MINISTÈRE DE L'EDUCATION NATIONALE
République du Mali
UNIVERSITÉ DE BAMAKO
Un Peuple-Un But-Une Foi
FACULTÉ DES LETTRES, LANGUES, ARTS, ET SCIENCES
HUMAINES (FLASH)
DER
Histoire-Archéologie
MEMOIRE DE MAITRISE
Thème :
CONTRIBUTION À L'HISTOIRE ÉCONOMIQUE
DU SOUDAN FRANÇAIS :
LE COMMERCE COLONIAL :
1870-1960
Présenté et Soutenu
par : Djibril Issa Niaré
Directeur de Mémoire : Mr
Mamadou Sow Date de Soutenance : /19 / 04/
2007/
Membres du Jury :
Mr : Dr Idrissa
MAIGA
Mr : Dr El Mouloud
YATTARA
Promotion 1999 - 2004
INTRODUCTION
Cette étude fait une description du commerce
colonial : ses causes, ses acteurs (avec leurs rôles), son mode de
fonctionnement, les produits commercialisés et son impact (historique,
économique, démographique ou social)
Nous devons comprendre que l'histoire est un processus
continu. Ainsi le commerce colonial découle d'une évolution,
c'est-à-dire que d'autres événements l'ont
engendré. Le phénomène qui l'engendra directement est la
traite négrière, car de la cessation de celle-ci, il naquit. La
traite négrière est la première forme de commerce
régulière qui exista entre l'Europe et l'Afrique après
l'invention des outils permettant d'entreprendre des voyages à longue
distance.
Après l'interdiction de la traite
négrière, ses différents acteurs se convertissent dans une
nouvelle forme de commerce, la nature ayant horreur du vide.
La conquête coloniale, la colonisation et la
réorganisation des colonies ont été décisives pour
le commerce colonial. Cette réorganisation touche beaucoup de domaines,
d'abord le contrôle militaire de la zone puis le cadre administratif, le
cadre fiscal, le cadre législatif, le cadre organisationnel. Elle
devrait faciliter également la réalisation des infrastructures
permettant la fluidité du commerce français florissant. Le
commerce colonial, après ces différents phénomènes
qui l'ont introduit, ne pouvait que retrouver un terrain favorable à son
plein épanouissement. Ce commerce s'effectuait par un mécanisme
bien agencé. Un réseau était ainsi organisé. Il
comprenait les maisons de commerce et leurs ramifications et les acteurs
animant le réseau. Les maisons de commerce sont des compagnies
généralement européennes, qui pratiquent leur
activité dans l'espace ainsi organisé à leur gré
par la métropole. Il existait des grandes et des petites maisons de
commerce, en fonction de leur statut juridique ou fiscal et en fonction de la
capacité de brassage d'affaire. Ces maisons disposaient des
ramifications. Les ramifications allaient des comptoirs (principales
représentations de la maison de commerce), aux colporteurs (derniers
distributeurs du produit), passant par les succursales, les factoreries et les
points de vente tertiaires (les étalagistes).
Quant aux acteurs animant les maisons de commerce, ce sont les
personnes qui y travaillent. On peut les diviser en trois principaux groupes,
à savoir : les Européens, les Syro-Libanais ou
Libano-Syriens ou encore les Lévantins, et les indigènes. Les
Européens sont ceux qui tiennent les comptoirs de la maison. Ils sont
soit issus de la famille d'un actionnaire important du groupe ou issus du
cercle restreint des proches de ceux-ci. Ils entretenaient d'étroites
relations avec les gouverneurs qui les soumettaient à une surveillance
secrète et une fiche de renseignement qui permettait de donner d'amples
informations sur eux. Ils étaient tous fichés. Les Syro-Libanais
ou Libano-Syriens ou Lévantins sont des migrants venus des territoires
français de l'Orient (d'ou leur nom de Lévantins), il s'agit du
Liban et de la Syrie. Ils sont majoritairement chrétiens. Ils ont servi
au début comme intermédiaires dans les maisons de commerce
européennes. Avec la pratique de cette activité, ils parviendront
à créer des maisons pour eux-mêmes avec les capitaux ainsi
générés. Ces sociétés que les Syro-Libanais
ont créées par la suite n'ont pas la même taille que les
européennes. Leur profusion fut surtout favorisée par le
départ de certains Européens pour des raisons de crise (crise
économique de 1929, Première et Deuxième Guerre Mondiale).
Ils livrèrent une concurrence rude aux Européens. Le groupe des
indigènes est constitué par des Soudanais (Soudan
Français) et des Wolofs. On les appelle les `'Dyula''. Ceux ci sont des
courtiers, les colporteurs, de véritables navettes des maisons de
commerce. Quelques rares d'entre eux créeront des maisons de commerce
pour leur propre compte, avec les capitaux qu'ils ont constitués. Cette
situation survint à la veille des indépendances et après
les indépendances, car des maisons de commerce y rentreront en
Europe.
Le commerce colonial consistait en deux principales
opérations : l'importation et l'exportation. L'importation
consistait à introduire au Soudan Français des produits issus de
la France (métropôle coloniale), des colonies voisines
(françaises et anglaises) et d'autres pays (pays européens et
latino-américains). Ces produits étaient
généralement industriels. Parmi ceux-ci, nous citerons les
alimentaires, les textiles, les verreries, les matériaux de
construction, etc. L'importation introduit des produits jadis méconnus
en Afrique. L'exportation concernait des produits dont l'exploitation avait
un caractère de traite. Les différents produits indigènes
destinés à l'exportation observent un cycle périodique
dans l'année. Toute la machine d'intermédiaires intervenait
pendant ces périodes. Ces produits sont essentiellement issus de
l'agriculture, de l'élevage, de la cueillette, de la chasse, du
ramassage et des mines. Les unités de transformations étaient
quasi absentes. Les ramifications des maisons de commerce se chargeaient de la
vente des produits importés et l'achat des produits destinés
à l'exportation. A ces niveaux du réseau commercial, les
intermédiaires (`'Dyula'' et Syro-Libanais) étaient très
importants et incontournables.
Le commerce colonial se pratiquait sur des voies de
communication qui connaissent une grande diversité. Ces voies allaient
des chemins de fer aux voies routières passant par les voies fluviales.
Le chemin de fer était la première voie de communication du
point de vue du volume de marchandises transportées de la côte au
Soudan Français. Le principal chemin de fer était le Dakar-Niger
achévé en 1924. Il relie la côte à
l'intérieur du Soudan Français. La voie fluviale est la seconde
voie de communication après le chemin de fer selon le même
critère. Il existe ici deux principaux cours d'eau qui se prêtent
à la navigation. Il s'agit du fleuve Sénégal et du fleuve
Niger. Le fleuve Sénégal fut la porte d'entrée principale
des Français dans le Soudan Français. Il est navigable de
Saint-Louis à Kayes. Des bateaux à vapeur sont
déjà fréquents sur le Sénégal au
début du XXème siècle. Le Niger offre une
possibilité de navigabilité en deux directions, à savoir
le Nord (Koulikoro- Tombouctou) et le Sud (Bamako-Kouroussa). Il connait
la fréquence des pirogues aménagées avec les
progrès de la mécanique en pinasses. Les voies routières
constituent la continuité des voies ayant servi le commerce des grands
empires du Soudan Occidental (Wagadu-Ghana, Mali et Songhay). Elles
connaissent la fréquence des piétons, des camions et d'autres
moyens de locomotion tractés par les animaux.
Les régions s'échangeaient des produits :
de Saint Louis et Dakar (les points de départ du commerce colonial),
à Tombouctou (son aboutissement). Certaines régions
étaient défavorisées par rapport à d'autres dans
cet échange. Ainsi le Sud recevait l'essentiel de ses produits des
colonies voisines, qu'elles soient françaises ou anglaises. Les produits
européens comme les produits africains arrivaient dans toutes les
régions qui y participaient. Des centres jadis importants sur le plan
commercial perdirent leur éclat avec le basculement des directions du
commercial, tel fut le cas de Tombouctou. La monnaie utilisée
était celle de la métropôle (la France). Cette monnaie
s'impose après l'élimination des autres monnaies et des autres
formes d'échange, respectivement, les cauris et les pièces
venues des comptoirs autrefois négriers ainsi que le troc.
Le commerce colonial causa des conséquences sur le
plan socio-économique, historique, politique et démographique.
Ses déplacements de populations au gré des zones de production
des cultures destinées à l'exportation, causèrent des
problèmes sociaux avec l'intégration de celles-ci en certains
endroits. Les infrastructures réalisées furent un acquis, mais
leur réalisation fit une hécatombe. Les travaux de
réalisation de ces infrastructures revêtaient un aspect de force.
L'exportation massive des produits pendant les Guerres Mondiales, provoqua
des famines. A la suite des catastrophes engendrées par ces famines
des efforts sanitaires sont déployés par des consciences
humanistes. La dépendance de l'Afrique vis à vis de l'Occident
est accentuée. Les cultures ainsi exportées suscitèrent
des intérêts qui ont permit aux pays du Soudan Occidental de les
mettre au centre des préoccupations. Elles occupent de nos jours une
place de choix dans l'économie de ces pays. L'arriération de
l'Afrique est aggravée également.
Sous un angle critique, nous constatons que le commerce
colonial a mis en place des mécanismes qui devraient défavoriser
l'Afrique dans le concert des nations. Ces mécanismes permirent
aujourd'hui de maintenir la dépendance de l'Afrique à l'Occident
ou la continuité de la colonisation : c'est le
néo-colonialisme.
PREMIERE PARTIE :
ORIGINES ET FACTEURS DECISIFS DU COMMERCE COLONIAL
CHAPITRE I :
LA TRAITE NEGRIERE, ORIGINE DU COMMERCE
COLONIAL
L'esclavage est l'une des plus vieilles pratiques de
l'humanité. Il a des origines dans l'Antiquité. Il est
pratiqué dans toutes les parties de la terre peuplées par
l'espèce humaine. Il s'effectue sur plusieurs échelles : au
sein d'un royaume, au sein d'un empire, au sein d'une sous-région, au
sein d'un continent et au sein d'un espace intercontinental. L'Afrique ne fait
pas exception. Elle connut une forme très importante avec une
particularité tant historique, économique, sociale que politique
sinon géopolitique.
Il est convenu d'appeler cette forme Traite
Négrière. La traite négrière
était pratiquée en direction de plusieurs grands axes,
créant ainsi deux cas : la traite orientale
et la traite atlantique.
La traite orientale était pratiquée en grande
partie dans l'Océan Indien, la Mer Rouge et la
Méditerranée. Elle consistait à amener d'Afrique les
esclaves noirs pour le Proche-Orient et les pays occidentaux bordant la
Méditerranée.
Quant à la traite atlantique, qui retient surtout notre
attention, elle était pratiquée dans l'Océan Atlantique.
Elle débuta à partir du XVème siècle et prit fin
dans la seconde moitié du XIXème siècle. La traite
atlantique consistait à acheter des esclaves noirs africains en
Afrique, pour les vendre sur le continent américain principalement et
l'Europe d'une manière relativement faible. L'itinéraire de ces
négriers (marchands d'esclaves noirs) avait trois grands
pôles : l'Europe, l'Afrique et l'Amérique. D'Europe, ils
s'approvisionnaient essentiellement en produits manufacturés
européens (verreries, textiles, alcools, friandises, etc.) qui
étaient vendus et échangés contre captifs. Ces derniers
(les esclaves) étaient vendus en Amérique et aux Antilles pour
répondre à la demande en main-d'oeuvre principalement dans les
plantations de canne à sucre, de coton et de café.
D'Amérique, les marchands s'approvisionnaient en grande partie en
épices et des matières premières pour l'industrie textile.
Ces produits étaient vendus en Europe.
La traite négrière plongea l'Afrique dans une
situation sans précédent, créant ainsi la méfiance
entre les différentes entités politico-ethniques, favorisant un
désordre conjugué à une instabilité et une
insécurité qui s'intensifia progressivement de manière
croissante. Elle fut causée principalement par l'esprit d'aventure des
Européens, la recherche par ceux-ci des bras valides pouvant satisfaire
les besoins en main d'oeuvre du nouveau monde dont la puissance réside
dans l'agriculture et la recherche pour l'Europe d'une population active
servile assumant les tâches domestiques.
La traite permit au monde occidental de se développer
tout en amorçant une croissance économique qui suit le processus
irréversible de la mondialisation. L'Europe acquit par la suite une
hégémonie économique, politique et culturelle.
L'Amérique bénéficia d'une population très active
bâtissant de véritables infrastructures économiques
permettant de préparer une longue et solide puissance
économique.
Quant à l'Afrique, qui fournit les esclaves, elle fut
dépouillée d'une de ses principales richesses que constituent
les bras valides et les femmes en âge de procréer. Comme
conséquences psychologiques, la traite amorce chez l'Africain un
sentiment de surestimation de l'homme blanc. Les différentes
entités politico-ethniques ou étatiques se lancent dans une
situation de cahot très accentuée. Ces différents facteurs
appauvrissent considérablement l'Afrique.
Cette traite balise le terrain pour les relations
économiques entre l'Afrique et l'Occident. A partir des voyages de
reconnaissance est apparue la traite négrière, à partir
de cette traite est apparu le commerce colonial, et ce commerce colonial
enclenche les relations économiques modernes entre l'Afrique et le
reste du monde que nous vivons aujourd'hui. Tous ces phénomènes
et ces relations sont classés de manière inévitable dans
le processus de mondialisation enclenché depuis l'Antiquité.
Ainsi, la traite négrière apparaît comme
un facteur prépondérant dans l'avènement du commerce
colonial. Le commerce colonial est la suite historique du processus
enclenché par la traite négrière. Plusieurs jalons
posés rendent aisés la compréhension de ce point de vue.
La pratique régulière de la voie maritime Europe-Afrique favorisa
une bonne connaissance de l'Afrique. Les infrastructures commerciales
(comptoirs commerciaux), la commercialisation à petite échelle de
certains produits africains (peaux et produits végétaux)
parallèlement au commerce d'esclaves, le contact permanent avec les
peuples africains ne pouvaient que préparer un terrain favorable
à la pratique du commerce colonial qui était déjà
latent. La cessation de la traite négrière est en soi un
début logique pour le commerce colonial car l'Europe en quête
d'une dynamique de croissance économique concevait l'Afrique comme un
déboucher et aussi il fallait trouver un substitut à l'esclave
comme marchandise. Notons qu'à cette période les progrès
technique et scientifique avaient propulsé en avant l'industrie
européenne qui était jadis « artisanale » en
créant une surproduction. Puisque ce surplus devrait être
écoulé, l'Afrique répondait à ce besoin, d'autant
plus qu'une relation de sujétion était établie.
L'événement qui consolida cette relation de sujétion est
la conquête coloniale et la colonisation.
CHAPITRE II :
FACTEURS POLITIQUES DU COMMERCE COLONIAL :
PENETRATION COLONIALE ET COLONISATION
1- Pénétration coloniale :
A partir de 1878 les premiers canons de la conquête
coloniale retentissent à Sabuciré du Logo. Et la machine
infernale de la France fait tomber tour à tour les centres importants de
la résistance ouest africains, plus particulièrement du Soudan
Occidental : Le Fouta d'El Hadj Omar Tall, Le Cayor de Lat Dior Diop, le
Bélédougou de Koumi Diossé le Wasulu de l'Almamy Samory,
le Kénédougou des Traoré, etc.
A partir de 1850 les bases de la conquête politique du
Soudan Occidental sont jetées. De la côte
sénégalaise la France s'apprête a donner le coup d'envoi de
sa machine militaire. Elle entre à partir de Saint Louis
(créé en 1638) et plus tard Dakar (créé en 1862).
Les Français suivent le cours du fleuve Sénégal. Ils se
mettent à construire des infrastructures militaires, essentiellement les
forts dont les plus importants sont : Ceux de Médine et de Dakar.
Celui de Médine fut construit de 1855 à 1857. L'artisan de cette
politique est le Général Louis Léon César Faidherbe
(1818-1889), énergique conquérant de l'empire colonial
Français naissant.
Faidherbe ne manque pas de tact et de moyen pour accomplir sa
difficile mission. Il se heurta à la réticence du pays wolof et
de leurs voisins. Le cas le plus illustrant est celui des Toucouleurs conduits
par El Hadj Omar Tall.
A cette époque la France organise ces territoires.
Depuis le XVIIème siècle quelques factoreries et points de vente
européenne sont installes dans le Haut-Fleuve ou
Haut-Sénégal. Selon Maurice Delafosse depuis 1867, des tentatives
de commerce français dans la région sont menées, ce qui
justifiait la construction du fort de Médine1(*).
Faidherbe en ces termes disait : « Nous
ne pouvions accepter ces conditions, car faire le commerce sans protection
avec les barbares est une chose reconnue impossible depuis longtemps. Aussi
loin d`abandonner et de démolir nos forts, nous crûmes
nécessaire d`en créer un nouveau, plus avancé que tous les
autres, à Médine, pour éloigner notre frontière de
Bakel et sauver si c`était possible l`important commerce de ce
comptoir. »
Cela traduit la tension entre les Français et les
résistants africains, ils croyaient tous au début que les
Français venaient juste pour commercer sans pourtant perturber leurs
droits de douanes ou de coutumes. Les Français eux n`admettaient pas que
la pratique du commerce par leurs ressortissants soit empêchée par
les droits de douane ou coutumes très pesants. Alors le seul moyen de
favoriser la libre circulation des marchands et de leurs marchandises,
était de passer a la conquête politico-militaire afin de
détenir tous les facteurs de décision. C`est ce que va faire la
France. A partir de cette époque la situation politique est très
déterminante et très favorable à la France.
2- La réorganisation
dans les colonies ou colonisation :
Apres la conquête, la France réorganise ses
colonies. Cette réorganisation touche plusieurs domaines :
administratif, fiscal, commercial et militaire. Ce processus débute
depuis la France. Les colonies étaient d`abord gérées par
le ministère de la Marine. En1889, le Sous-secrétariat d`Etat
aux Colonies est crée dont le premier responsable est Eugène
Etienne. Ce Sous-secrétariat d`Etat est rattaché au
Ministère du Commerce. En 1894, le Ministère des Colonies est
créé.
a-Sur le plan administratif :
La France va procéder à une division
administrative. D`abord le Sénégal est divisé en quatre
communes principales qui sont Dakar, Gorée, Rufisque et Saint-Louis. Le
Soudan sera divisé en cercles qui seront divisés en subdivisions
et les subdivisions en canton.
Les Cercles sont au nombre de dix-sept à
savoir :Kayes, Bafoulabé, Kita, Bamako, Nioro, Goumbou, Sokolo,
Satadougou, Sikasso, Ségou , Koutiala, San , Djenné, Mopti,
Issa-Ber ou Niafunké, Bandiagara et Tombouctou plus tard en 1911. Les
Cercles sont dirigés par des Commandants civils ou militaires. Ils
étaient instruits et rendaient compte au Lieutenant-gouverneur du Soudan
Français siégeant à Bamako. Les chefs des subdivisons
étaient des administrateurs le plus souvent civils. Quant aux chefs de
cantons ils étaient des indigènes et choisis dans le groupe des
chefs de village constituant le canton.
Cette administration travaillait étroitement avec des
gardes affectés à leur compte. Parmi ceux-ci l'on pouvait
retrouver et des indigènes, et des Français. Ces indigènes
étaient recrutés parmi les soldats qui avaient servi dans
l`armée française au moment des batailles de
pénétration. Ils se sont rendus célèbres
tristement a travers la terreur qu`ils semaient au sein de la population
b. Sur le plan fiscal :
1900, déjà la conquête militaire du
Soudan Occidental est presque achevée, à partir de 1895 la France
crée l'A.O.F.(l'Afrique Occidentale Française), un gouvernement
général dirigé par un gouverneur regroupant huit
territoires a savoir la Côte d'Ivoire, le Dahomey, la Guinée, la
Haute Volta, la Mauritanie, le Niger, le Sénégal et le Soudan. Le
siège du gouvernement était à Dakar
La France organise également ses colonies sur le plan
fiscal. Le décret du 14 Avril 1905 fixa les tarifs douaniers dans les
colonies. Au titre du même décret un bureau des douanes est ouvert
à Kayes le 17 octobre 1907. La tarification était beaucoup plus
souple dans l`A.O.F. par exemple la gomme était taxée à
30F la tonne, les peaux à 100F la tonne, et le coton exempt de droit de
douanes. Pour l`entrée en France, certains produits étaient
admis en franchise. Parmi ceux-ci nous avons la gomme, les peaux, le
karité, la laine et le caoutchouc. Les territoires qui
bénéficiaient de cette déréglementation
étaient : La Guinée, la Mauritanie, le Niger et le Soudan.
Ils constituaient la `'Zone libre `'
Toutes les marchandises entrant dans l'A.O.F. non originaires
de la Métropole étaient surtaxées. Cette mesure
traduit les politiques protectionnistes de l'époque devant la
surproduction agricole et industrielle européenne et américaine.
Le protectionnisme se définit comme les mesures adoptées par un
Etat, pour protéger ses frontières à l'entrée des
marchandises étrangères. Ainsi les produits alcooliques sont
prohibés à l'entrée, mesure qui n'empêche pas leur
entrée.
Les impôts procèdent à la classification
des commerçants. Il y avait sept classes de commerçants et les
plus importantes étaient les trois premières. La première
était constituée par les représentations principales des
grandes maisons de commerce et des grands négociants, les banques, les
importateurs et les exportateurs en gros. Ils payaient un impôt de 1500f
et 12% de leur chiffre d'affaire. La deuxième classe était
constituée par les commissaires en marchandises, les agents de douane,
les entrepreneurs de travaux publics, les entrepreneurs des transports eau et
terre, l'importateur en gros ou l'exportateur en gros, la succursale d'une
maison de commerce ou d'un négociant. Cette classe payait un impôt
de 1000f et 10% de leur chiffre d'affaire.
La France avait fixé des impôts pour tous ceux
qui intervenaient dans le circuit économique. Ainsi les exploitants de
carrière devraient payer un impôt de 5F par ouvrier et 10% de
leur chiffre d'affaire. Pour les fabricants de briques, de carreaux, de ciment,
de poteries, de tuiles, de tuyaux, etc., l'impôt était 10F par
ouvrier. Un impôt de 10F par hectolitre de capacité brute des
alambics et 3F par hectolitre de capacité brute des bassines pour les
fabricants distillateurs et liquoristes. Un impôt de10F par ouvrier
travaillant dans les usines d'égrenage était payé, et 10F
par cheval-vapeur de force motrice pour les machines et tout autre engin.
c - Sur le plan commercial :
Sur ce plan la France pose les jalons indispensables pour un
commerce consistant. D'abord les premières réalisations furent
la création de deux chambres de commerce. La première vit le
jour en 1884 sous le nom de `'Chambre de commerce Française de
Kayes -Médine `' son siège est à Kayes. La deuxième
vit le jour le 04 janvier 1896 sous le nom `'Association des
Commerçants et Employés de Commerce du Soudan
Français `'.Son siège est à Bamako.
Beaucoup de difficultés se sont posées pour la
fixation des prix. Les difficultés sont dues à la distance et les
facteurs liés au transport. Pour cela le colonisateur avait pris des
mesures palliatives. L'on tenait désormais compte du coût
élevé de transport et les voies de communication. Ainsi
l'arachide achetée à Kayes était plus chère pour
le traitant que celle achetée à Bougouni ou à
Dioïla. Cela se comprend aisément dans la mesure où la
différence du prix est compensée dans le transport. Le traitant
pouvait imposer son prix en fonction de la zone dans laquelle il opère.
L'acheminement des produits vers la côte sénégalaise
revenait un peu cher. La France avait uniformisé les prix
établissant ce qu'on appelle les Mercuriales une mercuriale est une
liste comportant le prix des articles vendus sur le marché. Ainsi en
1910 il y avait deux mercuriales une à Kayes et une à
Bamako.
La MERCURIALE de KAYES à la date du
1er JUILLET 1910
PRODUITS EUROPEENS
|
|
|
Produits
|
Unités
|
Prix
|
Guinée
|
Pièce de 15 mètres
|
7 Francs
|
Toile blanche
|
Pièce de 30 mètres
|
15 Francs
|
Guinée Chandoer
|
Pièce de 15 mètres
|
9 Francs
|
Liménéas
|
Le mètre
|
1 Franc
|
Toile de Vosges
|
Pièce de 30 mètres
|
15 Francs
|
Sucreton
|
Pièce de 30 mètres
|
14,50 Francs
|
Ambre faux
|
La boule
|
2 à 5 Francs
|
Perles
|
La filière
|
0,30 à 0,50 Franc
|
Farine
|
Le kg
|
1 Franc
|
Sucre
|
Le kg
|
0,80 Franc
|
Vin
|
Le litre
|
1 Franc
|
Cognac
|
La bouteille
|
7 Francs
|
Absinte
|
Le litre
|
4,50 Francs
|
Pétrole
|
Le litre
|
0,50 Franc
|
PRODUITS INDIGENES
|
|
|
Produits
|
Unités
|
Prix
|
Mil
|
Le kg
|
0,15 Franc
|
Maïs
|
Le kg
|
0,15 Franc
|
Arachides
|
Le kg
|
0,20 Franc
|
Haricots
|
Le kg
|
0,20 Franc
|
Huile d'arachides
|
Le litre
|
1,50 franc
|
Kolas
|
Ensemble de 1000 noix
|
100 Francs
|
Sel
|
La barre
|
11 Franc
|
Beurre de Karité
|
Le kg
|
1 Franc
|
Pagnes
|
La pièce
|
4 à 10 Francs
|
Couverture de Ségou
|
La pièce
|
15 à 20 Francs
|
Couverture de laine
|
La pièce
|
5 Francs
|
Bandes de coton
|
Le mètre
|
0,10 Franc
|
Gomme
|
Le kg
|
0,35 Franc
|
Coton
|
Le kg
|
0,30 Franc
|
Chevaux
|
Tête
|
200 à 300 Fr
|
Boeufs
|
Tête
|
25 à 75 Francs
|
Boeufs porteurs
|
Tête
|
60 à 100 Francs
|
Moutons
|
Tête
|
3 à 10 Francs
|
Boeufs pour bouchérie
|
Le kg
|
4 à 5 Francs
|
Moutons pour boucherie
|
Le kg
|
1,25 Franc
|
Riz
|
Le kg
|
0,30 Franc
|
Miel
|
Le kg
|
1 Franc
|
Tabac
|
Le kg
|
0,20 Kg
|
Peaux de boeufs
|
Le kg
|
1 Franc
|
Peaux de moutons
|
Le kg
|
0,50 Franc
|
Peaux d'agneaux
|
Le kg
|
0,75 Franc
|
Or
|
Le gramme
|
3 Francs
|
Samara
|
La paire
|
2 à 5 Francs
|
Indigo
|
Le kg
|
1Franc
|
Anes
|
Tête
|
40 à 60 Francs
|
Poule
|
Tête
|
0,50 à 1 Franc
|
Canard
|
Tête
|
2 à 5 Francs
|
La MERCURIALE de BAMAKO à la date du
01er juillet 1910
PRODUITS EUROPEENS
|
|
|
Produits
|
Unités
|
Prix
|
Farine
|
Le kg
|
1,50 Franc
|
Sucre
|
Le kg
|
1,50 Franc
|
Café
|
Le kg
|
1,50 Franc
|
Huile
|
Le litre
|
4,25 Francs
|
Vinaigre
|
Le litre
|
2,50 Francs
|
Poivre
|
Le kg
|
3,25 Francs
|
Sel
|
Le kg
|
0,25 Franc
|
Vin blanc
|
Le litre
|
2,25 Francs
|
Vin rouge
|
Le litre
|
1,75 Franc
|
Roume
|
Le mètre
|
0,50 Franc
|
Bazin
|
Le mètre
|
0,75 Franc
|
Percale
|
Le mètre
|
0,75 à 1 Franc
|
Andrinople
|
Le mètre
|
1 Franc
|
PRODUITS INDIGENES
|
|
|
Produits
|
Unités
|
Prix
|
Mil
|
Le kg
|
0,20 Franc
|
Riz
|
Le kg
|
0,40 Franc
|
Sel en barre
|
La barre
|
15 à 20 Francs
|
Arachides
|
Le kg
|
0,12 Franc
|
Huile
|
Le litre
|
1 Franc
|
Tabac
|
La charge
|
0,30 Franc
|
Beurre de Karité
|
Le kg
|
0,30 Franc
|
Sel en vrac
|
Le kg
|
0,25 Franc
|
Bandes de coton
|
Le mètre
|
0,40 Franc
|
Couvertures de Kassa
|
La pièce
|
5 à 7 Francs
|
Toiles
|
Le mètre
|
0,3 Franc
|
Guinée
|
Le mètre
|
0,50 Franc
|
Pagne
|
L'unité
|
6 à 10 Francs
|
Cire
|
Le kg
|
1,50 Franc
|
Vache
|
La tête
|
60 à 70 Francs
|
Taureau
|
La tête
|
35 à 40 Francs
|
Ane
|
La tête
|
35 Francs
|
Cheval
|
La tête
|
150 à 200 Francs
|
Mouton
|
La tête
|
5 à 6 Francs
|
Chèvre
|
La tête
|
3 à 5 Francs
|
Source : Mémoire SIDIBE Daouda `'Maisons
de Commerce et Commerce Colonial au Soudan Français.1878-1933 `' pp
42-44, Session de juin 1983 ENSUP, Département
Histoire-Géographie.
DEUXIEME PARTIE :
ETUDE DETAILLEE DU COMMERCE COLONIAL
CHAPITRE I :
ENCLENCHEMENT DU PROCESSUS
Les références par rapport au temps de
l'enclenchement du commerce colonial, se situent au début de la
colonisation plus précisément à la fin de la seconde
moitié du XIXème siècle. Le qualificatif colonial
détermine les débuts de ce commerce effectivement à la
fin du XIX ème siècle. Avec la fin de la conquête
coloniale, nous assistons à l'installation des institutions
commerciales et l'organisation. Les bases de ce commerce furent jetées
avant la fin du XIX ème. Selon Maurice Delafosse in
`'Haut-Sénégal-Niger `' Tome 3 P 383, un commis nommé
Bazy réussit de fructueuses opérations au Galam et jusqu'au
`'Rocher'' du Haut-Sénégal. Ce commis serait le premier
Français ayant pénétré librement la colonie future
du Haut-Sénégal2(*).
La colonisation est un concept expliquant uniquement
l'âge d'or des Européens en Afrique selon Joseph Ki-Zerbo3(*). A partir de ce concept on
pourra comprendre aisément que cela ne signifie pas le début du
contact des Européens avec l'Afrique, mais plutôt le début
de l'hégémonie politique, économique et même
culturelle. Ce qui permet de comprendre que certaines des pratiques du temps
de la colonisation ont bien débuté avant son avènement.
Avec son avènement, elle donne son sceau à celles-ci. Le
commerce s'inscrit dans ce cadre parmi plusieurs autres pratiques. Donc le
début du commerce colonial rime avec la colonisation. Et cette
colonisation ne débute pas dans le Soudan Occidental aux mêmes
moments et aux mêmes lieux. Cela est dû à beaucoup de
facteurs tantôt liés aux questions de priorité pour les
Français tantôt liés aux conditions d'accès et
tantôt liés à l'importance politico-économique des
régions à conquérir. L'expansion et l'essor du commerce
colonial suivent également la même évolution que la
colonisation.
CHAPITRE II :
ROLE ET PARTICULARITES DES DIFFFERENTS
ACTEURS
Le commerce colonial était une nouvelle pratique, il
sera le centre d `intérêt de plusieurs acteurs.
Déjà la conquête et la réorganisation de
l'ouest-africain sont terminées par la France, le commerce ne peut que
trouver un terrain favorable pour son épanouissement. Il sera
très organisé. Nous avons plusieurs intervenants dans ce domaine
à commencer par les autorités compétentes.
L'administration coloniale Française était une administration
purement dévouée au service du commerce français :
des services du fisc à ceux de l'administration territoriale passant
par les organisations commerçantes, tous oeuvrent pour la promotion du
commerce des Français.
Le commerce était organisé en réseau. Ce
réseau était composé de structures et d'agents. Les
structures allaient des maisons de commerce à leurs ramifications. Quant
aux agents ils sont les principaux animateurs de ces structures.
1- Les structures de commerce :
Elles étaient principalement composées de
grandes et de petites maisons de commerce et leurs ramifications.
a. Les grandes maisons de commerce
Elles sont des grandes
compagnies issues de la métropole (France). C'est des compagnies qui
font l'importation en gros et l'exportation en gros. Leur implantation en
Afrique commence à partir de la fin du XIXe siècle et le but du
XX ème siècle. Une distinction s'impose: les
sociétés commerciales négrières et les compagnies
qui font le commerce colonial. L'implantation des compagnies
négrières commence à partir de la deuxième moitie
du XV ème siècle. L'implantation des maisons de commerce a
débuté au Sénégal qui constitua la porte
d'entrée du Soudan Occidental. Avant, pendant et après la
conquête coloniale, elles s `installèrent à
l'intérieur du nouveau territoire. Elles s'occupaient du commerce des
produits africains constituant les matières premières pour
l'industrie européenne et également du ravitaillement de
l'Afrique en produits européens. Elles ont développé en
Afrique la culture de certains produits, ainsi que le ramassage et la
cueillette d'autres.
Elles étaient liées entre elles par un
système financier afin de résister aux crises. Cette
interpénétration se traduisait par la création d'une
grande société. Selon Jean Suret-Canale, les grandes maisons de
commerce sont la transformation des maisons familiales et des associés
qui se regroupent en sociétés anonymes (S.A.). Bien que la
société anonyme réponde à un statut juridique,
mais leur origine fut cette interpénétration financière.
Ainsi en 1907 les Etablissements Ryff et Roth deviennent Société
Commerciale de l'Ouest Africain (S.C.O.A.) ; les maisons bordelaises et la
C.F.A.O. organisées en holding contrôlaient la manutention
africaine les salines du Sine-Saloum, les Eaux et Electricité de
l'Ouest-Africain. Ces maisons de commerce étaient soutenues par un
consortium d'institutions financières. Au sein duquel, on retrouvait la
Banque Commerciale Africaine (B.C.A.), le Crédit Foncier de
l'Ouest-Africain, la Banque Française d'Afrique et la Banque de
l'Afrique Occidentale (B.A.O.). La B.C.A. et la Banque Française de
l'Afrique elles-mêmes ne résisteront pas à la crise
économique de 1929. Aucune maison ne se limite à une seule
activité, ce qui fut probablement la cause de la survie de plusieurs
jusqu'à nos jours.
Les maisons les plus importantes sont les bordelaises
(Peyrissac, Maurel et Prom) et celles marseillaises (C.F.A.O et la C.I.C.A.).
La plus part de ces maisons étaient représentées hors des
frontières coloniales de l'A.O.F.. La France dans le cadre de sa
politique protectionniste décourageait l'installation des maisons
étrangères, de même que le changement de nationalité
des siennes. Elle concevait le changement de nationalité de ses
compagnies comme la fin de leur existence. Il faut reconnaître que
certaines des maisons d'ici étaient tentées de s'implanter dans
d'autres territoires beaucoup plus libre-échangistes. Alors toute
société faisant un tel acte recevait les mêmes
restrictions que celles étrangères. Par contre l'installation des
maisons françaises était très encouragée, pour ce
faire la France avait entamé une politique de création et de
développement des infrastructures de transport.
Ces maisons de commerce furent appelées
aussi `'Sociétés Coloniales''. Elles avaient des
ramifications allant de la succursale à la factorerie qui aussi
ravitaillent des points de vente et les colporteurs
b- Les petites maisons de commerce :
Les petites maisons de commerce sont tenues par des
Européens ou des Syro-libanais ayant un capital moins important que ceux
des grandes maisons. Elles sont indépendantes. Certaines des petites
maisons se ravitaillaient chez les grandes qui peuvent importer une grande
quantité de marchandises. Le plus souvent elles sont tenues par une
famille ou des familles. Elles ont les mêmes statuts que les grands
négociants. Elles se confondaient avec ceux-ci par leurs statuts
juridiques et par les traitements fiscaux. Il arrivait aussi qu'elles
effectuent le système d'interpénétration
financière. Elles étaient également éligibles au
crédit des institutions financières de la colonie. Si l'on se
réfère aux propos de Jean Suret-Canale, on peut affirmer que
les petites maisons sont les grandes maisons a l'étape embryonnaire.
Une crise affectant les prix entraînait souvent la fermeture de
certaines d'entre elles. Il y en a parmi elles qui ont eu une survie
jusqu'à nos jours. Cela s'explique par la capacité dont disposent
leurs familles depuis l'Europe. Certains Syro-libanais réussirent
à faire une telle évolution. La survie des quelques petites
maisons de commerce réside dans le soutien qu `apportent les
grandes maisons et celui des institutions financières de la commune.
Comme les grandes maisons les petites maisons aussi disposent des
ramifications pour certaines d'entre elles. Le nombre de ces ramifications
était plus réduit par rapport à celles dont disposent les
grandes maisons de commerce :
c- Les ramifications des maisons de
commerce :
Les ramifications sont la continuité de la compagnie.
Elles sont affiliées au comptoir, principal représentation de la
compagnie. Elles tirent une relation de subordination entre elles. Cela
s'explique par l'importance des uns par rapport aux autres. Pour notre
étude nous avons retenu essentiellement quatre types de ramifications
classées par ordre d'importance à savoir : la succursale,
la factorerie, le point de vente et le colporteur.
? La succursale :
La succursale est une représentation secondaire de la
maison de commerce. Elle reçoit toute la variété
d'articles que peut disposer la maison. Elle suit juste le comptoir,
première représentation de la maison de commerce. Et c'est de ce
dernier qu'elle reçoit ses marchandises. Elles sont surtout importantes
dans les centres démographiquement importants. L'on pouvait retrouver
plusieurs succursales dans une même ville, ou observer leur concentration
dans les villes proches. Elle achetait les produits de l'indigène
destiné à l `exportation. Ses gérants doivent leur
richesse aux activités de crédit qu'ils pratiquaient avec les
indigènes. Ceux-ci pouvaient vendre les marchandises à
crédit que les indigènes payaient avec intérêt.
Souvent les indigènes vendaient leurs produits aux gérants
à bas prix pour compenser les intérêts qu'ils leurs
doivent.
? La factorerie :
Une factorerie est moins importante qu'une succursale. C'est
un établissement résidant dans une enceinte pouvant accueillir
une quantité de marchandises correspondant à la demande des
consommateurs moyens sans rupture de stock. Elle reçoit ses marchandises
de la succursale. Cela n'était pas toujours le cas, certaines
factoreries recevaient leurs produits directement du comptoir principal
lui-même, principale représentation de la maison. Sa
capacité d'affaire et sa quantité de marchandise étaient
plus réduites que celles de la succursale. Elles sont avec les
succursales des demi-grossistes. Les factoreries comme les succursales
faisaient cette activité de crédit avec les indigènes
surtout pendant les périodes de traite.
? Les points de vente :
Un point de vente est le local d'un détaillant
installé dans un coin d'une ville ou de campagne pour traiter la demande
des clients de petites capacités de consommation. Nous pouvons affirmer
qu'ils étaient surtout présents dans les campagnes et les centres
accueillant les foires hebdomadaires. Pour le cas de ceux qui étaient
logés dans une enceinte, il faut noter qu'ils n'avaient pas besoin
d'assez de confort. Ils se trouvent dans des centres importants comme dans les
campagnes. Ils constituent une des dernières ramifications des maisons
du commerce colonial.
? Les colporteurs :
Le colporteur est un vendeur ambulant qui fait son
activité de village en village ou de ville en ville en fonction des
jours de foire, ou au sein d'une même ville. Le colporteur constitue un
des maillons importants du commerce colonial. Il connaît mieux que
quiconque les gouts de l'indigène, car étant lui-même
indigène.
2- Les agents du commerce
colonial
Les agents sont ceux qui servent dans les structures de
commerce. Ils sont les principaux animateurs des maisons de commerce. On les
classe en trois grands groupes à savoir : Les Européens, les
Syro-Libanais ou Libano-Syriens ou encore les Lévantins et les
indigènes.
a - Les Européens
Ce sont les
représentants des maisons de commerce dans les comptoirs ou des
commerçants installés à leur propre compte. Ils sont
généralement des Français. Ils ne s'installaient pas dans
la région par hasard. Ils étaient des connaissances des
gouverneurs, et bénéficiaient de leur faveur en compensation des
pots-de-vin qu'ils leur versaient. Les gouverneurs les déclaraient aux
chambres de commerce. L'administration soumettait ces grands
commerçants à une surveillance secrète. Et une fiche
permettait de traiter leur honorabilité, la marche de leurs affaires,
leurs rapports avec l'administration et leurs rapports avec les maisons de
commerce pour lesquelles ils travaillent. Tous les commerçants
étaient fichés. Ils résidaient dans les villes puisqu'ils
travaillent dans les comptoirs qui ne sont implantés que dans les
villes. Pour réduire le risque de corruption et de faillite les
maisons de commerce préféraient envoyer dans les comptoirs des
éléments soit issus de la famille des actionnaires du groupe ou
issus du cercle restreint de ceux-ci. Il arrivait souvent que ces
Européens rentraient au pays devant la morosité des affaires ou
devant une crise d'autres natures. La Guerre de 1914-1918 et la crise
économique de 1929 ont vu beaucoup d'Européens rentrer en
laissant derrière eux des maisons de commerce fermées ou
ruinées.
b- Les Syro-Libanais ou Libano-Syriens ou
Levantins :
Ils sont issus de la migration des habitants des territoires
sous-tutelle française de l'Orient, d'ou leur nom de Levantins. Ils
venaient effectivement du Levant c'est à dire l'est. Ils sont surtout
des Libanais chrétiens. Il faut noter qu'ils étaient
installés en A.O.F. bien avant la Première Guerre Mondiale,
plus précisément à la fin du XIXe siècle et le
début du XXe siècle. Le départ de certains
Européens pendant et après la même guerre entraîna
leur profusion dans le Soudan Français. Le deuxième
évènement qui favorisa leur arrivée fut le fait que la
Syrie et le Liban furent placés sous-mandat français
après la défaite ottomane à la fin de cette guerre.
La Syrie et le Liban étaient des annexions ottomanes
avant cette date, et la S.D.N. pour imposer des réparations de guerre
à l'Empire Ottoman va placer ses territoires sous-tutelle de ses
membres : la France et l'Angleterre.
Les Syro-Libanais sont des demi-grossistes, soit dans les
succursales et des factoreries des maisons de commerce, soit le plus souvent
installés à leur propre compte. C'est des intermédiaires
très actifs qui réussirent à créer des maisons de
commerce tout en assurant la survie de ces maisons de commerce même
après les indépendances africaines. Ils vont livrer une
concurrence très rude aux Européens en accumulant une grande
fortune et provoquer la faillite de certains d'entre eux. Ils acceptaient les
difficultés et les aléas du commerce4(*). Ils disposent de plusieurs
boutiques. Ils affectent surtout le commerce des particuliers français.
L'administration, dans ses politiques de protection des intérêts
français, frappait les Syro-Libanais de surtaxe. Ainsi en 1910 ils
étaient obligés de payer 30 Francs supplémentaires en
plus des impôts et taxes normaux. Et le Lieutenant-gouverneur du Soudan
Français, Terrasson de Fougères dans une correspondance
à Carde gouverneur de l'A.O.F attestent ces mesures5(*).
On les désigne sous le nom de ''Dyula''. Ce groupe est
constitué de Wolofs et de Soudanais (Soudan Français). Ils sont
les piliers du commerce colonial. Ils opèrent dans les lieux difficiles
d'accès. C'était de grands courtiers Eux aussi vont
concurrencer les Levantins. Parmi eux on distingue deux groupes : ceux qui
étaient installés à leur compte et ceux travaillant pour
les maisons de commerce. Parmi les indigènes on retrouve certains qui
ont réussi à créer leurs propres sociétés
qui par la suite sont devenues très importantes à la veille de
l'indépendance et après l'indépendance du Soudan
Français. La Société Dossolo et Frères est un
exemple illustrant ce cas, elle était dans la pharmacie, le commerce du
divers ainsi que la boulangerie.
QUELQUES MAISONS DE COMMERCE DU SOUDAN FRANÇAIS
NOMS DES MAISONS DE
COMMERCE
|
DATE DE CONSTITUTION
|
INSTALLATION AU SOUDAN
FRANÇAIS
|
C.F.A.O. (Compagnie Française de l'Afrique
Occidentale)
|
1er Août 1887
|
1903
|
Peyrissac
|
27 Avril1908
|
1897(sous la dénomination Etablissement Peyrissac)
|
Maurel et Prom
|
1821
|
1893 à Kayes, 1902 à Bamako
|
Buhan et Teisseire
|
22 Août 1871
|
1892 à Médine (Kayes) 1900 à Bamako
|
S.E.A.Maurer
|
1896
|
1900
|
C.I.T.E.C.
|
15 Avril1927
|
1927
|
S.A.C.A.(ex Société Commerciale du Soudan
Français)
|
1897
|
1897
|
Chavanel et Fils
|
1894 (successeur des Etablissements Chavanel)
|
1894
|
Devès et Chaumet
|
1807 arrivée à Saint-Louis
|
1890 à Kayes, 1899 à Bamako
|
S.C.O.A. (Société commerciale de l'Ouest
Africain)
|
1906
|
1913
|
Compagnie Niger Français
|
15 septembre1913
|
Fin 1913
|
Vezia
|
17 Décembre 1925
|
1925, Vezia absorbe la Société Vezia et Compagnie
|
Manutention Africaine
|
1895
|
1922
|
Ardic
|
1er juillet 1931
|
Avril 1936
|
S.I.E.M.I.
|
5 mars 1947 sous la dénomination de S.A.M.I.etS.I.E.M.I.,
27 Août 1947
|
Decembre1947
|
Foucrier et Hoecker
|
28 janvier 1902
|
|
Dragages
|
10 Mai 1902
|
Fin 1940
|
Société Nationale des T.P
|
22 juillet 1911
|
Avril 1936
|
Société des Briqueteries de Bamako
|
31 Décembre 1924
|
1925
|
Messageries Africaines
|
11 Février 1907
|
1920
|
Coloniale Automobile
|
1932
|
Fin 1947
|
Davum
|
1818
|
1946
|
Valor et Brossete
|
1864
|
Fin 1946
|
Loupiac
|
1er Mars 1949
|
15 Octobre 1949
|
Coignet-Niger
|
A la suite de l'installation de F. Coignet en1861 et de E.
Coignet en1894
|
1948
|
Transafricaine
|
27 juillet 1948, en absorbant les activités de
Transafricaine du Soudan et de la C.C.I
|
1948
|
Société des Hôtelleries de Bamako
|
1950
|
1950
|
Confiserie E. Achcar et Frères
|
1950
|
1950
|
Société des huileries Soudanaises
|
1941
|
1941
|
Société des Brasseries de l'Ouest Africain
|
1950
|
1950
|
Société des Abattoirs Industriels
|
1949
|
1949
|
Energie A.O.F.
|
1951
|
1951
|
Source : Mémoire SIDIBE Daouda `'Maisons
de Commerce et Commerce Colonial au Soudan Français.1878-1933 `' pp
55-56, Session de juin 1983 ENSUP, Département
Histoire-Géographie.
En 1933 sur 65 maisons de commerce dont le capital
était connu 34 avaient un chiffre d'affaire inférieur ou
égal à 50.000 Francs, 9 entre 50.000 Francs et 100.000 Francs , 3
entre 100.000 Francs et 200.000 Francs , 3 entre 200.000 Francs et 500.000
Francs 1maison avait un capital de 1million de Francs, 15 avaient un capital
de plus de 1 million de Francs
Exemple :
Peyrissac avait 8 millions de Francs de capital, elle
s'occupait de transport, d'industrie et du commerce.
Maurel et Prom avaient un capital de 10 millions de Francs
La S.C.O.A. avait un capital de 30 Millions de Francs
Ces 65 maisons comptaient 137 lieux de commerce, (comptoirs,
succursales et factoreries compris). Certaines de ces maisons puissantes
étaient représentées dans plusieurs villes. Ainsi la
Société Devès et Chaumet était
représentée dans six villes.
Toutes les sociétés étaient
représentées à Bamako et à Kayes. Ces deux villes
étaient les centres principaux où le niveau de
l'évolution de l'indigène était avancé. Alors les
habitants avaient le goût des articles européens
CHAPITRE III :
LES ITINERAIRES, LES MOYENS DE TRANSPORT ET LE CADRE
MONETAIRE
Le commerce colonial faisait intégrer la presque
totalité des régions du Soudan Français. Il
s'opérait par diverses manières et se pratiquait sur plusieurs
itinéraires d'ordre très varié. Les différents
acteurs agissaient en réseau qui disposait d'une logistique et des
systèmes bien structurés
1-Les voies de communication
Pour arriver à leur fin, les différents acteurs
empruntaient plusieurs voies de communication. Elles permirent d'atteindre
les localités aussi proches qu'éloignées de la
côte. Il était dans le dessein des Européens d'employer
tous les moyens possibles pour distribuer leurs produits. Pour cela, il faut
reconnaître que certaines voies ont été
réhabilitées, d'autres ont connu une extension et d'autres
également furent créées dans le cadre des politiques de
développement des infrastructures.
Trois principaux types de voies de communication
étaient fréquentés à savoir : la voie
ferroviaire, la voie fluviale et la voie routière
a-La voie
ferroviaire :
La voie ferroviaire fut la première voie de
communication classée selon le volume de marchandises
transportées. Elle fut sine qanun pour le commerce colonial. Sans elle
il n'y aurait pas l'épanouissement du commerce pratiqué par les
Européens au Soudan Français. Force est de reconnaître que
l'essentiel des produits importés et exportés arrivait du
Sénégal et partaient vers le Sénégal. Pour cela
la France a préparé les moyens indispensables à cette
entreprise. Les infrastructures ont été créées
La principale voie ferrée traversant le Soudan
Français était le Thiès-Dakar, construit entre 1883 et
1903, et devenu le Dakar-Niger en 1923. Le chemin de fer tout en assurant
l'importation et l'exportation des marchandises et des personnes, il
désenclava le Khasso et rendit possible l'échange Dakar-Bamako.
Il traversait des régions aussi différentes et
variées : du pays wolof à Koulikoro passant par le
Khasso. Il fut l'une des causes de la prépondérance de Kayes. Il
faut reconnaître que Kayes était incontournable pour la
pénétration des Français. Le chemin de fer dispose de
plusieurs atouts, à savoir : la capacité importante de
marchandises et des personnes à embarquer, la régularité
et la vitesse de motricité. Il était une entreprise
organisée en régie disposant d'une logistique, d'un personnel et
d'une administration. Il fut surtout capital pour les périodes de traite
agricole qui concerna essentiellement les arachides, le coton, le
karité, etc. Il était prévu, selon la conception du
chemin de fer Dakar-Niger de faire dépendre le Soudan Français de
la côte ou siégeaient les structures dirigeantes de l'AOF,
paraissant comme le moyen qui assurait l'épanouissement de ses colonies.
b-La voie fluviale
Apres la voie ferrée, la voie fluviale apparaît
comme la voie importante pour la pratique du commerce colonial dans le Soudan
Français. Elle traversait plusieurs régions. On dénombre
deux grands cours d'eau qui se prêtent à la navigation. Il s'agit
du fleuve Sénégal et du fleuve Niger.
Le fleuve Sénégal offre une possibilité
de navigation de Saint-Louis à Kayes. L'on voyait pour cela des
bateaux à vapeur fréquenter cette voie venant de Saint-Louis,
arrivant à Kayes. Elle fut la porte d'entrée des Français
dans Soudan Français. Quant au fleuve Niger, il offrait deux directions,
à savoir : la direction Sud et la direction Nord. La direction Sud
celle allant de Bamako à Kouroussa. Elle permit de commercer avec la
Guinée. La direction Nord était celle allant de Koulikoro
à Tombouctou. Les compagnies Maurel et Prom et Messagerie africaine
étaient très fréquentes sur cette voie.
Sur les cours d'eau, l'on rencontrait surtout les pirogues
traditionnelles improprement appelées `'pinasses'' Ce moyen de
locomotion est le principal connu dans tout l'espace
sénégalo-nigérien dont l'origine remonte à
l'antiquité. L'essentiel du commerce des empires ayant existé
dans la vallée du Niger se faisait à bord de ces embarcations.
Djenné et Tombouctou leur doivent leur éclat. Elles permirent en
dehors du commerce, la mobilité et le transfert des peuples dans des
régions allogènes : les Songhay (Dravi, Touré, etc.)
à Djenné, les Bamananw (Bouaré, Katilé,
Pléa) dans le Boré. Le succès de ces pirogues
réside dans leur grande capacité d'embarcation. Avec
l'arrivée des Européens, elles connurent l'application des
progrès de la mécanique, mais à une époque tardive.
De nos jours encore elles restent le principal moyen de transport des
marchandises et des personnes sur le fleuve Niger, les bateaux étant
opérationnels seulement pendant la crue.
c-La voie routière
La voie routière est la plus vieille voie de
communication dans tout le Soudan Occidental. Les voies commerciales datent
du Moyen Age. Avec le commerce colonial, elles permirent surtout d'acheminer
les marchandises vers les destinations finales et furent la voie salutaire
pour les localités éloignées difficiles d'accès.
De même que des marchés ont été créés,
des voies routières furent créées dans le cadre de
développement des voies de communication par les Français. Il
existait des voies rudimentaires construites par les indigènes sous la
demande des Français. Beaucoup de nos voies actuelles sont la
réhabilitation des anciennes voies médiévales traversant
tout le Soudan Sénégalo-Nigérien aboutissant à
l'Afrique du Nord.
Sur ces voies on retrouvait et des piétons, et des
animaux. Avec l'arrivée des Français des rares camions
étaient présents sur ces différentes routes. L'état
de ces routes ne permettait pas assez la fréquence des camions pour la
périphérie. L'essentiel des voyages sur la route se faisait
à dos d'animaux en caravane. Le voyage en caravane est une des formes de
voyage très anciennes. Elle est beaucoup plus ancienne que la
colonisation. Probablement elle date de l'antiquité également. La
majorité des routes sont d'origine militaire. Elles furent
forcées en certains endroits pour des campagnes militaires. Avec la
colonisation leur réhabilitation se faisait généralement
en latérite pour les cas de celles qui étaient
considérées comme les plus modernes.
2- Echange entre les régions :
Le commerce colonial était l'appareil
intégrateur des différentes régions du Soudan. Si le
réseau paraissait comme la circulation sanguine, les différents
acteurs (Européens, Syro-Libanais et les `'Dyula'') seraient le
sang qui circule dans le sang.
Kayes et Médine recevaient les produits vivriers du
sud (mil, riz, niébé, maïs). De Kayes et de Médine
partaient les produits européens (vin, friandises, tissus, bijoux,
farine, pétrole, etc.) pour Bamako d'abord, pour le Sahel (Nioro et
Bafoulabe) puis pour le Sahara de l'actuel Mali. Le Sahel produisait la gomme,
le bétail sur pieds et le sel gemme en partance pour la côte
sénégalaise et l'intérieur du Soudan Français.
Quant au Sahara, il produisait presque les mêmes articles que le
Sahel : surtout le sel et le bétail pour les différents
centres importants, même jusqu'au Nigeria et le Ghana actuels ainsi que
le Sénégal. Il faut noter que la cité de Tombouctou perdit
son éclat dans le commerce colonial, elle ne constituait plus le centre
du circuit commercial mais l'aboutissement. Désormais l'essentiel des
produits commerciaux arrive de vers la côte atlantique. Sikasso
recevait l'important de ses produits de la Côte d'Ivoire. Le pays
mandingue aussi recevait ses produis comme la Guinée des colonies
voisines anglaises : Sierra-Léone, Gambie, et Liberia. Le sud
était le principal producteur du coton, Bougouni et le Baya (actuelle
sous-préfecture de la commune Kangaré) en était
très actifs. Bamako et Kayes étaient des villes incontournables
pour le commerce colonial. Le niveau d'évolution de leurs habitants
indigènes était très avancé. Le
Haut-Sénégal ou le Haut-Fleuve a été la
première zone de contact entre les Européens et les habitants du
Soudan, ces contacts interviennent avant 1850.
3-Mode d'action des maisons de commerce
Les différentes opérations du commerce colonial
étaient constituées par les importations et les exportations. Les
commerçants avec leur réseau constitué, procédaient
à la distribution de leurs produits jusque dans les campagnes,
achetaient les produits africains dont une grande partie est destinée
à l'exportation vers l'Europe et une partie vendue sur les
marchés locaux.
Les ramifications étaient la cheville ouvrière
des maisons de commerce. Leur rôle constituait d'abord à faire la
vente et à côté de cette vente elles collectaient les
produits africains devant être envoyés hors d'Afrique. Ces
produits (africains) étaient essentiellement issus de l'agriculture, de
l'élevage et de la cueillette. Faute d'industrie de transformation les
produits stratégiques étaient exportés. Chaque
région avait son produit de spécificité. Il arrivait que
plusieurs régions se spécialisent dans un même produit.
Tel est le cas des arachides, elles étaient la spécialité
de la zone couverte par l'actuelle première région du Mali, mais
aussi de Bougouni et de Dioïla
4-Le cadre monétaire
Le concept de monnaie paraît important pour plusieurs
raisons. Primo, il permet d'évaluer la valeur des différentes
opérations effectuées (importation et exportation), secundo, il
permet de connaître le futur état des marchés financiers
mondiaux, car il retrace l'histoire des monnaies des différents pays
concernés.
Pour notre étude qui concerne le Soudan
Français, il existait avant la colonisation deux formes essentielles
d'échange, à savoir : le troc et un mode d'économie
de marché animé par les cauris et des pièces d'argent
venues des comptoirs des côtes et d'Afrique du nord. Cet état de
fait est présent à partir du XVIIème siècle. La
France à travers une série de décisions imposera sa
monnaie comme désormais la seule monnaie légale
autorisée servant à faire les paiements dans l'A.O.F.
particulièrement. D'abord elle interdit les paiements des impôts
en nature, tout en permettant de les faire en cauris6(*). A partir de 1920 la seule
monnaie en usage fut le Franc Français. Cet arrêté tout
en stabilisant le cadre monétaire, permettant d'évaluer le
volume de cauris circulant dans l'espace colonial français. Ainsi les
cauris étaient taxés à 1Franc pour 1000 cauris.
Quant au troc, il est encore présent à la fin
des années 30 du XXème siècle. Il persista surtout dans
les localités éloignées des centres du circuit
économique et dans les moments de crise particulièrement pendant
les guerres mondiales ou la liquidité se fait rare et les
indigènes se voient contraints d'effectuer cette forme d'échange.
Mais toutes les grandes opérations se faisaient en monnaie
française. Cette monnaie fut d'usage jusqu'à la veille des
indépendances. Cela permet à la France de stabiliser et
maîtriser la connaissance des volumes des marchandises à
traiter.
CHAPITRE IV :
LES PRODUITS COMMERCIALISES : nature, origines et
statistiques
Une grande diversité de marchandises se côtoyait
dans Le commerce colonial. Des produits européens (importations) aux
produits africains (exportations), nous sommes en face des produits qui animent
le commerce entre l'Occident, principalement, la France et le Soudan
Français.
1-Les produits européens
Ils sont originaires de l'Europe comme leur nom l'indique.
Pour notre zone étudiée, ils sont majoritairement d'origine
française. Près de 60% des produits importés
européens venait de la France. En réalité le volume des
produits importés au Soudan était insignifiant par rapport
à ce que produisait la France au total. Mais il (Soudan) n'était
que l'un des débouchés que possédait la France. Pour
parler de ces débouchés il faut citer l'Afrique du Nord
Française, l'A.O.F., l'A.E.F., l'Indochine (Cochinchine Annam), le Laos
et le Cambodge. Toutes ces colonies cumulées constituaient des
marchés d'écoulement pour les produits français.
L'important de ces produits était constitué par : les
textiles, les friandises, l'alimentaire, les véhicules, la verrerie, les
bijoux, les ustensiles, les cigarettes, les briquets, les allumettes et les
armes. Si une production se définit comme un bien ou service fourni par
une entreprise donnée, nous pourrions dire en ce temps que la France
était le principal fournisseur du Soudan Français. En dehors
des différents produits cités nous pouvons ajouter les
constructions des entreprises de B.T.P. (Bâtiments et Travaux Publics),
les opérations des institutions financières, l'hôtellerie,
le transport, l'électricité, l'eau, la poste, les
télécommunications, la production cinématographique, les
loisirs les maintenances, etc. Tout ceux-ci sont considérés comme
des produits européens.
Les biens venaient de la côte sénégalaise.
Une partie ou le complément des services était produit
localement. L'on pouvait retrouver sur un même marché des
mêmes produits fournis par les Français et par les Anglais.
Là, les lois protectionnistes favorisaient la France. Il est difficile
de déterminer si une entreprise ne fournit qu'un tel produit seulement.
Le système d'interpénétration permettait aux
sociétés d'avoir une variété de produits. Il est
à noter que l'achat des produits européens était un signe
d'évolution pour l'indigène. La qualité de ceux-ci
n'était pas au centre des préoccupations des différentes
maisons de commerce car le nombre d'instruits de la population était
infime. Par rapport aux exportations les importations sont
négligeables. Même si les chiffres varient selon les
années.
IMPORTATION DES MARCHANDISES DANS LE SOUDAN
FRANÇAIS de 1908 à1924
ORIGINES DES EXPORTATIONS (Importation en
Franc)
|
ANNEES
|
Venant de la France
|
Venant des colonies françaises
|
Venant d'autres pays
|
Totaux
|
1908
|
1272518
|
195000
|
839247
|
2306765
|
1909
|
1980162
|
|
362030
|
2342192
|
1910
|
4221296
|
|
2816805
|
7038101
|
1911
|
9528009
|
345725
|
7622571
|
17496305
|
1912
|
4214946
|
1102978
|
4485875
|
9803799
|
1913
|
6958479
|
1191690
|
2633311
|
10783390
|
1914
|
3068612
|
652140
|
1872128
|
5592880
|
1915
|
2452954
|
504425
|
1728308
|
46856687
|
1916
|
2667501
|
415964
|
1761354
|
4844819
|
1917
|
2038083
|
334215
|
3060190
|
12329449
|
1918
|
5937078
|
296181
|
3096190
|
12329449
|
1919
|
6517693
|
2547408
|
12109253
|
21174354
|
1920
|
5719896
|
482439
|
8303364
|
14505699
|
1921
|
9350027
|
166290
|
3022597
|
12538914
|
1922
|
8954813
|
453614
|
5668248
|
15076675
|
1923
|
14196584
|
1697139
|
15156124
|
31049847
|
1924
|
22098852
|
4627997
|
25672713
|
52399562
|
Source : « Renseignements
Généraux sur le commerce et la navigation des colonies
françaises en 1924» 325-3 (44), Bibliothèque Nationale
du Mali (Bamako)
Courbe d'évolution des importations dans le
Soudan Français
Les chiffres de 1 à
17representent les années de 1908 à 1924
IMPORTATION EN VALEUR PAR PAYS DE
PROVENANCE
(en %)
IMPORTATIONS PAR PAYS DE PROVENANCE
|
Pays de provenance
|
1929
|
1930
|
1931
|
1932
|
France
|
55%
|
55%
|
52%
|
50%
|
Colonies françaises
|
2%
|
2%
|
1%
|
4%
|
D'autres pays
|
43%
|
43%
|
47%
|
46%
|
Source : « Renseignements
Généraux sur le commerce et la navigation des colonies
françaises en 1924» 325-3 (44), Bibliothèque Nationale
du Mali (Bamako)
2-Les Produits africains :
Les produits africains du Soudan Français sont
très variés :du Sahara à la forêt passant
par le Sahel et la savane. Ils sont essentiellement issus de l'agriculture, de
l'élevage de la cueillette, du ramassage et de la chasse. Leur
production avait un caractère de traite. C'est à dire une
production saisonnière. Parmi ces produits nous pouvons citer : le
mil, le riz, les arachides, le coton, le sisal, le niébé, la
kola, la gomme, le kapok, le bétail pour boucherie, le bétail
pour travaux, le maïs, le miel, l'indigo, le caoutchouc, les peaux.
Ces produits étaient destinés à
l'exportation. Ces exportations concernaient la France, les colonies voisines
et d'autres pays. Les produits africains souffrirent de la concurrence
d'autres produits venant d'autres régions du monde telles
l'Amérique Latine et l'Asie française. Les indigènes
étaient très importants pour ce qui concerne ces périodes
de traite. C'est des intermédiaires qui apportaient vers les
ramifications des maisons de commerce les produits constituant le gros des
exportations. Ils faisaient leurs activités dans les marchés
locaux d'ou leur célèbre nom
d' « acheteurs ». On n'avait pas besoin d'être
instruit pour mener cette activité, il fallait seulement avoir le sens
de la mesure. L'Etat français lui-même organisait des achats
surtout au moment des guerres. Pendant ces moments la France éprouve le
besoin de ravitailler principalement ses troupes aux fronts. Les colonies
étaient alors le recours privilégié pour ce
ravitaillement à moindre frais pour la France. Il faut ajouter à
ceci les nombreux cas d'escroquerie et d'arbitraire auxquels se
prêtaient certains fonctionnaires de l'administration et des
représentants des maisons de commerce: c'est l'effet de colonisation.
Cela permit à certains européens et leurs complices
indigènes de cumuler une grande fortune.
Des grands travaux furent entrepris pour accroître
la production agricole, l `Office du Niger fut conçu dans ce cadre
par l'ingénieur Emile Belime. Il devrait permettre de produire une
grande quantité de coton et de riz tout en permettant le
déplacement de près d'un million de voltaïques qui doivent
assurer les travaux de réalisation des infrastructures agricoles et la
main-d'oeuvre pour la culture.
EXPORTATION DES MARCHANDISES DU SOUDAN
FRANÇAIS DE 1908 à 1924
Courbe d'évolution des exportation du Soudan
Français
Les chiffres de 1 à 17representent les années de
1908 à 1924
EXPORTATIONS DANS LE SOUDAN FRANÇAIS
|
|
Année
|
Pour la France
|
Pour les colonies
|
Pour d'autres pays
|
Totaux
|
1908
|
483625
|
|
|
483625
|
1909
|
3159996
|
|
|
3159996
|
1910
|
8900966
|
|
95968
|
8996934
|
1911
|
3684731
|
37749
|
208400
|
3930880
|
1912
|
3357642
|
|
64768
|
3422410
|
1913
|
3552698
|
|
129289
|
3681987
|
1914
|
1673076
|
|
721556
|
2394632
|
1915
|
1448732
|
|
251156
|
1699888
|
1916
|
1521360
|
|
38051
|
1559411
|
1917
|
2652762
|
|
|
2652762
|
1918
|
3352391
|
|
3248290
|
6600681
|
1919
|
3013249
|
47940
|
427505
|
3488694
|
1920
|
572254
|
|
1732090
|
2304344
|
1921
|
1052984
|
120
|
102
|
1053206
|
1922
|
2698307
|
|
|
2698307
|
1923
|
4157436
|
|
|
4157436
|
1924
|
4852732
|
|
|
4852732
|
Source : « Renseignements
Généraux sur le commerce et la navigation des colonies
françaises en 1924» 325-3 (44), Bibliothèque Nationale
du Mali (Bamako)
CALENDRIER DE LA PERIODE DE TRAITE DE CERTAINS PRODUITS
AFRICAINS
Produits
|
Jan
|
Fev
|
Mar
|
Avr-Mai
|
Jun
|
Dec
|
Mil
|
X
|
X
|
|
|
|
X
|
Riz
|
X
|
X
|
X
|
X
|
|
|
Arachide
|
X
|
X
|
X
|
X
|
X
|
X
|
Coton
|
|
X
|
X
|
X
|
|
|
Kapok
|
|
|
|
X
|
X
|
|
Karité
|
X
|
X
|
X
|
|
|
|
Gomme
|
X
|
X
|
X
|
X
|
|
|
Caoutchouc
|
X
|
X
|
X
|
X
|
X
|
|
Légende : X : Période de traite
Source : Hamidou MAIGA Mémoire de
Maîtrise ; « L'Organisation et l'éveil du Soudan
Français de 1919 à 1945 » -Page 45, ENSUP
Département Histoire-Géographie, Session de 1979
3-L'impact des différentes crises sur les produits
Les crises perturbèrent beaucoup le commerce
colonial. Elles furent la cause de la fermeture partielle ou totale de
plusieurs maisons de commerce ou des particuliers. Comme crise, le commerce
colonial en a connu trois principales, à savoir : les deux Guerres
Mondiales et la Crise Économique de 1929.
D'abord la crise de 1929 eut une grande incidence sur les
prix des articles. Elle touche les produits africains plus que ceux
européens. Selon le « Redressement économique de
l'A.O.F. » du 30 octobre 1935 (revue) : la chute est de 58%
pour l'arachide, 59% pour le coton, 66% pour les peaux, 71% pour le
bétail et 73% pour la gomme. Dans l'ensemble les produits africains
perdent ¾ de leur prix tandis que les produits européens ne
perdent que 1/6 de leur prix. Cela provoque une morosité des
affaires de sorte que certains agents de commerce européens se voient
rappeler ou contraints de rentrer. Ce qui favorisa beaucoup le commerce des
Syro-Libanais. Puisqu'il n'y a pas d'encouragement en faveur de la production,
elle chute en même temps que les prix. Les capacités d'absorption
sont réduites et les prix ne sont guère intéressants. Le
marché se rétrécit énormément. Beaucoup de
courtiers ressentent la crise. Elle intensifia le troc dans certaines
régions et provoque son retour dans d'autres qui l'avaient
déjà abandonné, cela devant la raréfaction de
l'argent liquide pour se procurer les denrées de première
nécessité. Donc le troc paraissait comme le seul moyen
d'échange.
BILAN DE LA CRISE ECONOMIQUE DE
1929
1- PRODUITS EUROPEENS
Produits
|
1928
|
1929
|
TISSUS (en mètre)
|
854.799
|
654.699
|
GUINEES (en mètre)
|
3.997.218
|
3.962.280
|
AUTOMOBILES
(en unité de voiture)
|
161
|
111
|
VETEMENTS
(en pièce cousue)
|
37.628
|
39.098
|
SUCRES (en kg)
|
1.585.805
|
875.847
|
SELS (en kg)
|
2.364.392
|
875.051
|
VINS (en litre)
|
377.819
|
293.210
|
Source : Hamidou MAIGA Mémoire de
Maîtrise ; « L'Organisation et l'éveil du Soudan
Français de 1919 à 1945 » -Page 18, ENSUP
Département Histoire-Géographie, Session de 1983
2-PRODUITS
AFRICAINS
Produits
|
1928
|
1929
|
ARACHIDES en coques (en kg)
|
14.327.633
|
248
|
ARACHIDES décortiquées (en kg)
|
12.039
|
79.086
|
KARITÉ, beurre (kg)
|
1.571.511
|
72.983
|
KARITÉ, amandes (en kg)
|
72.983
|
966.118
|
LAINE (en kg)
|
537.608
|
801.120
|
COTON (en kg)
|
1.442.555
|
866.583
|
KAPOK égrené (en kg)
|
722.813
|
913.598
|
KAPOK non égrené (en kg)
|
411.843
|
676.651
|
GOMME (en kg)
|
1.207.953
|
1.845.683
|
PEAUX (en kg)
|
1.298.634
|
1.348.376
|
Source : Hamidou MAIGA Mémoire de
Maîtrise ; « L'Organisation et l'éveil du Soudan
Français de 1919 à 1945 » -Page 19, ENSUP
Département Histoire-Géographie, Session de 1979
Quant aux deux
Guerres Mondiales (celle de 1914-1918 et celle de 1939-1945), elles connurent
l'intensification des exportations par rapport aux temps normaux. La France
organise pour cela des levées d'impôt et éprouve un besoin
énorme pour son ravitaillement de ses troupes aux fronts. L'A.O.F. ne
resta pas en marge de l'effort de guerre, elle y participa. Tous les efforts
sont déployés pour le drainage à moindre frais des
matières premières pour l'industrie française et dans un
bref délai par la logistique de guerre française.
Nos recherches ne nous ont pas permis de trouver des
statistiques pour la Seconde Guerre Mondiale, on ne dispose que des
statistiques pour la Première Guerre Mondiale.
CHAPITRE V :
IMPACT SOCIO-ECONOMIQUE DU COMMERCE COLONIAL
Le commerce colonial pendant le temps qu'il a
existé, causa de nombreuses conséquences au Soudan Occidental. Il
donna de surcroît son sceau aux sociétés qui l'ont connu.
Les conséquences sont très variées.
La France dans ses politiques, mit tout en oeuvre
pour maintenir l'absence d'une industrie au Soudan. Il n'y était pas
de l'intérêt de la France de favoriser une profusion des
unités de transformation des produits constituant l'essentiel des
exportations dans ses colonies. S'il y avait eu une industrie implantée
au Soudan Français, il y aurait d'abord moins de travail pour la
population active de la France, il y aurait une baisse du PIB français,
il y aurait également une réduction des activités des
sociétés dont l'important des opérations constitue
l'exportation. C'était une question de vitalité pour la France
de préparer la future domination de ses colonies. Il faut
reconnaître qu'elle n'écartait pas de faire face un jour à
un éveil des différents territoires. Elle avait vu l'exemple un
peu partout dans le monde et au cours de l'histoire des peuples demander
l'indépendance : les cas des nationalismes européens
(Catalogne, Pays Basque, Ecosse, Irlande, etc.), le cas des Etats-Unis
d'Amérique, etc. Ces prévisions ne favorisaient guère une
préparation des colonies à une indépendance vis à
vis de la métropole (France). L'événement qui va alerter
la France est la naissance des unités de transformation des arachides au
Sénégal vers les années 40 du XX ème siècle
qui amena des problèmes entre la France et le Sénégal.
Cela comme si une expérience de laboratoire qui donna une ébauche
de réflexion pour les colonialistes. Cela poussa les Français
à donner au cacao au sein de l'espace A.O.F. une importance
(introduit depuis 1908 en Côte d'Ivoire). Etant donné que les
produits africains bruts transformés en Afrique revenaient beaucoup
plus chers pour une fois sur le sol africain. Ce qui crée une large
marge bénéficiaire pour les compagnies françaises. Et
puisque des sociétés industrielles existaient
déjà en France, il fallait alors pour la France
d'accroître leur chiffre d'affaire, de développer leurs
activités dans une Europe ou la concurrence était
d'actualité et connaissait ses plus grandes rigueurs, sans laisser
d'ouverture aussi petite que soit elle à l'adversaire : une
concurrence rude, pure et dure. Surtout que l'Occident bourgeois
impérialiste et libre échangiste prônait la production et
la vente comme seule raison et seul objectif d'une entreprise qui veut
éviter la disparition.
Parmi les conséquences nous pouvons aussi
énumérer la conservation jalouse des facteurs de décision
pour tout ce qui concerne les échanges internationaux. La France fit
tout également afin de détenir le pouvoir de fixation des prix.
Les prix des matières premières étaient fixés
depuis l'Europe. Les Africains subissaient les décisions.
L'indigène qui produit, vendait son produit au prix fixé par la
métropole. Les prix venaient de la bourse de Paris ou les
sociétés installées dans l'Afrique Noire Française
étaient cotées. Ces structures fixaient les prix au gré
des sociétés et en leur faveur. Ces sociétés une
fois sur le sol africain, disposaient des marges de manoeuvre en fonction des
réalités auxquelles elles font face : ainsi l'arachide
achetée a Dioïla et à Bougouni était moins
chère que celle achetée à Kayes la différence de
prix étant compensée dans le transport puisque les
matières premières étaient drainées vers la
côte sénégalaise et Kayes étant plus proche de la
côte que ces deux localités citées. Cela s'avère une
arme redoutable pour les colons et un moyen de dépendance des colonies
à elle, pour éviter toute future indépendance des
colonies : c'est aussi l'effet de colonisation. Ce phénomène
est surtout accentué lors des deux Guerres Mondiales, ou la France pour
ravitailler les troupes aux fronts créait un type d' ''état
d'urgence'' en baissant relativement les prix.
Pour parler de ces moments de crises, il faut surtout noter
la raréfaction de la liquidité monétaire, alors que
l'indigène doit s'acquitter de ses obligations fiscales. Il se retrouve
dans une situation ou il est obligé de donner une partie de ses
récoltes à la place de la monnaie. Et là encore il
revenait aux autorités coloniales de fixer les équivalences entre
cet impôt exceptionnellement en nature et la somme d `argent
imposé. Ce qui ne pouvait qu'accroître la pauvreté sinon
la misère de l'indigène.
Une des conséquences également du
commerce colonial fut la spoliation des terres soit disant `'vacantes'' par un
décret de 1935. L'administration devant le fait que les cultures
créent une spéculation attribuant des terres soit au commandant
de cercle ou aux maisons de commerce, pour les permettre de les mettre en
valeur. Cette administration respectait la voie tracée par la politique
colonialiste de la France. Et ces terres n'étaient pas parmi les moins
riches, en réalité. Cet acte s'inscrit dans le lot des actes
d'arbitraire que commettait la France à cette époque.
Après tout la colonisation ne respectait pas avec rigueur les textes que
les métropoles elles-mêmes avaient écrits, les exigences
philanthropiques et humaniste du XX ème siècle n'étaient
pas au centre de leur préoccupation. La colonisation dans sa logique,
devrait exploiter les ressources aussi humaines matérielles que
spirituelles des clonies concernées.
Les autorités coloniales par prétexte avaient
décidé de créer des greniers de semences de
prévoyance pour les campagnes suivantes, on les appelait : les
`'sociétés de prévoyance''. Elles étaient
installées au niveau des cercles et les commandants en étaient
les présidents de leurs assemblées générales. Ces
commandants utilisaient les réserves à des fins de commerce.
Pour clore la partie, nous évoquerons l'une des
conséquences les plus durement ressenties. Le commerce a
éprouvé le besoin de construire les infrastructures pouvant
soutenir une fluidité importante et permettant des échanges
entre les régions. Parmi ces infrastructures, il faut citer les routes
les ports, les voies ferrées et les ponts. Ces différentes voies
sont jalonnées de cimetières. Le bilan humain de ces ouvrages est
très lourd, on peut les qualifier de travaux forcés7(*). Ces infrastructures sont les
fruits des sacrifices consentis dans la douleur et dans la force.
Les commandants pour satisfaire leur soif de
produire pour eux-mêmes au besoin du commerce colonial, passaient par
des actes d'arbitraire. Les autorités coloniales avaient estimé
que les indigènes manquaient d'argent en liquidité, et les
obligeaient à effectuer des travaux dans les champs de coton des
commandants. Ces commandants tiraient un grand profit de ces pratiques. Cela
était surtout favorisé par les maisons de commerce qui se
chargeaient de l'exportation de ces cultures africaines qui encourageaient
beaucoup la spéculation.
Un autre phénomène qui devrait obliger les
indigènes à vendre leurs produits à prix relativement bas,
est le paiement de l'impôt de capitation (l'impôt per capita). Cet
impôt le deuxième pilier des recettes budgétaires
après les droits de douane. La chose qui pouvait manquer surtout au
sujet moyen était l'argent liquide. Cela est attesté par la
comparaison entre la valeur des exportations à celle de
l'importation, nous verrons que les exportations dépassent de loin les
importations. C'est à dire que le but principal des maisons de commerce
était de drainer les richesses de l'Afrique vers le vieux continent.
CHAPITRE VI :
IMPACT HISTORIQUE DU COMMERCE COLONIAL
Le commerce colonial causa également des
conséquences historiques au Soudan Français. Ces
conséquences sont très variées et marquent de nos jours
encore, les sociétés s'y trouvant là. Leur physionomie
et leur mode de vie en résultent des changements que le commerce
colonial en a introduits. Ces sociétés prirent désormais
une nouvelle classification et une nouvelle mentalité. Elles
révisèrent de facto leur considération avec l'Occident
et tentent de définir le genre de relation qu'elles doivent traiter avec
ce dernier.
Comme conséquences, nous évoquerons d'abord les
mouvements de population que le commerce colonial a provoqués. Les
autorités coloniales avaient ciblé des zones de production pour
chaque culture commerciale. Les populations furent soit stimulées soit
forcées de se déplacer au gré de cette politique.
L'arachide, qui était l'une des cultures d'exportation, était la
spécialité du Sénégal, Kayes et ses environs, ainsi
qu'une partie de la troisième région du Mali actuel. Des
populations effectuèrent des migrations pour les différentes
zones de production. L'ouest du Soudan Français, particulièrement
le Bélédugu, fut un réservoir de main d'oeuvre pour la
culture de l'arachide à Kayes et à Sénégal. Les
populations immigrées au Sénégal, de nos jours n'ont pas
encore fini leur intégration, car conservent encore des survivances
ethniques de leurs localités d'origine. Ainsi, nous retrouvons des noms
de famille allogènes dans les régions de production
arachidière. Pour cette même culture, mais cette fois ci pour la
troisième région de l'actuel Mali, une mobilité de
population fut provoquée. La classification de certains villages
aujourd'hui dans zone résulte de cette mobilité.
Le coton aussi connaît ce phénomène.
Associé au riz, il devrait être une des raisons de l'Office du
Niger dans la conception de l'ingénieur Emile Bélime. Des
Voltaïques ont été déplacés pour la
réalisation du barrage de Markala (1934-1947) et plus tard
l'exploitation de l'espace ainsi aménagé. Dans les
prévisions ces travaux devraient déplacer 1.500.000
Voltaïques, mais l'administration coloniale n'a pu atteindre que 13.000
vers les années 40. L'installation des colons s'effectua sous deux
principales formes, à savoir : le recrutement forcé
intérieur et extérieur et la migration volontaire. Le recrutement
extérieur concerna les peuples Mossé et Samo de la Haute-Volta
(vers Ouahigouya). Le recrutement intérieur concerna le pays Minianka
des cercles de Koutiala et de San. Quant à la migration volontaire,
elle concerne la quasi-totalité des régions du Mali actuel,
principalement les Dogons entre 1930 et 1970. Ces populations, celles issues de
la migration intérieure et extérieure, ainsi que celles de la
migration volontaire, se considèrent aujourd'hui comme des Bamananw. Il
n'est pas étonnant de voir des villages entiers qui n'ont pas d'histoire
au-delà du début du XX ème siècle. Le terme de
`'Kolon'' désignant la zone inondée pour la culture du riz, est
l'appellation commune donnée au cours du temps à la zone
habitée par les colons voltaïques et de l'intérieur du Mali
actuel. Les colons ont donné leur nom à cette localité.
Les populations s'y sont installées ex nihilo comme à la
`'soviétique''. Le fond de peuplement de la zone couverte en grande
partie par l `Office du Niger, est constitué par un substratum
voltaïque. Avec le cas de l'Office du Niger, on peut parler d'une
intégration totale.
En dehors de la production agricole, les grands ouvrages
aussi provoquèrent les déplacements de population. Nous avons
principalement le rail, les ponts, les routes, les barrages.
Le commerce colonial instaura une culture de la
révolte organisée, comme celle contre l'autorité
centrale établie. En 1925 au cours des mouvements des cheminots, trois
meneurs de la grève furent arrêtés. La crise
s'intensifia en donnant naissance à d'autres grèves, au cours
desquelles des troupes bambara refusèrent de tirer sur les meneurs, et
exercèrent une pression sur l'administration qui finit par
libérer les détenus. Ces manifestations firent écho, et
des grèves s'ensuivirent. Les raisons de ces révoltes
étaient nombreuses. Elles vont de la baisse des prix des produits de
l'indigène aux travaux forcés pour la construction des
infrastructures. La France, pour enrayer le mouvement syndicaliste naissant
conditionna le droit de syndiquer à la maîtrise parfaite du
français (écrire et parler correctement). Les instruits à
cette époque étaient très rares au Soudan
Français. Nonobstant ces mesures, les premières révoltes
étaient teintées de syndicalisme. Les mécontentements des
producteurs étaient généralement provoqués par les
maisons de commerce.
Le commerce colonial provoque une spéculation. La
spéculation concerne les cultures principalement. Les terres subissent
une répétition étalée sur plusieurs années
d'une même culture sans observer les mesures d'accompagnement. A partir
de là, on observe un épuisement des sols. L'épuisement
des terres peut marquer sur le long terme l'agriculture d'une région
et d'une nation, ce qui par la suite peut même affecter son
économie. Probablement, l'usage massif des engrais chimiques par les
paysans actuels résulte des solutions à apporter à cet
épuisement des terres.
La France dans sa politique commerciale coloniale n'a
pas causé que des conséquences négatives, elle a
positivé cette colonisation commerciale d'autres parts. L'exportation
massive des produits vivriers africains en France, surtout pendant les deux
Guerres Mondiales, suscita des réflexions en France. Cette exportation
causa des famines en Afrique, particulièrement dans les
sociétés du Soudan Français. Par objectivité
scientifique, des consciences de la nouvelle éthique médicale,
vont se lancer dans un volontariat pour enrayer les effets des famines. Ainsi
l'Institut Pasteur voit le jour à Dakar en 1910, l'Institut de la
Lèpre est créé à Bamako en 1934 et l'Institut Muraz
est créé 1934 à Ouagadougou. L'A.M.I. (Assistance
Médicale Indigène) qui auparavant était
créé depuis 1905, facilita l'accès au traitement. Les
soins étaient gratuits. Nous pouvons évoquer cette
expérience comme conséquences positives du commerce colonial. De
nos jours encore, ces infrastructures médicales continuent à
servir. Et il faut reconnaître qu'elles ont connu une revitalisation
périodique. Les raisons de la création de ces infrastructures
furent les réponses que voulaient apporter certains scientifiques
dotés de manière désintéressée, et le plus
souvent ces infrastructures fonctionnent par un personnel majoritairement
constitué de missionnaires chrétiens particulièrement les
soeurs. A côté de ces centres de soins, existaient des centres de
recherche. Et il n `est pas étonnant non plus de voir un centre de
soin jumelé au centre de recherche. Cette entreprise posa les jalons de
la recherche médicale dans les pays du Soudan Occidental sur les
maladies tropicales. Ainsi des épidémies étaient
affrontées. Vu les moyens dont, ils disposent et le niveau du personnel,
les efforts consentis ne donnaient pas les mêmes résultats que nos
campagnes de lutte contre les épidémies.
La France a apporté une contribution et provoqué
certains phénomènes qui furent par la suite
bénéfiques pour ses colonies après l'indépendance.
Parmi ceux ci, nous pouvons citer le développement de certaines
cultures pouvant soutenir les exportations d'un pays. L'arachide est
aujourd'hui l'une des richesses d'exportation du Sénégal et une
des matières premières pour l'industrie embryonnaire du Mali.
Cette culture fut par les soins du commerce colonial développée.
Avec leur développement, les régions les pratiquant, en partie,
y accumulèrent une grande expérience, pour leur transformation
et pour leur commercialisation. Elles sont au centre des travaux des centres de
recherche agronomiques installés dans les différents pays
concernés.
Le coton aussi, dont la culture fut développée
par le commerce colonial, connut également un essor. Il fut la
richesse des sociétés rurales qui pratiquent leurs cultures. Et
pour le cas du Soudan Français, après l'indépendance, la
filière coton se développa et est un des piliers de
l'exportation du Mali. Avec la compagnie qui s'occupe de son exploitation
(C.M.D.T), le coton, avec la polémique qui l'entoure, contribue à
la réduction du chômage au Mali et une source de revenu pour les
paysans. Cette compagnie s'est assignée d'autres missions, à
savoir : la réalisation des infrastructures rurales qui contribuent
à desservir certaines parties importantes du pays. Le
développement de la culture du coton a permis également de
commettre les moniteurs d'agriculture dans une mission les amenant même
à former les paysans sur la culture d'autres plantes vivrières
(soja, manioc).
Avec le commerce colonial, le karité devient une
plante très prisée pour ses amandes pouvant donner de la
matière grasse intéressante pour les industries. Le commerce
colonial permit d'intensifier la cueillette et le ramassage du karité.
Avec le fruit des recherches récentes, il est apparu que le
karité peut remplacer le cacao dans l'industrie alimentaire. Ses
recherches furent surtout occasionnées par l'importance que le commerce
colonial donna au karité.
Nous avons évoqué ainsi ces cultures
parmi tant d'autres qui étaient exploitées par le commerce
colonial. Parmi celles ci nous pouvons citer le kapok, la gomme arabique, le
riz, etc. Beaucoup de ces cultures connurent le même essor qu'en ont
connu le cacao et le café en Côte d'Ivoire. En 1938, les 2/3 des
planteurs ivoiriens étaient des noirs. Ce qui permit à cette
classe de constituer un capital important permettant de créer des
unités de transformation de bases des matières premières
locales et de facto la naissance d'une classe ouvrière.
Les infrastructures issues de la demande du commerce
colonial, constituent aujourd'hui, l'essentiel des infrastructures dont
disposent les Etats africains concernés. Elles ont été au
temps de leurs réalisations des progrès, même si il faut
mentionner leur déficit à cette époque ou elles ont
été réalisées. Après les
indépendances, de nos jours certaines d'entre elles n'ont pas connu de
réhabilitation. Et continuent à être utilisées.
Pour réaliser ces infrastructures, il a fallu
baliser le terrain avec des travaux géographiques. Cela permit de
préciser les connaissances et de rendre consistant les démarches
désormais à suivre. Plusieurs repères géographiques
des pays du Soudan Occidental datent de cette période. Ces travaux
constituent les bases pour les nouvelles générations de
scientifiques. En dehors des connaissances scientifiques qu'a
engendrées la réalisation des infrastructures, les
héritages matériels mêmes constituent un acquis dont
ont bénéficié les pays colonisés. Le Mali souffre
aujourd'hui du déficit d'infrastructures routières, car il
n'en a pas réalisé jusqu'à hauteur des besoins. N'eut
été les travaux des colonisateurs, le manque allait
évoluer croissant, même si certains grands chantiers sont
ouverts. Nous pouvons qualifier de positive la colonisation dans ce sens.
D'autres aspects peuvent nous permettre de positiver
encore la colonisation. Il s'agit de la connaissance de l'économie de
marché et l'avènement d'un éveil économique. La
naissance de l'esprit de créativité, la mise en place et
l'activité des institutions financières, la stabilisation des
prix (Mercuriales), ainsi que l'organisation de la production et de sa vente
en sont la résultante. L'esprit de créativité permit aux
hommes de penser, d'agir et transformer le milieu naturel dans lequel ils
vivent. C'est la condition sine qanun pour tout développement
à long terme. Après même l'indépendance, les
anciennes métropoles vont appuyer (tardivement) les structures de
soutien de cet esprit de créativité : P.A.I.B. (Programme
d'Aide aux Initiatives de Base), les foires d'innovation et d'inventions de la
Banque Mondiales et de l'Agence Internationale de la Propriété
Intellectuelle. Ce concept particulier constitue un potentiel idéel
pour la naissance d'une économie puissante.
Quant aux progrès dans le domaine de
l'entreprenariat, ils permirent surtout aux uns et autres de se mettre
à l'abri de la demande permanente de moyen de subsistance. Avec ces
progrès, désormais, une dynamique entreprenariale naît.
Les institutions financières constituent, dans leur
conception, des structures facilitant la promotion et le développement
des différentes opérations économiques, à
savoir : les épargnes et les prêts de divers types. Avec la
révolution que le domaine a connu (prêt pour l'habitat, pour le
commerce, pour les investissements, pour l'action sociale, etc.), il constitua
un des facteurs de la croissance économique.
La stabilisation des prix est un phénomène qui
est capital pour tout commerce. Il fait partie du cadre organisationnel du
commerce. Le commerce ne pouvant prospérer dans une anarchie due
à la non uniformisation des prix, les Mercuriales s'imposaient comme
une solution à cette anarchie. Il faudra reconnaitre que
l'uniformisation systématique des prix n'était pas un
phénomène très présent dans les cultures
africaines. Elle est un des concepts introduits avec l'arrivée des
Européens qui ont effectué le commerce colonial.
Un autre phénomène ayant favorisé
la croissance, est l'organisation de la production et sa vente comme
précédemment évoqué. Avec le commerce colonial,
cette idée est introduite. La révolution fut surtout le concept
à la grande échelle : de la production de subsistance
à la production de masse. C'est la condition pour un accroissement
de marge bénéficiaire de toute entreprise. Selon les
théories libéralistes du capitalisme, une société
qui dispose d'une forte logistique ainsi qu'une grande capacité de
production et d'une grande capacité de vente est une
société qui ne peut que s'affirmer sur la scène locale et
internationale.
Pour évoquer toujours le cadre organisationnel, nous
devrons faire allusion aux organisations commerçantes et autres corps
à savoir : les chambres de commerce, les organisations des
professions libérales. Ces dernières aussi sont des
introductions du commerce colonial. Elles permirent la fluidité et la
promotion du commerce. L'organisation aussi du cadre législatif
s'inscrit dans cette dynamique. Nous constatons aujourd'hui avec les
activités des organisations sous-régionales (UEMOA, BCEAO,
CEDEAO), qu'il y a eu une uniformisation des législations dans les
différents espaces concernés, pour la circulation des biens, des
services et des personnes, ainsi que la liberté de création
d'entreprise. Ces organisations sous-régionales s'inspirent des
expériences des structures coloniales.
Toutes ces données ne peuvent que favoriser
l'économie de marché, qui est un état d'évolution
spontané. Avec la mise en place des structures économiques et le
développement de certains concepts, nous assistons à
l'avènement de cette économie de marché. Le facteur
principal de cette forme d'économie est la présence de la
propriété privée. Elle est inhérente à
l'économie de marché. Selon les libéralistes, la
propriété privée est la motivation principale pour la
production. La liberté de produire et de vendre étant permise,
l `homme doit sa survie et son épanouissement dans la possession
à lui et à lui seul, des propriétés inaccessibles
par les autres sans une préalable autorisation de la dite personne et
protéger par des sanctions dont disposent des forces de contrainte,
à savoir : la justice, les forces de l'ordre et de
sécurité. Ces concepts ont trouvé libre cours avec le
commerce colonial. Il serait aberrant de dire que la propriété
privée était inexistante au le Soudan Français pendant la
période précoloniale, mais elle n'y existait pas à
l'état ou les théories capitalistes la conçoivent. La
philosophie africaine basée sur la sagesse populaire dont les
principaux tenants sont : N'Nkrumah, Towa, Cheick Anta Diop, admettent la
présence d'une propriété privée négligeable
dans leurs théories ou ils mentionnent la connaissance d'un socialisme
africain. Ceux ci croient que le socialisme exista d'abord en Afrique, mais ce
fut un socialisme primitif qui manqua de théories et des écrits
élaborés aux exigences de la science.
CONCLUSION
Le commerce colonial a beaucoup influencé l'histoire de
l'Afrique sur tous les plans. Il fut l'occasion de procéder à un
pillage systématique des richesses de l'Afrique. Avec les
différentes pratiques qui y ont prospéré pendant son
évolution (dégradation volontaire des prix, escroquerie, abus de
pouvoir des administrateurs, réalisation forcée des
infrastructures, etc.), les séquelles de la traite
négrière prirent corps et ampleur. Ces séquelles ont
continué à être aussi celles du commerce colonial. Cela
voudrait dire que les deux formes de commerce ont infligé à
l'Afrique les mêmes fléaux, mais à des variantes
près. Ces variantes sont dues aux différentes situations
résultant de l'évolution des régions peuplées de
l'humanité. L'état actuel de l'Afrique traduit la
misère, la dépendance, la désillusion et la perturbation
des moeurs. L'imposition des cultures commerciales au détriment de
celles vivrières, pèse de nos jours non seulement sur la vie
sociale mais aussi sur la vie économique des différents Etats
colonisés. Le déficit alimentaire entraîna un
déséquilibre instaurant une situation de dépendance
alimentaire à l'Occident. Ce fléau alimentaire est à la
base de la dislocation des structures sociales de nos
sociétés : la famille, les chefferies traditionnelles ainsi
que les autres formes de collectivité. L'autorité fit une
mutation. Elle fut bafouée et monétisée. Cette situation
suscite des grandes préoccupations par certains milieux universitaires
africains de vocation tantôt marxiste ou néo-marxiste,
tantôt nationaliste.
La traite négrière qui fut l'occasion de
connaître certaines inhumanités de l'Occident est au centre des
travaux de certains chercheurs de nos jours. Il est possible aujourd'hui de
parler d'une continuité entre celle-ci et le commerce colonial. Ils
forment ensemble un processus historique qui continue de façon
irréversible dans les ex-colonies, même si occasionné par
des facteurs internes et externes. Ces différentes évolutions
donnent des inquiétudes pour les générations à
venir. Leur avenir parait hypothéqué. Les facteurs essentiels
pour le développement durable sont à rechercher ou à
restituer. La présence de ces facteurs essentiels est inhérente
à l'épanouissement de ces générations ainsi que
leur affirmation au rendez-vous des peuples ou des communautés. La
pratique du commerce colonial priva l'Afrique des moyens de son
indépendance notamment la détention des centres de
décision (fixation des produits qui soutiennent principalement
l'économie), le choix des cultures et leur compatibilité avec les
réalités des différents pays (réalités
sociales, politiques, culturelles et économique). L'Afrique reçut
sa part dans la propagation sur la planète des effets de
l'industrialisation amorcée en Occident. L'industrialisation se
définit comme la mise en place des unités de transformation des
produits de base occasionnant la recherche effrénée du gain
déshumanisant les relations humaines. Le marxisme et le
néo-marxisme en dit plus sur ces effets.
L'évolution actuelle qui est à la mondialisation
nous oblige à créer entre les différentes régions
du monde une plus grande intégration favorisant leur
épanouissement commun. Les traces de ce passé colonial
constituent avec d'autres facteurs identitaires la difficulté majeure
pour cette intégration. Ce qui traduit aujourd'hui les tensions qui
règnent dans le monde.
BIBLIOGRAPHIE
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généraux
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Editions Fayard, Paris, 1996
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XVIIIe siècle, Edition Plon, Paris, 1973
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ENSUP, Département Histoire-Géographie, Session 1979
Archives
IQ115 Fonds Récents, Archives
Nationales du Mali à Koulouba : Correspondance de Terrasson de
Fougères Lieutenant-Gouverneur du Soudan Français à Carde
Gouverneur de l'AOF
Q250 Fonds Anciens, Archives Nationales du
Mali à Koulouba : décision n°949 du 01er
décembre 1916 interdisant les cauris et Arrêté
n°838 du 27 juillet 1920 mettant en vigueur la Décision
n°949.
Renseignements Généraux sur le Commerce et
la Navigation dans les colonies françaises en 1924, 325-3 (44)
Bibliothèque Nationale du Mali à Bamako
Sites web
http://www.sedet.jussieu.fr/sites/Afrilab/documents/Documents.htm
http://www.anamnesis.fl.ulaval.ca/wordpress/?cat=3
http://www.wrm.org.uy/bulletinfr/69/AF.html
http://gallica.bnf.fr/VoyagesEnAfrique/Chrono/T_Chrono3.htm
http://hypo.ge-dip.etat-ge.ch/www/cliotexte/html/colonisation.colonies.6.html
* 1Maurice Delafosse,
Haut-Sénégal-Niger, Page 383, Tome 3 : « en
1867, un commis nommé Bazy réussi à faire de fructueuses
opérations commerciales dans le pays de Galam. Il aurait
pénétré librement la future colonie du
Haut-Sénégal. Il serait le premier Français à
commercer dans cette zone selon la même source. La construction des forts
était un moyen de favoriser le commerce des Français dans les
vallées du Sénégal et Niger. Faidherbe justifiait la
construction du fort de Médine en ces termes : « El Hadj
Omar avait anéanti notre commerce au-dessus du Bakel et fait tout son
possible pour l`anéantir au-dessous. Il ne cachait plus ses projets
à notre égard il disait :'' Les Blancs ne sont que des
marchands ; qu`ils apportent des marchandises dans leurs bateaux, qu`ils
me payent un fort tribut lorsque je serai maître de tous les Noirs et je
vivrai avec eux en paix. Mais je ne veux pas qu`ils forment des
établissements à terre, ni qu`ils envoient des bâtiments
de guerre dans le fleuve... »
* 2 Maurice Delafosse,
`'Haut-Sénégal-Niger `' G.P. Maisonneuve et Larose, Tome 3 P
383
* 3Joseph Ki-Zerbo,
`'L'Histoire de l'Afrique Noire d'hier à demain `' Paris1978, Editions
Hâtier, PP 429-464.
* 4 Mme Rokiatou N'Diaye
Keïta, ''Kayes et le Haut-Sénégal '' Tome1 Page 103 ;
« Il faut noter qu'ils acceptent les conditions de vie les plus
dures, passant souvent la nuit dans leurs boutiques, couchés à
même le sol sur une natte, souvent ils conservent un train de vie
modeste même lorsque les affaires deviennent prospères »
* 5 IQ 115 Fonds
Récents Archives Nationales du Mali à Koulouba
* 6 La décision No 949
du 1er décembre 1916 interdit le paiement des impôts en
cauris et d'autres monnaies différentes de celle de la France. Cette
décision entre en vigueur par l'arrêté n° 838 du 27
Juillet 1920, Q250 Fonds Anciens, Archives Nationales du Mali à
Koulouba.
* 7Joseph Ki-Zerbo, `'L'histoire
de l'Afrique Noire, d'hier à demain'' Editions Hâtier, Paris 1878,
P433 : « Les routes, les ports, les voies ferrées,
à l'absence de matériels (on limitait au maximum l'achat des
machines), ont été construits à la main par des hommes et
des femmes. Celles-ci passaient des semaines et des mois à damer les
routes comme le plancher de leur case. Nul ne peut compter le nombre d'heures
de travail ainsi systématiquement extorquées. »