La détermination et l'interdépendance
dans la relation mécanismes de gouvernance performance dans un contexte
à risque
Slah Hallara
Tiba Saloua
Résumé
Les études menées sur la relation gouvernance
performance se sont focalisées sur un ou plusieurs des mécanismes
de contrôle sans pour autant qu'elles ne soient exhaustives(omission de
variables pertinentes) ni suffisantes (ignorance du problème
d'endogeneité entre les variables), ce qui donnent des résultats
biaisés et difficiles à interpréter. Tenant compte des
interdépendances potentielles entre les variables et considérant
l'impact potentiel de la performance sur le choix de ces variables, on
conçoit un modèle à équations simultanées.
Les résultats montrent une plus grande significativité des
variables comparées aux études antérieures. de plus, les
firmes les plus performantes choisissent d'avoir des niveaux
élevés de la propriété des majoritaires et celle
des institutions.
Mots clés : mécanismes de gouvernance,
interdépendance, endogeneité, performance.
Abstract
Empirical work on relation between governance and performance
were focalized on one or many control's mechanism. they weren't
exhaustive(omission of determinant variable) nor sufficient( endogeneity
problem). Results were biased and difficult to interpret.
We control for endogeneity of control mechanisms and consider a
potential effect of performance on these mechanisms by developing a system of
simultaneous equations. Our results shows an increase of coefficient's
significativity and that firms with the highest value choose to have a high
degree of the proportion of majorities shareholders and institutional
shareholders.
Keywords: governance mechanism, interdependence, endogeneity,
performance.
I. Introduction
Un système de gouvernance recouvre l'ensemble des
mécanismes qui gouverne la conduite des dirigeants et délimite
leur latitude discrétionnaire (Charreaux, 1997). L'importance des
défaillances des entreprises qui sont survenues ces dernières
années sur le plan international, notamment lorsqu'il s'agit
d'organismes de taille, ainsi que les différences de performance qui
existent, conduisent inévitablement à s'interroger sur
l'efficacité des systèmes de gouvernance des entreprises et sur
la cohérence des mesures de la valeur. Le débat ouvert par Berle
et Means (1932) est le fondement de ces différences. Les dirigeants sont
les représentants des actionnaires. Comme leurs intérêts
divergent de ceux des actionnaires, il est nécessaire qu'ils soient
soumis à un système de contrôle afin de gérer
conformément à l'intérêt de ces derniers. Si les
systèmes de contrôle fonctionnent efficacement, l'entreprise sera
performante et inversement.
D'un point de vue théorique, il y a de bonnes raisons
de croire qu'adopter de bonnes pratiques de gouvernance augmente la valeur de
la firme. En effet, les problèmes d'agence peuvent affecter la valeur de
la firme à travers deux possibilités. D'une part, les
problèmes d'agence rendent les investisseurs pessimistes quant à
leurs cash flow prévus. Suivant cette idée, Laporta F.
Lopez-de-Silanes, A. Shleifer, and R.Vishny (2002) prédisent que les
investisseurs augmentent les prix des actions, car avec une meilleure
protection légale (un des mécanismes de gouvernance), la plupart
des profits de la firme vont leur revenir sous forme d'intérêts ou
de dividende au lieu d'être exproprié par le gestionnaire. D'autre
part, une bonne gouvernance d'entreprise réduit le coût du
capital. Par exemple, le taux de rendement est réduit à travers
la réduction des coûts de contrôle et d'audit des
actionnaires.
Dans la littérature, plusieurs recherches ont
considéré ce thème de gouvernance - performance sur
différents angles, sans qu'aucune ne soit exhaustive. Bathala, Moon et
Rao (1994) considèrent la relation d'inter dépendance entre la
propriété managériale, la dette et la
propriété institutionnelle. Ils étudient d'impact de ces
interférences sur les problèmes d'agence et sur la valeur de la
firme. Les résultats montrent l'effet primordial des institutions, en
relation avec les deux autres variables sur l'affaiblissement des coûts
d'agence.
Chen et Steiner (1999) examinent les inter actions entre la
propriété managériale, la dette, le dividende et le
risque. Ils concluent que la propriété managériale aide
à résoudre les conflits entre actionnaires externes et dirigeants
mais ceci en accentuant les problèmes entre les actionnaires et les
créanciers. De plus, ils mettent en évidence l'effet de
substitution entre la propriété managériale et la dette,
entre la propriété managériale et le dividende et entre la
propriété managériale et la propriété
institutionnelle.
Jensen, Solberg et Zorn (1992) étudient dans un
système à équations simultanées les relations
propriété managériale, dette et dividende. Ils examinent
les déterminants de chaque variable.
Beiner, Drobetz, Schmid et Zimmermann (2004) adresse la
question si une bonne gouvernance a un impact positif sur la valeur de la
firme. Ils construisent un indice de gouvernance pour des firmes swisses. Ils
trouvent une relation positive entre un niveau élevée de
gouvernance et Q de Tobin.
Agrawal et Knoeber (1996), à travers un système
à équations simultanées, examinent l'utilisation de sept
mécanismes de contrôle des problèmes d'agence et leurs
impacts sur la valeur. Ces mécanismes sont : la
propriété des managers, la propriété des
institutions, la propriété des actionnaires majoritaires, le
nombre de directeurs externes dans le conseil d'administration, la tenure du
dirigeant, le levier financier et le marché de contrôle. En
régressant Q en fonction de chaque mécanisme par MCO, il
paraît que les variables propriété des internes, le nombre
d'administrateurs externes, la dette et le marché sont significatives.
L'effet significatif de la propriété managériale
disparaît en considérant tous les mécanismes ensemble. De
plus disparaissent les effets de la dette et du marché sur la
performance si en considère l'endogeneité entre les variables.
Notre étude a été portée sur un
échantillon de 72 firmes américaines de Fortune 1000 sur 5
années (1999 - 2003). En régressant Q de Tobin en fonction d'un
seul des mécanismes de contrôle par MCO, seuls la
propriété des majoritaires et le risque semblent affecter
significativement la valeur. En considérant tous les mécanismes
ensemble, s'ajoute à la significativité des variables l'effet de
la dette sur la valeur. Ces coefficients sont biaisés et non efficients
car la méthode MCO ignore l'endogeneité entre les variables. Par
ailleurs, la régression de chaque mécanisme par MCO en fonction
des autres variables a montré les déterminants de chaque choix en
matière de gouvernance, mais a permis aussi de mettre en évidence
l'endogéneité. En considérant cette endogeneité, on
estime ainsi un système à huit équations
simultanées par la méthode de 3SLS. La propriété
des majoritaires perd sa significativité pour en laisser la place aux
variables propriété des managers, propriété des
institutions, la dette, le dividende et le risque. De plus, il paraît que
les firmes les plus performantes (celles possédant des Q
élevés) préfèrent avoir des
propriétés élevés de la propriété des
majoritaires et celle des institutions.
Dans la section suivante, on présente les
interdépendances entre les mécanismes de gouvernance et la
valeur. La section 3 explique les variables déterminantes dans le choix
de chaque mécanisme. Les résultats sont discutés en
section 4.
?L'interdépendance mécanismes de
contrôle valeur
Concernant la propriété
managériale,à l'heure actuelle, il existe trois courants majeurs
prédominants sur la relation structure de propriété et
performance. Celui de la convergence des intérêts (Berle et Means,
1932 ; Jensen et Meckling,1976, celui de la neutralité (Demsetz,
1983, Charreaux, 1997) et l'enracinement (Shleifer et Vishny, 1989).
Concernant la taille du conseil, pour les théoriciens
de l'agence, la taille élevée du conseil favorise la domination
du dirigeant en faisant naître des coalitions et des conflits de groupe
(Jensen, 1993). Il en résulte des conseils fragmentés ayant du
mal à fonctionner efficacement et éprouvant des
difficultés à trouver un consensus sur les décisions
importantes.
D'autres résultats sont pour une relation
négative et significative entre la valeur de la firme et la taille du
conseil. Yermack (1996) met en évidence que la
rémunération et la menace de révocation des dirigeants
sont élevées dans les entreprises qui disposent de conseils
composés d'un nombre réduit d'administrateurs.
Godard (1999) ne valide pas l'hypothèse d'influence
quelconque de la taille du conseil sur la performance des entreprises
françaises, mesurée à l'aide de données
boursières. Par ailleurs, la prise en compte de la composition du
conseil ne modère pas la relation entre la taille et la performance de
l'entreprise.
Voyant l'endettement, Stulz (1990), Jensen (1986, 1993)
suggèrent que la dette décourage les dirigeants à
surinvestir les liquidités en excès pour leur propre
intérêt. La dette peut créer de la valeur en signalant la
future distribution des cash flow et la possibilité d'être
contrôler par les prêteurs. Empiriquement, McConnel et Servaes
(1990) trouvent que la dette comptable est positivement corrélée
à la valeur de la firme si les opportunités d'investissement sont
rares.
Contrairement, Agrawal et Knoeber (1996) et Beiner, Drobetz,
Schmid et Zimmerman (2003) ne trouve pas de relation significative entre le
levier et la performance de la firme mesurée par Q de Tobin. Ils
justifient ce résultat par une utilisation optimale du niveau
d'endettement avec d'autres mécanismes de contrôle.
Cependant l'influence de l'endettement sur la performance est
conditionnée par une série de facteurs tels que la structure de
propriété (Charreaux, 1997), la capacité et la
réputation du dirigeant (Pigé, 1997) ou encore le secteur
d'activité (Titman et Opler, 1994).
Selon Altman(1968, 1984), les entreprises les plus
endettées connaissent les plus faibles performances, cette
dégradation agit en retour sur le niveau d'endettement. Le déclin
des performances conduit à un accroissement de l'endettement.
Easterbook(1984) explique la politique du dividende dans le
contexte de la théorie de l'agence. Il montre que pour une politique
d'investissement donnée, la distribution des dividendes invite les
dirigeants à chercher les fonds nécessaires pour conserver la
même politique d'investissement. Les emprunts supplémentaires
nécessitent la mise en oeuvre d'une procédure d'audit et de
révision dans la société .
Modigliani et Miller (1961) ont montré par
différentes méthodes que les dividendes n'ont aucun impact sur la
valeur de la firme. La valeur courante d'une entreprise doit être
indépendante de la décision de distribution des dividendes. En
étudiant le contenu informatif du dividende, ces auteurs constatent que
la politique de dividende peut affecter la valeur de la société.
Ce résultat est particulièrement vrai lorsque le dividende porte
sur une information nouvelle « inconnue » par le
marché.
Pour le risque et sa relation avec la valeur, dans la
théorie financière, le risque apparaît le point de jonction
de toutes les variables. En effet, toutes les décisions
stratégiques d'une entreprise ne sont prises qu'en fonction du risque
encouru. Ainsi, pour rendre l'analyse plus réaliste, on introduira le
risque pour pouvoir juger des décisions financières à
prendre et de leurs effets sur la performance. Shin et Stulz (2000) utilisent
trois mesures du risque. Ils trouvent une relation positive et fortement
significative entre le risque systématique et Q. une relation
négative et significative est observée entre le risque non
systématique et la valeur Q de la firme. Le résultat concernant
le risque systématique confirme le résultat de Fama et French
(1993) ; les firmes les plus croissantes ont les Bêta les plus
élevés. Par ailleurs, les auteurs trouvent une relation
négative entre le changement du risque total et le changement de Q alors
qu'elle est fortement positive entre le changement du risque
systématique et celui de Q.
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