait s'expliquer par le fait que l'onde V
réflète l'activité de plusieurs générateurs
dont un qui a une période réfractaire plus longue que les autres.
Ces variations inter-sujets semblent être intéressantes à
analyser et à prendre en compte lors du réglage.
Malgré la tendance figure 98, les variations des
amplitudes des ondes II, III ne sont pas statistiquement différentes
suivant la durée inter-stimulation (F=1.5 ; F=1.3). Par contre
l'amplitude de l'onde V subit de grosses modifications (F=3.4 p<0.005) ;
cela peut sûrement s'expliquer par la décomposition de l'onde V
qui réduit les amplitudes.
Lorsque l'on regarde l'évolution des latences des
ondes, on montre une augmentation statistique des latences lorsque l'on
réduit la durée inter-stimulation. Lorsque l'on compare les
fluctuations des latences en fonction de la durée inter-stimulation, on
constate d'après un test statistique que ces variations sont
principalement générées avant l'onde II (F=8.359,
p<0.001) ; les intervalles II-III, III-Va et II-Va ne sont pas
dépendants de la durée inter stimulation.
|
|
|
|
|
e:; Wave II
|
5
|
e,
|
rl
|
Wave III
|
E
4
î% 3
|
|
0
|
Wave V
|
|
|
10
1
Interpoles intervol (ms)
= 0.8
0.6
0 · 1.5
E
· 1.2
n 0.9
0.4
15 0.2 1
10
Interpulse intervol (ms)
1.5
E 1.2
e
F 0.6
2
1.4
E 1.2
1.0
15. 0.8 0.6 0.4
.2 0.2
· 0.0
e --0.2
Figure 98 : Latences et amplitudes
en fonction de la durée inter-stimulation chez 12 sujets.
La mesure de la période réfractaire de chacun
des étages du système auditif le long du tronc
cérébral peut être couplé à une mesure de la
résolution temporelle de chaque patient. L'estimation de manière
objective de la résolution temporelle d'un sujet implanté
permettrait estimer le nombre d'informations par seconde que peut traiter le
patient afin d'adapter le traitement du signal, en particulier la
fréquence moyenne de stimulation.
En conclusion de ce paragraphe, l'adaptation liée au
temps de stimulation a apparemment peu d'effet sur les PEAEP ; l'adaptation
liée à la période réfractaire débute
à des durées inter stimulation de 3 à 4 ms en moyenne. Ces
deux constatations nous permettent d'élaborer un cahier des charges
très peu contraignant pour l'obtention des PEAEP.
13/ Effet de l'Intensité de stimulation et de la
zone stimulée
Nous avons voulu caractériser les modifications des
caractéristiques des PEAEP (latences, amplitudes des ondes II, III et V)
en fonction des caractéristiques essentielles de la stimulation via
l'implant cochléaire multiélectrode Digisonic.
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