REPUBLIQUE DU SENEGAL
- - -
UNIVERSITE CHEIKH ANTA DIOP DE DAKAR
FACULTE DES SCIENCES JURIDIQUES ET POLITIQUES DE
DAKAR
ECOLE DOCTORALE REGIONALE AFRICAINE
(EDRA)
MEMOIRE DE TROISIEME CYCLE
SUJET : L'INTEGRATION JURIDIQUE DANS L'UEMOA ET
DANS L'OHADA
Présenté par
M. Samba Diouf
Thieb_81@ yahoo.fr
536 86 43
DEA Droit de l'Intégration
Sous la direction de
M. Ousmane Mbaye
Docteur en Droit
Maître assistant à la fac de droit de Dakar
ANNEE ACADEMIQUE 2005 2006
BIBLIOGRAPHIE
I : OUVRAGES GENERAUX
Boutros B Ghali : L'organisation de l'Unité
africaine
Cheikh Anta Diop : L'Unité culturelle de l'Afrique
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noire prés Afr
1974
Djibril Samb : Normalisations et méthodologies en
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Edem Kodjo : Et demain l'Afrique. Editions stoc Paris
1973
Filipe Moreau De Farges : Les organisations internationales
contemporaines
Francis Wodje : Les institutions régionales en
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Guy Issac : Droit communautaire
général. 3édition, Masson 1992 Coll. Droit
Sciences économiques
Habib Guerari : Les organisations internationales
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Herri Wessling : Le partage de l'Afrique, Denoel 1996
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Editions de l'Université de Bruxelles 2001
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1998
Pierre. F. Gonidec : Les systèmes politiques
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Simon Denys : Le système juridique
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Abdoulaye Dièye : La cour de justice de la CEDEAO et
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Abdoulaye Seck : L'Afrique et le droit OHADA. Gazette du
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Aquerebour : L'état justiciable de droit commun
Alioune Sall : Le juge national et la publication des
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Alioune Sall : Les systèmes normatifs de la CEDEAO et
de l'UEMOA : considérations
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André. Diouf et Yahya Bâ : Vers une
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A. Oliveira : La délimitation des compétences
de la CCJA et les juridictions nationales : communication à la
session de formation du CFJ oct. 2000
Babacar Sarr : L'intégration régionale par la
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de doctorat Univ de Lyon juin 98. P350
Daniel Tapin : Le renouveau du droit des affaires en Afrique
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Djibril Abarchi : La supranationalité de l'OHADA EDJA
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Doudou Ndoye (M) Sakho : Autopsie du Traité relatif
à l'OHADA ,rev EDJA n°22 94 p 18 s
Françoise Dieng : L'harmonisation en questions.
Séminaire sur le droit communautaire
organisé par le CREDILA (fac droit Dakar) -LEPJO Dakar Juillet
2005
Gaston. Kenfack Douajni : Les conditions de la
création dans l'OHADA d'un environnement juridique favorable au
développement. Rec. Penant 1997 p39 s
Glélé Ahannanzo : Introduction à l'OUA
et aux organisations régionales africaines LGDJ 97
Ibrahima Khalil Diallo : Les mécanismes
d'élaboration des normes de droit communautaire l'équation de la
méthode. Séminaire sur le droit commun Dakar Juillet 2005
Joseph Y Sayegh : L'intégration juridique des Etats
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J Y S : L'OHADA : l'instrument
d'intégration juridique : Revu de juris com
J Y S : Quelques aspects techniques de
l'intégration juridique : l'exemple des
Actes uniformes
Kéba Mbaye : L'unification du droit en
Afrique.Rev seneg de droit n° 10 p65 s1971
M.M. Mbacké : Introduction à une
réflexion sur la répartition des compétences entre
juridictions sous régionales : cas de l'UEMOA et de l'OHADA :
communication session de formation régionale du CFJ sur l'UEMOA et
l'OHADA. Dkr 09-13oct 2000
Mbilampindo. W : Réflexions inoclastes sur l'OHADA.
J. Afr n° 267 Juillet 98
N'diaw Diouf : La place du droit pénal dans le doit
communautaire.Sémin sur le droit communautaire organisé par le
CREDILA et le LEPJO 2006
III TEXTES DE LOIS
Le Traité UEMOA du 10 Août 1994
Le traité de l'OHADA du 17 Octobre 1993
Le Traité révisé de la CEDEAO
JURISPRUDENCE COMMUNAUTAIRE IV
I :COUR DE JUSTICE ET D'ARBITRAGE DE L'OHADA
A : DECISIONS DE JUSTICE
CCJA N° O2/2001 du 11Octobre 2001
CCJA N° 003 2001 du 11 Octobre 2001
CCJA N° 001/2002 du 10 Janvier 2002
CCJA N°004/2002 du 10 Janvier 2002
CCJA N° 008/2004 du 26 Février 2004
société banque commerciale du Niger
CCJA N°030/2004 du 04 Novembre 2004 société
de gestion ivoirienne de transport maritime et aérien C/
société africaine de matière export
CCJA N°062/2005 du 15 Décembre 2005
B : AVIS CONSULTATIFS
AVIS N° 001/99 du 07 Juillet 1999 CCJA : Sur le
régime juridique des nullités institués par l'AU portant
organisation des procédures simplifiées de recouvrement et des
voies d'exécution
AVIS N°002 /99 du 13 Octobre 1999 CCJA : Sur la
compatibilité entre l'article 16 du projet de loi sur l'habitat au Mali
avec l'article 39 de l'AUPSRVE, à propos des conditions d'octroi du
délai de grâce
AVIS N°001/2001 du 30 Avril 2001 : Sur la
compatibilité entre l'AU sur la comptabilité des entreprises et
le plan comptable SYSCOA
II : COUR DE JUSTICE DE L'UEMOA
A : DECISIONS DE JUSTICE
Sacko Abdurahmane C/Commission de l'UEMOA. CJU 29 Mai 1998
Dieng Ababacar C/ Commission de l'UEMOA CJU 26 Janvier 2000
Akakpo TobiE Doc C/ Commission de l'UEMOA CJU 20 Juin 2001
Société des ciments du Togo, SA et la commission de
l'UEMOA
Eugène Yaï et la commission de l'UEMOA CJU 27 Avril
2005
Ordonnance du 02 Juin 2005/ UEMOA : Affaire Eugène
Yaï
B : AVIS CONSULTATIFS
AVIS N° 001/99 du 22 Mars 1999 : Sur la
délégation de signature du président de la Commission de
l'UEMOA
AVIS N°002/00 du 22 Mars 2000 : Sur
l'interprétation de l'article 84 du Traité de l'UEMOA
AVIS N° 003/ 00 du 27 Juin 2000 : Sur
l'interprétation des articles 88, 89, 90 du Traité
(concernant les règles de concurrence)
AVIS N°001/ 2003 du 18 Mars 2003 : Sur la
création d'une cour des comptes au Mali
V : ADRESSES ELECTRONIQUES
WWW. Juriscope. Org. Rubrique OHADA
WWW OHADA. Com
WWW UEMOA. Int
WWW Le Faso. Net
LISTES DES SIGLES ET ABREVIATIONS
BCEAO : banque centrale des Etats de l'Afrique de
l'Ouest
BOAD : banque ouest africaine de développement
CONSEIL : conseil des ministres
COMMISSION : commission de l'UEMOA
CCJA : cour commune de justice et d'arbitrage de
l'OHADA
CJU : cour de justice de l'UEMOA
CEA : communauté économique
africaine
SYSCOA : système comptable ouest africain
TVA : taxe sur la valeur ajoutée
ORGANISATION : organisation pour l'harmonisation en
Afrique du droit des affaires
UNION : union économique et
monétaire des Etats de l'Afrique de l'Ouest
PLAN DU MEMOIRE
TITRE I : La
supranationalité des organes d'élaboration du droit
Unifié...............................p30
CHAPITRE I : Une
architecture institutionnelle identique dans les deux organisations
internationales
africaines..........................................................p30
SECTION I : Les organes
de délibération et de
direction..........................................................p31
PARAGRAPHE I : Les
instances de l'UEMOA......p31
PARAGRAPHE II : Les
instances de l'OHADA.....p32
SECTION II : Les
organes de contrôle et de
sanction............................................................p32
PARAGRAPHE I : Les
juridictions de l'UEMOA...p32
PARAGRAPHE II : La cour
commune de justice et d'arbitrage de
l'OHADA.....................................p33
CHAPITRE II : Un
système normatif identique dans les deux communautés inter
étatique......................p38
SECTION I : La
convergence des principes posés par les traités institutifs de
droit primaire....................p38
PARAGRAPHE I : La
création de l'état de droit économique
......................................................p39
A : L'affirmation du
principe d'Unification
législative.........................................................p39
B : La création
d'un environnement juridique favorable au développement
économique .............................p41
PARAGRAPHE II : Le
transfert de compétence des Etats vers les organes
institutionnels......................p46
A : Le principe du
transfert des compétences...........p46
B : Les
modalités du transfert des compétences.......p50
SECTION II :
L'édiction de règles de droit Dérivé..p53
PARAGRAPE I : Une
variété de normes dans
l'UEMOA..........................................................p53
A : Les normes de
premier rang............................p53
a Les Règlements
communautaires.........................p53
b : Les Directives
communautaires........................p53
B : Les normes de
second rang.............................p54
PARAGRAPE II : Les
différents actes uniformes de
l'OHADA..........................................................p57
A : Les techniques
d'élaboration des Actes
uniformes..........................................................p57
a : La
délimitation du champ géographique et
personnel..........................................................p57
b : La
détermination des matières à uniformiser......p60
B : L'étude du
contenu des Actes
uniformes........................... ............................p62
a : Les Actes uniformes
relatifs aux structures et aux opérations des entreprises
...................................p62
1 :L'ACTE UNIFORME
relatif aux sociétés commerciales et du GIE
..................................p 63
2 :L'ACTE UNIFORME
relatif au contrat de transport par
route.........................................................p64
3 :L'ACTE UNIFORME
relatif à l'harmonisation et à l'organisation de la
comptabilité des entreprises....p65
b : Les ACTES UNIFORMES
relatifs aux procédures de recouvrement de créances et aux
règlements des
litiges...............................................................p66
1 : L'ACTE UNIFORME
relatif aux
Sûretés............................................................
p66
2 : L'ACTE UNIFORME
relatif aux Procédures Collectives et d'Apurement du
Passif.................... P66
3 : L'ACTE UNIFORME
relatif aux recouvrements et aux voies
d'exécution..........................................P66
4 :L'ACTE UNIFORME
relatif au droit de
l'arbitrage.........................................................P66
CHAPITRE III : Le
régime juridique des différents actes
communautaires....................................... P68
SECTION I :
L'applicabilité du droit unifié dans les deux organisations inter
étatiques ..................... P68
PARAGRAPHE I :
L'application médiate du droit
Primaire....................................................... .P68
PARAGRAPHE II :
L'application immédiate du droit
Dérivé......................................................................P69
SECTION II : La
portée normative des actes communautaires UEMOA et
OHADA...................P72
PARAGRAPHE I : Le principe de
la primauté du droit
communautaire..................................................P72
A: L'affirmation et
l'étendue du principe dans les deux entités
institutionnelles.......................................P72
B : Les
conséquences du principe de la primauté du droit
communautaire..........................................P77
PARAGRAPHE II : L'effet
direct des normes
communautaires................................................P79
A : La
consécration du principe de l'effet direct.......P79
B : Les
modalités de l'applicabilité directe............P82
TITRE II : Le domaine
du droit intégré et les entraves à l'Intégration
juridique......................................P85
CHAPITRE I : La
réglementation commune de l'espace économique ouest
africain.......................P85
SECTION I : La mise en
cohérence des environnements juridico économiques des
Etats...........................P86
PARAGRAPHE I : La
rationalisation du cadre juridique des
affaires..........................................P86
A : L'édiction
d'un droit des affaires moderne et
adapté..............................................................P86
B L'organisation du
fonctionnement normal du marché
commun...........................................................P89
a : La
législation commune de la concurrence.......P90
b : L'institution d'un
marché financier régional dans
l'UEMOA.........................................................P97
PARAGRAPHE II : Une
harmonisation des règles et procédures comptables et
budgétaires...................P98
A : L'adoption de deux
règlementations communautaires sur le système
comptable..............P98
a : L'approfondissement
du droit comptable UEMOA par le droit comptable
OHADA............................P99
b : La prise en compte
des apports de l'OHADA par le droit comptable
UEMOA...................................P100
B : La discipline
communautaire de la gestion des Finances
publiques.............................................P103
a : L'adoption des
critères de convergence
budgétaires.....................................................P104
b : L'obligation
d'élaboration de programmes pluriannuels de
convergence...............................P107
SECTION II: L'harmonisation
des législations fiscales dans
l'UEMOA............................................... P109
PARAGRAPHE I : La
législation commune des échanges intra
communautaire...........................P109
A : La suppression des
barrières tarifaires........ P110
a :Les droits de
douane....................................P110
b :L'établissement
d'une TVA commune
et l'harmonisation des droits
d'accises................P114
B : La
libéralisation des facteurs de production...P 119
a : La liberté
de résidence et de circulation des
personnes....................................................... P121
b : La libre
circulation des mouvements de
capitaux........................................................ P121
PARAGRAPHE II :
L'harmonisation du régime des échanges extra
communautaires..........................P124
A : L'institution d'un
statut douanier unique de la
marchandise.................................................. P125
B :
L'établissement d'un TEC (tarif extérieur commun)
Communautaire.............................................P126
CHAPITRE
II : L'unification au sommet du
système juridictionnel............
.......................................P128
SECTION I: Les règles
de fonctionnements et de procédure des juridictions
communautaires..........P128
PARAGRAPHE I : Les
règles de fonctionnement des juridictions
communautaires.............................P129
A : Les règles
générales de fonctionnement .........P129
B : Les règles
spécifiques à la prise des décisions. P131
PARAGRAPHE II : L es
règles de procédure devant les juridictions communautaires
.......................P132
A : La
réglementation de la procédure ordinaire...P132
B : Les règles
spécifiques de la procédure
d'urgence................................................................P136
SECTION II : L'analyse
de la compétence des juridictions
communautaires..............................P138
PARAGRAPHE I : La
complémentarité de compétence entre juridictions
nationales et communautaires.....P138
A La situation du partage de
compétence entre matière
d'application...................................................P138B :
L'exclusivité de compétence des juridictions communautaires en
matière d'interprétation.........P140
a : Le recours
préjudiciel de l'UEMOA..............P140
b : La procédure
de consultation de l'OHADA...P141
PARAGRAPHE II :
Les compétences particulières des juridictions
communautaires..............................P144
A : Le contentieux de
la légalité..........................P144
a : Le contentieux de
l'exception d'illégalité.........P144
b : Le recours
préjudiciel ..................................P145
B : La
compétence exclusive dans le contentieux de pleine
juridiction..............................................P147
a : Les matières
de première saisine....................P147
1a : Le contentieux de
la responsabilité..............P147
2a: Le contentieux
individuel de la fonction
publique.........................................................P148
3a : Le contentieux de
la concurrence..................P148
4a : Le recours en
manquement contre les Etats.....P149
5a : Le contentieux
financier..............................P150
b :La compétence
des juridictions communautaires en matière de
cassation.........................................P151
1. Le monopole de la CCJA en
matière de recours en
cassation.........................................................P151
2. La collaboration entre la cour
de justice de l'Union avec les cours de cassation
nationales................P153
CHAPITRE III : Les
obstacles à la dynamique d'Intégration juridique dans l'UEMOA et
de
l'OHADA.......................................... .............P155
SECTION I: Les limites
tenant aux velléités souveraines des
Etats.......................................P155
PARAGRAPHE I :
L'existence de législations nationales
irréductibles....................................P156 PARAGRAPHE
II : Le problème de l'ineffectivité des normes
communautaires dans les Etats parties......P157 SECTION
II : La grande équation du choix des normes
communautaires à appliquer..............................P159
PARAGRAPHE I : La
concurrence législative ou la situation du double emploi entre l'UEMOA
et
l'OHADA......................................................P159 A :
L'inopportunité de la double législation en matière
comptable......................................................P160 B :
La disharmonie dans la réglementation des deux entités en
matière pénale..................................P161
PARAGRAPHE II : Les
rapports conflictuels entre
juridictions...................................................P166
A : Les relations
conflictuelles entre juridictions nationales et juridictions
communautaires : les avatars de la hiérarchie juridictionnelle de
l'OHADA ......P166
B : Les conflits entre
juridictions communautaires :
la conséquence du télescopage des normes de
l'UEMOA et de l'OHADA..................................P169
CONCLUSION..........................................P173
INTRODUCTION GENERALE
Aux lendemains des indépendances, les
Etats africains nouvellement affranchis du giron colonial se sont
retrouvés avec des handicaps sérieux .Une telle situation est le
résultat d'un passé assombri par la colonisation. En effet pour
amorcer une allure impérialiste sur le continent africain, du 15
novembre au 26 février 1885 s'était tenue à Berlin une
rencontre sur l'AFRIQUE, réunissant les pays d'Europe et les Etats-Unis.
Cette rencontre sera ponctuée par la signature de l'acte de Berlin,
consacrant le partage du continent noir. De ce fait, déjà
à la veille de la première guerre, la quasi-totalité de
l'AFRIQUE était donc constituée de colonies. Cette situation sus
décrite va avoir des conséquences très néfastes sur
notre vieux continent noir. Elle a entraîné la
désagrégation des Etats et de la société dans tous
les secteurs de la vie, la diminution de la population atteignant plusieurs
centaines de millions d'habitants. En somme l'AFRIQUE a essuyé des
pertes incommensurables qui sont la cause de sa fragilité actuelle.
De ce qui précède, il va sans dire
que l'AFRIQUE dans sa généralité, est la partie du monde
où la conception d'un modèle de reconstruction constitue une
urgence , et l'Union qui est la voie idéale pour parvenir à cette
fin , doit susciter chez ses peuples respectifs un sentiment de survie et de
nécessité .Justement pour ce faire , un certain nombre de
facteurs semblent militer en faveur d'un rapprochement , d'une dynamique
d'Intégration devant favoriser l'émergence d'une AFRIQUE forte et
stable dans tous ses domaines , unifiée dans toutes ses parties. Ces
facteurs sont de plusieurs ordres : sociologiques, historiques,
culturelles et géographiques .Tout d'abord relativement à ses
conditions géographiques, l'AFRIQUE fait montre d'une certaine
homogénéité. Trois fois plus vaste que l'Europe,
l'équivalent des ¾ de la superficie de l'Asie, le continent noir
fort de ses 30 million 300 mille km2, bénéficie d'atouts
inestimables qui ne sont notables sur aucun autre continent. L'AFRIQUE est au
centre des cinq continents par conséquent au centre de la
planète. Sur le plan culturel, si l'on envisage l'organisation de la
famille africaine précoloniale, celle de l'Etat, les conceptions
philosophiques, morales. On constate une Unité culturelle
évidente, découlant d'une adaptation similaire aux mêmes
conditions matérielles d'existence1(*). Selon le savant scientifique, le
sénégalais Cheikh Anta Diop, il existe de manière
irréversible en AFRIQUE une civilisation organique qui est
restée très vivace selon les âges.
Sous ces éclairages, il apparaît que
devant la nécessité de reconstruction d'un continent
décimé, et fortement affaibli. Face au défi de l'Union,
perçu comme la voie de salut pour le continent. La culture, l'histoire
et même le milieu physique, semblent à maints égards y
apporter leurs concours.
Et pourtant depuis les indépendances, les
projets de mise en commun, de rapprochement initiés en AFRIQUE, pour
remédier à l'extrême segmentation des espaces politico
économiques n'ont produits que des résultats embryonnaires. Une
telle situation est certainement due au fait que le geste unitaire, la
volonté d'Unité, appartient au politique. Alors que sous le sceau
du Panafricanisme, idéologie nationaliste de libération, qui
connut son éclosion à la fin de la seconde guerre mondiale. La
genèse de l'Intégration a été fortement
biaisée par une contrariété idéologique entre les
dirigeants africains. En effet à la fin du 19e siècle,
alors que l'AFRIQUE était encore dans la nuit coloniale, des noirs de la
diaspora ont songé à l'avenir du continent d'origine de leurs
ancêtres. Dès lors un concept connu sous le vocable de
panafricanisme allait naître pour connaître une fortune durable.
Les principaux chantres du panafricanisme avaient pour ambition la rencontre
des noirs de la diaspora arrachés de force à la mère
patrie, avec leurs frères du continent. En somme, ils avaient pour
ambition de réaliser l'Unité de tout le continent africain, avec
un double objectif : La libération du continent de la domination et
de l'exploitation, et la renaissance des peuples africains. Cependant dans la
marche vers l'Union pour la reconstruction, il s'est dessiné une
différence de point de vue, qui a malheureusement donné naissance
à l'existence de deux tendances qui vont bipolarisé la
scène politique africaine avant et au lendemain des
Indépendances : le groupe de Monrovia et celui dit de
Casablanca.
Pour les tenants de la première tendance qui
adoptaient en Décembre 1961 une charte de coopération africaine
à vocation régionale, il n'était pas question de
réaliser l'Unité politique, mais une intégration par
cercles concentriques à l'échelle des régions .Celle ci
n'entraînant pas bien sûr un abandon de souveraineté ,
dès lors que chaque Etat , chaque population devait garder sa propre
identité, sa propre culture constitutionnelle .Pour la seconde tendance
en l'occurrence les panafricanistes radicaux du groupe de Casablanca . Il
fallait instituer une intégration réelle à
l'échelle du continent. Leur vision profonde était d'arriver
à l'Unité globale, et politique de tout le continent, englobant
tous les aspects de la vie des sociétés africaines. Et pour ces
continentalistes, leur voeu devait être facilité par tous les
facteurs fédérateurs révélés par le milieu
physique, l'histoire, et la culture.
Cet affrontement des idéologies était
préjudiciable pour l'Afrique qui cherchait à consolider la
juvénile souveraineté de ses nouveaux Etats. C'est pourquoi des
efforts furent menés pour réduire l'écart entre les deux
courants. Et cela a abouti en 1963 par la signature de la charte d'Addis
Abéba, qui a donné naissance à l'OUA (organisation de
l'Unité Africaine). Prévue à l'article premier de la
charte, l'OUA qui est le résultat d'un compromis entre les deux
courants idéologiques, avait pour objectif le renforcement de
l'Unité et de la coopération entre les Etats africains et
malgaches, pour penser les plaies encore ouvertes de la colonisation. Cependant
plus de 40 ans après sa création, devenue UA (Unité
Africaine ) depuis 2000 , le constat fait , est qu'elle n'est même
pas arrivée à mis chemin des objectifs qui lui ont
été assignés . L'institution continentale n'a
drainé derrière elle qu'un lot d'illusions.
Pour toutes ces raisons, conjuguées aux
réalités résultant de la nouvelle donne économique
mondiale. Les Etats africains voulant apporter remède à leurs
problèmes de sous développement, à leurs situations
économiques peu reluisantes, ont entendu depuis quelques années
emprunter une nouvelle voie. Ils entendent établir une correspondance
parfaite entre les peuples des différentes zones d'Afrique, grâce
à ce qui les régule, à savoir la règle de droit.
Cette nouvelle option, consiste en un processus par lequel des Etats
appartenant à une même zone géographique ou lointains,
décident d'unir leurs économies, d'harmoniser leurs politiques et
systèmes intérieurs, notamment au plan fiscal, comptable,
monétaire, ceci via une réglementation juridique unique et
uniforme, à l'effet d'optimiser leurs développements et d'avoir
une place sécurisante sur l'échiquier économique mondial.
Ce type de procédé qui implique ou qui résulte de la
création d'un espace économique commun, est
dénommé dans le lexique de vocabulaire juridique :
Intégration. 2(*)
En effet l'Intégration est apparue
aujourd'hui pour les peuples d'Afrique, comme le meilleur moyen sinon
l'ultime, pour relever le défi du développement dans ce monde
entièrement globalisé. Les Etats africains longtemps
enfermés dans un carcan d'espace économique étroit, ont
senti l'extrême urgence de dépasser le cadre de leur
souveraineté nationale. Pour résoudre les problèmes
conjoncturels, pour faire face aux enjeux politiques, économiques et
sociaux, mais surtout stratégiques , imposés par le nouvel
ordre mondial qui se manifeste à travers le phénomène de
mondialisation ou globalisation . Les Etats africains ont enclenché une
réglementation uniforme de leurs systèmes intérieurs, de
leurs politiques économiques, sociales, budgétaires. A l'image de
la CEE (communauté économique européenne), de l'ALENA en
Amérique, ou du MERCOSUR (marché commun du sud). Les Etats
africains n'ont pas voulu demeurer en rade. C'est ainsi que le
phénomène de l'Intégration a aujourd'hui structuré
l'AFRIQUE en différentes communautés. Il existe en effet
plusieurs institutions à vocation régionale. Par exemple au
centre la CEMAC (communauté économique et monétaire des
Etats de l'Afrique centrale) a été créée en 1994,
à l'Est l'exemple du Comeca (marché commun des Etats d'Afrique
orientale et du sud) nous est donné depuis 1993. En Afrique du nord,
l'Union du Maghreb Arabe est créée en 1989. Et enfin dans la
partie ouest de l'Afrique où nous invite en grande partie notre sujet,
la CEDEAO (communauté économique des Etats de l'Afrique de
l'ouest) fut créée en 1975 et l'UEMOA (Union économique et
monétaire des Etats de l'Afrique de l'Ouest) qui a réussi des
prouesses sans précédentes sur le plan de l'Unification
législative, existe depuis 1994. En outre depuis 1993 une nouvelle
institution est venue garnir le cadre des organisations internationales
africaines. Cette institution se veut très ambitieuse, dans la mesure
où elle n'entend pas se confiner dans aucune zone régionale ou
sous régionale. En effet l'Organisation en Afrique du Droit des Affaires
(OHADA), comme son nom l'indique, à une ambition continentale. Elle
désire l'adhésion de tous les Etats africains, conscients
aujourd'hui que l'Unification de leurs différentes législations
est la passerelle ultime pour favoriser la renaissance de leurs
économies. Justement dans le cadre de cette étude nos propos
porteront essentiellement sur ces deux modèles d'Intégration
juridique : l'UEMOA et l'OHADA
L'UEMOA a été créée par
le Traité de Dakar du 10janvier 1994, qui est entré en vigueur le
1e août de la même année. Mais l'UEMOA est le
résultat d'un long processus dont il convient ici de rappeler les
différentes étapes. En effet après avoir acquis
l'indépendance, les six pays de l'Afrique occidentale, membres de la
zone Franc (Bénin alors Dahomey, Burkina jadis Haute Volta, Côte
d'ivoire, Niger, Sénégal, Togo) avaient créés le 12
Mai 1962 l'UMOA, marquant ainsi une coopération monétaire
à la fois entre eux et avec la France au sein de la zone Franc. Chemin
faisant, grâce à un environnement monétaire stable, eu
égard aux performances économiques, supérieures de
surcroît à la croissance démographique. Les conditions de
vie des populations se sont fortement améliorées .Cependant dans
les années 1980, à cause de la flambée des cours
pétroliers, à cause de l'effondrement des prix de matières
premières, et de l'appréciation réelle du Fcfa ; les
pays de l'UMOA vont connaître une crise profonde. C'est ainsi que pour y
faire face, également pour compléter les mécanismes de
régulation monétaire par des réformes économiques,
et jeter les bases d'une croissance durable. Le traité instituant
l'UEMOA fut signé 2jours avant la dévaluation du Fcfa. L'Union
économique et monétaire des Etats de l'Afrique de l'Ouest
constitue donc un renforcement de l'UMOA, mais elle remplace également
la CEAO (communauté économique d'Afrique de l'ouest), qui a
été volontairement dissolue le 15 Mars 1994, afin d'éviter
qu'elle ne fasse doublon avec la nouvelle entité ouest africaine.
L'ensemble des institutions de la CEAO seront liquidées et
reversées en bonne partie dans le patrimoine de l'UEMOA.
Aujourd'hui, l'Union regroupe sept pays qui ont en
commun l'usage du français (Bénin , Burkina, Côte d'ivoire
, Niger, Mali , Sénégal, Togo ), et un Etat lusophone en
l'occurrence la Guinée Bissau , qui a adhérée en
1997 . Avec ses (8) Etats l'union économique regroupe plus de 70
millions d'habitants sur ses 3.509610km2 de superficie. Elle compte un PIB de
28 milliards d'Euros soit 33% du PIB de la sous région. Au chapitre de
ses objectifs, l'union se donne pour office majeur, de renforcer la
solidarité monétaire, de favoriser le développement
économique des Etats membres, par l'unification des marchés
intérieurs, et par une mise en oeuvre des politiques sectorielles
communes dans les domaines essentielles de l'économie. Mais selon
l'article 4 paragraphe E du Traité, cet objectif économique
visé par l'organisation ne pourra se faire que si et uniquement si
l'Unification des différentes législations des Etats membres
est déjà réalisée. Donc c'est dire que, l'Union
entend élaborer d'abord une réglementation juridique unique dans
tout son espace, afin d'espérer une quelconque réussite de ses
ambitions économiques
Quant à l'OHADA (organisation pour
l'harmonisation en Afrique du droit des affaires), elle a été
créée par l'adoption à Port Louis, en Îles Maurice
le 17octobre 1993 du traité relatif à l'harmonisation du droit
des affaires. Ce traité a été signé par 16 (seize)
Etats africains. Soit le Bénin , le Burkina , le Cameroun , , la
Côte d'Ivoire , le Gabon , la Guinée , la Guinée Bissau ,
la Guinée Equatoriale , le Mali , le Niger , le Tchad , le
Sénégal , le Togo. Ces Etats ainsi considérés,
abritent une population de 105 millions d'habitants, parlant près de 40
langues. Les objectifs de l'organisation sont de manière explicite
prévus à l'article Premier du Traité. En effet,
l'organisation se donne pour ambition de trouver des solutions juridiques, les
meilleures, et les mettre à la disposition des Etats parties. Il s'agira
comme dans l'UEMOA , d'élaborer et d'adopter des règles
communes, modernes, simples, et adaptées .Il s'agira aussi de
mettre en oeuvre des procédures judiciaires appropriées, et
d'encourager le recours à l'arbitrage comme mode de règlement des
différends contractuels. Toute fois la plus nette connaissance des
objectifs de l'organisation, nécessite comme pour l'UEMOA un
léger détour historique.
En effet, l'effort d'harmonisation est
antérieure à l'apparition de l'OHADA, car plusieurs organisations
ont servi bien avant de cadre à l'harmonisation de certaines branches
du droit des affaires .Il en est ainsi de l'OAPI (organisation africaine de la
propriété intellectuelle), de la CIMA (conférence inter
africaine du marché d'assurance), ou encore de la CIPRES
(Conférence inter africaine de la prévoyance
sociale).Mais pour ce qui est de l'harmonisation droit des affaires dans la
zone Franc, l'idée a été clairement exprimée comme
une préoccupation politique par les ministres chargés des
finances en Avril 1991 .Ils ont exprimé la nécessité
d'élaborer un droit régional unique, moderne, simplifié,
et susceptible de favoriser le développement des pays. Cette
préoccupation d'ordre politique est surtout fondée sur le besoin
de stimuler les investissements privés en contribution à
l'instauration d'une sécurité judiciaire et juridique. Les
préoccupations des investisseurs privés allant dans la garantie
de cette sécurité juridique et judiciaire. Pour
matérialiser cette volonté, les ministres de la zone Franc ont
chargé une mission d'experts d'en étudier la faisabilité.
Par la suite, le sommet des chefs d'Etats de la zone s'est réuni
à Libreville en octobre 1992, et a finalement décidé du
principe de l'harmonisation en adoptant les grandes lignes du projet
adopté par l'équipe d'experts. C'est ainsi que, entre 1994 et
1997, plusieurs réunions se sont tenues, au cours desquelles les
commissions nationales ont pu échanger sur les projets d'Acte Uniforme.
Enfin c'est au début de l'année 1998 que furent
adoptés et entrer en vigueur trois Actes Uniformes portant sur des
domaines différents du droit des affaires .En Avril 1998 deux autres
Actes Uniformes furent adoptés Ensuite en 1999 et en Mars 2000
deux autres actes furent adoptés . Enfin le dernier né de
l'OHADA a été adopté en 2004, il s'agit de l'Acte Uniforme
relatif au transport de marchandises par route. Cela étant , on peut
dire qu'en moins d'une décennie le processus d'harmonisation entrepris
par l'OHADA a permis l'adoption de (8) huit Actes Uniformes, comportant plus
de deux mille (2000) articles. Ce qui constitue sans doute une oeuvre juridique
d'une portée capitale.
Ainsi considérées par rapport
à leurs objectifs et principes, il est à dire que ces deux
institutions inter gouvernementales que sont l'UEMOA et l'OHADA, ont sommes
toutes pour ambition, une Unification de leurs différentes
législations. Une telle option est certainement due au fait que les
promoteurs de l'Intégration se sont rendus compte, que même si
derrière leur volonté de mise en commun, l'idéal
escompté est un accroissement de la croissance économique de
leurs Etats, cet objectif serait vain et inaccessible, si la réforme du
droit et son développement étaient laissés en chantier.
Pour son éclosion économique, l'Afrique, particulièrement
sa partie ouest puisque notre étude s'y bornera, doit donc ordonner une
règle de droit forte, stable, et respectée, à même
d'établir un environnement juridico économique
sécurisé. En effet pour l'attrait des investissements
étrangers, il faut qu'il y'ait en Afrique une certaine
sécurité juridique et judiciaire. Ce qui ne peut avoir lieu que
si et seulement si une même et unique règle de droit est
élaborée dans tout l'espace ouest africain. A défaut ce
manque de règles identiques dans nos législations va certainement
freiner l'entrée des capitaux, et de surcroît provoquer un
déséquilibre de développement. Car entre deux Etats qui
prévoient des législations différentes dans un même
domaine du droit des affaires par exemple en matière fiscale,
l'investisseur portera nécessairement son choix sur le pays dont la
législation lui est favorable. Sous ces éclairages , c'est dire
que les créateurs de l'OHADA et de l'UEMOA sont convaincus que pour
réussir l'Intégration économique , il faut de prime abord
s'employer à la réalisation de l'Intégration juridique ,
qui va sous tendre et encadrer la première.
C'est pourquoi en marge de la volonté de
création du marché commun africain , dont la réalisation
s'inscrit sur un registre progressif qui doit s'achever à l'horizon
2028 , selon le traité d'Abuja du 12 Mai 1994 instituant la
communauté économique africaine (CEA) , l'Afrique de l'Ouest
via ses deux communautés entre autres , veut mettre sur pied un corps
de règles souples , simples , et adaptées aux
réalités des économies africaines , afin de faciliter la
réalisation du futur marché africain .
Pour réussir une telle prouesse, les deux
entités avaient le choix entre deux procédés juridiques
.Soit s'adonner à une harmonisation pure et simple des
différentes législations, celle-ci consisterait à modifier
les dispositions existantes, afin de les mettre en harmonie entre elles ou avec
une réforme nouvelle, mais tout en respectant le particularisme de
chaque législation interne. Un tel résultat s'obtenant par le
biais de technique juridiques douces, n'indiquant aux Etats que les buts
à atteindre, leur laissant le libre choix des moyens et de la forme
.Soit comme deuxième option procéder de manière plus
accusée, plus audacieuse, à une uniformisation de leurs
législations .En définitive ces deux organisations jugées
comme des exemples parfaits d'une Unification législative en Afrique ,
ont porté leur choix sur le second terme de l'alternative, en
l'occurrence la formule de l'uniformisation. Celle-ci constitue une
méthode plus radicale de l'Intégration juridique, puisqu'elle
consiste à effacer les différences entre les législations
nationales en leur substituant un texte unique rédigé en des
termes identiques pour tous les Etats concernés. De surcroît cette
technique de l'Uniformisation obéit au principe de la
supranationalité, qui permet d'introduire directement des normes dans
l'ordre interne des Etats membres.
Sous ce rapport, il est fort justifié de
soutenir que l'OHADA et l'UEMOA sont des illustrations parfaites d'une
Intégration juridique très élaborée .Elles sont des
entités non étatiques créées par un Traité
de base, et elles assurent concurremment ou parallèlement aux Etats,
des activités dont ces derniers avaient traditionnellement le monopole.
Leur existence a permis la création d'un dense réseau de
coopération, avec des mécanismes de contrôle et de
direction prévus par le droit communautaire originaire et
développés par le droit dérivé.
Mais au-delà du cadre théorique,
très porteur d'espoirs, un certain nombre d'interrogations s'impose
à nous, pour nous permettre justement de mieux appréhender notre
étude. En effet peut -on postuler l'émergence de
solidarités, de coopérations nouvelles, fondées non plus
sur une communauté de langues, mais sur une proximité
géographique sous l'effet des politiques d'ajustement structurels
initiés depuis 1980 ? Comment est ce qu'il convient
d'appréhender la création de ces deux organisations à
vocation régionale, et continentale ? Apparaissent elles comme
concurrentes ou comme complémentaires de l'action des autres organismes
internationaux ? Est-ce qu'entre l'UEMOA et l'OHADA, il n'existe pas
parfois un double emploi ? Une concurrence législative qui risque
de biaiser leurs ambitions communes. Dans leur élaboration, les textes
communautaires prennent ils en considération tous les facteurs locaux ?
Mais surtout notre préoccupation sera de savoir est ce que l'application
du droit communautaires est aussi uniforme comme le sont les textes
eux-mêmes. En somme est ce qu'il y a des entraves certaines à la
dynamique d'Intégration juridique ? Ces questions justifient
déjà tout l'intérêt de l'étude de ce sujet.
En effet toutes ces questions vont nous servir
de pistes de réflexions dans le cadre de cette étude qui fait
montre d'un certain nombre d'intérêts. D'une part il permet de
savoir comment est ce que le droit est aujourd'hui mis au service des
ambitions économiques de l'Afrique en générale. Ce sujet
va nous renseigner sur les procédés utilisés pour la
construction de l'Unité du Droit, certes insuffisante mais
nécessaire pour l'essor économique de l'Afrique de manière
générale, de l'ouest en particulier .L'autre aspect du sujet
nous ferra remarquer que même sil y a aujourd'hui une volonté
ferme de nos Etats, à l'instauration d'une Unité de nos
législations. Dans beaucoup de domaines de la discipline juridique des
efforts certains restent à faire, les entraves se
révèlent. Des pans entiers du droit des affaires demeurent
à la discrétion réglementaire des Etats , compte non tenu
de l'ineffectivité parfois notée des normes communautaires , du
fait que les juridictions en font fi .
Au demeurant, pour essayer d'apporter
réponse à la problématique soulevée plus haut,
dans une perspective comparative, je m'emploierai à mettre en exergue
les acquis de l'heure, c'est-à-dire les réalisations
concrètes de l'UEMOA et de L'OHADA. D'autre part au cas par cas, la
réflexion sera portée sur les points d'achoppement, à
savoir les obstacles aux quels font face les promoteurs de l'Intégration
juridique. Enfin des solutions jugées idoines pour
l'accélération du processus d'Intégration seront
préconisées. Pour ce faire dans une structure bipartite nos
propos seront axés sur la supranationalité des organes
d'impulsion du droit unifié (Titre I), et d'autre part le domaine du
droit intégré
et les entraves à l'Intégration juridique,
constitueront le second maillon de notre analyse (Titre II)
TITRE I : La supranationalité des organes
d'élaboration du droit unifié
L'UEMOA et l'OHADA sont deux organisations
internationales de l'AFRIQUE qui ont été créées,
en réaction à un environnement économique
défavorable. Leurs Etats membres veulent aujourd'hui jouer sur leurs
complémentarités afin de réduire leurs fragilités
conjoncturelles. Pour ce faire, ils ont jugé qu'il fallait de
manière uniforme asseoir les solides bases d'une réglementation
juridique, qui devra favoriser leur essor économique. C'est cette
technique d'Unifications des législations, autrement dit
Intégration juridique qui va engendrer dans les relations entre les
Etats membres et les nouvelles entités, l'avènement du concept
de supranationalité. Ce principe de la supranationalité qui est
défini par Robert Schuman comme intermédiaire entre
l'individualisme étatique et le fédéralisme, va placer
tous les nouveaux organes d'élaboration du droit unifié, en haut
de ceux dont disposaient traditionnellement les Etats parties. L'application
effective du principe supranational, jugé par ailleurs comme le garant
de l'Intégration, a permis la mise sur pied et le perfectionnement de
mécanismes très élaborés. Sur la base d'un tel
principe qui fonde aujourd'hui nos deux communautés, nous allons dans le
premier maillon de cette étude, présenter leur architecture
institutionnelle (chapitre I), et leur système normatif (Chapitre II)
tous deux identiques dans les deux entités inter étatiques.
CHAPITRE I : Une architecture institutionnelle
identique dans les deux entités
inter étatiques
Pour la réalisation des ambitions économiques
qui sous tendent leurs créations, l'UEMOA et l'OHADA présentent
de manière homogène un puissant système ou ordre
juridique, qui résulte d'un renforcement de leur moyens d'action au
plan matériel, humain, mais surtout juridique. En effet les
traités constitutifs ont un objet résolument institutionnel,
certains estiment même qu'il s'agit de charpentes constitutionnelles.
C'est ainsi qu'au sein des deux entités, on trouve des organes
politiques, qui sont d'une part des organes de délibération et
de direction (section I) et d'autre part des organes d'exécution et de
contrôle (section II).
SECTION I : Les organes de délibération
et de direction
A l'image de toutes les autres
organisations régionales ou sous régionales qui existent dans le
monde. Au niveau de l'UEMOA (paragraphe I), comme au niveau de l'OHADA
(paragraphe II). Les deux institutions se sont dotées de structures
qui sont sous la houlette des Etats membres eux-mêmes. En vue de
l'adoption de tout acte nécessaire à l'accomplissement des
différentes tâches qui sont prévues dans leurs Traites de
base.
PARAGRAPHE I : Les instances de
l'UEMOA
La conférence des chefs d'Etat est
l'autorité suprême de l'Union, et la périodicité des
rencontres est d'une fois par année. Selon l'article 17 du Traité
c'est cet organe qui définit les grandes orientations de l'entité
inter gouvernementale, et les décisions y sont prises à
l'unanimité. Après la signature du Traité de l'Union le
10 Janvier 1994, la première conférence des chefs d'Etat et de
gouvernement de l'UEMOA s'était tenue le 10 Mai 1996 .Ensuite au
second niveau de l'échelle, il y a le Conseil des ministres qui selon
l'article 20 du Traité a pour mission de mettre en oeuvre les
orientations générales de l'Union .Il se réunit au
moins deux fois par année, et il est composé principalement des
ministres des Finances. Mais n'empêche que tout ministre dont un point de
discussion intéresse son secteur sera convié à la
rencontre. Pour la réalisation de la mission qui lui est
dévolue, le Conseil édicte les actes à caractère
obligatoire, à savoir les Règlements, les Directives, ainsi que
les décisions. Cela étant, c'est dire que le Conseil joue le
rôle d'organe législatif, et c'est d'ailleurs à ce titre
qu'il vote le budget de l'Union.
Egalement comme autre organe, il y a la Commission qui peut
être définie comme l'organe moteur de l'entité ouest
africaine. En effet c'est elle qui propose les textes de lois, qui adresse avis
et recommandations aux deux autres entités qui la surplombent. Elle a
aussi la faculté de saisir la Cour de justice de l'Union. En outre en
tant qu'organe d'exécution, c'est naturellement la commission qui
exécute le budget de l'Union pour la réalisation des
différents objectifs définis par l'organe suprême. La
Commission siège à Ouagadougou nous renseigne l'article 26 du
Traité, en effet elle a hérité du siège ouagalais
de la défunte CEAO (communauté économique de l'Afrique de
l'Ouest). Elle est composée de (8) huit commissaires, chacun ayant la
nationalité d'un Etat membre. Ils sont nommés pour une
durée de (4) quatre ans renouvelable par la Conférence sur la
base de critère d'intégrité et de compétence .Au
demeurant, chaque commissaire a la stricte obligation d'exercer ses fonctions
en toute indépendance et il ne leur est permis d'exercer aucune autre
fonction rémunérée ou non.
Ainsi mis en lumière pour l'UEMOA, la
structure de direction se prête à la même configuration au
sein de l'OHADA.
PARAGRAPHE II : Les instances de
l'OHADA
Dans le cadre de l'OHADA, l'article 3 du
Traité nous renseigne que pour la conduite de sa mission,
l'organisation pour l'harmonisation en Afrique du droit des affaires (OHADA),
compte comme structure de direction, un Conseil de ministres qui est
assisté d'un Secrétariat permanent auquel est rattaché une
Ecole Régionale Supérieure de la Magistrature. En effet c'est le
Conseil des ministres qui, au sein de l'organisation assure à la fois le
pouvoir normatif et le pouvoir de décision. De tels pouvoirs qui lui
sont dévolus, se manifestent ainsi par le choix des matières
à uniformiser. C'est ainsi que, après avoir
arrêté une liste de (8) Actes Uniformes à l'heure actuelle,
l'article 2 du traité réserve à la seule structure qu'est
le Conseil de ministres, la faculté d'adjoindre à la liste toute
autre matière qu'il déciderait à l'unanimité. Comme
autre pouvoir, c'est logiquement au conseil que revient la faculté
d'adoption des Actes Uniformes. L'article 8 du Traité affirme à
ce propos la compétence exclusive du Conseil, relativement à
l'adoption des Actes Uniformes. S'il en est ainsi, c'est dire qu'en cette
matière l'exécutif légifère ; il n'y a plus de
séparation de pouvoirs. Mais également, en vue de l'application
du Traité il appartient au Conseil de prendre à chaque fois que
de besoin, des actes, tels que les règlements, à la
majorité absolue des membres. D'ailleurs à ce jour (5)
règlements3(*) ont
été pris en application du Traité OHADA. A
côté du Conseil, l'organisation pour l'harmonisation en Afrique du
droit des affaires, a une autre structure comme dit plus haut. Le
Secrétariat permanent, selon l'article 6 du Traité, a pour
mission la préparation des différents Actes Uniformes en
parfaite concertation avec les gouvernants des Etats parties. Ensuite à
chaque fois que le Conseil porte son choix sur une matière devant faire
l'objet d'uniformisation, c'est le Secrétariat qui communique aux
gouvernements des Etats, les projets d'Actes Uniformes. C'est-à-dire la
matière du droit des affaires que l'OHADA entend dans l'immédiat
singulariser pour ses Etats membres. Et enfin, à l'expiration du
délai prévu dans la procédure de communication, et de
contrôle. C'est le Secrétariat permanent qui met au point le texte
définitif du projet d'Acte Uniforme, dont il propose l'inscription
à l'ordre du jour du prochain Conseil des ministres. Sous ces
considérations, on peut affirmer que les deux entités ouest
africaines qui constituent l'objet de notre propos, présentent des
similitudes certaines quant à la configuration de leur structure de
direction. Dans l'UEMOA, la Commission constitue le noeud gorgien de l'Union,
et il trouve son pendant dans l'OHADA à travers l'institution qu'est le
Secrétariat permanent. Ces deux structures dans les deux entités
communautaires respectives sont chapotées par deux organes très
politiques, d'où émanent les grandes orientations en
matière juridique. Il convient dans le même ordre d'idée de
vérifier maintenant, ce qu'il en est de leurs différents
organes de contrôle.
SECTION II : Les organes de contrôle et de
sanction
Etant donné que tout ordre juridique
constitue d'une part, un ensemble organisé et structuré de
normes juridiques, possédant leur propre source, dotées d'organes
et de procédures aptes à les émettre, et à les
interpréter. Mais d'autre part, dès lors que pour assurer
l'effectivité de cet ordre juridique , il faut également des
structures qui ont pour seul office , de constater et de faire sanctionner ,
le cas échéant les violations tant des normes que des
orientations qu'elles indiquent. Nous constatons au sein de l'UEMOA
l'existence de cours juridictionnelles (paragraphe I), et également
d'une cour communautaire de justice et d'arbitrage dans l'OHADA (paragraphe
II)
PARAGRAPHE I : Les
différentes juridictions de l'UEMOA
L'UEMOA compte un certain nombre
de cours juridictionnelles, qui ont sommes toutes pour mission d'assurer le
contrôle des éventuelles violations aux normes unifiées,
afin que le droit régional qui est entrain de se construire soit
effectif. Ces cours dont il s'agit ont une compétence élargie sur
l'ensemble du territoire de l'Union. Il y a à ce propos la Cour de
Justice de l'UEMOA, qui peut être définie comme la clef de
voûte du contrôle juridictionnel au sein de l'Union. En effet
selon le protocole additionnel n° 10 /96 portant statuts de la Cour
de Justice de l'Union économique et monétaire ouest africaine, la
Cour instituée par le Traité et le protocole additionnel, dont
le siège se trouve à Ouagadougou, a pour mission :
l'arbitrage des conflits entre les Etats membres, ou entre l'Union et ses
agents. La Cour est composée de juges, un juge par Etat4(*). Ils sont nommés pour un
mandat de 6 ans renouvelable une fois par la Conférence. Avant d'entrer
en fonction, les membres de la Cour prêtent serment devant la Cour
5(*) . On a également
la Cour des Comptes, qui contrôle les comptes des organes de l'Union,
ainsi que la fiabilité des données budgétaires
nécessaire à l'exercice de la surveillance multilatérale.
Enfin on a le Comité inter parlementaire, qui préfigure le
Parlement de l'Union, lequel organe sera chargé du contrôle
démocratique des organes de l'Union .Il faut noter que le Parlement de
l'Union a été institué par le Traité du 23 Janvier
2003, signé par les 8 présidents des Etats de l'Union.
Au demeurant, il faut aussi noter qu'à
côté des organes de direction, qui sont chargés d'impulser
une orientation générale sur l'ensemble du territoire de
l'Union. Et des organes de contrôle, qui sont les garants de la
volonté d'unification juridique. L'UEMOA compte d'autres organes. C'est
d'une part les organes consultatifs, tels que la chambre consulaire
régionale, qui est chargée de réaliser l'implication du
secteur privé dans le processus d'intégration. C'est d'autre
part, les institutions spécialisées et autonomes. Il en est ainsi
de la BCEAO, qui bénéficient du privilège
d'émission de signes monétaires sur le territoire de l'Union.
C'est aussi la BOAD, qui contribue au financement, et à
l'amélioration des conditions et moyens de production dans l'Union. On a
également la BRVM (bourse régionale des valeurs
mobilières), qui par le canal du marché financier qu'il dirige,
participe au financement de l'entreprise. Ces organes certes n'ont pas de
compétences législatives, ou juridictionnelles. Mais jouent un
rôle d'une importance non moindre, dans le cadre de la volonté de
mise en commun. Car dans les domaines respectifs où ils se
déploient, l'existence d'une discipline juridique unique est toujours
notée dans l'espace UEMOA. Par ailleurs, à l'image de l'UEMOA,
c'est le même souci de contrôle qui anime les promoteurs de
l'OHADA.
PARAGRAPHE II : La Cour Commune de
Justice et d'Arbitrage de
L'OHADA
Pour assurer une marche sûre, solide, et
assurée vers l'intégration juridique, sur tout le territoire
des 16 Etats membres. L'organisation communautaire a mis sur pied depuis sa
création, une cour communautaire qui doit jouer le rôle de
sentinelle sur l'intégralité des territoires de l'Organisation.
En effet au regard du Titre III du Traité du 17 octobre 1993
instituant l'OHADA. La Cour de Justice et d'Arbitrage a compétence par
rapport à tout ce qui relève du contentieux relatif à
l'interprétation et à l'application des Actes uniformes. Si le
contentieux relatif à l'application des Actes Uniformes demeure à
la compétence des juridictions nationales, en première instance
et en appel. C'est à la CCJA qu'est dévolue la mission d'assurer
dans les Etats parties, l'application et l'interprétation commune du
Traité et des règlements pris pour son application, et des Actes
Uniformes. Pour ce faire la CCJA jouie de fonctions juridictionnelles,
consultatives, et arbitrales.
En matière juridictionnelle, la Cour est
saisie par la voie du recours en cassation. La cour au stade de la cassation,
se prononce sur les décisions rendues par les juridictions d'appel des
Etats membres, dans toutes les affaires soulevant des questions relatives
à l'application des Actes Uniformes et des Règlements .A
l'exception toutefois des décisions impliquant des sanctions
pénales. La CCJA se prononce également sur les décisions
non susceptibles d'appel rendues par toute juridiction des Etats parties, dans
les mêmes contentieux. Mais en matière de cassation, l'OHADA
présente une certaine originalité .Car à ce niveau,
contrairement aux juridictions nationales de cassation qui sont de simples
juridictions de droit. La CCJA en tant que juridiction de troisième
degré évoque et statue au fond de l'affaire. Cette option de
l'OHADA, se justifie par la volonté très manifeste d'imposer une
réglementation juridique unifiée, unique pour tous les Etats de
l'OHADA. Car si la CCJA a la faculté d'évoquer et de statuer au
fond, quand un litige est porté à sa connaissance. Cela permet
à la Cour non seulement d'indiquer la juste application de l'Acte
Uniforme ou du Règlement. Mais en outre lorsqu'elle évoque et
statue sans renvoie cela permet de gagner du temps, d'éviter les
divergences de solutions qui proviendraient des différentes cours
d'appel nationales, et le risque d'un second pourvoi devant la cour
supranationale. Cette option originale de la CCJA a entre autres vertus celle
de réaliser une Unification de la Jurisprudence. C'est d'ailleurs pour
cette raison que la Cour publie périodiquement ses Arrêts dans un
recueil spécialement prévu à cet effet. A titre
d'exemple, dans une affaire rendue en Avril 2002 6(*) , la Cour commune a évoqué et
prononcé une condamnation après avoir cassé l'Arrêt
de la Cour d'Appel d'Abidjan, pour avoir déclaré recevable
l'appel qui a été interjeté hors délai, violant les
dispositions de l'article 49 de l'Acte Uniforme portant organisation des
procédures simplifiées.
La Cour commune a également des fonctions en
matière consultative. En effet selon l'article 14 alinéa 2 du
Traité de l'OHADA ; la Cour peut être consultée par
tout Etat partie, ou par le Conseil des ministres pour toute question relative
à l'application des Actes Uniformes et Règlements. La même
faculté est également reconnue aux juridictions nationales
saisies pour les mêmes questions. En outre la CCJA a des
compétences arbitrales, car l'objectif de l'OHADA est de promouvoir
aujourd'hui, le règlement de tout litige relatif à l'application
des Actes Uniformes par le recours à l'arbitrage. En effet
l'organisation veut aujourd'hui casser le monopole de l'arbitrage
étranger qui avait cours, même lorsque le litige faisait
intervenir un Etat ou une entreprise africaine .Ainsi l'OHADA a
élaboré un système dualiste d'arbitrage : d'une part
il existe un Acte Uniforme relatif à l'arbitrage de manière
générale . Il s'agit de l'Acte Uniforme du 11mars 1999,
entré en vigueur le 15 juin de la même année. Il
régit l'arbitrage ad hoc et les arbitrages qui se tiennent sous les
auspices des centres nationaux d'arbitrage, telle que la chambre de commerce,
d'industrie, et d'agriculture de Dakar (CCIA) ou la cour d'arbitrage de la
Côte d'Ivoire (CACI). D'autre part il existe un système
d'arbitrage conçu et placé sous les auspices de la CCJA,
régi par les articles 21 à 25 du Traité, et par les
dispositions du règlement d'arbitrage du 11mars 1999. S'il en est ainsi
c'est dire pour le préciser, que l'organe communautaire qu'est la CCJA,
en tant que tel n'arbitre pas.
En somme, on peut affirmer que ces deux
entités communautaires africaines, ont chacune mis sur pied un
système institutionnel efficace, pour la réalisation de leurs
ambitions communes d'intégration juridique. Leur système
institutionnel est matérialisé en effet par l'existence
d'organes, qui élaborent la nouvelle orientation juridique des
communautés, et par d'autres qui veillent à l'application et au
respect strict de la lettre et de l'esprit des règles juridiques
unifiées. Ces organes ainsi considérés, jouissent de la
valeur supranationale qui les place en haut de l'échelle
régionale. C'est à dire que ces producteurs et garants du
droit régional, se superposent à tous les autres organes qui
dans l'ordre interne des Etats assuraient à l'origine le même
rôle que celui qui leur est dévolu aujourd'hui dans le processus
d'Intégration Juridique. Après avoir exposé la
configuration de leur architecture institutionnelle, il conviendra de voir dans
une phase nouvelle de notre analyse, le contenu, la teneur, mais surtout la
nature identique de la production normative des deux communautés.
CHAPITRE II : Un système normatif identique
dans les deux
entités inter
étatiques
L'ordonnancement juridique est la
manière dont sont disposées dans la nature et dans la
hiérarchie, les normes qui matérialisent une
réglementation juridique donnée. A ce niveau également les
orientations de nos deux communautés semblent converger. Cela est
caractérisé par la convergence des principes posés par les
Traités institutifs de droit Primaire (Section I), et par
l'édiction dans les deux communautés de différentes normes
qui constituent le droit Dérivé (Section II)
SECTION I : La convergence des principes posés
par les Traités institutifs de
droit Primaire
Les droits originaires ou normes suprêmes
ayant posé les fondements de l'Intégration juridique dans l'OHADA
et dans l'UEMOA, ont les mêmes orientations stratégiques. De ce
fait, ils ont posé le principe du transfert de compétence
(Paragraphe I) et ambitionnent dans les deux communautés, la
création de l'état de droit économique (Paragraphe II)
PARAGRAPHE I : Le transfert de
compétences des Etats vers les
Organes
institutionnels.
Il s'agira à ce niveau de voire
l'affirmation du principe de transfert de compétences par les deux
institutions (A), pour ensuite mettre l'accent sur les modalités du
transfert de compétences (B) posés au niveau des traités
de base
A : Le principe du transfert des
compétences
On peut dire que c'est ce premier principe
dégagé par les Traités de base, et cela octroie aux
organes institutionnels les moyens de leurs missions. Les Etats parties
à l'UEMOA et à l'OHADA ont construits aujourd'hui un champ
d'affinité et d'intérêts communs qui constitue leur espace
intégré. Mais cette communauté n'est pas un Etat
fédéral, car celui-ci est constitué d'Etats
indépendants unis de plein gré, construit de bas en haut dans le
respect total du pouvoir de décision des différentes parties
réunies dans le pouvoir suprême, toujours exercé en commun.
Dans une telle structure le pouvoir de décision, émane toujours
des citoyens de chaque Etat membre. La communauté n'est pas non plus un
Etat nation, doté d'un centre d'impulsion unique d'un pouvoir
légitimé par la volonté populaire.
Le fonctionnement des cadres intégrés comme
l'UEMOA et l'OHADA présente en vérité une certaine
spécificité. En effet eu égard à la nouvelle
configuration de l'économie mondiale, la dépendance des
économies nationales à l'égard des échanges
internationaux, la souveraineté de l'Etat n'est plus qu'un un mythe.
Les Etats sont en situation d'interdépendance accrûe entre eux,
et c'est justement ce qui a changé les données en matière
réglementaire. A travers le développement concret d'une
activité juridique, l'intégration fonctionnelle dégage la
voie de dépasser le cadre restreint des Etats sans affronter leurs
souverainetés respectives. Les Etats acceptent aujourd'hui de faire
mandat aux institutions, via les organes crées ; la faculté
d'élaborer, d'orienter et de conduire leurs politiques
réglementaires. Car l'ancien mode de gouvernement hiérarchique,
verticale, normalisé et enraciné dans la structure de
l'Etat-nation, n'est plus adapté au système réglementaire
et normatif multi niveaux, que la diversité et la
nécessité des temps modernes sont entrain de faire
émerger. C'est ainsi que dans le cadre aussi bien de l'UEMOA que de
l'OHADA, le transfert des compétences en matière juridique se
traduit par l'existence d'organismes, de mécanismes et de pouvoirs
juridiques qui se superposent aux dispositifs nationaux. Dans l'Union par
exemple, l'article 17 du Traité dispose que c'est la Conférence
des chefs d'Etat et de gouvernement qui définit les grandes orientations
de la politique de l'Union, et à chaque fois que de besoin il adopte des
Actes Additionnels, dont le respect s'impose à tous les organes ainsi
qu'aux autorités des Etats membres. Conformément à cette
disposition, il apparaît que les Etats conviennent de transférer
à l'Union tout pouvoir réglementaire, dans les domaines
où le traité ainsi que les actes qui le complètent
interviennent. Mais par rapport au domaine purement juridique, c'est l'article
60 qui renseigne de manière très explicite sur le principe de
transfert. A cet effet il dispose que :
« Dans le cadre des orientations prévues
à l'article 8, la conférence des chefs d'Etat et de gouvernement
établit des principes directeurs pour l'harmonisation des
législations des Etats membres ... ». Et l'alinéa 3 de
l'article 65 d'ajouter que les Etats sont tenus d'harmoniser leurs politiques
fiscales, selon la procédure prévue aux articles 60 et 61. Sous
ces considérations, c'est dire que, dans les domaines visés par
le Traité à l'heure actuelle, la politique législative des
Etats parties à l'Union est l'apanage unique des organes
institutionnels. L'entité inter gouvernementale élabore la
réglementation uniforme en haut de l'échelle régionale et
les Etats sont dans l'obligation de prendre tous les actes positifs
nécessaires pour concourir aux objectifs de l'Union dans le domaine
juridique. Pour ce qui est de l'OHADA, la dénomination de cette
institution renseigne déjà sur le principe du transfert de
compétence. En effet l'organisation se donne pour objectif d'harmoniser
l'ensemble des matières qui relèvent du droit des affaires.Ce qui
veut dire que chaque Etat qui décide d'adhérer aux ambitions de
l'organisation en prenant part au traité, par la ratification. Accepte
par conséquent de transférer tout pouvoir réglementaire
dans le domaine des affaires, à l'organisation. A ce titre l'article 3
dispose que : « La réalisation des tâches
prévues au présent traité est assurée par une
organisation dénommée Organisation pour l'harmonisation en
Afrique du Droit des Affaires(OHADA) comprenant un conseil des ministres et une
cour commune de justice et d'arbitrage... » . Ainsi pour toutes les
matières relevant du droit des affaires énumérées
par l'article 2, seule l'organisation dispose aujourd'hui de la
compétence pour y légiférer.
De tout ce qui précède c'est dire que
les Etats parties aux deux entités institutionnelles que sont l'UEMOA et
l'OHADA , ont décidé aujourd'hui de déléguer
l'intégralité de leurs pouvoirs en matière
règlementaire. Ce transfert de compétence est
suggéré par le principe de la supranationalité qui sous
tend toute la dynamique d'intégration juridique. Les institutions sont
au dessus des organes législatifs nationaux, par conséquent elles
sont seules habilitées à bâtir un système juridique
unique pour l'ensemble des Etats. Par ailleurs il convient maintenant de voire
comment est ce que le principe est mis en oeuvre au sein des deux
entités.
B : Les modalités du
transfert des compétences
Avec la nouvelle configuration de l'économie
mondiale, les Etats parties aux Traités de l'OHADA et de l'UEMOA ont
senti l'impérieuse nécessité de transférer selon
les domaines visés, la totalité de leurs compétences en
matière réglementaire, aux structures instituées à
cet effet. Cette option supranationale s'exerce concrètement par le
biais d'un certain nombre de procédés, permettant aux
entités institutionnelles d'agir au nom et pour le compte des Etats.
Mais par rapport à l'élaboration du droit unifié et son
adoption, les deux entités inter gouvernementales présentent une
certaine différence d'option car au sein de l'UEMOA c'est le principe de
la majorité qualifiée qui est retenu (a), alors que l'OHADA a
prévu la règle de l'Unanimité qui est toute fois non
absolue (b).
a : La prise des décisions
à la majorité qualifiée dans l'Union
En effet dans l'UEMOA, le
Traité de base (articles 11, 25, 29) ainsi que les protocoles,
retiennent le principe de la majorité qualifiée des deux tiers
(2/3) comme technique de prise de décision des organes communautaires.
Il s'agit là d'une procédure à cheval entre le vote
classique de l'unanimité, et le vote à la majorité simple.
Par hypothèse on peut dire que la majorité au sein de l'Union est
égale à 5 Etats, si l'on fait le calcule de (8x2/3). Ainsi
considérée, cette méthode présente comme vertu
majeure celle d'éviter la paralysie des organes de décision,
contrairement à la règle de l'unanimité qui exige
l'assentiment de tous les votants. Elle permet aussi d'éviter les
majorités non significatives pour des décisions trop importantes,
telles que celles relatives au domaine règlementaire. S'il en est ainsi,
c'est dire que le mécanisme juridique de prise de décision,
retenu au sein de l'Union, en l'occurrence la règle des deux tiers
ménage à la fois les souverainetés internes et externes
des Etats, tout en obviant aux blocages des minorités. Par ailleurs une
telle règle est également en phase avec le souci
d'équilibre et de solidarité qui sous tend tout le fonctionnement
de l'Union. Car le fait que l'idée de pondération, liant la
capacité de vote des Etats à leurs contributions
financières ; soit battue en brèche, traduit que l'Union
n'entend pas prêter intérêt au poids économique d'un
Etat. Et par conséquent cela ne lui donne aucune
prépondérance ni privilège sur les autres. En fin de
compte, eu égard à la volonté de rupture des
déséquilibres, par la solidarité et
l'égalité. Chaque Etat membre dans l'Union, dispose d'une seule
voix au sein des organes communautaires.
Dans un autre aspect le traité instituant
l'Union économique et monétaire procède d'une innovation,
qui va au-delà même de l'inter étatisme ; en
opérant une diversification des acteurs juridiques impliqués dans
le processus d'Intégration juridique. En effet à rebours du
monopole traditionnel que les gouvernants conservaient au niveau des
différentes instances communautaires, le traité de l'union
intègre d'autres acteurs dans le jeu institutionnel communautaire. C'est
ainsi que les parlements nationaux, et les organisations privées comme
les chambres consulaires, deviennent des sujets actifs du processus
d'Intégration.
b : La règle de
l'Unanimité non absolue dans l'OHADA
Quant à l'OHADA elle marque une certaine
différence par rapport à l'UEMOA, en ce qui concerne les
modalités de mise en oeuvre du principe de transfert de
compétence. Car au sein de l'OHADA c'est le principe de
l'Unanimité qui est retenu comme mécanisme de prise des
décisions, par l'organe supranational qu'est le Conseil des ministres.
En effet contrairement à l'UEMOA, où pour l'adoption de toute
réglementation uniforme, destinée aux différents Etats
parties, la majorité qualifiée de 2/3 est requise. Dans
l'Organisation l'alinéa 1 de l'article
8 du Traité de base dispose
que : « L'adoption des Actes Uniformes requiert
l'unanimité des représentants des Etats parties présents
et votants ». Sous cet éclairage de la loi, c'est dire que
pour toute prise de décision relative à l'adoption d'un Acte
Uniforme, il faut nécessairement que tous les Etats parties
présents et votants y acquiescent, par un vote unanime. Si l'on
schématise cela veut dire, que si les 16 Etats membres à
l'heure actuelle, se réunissent par exemple pour l'adoption d'un Acte
Uniforme inscrit à l'ordre du jour du Conseil des ministres ; et
que parmi la pluralité d'Etats, un seul refuse l'adoption de l'Acte par
un vote négatif. La réglementation uniforme issue de l'Acte en
question, ne pourra être adoptée par aucun des 15 autres Etats
majoritaires, même s'ils ont voté pour son adoption. Ce principe
de l'Unanimité ainsi considéré, présente une
certaine rigidité qui peut obérer le fonctionnement rapide des
institutions. C'est ainsi que l'alinéa 2 du même article 8 peut
être considéré comme une disposition qui vient en
édulcorer la rigueur. A cet effet il dispose que:« L'adoption
des Actes uniformes n'est valable que si les deux tiers au moins des Etats
tiers sont représentés ». La lecture de ce second
membre de phrase de l'article sus nommé, nous autorise à soutenir
que, même si la règle de l'Unanimité est retenue au sein de
l'Organisation, la fixation du quorum des deux tiers va permettre toute fois
aux institutions de pouvoir légalement se réunir, de prendre des
décisions, d'adopter des Actes Uniformes à l'occasion, sans
l'accord unanime de tous les Etats parties. Compte non tenu du fait que le
dernier alinéa de l'article 8 précise que, nonobstant
l'abstention d'un Etat présent, l'adoption des Actes Uniformes ne serait
bloquée. De manière arithmétique, étant
donné que l'OHADA compte 16 Etats, le quorum est donc égale
à : (16 x 2 : 3=10,6). Si l'on procède par
défaut la présence de 10 Etats devrait suffire pour permettre le
vote d'un Acte Uniforme. S'il en est ainsi c'est dire que l'OHADA fait montre
d'une certaine différence par rapport à l'UEMOA, lors même
que pour la réussite de leur cause commune à savoir l'Unification
législative, leurs Etats respectifs ont prévu de leurs octroyer
toutes leurs prérogatives dans ce domaine, pour les matières
prioritairement arrêtées. L'Organisation d'harmonisation
législative de l'Afrique, a retenue la règle de
l'Unanimité, mais l'institution du quorum des 2/3 vient heureusement
fléxibliser le mécanisme de prise de décision, afin de
pallier à toute éventualité de blocage. C'est ainsi que,
à bien y regarder cette différence d'option entre les deux
institutions est à relativiser. Car si pour l'OHADA le quorum est de
2/3, et par hypothèse si ce quorum venait à être juste
atteint, l'adoption d'une décision ne pourrait se faire
éventuellement qu'à l'unanimité des 2/3. On peut dire que
de manière implicite l'Organisation consacre la même règle
de la majorité qualifiée des 2/3 comme l'UEMOA.
Cependant même si l'on ne renie nullement le
mérite de la fixation du quorum, son couplage avec la règle de
l'Unanimité, surtout dans un domaine aussi sensible que la
réglementation juridique, peut à bien des égards poser
des problèmes de cohérence, de légitimité et
d'adhésion. En effet si l'on part du principe que la règle de
l'Unanimité, c'est le vote positif de toutes les parties acquises
à une même cause. Toute rencontre de l'institution devant aboutir
à l'adoption d'un Acte Uniforme doit légitimement se faire avec
la présence de tous. A contrario comment pourrait on envisager, la
transposition par un Etat sur son territoire, d'une réglementation dont
il n'a pas approuvée l'adoption finale par son vote. Même si au
préalable dans la procédure d'adoption, les Etats ont la latitude
nécessaire pour donner leurs observations sur les projets d'Actes
Uniformes à leurs être communiquées par le
secrétariat permanent. Afin de les légitimer, l'idéal
aurait été qu'à chaque fois tous les Etats soient dans
l'obligation légale de se présenter, pour se prononcer à
l'occasion du vote, quitte à ce que l'Organisation les contraignent par
une mesure spécifique : une amende ou une menace d'exclusion de
l'Organisation. Par ce que si la réglementation communautaire permet la
tenue de rencontre, et le vote d'une réglementation uniforme à
l'absence d'un Etat donné conformément à la règle
du quorum, c'est à vrai dire une manière, d'ignorer la voix d'un
Etat partie, mais aussi et surtout cela favorise l'absentéisme des
Etats. La règle de l'Unanimité est par ailleurs faussée
dans son principe, et par conséquent cela peut être la cause d'un
certain nombre de problèmes futurs, tel que l'ineffectivité par
exemple d'un Acte Uniforme sur un territoire national. Le seul argument que
l'on peut donner pour justifier l'option de l'Organisation, c'est de dire qu'en
posant la règle de l'Unanimité couplée avec un quorum, les
Etats parties veulent mutuellement se mettre au pied du mur. En effet dans la
mesure où ni l'absence d'un Etat, ni son abstention malgré sa
présence, ne font pas obstacle à l'adoption d'un Acte Uniforme,
ont peut dire que c'est une manière pour l'Organisation
d'accélérer le processus d'Unification législative. Et les
Etats parties sont tous avertis par rapport à leurs nouvelles
responsabilités. En définitive, on peut dire que dans les deux
entités considérées, le transfert de compétence de
la part des Etats, est à un niveau très avancé. Les
organes communautaires ont la faculté légale de prendre des
décisions auto exécutoires, car s'imposant directement dans tous
les Etats sans le secours d'aucune procédure au plan interne. C'est en
effet le cas des décisions des Conseils de ministres, du
Secrétariat permanent, de la Commission, ou encore des cours
juridictionnelles. Par ailleurs après avoir mis en exergue ce premier
principe, qui à vrai dire sous tend aujourd'hui toute la marche
unifiée du droit au plan communautaire. Il convient de jeter le pont sur
le second principe fondamental, qui se confond avec les objectifs de nos
institutions.
PARAGRAPHE II : La création
de l'état de droit économique
L'objectif de création de l'état de
droit dans le contexte actuel de
l'internationalisation croissante des échanges
économiques et financiers au sein de l'Afrique francophone, est
suggéré par la création d'un environnement juridique
favorable au développement économique (B), mais au
préalable une telle prouesse ne peut passer que par une unification
législative dans les deux communautés (A)
A : L'affirmation du principe
d'Unification législative
Les autorités de l'Afrique sont aujourd'hui
convaincues, que pour la création d'un espace régional
politiquement Uni, socialement solidaire, mais surtout économiquement
développé. Elles devront dès l'abord franchir le passage
obligé de l'Intégration juridique. En effet la marche vers
l'Union africaine, que l'on veut sûre, solide, et rassurée, doit
passer nécessairement par deux types de transformations au niveau des
« cercles concentriques » : s'atteler au rapprochement
des politiques économiques et sociales, afin de les rendre compatibles
et cohérentes, d'autre part élaborer un cadre juridique uniforme
ou à défaut fortement harmonisé. C'est ainsi que dans les
traités de base de l'OHADA et de l'UEMOA, nos deux entités
s'engagent résolument à l'institution d'une réglementation
juridique unique et unifiée, pour l'ensemble de leurs Etats parties.
Pour ce qui est de l'UEMOA, c'est tout d'abord le
préambule qui annonce les ambitions du Traité de 1994. Il y est
explicitement prévu, la nécessité d'oeuvrer pour le
développement économique et social des Etats membres, grâce
à l'harmonisation de leurs législations, à l'unification
de leurs marchés intérieurs, et à la mise en oeuvre de
politiques sectorielles communes dans les domaines essentiels de leurs
économies .Outre le préambule, plusieurs dispositions du
Traité même, réaffirment avec rigueur et de manière
aussi explicite, l'ambition d'Intégration juridique nourrie par l'Union.
A ce titre l'article 4§a renseigne
d'abord sur l'objectif de renforcement de la compétitivité des
activités économiques, et financières des Etats membres,
dans le cadre d'un marché ouvert et concurrentiel, et d'un environnement
juridique rationalisé et harmonisé. Ensuite comme pour montrer la
voie devant mener vers la réalisation de ce premier objectif, le
paragraphe E du même article,
prévoit : « l'harmonisation dans la mesure
nécessaire au bon fonctionnement du marché commun, des
législations des Etats membres et particulièrement le
régime de la fiscalité». Dans la même occurrence,
l'article 60 du Titre IV à son chapitre I qui est
intitulé : « De l'harmonisation des
législations » prévoit que l'organe suprême de
l'Union en l'occurrence la Conférence des chefs d'Etats et des
gouvernements, après identification des domaines jugés comme
prioritaires pour le développement économique des Etats, doit
établir des principes directeurs pour l'harmonisation de l'ensemble des
législations nationales qui réglementaient ces dits domaines
.Egalement l'article 21 du protocole additionnel n°2 relatif aux
politiques sectorielles dans l'Union , aborde dans le sens de l'Unification des
législations . Car il prévoit à son paragraphe
d l'harmonisation des cadres réglementaires des
activités industrielles et minières, par le biais d'un code
communautaires des investissements. Toujours au chapitre de l'harmonisation
législative, ou de l'Unification, l'article 65 alinéa 3 du
Traité nous informe que les Etats entendent harmoniser leurs
législations fiscales, afin de réduire les disparités
excessives prévalant dans la structure et l'importance de leurs
prélèvements fiscaux. Ensuite pour garantir la stabilité
du marché commun prévu à la Section 3 du Traité,
l'article 76 à son paragraphe C, prévoit aussi
« l'institution de règles communes de concurrence applicables
aux entreprises publiques et privées, ainsi qu'aux aides
publiques ». Enfin si l'on retourne à l'article 60, comme
pour inciter les Etats à faire preuve de volonté, de
dépassement dans la poursuite de l'idéal d'Unification,
l'alinéa 2 prévoit en substance que la conférence
demeure toujours très attentionnée par rapport aux
progrès réalisés dans le domaine de l'harmonisation, par
d'autres organismes similaires à l'Union, ou poursuivant le même
objectif d'Intégration.
De ce qui précède, c'est dire que
l'UEMOA interpelle ses membres sur l'urgence à faciliter le processus
d'Unification législative, pour en faire une réussite. Car elle
est aujourd'hui la voie empruntée par tous les ensembles
régionaux ou sous régionaux. Donc l'Afrique de l'Ouest de
manière générale, doit faire du rapprochement de ses
diverses législations un sacerdoce, si elle ne veut pas rester en rade
dans ce monde où les enjeux économiques sont sous la
maîtrise des grands ensembles. En attendant de voire dans le second
versant de notre analyse, le niveau de réalisation dans l'UEMOA du
processus d'Unification des règles juridiques ; volet cardinal pour
la réalisation du marché commun de l'Afrique de l'Ouest. Il
convient d'exposer l'état du cadre théorique dans l'OHADA.
Pour ce qui est de l'organisation en Afrique du
droit des affaires, on relève la même affirmation de la
volonté d'Uniformisation, et de rapprochement des différentes
législations des Etats parties. Le Traité ainsi que le
préambule qui le surplombe, et qui est d'égale valeur juridique,
témoignent de manière très claire l'ambition
irréversible de l'organisation, à asseoir aujourd'hui une
harmonisation législative, et d'ailleurs dans la pratique elle est
allée plus loin par ce qu'elle fait bien oeuvre d'Uniformisation. Tout
d'abord il est affirmé dans le préambule que les 16 Etats membres
à l'heure actuelle, sont convaincus que pour la réalisation d'une
communauté économique, dans le cadre très large de
l'Afrique. Il faut nécessairement mettre en place, un droit des affaires
harmonisé, simple, moderne et adapté, pour faciliter
l'activité des entreprises, pour garantir la sécurité
juridique, et favoriser l'investissement. Dans le Traité en tant que tel
l'article premier dispose que : « le présent
Traité a pour objet l'harmonisation du droit des affaires dans les Etats
parties par l'élaboration et l'adoption de règles communes
simples, modernes et adoptées à la situation de leurs
économies, par la mise en oeuvre de procédures judiciaires
appropriées, et par l'encouragement au recours à l'arbitrage
pour le règlement des différends contractuels ». C'est
ainsi qu'à l'article 2 du Traité, une liste non exhaustive de
huit matières relevant du droit des affaires est dressée.
Dès lors à chaque fois qu'un Acte Uniforme est adopté pour
une matière donnée, parmi celles qui sont listées. Toutes
les législations nationales existantes en l'espèce, vont
être abrogées, pour laisser la place à une seule, unique,
mais surtout une uniforme réglementation juridique, propre aux Etats
membres. C'est d'ailleurs pour cette raison, qu'au niveau de chaque Acte
Uniforme, le premier article précise la vocation des dispositions de
l'Acte à s'appliquer sur l'ensemble du territoire de chaque Etat partie
à l'organisation. A l'heure actuelle, onze années après
l'entrée en vigueur du Traité, il ne serait pas injustifié
de soutenir que l'organisation a réussi le pari de l'unification
législative. Car mis à part le droit de la vente, les (8)
matières prioritairement visées ont fait l'objet d'Actes
Uniformes adoptés par le Conseil des ministres.
Sous ces considérations on peut affirmer
qu'au sein de l'UEMOA et de l'OHADA, lors même que le principe
d'Unification législative y soit affirmé, il existe toute fois
une différence dans son affirmation. Car si dans l'Union le
Préambule, ainsi que diverses dispositions du Traité, des
protocoles, des actes additionnels, affirment ou réaffirment l'oeuvre
que l'Union entend réaliser sur le plan législatif. Avec entre
autres des chapitres du traité qui portent des intitulés y
relatifs, par exemple : « De l'harmonisation ». Dans
l'OHADA la remarque est que les promoteurs de l'Intégration juridique,
se sont bornés aux deux véritables affirmations résultant
du préambule et de la première disposition du Traité.
Cette option de l'OHADA n'est pas due à un manque d'ambition de
l'organisation continentale, loin s'en faut, parce que justement celle-ci
envisage d'oeuvrer sur un cadre matériel et spatial, plus vaste que
celui de l'UEMOA. L'OHADA prévoit non seulement l'harmonisation de
l'ensemble du droit des affaires, mais surtout elle entend la réaliser
pour l'Afrique toute entière. La différence entre l'OHADA et
l'UEMOA est due au fait que pour la première, la notion d'Acte
Uniforme, qui désigne sa production normative est déjà
assez éloquente, pour renseigner sur la volonté d'Unification
législative des Etats parties. L'autre explication qui peut
être donnée de la différence d'option dans l'affirmation du
principe d'unification législative, entre l'UEMOA et l'OHADA. C'est le
caractère très politique de l'Union, qui investie des domaines
politiquement très sensibles, où les Etats font montre d'une
certaine jalousie de souveraineté. C'est ce qui explique la persistance,
la réitération à chaque fois de la volonté
d'Intégration Juridique, au niveau des différents actes que
l'Union entend poser. Alors que pour l'OHADA, même si c'est de la
volonté politique dont dépend la réalisation des objectifs
poursuivis. Les matières énumérées par l'article 2,
relèvent en principe du droit des personnes privées. Par
conséquent l'Uniformisation au sein de l'OHADA s'est
avérée moins laborieuse.
L'Uniformisation législative ainsi
énoncée comme objectif, dans les deux entités inter
gouvernementales, est en réalité sous tendue par le principe de
la supranationalité. Car c'est la valeur supranationale dont jouissent
aujourd'hui les organes communautaires, qui confère aux règles
produites par ces derniers, une supériorité sur celles qui
existent au plan national. En effet les règles juridiques internes
doivent se conformer à la nouvelle réglementation communautaire,
ce qui veut dire qu'elles s'abrogent lorsqu'elles lui sont contraires. Au
demeurant, il convient maintenant de voire le regain escompté par les
deux institutions avec la réalisation de leur objectif commun.
B: L a création
d'un environnement juridique favorable au développement
économique
La balkanisation dont le continent noir a
été victime avec l'accession de ses Etats à la
souveraineté internationale, ne s'est pas uniquement bornée au
seul plan politique, le domaine juridique n'a pas été
épargné. En effet les Etats de la zone occidentale de l'Afrique
qui sont parties au traité de l'UEMOA, et qui sont majoritaires aussi
à l'OHADA, ont hérité d'un ordre juridique
dérivé, sinon taillé à la mesure du système
juridique de l'ancienne métropole. La transposition de la règle
juridique, parfois maladroite ou inadaptée à la situation
économique des peuples Africains, a entraîné un certain
désordre dans l'ordonnancement juridique de ces nouveaux Etats.
D'ailleurs fort d'un tel constat, avec une formule assez imagée,
l'ancien président de la Cour suprême sénégalaise
feu monsieur Kéba Mbaye remarquait de manière très
juste ; que le droit ou plutôt les droits se présentaient
dans les pays de la zone franc « en habit d'arlequin fait de
pièces et de morceaux »7(*) . Donc il y avait une « balkanisation
juridique » de la sous région et de tout le continent. Par
exemple en matière de droit des sociétés, certains Etats
en étaient encore à une réglementation relativement
archaïque, alors que d'autres avec des efforts de réformes avaient
pu entre temps disposer d'un corpus de règles nouvelles. Par ailleurs il
arrivait même que dans certains Etats de nouveaux textes soient
promulgués, sans que l'existant ne fasse l'objet d'une abrogation. D'une
telle situation, il en résultait un chevauchement qui plongeait les
opérateurs économiques dans une certaine insécurité
juridique nuisible pour l'économie toute entière. Devant cette
situation nullement encourageante, pour entreprendre une activité
à risques, il est advenu une certaine récession de
l'investissement privé. Alors que pour envisager son décollage
économique, l'Afrique a fortement besoin d'attraire dans son orbite les
investisseurs privés étrangers. Ainsi pour satisfaire un tel
besoin, l'ingénieuse idée est de corriger aujourd'hui, les
avatars du droit africain non pas séparément, mais de
manière uniforme. Cela constitue justement la priorité des
organisations sous régionales ou régionales comme l'UEMOA et
l'OHADA, car leurs Etats sont convaincus que la réussite de leurs
ambitions économiques, est fortement tributaire de celle d'une
Unification juridique. D'ailleurs le préambule du Traité de
l'Union est assez éloquent à ce propos, il y est question de la
nécessité de favoriser le développement économique
et social de tous les Etats grâce à une harmonisation des
législations, à la mise en oeuvre de politiques sectorielles
communes dans les domaines essentiels de leurs économies. Au niveau du
préambule de l'organisation également, celui renseigne d'une
part, que les Etats ambitionnent de créer un nouveau pôle de
développement en Afrique, mais aussi ils sont conscients, qu'une
législation moderne et surtout uniforme doit être appliquée
avec diligence dans les conditions propres à garantir la
sécurité juridique des activités économiques, afin
de favoriser l'essor de celles-ci et d'encourager l'investissement. Dans
l'espace ouest africain, voire dans l'Afrique toute entière,
l'Unification de la règle de droit est donc une préoccupation
politico économique majeure. Cette nécessité d'ordonner
une seule et unique discipline juridique, est concrètement
suggérée par le besoin de stimuler les investissements
privés. Car il s'est avéré que les investisseurs
privés eux même, étaient confrontés à un
certain nombre de contraintes, qui étaient autant d'obstacles pour leurs
activités économiques. En effet ils ont surtout besoin que leur
soit garantie une certaine sécurité juridique et judiciaire, dans
l'exercice de leurs opérations afin que celles-ci puissent
dégager d'importantes retombées pour tout le continent à
travers ses communautés. Ainsi le mouvement vers un droit
régional Unifié qui participe au mouvement général
de la mondialisation, doit normalement entraîner des répercussions
économiques, lesquelles répercussions seront
bénéfiques au décloisonnement des marchés et
surtout à l'attraction des investisseurs étrangers. Ainsi , il
est sûre que pour une entreprise qui exerce par exemple dans plusieurs
pays , l'unité des règles applicables va de manière
considérable faciliter les opérations , qu'il s'agisse de son
organisation juridique, de son fonctionnement ou de ses échanges
commerciaux. De plus l'Unification du droit présente
l'intérêt, d'ordonner un développement harmonieux des pays
concernés, car l'investisseur ne fera plus de choix calculés,
dès lors qu'il aura partout les mêmes avantages. Avec la nouvelle
réglementation Uniforme élaborée par l'OHADA et l'UEMOA,
les multinationales vont se débarrasser du traumatisme de la loi
applicable. Dans toutes leurs opérations entreprises à la fois au
sein des différents pays africains membres des entités inter
gouvernementales dans un domaine précis de l'activité
économique, elles sont désormais averties par rapport à
la réglementation à la quelle elles sont assujetties. Aussi un
phénomène tel que celui des « paradis
pénaux », à savoir des Etats élaborant
exprès une réglementation pénale trop légère
ou presque inexistante, afin d'attirer l'investisseur étranger au
détriment des autres Etats voisins, est-il aujourd'hui
éradiqué. Car la loi est la même partout et pour tous. En
somme on peut dire que la technique d'unification législative, a permis
de rétablir la confiance des investisseurs, elle favorise
également la délocalisation vers l'Afrique de grandes entreprises
étrangères, et en cela elle est un stimulant vers
l'activité entreprenariale, économique par excellence. Au
demeurant, on peut dire qu'avec ce premier principe, les deux institutions
présentent un rapprochement certain quant à leur ordonnancement
juridique, cela est également notable avec l'impulsion par leurs
différents organes respectifs, de normes d'application et de mise en
oeuvre.
SECTION II : L'édiction de règles de
droit dérivé par les deux institutions.
Le droit dérivé est la production
normative des différents organes institutionnels, il est
matérialisé par une variété de normes au sein de
l'UEMOA (paragraphe I), et les Actes Uniformes dans l'OHADA (paragraphe II)
PARAGRAPHE I : Une
variété de normes dans l'UEMOA
Selon leur portée les règles de droit
dérivé peuvent être classées en normes de premier
rang (A), et en normes de second rang (B)
A : les normes de premier rang.
Les actes prévus par le traité de
l'UEMOA sont d'une part, le traité lui-même et les actes
additionnels ou protocoles qui viennent ultérieurement apporter
certaines modifications, en s'incorporant à la norme suprême. Mais
d'autre part il y a ce qu'on appelle les sources dérivées qui
sont constituées des actes pris par les autorités de l'Union pour
l'application du traité. Selon l'article 42 du traité de l'UEMOA,
première disposition du chapitre III intitulé : Du
régime des Actes pris par les organes de
l'Union : « Pour l'accomplissement de leurs missions et
dans les conditions prévues par le présent Traité...Le
conseil édicte des règlements, des directives, et des
décisions ; il peut également formuler des recommandations
et/ ou des avis ; La commission prend des règlements pour
l'application des actes du Conseil et édictes des décisions, elle
peut formuler des recommandations et/ ou des avis ». S'il en est
ainsi c'est dire que les actes du droit dérivé sont
constitués d'abord des règlements et des directives pouvant
émaner du Conseil et de la Commission.
S'agissant des règlements, ce sont des
textes obligatoires dans tous leurs éléments. Mais ce qui fait
surtout leur spécificité, c'est leur valeur normative, car ils
sont directement applicables dans tous les Etats membres dès leur
entrée en vigueur. Ces normes ont donc la même valeur juridique
dans l'ensemble des Etats, et elles s'insèrent dans l'ordre juridique
de chaque Etat, sans nécessiter l'intervention d'un texte
législatif ou règlementaire. On peut citer par exemple le
Règlement n° 15/2002/CM/UEMOA relatif aux systèmes de
paiement dans les Etats membres de l'UEMOA. Ce règlement dote
aujourd'hui à tous les Etats de l'UEMOA d'une réglementation
unique en matière d'effets de commerce (la lettre de change, le billet
à ordre ...). Ainsi considérés, les règlements sont
donc les normes suprêmes du droit dérivé de l'Union. C'est
la raison pour laquelle, lorsque l'entité veut poser un acte fondamental
pour règlementer un domaine déterminé du droit des
affaires, de l'activité économique de manière
générale ; elle a toujours recours à un
règlement. Le premier règlement adopté par le conseil des
ministres date de 1996, c'est le règlement n°1/96/CM portant
règlement de procédure de la cour de justice de l'Union. A
l'heure actuelle le dernier règlement adopté par l'Union c'est le
règlement n°11/2006/CM/UEMOA portant affectation du produit
supplémentaire du prélèvement communautaire de
solidarité de l'exercice 2006
Quant à la Directive, c'est un texte certes obligatoire
parce que s'imposant à tous les Etats membres de l'Union, mais à
la différence avec le règlement elle n'est pas d'une application
immédiate. En effet la directive est un instrument juridique souple, qui
est utilisée de manière générale dans les cadres
communautaires, soit pour faire égard à la sensibilité de
certains domaines, soit pour ménager la souveraineté des Etats.
Mais la précision qu'il faut surtout faire c'est que la directive n'est
pas d'une application facultative, contrairement à l'erreur qui est
souvent faite, consistant à considérer les directives comme des
normes non obligatoires. La directive est obligatoire dans tous ses
éléments, lors même qu'une petite marge de manoeuvre est
laissée aux Etats. Cela étant l'UEMOA utilise la directive pour
fixer aux Etats parties un certain nombre d'objectifs, des buts à
atteindre mais dans une fourchette de temps déterminée. Pour ce
faire, par le biais de leurs instances nationales, les Etats ont donc le choix
des moyens et de la forme pour le respect de l'obligation communautaire
révélée par la Directive. Comme exemple de Directive
UEMOA, on peut citer la Directive n°08/2002/CM/UEMOA portant sur les
mesures de promotion de la bancarisation et de l'utilisation des moyens de
paiement scripturaux. Eu égard à leur souplesse, les Directives
sont aussi utilisées dans l'UEMOA, par exemple en matière
fiscale où les Etats se montrent très réticentes face aux
réformes que leurs impose l'entité communautaire. Il en est ainsi
de la Directive portant harmonisation des législations des Etats membres
en matière de taxe sur la valeur ajoutée8(*). C'est la directive n°02/96
qui fut adoptée en premier lieu par le conseil des ministres de l'Union,
elle porte sur la surveillance multilatérale des politiques macro
économiques. La directive 07/2006 est la dernière
adoptée par le conseil, et elle est relative à la pharmacie
vétérinaire
Au demeurant les Règlements et les Directives doivent
être dûment motivés, en outre l'article 45 précise
qu'ils doivent faire l'objet d'une publication au Bulletin Officiel de l'Union,
et ils entrent en vigueur après leur publication à la date qu'ils
fixent.
Mis à part ces normes, il existe d'autres
variétés de normes, qui certes sont d'une valeur
inférieure, mais d'une importance non moindre dans l'ordonnancement
communautaire.
B : Les normes de second rang du
droit dérivé de l'Union
Pour la réalisation de l'objectif
d'Intégration juridique,l'UEMOA est tenue de ménager la
souveraineté des Etats, c'est la raison pour laquelle des choix sont
faits dans l'emploi des normes ou techniques juridiques à utiliser pour
imposer un tel ou tel autre objectif aux Etats. En effet dans certains domaines
où l'élaboration d'une réglementation uniforme peut
s'avérer laborieuse dans l'immédiat, l'Union a recours aux
Décisions, aux Avis ou à des Recommandations. La décision
est l'obligation imposée à une personne ou à une
catégorie de personnes. Selon l'article 43 du Traité, elle est
obligatoire dans tous ses éléments pour les destinataires
qu'elles désignent. Conformément à l'article 45 les
décisions dûment motivées, doivent être
notifiées à leurs destinataires et prennent effet à
compter de leur date de notification. La décision première de
l'Union a été adoptée en 1997, c'est la décision
n°01/97COM/UEMOA portant détermination des informations aux
comités nationaux de politiques économiques pour les besoins de
la surveillance multilatérale, et la dernière 9(*)porte modification de la
décision n°12/2005 du 04 juillet 2005 relative à la liste
des personnes, entités, ou organismes visés par le gel des fonds
et autres ressources financières dans le cadre de la lutte contre le
terrorisme dans l'UEMOA. Pour ce qui est des Recommandations et Avis, c'est
l'invitation faite aux Etats d'agir en vue de telle ou telle mesure. Par
exemple la dernière recommandation 10(*)de l'Union est relative aux orientations de politiques
économiques des Etats membres de l'Union pour l'année 2007. Mais
ils n'impriment aucun sentiment obligatoire aux destinataires, c'est à
dire ils n'ont pas de force exécutoire. Ces normes n'ont pas certes de
valeur contraignante, elles ne créent pas d'obligations juridiques. Mais
elles ont une valeur politique, car elles expriment la position des
institutions sur une question donnée. Par conséquent en
créant une certaine coutume communautaire, cette catégorie de
normes contribue par ricochet, à l'élaboration des normes de
l'Union. Après les normes de l'UEMOA, ils convient maintenant de voire
celles de l'OHADA qui sont moins variables
PARAGRAPHE II : Les Actes Uniformes
de l'OHADA
Il convient de procéder à
l'étude des techniques d'élaboration (A) et à celle du
contenu des Actes Uniformes (B)
A : LES TECHNIQUES D'ELABORATION DES
ACTES UNIFORMES
A ce niveau il convient succinctement de
procéder à la délimitation du champ géographique et
personnel (a), et à celle des matières à uniformiser
(b).
a : La délimitation du champ
géographique et personnel
La portée des Actes Uniformes
nécessite que soient précisés le cadre géographique
au sein duquel ils s'appliquent, ainsi que les personnes auxquelles ces normes
sont destinées. Car cela ne manque pas de soulever un certain nombre de
questions, même si le Traité de l'OHADA n'a pas manqué de
faire oeuvre pédagogique à ce propos. A priori le cadre
territorial de l'OHADA paraît posé, puisqu'en principe c'est les
seuls Etats parties qui sont concernés. L'OHADA couvre donc les
territoires des16 Etats signataires du Traité de Port-Louis, à
savoir le Bénin, le Burkina, le Cameroun, la République
Centrafricaine, les Comores, le Congo, la Côte d'ivoire, le Gabon, la
Guinée Conakry, la Guinée Bissau, la Guinée Equatoriale,
le Mali, le Niger, le Sénégal, le Tchad, le Togo, et dans un
futur proche le Congo démocratique. Ces pays ainsi
considérés sont pour la plupart apparentés au plan
juridique et monétaire du fait de leur appartenance à la zone
franc et/ou à l'ex empire colonial français. Cependant même
si le Traité a pris soin de lister les Etats membres, cela ne veut pas
dire que l'adhésion est fermée. En effet l'adhésion
à l'OHADA est ouverte à tout Etat membre de l'UA (Union
Africaine) , et d'autre part elle est également ouverte à tout
Etat non membre de l'UA, sauf que dans ce dernier cas, il faut au
préalable une invitation, formulée à l'unanimité
des Etats parties. L'OHADA est ainsi un Traité ouvert, car il
prévoit d'avoir un rayonnement dans toute l'Afrique. Cependant des
considérations d'ordre économique, historique, linguistique,
culturel ou d'apparentement juridique pourraient limiter les nouvelles
adhésions. Par ailleurs s'agissant du cadre territorial, il y a lieu de
préciser que les Actes Uniformes ne s'appliquent pas à
proprement parler à un territoire, mais à des situations ou
opérations juridiques qui y sont localisées, ou qui s'y
rattachent. Dès lors cela pose le problème du droit international
privé qui n'est pas harmonisé. Ainsi, si tous les
éléments localisateurs d'une situation juridique se rattachent
à l'espace OHADA, il n'y a aucun problème majeur, car le droit
OHADA s'applique dans toute sa rigueur. En revanche si une situation est
spatialement diversifiée dans ses éléments constitutifs,
par exemple un contrat de vente entre un acheteur domicilié dans
l'espace OHADA et un vendeur domicilié en France, en Allemagne, en
Belgique, le droit OHADA est muet à ce propos. Et la question se
règle alors sur le terrain des règles de conflits de lois des
Etats membres. Mais sauf à tenir compte de l'apparentement des droits
des Etats membres, les règles du droit international sont pour
l'essentiel de source jurisprudentielle, et de connaissance malaisée,
d'où une certaine absence de prévisibilité, qui n'est pas
souhaitable dans le domaine des affaires. En somme le Traité ainsi que
les Actes Uniformes entrent en vigueur dès leur adoption, sur le
territoire des Etats parties. Et pour ce qui est des cas d'adhésion
l'article 53 du Traité prévoit que c'est 60jours après la
date de dépôt de l'instrument d'adhésion que le
Traité et les Actes Uniformes adoptés avant l'adhésion,
entreront en vigueur sur le territoire du nouveau Etat OHADA. Cependant
l'espace OHADA peut également se réduire par la
dénonciation du traité. Conformément à l'article 62
du traité la dénonciation ne peut intervenir que dix
années après l'entrée en vigueur du Traité, et elle
ne produit d'effet qu'une année après sa notification au
gouvernement dépositaire.
Pour ce qui est des destinataires des Actes
Uniformes, ce sont tout naturellement les personnes assujetties à ce
nouveau droit. Celui ci s'applique à eux, comme s'il était
d'origine interne, puisqu'il s'implante dans l'ordre interne des Etats en
entraînant l'abrogation de toute réglementation interne
intervenant dans le même domaine, et qui lui est contraire. Les
destinataires de manière générale sont les
commerçants, les sociétés, les groupements
d'intérêts économiques, les cocontractants, les personnes
morales de droit privé, en résumé les particuliers. Mais
compte tenu de la nature du droit des affaires qui ne fait plus intervenir que
les seules personnes de droit privé, et surtout pour ne pas limiter la
portée des Actes Uniformes, le champ d'application aux
commerçants et aux personnes assimilées a été
étendu. Ainsi dans une perspective de protection et de promotion des
relations d'affaires, et d'instauration d'un espace juridique et judiciaire
favorable aux investissements, l'option a été faîte en
faveur de l'extension maximale du champ du droit des affaires, en direction des
personnes semi publiques et publiques. A cet égard l'AUDSC s'applique
expressément aux sociétés commerciales dans les quelles un
Etat ou une personne morale de droit public est associé, dont le
siège est situé sur le territoire de l'un des Etats parties. Il
en est de même de l'acte Uniforme relatif à l'organisation de la
comptabilité des entreprises qui à son article 2 astreint
à la mise en place de la comptabilité générale
« les entreprises soumises aux dispositions du droit commercial, les
entreprises publiques, parapubliques, d'économie mixte, les
coopératives... » Un autre exemple de l'extension du champ du
droit des affaires nous est donné avec l'AUPC. En effet celui
prévoit aux termes de l'article 2 que le règlement
préventif, le redressement judiciaire, ou la liquidation des biens sont
applicables non seulement à toute personne physique ou de droit
privé non commerçante, mais également « à
toute entreprise publique ayant la forme d'une personne morale de droit
privé » qui selon le cas connaît une situation
économique et financière difficile mais non
irrémédiablement compromise ou cesse ses paiements. Dans le
même sens, l'AUDA prévoit l'arbitrabilité d'un litige dans
lequel est partie une personne morale de droit public, un établissement
public, ou une collectivité publique. Sous ces éclairages de la
loi, il va sans dire donc que l'OHADA a fortement étendu le champ
traditionnel du droit commercial, ou du traditionnel droit commercial, qui
s'est mué aujourd'hui en droit des affaires ou droit économique,
et dont le cadre réglementé est animé par des
intervenants multiples et très variables. Par ailleurs après
avoir éclairci leur champ spatial et personnel, il convient maintenant
de préciser le domaine matériel des normes OHADA.
b : La détermination des
matières à Uniformiser dans l'OHADA
L'intitulé de cette sous partie peut
paraître inexact à priori, dans la mesure où le
Traité se fixe littéralement un objectif d'harmonisation. Mais
le constat de la pratique de l'Organisation nous y autorise, étant
donné que celle ci a produit aujourd'hui des Actes Uniformes, donc elle
fait oeuvre d'uniformisation. Le domaine de l'Uniformisation est d'ailleurs
expressément déterminé par l'article 1 du Traité,
qui énonce que : « Le présent Traité a
pour objet l'harmonisation du Droit des affaires dans les Etats parties
... ». Mais l'interrogation qui s'impose à nous est de savoir
ce qu'il faut entendre par Droit des Affaires. A ce propos à la suite du
professeur J Y SAyegh, on peut affirmer que le droit des affaires englobe
« la réglementation des différentes composantes de la
vie économique : ses cadres juridiques (la réglementation du
crédit, de la concurrence) ; ses acteurs (les commerçants,
les sociétés, les intermédiaires du commerce) ; les
biens et services qui sont l'objet de la vie économique ; les
activités économiques elles mêmes (la production, la
distribution, la consommation)11(*) . S'il en est ainsi le droit des affaires est
donc un droit pluridisciplinaire qui est la résultante de
l'évolution du droit commercial classique. Ainsi pour pallier à
toute incertitude, le Traité de l'OHADA a pris le soin de
procéder à une énumération des matières qui
en relèvent. A ce propos l'article 2
dispose : « pour l'application du présent
Traité entrent dans le domaine du droit des affaires, l'ensemble des
règles relatives au droit des sociétés et au statut des
commerçants, au recouvrement des créances, aux
sûretés et aux voies d'exécution, au régime du
redressement des entreprises et de la liquidation judiciaire, au droit de
l'arbitrage, au droit du travail, au droit comptable, au droit de la vente et
des transports ». A la suite de cette disposition, c'est dire que les
promoteurs de l'Intégration juridique ont opté aujourd'hui pour
une conception fonctionnelle et extensive du droit des affaires. Par
conséquent semblent y entrer toutes les matières ou questions
intéressant le monde des affaires et des entreprises. C'est d'ailleurs
dans cette optique qu'il convient de comprendre l'inclusion de matières
telles que les procédures simplifiées de recouvrement des
créances et les voies d'exécution. Mais en outre pour pouvoir
être permanemment en phase avec l'évolution souhaitée du
monde des affaires, il est donné à l'Unanimité au Conseil
des ministres d'adjoindre à sa liste
« toutes autres matières ». Sous ce
rapport on peut penser qu'à terme, il serait indiqué d'y
inclure le droit de la propriété industrielle et
commerciale, le droit de la société civile, le droit des
nouvelles technologies de l'information et de la communication, le droit
de la concurrence et peut -être aussi celui de la consommation,
certains aspects du droit bancaire et de celui des assurances, le droit des
contrats spéciaux les plus utilisés dans le monde des affaires,
ainsi que le droit international privé. Mais par rapport à une
éventuelle extension du droit des affaires dans la conception de
l'OHADA, il y a lieu toute fois d'émettre des réserves du fait
que certaines matières que l'Organisation entend réglementer,
sont déjà régies et de manière satisfaisante par
d'autres organisations communautaire qui sont acquises à la même
cause d'Intégration juridique. Il en est ainsi de l'UEMOA, qui a
déjà règlementée le droit de la concurrence par
exemple, une erreur de l'organisation sera d'accentuer le problème du
double emploi qui existe entre les deux institutions relativement au droit
comptable (le SYSCOA DE L'UEMOA, et l'Acte Uniforme sur le droit comptable
OHADA). Aujourd'hui des Actes Uniformes sont en chantier, il en est ainsi du
droit du travail, dont le travail très avancé devrait permettre
la tenue bientôt d'une Assemblée plénière des
commissions nationales, car le secrétariat permanent a
déjà reçu douze observations des Etats parties pour les
seize attendues. Il y a également l'adoption programmée d'une
règlementation uniforme sur le droit des sociétés
coopératives et mutualistes. Des projets d'Actes Uniformes sur le droit
de la consommation et le droit des contrats sont aujourd'hui communiqués
aux Etats parties par le secrétariat permanent, afin qu'ils apportent
leurs observations conformément à la procédure des
articles 7 et 6 du Traité.
Au demeurant même si le Traité limite
au maximum les bornes au champ de compétence de l'OHADA, en
prévoyant même une incursion dans le domaine des
procédures judiciaires, avec les procédures de recouvrement de
créances et de voies d'exécution, il y a lieu de préciser
que ces matières ne relèvent pas directement du droit des
affaires, par conséquent le recours à l'uniformisation de telles
procédures doit être limité aux stricts besoins de
sécurisation de l'environnement juridique des entreprises.
L'étude technique des Actes Uniformes ainsi déclinée, il
convient maintenant de procéder à l'analyse des normes OHADA.
B : L'ETUDE DU CONTENU DES ACTES
UNIFORMES
Les actes uniformes permettent à
l'intérieur de chacun des Etats concernés comme au niveau de tout
l'espace territorialement couvert, d'avoir une législation claire,
moderne , adaptée, facile à connaître , d'application
uniforme à même de créer la sécurité
juridique et judiciaire recherchée.
On relève huit actes uniformes adoptés entre 1997
et 2003. Ils peuvent être regroupés en deux catégories. Il
y'a d'une part ceux qui ont trait aux structures et opérations des
entreprises et d'autre part ceux qui ont trait au recouvrement des
créances et au règlement des litiges.
a Les actes uniformes relatifs aux
structures et aux opérations des entreprises :
Il s'agit de :
a1-L'acte uniforme portant sur le droit
commercial général
Cet Acte Uniforme est l'une des trois
premières productions normatives de l'OHADA, qui sont entrées en
vigueur sur le territoire des Etats parties le 1er Janvier 1998. Il
comporte 289 articles et traite des questions variées intéressant
les commerçants, surtout les personnes physiques mais également
les sociétés, qui généralement n'étaient
pas réglées au sein des Etats ou l'étaient de
manière lacunaire. Il traite d'abord du statut du commerçant
où il innove avec la prescription décennale qui devient
quinquennale aux termes de l'article 18. Ensuite, l'acte uniforme
règlemente le registre du commerce et du crédit mobilier. A ce
propos, il est fait obligation aux personnes physiques et morales de
s'immatriculer au registre du commerce, mais la grande innovation dans ce
domaine c'est l'inscription désormais obligatoire des
sûretés mobilières. Les inscriptions modificatives,
complémentaires et de radiation sont également
érigées en obligation par la nouvelle réglementation
OHADA. L'intérêt de l'immatriculation c'est qu'elle octroie avec
cet Acte Uniforme, la présomption de commercialité, car pour
bénéficier par exemple de la prescription quinquennale le
commerçant devra justifier de son immatriculation. Le bail commercial
et le fonds de commerce sont aussi des matières régies par cet
Acte Uniforme, à ce niveau on note également une innovation pour
ce qui est de la notion de fonds de commerce qui devient le « noyau
dur du fonds de commerce ». En effet il y avait à chaque fois
un certain nombre d'imprécisions à l'occasion des
opérations relatives au fond de commerce, telles que la location
gérance, le nantissement, et surtout la cession. La question qui se
posait était celle de savoir, les éléments dont la cession
entraîne celle du fonds de commerce lui-même. Avec l'ACTE Uniforme
la question est désormais réglée par la notion de fonds de
commercial, qui comprend obligatoirement selon l'article 104 : la
clientèle, et l'enseigne ou le nom commercial. L'AUDCG traite aussi
des intermédiaires de commerce autrement appelés auxiliaires, ici
l'innovation qui se remarque c'est l'existence des trois catégories
d'intermédiaires que sont le commissionnaire, le courtier, et l'agent
commercial troisième catégorie jadis occultée par le code
de commerce français en vigueur dans les anciennes colonies . Par
ailleurs une telle innovation permet à l'OHADA d'être en phase
avec la réglementation de la représentation en matière de
vente internationale de marchandises, issue de la Convention de Genève
du 11 février 1983. Et enfin le dernier domaine traité par
l'AUDCG c'est la vente commerciale. A l'instar des autres domaines sus
énoncés, l'empreinte de la volonté du législateur
de moderniser la législation existante est assez notable. En effet il
est introduit dans le droit positif des Etats membres les principales
dispositions de la Convention de Vienne du 11avril 1980 sur la vente
internationale de marchandises.
a2. L'acte
uniforme relatif au droit des sociétés commerciales et
du groupement d'intérêt économique
Cet Acte Uniforme est également entré
en vigueur le 1er Janvier 1998, il modifie profondément le
droit positif des Etats parties au Traité de l'OHADA. Cependant cette
réforme n'a produit entièrement ses effets qu'à partir de
Janvier 2000. Cet acte uniforme est le plus long avec 920 articles. Il comprend
quatre parties qui sont les : « dispositions
générales sur la société
commerciale » ; les « dispositions
particulières aux sociétés commerciales » ;
les « dispositions pénales » ; et les
« dispositions finales et transitoires ». Avec l'AUDSC le
caractère commercial d'une société est désormais
déterminé par sa forme ou son objet, par conséquent la
présence d'une personne de droit public n'affecte en rien la nature
commerciale de la société. On note ici une législation
moderne des sociétés, qui se manifeste par la
nécessité à l'immatriculation, la protection des
associés minoritaires et des tiers, le rôle accru du commissaire
aux comptes. L'AUDSC maintien les formes classiques de la société
(la SNC, la SCS, la SA, la SARL). Mais cette nouvelle réglementation
innove avecl'institutionnalisation de la société, car la
société unipersonnelle est consacrée et elle peut
revêtir la forme d'une SA, ou d'une SARL. Mais également la
société entre époux, de même que la SA faisant appel
public à l'épargne sont introduites dans le tissu institutionnel.
Les éléments d'identification de la société sont
également mieux définis, par exemple le siège social ne
peut plus être constitué par une domiciliation à une
boîte postale, il doit être localisé par une adresse ou une
indication géographique suffisamment précise. Par ailleurs dans
le fonctionnement particulier des différentes formes de
sociétés, une certaine flexibilité est laissée
quant au mode d'administration de la société anonyme. C'est ainsi
qu'on peut opter pour une SA avec conseil d'administration, dirigée par
un président directeur général, soit par un
président du conseil d'administration et un directeur
général, ou pour une SA avec un administrateur
général unique .Autre changement apporté par l'AUDSC,
c'est l'extension des pouvoirs des dirigeants sociaux, mais
corrélativement leur responsabilité individuelle est susceptible
d'être plus engagée
a3. L'acte uniforme portant organisation
et harmonisation des comptabilités des
entreprises
Couramment appelé acte uniforme sur le droit
comptable, il comprend 113 articles traitant des grands principes applicables
aux opérations d'enregistrement comptable, dans le respect des grands
principes comme celui de prudence, avec comme objectifs de garantir la
fiabilité, la compréhension et la comparabilité des
informations, et de donner une image fidèle du patrimoine et des
opérations de l'entreprise, avec comme référentiel
temporel l'année civile. A ce propos l'article 8 dispose
que : « les états financiers annuels comprennent le
Bilan, le compte de résultat, le tableau financier des ressources et des
emplois, ainsi que l'état annexé. »
a4. L'acte uniforme relatif aux contrats
de transport de marchandises par
route
C'est le huitième acte uniforme de l'OHADA et
le dernier en date. C'est aussi le moins volumineux avec 31 articles. Il ne
traite que du transport de marchandises par route. Il intéresse aussi
bien les transports internes qu'international pourvu que le lieu de la prise en
charge de la marchandise et le lieu de la livraison soit situé soit sur
le territoire d'un Etat membre de l'OHADA, soit sur le territoire de deux
états dont l'un au moins est membre de l'OHADA.
b : Les actes uniformes liés
au recouvrement des créances
et au
règlement des litiges
Il s'agit de :
b1. L'acte uniforme portant organisation
des sûretés :
Il comprend 151 articles qui traitent en premier
lieu des sûretés personnelles, que sont le cautionnement avec
comme innovation le principe que le cautionnement est solidaire, et des
règles de protection de la caution de tous engagements, ainsi que la
garantie à première demande qui n'existait pas dans la
législation des Etats parties.
En second lieu, elle traite des sûretés
réelles avec comme souci majeur, la clarification
b2 : L'acte uniforme portant
organisation des procédures simplifiées de
recouvrement et des voies
d'exécution
Avec 338 articles, il traite des procédures
simplifiées de recouvrement que sont l'injonction de payer, et
l'injonction de délivrer ou de restituer qui visent deux
objectifs : d'abord obtenir l'exécution rapide de l'obligation du
débiteur en faveur du créancier, ensuite au cas ou l'injonction
n'a pas aboutit à l'exécution, de permettre au créancier
d'obtenir un titre exécutoire plus rapidement que s'il recourait
à la procédure civile ordinaire.
Il traite ensuite des voies d'exécution. Les objectifs
poursuivis semblent être la rationalisation, l'accélération
et une plus grande efficacité de la procédure.
b3.L'acte uniforme portant organisation
des procédures collectives et
d'apurement du passif
Il comporte 258 articles et s'inspire des
législations africaines, et celle de la France, en vigueur au moment de
son élaboration. Il traite des entreprises en difficultés en
mettant en place trois procédures qui s'appliquent aux
commerçants personnes physiques et aux personnes morales de droit
privé. Il s'agit du règlement préventif, du redressement
judiciaire et de la liquidation des biens après la cessation des
paiements et qui poursuivent soit le sauvetage de l'entreprise s'il est
présenté dans les délais une présomption de
concordat sérieux, soit la liquidation de celle-ci avec un rôle
important pour le syndic et le juge commissaire dans les deux procédures
ainsi que pour le débiteur dans le redressement judiciaire.
b4. L'acte uniforme relatif au droit de
l'arbitrage
On lui accorde une place de choix dans le
système juridique de l'OHADA. Il contient un ensemble de règles
traitant de manière conforme de l'évolution de l'arbitrage sur le
plan international, de son champ d'application et spécialement de la
convention d'arbitrage, de la composition du tribunal arbitral dont la saisine
ouvre l'instance arbitral devant aboutir au prononcé d'une sentence
arbitrale, ouvrant droit le cas échéant à l'exercice de
voies de recours et faisant l'objet d'une reconnaissance et d'une
exécution forcée à la suite d'une procédure
d'exequatur.
Au demeurant après avoir porté nos
propos sur la nature des normes communautaires au sein de l'Union, ainsi qu'au
sein de l'Organisation. Des normes qui attestent de la réglementation
Uniforme du domaine des affaires, de l'activité économique de
manière générale, il convient dans la phase successive de
notre analyse de voir leur place dans l'ordre communautaire.
CHAPITRE III : LE REGIME JURIDIQUE DES DIFFERENTS
ACTES
COMMUNAUTAIRES
A ce niveau il convient de mettre l'accent
succinctement sur l'applicabilité du droit unifié (Section I), et
sur la portée normative des normes communautaires dans l'ordre interne
des Etats parties (Section II)
SECTION I : L'applicabilité du droit
unifié dans les deux organisations
internationales africaines
L'applicabilité du droit unifié
renvoie à la forme utilisée pour l'introduction du droit
communautaire dans l'ordre interne. Elle diffère selon qu'il s'agisse du
droit primaire qui est la norme suprême au sein de l'OHADA et de l'UEMOA,
ou du droit dérivé qui est la production normative des organes,
en application du Traité. En effet si le droit primaire obéit
à une procédure d'application médiate (Paragraphe I), le
droit dérivé est soumis à un régime d'application
immédiate (Paragraphe II).
PARAGRAPHE I : L'application
médiate du droit primaire
Une règle assez originale en droit
international, veut que l'application d'une norme d'origine conventionnelle
soit subordonnée à sa réception par les organes
étatiques compétents. Cette règle respecte le principe de
la souveraineté des Etats. Elle est fondée sur l'idée
d'une reconnaissance de la règle d'origine internationale par le droit
interne. La réception de la règle d'origine internationale par le
droit interne passe normalement par trois étapes principales. Tout
d'abord la première correspond à la conclusion de la convention
qui inclut la négociation et la signature de cette convention, à
moins qu'il ne s'agisse d'adhérer à une convention
déjà existante. Quant à la seconde phase, elle est celle
de la Ratification, qui émane du Parlement de l'Etat. Et enfin la phase
qui ponctue la procédure est relative à la publication. C'est
uniquement après une telle procédure, que les conventions
internationales devenues comme des règles internes, font l'objet d'une
publication qui le plus souvent conditionne la force obligatoire de ces
conventions internationales. Justement, même si parfois le droit
communautaire porte atteinte aux dogmes du droit international classique, c'est
cette procédure d'application médiate qu'épouse
aujourd'hui les droits Unifiés de l'OHADA, de l'UEMOA, et de la CEMAC.
En effet les Traités institutifs de l'UEMOA, de l'OHADA,
obéissent aux règles du droit international conventionnel
classique. C'est-à-dire que les Traités sont
négociés et signés, ils sont ensuite soumis à une
autorisation de ratification, puis à la ratification effective par les
Parlements nationaux, et enfin à la publication au journal officiel des
Etats parties . Une telle procédure diffère fortement de celle
qui est utilisée pour le droit dérivé.
PARAGRAPHE II : L'application
immédiate du droit dérivé.
A l'exception de la Directive UEMOA dont
l'application est médiate, du fait que les Etats membres sont en vertu
du Traité, appelés ou invités, à prendre des
mesures d'ordre interne pour leur application. Le Droit dérivé de
façon générale aussi bien dans la CEMAC, dans l'UEMOA, que
dans l`OHADA, est d'une applicabilité immédiate. La règle
de l'applicabilité immédiate veut dire que les normes
communautaires pénètrent immédiatement dans l'ordre
juridique des Etats sans le secours d'aucune mesure d'introduction au plan
interne. De manière concrète cette règle technique de
l'applicabilité directe signifie que les dispositions communautaires,
bien qu'élaborées à l'échelle supra
étatique, sont applicables dès leur publication au journal
officiel de l'UEMOA, ou lorsqu'il s'agit des Actes Uniformes, au journal
officiel de l'OHADA. S'il en est ainsi c'est dire qu'avec la règle de
l'application immédiate, la disposition communautaire ne passe
nullement par le truchement d'une loi écran. Le dégrossissement
de la norme, ou encore sa traduction au plan interne, d'habitude requise dans
la logique du droit international classique, est écarté lorsqu'il
s'agit du droit communautaire. De cette règle on peut tirer comme
conséquence un effflûtement de la souveraineté des Etats,
qui à vrai dire ne constitue qu'une entrave à
l'Intégration du droit unifié dans les systèmes juridiques
nationaux. En outre on pourrait dire que les normes unifiées
revêtent un caractère transnational du fait de
l'automaticité de leur application, en tant que droit positif. L'autre
conséquence que notre analyse permet de retenir, c'est l'interdiction de
principe de toute transformation de ces règles, et la prescription de
toute procédure de réception des normes unifiées. De ce
qui précède on peut s'amener à dire que les actes
recognitifs ou confirmatifs, sont non seulement inutiles, mais elles sont
inadmissibles. Dans le cadre de l'Union c'est l'article 45du Traité qui
constitue la base légale de la règle de l'applicabilité
immédiate. En effet cette disposition prévoit que
« les actes additionnels, les règlements, les directives, et
les décisions sont publiées au Bulletin Officiel de l'Union. Ils
entrent en vigueur après leur publication à la date qu'ils
fixent ». Dans le cadre de l'OHADA les normes communautaires sont
également affranchies de toute mesure interne d'introduction. A ce
propos l'article 9 du Traité de base dispose
que : « Les Actes Uniformes entrent en vigueur quatre vingt
dix jours après leur adoption... Ils sont opposables trente jours francs
après leur publication au journal officiel de l'OHADA... ».
Même si cette disposition ne consacre pas expressément la
règle de l'application immédiate. La non prévision d'une
procédure de réception interne nous autorise à bon droit
de soutenir que l'OHADA consacre à l'image de l'UEMOA, l'application
immédiate de son droit dérivé. Cependant à la
différence de l'UEMOA, dans l'Organisation il est prévu que
l'Acte Uniforme peut lui-même imposer des modalités
particulières d'entrée en vigueur. Il en est ainsi de l'AUDCG, de
l'AUDSC, de l'AUS, en effet bien qu'adoptés le 17 Avril 1997 par le
Conseil des ministres, ils sont entrés en vigueur par la volonté
délibérée de cet organe, le 1er Janvier 1998,
soit neuf mois après leur adoption et trois mois après leur
publication au JO de l'OHADA. De même l'AUPC, adopté le 10 Janvier
1998, est entré en vigueur le 1er Janvier 1999. Aussi
l'article 919 alinéas 2 de L'AUDSC, reconnaît à chaque Etat
partie le droit de maintenir sa législation nationale applicable pour la
forme des statuts pendant une période transitoire de 2 ans. Cette
règle de l'application immédiate a d'ailleurs connût une
illustration très récente au Sénégal dans l'affaire
Hussein Habré. L'ancien président tchadien vivant au
Sénégal, mais qui fait actuellement l'objet d'un mandat
d'arrêt international, pour avoir été accusé d'actes
de tortures sur les populations tchadiennes lors de l'exercice de sa
présidence. En effet dans cette affaire, la Belgique avait
demandé à l'Etat du Sénégal d'extrader l'ancien
président, eu égard au Traité sur la torture que cet Etat
Ouest africain avait ratifié. Cependant la demande d'extradition
avait été refusée à cause du fait que le
Traité dont il s'agit, bien que ratifié, n'est pas d'application
immédiate. Il nécessite une modification de la
législation sénégalaise en l'espèce, la quelle
norme interne n'étant pas encore prise par le Sénégal.
Par ailleurs si l'on s'inscrit dans une perspective purement comparative, il y
a lieu de noter qu'en France, Etat moniste, l'applicabilité
immédiate du droit communautaire n'a posé aucun problème.
Le Conseil d'Etat et le Conseil Constitutionnel ont ainsi admis que les
règlements communautaires avaient force obligatoire dès leur
publication12(*), sans
aucune intervention des autorités nationales conformément
à l'article 189 T. CE (nouvelle numérotation art 249 Amsterdam
T.CE)
En définitive, il est à dire que les
deux organisations inter étatiques que sont l'UEMOA et l'OHADA, veulent
écarter toute obstacle pour l'introduction des normes communautaires
dans l'ordre interne des Etats. En effet c'est à dessein
d'accélérer le processus d'Intégration Juridique que les
normes communautaires s'appliquent immédiatement. Par ailleurs un tel
principe qui sous tend le régime de l'applicabilité du droit
unifié, imprime une portée normative tout aussi puissante aux
normes communautaires.
SECTION II : La portée normative des normes
communautaires de l'UEMOA et de l'OHADA
Après avoir exposé le premier aspect
du régime juridique des actes communautaires, c'est-à-dire la
forme relative à l'introduction des normes, il convient maintenant de
mettre l'accent sur l'aspect matériel, c'est-à-dire la place que
le droit communautaire occupe dans l'ordre interne des Etats. A ce niveau il
ressort de la jurisprudence européenne codifiée par les
Traités des deux organisations, l'affirmation du principe de la
primauté du droit communautaire (Paragraphe I), et
l'applicabilité directe des normes
communautaires (Paragraphe II)
PARAGRAPHE I : La primauté du
droit communautaire
Il s'agira de voire à ce niveau :
l'affirmation et l'étendue du principe dans les deux communautés
(A), ainsi que les conséquences logiques de l'application effective du
principe (B)
A : L'affirmation et
l'étendue du principe par les deux entités institutionnelles
La primauté du droit communautaire est la
résultante logique du principe cardinal de la supranationalité,
qui sous tend et garantit toute la dynamique d'Intégration Juridique,
et la distingue de la simple coopération. En effet l 'UEMOA et l'OHADA
veulent aujourd'hui faciliter l'application des normes communautaires dans
l'ordre interne des Etats, et c'est à cet égard que les bases
légales du principe sont posées dans les textes institutifs de
ces deux institutions. Mais tout d'abord avant de les énoncer, il
convient de préciser la signification technique du concept. La
primauté du droit communautaire signifie simplement que les normes
communautaires, doivent prévaloir sur les normes nationales
antérieures ou postérieures. En d'autres termes, elles jouissent
d'une valeur juridique qui leur permet de surplomber toutes normes nationales.
Autrement dit, la primauté du droit communautaire sur les droits
nationaux implique que son insertion invalide toute norme nationale existante
ou postérieure. En réalité la situation contraire aurait
été paradoxale, car si une telle force n'était pas
octroyée aux droits communautaires, l'intégration resterait
simplement un voeu pieux. En effet que resterait il des normes communautaires,
si on les subordonnait aux lois nationales ? L'application uniforme du
droit communautaire dans tous les Etats, serait presque impossible. Il serait
également impossible à l'Union ou à l'Organisation de
remplir les missions qui leurs sont assignées. Ce qui fait que le
fonctionnement de leurs communautés serait compromis, et la construction
d'une Afrique que l'on voudrait unie, d'abord à travers les cercles
concentriques, porteuse de grands espoirs serait minée. Car
malgré les déclarations de bonnes intentions, les Etats jaloux de
leur souveraineté, seraient plutôt tentés de faire
prévaloir les normes nationales pour faire égard aux
nécessités nationales. Ainsi considéré ce principe
vaut pour l'ensemble des sources du droit communautaire, et il s'applique
à toutes les sources de droit interne. Par conséquent un Etat ne
peut pas invoquer une règle de son droit interne, même
constitutionnelle pour empêcher l'application d'une norme communautaire,
à condition toute fois que celle-ci soit entrée en vigueur.
Cela est expressément consacré dans les différents
Traités institutifs de l'Union et de l'Organisation.
Il est affirmé d'une part par l'article 10 du
Traité OHADA, selon lequel : « les Actes Uniformes sont
directement applicables et obligatoires dans les Etats Parties nonobstant toute
disposition contraire de droit interne antérieure ou
postérieure. » et d'autre part, par l'article 6 du
Traité de l' UEMOA qui stipule que : « les actes
arrêtés par les organes de l'Union pour la réalisation des
objectifs du présent Traité et conformément aux
règles et procédures instituées par celui-ci, sont
appliqués dans chaque Etat membre nonobstant toute législation
nationale contraire, antérieure ou postérieure. » La
cour de justice de l' UEMOA a eu à confirmer cette primauté dans
deux avis en date du 27 Juin 1999 n°003/2000 et du 18 Mars 2003
n°001/2003. Quant à l'OHADA, c'est par un Avis de la CCJA (Avis du
30 Avril 2001), sollicité par la Côte d'Ivoire, par lettre en date
du 11 Avril 2000 que cette primauté a été affirmée.
En effet à cette occasion la CCJA a retenu
que : « l'article 10 du Traité relatif à
l'harmonisation en Afrique du droit des affaires contient une règle de
supranationalité par ce qu'il prévoit l'application directe et
obligatoire dans les Etats parties des Actes Uniformes et institue, par
ailleurs leur suprématie sur les dispositions de droit interne
antérieures et postérieures... ». Si l'on s'en tient
à cet avis, c'est dire qu'il consacre la supranationalité des
Actes Uniformes, la quelle qualité emporte une portée abrogatoire
sur les normes internes contraires. Mais à coté de cet Avis, une
jurisprudence très réconfortante, qui peut être
considérée comme un Arrêt de principe, a été
rendue par la haute Cour juridictionnel de l'OHADA. C'est l'arrêt dit des
époux Karnib du 11Octobre 200113(*) . A cette occasion la CCJA a cassé et
annulé l'ordonnance de suspension d'exécution d'un jugement de
condamnation, rendue sur le fondement des articles 180 et 181 du code de
procédure civile ivoirien. Car elle a estimé que c'est
plutôt l'article 32 de l'AUPS qui doit s'appliquer, au détriment
des articles visés. Par conséquent cet Arrêt met fin
à toute interprétation hasardeuse de l'article 10 du
traité de l'Organisation, et par ricochet ayant entraîné
l'abrogation des articles 180 181 du code de procédure civile ivoirien,
cela implique l'abrogation future de toute normes contraires aux actes
uniformes, qui sont en vigueur dans le cadre interne et sur les quelles les
juges avaient l'habitude d'asseoir leurs jugements. De ce qui
précède , c'est dire que les deux communautés de
manière non équivoque, ont aménagé une place de
choix à leur production normative , qui prime sur le droit interne
des Etats membres. Et ce principe de la primauté, devient un
élément essentiel de l'ordre public communautaire, dans la mesure
où il assure à chacune des organisations, la cohérence de
leurs ordres juridiques. En effet le postulat de la primauté,
répond également aux impératifs d'uniformité et
d'efficacité du droit des affaires ou droit économique, les quels
impératifs constituent des exigences de tout ordre juridique
d'Intégration. Dans l'hypothèse contraire, l'ordre juridique se
décomposerait en une série de systèmes normatifs partiels,
autonome, et donc divergents. On peut illustrer sans conteste cette position,
pour ce qui concerne le droit dérivé des deux institutions avec
notamment, les règlements de l'UEMOA, et les actes uniformes de
l'OHADA, qui jouissent d'une place super législative.
Si en droit africain le principe de la primauté du
droit communautaire a fait l'objet d'une juste affirmation dans les textes, en
droit européen, il s'est agit plutôt d'une construction
prétorienne à travers l'arrêt COSTA/ ENEL du 15 Juillet
1964.
En l'espèce, il s'agissait d'un conflit entre diverses
dispositions du Traité de la Communauté Economique
Européenne (CEE) l'actuelle Union Européenne (UE), et la loi
italienne de nationalisation de l'électricité du 6 Septembre
1962. La Cour était confrontée à un conflit mettant en
scène le droit communautaire et la loi nationale postérieure. La
juridiction Constitutionnelle italienne qui s'était déjà
prononcée sur ce même conflit, l'avait résolu dans le cadre
de la thèse « internationaliste » et par
l'application de la conception dualiste italienne des rapports entre le droit
international et le droit interne, au profit de la norme la plus récente
c'est-à-dire la loi nationale. Ayant été saisie d'une
question préjudicielle, la Cour communautaire, dans son raisonnement
fondé sur le système des Traités, a souligné la
spécificité du droit communautaire par rapport au droit
international ; elle a retenu deux constatations à cet
effet : Elle a affirmé que d'une part les Etats membres ont
transféré définitivement les droits souverains à
une communauté, qu'ils ont créée, et ils ne peuvent
revenir ultérieurement sur ce transfert par des mesures
unilatérales incompatibles avec le concept de communauté. D'autre
part, la Cour a considéré qu'un pays membre ne peut porter
atteinte, à la particularité du droit communautaire, celle
d'être valable sur l'ensemble de la communauté. Un tel
raisonnement a par ailleurs reposé sur trois arguments
complémentaires. Le premier argument dégagé par la cour,
c'est qu'elle a estimé que l'applicabilité immédiate et
directe du droit communautaire resterait lettre morte, si l'Etat pouvait se
soustraire, par un acte législatif opposable au texte communautaire.
Comme second argument, l'instance juridictionnelle communautaire a
considéré que l'attribution de compétence à la
communauté, limite de manière correspondante les droits
souverains des Etats. Enfin la cour a considéré que
l'unité de l'ordre juridique communautaire, c'est-à-dire
l'indispensable uniformisation du droit communautaire, serait fortement
altérée.
De ce qui précède, il résulte que le droit
communautaire a la primauté sur toute disposition contraire à lui
dans l'ordre juridique des Etats membres. Cela vaut pour les
législations qui lui sont antérieures et ultérieures. La
conséquence juridique de cette prééminence, c'est qu'en
cas de conflit de lois, la disposition nationale cesse d'être applicable,
et aucune autre disposition nationale ne peut être introduite si elle
n'est pas conforme à la norme communautaire. S'il en est ainsi, il va
sans dire qu'à la suite de la construction jurisprudentielle
européenne, codifié dans l'article 189 du Traité de la
CEE, le principe de la primauté , est aujourd'hui posé dans les
textes de base de nos deux institutions communautaires par souci de
pragmatisme. En effet la primauté selon PESCADORE est une
« condition existentielle » du droit communautaire, qui ne
saurait exister en tant que droit qu'à la condition de ne pas pouvoir
être mis en échec par le droit des Etats-membres. La norme
communautaire doit prévaloir sous peine de cesser d'être commune,
or comme le souligne encore Guy ISSAC ; à défaut
d'être commune, elle cesse d'exister et il n'y a plus de
communauté.
Nous retenons donc que le droit communautaire
s'applique sur toute l'étendue du territoire des Etats-membres au
même titre que les droits nationaux, avec de surcroît cette
qualité supplémentaire qui le hisse, en haut de l'ordonnancement
juridique. Ce qui ne sera pas sans effets.
B : Les conséquences du
principe de la primauté du droit communautaire
Le principe de la primauté, s'il faut le
rappeler n'a pas toujours fait l'unanimité. En effet si l'on prend
l'exemple de la France, contrairement à la cour de cassation14(*), le conseil d'Etat
français, a refusé pendant longtemps, de reconnaître la
primauté du droit communautaire sur une loi postérieure aux
Traités15(*). Puis
dans un premier temps, en se fondant sur l'article 55 de la constitution, il a
admis la primauté des dispositions du traité CE sur les lois
nationales postérieures16(*) . Par la suite, il a étendu cette
jurisprudence aux règlements et aux directives communautaires17(*). Mais aujourd'hui,
l'application sans conteste du principe suggère la mise à
l'écart de toute norme nationale contraire, au profit de la norme
communautaire. C'est la raison pour la quelle le juge national chargé
d'appliquer le droit communautaire, a l'obligation d'assurer le plein effet de
ces normes. Il doit faire fi de toute disposition contraire de la
législation nationale, postérieure ou antérieure au droit
communautaire, sans qu'il ait à demander ou à attendre
l'élimination préalable de celle-ci par voie législative,
ou par tout autre procédé constitutionnel. L'abrogation expresse
est souhaitable pour des motifs de sécurité juridique, et
peu même être obligatoire. Cela n'est pas le cas en droit
international, où il n'existe aucune garantie, aucune procédure
internationale permettant d'annuler la norme nationale illicite. Cette valeur
suprême du droit communautaire, a également entre autres
conséquences, celle de conférer aux justiciables un droit
à un contrôle juridictionnel effectif. En effet ils doivent
pouvoir faire valoir par voie juridictionnelle, les droits qu'ils tirent du
droit communautaire, et toute infraction des autorités nationales doit
par conséquent être sanctionnée. Les exigences
procédurales des Etats membres de l'UEMOA, ou de l'OHADA, qui demeurent
non unifiées, ne doivent pas rendre impossible l'exercice des droits
conférés par l'ordre juridique communautaire. En outre les
autorités nationales, doivent s'employer à effacer les
conséquences dommageables résultant d'une violation du droit
communautaire.
Au regard de tout ce qui a été dit,
il apparaît que le droit communautaire prime sur les normes nationales.
Mais toute fois la question qui s'impose à nous, est celle de savoir
quelles sont les catégories de normes nationales qui sont sous la
coupole du droit communautaire. Les chartes fondamentales des Etats membres, en
l'occurrence leurs Constitution sont-elles hiérarchiquement
subordonnées au droit communautaire ?
Une telle question demeure à l'heure actuelle sans
réponse certaine, surtout au regard de la controverse doctrinale dont
elle fait l'objet.
Pour certains, compte tenu du fait que la plupart des
Constitutions des Etats africains contiennent des dispositions prévoyant
qu' un engagement international doit être ratifié, nonobstant des
dispositions contraires à la constitution. Cela autorise à
affirmer que la norme internationale conventionnelle est supérieure
à la norme Constitutionnelle. Dans la mesure où c'est à la
constitution de s'adapter au traité et non le contraire.
De plus la nature même du droit international qui
requiert l'accord et l'engagement de plusieurs Etats peut impliquer la
supériorité de celui-ci sur l'ensemble des particularismes
étatiques, y compris les dispositions Constitutionnelles. En effet,
l'efficacité du droit international serait gravement compromise si elle
était conditionnée par la conformité de la règle
internationale à la règle Constitutionnelle.
Mais l'affirmation de cette solution est
délicate dans les Etats comme ceux de l'OHADA et de l'UEMOA, qui ont une
histoire relativement brève dans l'édification de l'Etat de
droit, entraînant une sacralisation de la Constitution.
C'est dans cette optique que les partisans de la thèse
négative se situent lorsqu'ils affirment que les actes du droit
dérivé comme ceux du droit primaire se situent au-dessus des
normes de caractère législatif ou réglementaire, mais
au-dessous de la Constitution. En effet, ils considèrent d'une part que
c'est la Constitution elle-même qui, classiquement prévoit la
supériorité des Traités sur les lois internes et non un
principe général de droit international.
Enfin et surtout, il faut tenir compte du fait que les
autorités habilitées à signer et à ratifier les
Traités, tiennent leur pouvoir de la Constitution et ne peuvent donc
agir que dans les limites fixées par celle-ci. Mais en tout état
de cause, il résulte des Traités de l'UEMOA et de l'OHADA, une
affirmation certaine de la prééminence du droit communautaire
dans tout l'espace communautaire. De plus étant donné que les
Traités n'ont pas de manière expresse, bornés cette
primauté sur les seuls textes législatifs. C'est dire que la
Constitution non plus, n'est pas affranchie de la domination du droit
communautaire. Par ailleurs nous ne manquerons pas de mettre en exergue,
l'autre aspect évident qui caractérise les rapports entre le
droit communautaire et le droit national.
PARAGRAPHE II : L'effet direct des
normes communautaires
En droit international le principe
traditionnellement admis est que les traités conclus entre les Etats, ne
sont pas eux-mêmes sources de droit interne à moins qu'ils ne
résulte clairement des Etats signataires que ceux-ci, entendent
créer des droits ou obligations dans la personne des particuliers.
Cependant dans le droit communautaire de l'OHADA et de l'UEMOA, l'application
directe est un principe (A), et il obéit à un certains nombre de
modalités (B)
A : La consécration du
principe de l'effet directe
A l'analyse des traités de base de l'UEMOA
et de l'OHADA, il apparaît sans conteste que l'applicabilité
directe du droit communautaire est un principe sacro saint. En effet dans
l'Union il est reconnu de manière expresse une faculté
d'application directe au droit dérivé (article 43). Et la
même affirmation est notable dans l'Organisation, car l'article 10
précise que les Actes Uniformes sont directement applicables. L'effet
direct du droit communautaire signifie que ce droit crée dans le chef
des particuliers, des obligations et des droits qu'ils peuvent invoquer devant
les autorités ou les juridictions nationales. S'il en est ainsi, c'est
dire que les sujets du droit communautaire sont non seulement les Etats
membres, mais aussi leurs ressortissants. Le droit communautaire produit des
effets au niveau inter étatique, et il pénètre plus avant
pour produire directement des effets à l'égard des particuliers.
Mais étant donné que l'application directe est le
résultat d'une construction jurisprudentielle, il ne serait pas sans
intérêt de rappeler le débat théorique, au terme
duquel un tel principe est né. En effet c'est sous la plume du
célèbre juge Marshall, que la Cour suprême des
Etats-Unis a reconnu pour la première fois en 1829 dans l'affaire
Foster et Elam, que les dispositions conventionnelles du droit international
peuvent avoir valeur directe en droit interne américain, sans l'aide
d'une législation de réception ou d'application. A cette occasion
la Cour a posé les critères de ce qu'il convenait d'entendre par
traité directement applicable dans l'ordre interne. C'est ainsi que la
cour a retenu que le traité visé est celui qui se suffit
à lui-même pour assurer son application, son exécution dans
l'ordre interne. Par ailleurs la Cour de justice de l'Union européenne
qui a inspiré aujourd'hui la Cour de justice de l'UEMOA et de l'OHADA,
s'était attelée à affiner les critères
dégagés par la jurisprudence américaine. En effet lors
même que le traité de Rome ne contenait aucune indication sur les
critères de l'immédiateté du droit communautaire, dans la
célèbre affaire Van Gend et Loos18(*), la Cour de Luxembourg fixe les grands principes de
l'effet direct du droit communautaire. Pour la Cour une disposition du droit
communautaire d'effet direct est destinée à engendrer des droits
qui entrent dans le patrimoine juridique des particuliers. En outre elle a
posé un certain nombre de critères. Tout d'abord elle estime que
la formulation de la norme communautaire
« immédiate »doit être claire. Ensuite elle
doit être de type inconditionnel, en ce sens que la mise en oeuvre de la
norme ne doit être subordonnée à aucun autre acte
d'accompagnement , soit communautaire, soit de droit positif interne . En
résumé l'obligation en cause pesant sur les Etats et qui a valeur
juridique directe dans l'ordre juridique des pays, doit être
complète et juridiquement parfaite. Sous cet éclairage
historique, on peut dire que nos deux institutions africaines, ont fait sienne
l'expérience jurisprudentielle européenne et américaine.
Puisqu'elles consacrent aujourd'hui la supranationalité des normes
unifiées du droit des affaires, en référence au
degré d'effets juridiques qu'elles peuvent produirent. S'agissant de
l'OHADA comme énoncé plutôt, le problème est
clairement résolu par l'article 10 « Les Actes Uniformes sont
directement applicables ... dans les Etats parties ». Dans l'UEMOA le
fondement de l'applicabilité directe des normes communautaires se trouve
dans le traité et particulièrement à l'article 4 qui cite
l'objectif de « la création entre les Etats membres d'un
marché commun basé sur la libre circulation des personnes, des
biens et des services, des capitaux, et le droit d'établissement des
personnes exerçant une activité indépendante ou
salariée, ainsi que sur un TEC, et une politique commerciale
commune ». On en déduit que les Etats entendent
reconnaître le principe de l'applicabilité directe des normes
harmonisées, comme la conséquence logique et inhérente au
marché commun, dont les règles sont directement destinées
aux sujets de droit établis dans leurs limites géographiques.
Sous ces éclairages, si on devait comparer
l'applicabilité directe dans l'UEMOA et dans l'OHADA, on peut sans aucun
doute affirmer que le souci de substitution d'un droit uniforme des affaires ou
droit économique, au droit interne existant, est plus explicite dans
l'Organisation qu'au sein de l'Union. L'applicabilité directe est
très étendue en ce qui concerne l'OHADA, en raison du domaine
potentiellement couvrable par les Actes Uniformes, mais aussi de leur
portée abrogatoire. La perspective offerte par l'UEMOA est plus
restreinte, car ce droit est en grande partie du droit public,
intéressant notamment les Etats membres et leurs administrations, seule
une partie de la réglementation UEMOA intéresse le droit des
affaires, ou droit économique, et les sujets de droit privé que
sont les entreprises individuelles ou sociétaires.
Au demeurant, après avoir mis en exergue le
principe de l'effet direct, dans sa teneur, et dans son étendue au sein
des entités institutionnelles, il convient de mettre l'accent à
présent, sur la faisabilité du principe, c'est-à-dire
son application compte tenu de la variété parfois notée
des normes communautaires.
B : Les modalités de
l'applicabilité directe
Le principe de l'effet direct n'est pas d'une
application uniforme, en effet selon la nature de la norme en présence
des variations sont notées, ce qui est source de
contrariétés doctrinales, et de contreverses dans la
jurisprudence des juridictions communautaires. En effet mis à part les
règlements auxquels l'applicabilité directe est
expressément attribuée par les traités, et qui par
conséquent ne posent aucune difficulté majeure. La jurisprudence
applique aux autres normes communautaires des solutions différentes.
S'agissant tout d'abord des règlements, ils constituent un type de norme
composée, par ce qu'ils se distinguent à la fois du point de vue
organique et du point de vue matériel. Du point de vue matériel
les règlements se distinguent par leurs auteurs. C'est ainsi que l'on
distingue aux termes de l'article 42 du traité, les règlements
du Conseil des ministres de l'Union et ceux qui émanent de la
Commission. Du point de vue matérielle les règlements sont
catégorisés entre règlements de base et règlements
d'exécution. Cette distinction correspond à l'attribution par le
conseil à la commission, de compétences pour l'exécution
des missions aux quelles elle est destinée. Mais malgré cette
différence qu'il était nécessaire de relever, les
règlements possèdent de manière générique
une qualité qui consiste à les appliquer de manière
directe. C'est d'ailleurs ce qui ressort de l'article 43 du traité
alinéa 1, selon lequel : « les règlements ont une
portée générale ; ils sont applicables dans tout Etat
membre. ». Quant aux décisions qui constituent une autre
catégorie de normes dans l'Union, leur applicabilité directe a
donné lieu à une contreverse. Des arguments d'effectivité
et de textes ont été avancées, à ceci près
cependant que les décisions ne nécessitent pas l'existence d'un
droit national d'exécution, soit que le destinataire n'est pas un Etat,
soit en tant qu'Etat, les obligations qui lui sont imposées ne
concernent pas les particuliers. Pour ce qui est des directives communautaires,
un débat de principe est né avec l'affrontement de deux
thèses. La première qui est d'ordre exégétique se
fonde sur plusieurs arguments formels. Elle suppose que le traité ne
mentionne pas la qualité de l'applicabilité directe au
bénéfice des directives au même titre que les
règlements. Dès lors on peut soutenir qu'il la leurs refuse.
Même si cette interprétation à contrario peut
paraître comme indéterminante pour certains, il n'en reste pas
moins que l'application directe est une qualité spécifique qu'il
faut stipulée de manière expresse. Quant à la seconde
argumentation, elle se déduit du régime des directives, qui selon
le traité sont dépourvues de caractère
général. Adressées aux seuls Etats membres, elles doivent
sans distinction leurs être notifiées. Et à ces Etats la
directive n'impose qu'une obligation de résultat, la compétence
des autorités demeurant entière quant aux choix des moyens et de
la forme pour atteindre ce résultat, de telle sorte qu'elles
impliquent bien l'existence d'un droit national d'accompagnement, gouvernant
son application. Sur ce, c'est dire que les directives n'atteignent pas
directement les particuliers puis qu'ils n'en sont pas les destinataires.
Cependant à titre purement comparatif, nous pouvons retenir qu'en Europe
la Cour de justice de l'Union avait estimé l'argument contraire, car
pour elle l'effet utile du droit communautaire, exige la reconnaissance de
l'effet direct aux directives, avec une obligation incombant pour les juges de
les appliquer en tant que telle. Elle a relevé ensuite, que si dans la
procédure de renvoi préjudiciel, en matière
d'interprétation et d'appréciation de validité, il est
visé seulement, les actes de l'Union sans distinction entre
eux, « il ne faudrait pas non plus distinguer là
où la loi ne distingue pas ». Les directives peuvent
également être invoquées devant les juges, et par
conséquent elles sont susceptibles d'application directe. Au terme de
cette contrariété de position, dans l'Union, la règle
générale veut que les directives s'appliquent à chaque
fois, où elles sont correctement mise en oeuvre , et que leurs
effets atteignent les particuliers par l'effet des mesures d'application prises
par l'Etat. Dans cet ordre d'idée, lorsqu'un Etat satisfait à
son obligation d'exécution, la question de l'applicabilité ne se
pose plus, puisque par hypothèse il existe des mesures nationales
d'application. La question de savoir si ces mesures constituent ou non une
exécution correcte de la directive n'est pas en réalité
une question d'applicabilité directe ; mais elle soulève
plutôt la conformité du droit national au droit communautaire. La
question de la reconnaissance ou non de l'applicabilité directe, n'a
donc d'intérêt que dans le cas où une directive ne se
transcrit pas dans les délais, ce qui est une hypothèse dans la
quelle cette qualité est requise.
Après l'analyse de ce premier massif de
notre étude, on peut affirmer qu'aujourd'hui la supranationalité
constitue la matrice, le soubassement du processus d'intégration, que
l'Union et l'OHADA entendent réussir après l'avoir
enclenché depuis plus d' une décennie. Les entités inter
gouvernementales ont mis sur pied des institutions qui impulsent une allure
règlementaire uniforme à leur communauté, et cela est
d'autant plus facilité par une qualité super législative
qui hissent ces normes émanant de ces organes, en haut du système
normatif de tout Etat membre. Aujourd'hui, il apparaît nettement que les
communautés ont élaboré un nouvel ordre juridique, dont
les sujets sont non seulement les Etats membres, mais également leurs
ressortissants. Et partant le droit communautaire fruit de l'intégration
juridique, indépendamment de la législation des Etats membres,
est destiné à engendrer des droits qui entrent dans le patrimoine
juridique des particuliers, que ceux-ci naissent expressément non
seulement lorsqu'une attribution en est faite, mais en raison d'obligation que
le traité impose d'une manière bien définie tant aux
particuliers, aux Etats, et aux institutions. Au demeurant c'est après
une telle réflexion qui nous a permis de déterminer aussi bien
l'orientation, la teneur, ainsi que la signification de l'Intégration,
il convient maintenant de s'adonner à son étude pratique. En
d'autres termes l'appréciation des normes intégrées par
rapport au domaine qu'elles investissent.
TITRE II : Le domaine du droit
intégré et les entraves à l'intégration
juridique.
Ce second massif de notre analyse entend mettre en
exergue les aspects purement pratiques de notre étude. En effet le
nouveau cadre réglementaire de la communauté, vise un certain
nombre de secteurs de l'activité économique, mais
également les instances qui sont chargées de mettre en oeuvre la
nouvelle réglementation. Cependant face aux ambitions de l'OHADA et de
l'UEMOA, il s'avère que des difficultés majeures se
révèlent pour constituer des freins à l'allure de
l'intégration juridique. Ceci étant cette seconde partie ne va
pas se prêter à la structure bipartite classiquement
appliquée en droit. Car il s'agira de voire la réglementation
commune de l'activité économique (section I), ensuite notre
réflexion portera sur l'unification au sommet du système
juridictionnel (section II), et enfin les obstacles à la dynamique
d'intégration seront mises en exergue ( section III)
CHAPITRE I : La réglementation commune de
l'espace économique ouest africain
De manière concrète, le nouvelle
réglementation des deux communautés a réussi la mise en
cohérence des environnements juridico économiques des Etats
membres (section I), une harmonisation des règles et procédures
financières et comptables (section II), mais à l'heure la grande
prouesse de l'intégration c'est sans conteste l'institution d'un
régionalisme fiscal (section III).
SECTION I : La mise en cohérence des
environnements juridico économique des Etats
On peut dire que l'ambition majeure de l'UEMOA et de
l'OHADA, est de mettre aujourd'hui un certain ordre dans le cadre
opératoire des activités économiques en Afrique. Ainsi
fortes d'un renouveau institutionnel et normatif, leur volonté se
matérialise aujourd'hui, par une certaine rationalisation du cadre
juridique des affaires (paragraphe I), mais également et surtout par la
réussite d'une harmonisation des règles et procédures
financières, bancaires et comptables (paragraphe I) sur toute
l'étendue de leur espace couvert
PARAGRAPHE I : La rationalisation du
cadre juridique des affaires
Parler de rationalisation du cadre juridique des
affaires, renvoie simplement à la nouvelle orientation
réglementaire que les entités ont réussi à imposer
dans les différents secteurs économiques dans leurs Etats
membres. Cette nouvelle réglementation imprime une lisibilité qui
est facteur de stabilité, de croissance, pour le développement
harmonieux des différents Etats membres, à travers la logique des
marchés communs. C'est ainsi qu'aujourd'hui nous assistons d'une part
à l'édiction d'un droit des affaires moderne et adapté
(A), et d'une manière générale à une
régulation du marché communautaire ouest africain (B)
A : L'édiction d'un droit des
affaires moderne et adapté
La création de l'UEMOA et de l'OHADA a
été suggérée par le nouveau contexte de la vie des
affaires. En effet avec le développement massif des mouvements de
capitaux, la croissance considérable et régulière du
commerce international, la dépendance très marquée des
économies nationales aux échanges internationaux. Le continent
africain à travers ses cercles concentriques, devait
nécessairement réagir pour pouvoir « tirer son
épingle du jeu ».Il fallait nécessairement que l'UEMOA
et l'OHADA élaborent un nouveau droit des activités
économiques ou droit des affaires, qui de surcroît, serait unique
pour les Etats membres. Mais ce droit nouveau devait revêtir un certain
nombre de qualités, pour apporter remède aux inquiétudes
des opérateurs économiques, à savoir l'incertitude quant
au droit applicable par rapport aux règlements des litiges par exemple.
C'est ainsi que les deux organisations internationales africaines, ont senti
toute de suite la nécessité de corriger les imperfections de
leurs législations, avec un droit qui non seulement s'adapterait au
nouvel environnement des affaires, marqué du sceau de la
mondialisation, mais une règlementation qui permettrait de bouster d'une
manière générale les économies de leurs Etats
membres. La diversité des droits nationaux était un obstacle aux
échanges entre les Etats, ce qui rendait souhaitable leur unification,
mais surtout leur correction en vue de leur perfectionnement. Car c'est ce qui
doit permettre d'effacer les frontières juridiques, mais aussi la
création d'un marché commun pour faire face à la
concurrence internationale. Donc la première raison principale qui
suggérait l'adoption d'un nouveau droit dans nos deux
communautés, c'est le caractère vétuste de nos
législations, mais surtout leur caractère inadapté. Si
nous prenons l'exemple du droit des sociétés qui fait aujourd'hui
l'objet d'un Acte uniforme, le régime général applicable
était celui du code de commerce d'un Etat tiers, la France en
l'occurrence. Plus grave encore cette réglementation était
très vieille, car elle datait de 1804 avant l'importante réforme
du droit des sociétés commerciales du 24 Juillet 1966.
Malgré cela dans la plupart des Etats africains, il y avait très
peu de modifications après les indépendances. Seuls certains pays
comme le Sénégal, la Côte d'Ivoire avait donné une
touche de renouveau à leur réglementation. Par conséquent
il fallait que les Etats adaptent leur droit, dont le droit des
société à un contexte économique et social moderne
très différent de celui de la période antérieure
aux indépendances. Par ce que justement l'Afrique est concernée
par la mondialisation de l'économie. Pour pouvoir marquer de sa
présence sur la scène internationale, l'intégration
régionale en est la seule condition si elle ne veut pas subir les
revers du nouveau contexte économique. L'existence dans tous les Etats
d'un même droit pour toutes les matières du droit des affaires,
par exemple le droit des sociétés, le droit des procédures
collectives, aura comme regain d'intérêt la facilitation et
l'encouragement aux investissements étrangers et privés. C'est
ainsi qu'en droit des sociétés l'innovation majeure qu'il
convient de souligner à notre niveau c'est sans nul doute
l'institutionnalisation de la société par l'AUDSC. Il est
donné une existence légale à la société
unipersonnelle par sa consécration aux termes de l'article 5. L'AUDSC
fait ainsi preuve de pragmatisme, car avec le développement de
l'entreprise individuelle, c'était une hérésie de
maintenir les dogmes du droit classique des sociétés, notamment
son fondement contractuel. Compte non tenu du fait que l'environnement des
sociétés n'était truffé que de
sociétés de façade, qui étaient en
réalité sous la gouverne d'une seule personne. Une telle option
se justifie également par le fait qu'il existe une multitude de micros
entreprises de dimension artisanale en Afrique. Il fallait donc prévoir
une structure et des mécanismes, qui permettent à celles-ci de
mieux se développer, au lieu de les accabler en maintenant une
réglementation vieille et inadaptée, de surplus inutile pour des
opérateurs économiques modestes comme ceux de l'Afrique, sans
formation et qui seraient par conséquent dans l'impossibilité de
l'appliquer. Entres autres exemples, les innovations apportées par
l'Acte Uniforme sur les procédures collectives, et celui portant droit
des sûretés assurent nettement la sécurité aux
créanciers, aux tiers, et aux investisseurs. Par ailleurs l'élan
de modernité du droit économique dans l'OHADA, se
caractérise par l'encouragement du recours à l'arbitrage. Avec la
rapidité et le secret, qui caractérise le monde des
activités économiques, la sécurité qui doit
l'encadrer, l'arbitrage est aujourd'hui très développé en
Afrique grâce à l'AUDA élaboré au sein de l'OHADA.
Mais aussi dans le cadre de l'UEMOA, l'élaboration d'une nouvelle
législation fiscale permet aujourd'hui aux Etats respectifs de l'Union,
de participer de manière considérable, avec un profit consistant,
au commerce international. En effet après avoir réussi la
prouesse de la TVA unique, l'UEMOA a ingénieusement réussi
à mettre sur pied un TEC (tarif extérieur commun), ce qui est
source d'un certain nombre d'avantages pour le marché commun de l'Union,
par ce que constituant la marque de sa consolidation . En outre le nouveau
droit adapté de l'Union et de l'OHADA, a une autre vertu essentielle,
qui est celle d'avoir pris en compte les réalités africaines. En
effet le droit des deux institutions est avant tout un droit de bon sens par ce
qu'il tient compte de la complexité et de l'originalité des
réalités socio économiques et juridiques de l'Afrique. La
réglementation nouvelle édicte des dispositions adaptées
en évitant la tentation de perfectionnement juridique. Au titre des
réalités socio économiques, on peut dire que c'est
l'illettrisme persistant qui justifie, la règle de forme
particulière à la caution analphabète, à la mention
manuscrite. L'acte uniforme portant droit des sûretés substitue
une assistance par des témoins, qui certifient, outre l'identité
et la présence de la caution, l'explication qui lui est donnée de
la nature et des effets de son engagement. De même on peut affirmer que
c'est en prenant en considération le caractère rural, artisanal,
ou industriel, bien plus que financière de l'économie
africaine ; que les promoteurs de l'OHADA, on fait fi de certaines
sûretés qui existent dans d'autres législations, comme en
France. Il en est ainsi par exemple de la sûreté sur des biens
dématérialisés. En Afrique le besoin ne s'est pas fait
sentir de transformer le gage sur valeurs mobilières en un nantissement
sur compte d'instruments financiers. Par contre l'hypothèque
légale sur une construction immobilière, de même que le
nantissement sur stocks, sont consacrés par la réglementation
OHADA, eu égard aux considérations relevées plus haut.
En somme, on dira que la volonté d'élaboration
d'un droit nouveau, en guise de réaction à un environnement
économique défavorable dans les deux communautés, est
surtout sous tendue par l'ambition de création d'un marché commun
africain. En effet l'idée de nos différents Etats parties aux
deux traités de l'UEMOA et de l'OHADA, est de favoriser
l'émergence d'un marché unique permettant de faire face à
la concurrence internationale. Et justement un marché unique, une
monnaie unique, nécessitent des règles de conduite uniformes, ce
qui constituera d'ailleurs l'objet de notre analyse ci après.
B : La nouvelle régulation du
marché commun ouest africain
Le libéralisme est à la base des
rapports d'échanges marchands au sein des communautés de l'UEMOA
et de l'OHADA. Mais nonobstant un tel principe, les deux institutions
n'entendent pas faire de leurs espaces intégrés, une zone de
« non droit ». C'est la raison pour laquelle,
l'organisation normale du marché commun ouest africain est aujourd'hui
assurée avec l'élaboration d'une réglementation commune de
la concurrence (a), et l'institution d'un marché financier
régional (b)
a : La réglementation commune
de la concurrence et la protection des
Consommateurs
Le droit de la concurrence est l'ensemble des
règles juridiques qui organisent le jeu des rapports de rivalité
et de coopération, qui existent nécessairement entre les acteurs
de la sphère des activités économiques, par exemple les
entreprises, dans leur démarche de conquête ou de
préservation de la clientèle. Le droit de la concurrence permet
également de garantir la protection des consommateurs. En effet
même si le marché est caractérisé par un principe
cardinal, qui est celui du libre jeu de la concurrence entre tous les acteurs
économiques et sociaux, cela ne manque pas de donner lieu à bon
nombres d'abus, d'où l'importance du droit de la concurrence, qui va
dans l'espace ouest africain rectifier les insuffisances et veiller aux fraudes
du marché. C'est ainsi que, à première analyse on peut
dire que le droit de la concurrence s'inscrit dans l'optique d'une protection
directe des consommateurs, mais il veille à la protection
générale des intérêts de tous, donc du marché
commun et des consommateurs qui en sont également les animateurs. Quant
au droit de la consommation elle peut se définir, comme étant la
réglementation régissant le jeu des rapports collectifs ou
individuels entre les professionnels et les consommateurs, protégeant
les derniers dans l'utilisation finale des biens ou des services. Cependant
dans l'UEMOA il n'existe aucune réglementation spécifique
à la protection des consommateurs. Mais toute fois cela
n'équivaut pas à une absence de protection des consommateurs,
dans la mesure où les textes qui semblent se spécifier au droit
de la concurrence, prennent en compte la protection des consommateurs. Le droit
de la concurrence et le droit de la consommation se confondent, en raison des
rapports qui les lient permanemment à travers les notions de
marché et des animateurs de celui-ci. En effet même si le jeu
libre de la concurrence est sensé exister à l'intérieur du
marché, l'application sans discernement du principe aller heurter de
front les intérêts des consommateurs, laissés à la
merci des opérateurs économiques. Par conséquent c'est
à la lumière des règles du droit de la concurrence qu'il
conviendra de déceler, l'importance apportée à l'heure
actuelle à la protection des consommateurs dans l'espace UEMOA. C'est
donc avec le souci d'une double protection (sur le marché et sur les
consommateurs), que la commission de l'UEMOA a mis sur pied, une
législation à double détente composée de
règlements et de directives. On a à cet effet le règlement
n°02/2002/CM/UEMOA relatif aux pratiques anticoncurrentielles à
l'intérieur de l'UEMOA. Ce règlement énonce dès son
préambule, que c'est le libre jeu de la concurrence qui constitue le
cadre idéal d'épanouissement des entreprises opérant dans
le marché communautaire. Par conséquent, il prohibe les ententes
anticoncurrentielles, les abus de position dominante, les aides d'Etats, ainsi
que les pratiques anticoncurrentielles imputables aux Etats. Ainsi l'article 3
du règlement dispose que : « Sont incompatibles avec le
marché commun et interdits, tous accords entre entreprises,
décisions d'associations d'entreprises et pratiques concertées
entre entreprises ayant pour objet ou pour effet de fausser le jeu de la
concurrence à l'intérieur de l'union... » . S'il
en est ainsi c'est dire qu'un Etat ne doit pas s'abstenir d'édicter des
mesures, permettant aux entreprises privées de se soustraire aux
contraintes imposées à l'art 88 du traité entre autres les
pratiques concertées entre entreprises, ayant pour effet de fausser le
jeu de la concurrence à l'intérieur de l'union. Si l'on analyse
bien cette disposition troisième, on peut affirmer que toute entente
n'est pas prohibée, car il en existe certaines qui sont profitables aux
consommateurs. Cela veut dire que la commission ne pourra mettre en oeuvre ses
prérogatives, injonctions ou mesures provisoires, que si et seulement si
la pratique dénoncée porte une atteinte grave, irréparable
et immédiate à l'économie générale, ou
à celle du secteur intéressé, ou à
l'intérêt des consommateurs et des concurrents. En ce qui
concerne les abus de position dominantes, c'est l'article 4 qui en dispose, il
prévoit à cet effet que le fonctionnement normal du marché
commun répugne à ce que, une ou plusieurs entreprises exploitent
de façon abusive une position dominante. Soit tel qu'en dispose
l'alinéa 2 du même article : à «
imposer de façon directe ou indirecte des prix d'achat ou de
vente, ou d'autres conditions de transactions non équitables ; limiter
la production, les débouchés ou le développement technique
au préjudice des consommateurs ; appliquer à l'égard de
partenaires commerciaux des conditions inégales à des prestations
équivalentes, en leur infligeant de ce fait un désavantage dans
la concurrence ; subordonner la conclusion de contrats à l'acceptation,
par les partenaires, de prestations supplémentaires, qui, par leur
nature ou selon les usages commerciaux, n'ont pas de lien avec l'objet de ces
contrats »
Mais en outre l'article 4 va pus loin, car
elle énumère un certain nombre de pratiques qu'elle assimile
à des abus de positions dominantes. Il en est ainsi des
opérations de concentration qui créent ou renforcent une position
dominante, détenue par une ou plusieurs entreprises, ayant comme
conséquence d'entraver de manière significative une concurrence
effective à l'intérieur du marché commun. Par ailleurs,
lorsqu'une infraction à la législation communautaire est
constatée, le Règlement n°3/CM/2002/UEMOA19(*) accorde un véritable
pouvoir règlementaire à la commission de l'UEMOA. A cet effet la
commission peut être saisie par les Etats membres ou toutes personnes
physiques ou morales. Ce qui implique la possibilité pour les
consommateurs pris individuellement et les associations de défense des
consommateurs de présenter une demande auprès de la commission.
Lorsqu'elle a connaissance d'une situation de concentration, constituant une
pratique assimilable à un abus de position dominante, la commission peut
enjoindre aux entreprises, soit de ne pas donner suite au projet de
concentration, ou de rétablir la situation de droit antérieure,
soit de modifier ou de compléter l'opération ou de prendre toute
mesure propre à assurer ou à rétablir une concurrence
suffisante. Pour mettre fin aux infractions relatives aux ententes et abus de
positions dominantes20(*),
la commission peut par voie de décision infliger aux entreprises et
associations d'entreprises des amendes de 500.000 à 100.000.000 F CFA.
Cette sanction pécuniaire peut être assortie des astreintes
à raison de 5000 F CFA à 1 000 000 F CFA par jour de retard.
De telles décisions peuvent toute fois être attaquées
devant la cour de justice de l'Union, qui appréciera la
légalité des actes de la commission.21(*)En second lieu au titre des
directives communautaires, on a celle relative à la transparence des
relations financières entre l'Etat et les entreprises publiques ou les
organisations internationales, et celle relative à la
coopération entre la commission et les structures nationales de la
concurrence des Etats membres. En effet grâce à la nouvelle
réglementation communautaire, les Etats parties ont mis sur pied des
normes, ainsi que des structures chargées de promouvoir la protection
des consommateurs, et le libre jeu de la concurrence. Pour exemple nous
prendrons l'exemple du Sénégal, qui a eu élaboré
une loi à ce propos bien avant même la communauté. Il
s'agit en fait de la loi 94 63 du 22 Août 1994 relative aux prix,
à la concurrence et aux contentieux économiques. Au
Sénégal les autorités publiques ont favorisé
l'organisation de structures spécifiques telles que les associations de
consommateurs, les conseils de la consommation, qui ont pour office d'assurer
une protection de masse aux consommateurs. Au titre de ces associations on peut
citer l'association de défense des usagers de l'eau, de
l'électricité, de la télécommunication et des
services, ou encore l'association sénégalaise pour la
défense de l'environnement et des consommateurs, entre autres. Eu
égard à la nouvelle réglementation communautaire sur la
concurrence, il existe aussi des commissions nationales de la concurrence qui
sont regroupées en comités consultatifs de la concurrence au sein
de l'UEMOA. Mais dans ce domaine le Sénégal est également
pionnier dans la mesure où sa commission a été
instituée depuis 1994 avec la même loi pré citée.
Cette commission joue le rôle de sentinelle dans le marché, mais
le seul regret que l'on pourrait exprimer c'est la carence de ses
décisions, qui malheureusement ont été annulées par
le Conseil d'Etat sénégalais. Toute fois pour
l'intérêt pratique de notre étude sujet, il est de bon aloi
d'en citer certaines afin de les analyser. La première décision
rendue, été en fait relative au secteur des assurances. C'est la
décision n°01 D-0122(*) , dans cette affaire la question de droit qui se
posait été de savoir si le fait pour la FSSA d'ordonner à
ses membres de rompre leurs relations professionnelles avec la CIBA pouvait
être qualifiée d'entente ayant pour objet ou pour effet de
restreindre, ou encore de fausser le libre jeu de la concurrence. Face à
une telle question la commission a répondu par l'affirmative en
application de l'article 24 de la loi 94-63. Par la suite la commission a
retenu deux types de sanctions. D'abord elle a enjoint à la
fédération et à ses sociétaires de faire cesser
l'entente. Ensuite elle a ordonné la publication de la décision
dans trois quotidiens sénégalais. Dans une autre affaire
également la commission de la concurrence a eu à se prononcer en
faveur de l'abus, c'est la décision n° 02 D02 relative au secteur
du transport aérien. L'interrogation juridique était ici de
savoir est ce que la compagnie Air France avait le droit eu égard
à sa position dominante, et de l'état de dépendance des
agences de voyage vis-à-vis d'elle, de modifier unilatéralement
le montant de la rémunération des agences de voyage. A ce propos
également la commission a répondu par la négative,
constatant de ce fait la pratique anticoncurrentielle dont était fautive
la compagnie en l'espèce.
Après avoir énoncé ces
décisions notre analyse consistera maintenant, à s'interroger
sur le pourquoi de leur annulation par le Conseil d'Etat
sénégalais. En effet il semble selon l'argument de la cour saisie
pour excès de pouvoir, que la commission nationale n'ait pas de
compétence pour sanctionner une pratique anticoncurrentielle. Une telle
position du Conseil peut certes se justifier par l'existence d'une nouvelle
réglementation communautaire de la concurrence, et d'une commission
communautaire de la concurrence, en principe seule habilitée
désormais à connaître des questions relatives à ce
domaine, eu égard au principe de l'application directe et
immédiate du droit communautaire. Mais toute fois, il faut
considérer aussi que les commissions nationales disposent d'une
compétence de droit commun en matière de contentieux de la
concurrence. Par conséquent à notre niveau, nous estimons que
dans la mesure où, l'appréciation des infractions relatives
à la concurrence, à la protection des consommateurs demeure
à la compétence des organes nationaux, telles que les commissions
de la concurrence, il serait plus pratique d'appliquer la même
procédure que celle qui est utilisée devant la cour de justice de
l'UEMOA, ou devant la CCJA de l'OHADA. Il faudra, pour une répartition
rationnelle du travail juridictionnel, faire des commissions nationales des
instances ayant une compétence de premier degré, qui pourront
lorsqu'elles auront à statuer, solliciter au besoin l'avis de la
commission communautaire. Et ensuite c'est après que toutes les voies
de droit internes seront épuisées, que la commission
communautaire pourra être saisie en cassation. Notre position est
d'ailleurs réconfortée par celle du professeur Abdoulaye Sakho de
la faculté de droit de l'Université Cheikh Anta Diop. Selon lui
ont doit opter pour une procédure à double degré, à
l'image du système OHADA. Les litiges doivent être connu en
premier temps par les autorités nationales, en l'occurrence les
commissions nationales, et dans un second temps par les autorités
communautaires (commission de l'UEMOA). Notre plaidoyer pour un maintien des
commissions nationales, ainsi que de leurs prérogatives de sanctions,
tire aussi argument du fait que le droit communautaire de la concurrence, est
encore très imparfait, il laisse en rade beaucoup de domaines, par
conséquent une survivance par endroit des législations nationales
antérieures, et des instances nationales serait souhaitable pour un
renforcement, un développement du droit de la communauté. Et cela
devra se faire dans une parfaite coordination.
L'analyse d'ensemble de ces textes
communautaires autorise à dire que leur finalité est d'instaurer
un nouveau cadre juridique concurrentiel propice aux acteurs
économiques, évoluant dans l'environnement d'un marché
commun marqué du sceau de la libéralisation. Cependant par
rapport à la protection des consommateurs des efforts restent à
faire sur le plan communautaire, c'est ce qui fait que les associations de
consommateurs sont d'habitude déboutées en justice pour
défaut d'intérêt, par ce qu'il n'ont pas d'habilitation
législative si l'on prend l'exemple du Sénégal. A l'image
de la commission de la concurrence, il faut penser à la mise sur pied
d'une organisation communautaire chargée de la défense des
intérêts des consommateurs. Dans le cadre de l'OHADA aucune norme
communautaire n'existe à l'heure actuelle dans le domaine de la
concurrence. Toute fois un Acte Uniforme est en chantier et celui ci promet
d'être plus performent, sûrement au regard de l'expérience
UEMOA, étant donné qu'il envisage de prendre en compte aussi bien
le droit de la concurrence, que celui de la consommation.
Par ailleurs à coté de ses normes qui organisent de
manière générale le jeu des rapports économiques,
l'Union a aujourd'hui mis sur pied un certain cadre qui participe à
l'encadrement de telles activités.
b :La création du
marché financier régional
A l'image des règles de concurrence, le
marché financier est également mis sur pied pour assurer une
meilleure visibilité du marché commun de l'Afrique de l'Ouest.
Cependant ce marché n'existe qu'au sein de l'UEMOA, l'OHADA n'en a pas
encore posé les jalons. Ainsi pour remplir sa mission, le marché
de l'UEMOA se fixe trois objectifs principaux : le relèvement du
taux d'épargne, le renforcement de la structure financière des
entreprises, et enfin la réduction des coûts
d'intermédiation financière. Pour l'organisation institutionnelle
du marché il a été d'abord mis sur pied, le conseil
régional de l'épargne publique et des marchés financiers
(CREPMF). La commission de l'UEMOA membre de cette structure y est
représentée par un de ses fonctionnaires. Mais par la suite, afin
de favoriser le fonctionnement efficace du marché financier crée
en Juillet 1996, les autorités ont retenu conformément aux normes
internationales le principe d'une nette séparation des missions et des
intervenants. Et cela s'est traduit par la création de 2 pôles
distincts. Un pôle privé composé de la BRVM qui a en charge
d'assurer la bonne fin des transactions sur les valeurs mobilières, pour
ensuite en informer le public. Le dépositaire Central / Banque de
règlement (DC/BR) qui est une structure privée, chargée
de la conservation et de la circulation scripturale des valeurs
mobilières, aussi bien pour le compte des émetteurs que des
intermédiaires. Il y a également la présence dans ce
secteur des intervenants commerciaux à savoir les
sociétés de gestion et d'intermédiation, il en est ainsi
des sociétés de conseil en valeur mobilières, des
sociétés de gestion et d'intermédiation (SGI), les
sociétés de gestions de patrimoine (SGP), les apporteurs
d'affaires ou encore les démarcheurs.
Quant au pôle public constitué du
conseil régional de l'épargne publique et des marchés
financiers, il représente l'intérêt général
et garantit la sécurité et l'intégrité du
marché. Le conseil régional est chargé de la protection de
l'épargne investie en valeurs mobilières, et en tout autre
placement donnant lieu à une procédure d'appel public à
l'épargne, dans l'ensemble des Etats de l'UEMOA. A ce titre il est le
seul habilité à réglementer les procédures d'appel
public à l'épargne, il est habilité à formuler le
cas échéant un veto sur l'émission et sur le placement de
l'appel public de nouveaux produits financiers susceptibles d'être
négociés en bourse. Il est également chargé de la
mission de contrôle de l'ensemble des structures privées du
marché, auxquelles il délivre leurs cartes professionnelles.
Cependant jouant un rôle très important dans la
gestion du marché commun, le marché régional financier
n'existe que dans l'UEMOA. L'inexistence dans l'OHADA d'une telle structure
peut s'expliquer par le caractère non exclusivement économique de
cette organisation africaine. Après avoir mis en exergue les solutions
juridiques qui sont actuellement posées dans le cadre des deux
communautés, afin de favoriser une certaine cohérence synonyme de
stabilité du marché des affaires entre personnes privées
particulièrement, il convient maintenant de mettre l'accent sur une
réglementation qui investit un autre domaine des activités
économiques.
PARAGRAPHE II : Une harmonisation
des règles et procédures budgétaires et
Comptables
A ce niveau il s'agira de voire qu'au sein de nos
deux entités, il y a eu l'adoption d'une réglementation relative
au système comptable (A), il a été également
définie au sein de l'Union économique une discipline
communautaire de la gestion des finances publiques (B), sans oublier toute fois
la nouvelle réglementation des opérations financières et
le dispositif de lutte contre le blanchiment de capitaux
A : L'adoption de deux
réglementations communautaires sur le système
Comptable
Le droit comptable est conçu comme
étant la science qui a pour objet l'enregistrement en unités
monétaires des mouvement de valeurs économiques en vue de
faciliter la conduite des affaires financières, industrielles et
commerciales. Ainsi considéré le droit comptable entre dans le
champ de compétence de l'UEMOA et de l'OHADA, puisque ces deux
organisations se sont données pour objectif l'élaboration d'un
droit renouvelé favorable au développement économique.
Ainsi les deux entités ont chacune élaboré une
réglementation comptable. S'agissant de l'OHADA sa réglementation
se présente comme un approfondissement du système comptable de
l'UEMOA (a), pour ce qui de l'UEMOA la prise en compte des apports de l'OHADA
lui a permis d'ordonner un système comptable très moderne
(b).
a : L'approfondissement du droit
comptable UEMOA par le droit OHADA
Le droit comptable OHADA est une discipline
nouvelle mais elle rassemble des éléments plus ou moins anciens.
Son avènement a été précipité par un
certain nombre de constats relatifs à l'histoire des différents
systèmes comptables de la zone franc. En effet il y a différents
facteurs qui expliquent l'adoption de l'Acte Uniforme OHADA sur le droit
comptable. Il en est ainsi de
l'hétérogénéité des
référentiels comptables en vigueur, car il existait dans la zone
au moins cinq référentiels comptables. Ensuite il a
été noté une certaine obsolescence des normes comptables
utilisées par les Etats parties de l'OHADA si on les compare aux normes
comptables internationales. La pluralité des bilans et états
financiers peut aussi être considérée comme une cause
à l'adoption d'un droit comptable renouvelé. Car ce
phénomène affectait la fiabilité des informations
comptables émanant des entreprises. C'est ainsi qu'à
été adopté le plan comptable général de
l'OHADA en décembre 1995 à Dakar, mais cette première
version n'est jamais entrée en vigueur. Ensuite c'est en décembre
1996 que le plan comptable général des entreprises du
système comptable ouest africain sera adopté dans sa
première version. Finalement c'est grâce à
l'expérience résultant des différents systèmes
comptables antérieurs, que le 24 mars 2000 à Yaoundé le
conseil des ministres de l'Organisation adopta l'Acte Uniforme portant
organisation et harmonisation des comptabilités des entreprises sises
dans les Etats parties au Traité de Port Louis. Il est entré en
vigueur en deux phases, d'abord les dispositions portant sur les comptes
personnels des entreprises sont entrées en vigueur le 1er
janvier 2000, et la seconde partie portant sur les comptes consolidés et
les comptes combinés sont venues en janvier 2001. A vrai dire le plan
comptable OHADA dans sa deuxième version est un approfondissement du
SYSCOA première version. Ce modelage du droit comptable OHADA sur celui
de l'UEMOA se matérialise par l'adaptation de ses
caractéristiques fondamentales comme le principe de la prudence et de la
transparence. Mais ces fondamentaux ont connu une certaine évolution
au sein de l'Organisation. Aux titres des évolutions du droit comptable
UEMOA, on peut citer par exemple la séparation de la comptabilité
générale, de la comptabilité analytique de gestion
facultative, ce qui permet de préserver le secret des affaires. Par
ailleurs si l'OHADA marque l'approfondissement du droit de l'UEMOA relatif
à la comptabilité, celui-ci n'a pas manqué aujourd'hui de
faire siens, tous les développements réalisés par
l'Organisation dans ce domaine.
b : La prise en compte des apports
de l'OHADA par le droit comptable
UEMOA
Il faut d'abord signaler que le droit comptable de
l'UEMOA a été adopté suite à une prise de
conscience des instances dirigeantes de la BCEAO et de l'UMOA, qui au regard de
la conjoncture économique, ont pensé à la
définition de nouveaux instruments de gestion monétaire pour
les entreprises lesquels instruments nécessitaient pour leur mise en
oeuvre optimale, la réalisation d'une centrale des bilans qui allait
être un observatoire, constitué et gérant des
données descriptives, monétaires et économiques, pour les
entreprises. Entres autres objectifs il a été assigné
à la centrale des bilans : la facilitation d'une articulation entre
les données de la micro économie, et les agrégats macro
économiques, afin de faciliter les comparaisons sectorielles, la
faculté d'apporter aux décideurs des outils permettant une
définition plus fine des options de politique économique, pour
pouvoir suivre les incidences sur les entreprises. C'est ainsi qu'au rythme des
efforts, il a été adopté le règlement
communautaire n° 04/96/ CM/ UEMOA du 20 décembre 1996 portant
référentiel comptable commun au sein de l'UEMOA
dénommé SYSCOA, ce règlement est entré en vigueur
deux ans plus tard le 1er janvier 1998. Ensuite tout un ensemble
d'instruments juridiques a été adopté pour définir
un cadre légal et institutionnel en cette matière. Il y a eu
d'abord le règlement d'exécution n° 11/97/COM/UEMOA,
modifié par la suite par le règlement
n° 02/2002/COM/UEMOA. Mais si le droit OHADA a
préféré édicter un Acte Uniforme en matière
comptable, parce que estimant les référentiels comptables
existants notamment le SYSCOA, comme inadapté. La question qui se pose
à nous est celle de savoir pourquoi le droit UEMOA en matière
comptable n'a pas été purement et simplement abrogé ?
D'autant plus que les Etats de l'UEMOA sont tous parties au traité de
l'OHADA. Cette question est pertinente car elle permet de savoir que le SYSCOA
n'est en réalité que la photocopie parfaite de l'AU sur le droit
comptable. En effet après l'avènement de l'AUHOC les instances de
l'UEMOA avait une double option, soit abroger le SYSCOA afin d'éviter
tout doublon avec l'OHADA, soit le maintenir en procédant toute fois aux
réaménagements nécessaires qu'imposaient les normes
comptables internationales, et que l'OHADA avait pris en compte en
élaborant son AU. Le choix de l'Union fut finalement porté sur la
seconde alternative, puisque le 20 septembre 2001 il a été
adopté le règlement n° 7/2001/CM/UEMOA qui est justement
venu pour modifier un certain nombre de dispositions du règlement
originel de 1996. En effet l'article 1er de ce règlement de
2001 dispose que : « En vue d'assurer leur
compatibilité avec l'Acte Uniforme portant organisation et harmonisation
des comptabilités des entreprises sises dans les Etats parties au
traité relatif à l'harmonisation du droit des Affaires en
Afrique, les dispositions des 11, 13, 38 , ,56, 70, 72, 73, 74, 89, 97,
98, 103 104, 108 et 111, du règlement n°04/96/CM portant
adoption d'un référentiel comptable commun au sein de l'UEMOA
dénommé Système Comptable Ouest Africain ( SYSCOA ), sont
modifiées ». S'il en est ainsi on peut dire que cette
démarche adoptée par l'Union est plus ou moins judicieuse
à bien des égards, puisqu'elle a consisté à
apporter au SYSCOA, les modifications nécessaires qu'implique l'Acte
Uniforme de l'OHADA relatif au droit comptable. Cette nouvelle situation a du
reste été confirmée par la CCJA dans un avis rendu le 30
avril 200123(*). Dans cet
avis qui faisait suite à une requête de la République de
Cote d'Ivoire la Cour communautaire a estimé qu'il revenait au
même d'appliquer le système comptable OHADA ou celui de l'UEMOA.
Au demeurant il faut dire que même si
aujourd'hui l'UEMOA s'est alignée sur le dispositif de l'OHADA en
matière comptable, l'idéal aurait été de faire
uniquement prévaloir les normes résultant de l'AU, de sorte qu'il
n'existe pas de double législation en cette matière. Une telle
option aurait l'avantage de renforcer l'OHADA qui regroupe en
réalité tous les Etats de l'UEMOA et ceux de la CEMAC. L'UEMOA
conserverait dans sa compétence les règles et mécanismes
non supplantées par ceux de l'OHADA, telle la centrale des bilans. Mais
en procédant de la manière actuelle, non seulement l'UEMOA
vient briser l'oeuvre d'harmonisation de l'Organisation, mais elle
créée par la même occasion des confusions qui peuvent
donner lieu à de véritables conflits de juridictions entre la
CCJA et la CJU. Puisqu' en fin de compte elles pourront en cas de litige
s'estimer toutes les deux compétentes, étant donné que
l'ordre juridique auquel elles appartiennent règlemente la
matière. Par ailleurs si les deux entités ont senti la
nécessité d'avoir un oeil visible sur la situation des finances
au plan micro économique des entreprises, la même volonté
se fait aujourd'hui ressentir au plan macro économique avec
l'institution de nouvelles règles sur les finances des Etats.
B : La discipline communautaire de
la gestion des finances publiques
C'est dans un domaine comme celui des finances
publiques qu'apparaît la différence entre l'UEMOA et l'OHADA.
Mais cette différence n'est pas de nature puisque les deux
entités sont tous communautaires, et ont en fin de compte un but
purement économique, mais c'est leurs orientations, leurs cibles ou
matières qui diffèrent par endroit. En effet l'UEMOA a
été créée par les Etats de la zone franc pour
renforcer leur union monétaire par une réelle union
économique. Par conséquent contrairement à l'OHADA que
d'aucuns considèrent comme productrice d'un droit purement privé.
Certaines des normes de l'Union n'auront logiquement comme destinataires, que
les seuls Etats personnes publiques. C'est ainsi que aux termes de l'article
4 du Traité il est prévu : « La convergence des
performances, et des politiques économiques des Etats membres
». L'intérêt des règles de gestion
budgétaire est justement lié au fait que la politique
économique, qui est le nouveau défi de l'Union comporte deux
aspects : une politique monétaire qui est gérée par
une institution autonome de l'UEMOA, à savoir la Banque Centrale, et
cette dernière a pour mission d'assurer la stabilité des prix,
faisant en sorte qu'il y ait un ajustement entre la masse de liquidité
en cours et l'évolution de la conjoncture économique. Quant
à la politique budgétaire second versant de la politique
économique, c'est l'utilisation de l'acte du budget comme instrument de
politique économique. En l'occurrence le budget, est donc utilisé
pour atteindre un certain nombre d'objectifs, définis à
l'échelle communautaire. Avant la création de l'UEMOA il y avait
diverses politiques budgétaires nationales, mais avec l'objectif d'union
économique, il faut nécessairement une convergence de ces
politiques budgétaires. Une telle convergence est aujourd'hui entreprise
en convoquant également les vertus diverses de la règle de droit.
Cette convergence est ainsi entreprise grâce à
l'élaboration de critères (a), et programme pluriannuel de
convergence (b)
a : L'élaboration des
critères de convergence
La première formulation de la convergence
des politiques budgétaires est donnée par le traité
lui-même, lorsqu'il annonce aux termes de l'article 65 les grandes
orientations aux quelles la politique économique des Etats doit se
conformer. A savoir éviter les déficits excessifs, et assainir la
structure des recettes et des dépenses publiques. C'est dans ce cadre
qu'est intervenue la directive du 15 janvier 1996 relative à la mise en
oeuvre de la surveillance multilatérale des politiques macro
économiques. C'est à la suite qu'a été
adopté celle du 15 septembre qui pour la première fois
énonce un certain nombre d'indicateurs, appelés
communément critères de convergence, pour jauger le respect par
les Etats de la discipline budgétaire. Ensuite le 8 décembre 1999
l'acte additionnel n° 04 99 portant pacte de convergence est adopté
pour mieux apprécier le respect de la discipline budgétaire.
Ainsi le mécanisme du dispositif de surveillance est constitué
aujourd'hui par ces critères et par l'existence de programme de
convergence.
S'agissant des critères ils sont
définis par l'article 16 du pacte comme étant les indicateurs
jugés essentiels, et prévoit toute fois que les autres
critères doivent être répertoriés sur un tableau de
bord. Ensuite le pacte procède toute fois à leur
hiérarchisation entre critères de premier rang et de second rang.
D'abord les critères de premier rang sont définis par l'article 1
du règlement 11- 99 du 21 décembre 1999
comme : « ceux dont le non respect entraîne la
formulation explicite de directives par le Conseil demandant à l'Etat
concerné de prendre d'élaborer et de mettre en oeuvre un
programme de mesures rectificatives ». Leur nombre
s'élève à quatre selon l'article 18 du pacte. Il s'agit
tout d'abord du critère considéré, comme le
critère clef parmi les quatre, il est relatif aux déficits
publics, et selon la réglementation chaque Etat soucieux d'avoir des
finances publiques saines doit le respecter. Ce critère est celui du
solde budgétaire de base, et selon la réglementation issue du
pacte il est égale aux recettes totales (hors dons) moins les
dépenses courantes, moins les dépenses d'investissements
publiques financées sur ressources internes. Pour ce critère les
recettes totales de chaque Etat de l'Union doivent pouvoir permettre de couvrir
les dépenses courantes y compris le remboursement des anuitées
de la dette puisque les charges en intérêt et en amortissement
sont dépenses ordinaires, et il doit subsister une épargne
budgétaire pour financer les investissements nouveaux pour assurer
l'auto financement. Ainsi la réglementation de l'UEMOA contraint en
principe aux Etats de respecter ce critère du solde budgétaire
qui de ce fait doit toujours être positif. Le critère est ainsi
évalué : ratio du solde budgétaire de base
rapporté au PIB supérieur ou égale à 0. Pour le
respect de ce premier critère, la date butoire était
fixée en 2002, mais l'acte additionnel n° 03/2003 du 23 janvier
2003 modifiant le pacte de 1999 l'a porté à 2005. Le second
critère de premier rang est celui relatif à l'encours de la dette
publique, le stock de la dette publique. Pour l'évaluation de ce
critère la réglementation prévoit que le ratio de la
dette extérieure et intérieure rapporté au PIB ne devrait
pas excéder 70 % en 2005. S'il en est ainsi, c'est dire que l'article 18
fournit aujourd'hui une valeur de référence quantitative à
la notion de soutenabilité de la dette publique. Avec la nouvelle
réglementation sur la dette publique, il est aujourd'hui interdit aux
Etats de recourir aux financements monétaires constitués par les
découverts statutaires que leurs accordés la banque
centrale24(*). Celan
étant le recours à la dette est depuis 200225(*) le seul moyen offert aux
Etats, pour le financement de leurs soldes budgétaires. Les deux autres
critères de premier rang sont : le taux d'inflation annuel moyen
qui devait être à 3% maximum par année, et enfin les
arriérés de paiements intérieurs et extérieurs pour
les quels la réglementation prévoit aujourd'hui que les Etats ne
doivent pas en accumuler sur la gestion de la période courante.
Ensuite la réglementation prévoit
quatre autres critères de second rang. Le premier est le ratio de la
masse salariale sur les recettes fiscales. Selon la directive n° 02 /96 ce
ratio devait être supérieur à 50% en 1997, et ceci pour
tous les Etats membres de l'UEMOA. Et en 1998 la directive n° 01/98 l'a
fixé à 40 % pour l'année 1999. Les autorités de
l'Union ont fixé ce critère eu égard à leur
volonté d'améliorer la structure des dépenses publiques,
en outre avec ce critère, les Etats auront également la
possibilité de maîtriser l'évolution de la masse salariale
, qui est en fait la principale composante des dépenses courantes. Le
second critère de second rang est le ratio des investissements publics
financés sur les ressources internes, rapporté aux recettes
fiscales. Selon la réglementation issue du pacte ce ratio devait
atteindre au moins 20% en 2002 pour tous les Etats. Ce second critère
trouve son intérêt dans la relation qu'il entretien avec celui
relatif à la masse salariale. Car si les Etats parviennent à
maîtriser cette dernière, ils auront tous la possibilité
d'accroître la part des recettes publiques affectée aux
dépenses d'investissement. Un autre critère de second rang est le
ratio du déficit extérieur courant par rapport au PIB, qui ne
devait pas dépasser 5% en 2002. Et enfin le dernier critère de
second rang est le taux de pression fiscale, que la réglementation
communautaire définit comme étant le rapport entre les recettes
totales et le produit intérieur brut. En 2002 le pacte prévoyait
que ce critère devait être supérieur ou égale
à 17% pour les Etats de l'Union.
A coté des critères, la nouvelle
discipline budgétaire de l'UEMOA prévoit aussi des programmes
pluriannuels de convergence dans un souci de renforcement et
d'accélération des efforts de convergence.
b : L'obligation
d'élaboration de programmes pluriannuels de convergence
Pour le pacte de stabilité, les programmes
pluriannuels qui sont élaborés par les Etats eux-mêmes
doivent permettrent d'atteindre en moyen terme les objectifs communautaires de
convergence sur la base des critères définis par le pacte. Selon
l'article 5 du pacte lorsque les Etats élaborent leurs programmes,
ceux-ci doivent contenir un certain nombre d'informations. C'est les
réalisations de l'année précédente, ensuite les
objectifs de l'année en cours, aussi une description des mesures
budgétaires et des autres mesures de politiques économiques
permettant de réaliser les objectifs du programme. Et enfin le programme
doit renseigner sur l'évolution des critères de convergence, et
particulièrement celle du critère clef. Pour la mise en oeuvre
des programmes, le point de départ était fixé pour
l'année 2000 et elle devait se faire en deux phases. La première
phase qui est la phase de convergence devait aller initialement du
1er janvier au 31 décembre 2002 mais l'article 3 de l'acte
additionnel n° 03 - 2003 du 29 janvier 2003 modifiant le pacte de
convergence a reporté l'échéance au 31 décembre
2005. A cette date les programmes de convergence proposés par les Etats
membres devraient leur permettre de satisfaire aux quatre critères de
rang. La deuxième phase qui est la phase de stabilité, doit
normalement commencer le 1er janvier 2006 quand tous les Etats
auront respecter les quatre critères de premier rang. Durant cette phase
l'amélioration continue des critères ne sera plus une obligation,
mais une faculté sous réserve que les programmes qui seront mis
en oeuvre par la suite, permettent d'assurer une situation budgétaire
équilibrée ou excédentaire, ceci pour faire face aux
fluctuations conjoncturelles.
Par ailleurs il faut également noter qu'en
plus des critères et des programmes de convergence. La nouvelle
législation harmonisée de l'Union en matière
budgétaire, prévoit une procédure d'évaluation des
performances budgétaires. En effet il s'agit d'un mécanisme
permettant de vérifier et de sanctionner le respect par les Etats
membres des prescriptions communautaires en matière de convergence.
Cette procédure de contrôle met en jeu des organes comme la
commission de l'UEMOA et les comités nationaux de politique
économique institués par la directive n° 01/ 96, qui est
relative à la mise en oeuvre de la surveillance multilatérale. Et
elle repose concrètement sur l'élaboration de rapports
d'exécution par la commission et sur l'évaluation par le Conseil
des ministres de l'Union des différents programmes établis par
les Etats. Les rapports sont prévus par l'article 72 du traité,
et sont soumis au conseil pour rendre compte de la convergence des politiques
économiques des Etats membres. Pour l'élaboration du rapport, la
commission bénéficie du concours du secrétariat conjoint
qui en plus d'elle même, est composé de la banque centrale, de la
BOAD. Chaque année deux rapports doivent être soumis au conseil
selon la directive de 1996. Le premier rapport est examiné par le
Conseil au mois d'Avril, il permet d'évaluer les objectifs de
l'année précédente, ce qui permet de procéder
à une revue de l'année en cours. C'est au mois de septembre que
le second rapport semestriel est soumis au Conseil. Il permet à son
tour de fixer les orientations des politiques économiques pour
l'année suivante par voie de recommandations.
Enfin après l'évaluation des
programmes et des critères de convergence, la réglementation
prévoit objectivement des sanctions contre les
« mauvais élèves »,
c'est-à-dire les Etats qui ne satisfont pas aux obligations
communautaires. C'est ainsi que tout d'abord dans le traité il est
prévu que la commission devra prendre une directive portant mesures
rectificatives, chaque fois qu'un Etat manquera à ses obligations
budgétaires, ou lorsque le programme proposé par l'Etat membre
n'est pas conforme aux objectifs communautaires. Dans le pacte qui est la
seconde source de sanctions, il existe une innovation avec le système de
graduation. Par exemple, lorsque le manquement porte sur un critère de
second rang le Conseil adresse à l'Etat une recommandation. Par contre
si c'est un critère de premier rang autre que le critère clef qui
n'est pas respecté, le Conseil adresse à l'initiative de la
Commission une directive indiquant les mesures rectificatives, que celui devra
mettre en oeuvre. Mais il faut par ailleurs préciser que les obligations
qui s'imposent aux Etats en matière budgétaire, peuvent
être sanctionnées dans le cadre du recours en manquement
Au demeurant il convient de souligner que dans les
domaines jusque là énoncés, l'UEMOA, et l'OHADA ont
réussi des prouesses remarquables dans le rapprochement de leurs
différentes législations, avec toute fois quelques
imprécisions, ou obstacles. Mais dans la partie de notre analyse qui
suit, nous allons mettre l'accent sur ce qui peut être
considéré comme la grande réussite de l'Union depuis la
révision de 1994. Il s'agit en effet du domaine fiscal, car
comparé aux autres organisations internationales le niveau de
réalisation acquis par l'UEMOA est à louer.
SECTION II : L'harmonisation des législations
fiscales dans l'Union ouest africaine
Face aux nouveaux défis de la mondialisation
des échanges commerciaux, caractérisés principalement par
le principe de la libéralisation du commerce, l'émergence de
des grands blocs économiques. Face également aux
réalités d'une concurrence stratégique aujourd'hui plus
cruelle, l'Union économique et monétaire de l'Afrique de l'ouest
n'a pas manqué de répondre à l'appel, en se mettant au
diapason de ces nouvelles réalités économiques. En mettant
en oeuvre un vaste et ambitieux mais très honorable projet de
construction d'un marché commun et unifié. Celui-ci est
basé sur non seulement la consécration du principe de la
liberté de mouvement des personnes et des capitaux, mais
également sur la libération du commerce. Aussi dans cette
optique, avec le souci de démanteler toutes les entraves au commerce une
législation commune des échanges intra (paragraphe I) et extra
communautaires (paragraphe II) a été élaborée.
PARAGRAPHE I : La législation
commune des échanges intra
Communautaires
Pour la mise en oeuvre des son marché
commun, l'Union économique et monétaire de l'Afrique de l'Ouest
a mis en place un ensemble de dispositions institutionnelles et
législatives consacrant un régime libéral des
échanges commerciaux reposant sur « l'élimination sur
les échanges entre les pays membres, des droits de douanes, des
restrictions quantitatives à l'entrée et à la sortie, des
taxes d'effet équivalent et de toutes autres mesures d'effets
équivalent susceptibles d'affecter lesdites transactions sous
réserves du respect des règles d'origine de
l'Union...... »
Cela traduit pour ainsi dire la volonté de l'UEMOA,
d'éliminer progressivement aussi bien les barrières tarifaires et
celles non tarifaires (A), mais également par la consécration du
principe de la libéralisation des facteurs de production (B)
A : La suppression des
barrières tarifaires
Cette suppression se traduit d'abord par un abaissement
progressif devant aboutir à court et moyen terme des droits de douanes,
ensuite à l'établissement d'une taxe sur la valeur ajoutée
commune et enfin à une harmonisation des droits d'accises.
a : Les droits de
douane
Par droits de douanes on entend tous les taxes
et impôts particuliers sur les dépenses, perçus à
l'occasion de l'importation ou de l'exportation des marchandises. Aussi la
réalisation du marché commun nécessite t - elle a priori,
une libre circulation de toutes marchandises. C'est pour cette raison que
l'UEMOA a pris des dispositions comme susdit, allant dans le sens de cette
libéralisation. Ainsi un schéma de libéralisation des
échanges a été mis en place à cet effet. L'UEMOA a
établit un régime tarifaire préférentiel des
échanges dont le fondement se trouve dans l'art77 qui dispose
que les Etats membres devront s'abstenir d'introduire entre eux
tous nouveaux droits de douanes à l'importation et à
l'exportation, ainsi que toutes taxes d'effets équivalents, et
également d'augmenter ceux qu'ils appliquaient dans leurs relations
commerciales mutuelles. Il faut souligner tout de suite, à titre
purement comparatif, qu'une disposition pendante à celle-ci se retrouve
aussi dans le traité constitutif de la Communauté Economique des
Etats de l'Afrique de l'Ouest (CEDEAO). Ce qui serait intéressant
à savoir c'est de voir comment elle a été transcrite
concrètement sur le terrain.
A ce propos, on notera que dans l'Union, c'est les produits du
cru et de l'artisanat qui ont d'abord bénéficié du
régime de libéralisation de leur circulation. Toute fois ce
régime ne leur est acquis que s'ils sont originaires de l'un des Etats
membres. Cette qualité n'étant considérée comme
remplie que si les produits ou biens sont fabriqués, produits, obtenus,
élevés, trouvés, ou recueillis dans l'Etat membre. En
outre pour pallier à toute équivoque, le législateur UEMOA
n'a pas hésité à faire oeuvre de pédagogie en
énumérant dans l'art 4 de l'acte additionnel n° 04/06
instituant le régime préférentiel transitoire et dans
l'art 10, la définition de ce qu'il entendait par produit du cru et de
l'artisanat. Ainsi pour la première disposition : «
Sont considérés comme produits du cru originaires des Etats de
membres de l'Union, les produits du règne animal, minéral,
végétal n'ayant subi aucune transformation à
caractère industriel ». Par la suite une classification et une
longue énumération des produits concernés26(*) est indiquée (voir
annexe). Mais il s'agit évidemment d'une énumération non
exhaustive. Pour les produits de l'artisanat traditionnels originaires des
Etats membres, l'article 6 de l'acte additionnel dispose que « On
entend par produits de l'artisanat traditionnels originaires des Etats membres
de l'Union généralement les articles faits à la main, avec
ou sans l'aide d'outils, d'instruments, ou de dispositifs actionnés
directement par l'artisan ».Ici également l'annexe 2 de l'Acte
additionnel voulant être plus explicite fournit une liste des produits
concernés.
Il faut dire aussi que l'idée qui
sous-tendait cette libéralisation immédiate était la
promotion du développement rapide de l'agriculture, de l'élevage
et des revenus de l'artisanat. Ainsi les produits du cru et de l'artisanat
doivent circuler librement entre les Etats. Dans la communauté, puis que
c'est l'entité soeur de l'UEMOA, les produits du cru et de l'artisanat
ont bénéficié d'un régime de libéralisation
immédiate et complète dans leur circulation sous réserve
du fait qu'ils soient originaires de l'un des Etats membres de la
communauté. La CEDEAO ajoute pour sa part qu' en plus d'être
originaires, d'un des Etats membres , ces produits doivent
également être repris dans la liste des produits annexés
aux décisions portant libéralisation du commerce.
Après ce premier type de biens, quant
est- il alors des produits industriels ? Il faut tout de suite remarquer
qu'ils n'ont pas bénéficié dans l'UEMOA du même
régime de libéralisation complète et immédiate que
les produits du cru et de l'artisanat .En effet le législateur
communautaires a fait preuve d'un véritable réalisme en
prévoyant d'abord un régime transitoire devant se traduire par
une réduction progressive des droits de douanes, puis ensuite un
régime définitif qui correspondrait à l'élimination
totale de ces droits sur ces produits industriels. A l'image des produits sus
énoncés, les produits industriels sont également
définis par l'Acte additionnel. Il s'agit des produits industriels dans
la fabrication desquels sont incorporées des matières
premières communautaires, représentant en quantité au
moins 60% de l'ensemble des matières premières utilisées.
Il s'agit aussi des produits industriels obtenus à partir des
matières premières entièrement importées des pays
tiers, ou dans la fabrication des quels, les matières premières
communautaires utilisées représentent en quantité moins de
60% de l'ensemble des matières premières mises en oeuvre, lorsque
la valeur ajoutée est au moins égale à 40% du prix de
revient ex -usine hors taxes de ces produits27(*). Dans l'UEMOA ce régime gradué s'est
traduit concrètement, par la réduction d'abord de 5% des droits
et taxes d'entrée pour les produits industriels originaires non
agréés, ensuite il y a eu une réduction de 30% des droits
et taxes d'entrée pour les produits industriels originaires
agréés qui bénéficient de la taxe
préférentielle communautaire (TPC) qui caractérisait le
régime transitoire de ces produits industriels originaires. Aussi on a
procédé à un abattement de 60% à partir du
1er Juillet 1997 des droits et taxes d'entrée pour les biens
industriels agrées originaires. La règlementation a par la suite
maintenu le taux d'abattement de 60%28(*) jusqu'au 31 Décembre 1998, concernant les
droits d'entrée pour les produits industriels originaires agrées.
Un an et demi plus tard l'abattement est porté à 80%29(*), et les 20% restants vont
être taxables jusqu'en 2000. Et enfin le désarmement tarifaire
intégral de 100% est intervenu à partir du 1er Janvier
2000 pour les produits originaires agréés. Aujourd'hui 2136
produits industriels originaires agréés, fabriqués par
489 entreprises dans sept Etats membres, circulent dans le cadre du
régime tarifaire préférentiel à la suppression
totale des droits et taxes entre Etats membres, et cela est financé non
pas par des contributions, mais par des ressources propres collectées
sur les importations provenant d'Etats tiers. Le traité a
également prévu la compensation temporaire automatique par
étape jusqu'au 31 Décembre 2005, la compensation des moins-values
des recettes douanières subies par les Etats du fait de l'application du
régime tarifaire préférentiel. Il a été
adopté l'acte additionnel 06/99 en date du 08 Décembre 1999
instituant le dispositif de compensations financières au sein de
l'UEMOA. Cela est également prévu par l'article 58 du
traité, qui dispose à cet effet que : « Les
moins values de recettes douanières subies par certains Etats membres du
fait de la mise en place de l'union douanière font l'objet d'un
traitement spécifique temporaire. Ce traitement comprend, durant une
phase transitoire, un dispositif automatique de compensations
financières ». Par ailleurs d'autres mesures relatives
à la facilitation de la libre circulation des marchandises ont
été posées à savoir :
- l'adoption d'un programme minimum de politique commune, de
production et d'élevage au sein de l'UEMOA
- l'adoption d'un programme communautaire d'infrastructures et
des transports routiers de l'UEMOA
- l'adoption d'un programme communautaire de construction des
postes de contrôle juxtaposées aux frontières des Etats
membres.
Les Etats de l'Ouest Africain ayant pris conscience de
l'importance prépondérante des services dans les échanges,
et pour la croissance et le développement de l'économie, ont
posé également le principe de leur libéralisation.
Ainsi dans le domaine des télécommunications
les jalons de l'harmonisation des législations de ce secteur en Afrique
de l'Ouest, ont été posés à Dakar lors de la
troisième assemblée générale de l'ARTAO
(Association des Régulations des Télécommunications de
l'Afrique de l'Ouest). En plus de l'effort qui est fait sur le plan
économique et sur celui de la circulation des biens et des personnes
dans l'espace CEDEAO, tous les pays de l'Afrique de l'Ouest s'engagent
aujourd'hui dans une harmonisation des politiques de réglementation et
de régulation des télécommunications, afin de permettre
une même compréhension des choses partout dans l'ouest Afrique.
Toute fois un long chemin reste encore à parcourir en la matière.
Par ailleurs faut dire que plusieurs autres secteurs ont fait
l'objet d'une législation au sein de l'UEMOA relativement à la
libéralisation de ces services. On peut ainsi évoquer la
Directive n°05/2006/CM/UEMOA relative à l'harmonisation des
régimes applicables aux opérateurs de réseaux et
fournisseurs de services, le Règlement n° 06/2005/UEMOA relatif aux
conditions de délivrance des licences, de formation et de contrôle
des membres d'équipage de conduite avion.
Au demeurant il faut rappeler que les Etats de
l'UEMOA sont des Etats sous développés. A ce propos il s'agit
d'Etats qui connaissent une forte dépendance, sur le plan
budgétaire, par rapport aux recettes douanières. En moyenne pour
chacun des Etats membres, les revenus des droits de douanes sont compris entre
38% et 56% des recettes budgétaires. Dans une telle situation, il est
aisé de comprendre que les droits de douane ne peuvent pas être
abolis sans difficultés. C'est la raison pour laquelle, comme dit
plutôt pour certains produits comme ceux de type industriel, l'UEMOA a
procédé par étape et par sélectivité. A
coté de l'élimination de ces barrières tarifaires,
l'établissement d'une TVA commune, ainsi que l'harmonisation des droits
d'accises ont été mises en oeuvre.
b :L'établissement d'une
taxe sur la valeur ajoutée commune et l'harmonisation
des droits d'accises
Aujourd'hui l'UEMOA s'est aperçue de
l'effet des taxes sur les chiffres d'affaires, sur la libre circulation des
produits et marchandises au sein de l'union. Et c'est pourquoi le premier champ
de bataille en matière d'harmonisation des politiques fiscales des Etats
membres fut l'institutionnalisation d'une taxe sur la valeur ajoutée
commune. Car comme l'a précisé le conseil des ministres en
Juillet 199830(*)
« les objectifs d'harmonisation des politiques fiscales des Etats
membres visent le renforcement de la compétitivité
économique des Etats, le développement du commerce avec le reste
du monde, la création d'un marché commun régional
favorisant une meilleure allocation des ressources et assurant plus
d'équité entre les consommateurs à l'intérieur de
l'union ». Il faut souligner que l'harmonisation d'autres taxes
indirectes sont également en projet. Mais dors et déjà on
peut dire que l'union a accompli de très grands projets et a
réussi aujourd'hui à adopter via son Conseil une taxe sur la
valeur ajoutée commune par Directive31(*) dont le taux est fixé à 18% du chiffre
d'affaire. Pour son application le préambule de la Directive avait
accordé une période transitoire aux Etats. Ainsi ils se devaient
tous de prendre les mesures législatives, règlementaires et
administratives nécessaires pour se conformer à la Directive de
1998. D'ailleurs cela devait se faire dans les meilleurs délais puis que
la date butoire était fixée pour le 31 décembre 2001. Pour
l'applicabilité de la Directive, il est prévu que celle-ci
s'applique aux livraisons des biens et des prestations de services, par exemple
la vente, la fourniture d'eau, d'électricité, de gaz et de
télécommunication. Les prélèvements sur la
production de l'entreprise, les opérations de productions- ventes, de
construction, de même que les importations sont aussi concernés
par la nouvelle réglementation. Au regard de cette brève
énumération, on peut dire que les autorités de l'Union ont
une volonté de généraliser la TVA. Mais tout de fois le
secteur agricole est exclu du champ d'application de la TVA par l'article 4 de
la Directive, en attendant la définition d'une politique agricole
commune. Ensuite la Directive a tenu à préciser aux termes des
articles 12 et 13 son champ territorial. Il prévoit à ce propos
que le lieu d'imposition d'une livraison est le lieu où le bien est
réputé se situer, et lorsqu'il s'agit d'une prestation de
service, c'est le lieu où se produit l'exécution du service qui
est considéré. Par la suite la Directive a également
défini son champ ratione personae, c'est-à-dire ceux à qui
elle s'applique. Ainsi l'article 6 dispose que : « Est
assujettie toute personne physique ou morale qui réalise d'une
manière indépendante les activités économiques de
producteur, de commerçant ou de prestataire de services, ainsi que
toutes les opérations annexes qui y sont liées...Est
également assujettie la personne qui effectue l'une des
opérations du champ d'application à titre occasionnelle. Par
conséquent, n'ont donc pas la qualité d'assujettis : l'Etat,
les régions, les départements, les communes et les autres
organismes de droit public. Mais toute fois il faut préciser que le
régime spécial ne leur est refusé que s'ils accomplissent
des activités du domaine industriel et commercial quel que soit le
statut de l'établissement gestionnaire.
Mais par ailleurs il y a lieu de savoir quand est ce que la
TVA frappe le chiffre d'affaire ? A cette question c'est les articles 15
et 16 qui nous renseignent que : « Les Etats
déterminent le seuil de chiffre d'affaire annuel au dessous duquel les
entreprises ou tout autre prestataire ne sont pas assujetis à la
TVA...Le montant du chiffre d'affaire annuel tous droits et taxes compris
constituant le seuil d'assujettissement est compris entre 30 et 50 millions de
FR CFA ( les entreprises réalisant des opérations de livraisons
de bien, et entre 15et 25 millions pour les entreprises de prestations de
services ». Dans le cas contraire c'est le régime du
réel dont le taux est compris entre 15 et 20 % qui doit s'appliquer.
Cependant, par une sorte de gentleman agreement, les Etats ont choisi
aujourd'hui le taux de 18 %. C'est ainsi que le Sénégal par
exemple a modifié son code général des impôts, le
Mali également en 199932(*).
Il ne faut pas manquer de souligner que dans ce cadre,
l'élève a dépassé le maître, car l'Union
marque aujourd'hui une avancée considérable par rapport au
marché commun de l'union européenne..
Toujours au chapitre de l élimination des
barrières tarifaires, en vue de permettre une meilleure fluidité
des échanges commerciaux, fut adoptée une réglementation
commune des droits d'accises et de la taxation des produits pétroliers.
C'est ainsi qu'une directive datant du 22 Décembre 1996 33(*)vient régler la
question. Selon ses visas il s'agit de « réaliser la
cohérence des systèmes internes de taxation, et d'assurer
l'égalité de traitement des opérations
économiques... et d'améliorer le rendement des différents
impôts ». L'harmonisation a donc consisté à la
limitation du nombre des produits passibles de droits d'accises, et
d'établir des méthodes convergentes de détermination de la
base taxable. C'est ainsi que le conseil des ministres a dressé la
liste des produits qui peuvent faire l'objet de l'imposition. Aujourd'hui les
Etats soumettent aux droits d'accises deux catégories de
produits34(*).
A l'analyse, on notera que le choix de ces produits n'est pas
innocent. Car la remarque est apparue qu'il s'agit de produits nocifs ou
dangereux pour la santé (alcool, excitant, ou pour la
sécurité collective (armes et munitions).
Pour ce qui est du calcul de la taxation, la base d'imposition
est constituée à l'importation par la valeur en douane
majorée des droits et taxes perçus à l'entrée,
à l'exception de la TVA. Mais en régime intérieur, c'est
le prix de vente sortie usine qui est pris en compte à l'exclusion de la
TVA. Il faut signaler également que la réglementation laisse une
marge de manoeuvre aux Etats qui ont la latitude nécessaire de choisir
entre un taux maximum et un taux minimum, tel que le démontre ce
tableau qui va enrichir l'étude pratique de ce sujet.
Produits imposables
1. Boissons :
Boissons non alcoolisées à l'exclusion de
l'eau
Boissons alcoolisées
2. Tabacs
3. Café
4. Cola
5. Farine de blé
6. Huiles et corps gras alimentaires
7. Thé
8. Armes et munitions
9. Produits de parfumerie et cosmétiques
|
Taux minimal
0%
10%
10%
1%
10%
1%
1%
1%
15%
5%
|
Taux maximal
20%
45%
40%
12%
30%
5%
15%
12%
40%
15%
|
Concernant la taxation des produits
pétroliers c'est une Directive du conseil des ministres de
l'union,35(*) qui est
venue préciser une réglementation harmonisée. Le conseil
des ministres a en effet considéré que la disparité des
modes de taxation des produits pétroliers ne facilite pas la
mobilité des entreprises au sein de l'Union, et qu'elle affecte la
perception des coûts relatifs de chaque produit, et des
différents produits dans chacun des pays. Donc suite à un tel
constat l'harmonisation de cette taxation en vue d'assurer la simplification
et l'uniformisation des modalités des taxations, s'avérait
nécessaire, des mesures allant dans ce sens ont été
prises. Concrètement la Directive a listé des produits tels que
le gazole, le fuel domestique, le fuel léger, le pétrole lampant,
le super carburant l'essence ordinaire entres autres. Et pour tendre vers la
convergence voulue, c'est-à-dire une réduction des écarts
de droits appliqués par les Etats, les articles 15 à 18 ont
fixé une fourchette qui oscille entre 100 FR et 20 FR CFA
Pour clore cette partie de notre étude, il faut dire que
malgré tous ces efforts démontrant la volonté
avouée des Etats membres de l'Union, à concourir sans
ménagement aux démantèlements des barrières
tarifaires avec tous les sacrifices que cela nécessite sur le plan de la
souveraineté, des difficultés restent encore à surmonter.
Car il n'est pas chose inconnue que la totalité des pays
concernés sont des Etats sous développés. Néanmoins
inlassablement ces Etats continuent de lutter pour une réelle
effectivité du marché commun, et ils ont à ce propos
prévu l'élimination de certaines autres barrières non
tarifaires.
B : La libéralisation des
facteurs de production
La libéralisation des facteurs de production
au sein de l'Union a nécessité la consécration de deux
principes. Il s'agit d'une part de celui de la liberté de
résidence et de circulation des personnes (a), et d'autre part de celui
de la libre circulation des mouvements de capitaux
a : La consécration du
principe de la liberté de résidence et de circulation des
personnes
L'intégration juridique enclenchée
aujourd'hui au sein de l'UEMOA ne prend pas uniquement sous son orbite les
activités économiques. En effet les animateurs de la vie des
affaires sont également concernés, les personnes physiques ou
morales bénéficient aujourd'hui du même régime de
liberté au sein de l'espace communautaire, rendu homogène par la
règle de droit. Cette liberté de circulation des personnes est
prévue dans le traité UEMOA par les art 91 et suivants et dans la
communauté soeur de la CEDEAO, par le protocole A/P1/5/79 signé
le 29 Mai 1979 à Dakar. A l'heure actuelle, les seuls textes
adoptés légiférant sur les questions migratoires
sont : le 1er traité constitutif de 1994, et le traité
révisé de 2003. Les arts 91 à 100 du traité de 1994
précisent les dispositions relatives à la libre circulation des
personnes, des services et des capitaux. Les ressortissants de l'UEMOA selon
les dispositions de l'art 91
« bénéficient sur l'ensemble du territoire
de l'Union de la liberté de circulation et de
résidence ». Plus spécifiquement ce droit implique la
possibilité d'occuper tout emploi sur le territoire d'un Etat de
l'UEMOA, excepté dans la fonction publique, de s'y déplacer, d'y
séjourner et d'y résider après y avoir exercé un
emploi. Certaines réserves s'appliquent cependant aux droits
accordés aux ressortissants des pays membres de l'UEMOA, selon la
discrétion de chaque Etat, notamment pour des raisons relatives au
droit d'établissement dont bénéficie tout ressortissant de
l'Union. Tout ressortissant pourra exercer des activités non
rémunérées et se constituer en entreprise. Ils peuvent
aussi fournir des prestations de services dans un autre Etat membre dans les
mêmes conditions que celles que cet Etat impose à ses propres
ressortissants.
Il apparaît que l'UEMOA a
élaboré beaucoup d'instruments juridiques visant à assurer
la liberté de circulation des personnes, le droit de résidence et
d'établissement, si on la compare par exemple à la CEDEAO.
Cependant malgré le fait qu'elle soit allée beaucoup plus loin
dans la mise en oeuvre du marché commun entre les pays francophones de
l'Afrique de l'ouest, le dossier des migrations n'a pas été saisi
de la même importance que les autres. Il faut toute fois souligner les
difficultés d'application de ce principe de liberté de
circulation de résidence et surtout d'établissement dans l'espace
ouest africain car les citoyens des différents pays membres ne cessent
de se heurter à des tracasseries administratives lors de leur
installation ou séjour, les politiques de nationalisation et les
contrôles intempestives pour ne citer que ceux là sont autant de
facteurs qui entravent l'effectivité de ce principe.
La consolidation de l'intégration juridique,
qui est le gage de la réalisation du marché commun, repose
également sur un autre principe fondamental de libéralisation,
relatif à ce qui peut être considéré comme le moteur
de toute activité économique : les capitaux.
b : Le principe de la liberté
des mouvements de capitaux et la règlementation
des systèmes de paiement
En matière de circulation des capitaux, les
restrictions à l'intérieur de l'union, s'il s'agit des
personnes résidant dans les Etats membres, sont interdites dans
l'UEMOA. C'est ainsi que des règles relatives au régime
applicable aux membres de familles des personnes faisant usage de ces droits
ont été adoptées, afin d'assurer aux travailleurs migrants
et à leurs ayants droits la continuité de la jouissance des
prestations susceptibles de leur être données au titre des
périodes d'emploi successive sur le territoire de tous les Etats membres
et de préciser la portée des limitations justifiées par
des raisons d'ordre, de sécurité publique et de santé
publique.
D'une manière générale dans le cadre du
marché interbancaire de l'UEMOA, tous les mouvements de capitaux entre
les Etats membres de l'union sont libres et s'effectuent sans aucune
restriction conformément aux arts 76, 96 et 97 du traité de
l'UEMOA. Ensuite une réglementation du 20 Décembre 1998 a
été prise pour s'appliquer aux relations financières entre
les Etats membres et les pays étrangers par le Conseil des Ministres de
l'Union. Elle complète aussi les réformes mises en oeuvre depuis
1989 dans le cadre de la modernisation des règles et de gestion de la
politique de la monnaie et du crédit, et cela traduit de ce fait la
libéralisation totale des opérations courantes des Etats, et la
volonté de ceux-ci de poursuivre une libéralisation progressive
des opérations en capital.
Il serait opportun de souligner que l'UEMOA se caractérise
aussi par l'adoption d'une réglementation uniforme des échanges.
Cette réglementation ayant comme objectif particulière d'assurer
la liberté des relations financières au sein de la zone franc.
Par ailleurs, il est évident que l'on ne
peut règlementer les relations financières, en occultant leur
cadre d'expression, en l'occurrence les banques et établissements
financiers. C'est pour cette raison que l'Union a élaboré depuis
1990 une réglementation uniforme portant sur l'activité bancaire,
c'est la loi N°90/06 du 26 juin 1990 qui définit de façon
explicite la profession bancaire à son article 3 : « sont
considérées comme des banques, les entreprises qui font
profession habituelle de recevoir des fonds, dont il peut être
disposé par chèque ou virement, et qu'elles emploient pour leur
propre compte ou pour le compte d'autrui en opération de crédit
ou de placement » . Mais en outre pour faciliter les relations
financières, l'Union a mis par la voie d'un règlement une
législation uniforme relative aux systèmes de paiement. Il s'agit
du règlement
15- 2002/CM/UEMOA du 19 septembre 2002. C'est dans ce
règlement que l'on retrouve les dispositions relatives au billet
à ordre, à la lettre de change, au chèque et à la
carte de paiement. Ainsi au sein de tous les Etats membres, les effets de
commerce, les instruments de crédit dans leur diversité, ainsi
que tous les moyens de paiements sont soumis aux mêmes règles de
fond et de forme clairement définies par le règlement en vigueur.
De surcroît dans un souci de sécurisation des opérations
financières, de protection de ces animateurs, mais aussi et surtout
d'une promotion des mouvements de capitaux, dans des conditions de
rapidité et de sécurité, l'Union a également
élaboré une réglementation plus ou moins spécifique
au système de paiement scriptural. En effet le constat fait dans
l'espace communautaire, révèle une très faible utilisation
des moyens de paiements scripturaux, en l'occurrence le chèque. Alors
que ce dernier comporte un certain nombre d'intérêts, très
bénéfiques pour un système financier. Il a des vertus
sécuritaires, par rapport à la manipulation des espèces,
le chèque permet aux pouvoirs publics de procéder à des
contrôles fiscaux, et il offre au banquier des possibilités de
vérifications très aisées. C'est la raison pour la quelle
des mesures de promotion de la bancarisation ont été prises. Il
en est ainsi de la Loi 2004- 15 du 04 juin 2004. Cette nouvelle
réglementation prévoit des privilèges pour les
utilisateurs des systèmes scripturaux de paiement, tels que les
exonérations de taxes para fiscales, mais aussi des obligations. Par
exemple il est prévu que certains paiements doivent être
nécessairement faits par chèques ou par virements. Il en est
ainsi des salaires, du paiement d'indemnité et autres prestations dues
par l'Etat, les entreprises, ou autres personnes publiques, et para publiques,
aux personnes et agents ou à leurs familles, ainsi qu'aux prestataires.
Mais toute fois pour que cette obligation soit de vigueur, il faut que le
montant soit supérieur ou égal à 100. 000 FR (cent
milles), une somme de référence fixée sur instruction par
l'institut d'émission de l'UEMOA en l'occurrence la Banque centrale. La
même obligation est retenue s'agissant du paiement des impôts et
taxes dues à l'Etat. A coté il y a aussi des mesures relatives
à la promotion des moyens de paiements scripturaux et à la
détermination des intérêts exigibles en cas de
défaut de paiement36(*). Cette réglementation émanant de la
banque centrale assure d'abord la promotion des moyens de paiements
scripturaux, en instaurant un droit au compte désormais reconnu à
toute personne physique ou morale qui justifie d'un revenu régulier
d'un montant supérieur ou égal à 50.000FR CFA. En outre
face à l'aversion de certains opérateurs quant à
l'utilisation du système scriptural, l'article 2 de l'Instruction de
2003 prévoit l'obligation pour tout commerçant d'accepter tout
paiement ou versement de somme d'argent par virement ou par chèque,
dont le montant est supérieur ou égal à 100. 000FR. En
somme il faut retenir que la volonté de scripturalisation est
motivée par une double considération, il permet d'une part de
lutter contre les inconvénients que regorge la monnaie fiduciaire,
entres autres son caractère inflationniste. D'autre part elle participe
surtout à la libre circulation des capitaux dans l'UEMOA, eu
égard à la rapidité du système bancaire et de ses
moyens de paiements modernes. Par ailleurs et dans le même sens, il
existe aussi un mécanisme de suivi de la libre circulation des capitaux
et cela permet aux Etats membres de notifier à la commission toutes
restrictions maintenues. Egalement l'AMAO (Agence Monétaire de l'Afrique
de l'Ouest) a été également crée en vue de la
facilitation de l'utilisation des monnaies locales dans les transactions
commerciales de l'Afrique de l'ouest. Cependant lors même que le
désir de l'Union est aujourd'hui de libéraliser la circulation
des mouvements de capitaux, l'entité communautaire tient toute fois
à assainir les masses de capitaux qui circulent dans les territoires de
ses Etats. Ainsi une réglementation uniforme relative à la lutte
contre le blanchiment de capitaux et le financement du terrorisme a
été adoptée pour neutraliser tous les revers que comporte
le principe de libéralisation. En effet il a d'abord adopté le 19
septembre 2002 une Directive relative à la lutte contre le blanchiment
de capitaux. Finalement l'option a été prise d'élaborer
une loi uniforme, qui fut adoptée le 19 mars 2003. Mais il faut
reconnaître que ce principe de libéralisation des mouvements de
capitaux, tout comme les schémas de libéralisation des
échanges dans l'Union butent sur de nombreux obstacles, et beaucoup
d'efforts restent encore à faire pour la réelle
effectivité de l'intégration économique de l'Union ouest
africaine, une prouesse que la règle devra se charger d'accomplir par
des réformes juridiques nouvelles. Au demeurant, après avoir mis
en exergue ce que l'Union présente aujourd'hui comme réalisation
sur le plan des échanges intérieurs, il y a lieu de voir
maintenant ce qui est prévu lorsqu'il s'agit d'opérations
d'échanges avec les pays hors union.
PARAGRAPHE II : L'harmonisation du
régime des échanges extérieurs
L'intégration juridique au sein de l'UEMOA,
relativement au domaine de la fiscalité ne se borne pas au plan interne.
En effet dans le cadre des échanges internationaux, les observateurs du
dehors, les partenaires économiques remarquent
l'homogénéité des législations des pays membres,
grâce au l'unique « langage fiscal » de l'Union.
C'est ainsi que le régime juridique des échanges extra
communautaire est matérialisé aujourd'hui par
l'établissement d'un statut douanier unique de la marchandise (A), et
par celui d'un tarif extérieur commun (TEC) (B).
A : Le statut douanier unique de la marchandise
Conformément à l'art 4 du
traité UEMOA qui à son paragraphe (e)
prévoit l'adoption d'une politique commerciale commune, dans l'espace
UEMOA un statut douanier est conféré à toute chose
transférable contre une valeur. Ce statut douanier qui peut se concevoir
comme la carte d'identité de la marchandise, est composé de 3
éléments : la valeur en douane, l'espèce et l'origine
de la marchandise. Pour ce qui est de l'espèce tarifaire l'art 19-1 du
code des douanes communautaire prévoit que, c'est la dénomination
qui lui est donnée selon les règles en vigueur dans la
nomenclature tarifaire et statistique du règlement numéro 23-2002
CM UEMOA 18 Nov. 2002 entré en vigueur le 1er Janv. 2003. C'est en fait
un document volumineux dans lequel sont répertoriés par
catégories tous les produits considérés comme
marchandises. De sorte qu'à chaque marchandise correspond un
numéro de code qui figure sur la déclaration en douane pour
permettre de déterminer le taux de droit de douane de TVA et de taxes
parafiscales. Quant à la valeur en douane c'est la valeur du produit
telle qu'elle est déclarée à l'administration
douanière. Son importance résulte du fait que les droits de
douane sont fixés ad valorem, cela permet de déterminer la
valeur du produit. Ainsi à l'exportation par exemple, la valeur à
déclarer est celle hors taxe à la sortie du territoire national,
et à l'importation la valeur à déclarer est celle de la
marchandise à l'entrée de l'UEMOA.
Mais l'art 16 du règlement de l'UEMOA prévoit qu'en
cas de doute sur le prix déclaré, les services de douane peuvent
exiger des justificatifs complémentaires. Concernant l'origine, dernier
élément du statut douanier son intérêt est capital
car les droits de douane dans l'espace ouest africain peuvent différer
pour un même produit en fonction de l'origine.
L'origine permet dans l'espace ouest africain de savoir quelle
réglementation appliquer, notamment les droits dumpings ou
compensateurs. Cependant bien qu'il n'existe pas de définition
internationale de l'origine, on peut affirmer que la marchandise a pour origine
le pays ou à eu lieu la dernière transformation substantielle. Si
l'on imagine par exemple un produit originaire du Bénin pays membre de
l'espace ouest africain. Si le bien est exporté ensuite dans un Etat
européen, puis réexporté mais en état au Mali,
autre pays ouest africain. Le mali va appliquer à ce produit les taux
préférentiels qui unissent les Etats de la CEDEAO et de l'UEMOA,
par ce que justement le produit n'a subi aucune transformation substantielle
malgré le détour en Europe.
Ainsi considéré on peut dire qu'avec le statut
douanier, le marché commun en Afrique de l'Ouest dispose d'un atout
certain. Les marchandises de l'espace communautaire sont distinguées de
celles qui en sont étrangères, et cela favorise une facilitation
dans les opérations d'import export dans l'UEMOA. Pour la
réglementation commune des échanges extra communautaires,
l'entité ouest africaine a élaboré une autre technique de
mise en commun participant à la consolidation du marché commun
B : L'établissement du tarif
extérieur commun dans l'UEMOA
L'harmonisation des politiques douanières et
commerciales est une donnée maîtresse dans la stratégie
d'intégration, d'unification des marchés. A ce niveau l'un des
acquis majeurs de l'espace ouest africain c'est sans nul doute l'entrée
en vigueur du TEC UEMOA en 2000. En effet pour les besoins du marché
commun, le Tec constitue plus qu'une nécessité. Mais pour
satisfaire aux objectifs de l'art 4 du traité il a fallu que l'UEMOA
fasse preuve de réalisme, il a fallu également que de la part des
Etats ceux-ci fassent prévaloir le volontarisme politique sur la simple
logique comptable. Car à terme cela devrait apporter le salut à
tout l'espace ouest africain. Le Tec qui est la marque d'une politique
extérieure commune est entré en vigueur dans l'UEMOA en Janvier.
2000. Il constitue avec la taxe préférentielle communautaire les
composantes essentielles d'un véritable cordon douanier.
Le tarif extérieur commun est en réalité la
somme de trois droits permanents : le droit de douane, la redevance
statistique au taux unique de 1% sans exonération, et le
Prélèvement Communautaire de Solidarité (PCS) au taux
unique de 1%. Selon les experts de l'institution le TEC poursuit trois
objectifs principaux à savoir l'ouverture de l'espace vers
l'extérieur, la protection de la production communautaire et la lutte
contre le détournement de trafic. L'établissement du Tec s'est
fait donc de façon progressive. En effet dés le 1er Juillet 1996
la mise en application du régime tarifaire préférentiel a
permis la levée immédiate de toutes les barrières non
tarifaires entravant les échanges entre les Etats, autorisant du coup la
libre circulation en toute franchise de tous droits et taxes d'entrée
des produits du cru et de l'artisanat qui sont originaires de l'un des Etats
membres. Ensuite au chapitre des réformes pour la naissance du TEC, il
y'a eu une réduction de 30% des droits et taxes d'entrée pour
les produits industriels originaires agréés. Le régime
tarifaire de 1996 offrait une réduction de 5 % des droits et taxes
d'entrée pour les produits industriels originaires non agrées, un
abattement de 60% pour les produits industriels originaires agrées.
Au 1er Janv. 1999, il y'a eu ensuite un abattement de 80% des
droits d'entrée pour les produits industriels originaires non
agrées et un désarmement tarifaire intégral de 100% pour
les produits originaires agrées. La mise en oeuvre progressive du TEC va
également entraîner l'abaissement du taux du droit de douane
à 30% maximum hors redevance statistique du 1er Juillet au 31 Dec 1998,
ensuite à 25% maximum du 1er Janv. au 31 Dec 1999. A l'heure actuelle et
ceci depuis le 1er Janv. 2000 le TEC se présente comme suit : le
taux de droit de douane (20%), la redevance statistique (1%) et le
prélèvement communautaire de solidarité (1%). En somme, on
doit dire qu'il a fallu un sacrifice de la souveraineté fiscale
internationale des Etats de l'UEMOA pour que le Tec puisse voir le jour.
En définitive il convient de retenir, que
l'analyse faite dans ce chapitre à surtout démontrer la
différence qui existe entre l'UEMOA et l' OHADA dans la
réalisation de leurs objectifs stratégiques. Les deux
entités partagent les mêmes ambitions à savoir le
développement économique de leurs Etats membres, grâce
à l'existence d'une réglementation juridique forte, mais eu
égard aux ambitions purement macro économiques que l'Union
s'était fixée au moment de la réforme qui lui a
donné naissance en 1994, la règlementation qu'elle secrète
prend en compte des domaines qui sont jusque là étrangers
à la législation uniforme de l'OHADA. Mais si par rapport aux
domaines de l'activité économique l'UEMOA et l'OHADA, ne les
règlementent pas tous ensembles, sur le plan de l'activité
juridictionnelle, nos deux institutions semblent s'inscrire dans la même
logique de rapprochement
CHAPITRE II : L'unification au sommet du
système juridictionnel
La dynamique d'intégration enclenchée
aujourd'hui en Afrique de manière générale,
particulièrement dans l'UEMOA et dans l'OHADA, met en relation les
ressortissants des différents Etats membres et les Etats eux
mêmes. Ceux-ci nouent des relations d'affaires, et contractent dans un
cadre de partenariat et d'intérêts communs. Cependant ces rapports
ne manquent pas parfois d'engendrer une dynamique conflictuelle, qui peut
déboucher malheureusement sur de véritables litiges. De ce fait
évoluant aujourd'hui dans un cadre intégré, la
résolution des conflits doit obéir nécessairement à
un système arbitrale ou juridictionnel intégré. C'est ce
qui justifie l'existence par souci de cohérence, de juridictions
intégrés ou cours communautaires dans l'UEMOA et l'OHADA. Le
système juridictionnel communautaire c'est donc l'ensemble des
mécanismes de justice, à savoir les juridictions elles
mêmes, et les voies de droit qui assurent la mise en oeuvre et la
garantie de l'effectivité du droit communautaire, et par voie de
conséquence la promotion de l'intégration. Il est garant de
stabilité et de relations pacifiques à l'intérieur des
deux entités inter gouvernementales. Sous ces éclairages, dans
le cadre de ce chapitre consacré à l'étude des modes
juridictionnels, et les règlements des conflits dans l'espace
intégré de l'UEMOA et de l'OHADA. Il s'agira de voir les
règles de fonctionnement et de procédure des juridictions
communautaires (Section I), pour ensuite mettre l'accent sur une analyse de
l'étendue de la compétence des juridictions communautaires
(Section II).
SECTION I : Les règles de fonctionnement et de
procédure des juridictions communautaires.
A l'image de toutes les juridictions
nationales ou communautaires, celles de l'UEMOA et de l'OHADA sont soumises
à des règles qui déterminent les modalités de leur
bonne marche, ainsi que les voies et moyens permettant d'y accéder.
Sur ce, il apparaît que les règles qui déterminent le
fonctionnement des cours sont prévues dans les traités de base,
les actes additionnels, les protocoles, mais également les
règlements de procédure des cours elles mêmes. Donc nous
allons dès lors voire les règles de fonctionnement des
juridictions de l'UEMOA et de l'OHADA ( Paragraphe I), pour ensuite
préciser conformément à la réglementation en
vigueur les règles de procédure qu'il faut respecter devant les
juridictions communautaires (paragraphe II)
PARAGRAPHE I : Les règles de
fonctionnement des juridictions communautaires
A ce niveau il s'agira de voire les règles
générales de fonctionnement (A), et les règles qui sont
spécifiques à la prise de décisions (B)
A : Les règles
générales de fonctionnement des juridictions communautaires
A l'analyse il apparaît que c'est les
mêmes règles que celles qu'on trouve habituellement dans les
organisations internationales qui sont en vigueur au sein de l'UEMOA et de
l'OHADA. Il s'agit en effet de la détermination du siège des
cours. Le siège est fixé par la Conférence des chefs
d'Etats et de gouvernement. Ainsi s'agissant de la cour de justice de l'Union,
conformément à l'Acte additionnel n° 10/96 portant statuts
de la cour, au regard du protocole additionnel n° 1 relatif aux organes
de contrôle de l'UEMOA, il a son siège à Ouagadougou.
Pour ce qui est de l'OHADA c'est d'abord le traité lui-même
à son article 9, mais également le règlement de
procédure de la cour qui renseigne sur le siège de la CCJA,
à savoir la Côte d'Ivoire. Cependant il n'est pas exclu que les
cours se déplacent pour statuer dans les différents Etats
membres. Ensuite les règles de fonctionnement concernent la convocation
des réunions, la durée des sessions et la date des sessions. Dans
les deux institutions c'est le président de la cour qui en fonction du
rôle des audiences, détermine la date convoque les membres, et
fixe la durée des sessions. Aussi pour le fonctionnement des cours
communautaires, il y a une question parfois très complexes qu'il faut
régler, c'est celle de la langue de travail. Au sein de la CCJA
37(*)comme au sein de la
Cour de justice de l'Union38(*) c'est le français qui est la langue de
travail, par conséquent c'est le français qui est utilisé
devant les cours communautaires, mais il est toute fois donné aux
juridictions d'utiliser la langue du défendeur lorsque celui-ci ne
comprend pas la langue de travail. Par rapport à l'imposition du
français comme langue de travail, cela est certes concevable, du fait
que la majorité des Etats membres sont francophones. Les quelques Etats
s'accommodent actuellement de l'inconvénient consistant à
traduire les textes de lois ou les décisions de justice. Cependant il
sera inconcevable de maintenir le monopole de la langue française si les
deux organisations recueillent l'adhésion d'autres Etats non
francophones. Enfin comme règles de fonctionnement, il y a la question
des vacances judiciaires, et les congés qui sont fixés par les
cours. A côté de ces règles techniques de fonctionnement,
il existe par ailleurs d'autres règles qui organisent la conduite de
l'instance.
B : Les règles
spécifiques à la prise des décisions
Pour la prise de décision au sein de la
Cour de justice, et de la CCJA, il y a un certain nombre de règles qui
sont fixées. En effet il y a d'abord le quorum qui est exigé, et
lorsqu'il n'est pas atteint l'instance ne peut se tenir, elle est
ajournée. Dans le cadre de la CCJA le quorum est fixé à 5
juges par l'article 21 du règlement de procédure de la cour, et
à la Cour de justice de l'Union le nombre de trois (3) juges est
exigé aux termes de l'article 17 du règlement de procédure
de la cour. De même pour la cour de justice de l'Union comme pour la
CCJA, il est prévu que les délibérations ne seront prises
qu'en nombre impair. Et même s'il existe un président de la cour,
celui-ci n'a pas une voie prépondérante dans la cour de justice
de l'UEMOA, contrairement au système en vigueur dans la CCJA, où
le règlement de procédure retient l'idée de
prépondérance de la voie du président. Par ailleurs il
faut aussi ajouter qu'aucune partie ne peut invoquer la nationalité d'un
juge, ou l'absence d'un juge de sa nationalité pour demander la
modification de la composition de la cour. Pour ce qui est de la tenue des
audiences, les règlements des deux cours prévoient qu'elles se
tiennent publiquement, mais toute fois à la demande d'une partie, ou
à l'initiative de la Cour le huis clos peut être prononcé.
Lors de la tenue des séances, les membres des deux cours sont tous dans
l'obligation d'y assister, sauf s'il évoque des motifs sérieux
qui les empêchent de se présenter. Mais à ce niveau il faut
aussi souligner que ce sont les seuls juges qui auront assisté à
la procédure orale qui pourront prendre part aux
délibérés. Cependant si un juge de la CCJA ou de la Cour
de justice a déjà été l'avocat, le conseiller ou
l'agent d'une personne partie au procès ouvert, il ne peut pas
participer au règlement de l'affaire. Et en cas de suspicions
légitimes, il appartient au président des Cours d'écarter
le ou les juges concernés. Enfin pour le prononcé des
délibérations les règlements des deux cours communautaires
de l'OHADA39(*) et de
l'UEMOA, retiennent le principe du secret des décisions, et elles sont
prises à la majorité des juges. Par ailleurs relativement au
processus il y a lieu de remarquer la différence qui existe entre les
juridictions internationales et les juridictions communautaires
particulièrement celles de l'UEMOA et de l'OHADA. En effet au sein des
juridictions communautaires les décisions ne peuvent être que
collectives, alors que pour ce qui est des juridictions internationales, les
opinions dissidentes ou individuelles de certains juges minoritaires ne sont
pas autorisées. Une telle possibilité qui existe pour la CCJA et
la Cour de justice, et qui est absente en droit international, permet mieux de
préserver l'indépendance des juges vis-à-vis des
gouvernants et des opinions publiques. Au demeurant après avoir mis en
lumière les règles qui organisent la vie des juridictions, il
s'agira maintenant de montrer le comportement aussi bien des particuliers que
des juges dans la conduite de l'instance
PARAGRAPHE II : Les règles de
procédure devant les juridictions
communautaires
Même si les juridictions de l'UEMOA et de
l'OHADA ont une vocation communautaire, comme au plan interne il existe des
règles qui encadrent la bonne marche du procès. Ainsi la
règlementation en vigueur devant les deux cours, prévoit que la
procédure est contradictoire, publique et gratuite. Elle doit
préserver l'égalité des plaideurs, et la libre discussion
de leurs arguments. La lecture des règlements relatifs aux deux
juridictions permet de dire qu'il existe une procédure ordinaire (A), et
une procédure d'urgence (B)
A : La réglementation de la
procédure ordinaire
En réalité la procédure
ordinaire ou normale en vigueur au sein des juridictions de l'UEMOA et de
l'OHADA est de nature mixte. Car elle comporte une double phase : une
phase écrite, et une seconde étape orale, toute fois entre les
deux phases, il peut y avoir une phase d'instruction. Pour ce qui de
l'étape écrite, il faut tout d'abord distinguer entre
l'introduction de l'instance et la conduite de l'instance. Pour ce qui est de
la première il s'agit d'une requête introductive d'instance,
accompagnée d'une consignation au greffe de la juridiction. Tout
demandeur à la cour de l'UEMOA ou de l'OHADA doit introduire une
requête adressée au greffe des cours. Les cours peuvent être
saisies soit par un Etat, soit par un organe de l'organisation, ou de la
communauté, soit enfin par toute personne physique, ou morale
justifiant d'un intérêt légitime. Lorsque la requête
est introduite elle doit contenir un certain nombre de mentions à peine
d'irrecevabilité. Il s'agit de l'état civil (nom,
prénom...), domicile du requérant, les statuts et ou extrait du
registre de commerce, ou toute autre preuve de l'existence juridique, lorsqu'il
s'agit de personnes morales, et le nom et l'adresse de l'agent ou de l'avocat
des constitués. Elle doit contenir également la
désignation de la partie défenderesse, l'objet du litige, les
conclusions, l'exposé des faits et des moyens, et éventuellement
l'acte dont l'annulation est demandé. Dans le cas spécifique de
la CCJA l'article 28 du règlement de la cour indique le recours doit
préciser l'acte uniforme ou le règlement dont l'application dans
le litige occasionne la présente saisine. La requête doit aussi
obéir au principe du multiple, en effet outre l'originale, elle doit
être établie en autant d'exemplaires que de parties40(*), mais aussi dans la CCJA le
règlement prévoit41(*), que sept ( 7 ) copies doivent être remises
à la Cour, certifiées conformes par leur auteur. La
requête doit être datée et signée par le demandeur ou
par son agent. Par ce que, il faut surtout le préciser, c'est la
date du dépôt au greffe ou celle du cachet de la poste, qui fait
foi au regard des délais de procédure. La requête est
introduite à peine d'irrecevabilité dans les délais
fixés par les textes pour chaque recours. Par exemple au niveau de la
CCJA42(*) le délai
est fixé dans les deux mois de la signification de la décision
attaquée. Dans l'UEMOA l'article 15 du règlement de
procédure fixe également le délai à deux mois
à compter de la publication de l'acte, de sa notification au
requérant, ou à défaut du jour où celui-ci en a eu
connaissance. Mais lorsqu'il s'agit d'une action en responsabilité
contre l'Union, ou celle de l'Union contre les tiers ou ses agents, elle se
prescrit par trois mois.
Par ailleurs après l'introduction de
l'instance, c'est-à-dire la remise du recours auprès des greffes,
il y a la phase de conduite de l'instance. Au niveau de celle-ci le greffier
inscrit d'abord le dossier au rôle général, mais dans les
deux cours c'est le président qui désigne un juge rapporteur
chargé de suivre et d'instruire l'affaire. Par la suite la requête
sera signifiée à la partie adverse qui dispose d'un délai
de trois mois dans la CCJA, et d'un mois dans la Cour de justice de l'Union
pour produire un mémoire de défense. En effet le
règlement de la CCJA à son article 30 donne la
possibilité à toute personne partie à la procédure
devant la juridiction nationale de présenter un mémoire en
réponse. Et l'article 31 prévoit qu'un tel mémoire peut
être complété par un mémoire en réplique
émanent du requérant, d'un mémoire en duplique que le
défendeur produit encore une fois. L'intérêt de ces
documents ainsi considérés permet aux parties de faire des offres
de preuves, mais elles doivent toute fois justifier les raisons du retard
accusé à la production de telles preuves. Si par
hypothèse les parties produisent des moyens nouveaux, c'est les
président des cours qui autoriseront leur présentation dans un
délai raisonnable Mais si une partie estime que les cours
communautaires ne sont pas compétentes pour connaître de l'affaire
à leur être soumise, l'exception à la compétence ou
à la recevabilité du recours doit être
présentée dans le délai fixé pour le
dépôt de la première pièce de procédure
émanent de la partie soulevant l'exception. Et dans cette
hypothèse la cour a le choix entre joindre l'exception au fond, ou bien
statuer distinctement sur sa compétence. Par ailleurs dans la conduite
de l'instance il peut y avoir des incidences de procédure. Il en est
ainsi des demandes incidentes additionnelles (lorsqu'elle émane du
demandeur) ou reconventionnelles
(défendeur). Il peut s'agir aussi de l'intervention d'un
tiers, celle-ci est recevable en tout état de la procédure, elle
peut être spontanée ou provoquée par les parties. Egalement
aux titres des incidences, il y a l'acquiescement, le désistement, et la
péremption. L'acquiescement est le fait pour un plaideur de soumettre
à la prétention de l'autre partie, il a la vertu de mettre fin
à l'audience. Pour ce qui est du désistement c'est tout
naturellement lorsqu'une partie décide de renoncer à la
procédure. Un tel acte aura pour conséquence l'obligation pour la
partie de supporter les dépens. Quant à la péremption
lorsqu'il y a une discontinuité des poursuites pendant un mois, dans ce
cas l'action sera éteinte. Aussi le décès, de même
que la dissolution d'une personne morale, sont considérés comme
des incidents de procédure devant les juridictions de l'UEMOA et de
l'OHADA. En fin comme incident de procédure le système de
récusation est également en vigueur au sein des cours
communautaires. En effet si un juge est soupçonné pour ses
opinions personnelles, son lien de parenté, d'amitié, ou
l'inimitié en vers une partie, sa récusation se justifie.
Après la phase écrite, il est
prévu au sein des deux cours communautaires de l'OHADA et de l'UEMOA une
phase d'instruction. Celle-ci correspond aux investigations et recherches
à la solution du litige C'est ainsi que le juge peut rendre par exemple
un arrêt avant dire droit où il fixe les mesures d'instructions.
De ce fait le juge peut procéder à des vérifications
d'écritures, à des constatations de fait, en faisant des
descentes sur les lieux. S'il en est ainsi c'est donc dire que la
procédure au plan communautaire est de nature inquisitoriale, par ce
qu'il apparaît que le juge participe à la recherche de la preuve
de manière très active. Le rôle de ce juge rapporteur sera
ponctué par l'ordonnance de clôture qu'il rend lorsque l'affaire
est en état, et par son rapport qu'il présente à
l'audience. Ainsi c'est après l'accomplissement de toutes les mesures
d'instruction que la date de la procédure orale sera fixée.
La phase orale correspond à la seconde
étape de la procédure, elle est prévue par l'article 34 du
chapitre III du règlement de procédure de la CJU, intitulé
d'ailleurs : De la procédure orale. Elle est également
prévue dans la CCJA, à la différence toute fois que dans
l'OHADA le règlement de procédure semble en faire une
faculté : « ...La cour peut à la demande de
l'une des parties organiser dans certaines affaires une procédure
orale... ». Cette étape comprend de manière
générale trois étapes. Il y a d'abord la lecture du
rapport d'audience du juge rapporteur. Il y a ensuite l'ouverture des
débats sous la direction du président, qui comme au plan interne
exerce la police de l'audience. Pour ce faire il pose des questions aux agents
et aux avocats des parties, ainsi qu'aux experts. Enfin la phase orale de la
procédure est ponctuée dans la CCJA par l'établissement du
procès verbal de chaque audience par le greffier, celui sera ensuite
signé par le président et par le greffier en chef. Et dans la
CJU, c'est après les conclusions de l'avocat général que
le président du tribunal prononce la clôture de la
procédure orale. Mais à coté de cette procédure
ordinaire, la complexité de certaines affaires peut parfois occasionner
un autre type de démarche devant les juridictions communautaires, et
celle-ci est plus ou moins spécifique par rapport à la
procédure normale.
B : Les règles
spécifiques de la procédure d'urgence
A l'analyse des règlements de
procédure de la CCJA et de la CJU, il existe en réalité
deux types de procédures spéciales. Ces procédures sont
explicitement prévues par le titre IV du règlement de
procédure de la CJU intitulé : des procédures
spéciales. Dans ce titre, même s'il n'est pas consacré une
disposition spéciale à chaque type de procédure, comme
c'est le cas dans d'autres réglementations communautaires, le fait que
son premier chapitre soit dénommé : « Du
sursis et des autres mesures provisoires », constate la prise en
compte, et l'admission de toutes par l'UEMOA. Dans le cadre de la CCJA c'est
plutôt l'article 46 du règlement de procédure qui
prévoit les procédures d'urgence. D'abord on dira qu'il y a une
procédure d'urgence lorsqu'une partie demande au juge d'ordonner des
mesures provisoires ou conservatoires. Cette procédure d'urgence est
appelée Référé, elle permet au juge de prendre
toute mesure utile sans faire préjudice au principal. Le
référé est prononcé lors d'une audience
spéciale, par le biais d'une ordonnance. Celle-ci est exécutoire
avec ou sans caution selon la décision du juge. Mais elle n'a qu'un
caractère provisoire, en ce sens elle ne peut avoir aucune influence sur
la décision finale du juge statuant sur le principal. La seconde mesure
spéciale c'est lorsque l'une des parties au procès demande la
suspension de l'exécution de la décision du juge. En effet
même si le recours est soumis au même régime qu'en droit
interne, c'est-à-dire qu'il n'a pas d'effet suspensif, la juridiction
communautaire que se soit dans l'OHADA ou dans l'UEMOA, peut ordonner le sursis
à exécution des décisions qui sont contestées
devant elle. Mais le sursis n'est octroyé que si et seulement si des
justifications nécessaires sont apportées à la demande.
Pour l'UEMOA par exemple l'article 72 du règlement de procédure
de la cour prévoit que la demande d'octroi de sursis doit
spécifier l'objet du litige, les circonstances établissant
l'urgence, ainsi que les moyens de fait et de droit justifiant à
première vue l'octroi de la mesure provisoire. S'agissant de l'OHADA
l'article 46 renvoie aux dispositions régissant l'introduction de
l'instance ordinaire, par conséquent c'est les mêmes conditions
que celles prévues dans l'Union qui sont de rigueur. En outre la
requête est accompagnée de l'acte contesté, et elle est
signifiée dans un délai bref au défendeur afin qu'il
puisse produire ses observations écrites orales. C'est justement
après la réponse du défendeur que la date de l'audience
sera fixée. Mais il faut souligner que par rapport à la
procédure d'urgence les deux cours communautaires (CJU CCJA), ont
manqué de faire preuve de pédagogie dans leurs
réglementations. Dans aucun des deux règlements les conditions
d'octrois du sursis ou du référé ne sont
précisées, ce qui peut être source de difficultés et
d'équivoques. Par conséquent il appartiendra au président
du tribunal d'user de son pouvoir discrétionnaire pour déterminer
les caractères du préjudice, et d'apprécier notamment la
pertinence des motifs invoqués. Au demeurant il apparaît que les
règles qui organisent la vie des organes de contrôles et de
sanctions de l'UEMOA et de l'OHADA, présentent quelques
spécificités inhérentes à leur nature
communautaires, mais dans leur majorité les règlements des deux
cours reprennent les règles classiques qui sont en vigueur dans l'ordre
interne des Etats. Dans le point suivant de notre analyse, il conviendra de
voir si la spécificité des juridictions communautaires par
rapport aux juridictions nationales persiste, ou si elle est moins notable, en
ce qui concerne les domaines de compétence de ces cours
communautaires.
SECTION II : L'analyse de la compétence des
juridictions communautaires
Aujourd'hui il existe en réalité une
unification juridique au sein de l'espace intégré de l'UEMOA et
de l'OHADA, car tel que analysé plus haut, dans beaucoup de domaines de
la vie des affaires la réglementation est la même pour tous les
Etats parties. Cependant lors même que la dynamique d'intégration
soit à un niveau très satisfaisant, l'intégration
juridictionnelle n'est pas réalisée, d'ailleurs d'aucuns
objectent même par rapport à sa possibilité. C'est pour
cette raison que les juridictions nationales cohabitent nécessairement
avec les juridictions communautaires dans l'espace intégré, et
cela donne lieu à une complémentarité de
compétences dans l'application du droit communautaire (paragraphe I),
mais d'autre part eu égard à la sensibilité des nouveaux
rapports que crée l'existence d'un droit communautaire, des
compétences particulières sont réservées aux
juridictions communautaires (paragraphe II)
PARAGRAPHE I : La
complémentarité des compétences entre juridictions
communautaires et
juridictions nationales
La complémentarité de
compétence se justifie par la situation de partage de compétence
en matière d'application (A), et d'autre part le renvoi qui est fait par
les juridiction nationales, et qui donne de ce fait une exclusivité de
compétence aux juridictions communautaires en matière
d'interprétation (B)
A : La situation de partage de
compétence en matière d'application du droit
Communautaire
L'espace intégré de l'UEMOA et
de l'OHADA n'est en réalité qu'un ensemble d'Etats qui se sont
regroupés afin de favoriser le rapprochement de leurs différents
peuples par le biais de la règle de droit. Par conséquent les
règles communautaires ne sont destinées qu'aux seuls Etats et
à leurs particuliers. Justement étant donné que dans
l'ordre interne des Etats, il appartient aux juridictions nationales
d'appliquer la règle de droit, c'est à ces mêmes
juridictions d'assurer l'effectivité de la réglementation
communautaire par son application sur le territoire de chaque Etat. En
réalité c'est aux juridictions nationales qu'incombe au premier
chef l'application, en d'autres termes la mise en oeuvre des nouvelles
règles du droit unifié. C'est ainsi qu'au sein de l'Union ouest
africaine et de l'organisation africaine du droit harmonisé, les juges
nationaux font montre d'une intervention potentiellement active dans
l'application des normes communautaires. En effet pour que les Traités
de base soient mis en oeuvre, il faut nécessairement l'admission de la
compétence des juridictions nationales sur l'ensemble des litiges
mettant en cause l'application du droit communautaire. Les juridictions
nationales des Etats parties disposent d'une compétence d'attribution et
cette compétence est étendue sur l'ensemble du contentieux de
particuliers à particuliers, celui mettant en cause l'Etat national
à ses ressortissants, mais aussi le contentieux entre les ressortissants
des différents Etats et les communautés. Mais aussi il faut dire
que la compétence des juges nationaux de l'UEMOA et de l'OHADA,
s'explique par le fait que le droit communautaire qui est secrété
d'en haut devient partie intégrante du droit national. Donc avec le
principe de l'applicabilité directe dont jouissent les actes
communautaires, le juge national est dans l'obligeance d'appliquer à
chaque fois qu'il est saisi le droit communautaire, et d'écarter tout
naturellement le droit national antérieur contraire. Ainsi
considéré c'est dire que le juge national est le premier garant
du droit des particuliers dans l'ordre communautaire. Pour ce qui est de
l'UEMOA, il faut signaler que les norme résultant des règlements,
des directives, et des autres sources du droit communautaire sont
transposées et prennent place dans le droit interne et par
conséquent elles sont appliquées par les juridictions nationales
dans tous les litiges nécessitant pour leur résolution
l'application de ces normes. Le même constat peut être fait pour ce
qui est de l'OHADA où il apparaît que les cours et tribunaux
nationaux jouent le rôle de première ligne dans l'application du
droit des affaires harmonisé.
Sous ces éclairages il va sans dire
que ces deux organisations intergouvernementales malgré le principe de
la supranationalité, reconnaissent une autonomie institutionnelle,
juridictionnelle aux différents Etats. Cette autonomie signifiant que
les Etats demeurent autonomes dans la répartition des compétences
entre les différents organes juridictionnels. Elle est également
présente dans l'organisation des procédures destinées
à sanctionner le droit communautaire ou le droit commun, c'est la
raison pour laquelle on parle de communautarisation des juridictions
nationales. Cependant une telle autonomie doit être limitée, elle
ne doit pas rendre impossible la sanction du droit communautaire. A titre
purement comparatif on peut citer à premier égard la
jurisprudence de la Cour de justice de l'Union européenne qui dans un
arrêt datant de 1976 (l'affaire Cornet) rappelait fort justement que les
modalités procédurales de recours en justice destinées
à la sanction du droit communautaire ne peuvent pas être moins
favorables que celles concernant les recours similaires jadis régis par
le droit interne. L a seconde limite qu'il faut soulever contre l'autonomie du
juge national en matière d'application, c'est surtout qu'il respecte
strictement l'esprit des règles communautaires qu'il invoque. En effet
l'uniformisation du droit économique serait compromise si son
interprétation était laissée à la libre
appréciation des pouvoirs nationaux. C'est en fait ce qui explique
l'existence d'un système de contrôle, dans le cadre d'une
collaboration entre les juridictions nationales et communautaires, pour un
éclairage nécessaire sur les normes communautaires.
B : L'exclusivité de
compétence des juridictions communautaires en matière
d'interprétation
Dans le souci d'une application uniforme des
normes uniformes, il est institué au sein de l'OHADA et de l'UEMOA un
système de coordination entre les juridictions communautaires, et
celles qui sont propres aux territoires des Etats parties. En effet ont aurait
couru le risque d'une incohérence si les juridictions nationales
pouvaient chacune de manière séparée, et selon leur bon
vouloir et leur entendement, interpréter le droit communautaire. Sans
conteste il y aurait autant d'interprétations que de juridictions
nationales, et par conséquent l'uniformisation serait fortement
obérée. Pour cette raison l'analyse des textes fondamentaux de
l'UEMOA et de l'OHADA révèlent que c'est aux cours communautaires
de justice qu'est dévolue la mission d'interprétation des normes
communautaires en cas de difficultés pour leur application dans un
litige au plan interne. L'interprétation consiste à
préciser le sens et la portée des dispositions du droit
communautaire
Dans l'UEMOA mais également dans la
communauté jumelle de l'Afrique centrale (CEMAC), le contrôle par
l'interprétation s'exerce à travers ce que l'on appelle le
recours préjudiciel en interprétation. Ce recours est
organisé dans l'Union par les dispositions du protocole additionnel
n°1 du Traité de l'UEMOA, et par l'article 15 paragraphe 6 du
règlement 01/ 96/ CM/ UEMOA portant règlement de procédure
de la Cour de justice. Justement cet article 15 dispose
que : « Lorsqu'un problème d'interprétation
du traité de l'Union, de la légalité des organes de
l'Union, de la légalité et d'interprétation des statuts
des organismes créés par un acte du conseil, se pose devant une
juridiction nationale dont les décisions sont susceptibles de recours,
cette juridiction peut, si elle l'estime nécessaire, poser des questions
préjudicielles à la Cour » . S'il en est ainsi
c'est dire que la saisine est facultative, mais la même disposition
précise également, que les juridictions nationales sont
cependant dans l'obligeance des saisir la Cour de justice, lorsqu'elles
statuent en dernier ressort. Dans l'Union le contentieux portant sur l'ensemble
du droit communautaire est susceptible de faire l'objet d'un recours
préjudiciel, (les règlements, les directives, décisions,
les statuts des organes spécialisés comme la BRVM), et le
Traité lui-même. Le recours doit émaner d'une juridiction
nationale ou d'une autorité à fonction juridictionnelle. Ainsi
l'opportunité de renvoi appartient à la juridiction nationale qui
peut la refuser malgré la requête d'une partie. Cela amène
à dire que dans l'Union le recours n'est pas une voie de recours, dont
les justiciables peuvent user, contrairement à l'Union Européenne
où les avocats peuvent provoquer le renvoi et même participer
à la formulation de la question posée à la juridiction
communautaire.
Pour ce qui est de l'OHADA c'est d'abord l'article 14 du
Traité de base qui prévoit la compétence exclusive de la
CCJA pour l'interprétation du Traité, des règlements pris
pour son application et des applications. Ensuite c'est l'article 56 du
règlement de procédure qui traite de la question de
l'interprétation, mais à ce niveau le règlement consacre
le concept de procédure consultative. Ainsi la disposition inclus au
niveau du Titre III intitulé : De la procédure consultative
énonce que : « Toute décision par laquelle
une juridiction visée à l'article 14 du traité sollicite
un avis consultatif est notifié à la cour à la diligence
de cette juridiction. Cette décision formule en termes précis la
question sur laquelle la juridiction a estimé nécessaire de
solliciter l'avis de la cour pour rendre son jugement... ». Ainsi on
peut dire que la demande d'avis est le pendant de la procédure du renvoi
préjudiciel de l'UEMOA. Mais dans l'Union lorsque l'avis est
demandé, elle fait même l'objet d'une notification à tous
les Etats parties au Traité, par le greffier en chef. En outre il faut
dire que, plus que dans l'Union la demande d'avis apparaît comme une
obligation dans l'Organisation, dans la mesure où les décisions
rendues par les juridictions nationales qui s'inscriraient en faux avec le
droit communautaire, seraient toutes invalidées par la CCJA qui est une
véritable juridiction de troisième degré.
Matériellement la réglementation des deux juridictions
prévoient que le juge national doit exposer les motifs pour les quels il
juge la saisine nécessaire à la solution du litige, et les
éléments de droit et de fait du litige en y joignant toutes les
pièces du dossier Lorsque la décision d'interprétation est
rendue par les deux Cours elle contient l'indication de son auteur, la date du
prononcé, les noms des juges, l'exposé sommaire des faits, les
motifs, et enfin la réponse à la question qui était
posée.
Il faut dire en fin de compte que les
interprétations qui sont données par les cours s'imposent en
principe à la juridiction nationale qui les a demandées.
L'interprétation s'impose à touts les autorités
administratives et judiciaires dans l'ensemble des Etats membres. De ce fait
l'inobservation par l'Etat ou la juridiction d'une décision
d'interprétation peut entraîner un recours en manquement dans
l'UEMOA. Par conséquent la pratique de la demande
d'interprétation présente des intérêts certains.
Cela permet de préserver l'unité d'interprétation servant
de base à des applications homogènes par les juridictions
nationales, mais également l'interprétation permet de diminuer
l'encombrement du plétoire de la juridiction communautaire. En outre la
faculté de saisine de la cour communautaire aux fins d'une
interprétation disparaît si la question posée a
déjà fait l'objet d'une jurisprudence. Le recours à
l'interprétation n'est pas requis également lorsque la question
soulevée par l'une des parties manque de pertinence, c'est-à-dire
quand elle n'a aucune influence sur la solution du litige.
Au demeurant on retiendra que les rapports entre les
juridictions nationales et les juridictions communautaires ne sont pas toujours
conflictuels. Il existe un partage de compétences entre les deux
lorsqu'il s'agit d'appliquer la norme communautaire, car même si c'est
à des niveaux différents les juridictions nationales
interviennent à coté des juridictions communautaires. D'autre
part une coexistence pacifique existe entre les deux juridictions eu
égard à la coopération qu'il entretienne lorsque des
difficultés surviennent pour l'application des textes communautaires. La
seule remarque qu'il faut faire c'est que la collaboration est plus
élaborée dans l'UEMOA que dans l'OHADA. Toute fois à
coté de cette complémentarité il existe des
matières pour les quelles les juridictions communautaires sont seules
souveraines pour en connaître des litiges.
PARAGRAPHE II : Les
compétences particulières des juridictions
communautaires
Les juridictions des communautés de l'UEMOA
et de l'OHADA cohabitent avec les juridictions nationales, mais il existe des
matières par rapport aux quelles le règne des premières
est sans partage. Il en est d'abord ainsi du contentieux de la
légalité (A), mais aussi pour certaines matières
spécifiques dans le contentieux de pleine juridiction (B)
A : Le contentieux de la
légalité
Il faut tout de suite signaler que ce type de
contentieux propre aux juridictions communautaires fait l'objet d'une
consécration beaucoup plus élaborée au sein de l'UEMOA que
dans l'OHADA. Il comprend trois éléments le recours en
appréciation de légalité, le recours en exception de
l'illégalité et le recours préjudiciel en
interprétation de la légalité.
Pour ce qui est du premier type de recours, il
s'agit du recours en annulation prévu expressément dans les
textes de l'UEMOA, particulièrement le chapitre II du règlement
de procédure de la cour de justice. Au termes de l'article 15 de ce
chapitre la cour est compétente pour connaître du recours en
appréciation de légalité, l'alinéa 2 dispose
que : « ... Le recours en appréciation de
légalité est dirigé contre les actes communautaires
obligatoires ; les règlements, les directives ainsi que les
décisions individuelles prises par le conseil et la
commission... ». Le recours en appréciation de
légalité peut être conçu comme étant la
transposition à l'échelle régionale du recours pour
excès de pouvoir applicable dans l'ordre interne des Etats. Comme tout
recours la cour est saisie au moyen d'une requête signée
généralement par un avocat, elle est signifiée à la
partie adverse accompagnée d'un cautionnement. La requête peut
être introduite conformément au même alinéa second de
l'article 15 par toute personne physique ou morale, contre tout acte d'un
organe de l'Union lui faisant grief. En outre il ajoute que le recours est
même ouvert aux organes de l'Union, tels que la commission, le conseil,
ou encore les Etats membres contre les règlements, les directives et
décisions. Ainsi considéré ce recours s'exerce contre les
actes unilatéraux de l'Union, notamment les directives, les
règlements, les décisions, à l'exclusion des actes
additionnels. Et lorsque la cour statue, son office consistera à
confronter les actes en questions avec le Traité de base et les autres
conventions. Comme en droit interne les actes en cause doivent faire grief,
c'est-à-dire modifier l'ordonnancement juridique, par conséquent
les avis et recommandations ne peuvent faire l'objet du recours. Pour
l'introduction du recours le requérant se devra d'arguer d'un
intérêt légitime et certain qui sera souverainement
apprécié par le juge. Il devra également respecter les
délais de procédures classiques, ce délai est fixé
par l'article 15 à deux mois à compter de la publication de
l'acte, de sa notification au requerrant, ou du jour où celui-ci en a eu
connaissance. Comme en droit administratif interne, il s'agit de délais
francs, mais il peut y avoir une dérogation qui ne joue qu'une seule
fois en cas de recours administratifs préalables. Par ailleurs ce
recours peut donner lieu à des cas d'annulation d'un acte communautaire,
lorsqu'il y a eu vice de forme et de procédure43(*), par exemple l'absence de
motivation ou la violation de la procédure contradictoire. Il en est
ainsi également en cas d'incompétence ou de détournement
de pouvoir, car les autorités communautaires ont des compétences
d'attribution. Mais surtout l'annulation est retenue lorsqu'il y a violation du
traité de base et des textes subséquents. A l'heure actuelle
l'affaire qui défraie la chronique en cette matière c'est sans
nul doute le licenciement abusif du commissaire ivoirien Eugène
Yaï. Dans cette Arrêt rendu le 05 avril 200544(*), la cour de justice de l'Union
a déclaré nul et de nul effet l'acte additionnel n°01/2005
du 11 mai 2005 nommant monsieur Jérôme Bro Grebe en
qualité de membre de la commission de l'UEMOA pour remplacer monsieur
Yaï. Mais le curieux dans cette affaire, c'est que sous les pressions de
la Côte d'Ivoire la conférence des chefs d'Etats et de
gouvernement va encore adopter l'Acte additionnel n°04/2006 pour
réaffirmer la nomination de monsieur Jérôme Bro, ce qui est
aujourd'hui synonyme de licenciement pour monsieur Eugène Yaï. Ce
remplacement conformément au premier arrêt de la CJU sera encore
jugé illégal par la cour communautaire, qui convient toute fois
de l'entrée en vigueur de l'acte additionnel dans le but de donner une
base légale à la nomination du nouveau membre de la commission,
bien que illégalement effectuée. Dans cette affaire il se pose
une question très cruciale, celle de la crédibilité de la
cour de justice. Est-ce que les chefs d'Etats de l'Union dans le seul but de
satisfaire aux désires d'un Etat membre, vont en tant que animateur de
l'organe suprême de l'UEMOA, faire totalement fi de la décision de
justice de la cour ? Lequel organe de contrôle a été
justement créé pour servir l'effectivité du droit
communautaire. Même si la conférence n'en juge pas encore la
portée, la suite qu'elle donnera à cette affaire sera très
décisive pour l'avenir de l'UEMOA. Car si l'organe suprême viole
le droit communautaire, c'est dire que l'Union risque d'être une zone de
non droit dans l'avenir. Après ce premier recours il existe un autre
type dont les juridictions communautaires sont les seules
compétentes.
Le recours en exception d'illégalité
est prévu au sein des deux cours communautaires de l'UEMOA et de
l'OHADA, mais comme pour le recours sus évoqué il fait l'objet
d'une réglementation plus stricte dans la Cour de justice de l'Union.
En effet il est permis à toute personne partie à un litige de
soulever une exception à l'encontre d'un acte d'un organe de
l'organisation. Mais l'exception d'illégalité ne vise pas
à faire annuler un acte, mais à le déclarer inapplicable
en l'espèce même après l'expiration du recours en
annulation. Lorsque c'est des requérants ordinaires, l'exception
d'illégalité aura pour intérêt de corriger les
restrictions auxquelles le traité subordonnait le recours en annulation
des particuliers contre les décisions et règlements. Mais quand
c'est des Etats ou des institutions qui saisissent le juge, l'exception
d'illégalité devra servir à empêcher l'application
d'actes illégaux qu'ils auraient pu attaquer, mais qu'ils n'ont pas pu
faire dans le cadre du délai du recours en annulation. Dans ce cas de
figure le juge est saisi par la voie de la question préalable, à
la quelle il devra répondre. Comme autre catégorie de contentieux
par rapport au quel la compétence est réservée aux juges
communautaires, on peut relativement citer le contentieux de
l'interprétation. Mais dans le cadre de notre étude il nous est
paru plus judicieux de l'analyser dans le cadre de la répartition de
compétence, puisque l'initiative émane des juridictions
nationales. Mais le contentieux de la légalité n'est pas la seule
matière de compétence des juridictions communautaires, celles-ci
peuvent aussi connaître des litiges de pleine juridiction.
B : La compétence exclusive
dans le contentieux de pleine juridiction
Si l'on considère la
réglementation de l'UEMOA et de l'OHADA s'agissant du contentieux de
pleine juridiction, leurs juridictions sont compétentes à deux
niveaux différents. En effet il y a des matières de
première saisine, c'est-à-dire lorsque la question est
obligatoirement portée en premier lieu devant le juge communautaire.
Mais également comme tout contentieux de pleine juridiction les cours
communautaires sont compétentes par la voie de la cassation
a : Les matières de la
première saisine
Les juridictions communautaires ne sauraient
avoir des compétences bornées au seul contentieux de la
légalité. C'est la raison pour la quelle la CCJA et l'OHADA sous
peine de voire leur rôle trop réduit ou inexistant sont
compétentes en matière de responsabilité, de contentieux
de la concurrence, ou de la fonction publique. Pour la responsabilité il
faut dire qu'elle fait naturellement l'objet d'une consécration dans
tous les textes régissant les juridictions africaines. Dans l'UEMOA le
paragraphe 5 de l'article 15 du règlement de procédure de la cour
dispose que : « la cour de justice est seule
compétente pour déclarer engager la responsabilité non
contractuelle et condamner l'Union à la réparation du
préjudice causé par des agissements matériels, soit par
des actes normatifs des organes de ou de ses agents dans l'exercice ou à
l'occasion de l'exercice de leur fonction... ». Ainsi
considéré il faut nécessairement que les différents
éléments de la responsabilité soient réunis,
à savoir le préjudice, le fait générateur, une
imputabilité. Comme en droit interne la responsabilité est
engagée pour faute et sans faute, les communautés ne sont donc
engagées que si l'agent agissait dans le cadre de ses fonctions,
utilisant les moyens du service. Par contre les agents des communautés
peuvent être condamner en totalité ou en partie à
réparer les préjudices subis par l'Union en raison de faute
personnelle commise, lorsqu'elle celle ci se détache
matériellement et intellectuellement du service. L'action en
responsabilité quelque soit le cas peut être intentée par
les particuliers contre l'Union, cette dernière peut également
engager la responsabilité des particuliers. Mais dans tous les cas de
figure, l'action en responsabilité se prescrit au bout de trois
années à compter de la réalisation du dommage.
Il y a aussi le contentieux individuel de la fonction publique,
qui peut être porté devant les juridictions communautaires. En
effet il existe un ensemble de règles régissant les personnels
de l'UEMOA et de l'OHADA, il en est ainsi par exemple du règlement 1/98
du 30 janvier 1998 relatif au régime applicable au personnel de l'OHADA.
Ces règles constituent le statut de ces personnels qui fixe les droits
et obligations du personnel qui peut être fonctionnaire, ou non
fonctionnaire. Cependant comme dans tout rapport humain, il peut survenir des
litiges entre l'organisation et les agents. C'est la raison pour laquelle les
textes qui régissent les cours communautaires donnent compétence
à celles-ci pour connaître de ces litiges. C'est le cas du
règlement de procédure de la CJU qui à l'alinéa 4
de son article 15 habilite la cour à statuer sur tout litige entre les
organes de l'union et leurs agents, dans les conditions
déterminées au statut du personnel. Dans la pratique la CJU
connaît un contentieux très volumineux de la fonction publique,
c'est le contentieux le plus important ; Ainsi entre 2002 et 2004 sur 12
décisions rendues les 11 sont relatives au contentieux individuels.
Comme autres contentieux exclusifs aux juridictions
communautaires, il faut noter celui qui est relatif à la concurrence,
aux litiges financiers et aux recours en manquement contre les Etats. Mais ces
contentieux ne sont prévus à l'heure actuelle que dans le cadre
de l'UEMOA. Cela peut aisément se comprendre, d'une part par la nature
des normes de l'UEMOA qui visent dans leur majorité expressément
les Etats, et d'autre part il n'existe à l'heure actuelle aucun Acte
Uniforme devant portant sur ces matières. Ainsi lorsqu'elle est saisie,
la CJU peut être amenée à se prononcer sur les
décisions et sanctions que la commission a pu prendre contre les
entreprises qui n'ont pas respecté le principe de la libre concurrence,
ou bien celles qui ont abusé de leur position dominante sur le
marché de l'UEMOA. Quant au recours en manquement il est
également prévu par l'alinéa 1er de l'article
15 du règlement de procédure de la CJU. En effet selon la
réglementation la cour de justice connaît des recours de la
commission ou de tout Etat membre, pour tous manquements que les Etats
accusent par rapport aux obligations communautaires qui les incombent. Enfin
concernant le recours financier il ne fait pas l'objet d'une
consécration expresse par l'UEMOA, contrairement à la convention
de la cour de justice de la CEMAC mais il s'agit essentiellement du contentieux
bancaire. Dans la pratique au sein de l'UEMOA, un avis a été
rendu concernant la question de l'agrément unique, qui était
préconisé par la BCEAO par ce que estimant l'agrément
multiple contraire à la liberté de circulation. La CJU a
abordé dans le sens de l'institution de mission, à la condition
que l'agrément unique soit donné par la CBAO.
Au demeurant il faut dire que les juridictions
communautaires de l'UEMOA et de l'OHADA disposent d'une compétence
générale, elles peuvent être saisies par les
juridictions nationales dans le cadre du recours préjudiciel ou
consultatif pour un éclairage sur le droit communautaire. Mais elles
peuvent être saisies également par toutes personnes physiques ou
morales pour des matières qu'elles sont seules à pouvoir
connaître. A la suite de tous ces contentieux dont les juridictions
communautaires sont saisies, ces dernières rendent des arrêts qui
se présentent sous certaines formes et obéissent à des
règles de fond. En effet en rendant sa décision le juge
communautaire de l'UEMOA et de l'OHADA s'appui sur le Traité de base,
sur les dispositions du droit dérivé, ainsi que sur le
règlement qui régisse le fonctionnement des cours. Les
arrêts sont rendus en audience publique, et la lecture se fait en
présence des parties à qui l'arrêt est ensuite
notifié. Les arrêts qui sont rendus jouissent ensuite d'un
régime qui facilite leur application. En effet aussi bien dans la CJU
(article 80 du règlement de procédure) que dans la CCJA (article
40 du règlement) les arrêts rendus ont une force obligatoire
à compter du jour de leur prononcé. Autrement dit les
arrêts ont l'autorité de la chose jugée, ils sont non
seulement obligatoires pour les organes de l'Union ou de l'Organisation, mais
aussi pour tous les Etats et leurs ressortissants. De surcroît l'article
20 du Traité de l'OHADA prévoit l'exécution forcée
des arrêts de la CCJA. Cette exécution forcée est
régie par les règles de la procédure civile dans l'Etat
sur le territoire duquel l'exécution a lieu. Lorsque survient des
erreurs matérielles de calcul ou de plume, le juge procède
d'office ou à la demande d'une partie aux vérifications
nécessaires. En cas d'omission par la cour sur un élément,
ou sur les dépens, la partie qui entend s'en prévaloir saisit la
cour par la voie de requête dans le mois de la signification de
l'arrêt, et la requête est signifiée à l'autre partie
invitée à présenter ses observations. La cour statue sur
les dépens à savoir les frais de correspondance et de
notification, les frais d'établissement des copies, des mémoires,
des pièces jointes et d'instructions. C'est la partie qui succombe qui
est condamnée aux dépens, si plusieurs parties succombent la cour
décide du partage des dépens. De même si une partie se
désiste elle supporte les dépens. Par ailleurs comme dans le
cadre interne, les parties disposent de voies de recours pour contester les
arrêts rendus par les juridictions communautaires. Mais dans le cadre
communautaire les voies de recours ordinaires ne sont pas admises. Les parties
qui désirent contester un arrêt de la CJU ou de la CCJA ont la
possibilité d'user des voies de recours dites extraordinaires. Ainsi
lorsque la décision est rendue par défaut, la partie
défaillante peut former une opposition contre cette décision
dans un délai de deux mois après la publication. En cas de
découverte d'un fait nouveau pertinent la partie peut demander la
révision du procès. De même en cas de contestation sur le
sens ou la portée du dispositif d'un arrêt, il appartient à
aux cours communautaires de l'interpréter. Dans le cadre de la CCJA le
règlement de procédure prévoit à son article 48
que : «...Toute partie peut demander l'interprétation du
dispositif d'un arrêt dans les trois ans qui suivent le prononcé
... ». Quant à l'UEMOA c'est l'article 85 du règlement
de procédure qui prévoit la possibilité
d'interprétation des arrêts. Par ailleurs à coté de
cette compétence exclusive des communautaires de l'UEMOA et de l'OHADA,
laquelle compétence commence déjà au premier degré
de juridiction pour des matières que les règlementations ont tenu
à préciser. Il faut aussi ajouter que le principe supranational
qui sous tend toute la dynamique d'intégration au sein de nos deux
entités considérées, innove aujourd'hui en
conférant un monopole spécial aux juridiction communautaire au
troisième degré du système judiciaire.
b : La compétence des
juridictions communautaires en matière de cassation
Lors même que l'option de rapprochement
juridictionnelle soit la même aussi bien dans l'UEMOA que dans l'OHADA.
Cette dernière présente toute fois une particularité eu
égard au monopole qui lui est conféré par le Traité
au niveau de la cassation (1). Alors que dans l'Union il existe simplement une
collaboration entre les juridictions nationales et la juridiction de la
communauté (2).
1 : Le monopole de la CCJA au
niveau de la cassation
Lors de sa création l'OHADA s'est
fixée comme office majeur de promouvoir l'uniformisation
législative par une uniformisation juridictionnelle. C'est la raison
pour laquelle conformément à l'analyse faite plus haut, il
apparaît que les dispositions de l'OHADA sont motivées non
seulement par le souci d'uniformiser l'interprétation des textes, mais
d'élaborer une justice unique. Dans cette occurrence la CCJA est
aujourd'hui érigée en une véritable juridiction de
troisième degré au détriment des traditionnelles
juridictions nationales de cassation. Ainsi il est prévu aux termes de
l'article 14 du Traité OHADA que : « Saisie par la
voie du recours en cassation, la cour se prononce sur les décisions
rendues par les juridictions d'appel des Etats parties dans toutes les affaires
soulevant des questions relatives à l'application des Actes Uniformes et
des règlements prévus au présent Traité à
l'exception des décisions appliquant des sanctions
pénales... ». Sous cet éclairage de la loi il est
à dire que la cassation dans le cadre de l'espace OHADA constitue en
quelque sorte la « chasse gardée » de la CCJA. Cette
dernière peut être saisie conformément à l'article
51 du règlement de procédure, par la voie du renvoi
effectué par le juge national, elle peut également être
saisie dans un délai de deux mois à compter de la notification de
la décision, par toute partie à un procès qui estime que
la juridiction nationale statuant en cassation a méconnu la
compétence de la CCJA. Lorsque la juridiction communautaire est saisie,
cela entraîne automatiquement la suspension de toute procédure de
cassation engagée devant une juridiction nationale, à l'exception
des procédures d'exécution. Et si la CCJA estime à bon
droit que sa compétence doit être retenue en l'espèce elle
évoque et statue au fond. L'évocation c'est la faculté qui
est donné à la cour de l'OHADA de se prononcer sur le fond de
l'affaire, et de ne plus opérer de renvoi après la cassation.
Ceci étant la CCJA se substitue donc aux cours de cassation des
différents Etats parties, mais elle se substitue surtout à la
juridiction nationale de fond qui aurait été normalement
compétente à statuer après la cassation. Cependant ce
mécanisme de substitution de la CCJA aux juridictions nationales
connaît une limite concernant les décisions appliquant des
sanctions pénales. Cette exclusion de compétence s'explique par
le fait que les dispositions du traité OHADA contiennent certes des
dispositions d'incrimination, mais non celles infligeant des sanctions
pénales45(*). Par
conséquent dès lors qu'il s'agit d'un pourvoi en matière
pénale les cours de cassation nationales retrouvent toute leur
compétence. De manière pratique cela revient à affirmer
qu'il y aura un partage, la CCJA serait toujours compétente à
statuer sur les dispositions d'incrimination pénales, mais la
détermination de la peine demeure l'apanage des juridictions nationales
compétentes. Ainsi considéré on peut soutenir que l'OHADA
à travers la CCJA a mis la barre très haute en ce qui concerne le
rapprochement juridictionnel de ses Etats même si pour l'instant la
question de l'intégration juridictionnelle est vue par certains comme
une utopie. L'on s'accorde avec une presque unanimité, que les
dispositions du traité et du règlement de procédure de
l'Organisation pose un principe de supranationalité juridique,
opérant un transfert de compétences des juridictions nationales
de cassation vers la CCJA. Ce principe est d'autant plus rigoureux que la cour
peut statuer sur le fond. La CCJA se présente ainsi en un
véritable régulateur de l'application du droit des affaires dans
l'espace OHADA. Cependant l'innovation et le principe qu'elle instaure ne
manque pas d'engendrer une énergie conflictuelle. En attendant de
s'étendre sur cette question dans le dernier maillon de notre analyse,
il convient de voir maintenant le système qui est applicable au sein de
l'UEMOA.
2 : La collaboration entre la Cour
de Justice de l'Union avec les cours de
cassation nationales
Au niveau de la cassation il apparaît une
très nette différence entre le système de l'UEMOA et celui
de l'OHADA. En effet contrairement à ce qu'à
révélé notre analyse au sein de la CCJA. La
procédure de contrôle de l'application du droit communautaire par
les juridictions nationales s'organise autour d'une relation de collaboration
entre la CJU et les juridictions propres aux Etats parties. Concrètement
cette coordination s'effectue par un système de renvoi
préjudiciel qu'opèrent les cours de cassation saisies, à
la CJU, afin que celle-ci puisse donner sa position sur la question de droit
communautaire, dont la juridiction nationale est saisie. Le recours
préjudiciel est certes une faculté qui reste à la libre
appréciation des juridictions nationales. Mais aux termes de l'article
12 alinéa 2 du règlement de procédure de la CJU, les
juridictions qui statuent en dernier ressort sont sommes toutes dans
l'obligation de saisir la cour de la communautaire afin de requérir sa
position sur la question de droit communautaire révélée
par le litige dont elle est saisie. Ensuite le juge national est tenu de se
conformer à l'interprétation qui lui sera donnée par la
cour. S'il en est ainsi c'est dire que la CJU ne dispose pas d'un quelconque
pouvoir d'invalidation des décisions des juridictions nationales, lors
même que l'application du droit communautaire est en cause. Contrairement
au monopole dont dispose la CCJA qui évoque les affaires, les tranche
sans renvoi, la CJU quant à elle ne tranche pas en fait les litiges,
ceux-ci sont exclusivement tranchés par les juridictions nationales. La
résolution d'un litige impliquant l'application des normes
communautaires nécessite donc le respect de l'interprétation
donnée par le juge communautaire, qui ne statue pas pour autant sur le
fond de l'affaire.
Sous ces considérations c'est dire qu'il
n'existe qu'une simple collaboration en l'absence de toute substitution de la
CJU aux organes juridictionnels nationaux. Un tel système
appliqué au sein de l'Union est certes garant de la souveraineté
des Etats, surtout dans le domaine sensible de la juridiction. Mais pour notre
part il nous semble que la CJU devrait jouer pleinement son rôle en
s'érigeant en une véritable juridiction de cassation, non comme
la CCJA qui est juridiction de troisième degré, mais une
juridiction de droit qui aura pour mission de vérifier la
légalité des arrêts des juridictions d'appel des
différents Etats parties de l'Union. Par ce que le système de
renvoi comporte beaucoup de lenteurs, et étant donné que la
juridiction nationale ne peut pas outre passer la position de la cour
communautaire, puisqu'elle devra s'y conformer. Il serait plus indiqué
que la CJU se prononce une fois sur la question de droit. En effet si l'on
élimine le renvoi préjudiciel au niveau de la cassation cela
favoriserait la rapidité du pourvoi, en même temps
l'élimination de ce renvoi qui semble être un barrage à
l'accès personnel des ressortissants aux juridictions communautaires,
permettra de donner une culture du droit communautaire aux particuliers des
différents Etats membres, puisqu'ils auront eux même à
saisir la cour de la communauté à la quelle ils appartiennent.
Pour ce qui est de l'OHADA également l'institution de la CCJA en
juridiction de troisième semble être une option
d'efficacité et de rapidité, mais la compétence ne
s'étend pas à tous les contentieux ce qui peut être source
de problèmes. C'est d'ailleurs cette panoplie d'écueils que pose
l'existence des juridictions communautaires, qui nous permet de jeter le pont
sur la partie ultime de notre analyse faisant l'inventaire des
problèmes de l'intégration en générale au sein de
nos deux entités.
CHAPITRE III : Les obstacles à la dynamique
d'intégration juridique dans
l'UEMOA et dans l'OHADA
Le processus de l'intégration juridique
ou « union des législations » a été
enclenché au sein de ces deux entités intergouvernementales
depuis plus d'une dizaine d'années. Dans beaucoup de domaines de
l'activité économique des prouesses certaines ont
été réalisées à l'heure actuelle, et dans
certaines autres matières des efforts restent à faire. Justement
les retards notés ça et là sont causés par un
certain nombre de limites relatives aux velléités souveraines des
Etats (Section I), et à l'équation du choix des normes
communautaires
(Section II).
SECTION I : Les limites tenant aux
velléités souveraines des Etats
Ces limites sont de deux ordres, il s'agit
d'une part de l'existence de législations nationales
irréductibles (Paragraphe I), mais aussi et surtout du grand
problème de l'ineffectivité des normes communautaires
(Paragraphe I)
PARAGRAPHE I : L'existence de
législations nationales irréductibles
Lors même que la volonté
d'uniformisation de la règle de droit soit affirmée sans
conteste au sein de l'UEMOA et de l'OHADA, il existe toute fois des contraintes
techniques irréductibles qui obligent à respecter le droit
national des différents Etats parties, cela se manifeste soit à
travers le droit commun, soit à travers des règles du droit
spécial. En effet il faut tout d'abord considérer que le droit
des affaires ou droit économique est un droit nouveau spécial, en
ce sens il obéit avant tout au droit commun des personnes, des biens,
des actes et des faits juridiques. Par conséquent il doit
nécessairement en tenir compte sans y retoucher par une loi uniforme.
S'agissant de l'OHADA c'est tout d'abord le Traité lui-même qui
constate la survivance de certaines législations nationales en
prévoyant expressément un système de renvoi aux
législations des Etats parties. Il en est ainsi par exemple lorsque
l'article 205 de l'AUDCG renvoi au droit de la vente pour la validité
et le régime juridique de la vente entre professionnels, ou lorsque les
articles 143 et 150 de l'AUDCG portant statut des intermédiaires de
commerce renvoi aux règles classiques du mandat. Outre ces renvois
explicites, il est incontestable que les Actes Uniformes renvoient au droit
commun lorsqu'ils utilisent des concepts ou des règles provenant de
celui -ci. Il en est ainsi lorsqu'ils évoquent la règle de la
solidarité en matière de sûreté (article 270
AUS) ; C'est le cas notamment de l'article 119- 2 de l'AUPS portant sur
les immeubles et les droits immobiliers, ou encore de l'article 46 de l'AUS,
qui ne font que énumérer ces choses dans leur nature sans pour
autant en donner la définition. De ce fait ils revoient implicitement
aux droits communs nationaux. Cependant cette situation peut être la
source d'un risque de dégradation de l'uniformisation, car il est clair
que les Etats ne manqueront pas de diverger dans la réglementation et la
définition de ces concepts. D'autre part les dispositions du droit
communautaire renvoient parfois à des règles du droit national
qu'il est impossible ou inconcevable de réduire à
l'uniformisation pour des raisons économiques, sociales, ou politiques.
Par exemple la détermination d'une quotité cessible ou
saisissable est partout nécessaire pour protéger la fraction
alimentaire du revenu du salarié débiteur. Mais le montant qui
sera retenu dépend du niveau de vie et des rémunérations
propres à chaque Etat, ce la fait qu'elle se dédouane de
l'uniformisation. C'est donc le droit national que l'on devra interroger pour
déterminer l'assiette du super privilège des salaires46(*). Par ailleurs même le
droit des sociétés n'échappe pas à cette
réticence à effacer tout particularisme national justifié
par des besoins économiques, sociaux ou professionnel d'un pays. C'est
ainsi que s'explique la disposition de l'article 916de l'AUSCG qui
prévoit la survivance des dispositions législatives auxquelles
sont assujetties les sociétés soumises à un régime
particulier (banque, assurances, sociétés nationales ou
d'économie mixte). Dans le cadre de l'UEMOA en particulier le même
constat peut être fait en ce qui concerne les entraves au principe de
libéralisation des échanges ou de libre circulation des
personnes. A l'heure actuelle même si la liberté de circulation
existe la réglementation administrative des Etats membres aux
frontières de leurs territoires demeurent. Il en est aussi de même
des conventions bilatérales conclues par les Etats de l'UEMOA en
matière fiscales et autres domaines des échanges, qui continuent
à être en vigueur malgré la réglementation uniforme
de l'Union. Ces considérations faites, il faut dire que la survivance
de certaines normes nationales malgré le processus de
l'intégration est sans doute une entrave à la parfaite
réalisation de celle-ci. Par ailleurs le regret est encore plus fort
dans la mesure où on constate que le droit communautaire est parfois mis
en veilleuse au niveau des instances juridictionnelles des Etats parties
PARAGRAPHE II : Le problème
de l'ineffectivité des normes
communautaires dans les
Etats parties
L'existence d'un dispositif juridique aussi
pertinent, adapté simple et moderne qu'il puisse être, ne trouve
son impact pratique que par l'adhésion de ceux aux quels il est
destiné. La règle de droit régional également
n'échappe pas à ce principe, elle n'a de raison d'être que
si et seulement si les Etats et les particuliers auxquels elle est
destinée la respecte, et que les tribunaux l'appliquent. Cependant dans
le cadre de l'UEMOA et de l'OHADA le constat qui est fait à l'heure
actuelle et que les normes communautaires ne sont pas appliquées de
manière efficiente dans es différents Etats membres des deux
communautés. S'agissant de l'UEMOA l'union a une ambition purement
économique, qui est d'assurer la performance de ses différents
Etats en cette matière. C'est d'ailleurs la raison pour laquelle des
règles juridiques sont élaborées pour impulser une
orientation uniforme en matière économique. Ainsi
conformément à l'analyse qui précède des
critères de convergence ont été institués pour que
justement les Etats les respectent. Malheureusement le constat à l'heure
actuelle c'est que les Etats s'illustrent en porte à faux avec la
réglementation communautaire. Par exemple si l'on considère le
critère de premier rang relatif aux déficits publics, la
réglementation communautaire voulait que la dette intérieure et
extérieure des Etats n'excède pas 7O%. Mais il s'avère que
les pays ne respectent pas ce ratio. Si l'on prend l'exemple du
Sénégal, membre de l'UEMOA, il ne l'a pas respecté
depuis 1999. Le non respect par le Sénégal des obligations
communautaires, est notable en ce qui concerne le ratio des investissements
publics. Concernant le critère portant sur les arriérés
de paiement intérieurs et extérieurs qui doivent être
maintenus à 3% par année, les Etats comme celui du Togo, du
Bénin, ou du Niger ne le respectent pas encore. La question de
l'ineffectivité des normes communautaires se pose également au
niveau des juridictions communautaires. Il en est ainsi lorsque la juridiction
applique la loi nationale contraire au détriment de la nouvelle loi
communautaire. A ce propos l'exemple qui peut être donné dans le
cadre de l'OHADA, est sans doute l'Arrêt Epoux Karnib. Dans cette affaire
le juge ivoirien saisi avait appliqué les articles 181 et 182 du code
procédure ivoirien, au détriment de l'article 32 de l'AUPS de
l'OHADA. La non application du droit communautaire par le juge national peut
par ailleurs avoir une origine indépendante de la volonté du
juge. C'est le cas des règles d'application non immédiate qui
nécessite une transposition au plan interne, ou du système de
renvoi qui existe en matière pénale. Par exemple en
matière de lutte contre le blanchiment d'argent, la loi uniforme qui
devait être adoptée par les Etats de l'UEMOA ne l'a même pas
été par la moitié des 8. Cela veut dire que si demain un
juge est saisi au plan national pour un litige concernant cette matière
il n'aura à priori aucune base légale pour statuer car la
réglementation communautaire n'est pas en vigueur.
De ce qui précède il est apparu que
la souveraineté des Etats constitue une certaine entrave pour un
règne sans partage des normes communautaires, sur les territoires des
différents Etats parties de l'UEMOA et de l'OHADA. Mais il faut aussi
dire que l'existence multiple des organisation internationales africaines,
particulièrement celle de l'OHADA et de l'UEMOA , qui sont deux
organisations investies des mêmes missions, regroupant presque les
mêmes Etats, est également un obstacle à l'éclosion
d'un unique droit régional. L'UEMOA et l'OHADA ont créées
les conditions de leur télescopage, et cela vient encore perturber
l'ordre communautaire.
SECTION II : La grande
équation du choix des normes communautaires à
appliquer.
L'UEMOA et l'OHADA servent toutes les deux de cadre
à l'uniformisation du droit économique. Ce recoupement est
cependant source de problèmes, qui résultent d'une part de la
concurrence législative ou situation du double emploi entre les deux
entités (Paragraphe I), et cela est la principale cause des conflits
entre les juridictions communautaires d'une part et communautaires et
nationales d'autre part (paragraphe II)
PARAGRAPHE I : La concurrence
législative ou la situation du double emploi
entre l'UEMOA et l'OHADA
Le risque de conflit de normes entre l'UEMOA et
l'OHADA est attesté par l'inopportunité de leur double
législation comptable (A), mais aussi et surtout par la disharmonie
constatée dans la réglementation des deux entités en
matière pénale (B).
A : L'inopportunité de la
double législation en matière comptable.
L'existence des organisations internationales
africaines d'intégration juridique, est de manière
générale la cause d'une multiplication des pôles de
productions normatives en Afrique. Dans le cadre spécifique de l'UEMOA
et de l'OHADA, le fait que ces deux communautés investissent les
mêmes domaines de l'activité économique, occasionne
également l'existence d'une double législation qui à bien
des égards paraît inopportune. Car les deux entités
couvrent le même domaine de compétence, elles regroupent sous
leurs orbites les mêmes Etats, dans la mesure où tous les Etats de
l'UEMOA font partie de l'OHADA. La dualité normative parfois
notée entre les deux entités favorise l'apparution de ce que le
professeur Filipe Diguer appelait la mosaïque juridique du droit des
affaires, une mosaïque comportant cependant le risque d'une
contrariété de normes émanent des différentes
instances législatives de l'Union et de l'Organisation. Aujourd'hui le
recoupement qui est jugé comme étant le plus déterminant
entre les deux entités, est en particulier le droit comptable. En effet
le Conseil des ministres de l'UEMOA a d'abord adopté le
règlement
n° 04/96/CM du 20 décembre 1996 entré vigueur
le 1er janvier 1998. Ce règlement portait adoption d'un plan comptable
pour toute la partie ouest africaine. Ensuite en 2001 la deuxième
version du plan comptable de l'Union fut adoptée. S'agissant de l'OHADA
nonobstant cette réglementation, le Conseil des ministres a tenu
également a adopté un Acte Uniforme portant sur l'organisation de
la comptabilité des entreprises, même après l'avortement
d'une première réglementation en 1995.L'Acte Uniforme OHADA sur
le droit comptable (AUHOC) est entré en vigueur en janvier 2001,
d'où l'existence aujourd'hui de deux textes ayant la vocation de
régir la même matière, pour les mêmes
concernés, dans un même espace territoriale. Cette situation ainsi
considérée est à coup sûr facteur de discorde entre
les deux entités. Car même si l'on a soutenu dans notre
étude à la suite de certaines analyses plus autorisées
d'experts, que l'AUHOC de l'OHADA est la version approfondie du système
comptable ouest africain, et que par conséquent les deux
règlementations sont invariables dans leur application. Il faut toute
fois objecter que les entreprises auront du mal à savoir laquelle des
deux réglementations elles devront faire référence dans
leurs statuts et leurs documents comptables. Mais également lorsque
surviendra une légère différence entre les deux textes la
question sera de savoir celle qui devra prévaloir au détriment
de l'autre. Telle que considérée, la concurrence
législative entre l'UEMOA et l'OHADA accouche d'un certain nombre de
situations qui sous tendent une forte énergie conflictuelle. En effet ce
trop plein de textes laisse présager un avenir de désordre qui
risque de saper tous les efforts entrepris jusque là. Mais le grand
regret c'est que la tendance risque de se poursuivre à cause du
caractère élastique du domaine de l'OHADA, en effet
l'Organisation a mis au « laboratoire » pour leur
sortie prochaine, des Actes destinés à règlementer des
matières déjà couvertes par l'UEMOA. Il en est ainsi du
droit de la concurrence, ou encore du droit bancaire. Mais encore l'OHADA
entend élaborer un Acte sur la propriété intellectuelle
déjà régie par l'OAPI, dans ce dernier exemple les
conflits seront plus graves puisque le mal va toucher toute l'Afrique. Par
ailleurs la co existence conflictuelle entre les deux entités est
malheureusement notable sur une autre matière trop sensible, et les
conséquences risquent d'être plus néfastes sur le processus
d'intégration.
B : La disharmonie dans la
réglementation des deux entités en matière
pénale.
Le droit régional de l'UEMOA et de
l'OHADA ne peut pas connaître son odyssée sans la prise en compte
du droit pénal. Car tout droit a besoin de sanctions pour assurer son
effectivité. Les deux entités impulsent aujourd'hui une
discipline unique en matière économique, mais il faut
nécessairement l'existence d'un droit pénal de direction qui
devra apporter l'appui de ses sanctions, aux règles tendant à
orienter la vie des affaires, voire la vie économique dans le sens voulu
par les organes supranationaux. Malgré la sensibilité de cette
matière, qui impose le respect de la souveraineté des Etats,
particulièrement leur pouvoir de légiférer en
matière pénale. De commander, d'interdire, et d'édicter
une sanction de nature à porter atteinte à la liberté. Il
y a aussi un impératif d'harmoniser aujourd'hui les règles
pénales sanctionnant les violations du droit communautaire, car si la
violation du droit était sanctionnée différemment d'un
Etat à un autre, l'application uniforme du droit communautaire
risquerait d'être sérieusement compromise. C'est ainsi que pour
faire compromis, les promoteurs du droit OHADA ainsi que ceux de l'UEMOA, ont
fait des options qui ménagent la souveraineté des Etats, mais
avec une différence remarquable entre les deux entités, ce qui
occasionne un surplus de problèmes et de difficultés pour
l'application de ce droit dans les différents Etats parties.
Pour ce qui est de l'OHADA c'est l'article 5 du Traité de
base qui dispose que : « Les Actes uniformes peuvent
contenir des dispositions d'incrimination à l'exclusion des sanctions
pénales ». S'il en est ainsi c'est dire que la
réglementation de l'Organisation en matière pénale
procède à un éclatement de l'élément
légal. Car la norme d'incrimination et celle de sanction relèvent
d'ordres juridiques différents. L'Acte Uniforme se borne à la
formulation d'une incrimination, pour renvoyer ensuite à la
législation de chaque Etat pour la détermination de la peine. Le
concours de compétence existe obligatoirement, mais il n'est pas fait de
la même manière. En effet cela nécessite dans certains cas
l'intervention du législateur du législateur national, et dans
d'autres les textes qui existent déjà permettent de sanctionner
le comportement considéré. Dans la première
hypothèse c'est lorsque après indication du comportement
prohibé l'Acte Uniforme renvoi à une sanction
préétablie, existant, ou censée exister dans la
législation nationale. En réalité la norme communautaire
part d'une infraction qui lui sert de repère et envoie aux peines qui
lui sont applicables. Donc c'est l'Acte d'incrimination qui se choisit lui
même la peine applicable, par référence à une
infraction déjà existante. A titre d'exemple il suffit d'analyser
les dispositions de l'Acte Uniforme portant organisation des
sûretés, de l'Acte Uniforme portant organisation des
procédures simplifiées de recouvrement et des voies
d'exécution,ou encore les dispositions de l'Acte Uniforme portant
organisation des procédure collectives d'apurement du passif. C'est le
cas de l'article 97 de l'AUS, qui prévoit que les peines prévues
par le délit d'abus de confiance s'appliquent au débiteur ou
à toute personne qui, par des manoeuvres frauduleuses, prive le
créancier nanti de ses droits ou les diminue. Quant à l'ACTE
uniforme relatif aux procédures simplifiées de recouvrement,
c'est les mêmes peines applicables pour le détournement d'objets
saisis en droit interne, qui sont retenues par l'article 100 pour le
déplacement ou l'aliénation d'objets saisis. L'autre
hypothèse que peut révéler la réglementation
partagée de l'OHADA en matière pénale c'est la situation
du renvoi à des textes à créer. En fait c'est la
méthode qui est utilisée par l'AUDSC. Dans cet Acte Uniforme la
formulation utilisée pour annoncer les incriminations, traduisent la
volonté du législateur de laisser aux Etats la liberté de
détermination des sanctions idoines.
La législation pénale de l'OHADA ainsi
considérée révèle au sein de l'Organisation
elle-même un certain nombre de difficultés. Celles-ci sont
relatives à l'affaiblissement du principe de légalité, car
il y a parfois une imprécision des termes utilisés,
entraînant une hésitation sur le choix de la norme de
répression47(*).
L'autre problème soulevé par le droit pénal OHADA c'est la
disparité des sanctions qu'il entraîne, et cela compromet
malheureusement l'unité d'application du droit communautaire. Mais les
difficultés vont davantage s'aggraver aussi bien pour les juges, que
pour les particuliers de la zone, dans la mesure où l'UEMOA
présente aujourd'hui un autre système de réglementation
pénale.
En ce qui concerne l'UEMOA l'option prise a
été d'écarter toute disposition d'incriminations et de
sanctions dans le Traité lui-même, de même que dans les
normes dérivées de ce droit primaire, en l'occurrence les
règlements et les directives. En effet il est fait recours à une
technique très simple pour parvenir à une répression
uniforme face aux atteintes commises par rapport aux règles
communautaires. Celle-ci consiste concrètement à recourir aux
directives qui vont imposer aux Etats parties, l'adoption selon la
procédure législative normale de chacun, de projets de lois
uniformes. Ce système ainsi considéré permet à
priori d'avoir les mêmes sanctions, qui sont en fait
édictées par des lois propres à chaque Etat partie. Il en
est ainsi des règles pénales qui répriment l'utilisation
illicite du système économique, financier et bancaire.
Particulièrement l'exercice illégal de l'activité
bancaire, l'utilisation illicite des instruments de paiement, l'émission
de chèque sans provision, l'utilisation frauduleuse des cartes de
paiement. Comme exemple de directive UEMOA imposant aux Etats l'adoption de
normes pénales, on peut citer celle qui est intervenue le 19 septembre
2002, en l'occurrence la directive
n° 07/2002/CM/UEMOA, qui est relative à la lutte
contre le blanchiment de capitaux dans les Etats de l'UEMOA. En effet cette
directive communautaire procède tout d'abord dans ses dispositions,
à des renvois aux lois nationales pour la qualification des
délits d'où peut résulter les biens objets de blanchiment.
Mais en outre l'article 42 intitulé obligation de transposition dispose
expressément que : « Les Etats membres doivent
adopter au plus tard six mois à compter de la signature de la
présente directive, les textes uniformes relatifs à la lutte
contre le blanchiment de capitaux ». Au paravent l'article 36
annonçant la disposition sus évoquée, prévoyait
qu'il incombera aux Etats membres de prendre dans les conditions prévues
par l'article 42, les dispositions législatives relatives d'une part,
aux sanctions pénales applicables à toute personne physique ou
morale ayant commis des infractions de blanchiment de capitaux. C'est ainsi que
le conseil des ministres de l'Union a élaboré une loi uniforme en
2004 demandant chaque Etat membre de l'adopter dans le délai
prévu à l'article 42 de la directive. Un autre exemple peut
également être donné avec le règlement n°
15/2002 du 19 septembre 2002, qui lorsqu'il est venu abroger l'ancienne loi
uniforme pourtant jugée inadaptée à la nouvelle situation
économique, a tenu toutefois à maintenir les dispositions
relatives aux sanctions pénales, à savoir les articles 83
à 103. Une telle réglementation en vigueur au sein de l'Union
concernant le droit pénal paraît à bien des égards
plus élaborée, plus audacieuses, et permet plus d'éviter
les risques de dysfonctionnement entre les différents Etats acteurs de
l'Intégration.
Cependant il y a toute fois des constats qui
nous poussent à soulever quelques objections quant à son
efficacité. Car s'il est demandé aux Etats de transposer par une
loi uniforme dans l'ordre interne le dispositif juridique établi par
l'organe communautaire, il est apparu que d'une part les Etats ne respectent
pas les délais qui leur sont fixés, mais plus graves encore
certains Etats demeurent éternellement inactifs quant à
l'obligation qui les incombe. L'exemple très patent et actuel à
la fois qui peut être donné à ce propos, c'est le cas de
l'Acte Uniforme sur le blanchiment de capitaux. En effet jusqu'à l'heure
actuelle cet Acte devant contenir les sanctions pénales contre les
auteurs d'un délit aussi grave pour le système financier des
Etats sous développés comme ceux de l'Union, n'a
été adopté que par deux Etats (le Sénégal et
le Niger). Mais au delà des problèmes que soulèvent
l'uniformisation du droit pénal dans l'UEMOA et l'OHADA, la grande
interrogation qui s'impose à nous est celle relative à la lace du
droit pénal dans le droit régional. En effet eu égard aux
constats faits au sein des autres organisations africaines
d'intégration, mais également dans l'Union Européenne, le
droit pénal apparaît comme un éternel affranchi du droit
régional. Sa sensibilité fait qu'il ne s'accommode pas à
l'uniformisation. Le droit pénal au vu de l'expérience des
années du processus de régionalisme juridique, a toujours
résisté à une internationalisation, à une
intégration dans une souveraineté autre que celle qui est
strictement étatique. S'il en est ainsi il faut donc se rendre à
l'évidence que devant la réticence du droit pénal, compte
tenu de toutes les difficultés qu'il occasionne, les promoteurs de
l'uniformisation doivent sciemment laisser aux seuls Etats, l'édiction
de leurs normes régaliennes. Au demeurant si les normes communautaires
posent des difficultés en elles mêmes, il va sans dire que leur
mise en oeuvre au sein des organes habilités à cet effet posera
aussi d'énormes difficultés.
PARAGRAPHE II : Les rapports
conflictuels entre les juridictions au sein de
l'espace intégré
Les conflits de normes qui sont notés entre
l'UEMOA et l'OHADA au sein de leur espace intégré,
l'imprécision ou l'insuffisance de certaines dispositions du droit
communautaire, sont la cause aujourd'hui de conflits entre d'une part les
juridictions communautaires et les juridictions nationales (A), et d'autre part
entre les juridictions communautaires de l'UEMOA et de l'OHADA (B) elles
mêmes.
A : Les relations conflictuelles
entre juridictions nationales et juridictions
Communautaires : les avatars de la hiérarchie
juridictionnelle de l'OHADA
Les contentieux relatifs à l'application
des normes communautaires de l'OHADA et de l'UEMOA relèvent au premier
chef de la compétence des juridictions nationales, et les
procédures utilisées pour l'application de ce droit sont celles
du droit interne. Ainsi c'est dire que les juridictions nationales remplissent,
en tranchant un litige suscitant l'application d'une norme communautaire, les
fonctions de juridictions communautaires au niveau national. Mais la clef de
répartition entre les deux types de juridiction n'est pas toujours
aisée à déterminer, à cause de la connexité
entre les normes de droit communautaire harmonisées et celles du droit
national non harmonisées. Dors et déjà il faut tout de
suite préciser que les heurts qui sont notées au sein de l'espace
intégré ne concernent en principe que l'OHADA. Car celle celle-ci
a préféré mettre sur pied un système radical de
substitution de sa juridiction communautaire la CCJA à savoir, aux
organes juridictionnels nationaux dans le cadre du contrôle de
l'interprétation et de l'application de la norme communautaire au niveau
de la cassation. En effet contrairement au système du renvoi
préjudiciel qui est utilisé au sein de l'UEMOA en matière
de cassation, c'est la CCJA qui est seule habilitée à
connaître des pourvois soulevant l'application des AU. Ainsi à
l'exception des décisions impliquant des sanctions pénales,
c'est la CCJA qui va dérober aux juridictions de cassation nationales
leurs compétences normales. Ce mécanisme de substitution est
à coup sûr générateur de conflits entre les
juridictions de l'Etat et celle de la communauté. Tout d'abord il se
pose une question par rapport à sa portée. Par ce que même
si le traité vise ses propres dispositions, les Actes Uniformes, ainsi
que les règlements. Il faut dire que logiquement les règlements
ne sont pas concernés, car ils régissent uniquement les rapports
entre les organes de l'OHADA, et les rapports entre l'OHADA et les Etats
parties. Une autre hypothèse de conflits peut être
constatée en matière pénale, car même si la
compétence de la CCJA n'est pas retenue. Il faut dire que les AU
contiennent des incriminations, par conséquent la CCJA peut statuer sur
les dispositions d'incrimination pénales, et renvoyer à la
juridiction nationale pour statuer sur la sanction. Mais dans une telle
situation, outre le risque d'hétérogénéité
des sanctions qui peut en découler dans les différents pays de
l'Organisation, la complexité est accrûe lorsqu'une partie forme
un pourvoi en cassation en se fondant sur la violation de la disposition
d'incrimination, et celle établissant la sanction. Cette même
observation en matière pénale peut être étendue
à toute espèce de pourvoi en cassation intervenant dans un
domaine où l'OHADA laisse une compétence résiduelle aux
lois nationales. On peut imaginer à ce titre qu'un pourvoi en cassation
puisse impliquer à la fois une ou plusieurs règles de droit
uniforme et des règles de droit national non uniformisées. Par
exemple le droit civil, le droit processuel, ou le droit de la preuve. La
question dans cette situation serait alors de savoir comment procéder
au partage de compétence entre la juridiction commune et les
juridictions nationales. Plusieurs solutions peuvent être
envisagées soit attribuer compétence à la juridiction
nationale pour l'intégralité du litige, soit retenir la
compétence de la CCJA. Ou encore une autre solution peut consister
à former un pourvoi avec deux moyens destinés à deux
juridictions. Cependant cette situation de conjonction de moyens, ne trouve
aucune solution satisfaisante dans les relations telles qu'elles sont
établies actuellement entre la CCJA et les juridictions nationales.
D'ailleurs le problème s'est posé dans l'affaire Snar/ Leyma du
16 août 2001. Dans cette affaire la cour suprême du Niger qui avait
été saisie, a subordonné les conditions de la saisine de
la CCJA à deux conditions. D'abord elle a estimé qu'il faut une
prépondérance des AU pour la solution du litige, ensuite la
seconde condition est que le pourvoi doit essentiellement porté sur les
Actes Uniformes. Si tel n'est pas le cas la juridiction de cassation nationale
sera compétente pour statuer sur l'intégralité du litige,
au détriment de la CCJA, même si les normes communautaires sont
relativement en cause. Cette jurisprudence Snar et Leyma peut être
considérée comme la manifestation de la réticence des
juridictions nationales au monopole exclusif de la CCJA
Par ailleurs il faut dire que les conflits
entre les juridictions nationales et la CCJA ne sont pas insolubles en
principe. Car si l'on s'en tient à l'article 18 du traité on est
dans un système où la juridiction communautaire peut imposer sa
compétence aux juridictions nationales. Une partie peut en effet
soulever l'incompétence d'une juridiction de cassation nationale,
lorsqu'elle estime que cette dernière a méconnu la
compétence de la CCJA, pour ensuite saisir celle-ci. Cependant il faut
dire que la solution aux difficultés potentielles et réelles
entre la CCJA et les juridictions des Etats doit plutôt être
donnée par une répartition claire, une collaboration entre les
deux types de juridictions. L'OHADA s'est voulue de bonne guerre très
ambitieuse, mais son système de hiérarchie juridictionnel
créé beaucoup plus de problèmes qu'il n'en règle en
réalité, d'où l'urgence d'imiter aujourd'hui le
modèle de l'UEMOA. Ce qui permettra par ricochet de pallier aux conflits
qui se révèlent entre leurs juridictions communautaires.
B : Les conflits entre juridictions
communautaires UEMOA et OHADA
: la conséquence du
télescopage des normes
Les cours communautaires de l'UEMOA et d
l'OHADA ont pour fonctions essentielles d'assurer l'uniformisation, de
l'interprétation, et de l'application des normes spécifiques
à l'ordre juridique, dont elle constitue l'institution juridictionnelle
suprême. En fait l'Unification ne porte que sur l'ordre juridique propre
à chaque organisation. Car aucune juridiction n'a une vocation, ou une
compétence qui l'habilite à dire le droit qui n'est pas
spécifique à l'ordre juridique auquel elle appartient. Ces
éclairages ainsi faits nous amènent à soutenir simplement
que les conflits entre la CCJA et la CJU ne sont que des conséquences
logiques des conflits de normes qui existent entre les deux entités
communautaires. En effet lorsqu'il est saisi, le juge de la CCJA ou de l'UEMOA,
doit simplement vérifier si les éléments du litige qui
lui est présenté, entre dans le champ d'application du droit de
sa communauté. Donc les conflits entre les juridictions communautaires
de l'Organisation et de l'Union ne sont notables que s'il y a
incompatibilités ou co existence entre les normes UEMOA et les normes
OHADA. E t cela est notable lorsque les deux entités investissent de par
leur réglementation des domaines identiques. Ainsi lorsqu'un litige est
porté à la connaissance de la CCJA ou de la CJU par la voie du
renvoi préjudiciel, le juge communautaire doit apprécier eu
égard aux éléments de sa compétence (le territoire,
les Etats concernés, la matière du litige), si son droit peut
être appliqué. A priori un tel problème ne se pose pas s'il
s'agit de juridictions établies dans deux communautés regroupant
des Etats totalement distincts. Cependant s'agissant des deux entités
considérées il s'avère qu'elles regroupent les mêmes
Etats, en plus leurs normes se chevauchent dans certaines matières. Ce
qui fait que leurs juridictions connaissent nécessairement des rapports
heurtés, étant donné qu'il n'existe aucun rapport
hiérarchique entre elles. Mais par rapport à cette situation il y
a lieu toute fois de distinguer entre deux hypothèses : la
première est moins grave c'est lorsque les deux corps de règles
qui revendiquent leur application dans le litige peuvent être
appliqués de manière distributive. Par exemple lorsque dans un
contentieux il est invoqué des atteintes à la concurrence, et
une indemnité d'éviction. Dans ce cas les atteintes à la
concurrence relèveront du droit de l'UEMOA, en l'occurrence le
règlement n°02/2002/CM/UEMOA relatif aux pratiques anti
concurrentielles, la CJU sera saisie. Alors que l'indemnité
d'éviction relèvera de l'OHADA plus précisément de
l'AUDCG. La seconde hypothèse qui est source de conflits c'est lorsque
les normes UEMOA et OHADA régissent ensembles toutes les matières
du litige. A ce propos l'exemple le plus patent qui peut être
donné, et qui a d'ailleurs fait l'objet d'analyse plus haut, c'est le
droit comptable. En effet l'UEMOA a élaboré son SYSCOA, alors
qu'à coté l'OHADA s'est nantie de l'AUHOC. Cette situation peut
être à coup sûre source de problèmes. En effet lors
même que les experts affirment que les législations des deux
entités sont identiques, si un litige naît en matière
comptable les principaux concernés ne seront pas laquelle des
juridictions communautaires saisir. Si une des parties saisie la CCJA, l'autre
qui estime se référer au SYSCOA pourra à bon droit saisir
la cour de cassation ou la cour suprême nationale, qui va ensuite
solliciter l'avis de la CJU. Eu égard à la connexité des
matières, il découle de cette situation que l'arrêt rendu
par le juge national d'appel tenu de saisir le juge communautaire de la CJU, en
vertu des dispositions de l'article 12-2 du protocole additionnel n°1 est
susceptible d'être cassé et infirmé par la CCJA, en
application soit de l'article 18alinéa 3, soit de l'article14-3-5 du
Traité. Dans ces circonstances l'interprétation et l'application
des normes intégrées seront assurées par une juridiction
qui n'a pas reçu compétence de le faire, et le grand malaise
c'est que la décision que rendra la CCJA ou la CJU sera soumise au
contrôle de l'autre.
Ainsi considérés, c'est dire que les
conflits de juridictions qui existent entre la CCJA et la CJU, sont les
résultantes des conflits de normes entre les deux entités,
lesquels conflits découlent du trop plein de textes dans l'espace
intégré. Ce problème paraît à priori
insoluble dès lors que dans le Traité de Dakar et dans celui de
Port Louis, le principe de l'effet direct des normes48(*) est affirmé.
Aujourd'hui pour ne pas saper les efforts entrepris dans le cadre du processus
d'intégration juridique, la solution qui paraît judicieuse et
urgente, serait de conférer un primat aux normes OHADA, du fait que
dune part l'Organisation ambitionne d'harmoniser le droit des affaires lato
sensu, alors que l'UEMOA n'en fait qu'un complément à son
principal objectif d'intégration économique. Mais d'autre part le
nombre d'Etats parties à l'OHADA, de même que le monopole de la
CCJA en matière d'interprétation, sont des arguments qui
militent en faveur d'une telle option. Il faudrait par souci de rationalisation
établir une sorte de vase communiquant entre la CCJA, la CJU, et la
cour de justice de la CEMAC notamment. Cela pourra se faire si l'on
érige la Cour de justice de l'OHADA en un centre principal de
législation en matière de droit des affaires. Elle sera investie
de compétences consultatives et juridictionnelles. Elle sera dès
lors saisie par voie de recours préjudiciel par la CJU et la Cour de
justice de la CEMAC, ces dernières quant à elles auront pour
fonction d'appliquer la règle communautaire (Actes Uniformes ou normes
dérivées UEMOA ou CEMAC) après une réelle
coordination. Mais en attendant qu'un antidote soit apporté, peut
être de manière plus judicieuse et pratique que celle
préconisée. La situation actuelle laisse augurer des risques de
décisions contradictoires, qui sont porteurs du mal que
l'intégration avait pour ambitionner d'apporter remède.
L'insécurité juridique principal symptôme d'une
économie stagnante, peut engendrer des labyrinthes de procédure
qui peuvent donner lieu à de véritables dénis de justice.
Et l'intégration sera ainsi fortement estompée dans sa
dynamique.
CONCLUSION
En définitive on peut dire que les
années 90 constituent une date repère dans la construction des
organisations sous régionales africaines, enclenchée
déjà à la veille des indépendances dans les
mouvements de libération nationale. L'Afrique de l'Ouest à
l'image des autres contrées du continent noir, a entendu donner du
relief à ses ambitions intégrationnistes. C'est ainsi qu'à
cette époque, l'organisation pour l'harmonisation en Afrique du droit
des affaires est créée avec pour ambitionner ultime d'unifier
les législations de l'ensemble des matières du droit des affaires
ou droit économique, sur toute l'étendue des territoires
africains. L'Union économique et monétaire des Etats de l'Afrique
de l'Ouest, quant à elle est née pour harmoniser les
règles et procédures financières et comptables, mais aussi
assurer la convergence des politiques et performances économiques des
Etats de la zone Franc, grâce à une nouvelle discipline juridique
en vigueur dans toute l'Union. S'il en est ainsi, il faut dire que si dans
l'UEMOA l'intégration juridique a été la
conséquence de l'existence d'une Union économique et
monétaire commune, autrement dit la condition sine qua non, et
irréversible de la volonté d'intégration économique
des Etats parties au Traité de l'Union. L'OHADA quant à elle
s'est voulue à priori, un modèle absolu d'intégration
juridique parfaite. En effet les pays de la zone Franc ont institué
l'Union économique et monétaire en Afrique de l'Ouest pour la
création d'un marché commun, avec un territoire douanier unique,
devant permettre la libre circulation des personnes, des biens,des services,
des capitaux, de même que le libre établissement des personnes. Et
c'est cette union qui par voie de conséquence, a suggéré
la mise en commun des législations des Etats membres dans ces
différents domaines. De l'autre coté avec l'évolution des
règles du jeu de la mondialisation, l'apparution permanente des
nouvelles relations économiques, et des nouvelles techniques de gestion
et de fonctionnement des entreprises. Il est apparu plus que nécessaire
pour les promoteurs de l'OHADA, d'édicter un droit également
moderne, et adapté aux nouvelles configurations de l'économie, et
susceptible de protéger les nouveaux intérêts, ou de mieux
protéger les intérêts déjà existants. Ainsi
considérée, l'intégration juridique dans ces deux
organisations internationales ouest africaine, s'est donnée pour office
ultime, la réussite de l'intégration économique africaine,
l'amélioration du climat des investissements, et au-delà elle
doit favoriser l'institution d'une communauté économique
africaine, en vue d'accomplir des progrès nouveaux sur la voie de
l'Unité Africaine. A l'heure actuelle, les résultats
enregistrés sont à bien des égards satisfaisants. L'UEMOA
considérée séparément, a réussi
l'unification des marchés intérieurs, les biens circulent
librement en toute franchise de droit de douane à l'intérieur de
l'Union, grâce à une législation unique régissant
les échanges intra régionaux. De surcroît l'existence du
tarif extérieur commun (TEC), permet à l'UEMOA de mener une
politique commerciale commune, favorisant des retombées
économiques positives, dans ses relations avec l'extérieur. La
nouvelle discipline juridique communautaire a permis l'élaboration de
politiques sectorielles communes, qui sont prioritairement mises en oeuvre
aujourd'hui dans les domaines de l'énergie et de l'agriculture. Au
chapitre des mesures d'accompagnement, et pour pallier aux nombreuses
contraintes que peut causer pour les Etats, l'existence de la nouvelle
réglementation unique. Par exemple en matière fiscal, un
système transitoire de compensation est institué pour compenser
les moins values fiscales que peuvent accuser les Etats en appliquant la
législation relative au schéma de libéralisation des
échanges. C'est ainsi que des sommes importantes collectées par
l'Union, sont ensuite réparties aux Etats. Des routes régionales
sont initiées pour faciliter les échanges intra régionaux.
Car si l'intégration juridique est une manière de mettre la
règle de droit au service des ambitions économiques de la zone
ouest africaine, aucune intégration des marchés ne pourra se
réussir sans les transports. Il faut aussi signaler qu'un code des
transports aériens a été adopté au sein de l'Union
tout récemment en fin 2006. Au chapitre de la nouvelle
réglementation bancaire une carte bancaire UEMOA, qui sera
dénommée carte (GIM : groupement interbancaire et
monétaire), a déjà reçu l'adhésion de 64
banques de la zone sur les 88. Cette carte qui va accentuer
l'homogénéité des opérations en cette
matière devrait donc bientôt voir jour. S'agissant de l'OHADA, le
nouveau droit des affaires, symbolisé par les différents Actes
Uniformes, donne aujourd'hui une orientation juridique très pratique,
qui de manière efficace aura permis plus de dix ans après, de
bouster l'économie des différents Etats parties, après en
avoir assaini le cadre règlementaire. Sous ce rapport l'analyse
d'ensemble de la dynamique d'intégration juridique dans l'UEMOA et dans
l'OHADA, permet sans ambages de dire que l'Afrique de l'Ouest a même
réussi une prouesse en matière juridique. Car dans de nombreux
domaines, tel que la fiscalité, le niveau de réalisation
dépasse très largement celui des autres régions d'Afrique,
et même l'Union Européenne qui pourtant constitue sa
référence en la matière. Cependant la coexistence de
l'OHADA et de l'UEMOA, regroupant les mêmes Etats, et de surcroît
investies des mêmes missions, ne manque pas de créer un certain
nombre de situations problèmes. En effet il y a un éclatement,
une dispersion des pôles de production du droit des affaires. Tout
d'abord cela créé aujourd'hui des conflits de normes entre les
deux organisations internationales africaines, mais plus grave encore avec les
autres ordres juridiques internationaux les conflits sont inévitables.
Virtuellement des risques de conflits peuvent apparaître entre l'OHADA et
des organisations telles que la CEA, ou la CEDEAO, qui se sont
assignées des domaines de compétence très larges. La CEA
qui a une vocation continentale tout comme l'OHADA s'est fixée parmi ses
objectifs : la promotion économique, culturelle, et sociale
africaine, ainsi que l'établissement d'un marché commun africain.
En résumé on peut dire qu'elle a une compétence
générale en matière économique et sociale.
Même si dans le Traité on n'y parle pas d'uniformisation mais
d'une simple coopération entre les Etats. Celle-ci pourra prendre sous
les exigences de la pratique une forme normative. S'agissant de la CEDEAO,
même si l'article 2 du Traité version 1993, prévoit que les
hautes parties contractantes s'engagent pour en faire à terme la seule
communauté économique africaine, l'appartenance de celles-ci
à l'OHADA qui a une vocation continentale, nous fait craindre des
risques de conflits de normes. En fin de compte la dispersion de la production
normative, du fait de l'existence multiple des organisations
d'intégration, aura pour conséquence néfaste de saper
l'homogénéité et la cohérence des
différentes branches du droit, alors que de telles règles
doivent être simples, afin de servir l'efficacité
économique, et le développement des Etats africains. Pour que
l'intégration juridique puisse offrir tous les résultats attendus
d'elle, il faut dès l'abord penser aux moyens de son
parachèvement. Ce qui ne pourra se faire que par l'existence d'une seule
et unique organisation internationale, dans chaque zone économique
d'Afrique, ou comme autre alternative, on pourrait penser à instituer
des règles de primauté entre les normes communautaires des
différentes organisations régionales africaines, ou encore poser
des règles de spécialisation, faisant que chaque organisation
sera exclusivement chargée de réglementer une branche bien
définie du droit économique. Une telle solution sera très
bénéfique, car un droit des affaires produit par une seule
instance supranationale gagnerait en cohérence, et en visibilité,
et cela lui donnera beaucoup plus d'efficacité pour la
réalisation d'ensemble des objectifs d'intégration
économique de toute l'Afrique. Mais en marge de ces obstacles
techniques, il faut aussi dire que l'intégration juridique ne pourra
réussir que si et seulement si les normes qui sont
édictées font l'objet d'une application efficiente par les Etats
qui s'engagent. Aujourd'hui les Etats ont certes valorisé leur
engagements communautaires, par des procédés plus
élaborés de prise de décisions, ou de garantie
d'exécution, mais les gouvernants africains qui représentent
leurs Etats au sein des structures communautaires, et qui volontairement
s'assignent des obligations au nom de ceux-ci, doivent en tout état de
cause taire leurs contingences politiques internes ou internationales, afin de
faire primer la rationalité juridique. En somme ont doit militer pour
le triomphe d'une règle de droit forte et stable dans l'UEMOA et dans
l'OHADA, notamment dans toutes les autres organisations internationales
africaines, et cela ne sera possible que si l'Afrique parvient d'abord à
synchroniser ses droits économiques, autrement dit on doit aujourd'hui
penser à l'harmonisation des différents systèmes
d'intégration juridique en Afrique.
.
* 1 Cheikh A Diop :
Fondements économiques et culturels d'un Etat fédéral
d'Afrique noire, Pres afric 1974 P17
* 2 Gérard. Cornu Rev
Juridiques Puf Paris 2002 P 478
* 3 Le Règlement de
procédure de la CCJA : le 18 avril 1996. Le Règlement
d'arbitrage de la CCJA,
Le Règlement financier des institutions de l'OHADA. Les
Règlements relatifs au statut des fonctionnaires et au régime
applicable au personnel de l'OHADA
* 4 Un juge pour chacun des 8
Etats que compte l'UEMOA
* 5 « Je jure
solennellement d'exercer mes fonctions de membre de la Cour de Justice de
l'UEMOA en toute indépendance et impartialité de façon
digne et loyale et de garder le secret des délibérations
»
* 6 CCJA. Arrêt
n°013/2002, 18Avril 2002
* 7 Kéba Mbaye, les
éditions juridiques africaines « EDJA », n°57
janvier 1994, p.9
* 8 Voir Directive
n°2/98/CM/UEMOA du 22désembre 1998
* 9 La dernière
décision de l'UEMOA : décision n°14/2006/ CM/UEMOA
* 10 01/2006/CM/UEMOA
* 11 J Y SAyegh. , op.
cit. , p9
* 12 CE 22 décembre
1978, syndicat des hautes graves de bordeaux ; décisions 89 et 77-
90 du 30 décembre 1977 du conseil constitutionnel
* 13Jurisprudence OHADA
02 /02/ P24
* 14 Arrêt du 24 mai
1975, société des cafés J. Vabre
* 15 Arrêt du
1er mars 1968 « syndicat général des
fabricants de semoules de France.
Arrêt d'assemblée du 22octobre 1979
« Union démocratique du travail
* 16 Arrêt
d'assemblée du 20 octobre 1989 « Nicolo »
* 17 Arrêt du 24
février 1990 « boisdet » pour les règlements,
Arrêt S A Rothmans International France et Philip Morris,
pour les directives
* 18 CJCE, 5 / 02/ 1963,
Van Gen en Loos 26/ 62, Rec., 1963, concl Roemer et G.A I..29 P . 1.
* 19 Règlement relatif
aux procédures applicables aux ententes et abus de position dominante
à l'intérieur de l'UEMOA
* 20 Article 2et 4.1 du
règlement
* 21 Article 31 du
règlement n° 3/CM2002 /UEMOA
* 22 Les sociétés
se sont retrouvées dans un cadre de concertation dénommée
Fédération sénégalaise des sociétés
d'assurance (FSSA). Cette fédération coordonne les
activités de ces sociétés en matière tarifaire, ces
sociétés font recours à des courtiers qui sont plus en
rapport direct avec la clientèle. Cette intermédiation sera
à l'origine du problème majeur que vivent les compagnies
d'assurance, celui des primes impayées. En l'espèce les faits se
sont déroulés comme suit : La centrale Insurance broker
Agency (CIBA), cabinet spécialisé dans le courtage en assurance
réalisait près de 80% de son chiffre d'affaire dans les
activités de médiation pour le compte des AGS et de la Sosar el
Amane .
A la suite de deux contentieux non vidées entre la CIBA et
les sociétés d'assurance dans le versement des primes, la FSSA
(instance nationale à la quelle appartenait les AGS et la Sosar el
Amane.) décide à l'issue d'une réunion de recommander
à tous ses membres de rompre toutes relations d'affaires avec la CIBA
à compter du 1er Janvier 1998. Cette décision est
matérialisée par la lettre n° MRG/ MT/120 du 22
décembre 1997, signée par 9 des 10 représentants des
compagnies présentes à la réunion.
En exécution de cette décision divers
communiquées de presse sont publiés dans les journaux de la place
(Walfadjri, Soleil, Sud quotidien) par les AGS pour informer le
public de la suspension des liens contractuels
* 23 Avis n° 001/2001/EP
du 30 avril 2001 www. Juriscope. Org, rubrique OHADA
* 24 Décision du Conseil
des ministres de l'UEMOA lors d'une réunion tenue le 25 décembre
1998
* 25 Décision
n°01/09/2002 du 19 septembre 2002 : L'article 1 énonce
l'engagement des Etats à ne plus recourir aux dispositions de l'article
14 des statuts de la banque centrale. L'article 2 prévoit
l'entrée en vigueur de la mesure à partir du 1er
janvier 2003
* 26 Annexe n°1 de l'Acte
additionnel, in bid P. 21à 23
* 27 Article 7 de l'Acte
additionnel n°4/96
* 28 Acte additionnel
n°1/97 du 23 juin 1997
* 29 Acte additionnel
n°4/98 du 30 décembre 1998
* 30 Décision du n°
1/98/CM/ UEMOA, in Bulletin officiel de l'UEMOA n° 9, p5
* 31 Directive n° 2/ 98/
CM/UEMOA du 22 décembre 1998 portant harmonisation des
législations des Etats membres en matière de taxe sur la valeur
ajoutée.
* 32 Loi n°99- 012 du
1er avril 1999 portant modification du code général
des impôts, Impôts indirects, journal officiel de la
république du Mali numéro spécial, avril 1999, article
517, p LXVIII.
* 33 Directive n° 3/
98/CM/ UEMOA du conseil des ministres, à Dakar portant harmonisation des
législations des Etats membres en matière de droits d'accises.
* 34 Voir article 55 et 56 de
la directive n° 3/ 98/CM
* 35 Voir Directive n° 6/
2001/ CM/ UEMOA du 26 novembre 2001 portant harmonisation de la taxation des
produits pétroliers au sein de l'UEMOA.
* 36 Voire Instruction n°
01 2003 SP du 08 mai 2003
* 37 Voire article 42 du
traité de l'OHADA
* 38 Voire article 105 du
traité de l'UEMOA de 1994
* 39 Voire article 22
* 40 Voire article 26 du
règlement de procédure de la cour de la cour de justice.
* 41 Voire article 27 du
règlement de procédure de la CCJA
* 42 Voire article 28 du
règlement de procédure de la CCJA
* 43 La jurisprudence de la
cour de justice l'UEMOA s'est prononcée à deux reprises sur le
vice de forme dans des décisions rendues le même jour. Le 29 mai
1998 Sakho Abdurahmane c/ commission de l'UEMOA ;
Dieng Ababacar c/ commission de l'UEMOA.
Dans ces affaires le juge a annulé les décisions de
la commission pour non respect de certaines formalités préalables
à la prise de décision de sanctions. Dans la seconde affaire elle
a estimé que la procédure constitue une formalité
substantielle
* 44 Arrêt n°
01/2006 du 05 avril 2006
* 45 Voire Article 5 du
Traité de l'OHADA
* 46 Voire article 148 -2 et
149 -3 AUS et articles 166 et 167 AUPC
* 47 Le renvoi fait par
l'article 241 de l'Acte uniforme portant organisation des procédures
collectives incrimine certains agissements imputables aux proches du
débiteur et l'article 244 incrimine ceux qui sont imputables aux
créanciers. Ces dispositions prévoient pour la répression
l'application des peines prévues par le droit pénal national pour
les infractions commises au préjudice d'un incapable. Alors que dans la
législation de chaque Etat il peut y avoir plusieurs infractions portant
atteinte aux intérêts d'un incapable : L'abus des biens d'un
mineur ;l'exposition ou le délaissement d'enfants ou d'incapables.
* 48 Voire l'article 6 du
Traité de l'UEMOA, et l'article 10 du Traité de l'OHADA
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