Article 5 :
SIMULATION ACOUSTIQUE DU MESSAGE DELIVRE PAR L'IMPLANT
COCHLEAIRE S. Garnier, S. Gallégo, A. Veive, C. Berger-Vachon
Cahier de l'audition, 1998, 10:6, 22-24
L'objectif de cet article est de mesurer
l'intelligibilité du signal traité par l'implant mais
restitué de manière acoustique. 10 sujets normo-entendants et 20
sujets atteints d'une surdité moyenne ont participé à
l'expérimentation. Afin d'étudier les processus naturels du
traitement auditif, il n'y a eu aucun entraînement de décryptage
du signal émis.
La reconnaissance phonétique moyenne (liste de 34 mots
tri-phonémiques de Lafon) est de 86% pour les normo-entendants (allant
de 80 à 95 % selon les sujets) et de 45% pour le groupe de personnes
atteintes de surdités moyennes (allant de 0 à 85 % selon les
sujets).
L'information transmise par l'implant cochléaire est
intelligible et décryptée de manière naturelle par le
système auditif. Par contre elle est beaucoup moins riche que
l'information non traitée et nécessite une attention plus
grande.
SIMULATION ACOUSTiQUE
DU MESSAGE DÉLiVRÉ PAR
L'IMPLANT COCHLÉAIRE
DiGISONIC DE iviXivi
Les performances des sujets porteurs d'un implant
cochléaire sont très supérieures, à
surdité équivalente, à celles des sujets utilisant une
aide auditive classique. Ceci suggère que l'appauvrissement du signal
effectué par l'implant pourrait être bénéfique
à l'intelligibilité. Il est de deux ordres :
· Appauvrissement fréquentiel
· Appauvrissement temporel
Notre étude a consisté à simuler
les "appauvrissements" effectués par l'implant et à
réaliser des tests sur normo-entendants et sur
malentendants.
Il est important de noter que le signal
résultant ne peut en aucun cas être strictement comparé
à ce qu'un implanté cochléaire perçoit. Le but est
ici d'évaluer l'effet du codage.
Subjects using cochlear implant have far better
performances that conventional hearing aided subjects having the same hearing
loss. This suggest that temporal and spectral impoverishments performed by the
implant could be beneficial to intelligibility.
:Our study consists in simulating these impoverishments
in order to measure "their effect on normal-hearing and hearing-impaired
subjects' intelligibility.
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né multi-électrodes (Beliaeff et al. 1994). Il
est composé de deux parties (Cf. Figure 1), l'une externe (microphone,
processeur numérique et antenne émettrice) et l'autre
placée chirurgicalement en interne (récepteur et 15
électrodes implantées le long de la cochlée).
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Microphone
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Contour d'oreille
Antenne externe
PC
Electrodes implantées
Récepteur interne interne
Patient
Digigram
Simulateur
Figure 1 Synoptique du Digisonic DX10 de MXM
Stéphane Garnier
Doctorant Boursier du Groupe d'Audioprothésiste ENTENDRE,
UPR CNRS 5020, Lyon
Stéphane Gallego
Doctorant Boursier de la Société MXM, UPR CNRS
5020, Lyon
Angélique Veive
Etudiante en audioprothèse Lyon
Lionel Collet
Professeur à l'Université Lyon 1 Directeur du
laboratoire "Neurosciences et Systèmes Sensoriels", UPR CNRS 5020,
Lyon
Figure 2 Principe du traitement du signal
F FT (Digisonic NIX.1)
Sommation des sinusoïdes
L'analyse fréquentielle effectuée par le
processeur se fait sur 128 points à la fréquence
d'échantillonnage de 15,6 kHz. Les 64 bandes d'énergie ainsi
obtenues sont alors regroupées en 15 bandes ajustables en fonction du
réglage du patient. Les informations sont encodées et
envoyées à travers la peau. Le décodeur interne
interprète le message et transmet un courant proportionnel à
l'énergie de chaque bande à l'électrode qui lui
correspond. Le rythme de stimulation peut être fixe (entre 100 et 400 Hz)
ou proportionnel à la fréquence fondamentale de la voix
mesurée en temps réel.
correspondante). Un algorithme de superposition et sommation
(overlap and add) a été mis en oeuvre pour assurer la
continuité du signal. La figure 2 illustre l'ensemble du traitement, la
partie gauche est réalisée par le processeur de l'implant, la
partie droite par le simulateur.
4. Population
L'étude porte sur 10 sujets normo-entendants et sur 20
sujets malentendants ayant tous une surdité équivalente.
5. Déroulement du test
Les sujets sont dans une chambre insonorisée. Le test
consiste à leur faire écouter une liste de mots (listes de Lafon)
ayant été préalablement traitées par l'implant et
reconstituées par la méthode décrite ci-dessus.
Le score ainsi obtenu est comparé à celui du
même test sans traitement. Les sujets normo-entendants ont
été testés à 40 dB SPL et les sujets malentendants
à 60 dB SPL.
Deux modes de fonctionnement sont disponibles. Le mode
"musique" permet de stimuler l'ensemble des électrodes, c'est à
dire que toutes les informations énergétiques sont transmises.
En mode "parole", seules les 6 bandes fréquentielles
de plus grande énergie sont utilisées.
2. Le DIGIGRAM
o
4 o
o Non traitée
· Traitée
t
tes \tis èee
k6e-t-te
Figure 3 Scores d'intelligibilité des deux populations
dans les deux conditions
·
|
100 90 80 70 60 50 40 30 20 10
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Le DIGIGRAM est un système qui permet de
récupérer en temps réel les informations transmises par le
processeur en se substituant à la partie interne de l'implant (Beliaeff
et al. 1994). C'est un outil indispensable à toute étude
basée sur l'analyse des données transmises à l'implant.
3. Reconstruction du signal acoustique
Les blocs de données, recueillis par le DIGIGRAM, sont
composés de l'énergie de stimulation de chaque électrode
en fonction du temps.
Pour chaque bande de fréquence (i.e. chaque
électrode), nous avons synthétisé une sinusoïde
centrée dans cette bande à laquelle nous avons attribué
l'énergie mesurée par le DIGIGRAM. Cette somme de sinusoïdes
représente une fenêtre de notre signal (de durée
égale à celle de la trame de stimulation
RÉSULTATS
Les résultats d'intelligibilité des deux
populations dans les deux conditions d'écoute sont
représentés sur la figure 3.
On remarque que le traitement affecte très peu
l'intelligibilité des normo-entendants alors que celle des malentendants
est très fortement réduite.
Nous pouvons nous intéresser à la
corrélation entre l'intelligibilité du signal traité et
celle du signal non traité, celle-ci est représentée sur
la figure 4. On constate l'existence d'une forte corrélation entre ces
deux grandeurs :
(r = 0.855, p < 0.001).
70-
·
·
Figure 5 Corrélation entre la perte
d'intelligibilité due au traitement et l'intelligibilité de la
voix normale
E
ez: -
Le.
. s
· ' · · ·
· . . ·
·
8
· 000 0 0
o
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60
50 -
a)40 40 -
· ',moi_: 30 -
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-(7) 10
-
Ç
· Malentendants 'a 0 -
a) o Normo-entendants
' '
40 50 6 '
60 70 80 90 100
Intelligibilité de la voix normale(%)
0-10 o-
100 · Malentendants 90 o Normo-entendants
80 70 60 50 40 30 20 10 o
0 10 20 30 40 50 60 70 80 90 100 Intelligibilité de la
voix normale (%)
Figure 4 Corrélation entre les scores
d'intelligibilité de la voix traitée et non traitée
De la même façon, la perte
d'intelligibilité due au traitement est significativement liée
à l'intelligibilité de la voix normale
(Fig. 5 ; r = -0.539, p = 0.002).
DISCUSSION
Lorsque le sujet malentendant
connaît déjà des difficultés avec
la voix normale, celles-ci sembleot être
amplifiées lorsque l'on applique le traitement.
La diminution plus rapide de l'intelligibilité de la
voix traitée peut être expliquée par une plus forte
implication des fonctions psychoacoustiques élémentaires
(résolution temporelle et/ou fréquentielle).
Les différentes composantes du signal traitées
sont résolues chez le normo-entendant, ce qui lui permet d'analyser
correctement le signal.
Chez le malentendant, certaines composantes peuvent
être non résolues, le signal devient alors impossible à
analyser de façon fine.
CONCLUSIONS
Les résultats de cette étude appuient
l'hypothèse que les meilleures performances des sujets porteurs d'un
implant cochléaire seraient dues à la restauration (même
grossière) du codage fréquentiel par la place. La prothèse
auditive pour le sourd profond doit tendre vers la correction ou le
remplacement du codage fréquentiel déficient.
D
REFERENCES
Michel Beliaeff, Philippe Dubus, Jean-Marc Leveau,
Jean-Claude Repetto, Philippe Vincent. (1994) Sound signal processing and
stimulation coding of the Digisonic DX10 15-channel cochlear implant. Advances
in Cochlear Implants, edited by I.J. Hochmair-Desoyer and E.S. Hochmair,
198-203.
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Les Cahiers de i Auddon - VoL 10 - N16 -
Nov./0éc 97
Le traitement effectué par l'implant cochléaire
et restitué acoustiquement est intelligible en situation de calme. Nous
avons voulu mesurer ce qu'il en était avec un signal de parole
bruité, qui représente une
stimulation plus réelle.
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