CONCLUSION
En définitive on peut dire que les
années 90 constituent une date repère dans la construction des
organisations sous régionales africaines, enclenchée
déjà à la veille des indépendances dans les
mouvements de libération nationale. L'Afrique de l'Ouest à
l'image des autres contrées du continent noir, a entendu donner du
relief à ses ambitions intégrationnistes. C'est ainsi qu'à
cette époque, l'organisation pour l'harmonisation en Afrique du droit
des affaires est créée avec pour ambitionner ultime d'unifier
les législations de l'ensemble des matières du droit des affaires
ou droit économique, sur toute l'étendue des territoires
africains. L'Union économique et monétaire des Etats de l'Afrique
de l'Ouest, quant à elle est née pour harmoniser les
règles et procédures financières et comptables, mais aussi
assurer la convergence des politiques et performances économiques des
Etats de la zone Franc, grâce à une nouvelle discipline juridique
en vigueur dans toute l'Union. S'il en est ainsi, il faut dire que si dans
l'UEMOA l'intégration juridique a été la
conséquence de l'existence d'une Union économique et
monétaire commune, autrement dit la condition sine qua non, et
irréversible de la volonté d'intégration économique
des Etats parties au Traité de l'Union. L'OHADA quant à elle
s'est voulue à priori, un modèle absolu d'intégration
juridique parfaite. En effet les pays de la zone Franc ont institué
l'Union économique et monétaire en Afrique de l'Ouest pour la
création d'un marché commun, avec un territoire douanier unique,
devant permettre la libre circulation des personnes, des biens,des services,
des capitaux, de même que le libre établissement des personnes. Et
c'est cette union qui par voie de conséquence, a suggéré
la mise en commun des législations des Etats membres dans ces
différents domaines. De l'autre coté avec l'évolution des
règles du jeu de la mondialisation, l'apparution permanente des
nouvelles relations économiques, et des nouvelles techniques de gestion
et de fonctionnement des entreprises. Il est apparu plus que nécessaire
pour les promoteurs de l'OHADA, d'édicter un droit également
moderne, et adapté aux nouvelles configurations de l'économie, et
susceptible de protéger les nouveaux intérêts, ou de mieux
protéger les intérêts déjà existants. Ainsi
considérée, l'intégration juridique dans ces deux
organisations internationales ouest africaine, s'est donnée pour office
ultime, la réussite de l'intégration économique africaine,
l'amélioration du climat des investissements, et au-delà elle
doit favoriser l'institution d'une communauté économique
africaine, en vue d'accomplir des progrès nouveaux sur la voie de
l'Unité Africaine. A l'heure actuelle, les résultats
enregistrés sont à bien des égards satisfaisants. L'UEMOA
considérée séparément, a réussi
l'unification des marchés intérieurs, les biens circulent
librement en toute franchise de droit de douane à l'intérieur de
l'Union, grâce à une législation unique régissant
les échanges intra régionaux. De surcroît l'existence du
tarif extérieur commun (TEC), permet à l'UEMOA de mener une
politique commerciale commune, favorisant des retombées
économiques positives, dans ses relations avec l'extérieur. La
nouvelle discipline juridique communautaire a permis l'élaboration de
politiques sectorielles communes, qui sont prioritairement mises en oeuvre
aujourd'hui dans les domaines de l'énergie et de l'agriculture. Au
chapitre des mesures d'accompagnement, et pour pallier aux nombreuses
contraintes que peut causer pour les Etats, l'existence de la nouvelle
réglementation unique. Par exemple en matière fiscal, un
système transitoire de compensation est institué pour compenser
les moins values fiscales que peuvent accuser les Etats en appliquant la
législation relative au schéma de libéralisation des
échanges. C'est ainsi que des sommes importantes collectées par
l'Union, sont ensuite réparties aux Etats. Des routes régionales
sont initiées pour faciliter les échanges intra régionaux.
Car si l'intégration juridique est une manière de mettre la
règle de droit au service des ambitions économiques de la zone
ouest africaine, aucune intégration des marchés ne pourra se
réussir sans les transports. Il faut aussi signaler qu'un code des
transports aériens a été adopté au sein de l'Union
tout récemment en fin 2006. Au chapitre de la nouvelle
réglementation bancaire une carte bancaire UEMOA, qui sera
dénommée carte (GIM : groupement interbancaire et
monétaire), a déjà reçu l'adhésion de 64
banques de la zone sur les 88. Cette carte qui va accentuer
l'homogénéité des opérations en cette
matière devrait donc bientôt voir jour. S'agissant de l'OHADA, le
nouveau droit des affaires, symbolisé par les différents Actes
Uniformes, donne aujourd'hui une orientation juridique très pratique,
qui de manière efficace aura permis plus de dix ans après, de
bouster l'économie des différents Etats parties, après en
avoir assaini le cadre règlementaire. Sous ce rapport l'analyse
d'ensemble de la dynamique d'intégration juridique dans l'UEMOA et dans
l'OHADA, permet sans ambages de dire que l'Afrique de l'Ouest a même
réussi une prouesse en matière juridique. Car dans de nombreux
domaines, tel que la fiscalité, le niveau de réalisation
dépasse très largement celui des autres régions d'Afrique,
et même l'Union Européenne qui pourtant constitue sa
référence en la matière. Cependant la coexistence de
l'OHADA et de l'UEMOA, regroupant les mêmes Etats, et de surcroît
investies des mêmes missions, ne manque pas de créer un certain
nombre de situations problèmes. En effet il y a un éclatement,
une dispersion des pôles de production du droit des affaires. Tout
d'abord cela créé aujourd'hui des conflits de normes entre les
deux organisations internationales africaines, mais plus grave encore avec les
autres ordres juridiques internationaux les conflits sont inévitables.
Virtuellement des risques de conflits peuvent apparaître entre l'OHADA et
des organisations telles que la CEA, ou la CEDEAO, qui se sont
assignées des domaines de compétence très larges. La CEA
qui a une vocation continentale tout comme l'OHADA s'est fixée parmi ses
objectifs : la promotion économique, culturelle, et sociale
africaine, ainsi que l'établissement d'un marché commun africain.
En résumé on peut dire qu'elle a une compétence
générale en matière économique et sociale.
Même si dans le Traité on n'y parle pas d'uniformisation mais
d'une simple coopération entre les Etats. Celle-ci pourra prendre sous
les exigences de la pratique une forme normative. S'agissant de la CEDEAO,
même si l'article 2 du Traité version 1993, prévoit que les
hautes parties contractantes s'engagent pour en faire à terme la seule
communauté économique africaine, l'appartenance de celles-ci
à l'OHADA qui a une vocation continentale, nous fait craindre des
risques de conflits de normes. En fin de compte la dispersion de la production
normative, du fait de l'existence multiple des organisations
d'intégration, aura pour conséquence néfaste de saper
l'homogénéité et la cohérence des
différentes branches du droit, alors que de telles règles
doivent être simples, afin de servir l'efficacité
économique, et le développement des Etats africains. Pour que
l'intégration juridique puisse offrir tous les résultats attendus
d'elle, il faut dès l'abord penser aux moyens de son
parachèvement. Ce qui ne pourra se faire que par l'existence d'une seule
et unique organisation internationale, dans chaque zone économique
d'Afrique, ou comme autre alternative, on pourrait penser à instituer
des règles de primauté entre les normes communautaires des
différentes organisations régionales africaines, ou encore poser
des règles de spécialisation, faisant que chaque organisation
sera exclusivement chargée de réglementer une branche bien
définie du droit économique. Une telle solution sera très
bénéfique, car un droit des affaires produit par une seule
instance supranationale gagnerait en cohérence, et en visibilité,
et cela lui donnera beaucoup plus d'efficacité pour la
réalisation d'ensemble des objectifs d'intégration
économique de toute l'Afrique. Mais en marge de ces obstacles
techniques, il faut aussi dire que l'intégration juridique ne pourra
réussir que si et seulement si les normes qui sont
édictées font l'objet d'une application efficiente par les Etats
qui s'engagent. Aujourd'hui les Etats ont certes valorisé leur
engagements communautaires, par des procédés plus
élaborés de prise de décisions, ou de garantie
d'exécution, mais les gouvernants africains qui représentent
leurs Etats au sein des structures communautaires, et qui volontairement
s'assignent des obligations au nom de ceux-ci, doivent en tout état de
cause taire leurs contingences politiques internes ou internationales, afin de
faire primer la rationalité juridique. En somme ont doit militer pour
le triomphe d'une règle de droit forte et stable dans l'UEMOA et dans
l'OHADA, notamment dans toutes les autres organisations internationales
africaines, et cela ne sera possible que si l'Afrique parvient d'abord à
synchroniser ses droits économiques, autrement dit on doit aujourd'hui
penser à l'harmonisation des différents systèmes
d'intégration juridique en Afrique.
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