INTRODUCTION GENERALE
« Il faut donc s'arrêter
aux seules relations qui puissent légitimement lier les hommes entre
eux, c'est à dire à celles qui naissent d'un engagement
réel. Il n'y a point d'engagement s'il n'est fondé sur la
volonté libre des contractants. Donc, point d'association
légitime si elle ne s'établit sur un contrat réciproque,
volontaire et libre de la part des
co-associés. »
Reconnaissance et exposition
raisonnée des
Droits de l'Homme et du Citoyen lue les 20
et 21 juillet au Comité de la Constitution
Par l'Abbé Sieyès.
De nos jours, remarque Guy Hermet1(*), le mot
« démocratisation » est devenu un label presque
banal que nous donnons à tout ce qui est bon et souhaitable pour le
public. Que l'entrée des facultés soit maintenant ouverte
à tout le monde et nous concluons par exemple que les études
universitaires se « démocratisent ». Il est pourtant
difficile de s'exprimer autrement lorsqu'il s'agit de considérer le
passage d'une forme de gouvernement non démocratique à une autre,
cette fois-ci démocratique dans un pays donné. Dans ce cas
précis, le terme de démocratisation se comprend par exception
dans sa signification exacte qui est politique. Elle se rapporte au processus
d'établissement d'un régime pluraliste ainsi qu'à son
résultat apprécié tant au niveau de son enracinement
durable que de son authenticité en matière de respect de la
volonté populaire et des droits de l'homme. Ce « passage
à la démocratie », stigmatisé sous le vocable de
transition démocratique s'est effectué dans la plupart des Etats
africains en général et en République centrafricaine (RCA)
en particulier autour de l'année 1990 dans un contexte marqué par
la fin de la bipolarisation du monde et surtout du triomphe de la
démocratie libérale. Il s'est également traduit par
l'introduction du thème d'élection pluraliste dans les sujets des
débats politiques et sa consécration comme le
procédé par excellence de légitimation du pouvoir
politique2(*). D'aucuns
pensaient alors que ce réveil démocratique ne serait pas
seulement le contrecoup des mouvements sismiques qui avaient secoué les
systèmes sociaux et politiques de l'URSS et des Etats de l'Europe
orientale et centrale depuis 1989 et remodelé les données de la
vie internationale. Il serait également dû à des causes
internes3(*),
spécifiquement à la RCA. Avant même la perestroïka, le
pays avait d'ailleurs amorcé le processus de déconcentration du
pouvoir et même tenté l'expérience démocratique afin
de sortir de l'impasse dans laquelle l'avait conduit soit une militarisation de
ses structures gouvernementales soit un monopartisme bureaucratique4(*). En fait, l'histoire politique
de la RCA est jalonnée par deux dates presque d'égale
importance : 1960 constituant l'indépendance avec le début
d'exercice des compétences nationales et internationales d'un à
Etat devenu véritable sujet de droit et 1990, constituant l'éveil
à la démocratie et le début d'un encadrement juridique du
processus de dévolution du pouvoir dans cet Etat5(*). La particularité de cet
éveil à la démocratie se situe beaucoup moins dans
l'appropriation des concepts que dans le processus de son établissement
que nous voulons en faire notre sujet de réflexion. Il importe donc de
situer le cadre théorique de cette étude pour mieux cibler son
objectif et définir les prolégomènes
méthodologiques.
I- ELECTION ET TRANSITION DÉMOCRATIQUE COMME
CADRE THÉORIQUE D'ÉTUDE
Le présent thème d'étude
intitulé « Elections et transition démocratique en
République Centrafrique » se veut être l'analyse,
à travers les différentes élections, de la transition
politique qu'a lieu en RCA depuis 1990 et qui y a permis un éveil
démocratique. Mais, toute appréciation du processus de changement
politique suppose que soient précisés d'une part, son objet et
d'autre part, son champ d'étude.
A- Election et transition démocratique comme objet
d'étude :
S'interroger sur le rôle de l'élection dans
la transition démocratique suggère au préalable la
restitution critique des différentes théories
échafaudées jusque là au sujet de ces concepts. Mais, l'on
ne saurait procéder cette restitution si en amont l'on ne donne quelques
éclaircissements sur le concept même de
« démocratie ».
1- Le concept de démocratie :
la notion de démocratie renvoie à la fois
à la doctrine politique et au système politique. En ce qui
concerne le concept, malgré la contribution de la doctrine à son
analyse théorique6(*)
et des expériences démocratiques plus ou moins réussies,
il est toujours à regretter des confusions orchestrées par le
langage, le discours politique et certains systèmes politiques qui
rendent difficile tout effort de clarification théorique. Il n'en
demeure pas moins que toute définition de la notion doit tenir compte de
son idéalité et de sa réalité. Ainsi, la
démocratie, pour reprendre la formule d'Abraham Lincoln, comme
« gouvernement du peuple, par le peuple et pour le
peuple », consacre la souveraineté politique du peuple
comme origine et finalité du pouvoir. Le peuple trouve donc tout son
rayonnement dans la démocratie et Hans Kelsen n'a pas
manqué de le préciser : « Idéalement, la
démocratie est une forme d'Etat ou de société dans
laquelle la volonté générale est formée (...) ou
l'ordre social créé par ceux qu'il est appelé à
régir, le peuple. Démocratie signifie identité du sujet et
de l'objet du pouvoir, des gouvernants et des gouvernés
(...) »7(*). Comme
forme de gouvernement, elle s'analyse, selon Samuel Huntington, en terme de
source d'autorité de ce gouvernement, des buts poursuivis et de la
procédure de sa constitution. L'essentiel de cette procédure
réside alors « dans la désignation du dirigeant
par le vote populaire à la suite d'élection mettant en lice
plusieurs candidats »8(*). A cette étape de notre étude, nous ne
saurions nous étendre sur toutes les variantes de ce concept aux
contours divers sinon qu'un régime politique est démocratique
à mesure où, à l'intérieur du système, les
hauts dirigeants sont choisis dans le cadre d'élections honnêtes,
ouvertes à tous et revenant à dâte fixe et au cours
desquelles les candidats s'affrontent librement pour obtenir le suffrage
populaire. Cette approche définitionnelle a l'avantage de mettre en
exergue l'élection comme seul moyen de désignation par les
gouvernés de leurs gouvernants, confirmant le principe selon lequel il
n'y a en démocratie d'autorité légitime que celle issue
d'une élection9(*).
2- La notion
d'élection : dérivant du verbe latin
« eligere » qui signifie choisir, l'élection est,
selon le lexique des termes juridiques, le « choix
par les citoyens de certains d'entre eux pour la conduite
des affaires publiques1(*)0 ». Expression périodique des
opinions et des préférences politiques des
citoyens, elle est, selon un avis désormais unanime, une
condition sine qua none de légitimité de l'ordre
politique. Pour Jean Claude Masclet, la notion d'élection politique rend
mieux compte de la réalité démocratique car elle est
associée à la notion de citoyenneté et cela la
différencie nettement des élections à caractère
professionnel où l'électorat se trouve distribué en
catégories définies suivant l'appartenance professionnelle ou
même suivant la fonction dans le milieu du travail. Est donc, selon cet
auteur, « élection politique, celle dans laquelle le citoyen
s'exprime en cette qualité et intervient comme agent d'exercice de la
souveraineté nationale1(*)1 ». L'élection politique est
inséparable de la démocratie dont elle exprime les valeurs et
contribue au passage d'un régime de type monolithique au pluralisme
démocratique.
3- Le concept de transition
démocratique : Comme la démocratie, la
transition démocratique est le type même de concept dont le
parcours théorique demeure encore ambiguë et contradictoire. En
effet, ce qu'on qualifie sous le vocable de « transition
démocratique » a fait l'objet de plusieurs études
théoriques et suscité des espoirs depuis près de trente
ans avec la chute de la dictature franquiste en Espagne, la disparition des
régimes militaires en Amérique Latine et surtout avec
l'effondrement du bloc communiste et les vagues d'ouverture démocratique
en Afrique dans les années 19901(*)2. Conçu au départ pour rendre compte
d'une manière théorique du « passage à la
démocratie » d'un nombre croissant des pays du sud et de
l'est au cours des années 1980 et ceci, dans le sillage des
démocratisations ibériques, le concept se présentait alors
comme contingent avec des limites spatio-temporelles1(*)3. Mais avec les vagues de
démocratisation des années 1990 dont la plupart se sont vite
essoufflées ou ont régressé, les transitologues ont peu
à peu étoffé le concept en intégrant une dimension
temporelle dans l'analyse du processus1(*)4. La doctrine actuelle de la « transition
démocratique » est orientée vers l'analyse de ses
consolidations avec un accent particulier mis sur les facteurs sociaux internes
et externes susceptibles d'influencer le processus. La transition
démocratique s'analyse donc en une « extension progressive du
principe de citoyenneté à un nombre plus vaste de participants
et/ou à un champ politique plus vaste dans la perspective d'une prise de
décision collective ou par l'intermédiaire des
représentants élus ». Ce passage s'effectue en
différant phases : élections, consolidation et
institutionnalisation1(*)5.
Ainsi, l'analyse des transformations qu'a subi le
système politique et constitutionnel centrafricain et qui ont permis son
ouverture à la démocratie ne peut donc se faire sans que nous
n'ayons au préalable présenté le champ d'étude.
B- La République centrafricaine comme champ
d'étude :
Un aperçu sur le pays ainsi que sur son
évolution politique et constitutionnel nous permettra de situer le
contexte de notre analyse :
1- La République centrafricaine :
Aperçu de l'histoire politique et
constitutionnelle.
Située au coeur de l'Afrique, la RCA partage ses
frontières au nord avec le Tchad, au sud à la fois avec la
République du Congo et la République Démocratique du
Congo, à l'est avec le Soudan et à l'ouest avec le Cameroun. Avec
une superficie de 623.000 km², elle compte environ 3,8 millions
d'habitants. Le français et le sango sont ses deux langues officielles.
Constituée d'une mosaïque d'ethnies qui s'étaient
rencontrées au gré des aléas de l'Histoire ou fuyant
devant les esclavagistes venant du nord ou de l'est de ce qu'on appelait
à l'époque Oubangui-Chari, la RCA a encore une histoire politique
récente1(*)6.
Ancienne colonie française, le territoire de l'Oubangui-Chari est
proclamé République centrafricaine le 1er
décembre 1958 par le président de l'Assemblée territoriale
de l'époque, Barthélemy Boganda. Le 16 février 1959, Il
dota la nouvelle République de sa première Constitution dont le
préambule proclamait déjà « l'attachement du
peuple aux droits de l'homme, aux principes de la démocratie et de la
libre détermination des peuples »1(*)7. Un mois après
l'adoption de cette constitution, Boganda disparaissait dans un accident
d'avion. Son successeur, monsieur David Dacko proclamera l'indépendance
le 13 août 1960. Il fait amender à plusieurs reprises la
Constitution de 1959, la vidant de sa substance démocratique. Il
consacre par la même occasion le Mouvement de l'Evolution Sociale en
Afrique Noire (MESAN) comme l'unique parti politique1(*)8. En 1966, le colonel Jean
Bedel Bokassa prend la tête d'un coup d'Etat militaire et suspend la
constitution. Deux Actes constitutionnels des 4 et 8 janvier 1966 fixeront
l'organisation provisoire des pouvoirs de la République. Le nouveau
président se fera alors proclamer président à vie en mars
1972 puis, érigera la République en Empire en septembre 1976. La
Constitution impériale vivra à peine deux années lorsque
David Dacko, protégé par des parachutistes français,
renverse l'Empire et rétablit la république1(*)9. Un séminaire national
de réflexion aboutit à un projet de Constitution qui sera
adopté par referendum le 1er février 1981. Le
préambule de ladite Constitution proclame la forme républicaine
de l'Etat, reconnaît les droits de l'homme et consacre en son article 4
le multipartisme : « les partis politiques concourent à
l'expression du suffrage universel. Ils se forment et exercent librement leurs
activités »2(*)0. Cette nouvelle Loi fondamentale ne sera
malheureusement pas appliquée car les résultats de
l'élection présidentielle de mars 1981 seront contestés
par l'opposition au régime de Dacko et leur proclamation, suivie de
violents troubles. Le général Kolingba dirigera alors un nouveau
coup d'Etat militaire avec le consentement de Dacko. La Constitution sera
suspendue. Deux Actes constitutionnels instaurent un Comité militaire de
redressement national (CMRN) disposant de tous les pouvoirs et interdisant
toute activité aux partis politiques2(*)1. Cinq ans plus tard, la quatrième
Constitution centrafricaine sera adoptée par referendum le 21 novembre
1986. Cette Loi fondamentale et le régime de parti unique qu'elle a
fondé plieront sous les contestations démocratiques des
années 1990.
2- Le contexte de l'étude :
C'était en effet, autour des années 1990 que le processus
illustré par la fin du régime monolithique et l'installation du
pluralisme s'est déclenché en Centrafrique après plus de
trois décennies de régimes monopartites et militaires qui se sont
alternés au pouvoir. Il s'est développé alors à
cette période une contestation du régime en place, animée
par une société civile déterminée à jouer un
rôle dans les débats politiques. Elle est soutenue dans cette
entreprise par les pays occidentaux (surtout la France) et les grands bailleurs
de fonds internationaux. Les nouvelles données
géostratégiques de la vie internationale après la chute du
mur de Berlin ayant affecté profondément les modes d'exercice du
pouvoir des Etats les plus liés à l'Occident2(*)2, les discours sur l'aide
internationale vont également évoluer (l'exemple du fameux
discours de la Baule). Celle-ci va être maintenant subordonnée
à la mise en oeuvre du processus de démocratisation2(*)3. Mais, le succès de
tout processus démocratique nécessite la participation du peuple
et la garantie des droits des citoyens. L'objectif serait de permettre aux
citoyens d'exercer un certain contrôle sur les décisions
politiques et sur leurs représentants.
Le processus démocratique amorcé
à partir de 1990 en RCA a cependant suivi une évolution
contrastée. D'une part, des consultations électorales ont permis
au pays de se doter d'un nouveau système politique. Mais d'autre part,
sa situation politique depuis une douzaine d'années fait ressortir une
constance : la contestation plus ou moins violente des institutions
élues et de l'ordre établi. La RCA semble être toujours
à la recherche d'un équilibre normatif et institutionnel capable
non seulement de refléter les mutations socio-politiques de ces deux
dernières décennies mais de servir aussi de facteur
régulateur de son système politique en ce début du
troisième millénaire. C'est dans ce contexte de mutations
politiques et institutionnelles qu'il apparaît judicieux de cibler
l'objectif de la présente étude pour mieux en rendre compte.
II- LA TRANSITION POLITIQUE À TRAVERS
LES ÉLECTIONS COMME OBJECTIF DE L'ÉTUDE
Le processus de changement politique pose trois
séries de problèmes : Un premier concerne le passage du
parti unique au pluripartisme, un autre vise la transition du
constitutionnalisme de figuration vers un constitutionnalisme de confirmation
et le dernier concerne la participation politique effective des citoyens
à la dévolution et au contrôle, selon un
échéancier, du pouvoir redevenu au service de la dignité
de l'homme2(*)4.
En effet, la transition démocratique exige des
élections justes, transparentes qui ont pour corollaire l'existence d'un
cadre électoral consensuel, des organes autonomes et impartiaux de
contrôle des opérations électorales. En amont desdites
opérations, il faudrait des garanties d'exercice des libertés
civils et politiques ainsi que la reconnaissance de l'existence légale
des partis politiques pouvant non seulement exercer librement leurs
activités mais compétir aussi dans le but de conquérir le
pouvoir. Le processus doit déboucher à la longue à la
possibilité d'une alternance qui est une des caractéristiques du
jeu démocratique. L'avènement de la participation politique du
peuple ou la transition du citoyen passif vers un citoyen actif ne va pas sans
soulever d'intérêt dans son étude ainsi que des
interrogations dans son analyse.
A- Intérêt de l'étude
L'analyse du changement politique en Centrafrique
offre l'occasion d'initier la discussion sur la problématique de la
démocratie élective dans le pays, restée souvent l'apanage
soit d'une classe politique qui en fait un « sujet tabou »
soit des spécialistes étrangers dont les analyses sont souvent
éloignées des réalités étudiées.
Ainsi, l'intérêt de cette étude se situe à deux
niveaux :
D'abord, un intérêt social et politique. En
effet, la situation de transition politique que vit ce pays résulte
d'une prise de conscience collective : pour assumer ses fonctions,
l'Etat doit « exister » et donc bénéficier du
soutien libre et volontaire des citoyens. Il ne s'agit pas seulement d'une
contagion venant de l'extérieur comme d'aucuns le pensent. Il s'agit
également d'une perception aiguë et d'une prise de conscience par
le peuple à un moment de son histoire du fait qu'on ne bâtit pas
le développement sans le respect des hommes, sans reconnaître
leurs droits à la libre expression, à l'accès à la
culture, en un mot, sans leur permettre de participer à la vie
politique et économique de leur pays. En adhérant aux principes
démocratiques, nombreux sont ceux qui ont lutté dans l'espoir de
parvenir à davantage de justice sociale, à une participation
politique élargie, à une résolution pacifique des conflits
sociaux. A tort ou à raison, ils s'attendaient à ce que la
démocratie soit synonyme de développement plus efficace. En
analysant ce moyen de participation politique citoyenne
Un intérêt scientifique ensuite car, notre
étude se situe dans une approche critique de la pratique
électorale dans la transition démocratique en Centrafrique. En
effet, alors que les études sur les différents processus de
démocratisation en Afrique abondent, les auteurs affirment que l'on sait
peu de choses en la matière concernant la Centrafrique. A titre
d'illustration, on peut lire cette remarque de Buijtenhuijs et
Thiriot : « La littérature sur la République
centrafricaine où des élections ont eu lieu avec alternance (...)
est particulièrement pauvre »2(*)5. Notre travail s'inscrit dans une démarche
pouvant contribuer à l'analyse scientifique du processus
démocratique en Centrafrique à travers ses différentes
consultations électorales. C'est pourquoi, une revue de
littérature sur la transition démocratique en Afrique et en RCA
nous apparaît nécessaire pour la construction de notre
problématique d'étude.
B- Revue de
littérature
Une abondante production doctrinale a vu le jour depuis
les transitions politiques en Afrique en général et sur les
mutations socio-politiques en Centrafrique en particulier. Des études
plus larges concernant l'Afrique en transition se sont
développées depuis lors. Nous nous limiterons d'abord, dans le
cadre de cette étude, aux travaux dont la lecture nous ont permis de
situer le cas centrafricain dans cette mouvance. Nous ferons ensuite mention
des travaux sous forme de mémoire d'étude ou d'articles qui
concernent plus ou moins la transition politique centrafricaine dans le but
d'apporter des compléments nécessaires à la construction
de notre problématique d'étude.
a- La littérature
sur la transition politique africaine :
Trois ouvrages nous semblent décrire le mieux
le processus de transition politique en Afrique. Il s'agit entre autres des
écrits sous la direction de Patrick Quantin et Jean Pierre Daloz
intitulé La transition démocratique africaine2(*)6 ainsi que ceux sous la
direction de Gérard Conac, L'Afrique en transition vers le
pluralisme politique2(*)7. Un article doctrinal de Jean Du Bois de
Gaudusson intitulé, « les élections à
l'épreuve de l'Afrique2(*)8 », a aussi retenu notre attention.
Dans l'introduction au premier écrit
précité, Quantin estime que les processus de transition se
produisent à travers des conjonctions de crises dans lesquelles se
développent les possibilités de changement des régimes
politiques. Ce changement a pu avoir lieu grâce à la combinaison
des injonctions exprimées par l'extérieur et des revendications
venant de l'intérieur. Les pressions extérieures émises
directement par des acteurs identifiables : les Institutions de
Bretton-Woods et les puissances tutélaires telles que la France ou la
Grande Bretagne sont suffisamment visibles. Dans le cas centrafricain, la
France a fourni le cas le plus achevé lorsqu'elle a retiré au
président Kolingba, en l'espace d'une nuit ses moyens de communication.
Le Chef de l'Etat centrafricain qui avait jusqu'alors développé
une résistance acharnée au verdict des urnes capitula
aussitôt. Son analyse s'appesantit beaucoup plus sur les facteurs
externes qui ont influencé le passage à la démocratie en
Afrique2(*)9.
Gérard Conac quant à lui, loin de
minimiser l'apport de la Communauté internationale dans le processus de
désintégration des pouvoirs autocratiques en Afrique, souhaite
que les analystes de ce processus mettent davantage l'accent sur les
réformes internes telles que celles concernant les constitutions
monopartites qui ont débouché sur le multipartisme et la tenue
des élections pluralistes. En effet, après plusieurs
années d'embrigadement par les régimes monopolistiques, le
constitutionalisme africain est en passe de devenir presque partout un enjeu et
un facteur incontournables de la vie politique des Etats et
précisément dans la détermination des mécanismes
d'élection des gouvernants. En s'engageant dans la voie du pluralisme
politique démocratique, les Etats africains ont démontré
qu'une extrême sensibilité à l'environnement international
ne pouvait étouffer leurs propres capacités d'innovation. C'est
à sa manière que l'Afrique vit et organise sa transition. Il faut
reconnaître que jusqu'en 1990, la plupart des Etats avaient
renoncé après les indépendances aux principes fondamentaux
de leur constitutionalisme originaire qui consacrait le pluralisme politique au
profit de monopartisme de fait ou de droit. Politiques et politistes trouvaient
des justifications idéologiques ou pratiques à l'abandon du
multipartisme3(*)0.
Cependant si, dans certains pays, les mutations politiques
ont pu avoir lieu grâce à une nouvelle constitution définie
lors des conférences nationales, dans d'autres, c'est à travers
une simple révision de la constitution monopartite que les
autorités en place ont « octroyé » le
multipartisme à leur peuple. Toutes ces nouvelles lois fondamentales
instaurent le pluralisme politique, le principe de l'élection des
gouvernants au suffrage universel ainsi que des techniques de contrôle
politique des gouvernements. Son analyse nous amène à nous poser
la question de savoir si ce néo-constitutionalisme qui a renoué
avec le pluralisme politique des indépendances donnera naissance
à des structures gouvernementales durables et efficaces.
En effet, comme l'écrit Jean Du Bois de
Gaudusson3(*)1, le
processus des élections pluralistes et disputées s'est
engagé en Afrique dans un environnement où la culture du parti
unique et des régimes militaires ont longtemps prévalu, où
les institutions sont encore jeunes, les acteurs électoraux
insuffisamment préparés, des conditions socio-économiques
difficiles, une mentalité parfois réfractaire au changement et
une coopération internationale qui ne s'adapte que progressivement
à l'idée de la démocratie applicable en Afrique.
Cependant, cela n'a pas empêché la constatation de ce fait
indéniable qu'est l'acceptation généralisée du
principe d'élections libres et transparentes. Il reste qu'en
dépit des progrès significatifs, mais variables selon les Etats,
l'organisation et la gestion du processus électoral rencontrent de
sérieuses difficultés. Celles-ci affaiblissent sa transparence et
font obstacle à la réalisation de l'objectif qui est la
consolidation de la démocratie dans laquelle se trouvent les pays en
transition. Parmi ces difficultés, nous pouvons relever non seulement
celles touchant à la difficile recherche de structures impartiales de
gestion des opérations électorales (ministère de
l'intérieur ou les commissions électorales indépendantes),
mais aussi celles liées à la difficile maîtrise du
déroulement des opérations électorales :
difficultés d'ordre normatif d'abord où certains dispositifs
juridiques et institutionnels encadrant les élections sont
incohérents et inadaptés et ne manqueront pas à l'occasion
de devenir de source de blocage et de crise. Difficultés d'ordre
matériel ensuite car elles ont de sérieuses répercussions
sur le bon déroulement du processus. Et cet auteur de conclure que la
responsabilité des acteurs politiques et surtout des juges
chargés de la gestion du contentieux électoral est grande. En
toute hypothèse, il leur revient à parvenir à la
dédramatisation de l'élection, gage du bon déroulement de
son processus. La bonne tenue des élections devient donc pour les
nouvelles démocraties d'Afrique un défi à relever.
C'est ce défi de la nouvelle approche des
pratiques électorales dans le processus de transition politique
centrafricaine que Jérémie Doui Wawaye dans son mémoire
sur La transition démocratique et Etat de droit en RCA3(*)2 et certains auteurs
d'articles sur la RCA ont essayé de mettre en exergue.
b- Les travaux sur la transition politique en
Centrafrique : En traitant de la transition
démocratique et l'Etat de droit en Centrafrique, Jérémie
Doui Wawaye s'est beaucoup plus appesanti sur l'analyse des différents
processus qui ont conduit à l'effondrement du régime autoritaire
et de nouvelles perspectives qui ont fait jour. L'ouverture démocratique
a introduit la pratique des élections multipartites qui ont permis
l'alternance au pouvoir et une organisation, fondée sur la constitution
de 1995, de la défense des droits fondamentaux. L'étude retrace
l'historique des différents mouvements socio-politiques qui ont conduit
à la transition politique dans le pays. La pratique électorale a
été un des éléments de cette étude
même si, comme nous l'avons soulevé pus haut, elle n'a pas fait
l'objet d'une analyse comme vecteur du passage du monolithisme au pluralisme
démocratique.
Quant à Michel Koyt, Maxime F. M'bringa Takama et
Pierre Marie Découdras, dans un article intitulé
« République centrafricaine : les vicissitudes du
changement »3(*)3, ils estiment que le réveil
démocratique a commencé en Centrafrique avec les travailleurs qui
luttaient pour la reconnaissance de leurs droits sociaux et surtout pour
l'instauration de la liberté syndicale. Les leaders politiques leur
emboîteront le pas dans la revendication cette fois ci des
libertés politiques. Après les élections de 1993 qui ont
permis la transition politique, les changements attendus tardent à
venir. Même les libertés acquises à travers les
élections restent fragiles. Et ces auteurs de conclure qu'en attendant
un ancrage définitif de la démocratie, le pays demeure plus que
jamais ce qu'en avait fait la colonisation : une immense concession
rurale. L'essentiel de cette étude réside dans le fait qu'elle a
su poser les questions de fond : un an après l'instauration de la
transition, qu'en est-il du changement démocratique ? Quel bilan et
quel état des lieux pour la Centrafrique ?
C'est en quelque sorte à cet état des
lieux que Andreas Mehler et Vincent da Cruz dans leur article intitulé
« République centrafricaine : la démocratie n'est
pas un vaccin. Politique formelle et informelle »3(*)4 ont essayé de faire.
Ils ont brossé le tableau des relations et des activités
informelles pratiquées par les hommes politiques après la
transition de 1993. Pour ces auteurs, il existe trois types de relations entre
la politique formelle et informelle dans la pratique démocratique en
Centrafrique : la relation familiale et ethnique dont
l'instrumentalisation en politique n'est qu'une extension de la
solidarité familiale traditionnelle. Ce type de politique
débouche sur le népotisme dont l'efficacité politique se
révèle dans les résultats des différentes
élections où les votes sont fortement régionalistes et
ethniques. Le second est la relation commerciale et criminelle qui
s'établit dans la sphère du pouvoir. Quant au troisième
type de relation, clientéliste, elle joue un rôle important dans
toutes les activités administratives et politiques du pays. La violence
et la compromission, concluent les auteurs de l'article, restent l'issue de
ceux qui possèdent les armes ou les leaders politiques qui veulent
« leur part de pouvoir ».
Cette analyse montre que, malgré la
régularité des consultations électorales, la transition
politique continue à soulever des interrogations à cause des
pratiques de la politique informelle et de la violence qui restent encore
vivaces au centre du processus.
C- Problématique et
Hypothèse d'étude
Il est maintenant évident que l'étude des
mutations politiques qui avaient permis l'éveil de la démocratie
en RCA ne peut plus se faire tant dans la détermination de sa
problématique que dans la construction de son hypothèse sans
tenir compte des facteurs mis en exergue ci-dessus.
1- Problématique
Depuis le début de la décennie 1990, on a
attendu des élections en Centrafrique qu'elles
soient l'étape incontournable de la démocratie,
l'occasion d'expression d'un des droits politiques le plus important, notamment
le droit électoral3(*)5. Si dans le passé, les coups d'Etat ou la
fortune constituaient entre autres des moyens d'accession au pouvoir, avec le
processus de transition, les consultations électorales redeviennent le
procédé par excellence de légitimation du pouvoir dans
l'Etat. Elles fournissent aux gouvernants un titre pour agir et commander et
fondent par la même occasion leur pouvoir. Cependant, comme le pense
l'ancien secrétaire général des Nations Unies, Boutros
Boutros Ghali, « les élections en soi ne sont pas la marque de
la démocratie, pas plus qu'elles ne l'instaurent ; elles ne sont
pas une fin, mais une simple étape si importante voire essentielle
soient-elles sur la voie qui mène à la démocratisation des
sociétés3(*)6 ». Ainsi, l'affirmation des principes ne
doit pas cacher certaines réalités socio-politiques telles que
les luttes fractionnelles entre les différents protagonistes du jeu
politique, les réalités ethniques ainsi que la forte
présence de l'Armée sur la scène politique. Par
conséquent, l'enjeu de notre étude se situe au niveau de
l'analyse des mutations politiques qui se sont opérées en RCA
à travers les processus électoraux sans faire abstraction de ces
réalités. La transition vers la démocratie suppose que
l'approche des problèmes politiques et juridiques doive désormais
tenir compte de la dynamique socio-politique du pays. Ainsi, une fois la
volonté de démocratisation confirmée et les
élections consacrées comme le seul moyen d'affirmation de la
légitimité démocratique, la question qui demeure est celle
de savoir si les élections vécues depuis lors par ce pays ont pu
opérer les mutations voulues, c'est à dire, permettre le passage
du monolithisme politique au pluralisme démocratique avec le respect des
normes et principes afférents.
2- Hypothèse
Nous posons donc comme hypothèse principale de
notre étude que, malgré les obstacles et les régressions
possibles, la démocratie élective, processus long et jamais
achevé, est en construction en Centrafrique à travers les
différents processus électoraux. Cette hypothèse se
subdivise en deux :
- D'abord, dès son instauration dans les
années 1990, l'élection est apparue beaucoup plus comme un moment
de légitimation du nouveau pouvoir politique au niveau national et
international qu'un véritable catalyseur de la démocratie.
- Ensuite, en dépit des pesanteurs multiformes,
l'évolution du processus électoral donne à constater un
début d'ancrage des pratiques démocratiques dans le pays.
Ainsi, la vérification de cette hypothèse
d'étude ne peut se faire que dans un cadre méthodologique capable
de nous permettre de rendre compte des mutations politiques qu'a subies le
depuis lors à travers les élections disputées.
III- ELECTIONS ET TRANSITION DÉMOCRATIQUE :
APPROCHE MÉTHODOLOGIQUE
La méthode, écrit Kaplan, a pour
propriété d'aider à comprendre au sens le plus large non
les résultats de la recherche scientifique mais le processus de la
recherche elle-même. Elle définit donc un plan de travail en
fonction d'un but poursuivi3(*)7. L'analyse de la transition politique en
Centrafrique devrait privilégier non une approche unique mais
intégrer les différentes méthodes pouvant permettre de
rendre compte des toutes les phases de ces mutations. La transition touche des
domaines variés de la vie sociale, politique et juridique du pays. Notre
étude partira d'abord d'une approche socio-historique des mutations
politiques en Centrafrique depuis 1990 et ensuite d'une approche juridique et
fonctionnaliste des élections dans le processus démocratique en
cours. La combinaison de ces méthodes d'analyse a pour but de nous
permettre de mieux cerner notre objet d'étude.
1- L'approche socio-historique. Elle permet
« d'insister sur les spécificités à chaque
société, sur les genèses sociales et la puissance de
l'ingénierie institutionnelle interne 3(*)8. » Cependant, cette
approche reste davantage une construction dispersée, ce qui rend
difficile une appréciation globale et théorique. C'est pourquoi,
il est nécessaire d'y ajouter l'approche juridique afin de confronter
ces mutations socio-politiques au standard normatif en matière de
démocratie élective.
2- L'Approche juridique : longtemps
reposée sur l'exégèse3(*)9, elle appelle de nos jours la dialectique4(*)0. Elle est normative en ce
qu'elle aborde l'analyse en des termes de rapports : la règle est
étudiée par rapport à des principes posés comme un
indicatif. Ceci favorise l'esprit d'interprétation qui conduit soit
à la valorisation, soit à la critique des règles du droit
positif selon qu'elles sont ou non conformes à ces principes. Cette
approche intègre la méthode des modèles et celle des cas
dans un souci de spécificité du contexte
étudié4(*)1.
En confrontant les mutations socio-politiques et juridiques qui
s'opèrent en Centrafrique aux principes universellement reconnus de la
démocratie, nous serons à amener à dire à la fin si
ces mutations ont produit les effets escomptés.
3- L'analyse fonctionnaliste d'après
laquelle « la fonction est perçue par rapport au
système social tout entier » permet d'apprécier les
objectifs assignés aux élections dans le cadre de la transition
démocratique. Elle permet également de comprendre si lesdits
objectifs, notamment ceux de la constitution d'une société
politico-démocratique moderne avec l'émergence d'une
réelle culture démocratique en RCA, peuvent se réaliser et
se consolider.
Pour appliquer ces trois approches dans notre
présente étude, nous avons usé de certaines techniques de
recherche.
4- Techniques de recherche :
D'une manière
générale les techniques sont des procédés
opératoires rigoureux, bien définis, transmissibles, susceptibles
d'être appliqués à des phénomènes sociaux.
Elles sont un moyen d'atteindre un but et leur choix dépend de
l'objectif poursuivi et de la méthode choisie4(*)2. Deux techniques de recherche
nous ont permis de bâtir notre développement. Il s'agit entre
autres de la recherche empirique et de la recherche documentaire. S'il est
facile de comprendre la seconde technique qui se base exclusivement sur
l'analyse des documents, la première mérite par contre une
explication.
En effet, la recherche empirique consiste en
l'observation du fait social. Cependant, la technique d'observation varie en
sciences sociales. De toutes les techniques, à savoir l'observation
directe, préparée ou armée, nous avons choisi
l'observation préparée d'abord et en procédant dans ce
cadre par le biais des entretiens avec certains protagonistes de la
scène politique centrafricaine. L'observation participante ensuite car,
en tant que citoyen centrafricain, nous avons été parfois acteur
dans l'organisation des élections ou de certaines manifestations au
niveau national. Ce qui nous a permis d'avoir des connaissances pratiques sur
les mutations politiques en cours ainsi que sur certains de leur enjeu4(*)3.
5- Le plan de l'étude : La
transition démocratique traduit dans l'analyse des institutions
politiques l'échec du monolithisme politique. Cet échec marque en
même temps la réappropriation par le peuple du pouvoir dont il est
le détenteur originel et de la définition des modalités
de dévolution dudit pouvoir à ceux qu'il aura désormais
choisis comme gouvernants. L'aventure politique et institutionnelle dans
laquelle s'est engagée depuis plus d'une décennie la RCA demande
donc une reforme du système socio-politique. Elle exige également
un nouvel édifice juridique plus porté vers la garantie des
droits et libertés fondamentaux4(*)4. Cette oeuvre n'est cependant pas à l'abri
des difficultés inhérentes à tout processus en
construction. C'est pour prendre en compte tous ces facteurs indissociables
à notre analyse que la première partie de cette étude
portera sur les élections comme vecteur de la transition
démocratique. Il s'agit d'analyser les étapes de
la consécration de la démocratie élective ainsi que les
premières expériences en la matière. Cette analyse nous
permettra de mettre en exergue les points forts de cette consécration et
surtout les difficultés liées à la consolidation du
processus déclenché depuis 1990. Ce dernier point fera l'objet de
la seconde partie de ce travail.
premierE PARTIE :
élection : VECTEUR de
transition démocratique EN rEPUBLIQUE
CENTRAFRICAINE
« Ce n'est pas toujours en allant de mal en
pis que l'on tombe en révolution. Il arrive le plus souvent qu'un peuple
qui avait supporté sans se plaindre et comme s'il ne le sentait pas les
lois les plus accablantes, les rejette violemment dès que le poids s'en
allège. Le régime qu'une révolution détruit, vaut
presque mieux que celui qui l'avait immédiatement
précédé et l'expérience apprend que le moment le
plus dangereux pour un (...) gouvernement est d'ordinaire celui où il
commence à se réformer. Il n'y a qu'un grand génie qui
puisse sauver un prince qui entreprend de sauver ses sujets après une
oppression longue. Le mal qu'on souffrait patiemment comme inévitable
semble insupportable dès qu'on conçoit l'idée de s'y
soustraire. »
Alexis de TOCQUEVILLE,
L'Ancien Régime et la révolution
.
Paris, Gallimard, t.1, p. 223.
L'année 1990 constitue, dans
l'histoire politique de la RCA, un tournant décisif, une année
charnière. Elle officialise la consécration de la contestation
politique ouverte. En contribuant à mettre fin à l'absolutisme du
parti unique, 1990 démontre si besoin est que l'oppression du
monolithisme politique devient le chemin le plus droit qui conduit à la
démocratie. Elle constitue sur plan de l'évolution
constitutionnelle et institutionnelle une ouverture consacrant la
démocratie élective (chapitre I). Il reste qu'une analyse des
expériences des élections disputées est nécessaire
pour évaluer l'évolution du processus démocratique
amorcé depuis cette date (chapitre II).
Chapitre
I :
LE PROCESSUS DE CONSECRATION DE LA DEMOCRATIE ELECTIVE
EN REPUBLIQUE CENTRAFRICAINE
« On ne saurait fonder le suffrage
universel sur autre chose que sur cette faculté
universellement répandu de dire non
ou de dire oui. »
Sartre
Le mot démocratie recouvre de nos jours,
plusieurs significations. Mais, quel que soit le sens que l'on donne au mot,
Robert Dahl4(*)5 estime
que tout régime politique se réclamant de ce système de
gouvernement doit nécessairement remplir les trois conditions qu'il juge
indispensables. Il s'agit :
- d'abord, de l'existence d'une vaste et significative
compétition entre individus et groupes
organisés ( les partis politiques notamment ) pour la
conquête de la totalité ou de la quasi-totalité des
fonctions relevant du pouvoir politique et cela sans recours à la
violence.
- ensuite, d'un degré suffisant de participation
politique dans le choix des gouvernants et
des programmes politiques. Tout cela doit se faire à
travers des scrutins équitables et inclusifs.
- et enfin, d'un niveau suffisant en matière de
libertés civiles et politiques pour garantir les
deux premières conditions à savoir,
l'honnêteté de la compétition et de la participation
politique.
S'ouvrant aux vagues de démocratisation des
années 1990, la République centrafricaine a décidé
de consacrer le mode électif d'accession au pouvoir politique afin
d'assurer sa transition vers la démocratie. Ce processus doit à
cet égard prendre en compte les trois conditions stigmatisées par
Dahl et mettre l'élection au centre du débat politique et surtout
du choix des gouvernants. L'instauration du pluralisme politique ( section I )
ainsi que l'actualisation et l'ajustement du processus électoral
centrafricain aux normes démocratiques ( section II ) sont les voies
empruntées par ce pays pour consacrer la démocratie
élective.
SECTION I : L'INSTAURATION DU
PLURALISME POLITIQUE
La caractéristique principale d'un système
démocratique, souligne Raymond Aron, est qu'il repose sur une «
organisation constitutionnelle de la concurrence pacifique pour l'exercice du
pouvoir »4(*)6 ; ce qui suppose donc l'existence de plusieurs
partis. L'analyse du processus de l'évolution de la Centrafrique vers le
pluralisme politique doit prendre en considération aussi bien les
origines médiates de la dynamique des changements intervenus que les
étapes immédiates de la remise en cause du système
monopartite dont la phase décisive est marquée par la
restauration du multipartisme4(*)7 ( paragraphe I ). L'on ne saurait oublier la
consécration textuelle d'autres libertés civiles et politiques
qui entre dans cette dynamique (paragraphe II).
Paragraphe I : La restauration du
multipartisme
L'histoire de la restauration du multipartisme en
Centrafrique est à l'image même de celle du pays dont nous avons
longuement analysé dans l'introduction. Il s'agit ici d'étudier
le changement du contexte politique ( A ) des années 1990 qui a
favorisé cette restauration ( B ).
A- Le changement du contexte politique
Comme bon nombre d'Etats africains, la Centrafrique a
connu l'amorce d'un processus qui a permis à long terme de bouleverser
radicalement son paysage politique et ses structures institutionnelles.
L'évolution amorcée s'inscrit alors dans le passage d'un
système de parti unique et de monisme idéologique4(*)8 dominé par le
Rassemblement démocratique centrafricain ( RDC, parti au pouvoir ) au
multipartisme. La succession rapide des événements, sous la
pression des masses populaires et des différentes forces vives, a
constitué autant d'éléments d'une problématique
socio-politique complexe qui a débouché sur le changement.
1- Contexte
géopolitique : On rappellera pour mémoire les
facteurs conjoncturels tant internationaux que régionaux qui ont eu un
impact non négligeable sur l'évolution des mentalités dans
la population et sur l'amorce du déblocage de la situation politique.
D'abord, la péréstroiska soviétique et les
événements de l'Est européen qui se sont
accélérés dramatiquement à partir de la chute du
mur de Berlin le 9 novembre 1989, ne pouvaient laisser les pays africains dans
l'indifférence. Dans la région d'Afrique centrale, les
événements s'accélèrent également au
printemps 1990. Après l'ex-Zaïre et le Gabon qui adoptèrent
le principe du multipartisme, le Congo et le Cameroun leur emboîteront le
pas un peu plus tard. L'effet d'entraînement à l'égard de
la Centrafrique était incontestable. Les mentalités seront
d'autant plus frappées par les événements violents qui se
produisaient à la même période dans ces Etats voisins et
qui traduisaient l'impatience de l'opinion publique face aux changements
attendus sous diverses formes : troubles réprimés au
Cameroun, répression de la contestation étudiante à
Lubumbashi ( ex-Zaïre), journées d'émeutes au Gabon, des
grèves assorties de pillages et de violences au Congo4(*)9.
2- Contexte socio-politiques
interne : C'est dans ce contexte un peu
généralisé qu'en avril 1990 débutent des
contestations sociales à Bangui, la capitale (manifestations de rue
suivies de casse). Désemparé, le comité directeur
provisoire du parti unique, le RDC, réuni en session extraordinaire,
rejette le multipartisme mais réaffirme le caractère
multitendanciel du parti. Il prône en même temps une réforme
constitutionnelle établissant un poste de premier ministre5(*)0. Le congrès ordinaire
du parti, tenu en octobre de la même année à Berberati, une
ville de province, emboîte le pas au comité directeur. Non
seulement qu'il y est décidé de la réaffirmation du
régime monopartite et du rejet du principe d'une transition vers le
multipartisme mais un appel est également lancé en faveur de
l'ouverture politique et du pluralisme des opinions au sein du parti5(*)1. Cependant, six mois plus
tard et en tenant compte des facteurs endogènes ( accentuation des
mouvements de contestation ) et exogènes ( la mise en garde de la France
à l'égard des pays africains francophones qui ne s'ouvraient pas
à la démocratie ) qui pouvaient agir négativement sur la
conduite des affaires et nuire à ses relations internationales, le
président Kolingba prend un décret restaurant le multipartisme
( 22 avril 1999 ) prenant ainsi de court les caciques de son
régime5(*)2.
B- La restauration du multipartisme
Le principe de l'ouverture au multipartisme une fois
admis, sa consécration textuelle va suivre l'évolution des
événements. En effet, c'est à travers les discours
présidentiels tenus à l'occasion des principaux rendez-vous de la
vie politique nationale qu'il convient souvent de rechercher et d'identifier
les thèmes et les étapes du changement politique.
- La rupture avec le monopartisme et l'admission
du principe du multipartisme : la démocratisation, par le
passage du monopartisme au multipartisme, de tout régime politique
établi, implique souvent deux attitudes de la part du pouvoir en
place : soit le parti unique évacue tout l'espace politique pour
permettre la libre constitution des formations politiques pouvant
compétir pour accéder au pouvoir soit, le monopartisme ne
connaît que des aménagements du monopole du parti unique de
façon à ce que la concurrence pluraliste s'instaure sans trop de
dégâts pour les acquis du régime en place5(*)3. Cantonné d'abord au
principe d'une libéralisation contrôlée de son
régime, le président Kolingba va passer à l'étape
suivante lors de son allocution du 22 avril 1991 dans laquelle il rappelle les
exigences liées aux mutations de l'histoire qui sont notamment
d'accompagner toute ouverture démocratique d'un développement
sans lequel elle ne serait qu'illusoire. La vie en société, pour
sa part, appelle le pluralisme des opinions, la tolérance et la
solidarité. Il annonce alors l'ouverture prochaine à toutes les
forces vives de la nation du débat sur la situation politique du pays
ainsi que la libération des prisonniers d'opinion5(*)4. La réalisation du
multipartisme comme aboutissement d'une démocratie pluraliste appelle un
processus de préparation du peuple et ceci en passant par une phase
transitoire destinée à réunir les conditions objectives et
subjectives indispensables à sa réalisation harmonieuse5(*)5. Face à l'impatience
populaire et l'attente du milieu politique d'opposition, ce discours
apparaît trop timide et imprécis sur l'ouverture au
multipartisme. Le régime, déjà affaibli, sera rapidement
débordé par les événements à la suite
notamment des mouvements sociaux de mai-juillet 1991 qui tournent parfois
à l'émeute à Bangui. Un aménagement des conditions
juridiques s'avèrent donc nécessaires pour consacrer enfin le
pluripartisme.
- La consécration textuelle du
multipartisme : Les mutations normatives nécessaires
à l'ouverture démocratique peuvent comporter deux
degrés : la révision de quelques dispositions
constitutionnelles qui permettent la démocratisation ou bien, l'adoption
d'une nouvelle constitution d'emblée démocratique5(*)6.
La révision constitutionnelle est un
procédé normal de mutation politique. Elle est prévue aux
articles 48 et 49 de la Constitution du 28 novembre 1986. Ses effets sont
cependant limités du fait de la volonté du Président de ne
soumettre le projet de la révision qu'au Congrès qui est presque
acquis à sa cause plutôt qu'à un referendum populaire.
Ainsi la constitutionnalisation du multipartisme ne sera renforcée que
par la nouvelle constitution de 1995. Cette dernière n'abrogera
toutefois pas la loi organique n° 91/004 du 04 juillet 1991 relative aux
partis politiques5(*)7.
Paragraphe II : La consécration d'autres droits
civils et politiques et leur garantie juridictionnelle
Si la constitution de 1986 et sa version révisée
de 1991 ne mentionne pas les instruments internationaux relatifs aux droits de
l'homme, celle de 1995 a, par contre, réceptionné dans l'ordre
juridique interne la Charte Internationale relative à ces droits (la
Déclaration Universelle des Droits de l'Homme de 1948 et les deux Pactes
de 1966, l'un relatif aux droits économiques, sociaux et culturels et
l'autre, aux droits civils et politiques ). La réception de cette Charte
est importante car elle conditionne l'adaptation des lois internes aux normes
internationalement admises en matière d'élection. Ces
dernières concernent trois domaines fondamentaux : le droit de
prendre part à la direction des affaires publiques, le droit de voter et
d'être élu et le droit d'accéder, dans les conditions
équitables, aux fonctions publiques5(*)8. Si les droits énoncés dans la DUDH et
précisés dans les deux Pactes de 1966 contribuent à
créer le climat voulu, certains d'entre eux acquièrent une
importance supplémentaire dans le contexte électoral. Il revient
à cet égard de mentionner en particulier les droits
indispensables à la tenue d'une élection libre et transparente (
A ). Mais tout cela ne peut être effectif si l'indépendance du
juge n'est affirmée. En effet, chargé de protéger les
droits des citoyens, le juge devient lors des consultations électorales,
le garant de l'expression de la volonté populaire ( B ).
A- Les droits indispensables à la bonne tenue
des élections
Plusieurs instruments internationaux,
sans mentionner expressément les élections, rendent cependant
compte des principaux éléments sur lesquels repose la notion de
démocratie élective. Ils sont définis soit comme le droit
des peuples à définir librement leur statut politique5(*)9 ; soit comme le droit de
tous les éléments de la société de participer
activement à la définition et à la réalisation des
buts communs du développement6(*)0 ; soit encore comme le droit
de chacun de participer à la vie politique de son pays6(*)1. L'ensemble de ces
instruments internationaux relatifs aux droits de l'homme protègent un
certain nombre de droits humains fondamentaux dont la jouissance est
déterminante pour la valeur du processus électoral. Sont
particulièrement importantes en période électorale les
droits à la liberté d'expression, d'information, de
réunion et de la circulation ainsi que le droit général de
ne pas faire l'objet de mesures d'intimidation. Chacun de ces droits sera
examiné quant à ce qui est de leur consécration et de
l'effectivité de leur jouissance dans le cas centrafricain.
Les liberté d'expression et
d'information : les droits à la liberté d'opinion,
d'expression et d'information, protégés par l'article 19 du Pacte
international relatif aux droits civils et politiques n'ont été
constitutionnalisés en Centrafrique qu'en 1995. Quant à la
Constitution monopartite de 1986, malgré la consécration de ses
droits dans son préambule, leur jouissance était mise à
rude épreuve. Dans un régime monolithique où les
informations sur la situation politique du pays ne pouvaient sortir que du
canal de la presse officielle, l'expression des différents courants
d'idée était mise à mal par le pouvoir de coercition des
autorités en place. Mais, dés qu'il a eu l'ouverture de
brèche dans le monisme intellectuel des années 1980, les
médias sous « contrôle » depuis des
années s'y sont engouffrés avec une liberté d'expression
retrouvée. Mais cela n'allait pas sans susciter de la part du pouvoir en
place des réactions parfois négatives malgré la
reconnaissance par lui de la liberté de la presse. Ainsi, les
délits de presse ont été longtemps sanctionnés
malgré les incessants appels à l'adoption d'une loi sur la
liberté de la presse ainsi que sur la dépénalisation de
ces délits. Il faut attendre la Constitution de 1995 pour voir la
consécration en son article 13 de ces libertés, mais ceci, en
laissant le soin à une loi de fixer leurs conditions d'exercice. La loi
de 1998 qui avait déterminé ces conditions apparaissait beaucoup
plus liberticide. En effet, le texte très contesté
prévoyait des peines de prison fermes pour les délits de
« diffamation » ou de « publication de
fausses nouvelles »6(*)2. En 2002, les députés de
l'Assemblée Nationale de l'époque avaient refusé de mettre
une reforme de ce texte au vote et avaient conservé la
législation répressive de 1998. Ainsi, malgré sa
consécration, la presse vivra sous des tracasseries
politico-judiciaires. L'adoption le 25 novembre 2004 d'une loi relative
à la communication va enfin permettre la dépénalisation
des délits de presse. Même si cette dépénalisation
ne signifie nullement la fin des tracasseries judiciaires à l'encontre
des journalistes6(*)3,
elle constitue sans doute une avancée significative pour la
démocratie et surtout pour la liberté de la presse. La
création du Haut Conseil de Communication, chargé de garantir et
de réguler les libertés de presse, entre dans cette dynamique
pourvu que cet organe arrive à afficher sa nette indépendance vis
à vis du ministère de la communication, son administration de
tutelle.
Les libertés d'association et de
réunion : la liberté d'association,
considérée comme le droit pour toute personne de se mettre avec
d'autres par le biais d'une convention est une liberté duelle. Elle a un
versant civil qui permet la création d'association appelée
à agir dans la vie sociale et culturelle. Son versant politique concerne
la création d'associations ayant vocation à intervenir dans la
vie politique soit par l'animation, soit par la conquête et l'exercice du
pouvoir. L'adoption du multipartisme par la loi organique n°91/004 du 04
juillet 1991 consacre donc la reconnaissance du versant politique de la
liberté d'association. Mais, une chose est de reconnaître cette
liberté et autre chose est de créer un environnement propice
à sa manifestation. Dés 1992, l'accès des partis
politiques aux moyens d'information de masse a été rendu possible
grâce au décret n° 92/207du 31 juillet 1992, portant
réglementation de l'accès des partis politiques aux médias
publics6(*)4. La
clarté du décret ne peut cacher certaines pratiques courantes
tendant à ne pas faire passer les messages des partis d'opposition aux
heures de grande écoute. En effet, ces partis se battent souvent pour
avoir accès à des heures qui pourraient leur permettre de se
faire mieux écouter par la population. Ils n'obtiennent le plus souvent
un temps légal d'accès aux médias publics que lors des
périodes électorales alors qu'en temps normal, ils n'ont souvent
droit qu'à la diffusion des communiqués radiophoniques qui n'ont
pratiquement pas une incidence significative sur leur futur
électorat6(*)5.
Quant à la liberté de réunion,
consacrée dans la partie préambulaire de la Constitution de 1986
et à l'article 8 de celle de 1995, elle est nécessaire dans la
mesure où les manifestations publiques et les rassemblements politiques
sont importantes pour les propagandes partisanes et constituent un
mécanisme efficace pour la diffusion de l'information politique. Que
l'on se rappelle les évènements de septembre 1992 qui ont
causé la mort du docteur Conjugo6(*)6 ou les évènements de Bonga-Bonga du 19
décembre 20006(*)7
pour constater que la liberté de réunion est difficilement
protégée dans la transition politique. Dans ce contexte, le juge
a du mal à assurer son indépendance face à un pouvoir
exécutif souvent maître du jeu politique.
B- L'indépendance de la magistrature comme
garantie de la libre expression de la volonté populaire
Une meilleure protection des droits analysés
ci-haut n'est possible pour la fiabilité des consultations
électorales que si le juge électoral s'acquitte de ses fonctions
en toute indépendance. La magistrature est la principale institution
nationale chargée de protéger la légalité et
l'égalité à la fois avant et pendant les périodes
électorales. De l'établissement des listes électorales
jusqu'aux opérations de dépouillement des bulletins de votes,
l'ensemble des opérations électorales fait l'objet de
réglementations très précises par le Code
électoral. Le respect de ce Code est assuré en premier lieu par
le juge électoral. Mais, en second lieu, dans la mesure où il est
assorti de sanction pénale, son effectivité est également
assurée par le juge penal6(*)8. De l'ancienne Cour Suprême à la Cour
Constitutionnelle, en passant par celle de la transition, l'indépendance
du corps judiciaire est constitutionnellement garantie. Aussi, nous reviendrons
en chapitre deux de cette partie sur la fonction du juge électorale
centrafricain lorsque nous analyserons les problèmes liés au
contentieux des élections disputées.
SECTION II. L'AJUSTEMENT DU PROCESSUS ELECTORAL
AUX NORMES DEMOCRATIQUES
Le droit électoral est
lié à la démocratie dont il exprime les valeurs et
contribue à sa manifestation. Il accompagne le passage à l'Etat
démocratique dont les dirigeants sont issus de l'élection et est
marqué par une double extension : celle du droit de vote et celle
du recours à l'élection. Le respect de la démocratie
suppose que le citoyen puisse s'exprimer en toute liberté et dans le
respect de l'égalité. En effet, la scène électorale
voit s'affronter partis et candidats désireux d'affirmer leur
spécificité pour mieux gagner l'électorat. Ainsi, pour
éviter que les consultations ne se réduisent à de
« simples formalités administratives (A. Bourgi)
dominées par des acteurs politiques se livrant à « un
banditisme électoral plutôt qu'à une compétition
loyale6(*)9 »,
des garanties juridiques et institutionnelles sont nécessaires pour
protéger le processus électoral contre le parti pris, la fraude
ou la manipulation. Il s'agit notamment des dispositions visant à
établir des structures administratives objectives, à proscrire et
à réprimer les pratiques de corruption et à assurer la
présence d'observateurs indépendants et impartiaux.
L'élection étant toujours un processus complexe, il est
nécessaire qu'elle ait une organisation systématique. En effet,
elle est une institution porteuse de légitimité
démocratique, un rituel légitimant. Son acceptation se fonde non
sur la coercition mais sur le consentement réputé libre de la
population qui s'y trouve soumise7(*)0. Ainsi, pour que ce rituel légitimant
corresponde à la volonté du peuple, il faut des garanties tant
juridiques (paragraphe I ) qu'institutionnelles ( paragraphe II ) dans son
organisation.
Paragraphe I. Les garanties juridiques du processus
électoral
La RCA a vécu depuis son indépendance des
situations électorales souvent instables. Mais, avec la
consécration du pluralisme et du droit à la différence
ainsi qu'à la concurrence politique, l'expression du suffrage est
maintenant juridiquement garantie à travers un ensemble de lois
réunies sous l'appellation du Code électoral. Un code se
définit souvent comme un recueil de lois destiné à
régir d'une manière complète toutes les matières
d'une certaine branche de droit. De 1990 à 2000, la République
centrafricaine a eu à adopter deux codes électoraux que nous
analyserons à la lumière des principes consacrés par les
normes et les pratiques internationales en matière d'élection. Le
Code électoral adopté 2004 fera l'objet d'une autre analyse
lorsque nous aborderons le chapitre sur le Dialogue National. En effet, tirant
leur source des Constitutions de 1986 et 1995, ces deux premiers Codes
devraient répondre aux exigences et aux principes gouvernant la
matière. Il s'agit des exigences de la liberté et de
l'honnêteté des consultations électorales d'une part, des
principes d'égalité et de non discrimination d'autre part.
A- Le Code électoral et le respect de la
liberté et de l'honnêteté de l'élection
Dès le début de
l'éveil démocratique, la plupart des hommes politiques
centrafricains se sont ralliés à l'idée selon laquelle
« la loterie électorale » représente pour eux
le moyen le moins coûteux et moins risqué pour parvenir à
la tête de l'Etat. Pour cela, ils veillent à ce que les
compétitions électorales se déroulent de telle
manière que la volonté de l'électeur soit
respectée.
Ce qui, en fait, détermine la liberté
d'une consultation électorale est la force de la loi électorale
à faciliter la pleine expression de la volonté du peuple. C'est
cette volonté qui est, selon la Déclaration Universelle des
Droits de l'Homme ( DUDH, article 21 paragraphe 3 ), le fondement même de
l'autorité publique. La notion de libre choix contient implicitement
celle d'un choix informé. L'électeur ne peut formuler ni exprimer
sa volonté librement que s'il a des informations sur les candidats et
les partis ; en un mot, sur le processus électoral en
général. Or, les codes électoraux en RCA font rarement
l'objet de campagne d'information auprès de la population. Dans un pays
où l'espace public se constitue progressivement et où les
techniques de mesure de l'état de l'opinion sont quasiment inexistantes,
il est difficile de se faire une idée fiable de la participation de
l'opinion publique à l'élaboration de ces différents
codes, voire même son adhésion à ces différents
textes. Cela se vérifie par l'absence de débat public sur les
choix législatifs qui s'opèrent dans les enceintes parlementaire
et gouvernementale. La technicité et la subtilité du droit
électoral, notamment en ce qui concerne les modes de scrutin, sont
telles que la très grande frange du corps électoral est perdu
dans ce débat. La création du droit électoral reste en
grande partie une affaire d'hommes politiques et des spécialistes du
droit qui, à ce sujet, peuvent faire des propositions
législatives plus ou moins suivies ou livrer des commentaires plus ou
moins objectifs sur les textes. Et comme le souligne Alain Didier Olinga, il
est permis de se montrer réservé sur cette expertise juridique
car, le plus souvent, « le discours scientifique vient simplement
secourir, justifier voire légitimer une logique politique
déjà consacrée7(*)1 ». Le principe est qu'une instruction non
partisane devrait viser à informer l'électeur des textes et des
modalités de vote. Elle devrait également contribuer à
faire connaître à l'électeur ses droits et ses devoirs de
citoyen. De telle initiative contribuerait à changer l'image qu'a une
frange partie de l'électorat sur l'élection
considérée plutôt comme une « joute politique
avec ses coups et ses ruses qui révèlent l'habileté
manoeuvrière des hommes politiques7(*)2 » qu'une concurrence loyale en vue de
conquérir ou de préserver le pouvoir politique.
En plus, il ne suffit pas que le Code électoral
assure et garantit la libre expression du suffrage, il doit aussi garantir son
honnêteté. Le droit électoral devrait en principe assurer
trois conditions pour favoriser l'honnêteté d'une consultation. Il
s'agit entre autre de l'honnêteté de l'information donnée
au citoyen pendant les campagnes électorales ; de
l'honnêteté dans le découpage des circonscriptions
électorales et enfin de celle permettant le contrôle exercé
sur l'ensemble du processus.
L'honnêteté des informations concerne
beaucoup plus l'utilisation des médias pour les campagnes
électorales. Cette utilisation devrait être faite de telle
manière qu'aucun parti ne fasse de déclarations fausses,
diffamatoires, ethnicistes ou constituant une incitation à la violence.
Si le Code électoral de 1992 en son titre 13 et celui de 1998 en son
titre 14 contenaient des dispositions pénales sanctionnant l'utilisation
de fausses nouvelles, de propos calomnieux et autres manoeuvres frauduleuses
pour détourner le suffrage, rien n'a été prescrit sur
l'utilisation des promesses irréalistes ou non sincères voire les
faux espoirs entretenus par un usage partisan de médias pour extorquer
le suffrage au citoyen.
En outre, la tenue de certaines élections suppose
la détermination des circonscriptions électorales. Celles-ci
peuvent être plus ou moins étendues et correspondre à des
circonscriptions administratives existantes comme elles peuvent être
créées spécialement pour ces élections. Mais ce qui
compte, c'est d'éviter toute manipulation dans le découpage
pour favoriser des regroupements en fonction du vote prévisible des
électeurs dans le but de se fabriquer une majorité. C'est ce que
les constitutionnalistes appellent le « gerrymandering », du nom de
son inventeur au début du 19e siècle, le gouverneur
américain Gerry. C'est ainsi que les partis d'oppositions ont eu
à dénoncer le découpage des circonscriptions pour les
élections législatives de 1998 qui, selon eux, était
très favorable au parti au pouvoir. En effet, L'exigence de la prise en
compte des composantes sociologiques des circonscriptions électorales,
cohérente en soi et susceptible de préserver une réception
pacifique de la démocratisation en cours par la population, n'est pas
soustraite aux éventuelles manipulations politiciennes et aux
traitements discriminatoires qui peuvent en découler. Ainsi, un nouveau
découpage de ces circonscriptions sera effectué par le Conseil
National de Transition en 2004.Ainsi, si les Codes électoraux
centrafricains tentent tant bien que mal à préserver la
liberté et l'honnêteté des élections, qu'en est-il
du respect de la l'égalité et de la non-discrimination du vote en
Centrafrique ?
B- Le Code électoral et les principes de
l'égalité et de non-discrimination de vote
Depuis la proclamation de la souveraineté
démocratique en RCA, le corps électoral occupe une place
essentielle dans le fonctionnement des institutions politiques. Il constitue le
premier organe de l'Etat puisque sa volonté est décisive et que,
par le biais d'élection, tous les autres organes émanent de lui
directement ou indirectement. Il est, écrit Burdeau, « l'agent
d'exercice par excellence de la souveraineté nationale7(*)3 ». Par
conséquent, il est formé de l'ensemble des personnes
bénéficiant juridiquement du droit de voter. Seule la
Constitution peut fixer les conditions de sa composition. La Constitution de
1995, reprenant les dispositions de l'article 2 de celle de 1986 édicte
à cet effet que :
« Le droit de vote est garanti à
tous les citoyens majeurs de deux sexes jouissant de leur droits civils et
politiques(...) Le suffrage peut être direct ou indirect dans les
conditions prévues par la constitution. Il est toujours universel,
égal et secret7(*)4 ».
Le principe de l'égalité de vote qui est
ainsi constitutionnalisé implique également celui de non
discrimination de sorte que chaque citoyen puisse participer dans des
conditions égales au processus électoral. Le droit de vote
figurant au premier rang des droits politiques, la compétence
législative ne peut le restreindre que dans les conditions fixées
par la Constitution. Le Conseil constitutionnel français a eu à
cet effet à poser comme règle que les conditions et les
restrictions imposées au droit de vote dans tout suffrage qui a un
caractère politique ne peut se justifier que sur des critères
objectifs :
« La qualité de citoyen
assure le droit de vote et l'éligibilité dans des conditions
identiques à tous ceux qui n'en sont pas exclus pour une raison
d'âge, d'incapacité ou de nationalité ou pour une raison
tendant à préserver la liberté de l'électeur ou
l'indépendance de l'élu7(*)5 ».
La loi électorale
centrafricaine ( les deux Codes de 1992 et 1998 ) n'édicte que deux
conditions à la jouissance du droit de vote. Il s'agit :
- des conditions liées à la personne de
l'électeur ( avoir 18 ans révolus, jouir de ses droits
civiques et être de nationalité centrafricaine
).
- Et d'une condition de forme , celle liée
à l'inscription sur la liste électorale.
Si les premières conditions
peuvent être facilement remplies, il n'en est pas de même pour
l'inscription sur la liste électorale. En effet, le temps imparti pour
cette opération est souvent relativement si court que la population a du
mal à respecter le délai. De plus, la réglementation en la
matière voudrait que chaque commune ait une commission administrative
chargée de réviser annuellement cette liste afin de la tenir
à jour7(*)6. Or, le
plus souvent, les autorités attendent seulement la veille des
élections pour procéder à l'opération
matérielle de la révision des listes électorales. Ce qui
pose un problème de fiabilité et d'objectivité dans
l'établissement de ces listes qui ne sont pas à l'abri des
manipulations. D'où la nécessité d'instituer des organes
indépendants afin de veiller à la régularité de
l'ensemble des opérations électorales.
Paragraphe II. Les garanties institutionnelles du processus
électoral
L'un des problèmes qu'a connu la RCA
dès son ouverture à la démocratie est celui de la mise sur
pied d'une structure de gestion des opérations électorales
pouvant assurer et garantir le déroulement libre et transparent des
scrutins. Ce problème a été soulevé pour la
première fois lors des pourparlers entre le pouvoir en place et les
partis d'opposition en 1992 sur le principe de la tenue d'une conférence
nationale qui se chargerait de la définition des règles du jeu
électoral. Il est maintenant plus aigu depuis qu'ont été
installées par élection les nouvelles équipes politiques
et surtout au moment du renouvellement de leur mandat. Elle se pose
systématiquement, selon Jean Du Bois de Gaudusson, « à
la veille de chaque échéance électorale en raison de la
suspicion qui pèse sur le mode d'organisation électorale
traditionnellement en vigueur dans la plupart des Etats africains
francophones7(*)7 ». Ainsi, pour garantir la transparence
de ses différentes consultations électorales, la RCA recourt
à l'expertise de l'observation internationale (B) pour secourir les
commissions électorales, chargées d'organiser et de superviser
ces opérations électorales (A).
A- De la Commission électorale mixte (CEM)
à la Commission électorale mixte indépendante
(CEMI) : la recherche d'une structure neutre de gestion des
élections
La création d'une commission
électorale en tant qu'autorité administrative indépendante
est liée à la recherche d'une formule permettant d'isoler, dans
l'administration publique, un organe qui peut disposer d'une réelle
autonomie par rapport aux pouvoirs exécutif et législatif, pour
« l'exercice d'attributions concernant le domaine sensible... des
élections honnêtes, libres et transparentes7(*)8 ». En effet, les
commissions électorales sont un enjeu du débat politique sur
l'exercice du pouvoir de gestion des élections et
corrélativement, un enjeu du jeu qui oppose entre eux les hommes
politiques. Ces commissions servent avant tout leurs intérêts qui
tournent autour du maintien ou du changement de l'ordre existant c'est à
dire « le maintien ou le changement du rapport de force entre les
acteurs dominants et les acteurs prétendant à la
domination7(*)9 ».
Née dans un contexte de crispation politique
où la suspicion de fraude dans l'organisation électorale planait
sur les dirigeants de l'époque, la Commission électorale mixte (
CEM ) de 1992 n'était pas moins soumise à l'autorité du
ministre de l'administration du territoire qui en assurait la
présidence. Ce qui n'allait pas sans poser le problème de son
indépendance d'autant plus que c'était un décret pris en
Conseil de ministre et sur le rapport du Comité international de
contrôle des élections qui l'avait institué. Ainsi, compte
tenu de la nature transitoire du régime de l'époque, l'on a
souvent considéré la CEM, du fait de sa proximité avec le
pouvoir et de son inféodation à son administration de tutelle,
comme inapte à garantir la sincérité des scrutins.
Tirant ainsi les conséquences des
expériences électorales des années 1993 et 1994, les
acteurs de la scène politique nationale ont commis le législateur
de procéder à la création d'une autre commission
qualifiée cette fois d'indépendante. La loi n°98/004 du 27
mars 1998 va créer la Commission électorale mixte
indépendante (CEMI) qui sera « chargée de la
préparation, de l'organisation, de la supervision et du contrôle
des élections présidentielles, législatives,
régionales, municipales et des consultations
référendaires8(*)0 ». Une fois instituée, elle fera l'objet
d'une lutte pour son contrôle par les acteurs politiques. La lutte
menée par l'opposition a pour but d'occuper une place de choix au sein
de ladite Commission et de participer activement à son fonctionnement.
La présidence sera confiée de commun accord à une
personnalité de la société civile. La mouvance
présidentielle et l'opposition se partagent les autres postes. Ces
luttes pour la gestion de la commission, loin d'aboutir à
l'inefficacité sinon à l'inutilité de la CEMI, ont au
contraire contribué à la gestion consensuelle des scrutins
malgré quelques irrégularités. La forte
représentativité de l'opposition dans cette institution rend
difficile la manipulation des chiffres d'autant plus qu'il y a également
la présence des observateurs indépendants.
B- L'apport de l'observation indépendante des
élections dans le processus électoral
La pratique de l'observation des élections
est l'une des principales innovations institutionnelles internationales qui a
émergé à la suite de l'effondrement de l'empire
soviétique et surtout des vagues de démocratisation dans le monde
après la guerre froide. Cependant, l'observation électorale qui
prétend soutenir et renforcer l'intégrité de la dimension
électorale d'une démocratie naissante n'a pas de normes
clairement définies et agrées au niveau international pour
définir de façon ad hoc et décider qu'une élection
puisse fournir une base légitime de gouvernement démocratique.
Néanmoins, Elle a le mérite d'apporter dans certains cas, des
expertises nécessaires à l'organisation des consultations
électorales. Bien qu'elle n'a pas fait l'objet d'une
réglementation, la pratique de l'observation électorale s'est
toujours déroulée avec la bénédiction de tous les
partis en compétition qui pensent y trouver un gage pour la bonne tenue
des élections. La présence des observateurs indépendants,
tant nationaux qu'internationaux, est toujours encouragée lors du vote
afin de veiller à sa régularité. Qu'ils viennent du
système des Nations Unies, d'organisations intergouvernementales
régionales, d'O.N.G ou des missions officielles d'autres Etats, les
observateurs jouissent souvent de la liberté de circulation et sont
protégés contre tout préjudice et toute ingérence
dans leurs fonctions officielles. Cependant, cette observation a
des limites qui sont liées pour l'essentiel à la
nature de l'exercice de cette tâche. En effet, lors des
différentes élections, ces observateurs ne pouvaient voir que ce
qui leur était possible d'« observer » le jour du
scrutin : une apparence de calme à travers le pays, les
centrafricains accomplissant leur devoir électoral, la
disponibilité du matériel électoral ou encore la
régularité des opérations de dépouillement de vote.
Or, c'est à une autre étape échappant aux observateurs (
celle de la confection des listes électorales ou celle encore de la
centralisation et de la proclamation des résultats ) que les fraudes
pourraient être organisées. C'est ainsi que le plus souvent,
là où les observateurs n'ont retenu que des défaillances
matérielles presque inévitables dans un pays venant de renouer
avec le pluralisme politique, il peut y avoir, pour les partis en
compétition ou les organisations locales de défense des droits de
l'homme, des résultats souvent inversés, des procès
verbaux truqués, des chiffres de votant supérieurs à ceux
des inscrits et bien d'autres anomalies encore8(*)1. Bien que l'observation électorale reste une
importante forme de soutien international pour la démocratie en
Centrafrique, « une réflexion et une analyse sérieuse
suivie sont nécessaire pour qu'elle devienne un instrument efficace de
promotion de l'intégrité de la démocratie
électorale8(*)2. » Les expériences des
élections disputées ont clairement montré que là
où des structures ont été prévues pour assurer la
régularité des scrutins ou de veiller à la
neutralité de l'administration, l'observation internationale a
revêtu tout son sens et a été à même de
remplir la mission qui lui était impartie.
CHAPITRE II :
LES EXPERIENCES DES ELECTIONS DISPUTEES
« Les votes, qui dans un système
démocratique, découlent de l'identification à un parti ou
à un candidat, constituent des prises de position sur un
problème. Le parti et le chef représentent des points de vue
précis sur les problèmes du jour, du moins dans la mesure
où ils reflètent une orientation par rapport à ces
problèmes. Un vote pour la liste du parti ou pour un dirigeant signifie
au minimum que l'électeur considère cet individu ou cette
organisation comme ayant une orientation qui conduira vers ce qu'il estime
être une façon convenable de traiter les problèmes de
décision, présents ou à venir. »
David EASTON,
Analyse du Système politique
Paris, A. Colin, 1974, p. 136.
Le choix du régime démocratique par un
pays signifie essentiellement que le pouvoir dans ce pays appartient au peuple
qui l'exerce en principe à travers ses représentants (
Président de la République, Députés, les
Conseillers municipaux, etc.). Plus les élections sont transparentes et
reflètent le choix du peuple, plus les relations de commandement et de
subordination entre les gouvernants et les gouvernés au sein de la
société seront facilement acceptées. C'est pourquoi, les
questions du respect des règles du jeu démocratique demeurent
récurrentes en Centrafrique. Car, la transparence des débats et
l'honnêteté des consultations impliquent des garanties en amont
dans l'organisation des élections mais aussi en aval, dans le respect de
la volonté populaire. En outre, comme le souligne Seymour M. Lipset,
« une démocratie stable exige, entre les forces politiques
opposées qui la composent, un degré de tension relativement
modéré8(*)3. » Tout régime qui se veut
démocratique doit faire preuve d'un niveau d'efficacité
élevé pour éviter que la liberté et la
compétition politiques ne tournent à l'extrémisme et au
conflit. Les facteurs importants à cet égard sont : la
croyance en la légitimité des gouvernants, le respect de
l'opposition ; une volonté de composer avec elle, ce qui implique
souplesse et pragmatisme ; un minimum de confiance dans le milieu
politique et de coopération entre rivaux électoraux ; une
modération dans la prise de position ; un discours marqué
par la courtoisie ; le souci de l'efficacité et de la participation
politique. Si les Centrafricains ont fermement soutenu l'avènement du
régime démocratique comme le seul système politique
pouvant leur permettre d'atteindre un développement stable et
respectueux des droits de l'homme, il apparaît, à travers les
consultations électorales de 1993 et 1994 que la mise en place de ce
système souhaité a été plutôt laborieuse.
Ceci est dû essentiellement à un manque de consensus national au
départ sur la forme du régime qu'ils entendent instituer (
section I ). Cette situation se répercutera sur les élections de
1998 et 1999 qui ne permettront pas une alternance au pouvoir ( section II ).
SECTION I : LES CONSULTATIONS ELECTORALES DE 1993
ET 1994 : LA CONSECRATION DE LA TRANSITION DEMOCRATIQUE
Certains pays africains francophones avaient choisi,
pour sortir du monopartisme, la voie de la conférence nationale afin
d'élaborer des réformes constitutionnelles et d'asseoir les bases
consensuelles d'un régime pluraliste. Cette démarche est
novatrice et audacieuse à plus d'un titre. Au-delà de la
dénonciation des errements et des turpitudes de l'ancien régime,
celle-ci a permis à la nation de se réconcilier avec
elle-même et de définir de commun accord la future loi
fondamentale du pays. La République centrafricaine quant à elle a
choisi une autre voie. Nul conteste que la voie de la reconnaissance par le
régime au pouvoir du multipartisme est indispensable à
l'établissement d'une démocratie pluripartite. Mais, cela ne doit
pas être une fin en soi. Or, le cas centrafricain révèle
que la répudiation du monopartisme grâce aux
présidentielles et aux législatives de 1993 ( paragraphe I ) n'a
pas entraîné un consensus politique autour du referendum de 1994,
censé doter le pays d'une constitution démocratique ( paragraphe
II ).
Paragraphe I : Les scrutins électoraux de
1993 : la fin du régime monopartite
L'analyse de la situation politique (
A ) précédant les consultations électorales de 1993 nous
éclairera à mieux comprendre le contexte dans lequel le
régime du parti unique issu de la Constitution de 1986 a pris fin lors
des consultations électorales de 1993 ( B ).
A- La marche vers les élections
A défaut d'accepter la tenue
d'une conférence nationale, le régime du Président
Kolingba va passer par la voie d'une difficile concertation avec l'opposition
pour définir le processus électoral. En effet, le
Président de la République qui avait accepté le principe
d'une conférence nationale le 30 octobre 1991, repousse la revendication
présentée par l'opposition durant les travaux
préparatoires pour que cette conférence soit souveraine8(*)4. En principe, Ce devrait
être dans la concertation et la force du droit que les acteurs
politiques, engagés dans le processus de démocratisation
pourraient évoluer pour trouver les voies et moyens d'introduire de
véritables changements. En témoigne la grande place qu'ont
occupée les questions constitutionnelles lors des travaux des
conférences nationales de certains pays comme le Bénin ou le
Mali. Par delà les réserves et les controverses que d'aucuns ont
soulevé à leur propos, ces fora nationaux ont incarné dans
ces pays la profonde aspiration de la population aux changements. Car, ils ont
non seulement permis de marquer une rupture avec l'ordre existant mais servi
également de creuset pour l'élaboration de nouvelle constitution
8(*)5. Cette
dernière a ainsi inauguré « l'ère de la
démocratie » et a été un prélude à
la mise en place des institutions démocratique. L'ouverture de l'espace
politique en Centrafrique a, par contre, visé au départ à
récupérer les soutiens du régime en place qui est en perte
de vitesse. Elle se veut limitée voire réversible. Mais au lieu
de cela, cette brèche a entraîné un effet de
« dégel de l'iceberg8(*)6. » qui va provoquer la fin du
régime.
Du côté de l'opposition, l'on remarque, selon
le schéma de Hermet 8(*)7, deux attitudes : d'un côté, nous
avons les partisans d'une entente publique ou tacite avec les
réformateurs du régime en place. Ceux-ci se sont
constitués en opposition modérée : il s'agit entre
autres de Katossi de l'Union pour le progrès et le Développement
Social ( UPDS ), de MBoé du Parti Républicain pour les
Libertés ( PARELLI ), de Bengué du Mouvement pour le socialisme
en Centrafrique (MSCA) et de Tandalé Ozi Okito du Parti
socialiste8(*)8. De
l'autre côté, viennent à se distinguer les adversaires de
tout compromis même tactique avec le régime. Ils sont
regroupés au sein de la Concertation des forces démocratiques
(CFD), composée de 14 partis et animée par les formations
politiques les plus influentes que sont le Front Patriotique pour le
Progrès (FPP) d'Abel Goumba, l'Alliance pour la Démocratie et le
Progrès (ADP) de Péhoua, le Mouvement de Libération du
Peuple centrafricain (MLPC) d'Ange Patassé. Tandis que l'opposition dite
modérée acceptent de participer au Grand débat national,
les radicaux le boycotteront. Ainsi, les autorités dirigeantes exercent
une influence sur le jeu par la direction partielle ou général de
son déroulement tout en bénéficiant de diverses ressources
de l'Etat. C'est à travers une stratégie d'exclusion/inclusion de
l'opposition qu'elles entendent organiser les élections pour mieux les
maîtriser9(*)9. En
effet, l'alliance même de l'opposition est fragile. Car, dès que
s'esquisse une probabilité de changement, cette alliance s'effrite,
chacun cherchant à se positionner par rapport aux futures
échéances. La conséquence de ces « transactions
collusives 1(*)00 », est que finalement, c'est le processus
électoral qui se trouve régi par ces alliances volontaires ou
involontaires. Sa lisibilité en terme de construction d'une alternative
au pouvoir en place s'en trouve limitée. En effet, les radicaux
n'étant résolus qu'à mettre fin au pouvoir des
autorités en place, leur union ne consistait pas à
l'élaboration d'un projet commun de société pouvant servir
d'alternative en cas de victoire. Les modérés quant à eux,
oscillent entre la collaboration avec le régime en place et une prise de
position nette en faveur des élections. Ainsi, les premiers scrutins
d'octobre 1992 vont vite faire apparaître la fragilité de la
position du parti au pouvoir car son Président ne recueille que 2,05%
des suffrages. Avant leur publication, ces scrutins seront annulés pour
troubles et fraudes. Cette annulation constituait pour la transition politique
un danger : constitutionnellement, le mandat du Président de la
République ainsi que celui du Parlement arrivaient à terme le 28
novembre 1992. Les délais nécessaires pour organiser de nouvelles
échéances allaient permettre au Chef de l'Etat de se maintenir
encore au pouvoir. Pour éviter le vide institutionnel, les partis
politiques en accord avec la Présidence se mirent alors d'accord pour
instituer en novembre de la même année la Commission
électorale mixte chargée de préparer de nouvelles
élections. Il fut également décidé de la
prorogation du mandat présidentiel et de la mise en place d'un Conseil
National Politique Provisoire de la République (CNPPR) en remplacement
du Parlement. Ce Conseil ne se retrouvera jusqu'à la fin de son mandat
qu'avec deux membres. Le troisième, Ange Patassé,
Président du parti MLPC, se retirera dudit Conseil, arguant de son
mauvais fonctionnement et du manque de confiance réciproque entre ses
membres1(*)01.
D'un côté, il y a eu l'échec du
premier gouvernement de cohabitation avec le premier ministre Malendoma qui
était en conflit ouvert avec le Chef de l'Etat. Le Président du
Parti Social Démocrate, Dérand Lakoué, sera chargé
à la tête d'un autre gouvernement, de conduire le pays vers de
nouvelles échéances électorales. La gestion de cette
cohabitation apparaissait très difficile d'autant plus que tous les
protagonistes étaient de potentiels candidats à ces
consultations. De l'autre, la crise sociale s'intensifia avec de nouvelles
grèves des fonctionnaires qui seront réquisitionnés. Il y
avait même eu en mars 1993 un soulèvement de la garde
présidentielle suivie quelques jours après de deux
régiments de l'armée de terre qui revendiquaient le paiement de
plusieurs mois de prime général d'alimentation et de
salaires1(*)02. C'est donc
dans un climat de conflit social que vont se tenir les scrutins
électoraux de 1993.
B- Les consultations électorales de 1993 :
la fin du régime monopartite
Ces consultations sont essentiellement marquées
d'une part par la volonté du régime rdciste de
maîtriser le processus électoral et d'autre part, par la division
de l'opposition.
- La tentative du pouvoir en place de
maîtriser le jeu politique par la logique du blocage du processus
électoral : cette tentative du parti RDC et des
autorités au pouvoir se manifeste d'abord par leur volonté de
disqualifier certains candidats de l'opposition, violant par-là le
principe de la liberté de candidature. En effet, lors de la
révision constitutionnelle du 04 mars 1991, il est édicté
à l'article 5 de ladite Constitution que « ne peuvent
être candidats à l'élection présidentielle que les
hommes et les femmes, centrafricains d'origine, âgé de 35 ans au
moins, ayant leur résidence principale sur le territoire national
depuis cinq ans au minimum...1(*)03 ». Si les conditions d'âge
et de nationalité peuvent être facilement remplies par les
candidats, cette disposition soulève par contre de controverse quant
à ce qui concerne la condition de résidence sur le territoire
national. Pendant le règne du régime monolithique, certains
opposants étaient obligés de se réfugier à
l'étranger pour échapper à la prison. D'autres
étaient partis en exil pendant plus de dix ans parce que le
régime en place avait soit détruits soit confisqués leurs
biens. Appliquer cette disposition reviendrait à disqualifier certains
candidats comme Patassé et Bozizé qui avaient mis plus de cinq
ans à l'extérieur et qui n'avaient pu regagner le pays que
grâce au vent de la démocratisation. N'ayant pu faire appliquer
cette disposition en sa faveur à cause des menaces des partis
d'opposition de boycotter les élections, le Président de la
République reprend alors la logique de blocage qui caractérise sa
politique1(*)04.
Après le raté électoral d'octobre
1992, l'organisation des élections générales (
législatives et présidentielles cumulées ) sera
fixée pour les mois d'août et de septembre 1993. C'est durant
cette période que la Communauté internationale va
également intervenir pour surveiller le dispositif consensuel du
processus électoral. Non seulement, la France a envoyé son Haut
Représentant en la personne de l'ambassadeur Michel Lunven qui venait de
vivre une autre transition au Niger mais, elle a également suspendu de
ses fonctions le colonel Mansion qui a été douze ans durant
l'éminence grise du régime Kolingba. Parallèlement, un
groupe informel de bailleurs de fonds se met en place pour coordonner les
contributions de la France et d'autres pays et surveiller l'évolution
des scrutins1(*)05. Le
processus étant redevenu normal, le premier tour des scrutins se tient
en août et voit l'élimination du candidat Kolingba qui ne
recueille que 13% des suffrages. C'est dans ce contexte qu'il va tenter, ce que
d'aucuns qualifiaient à l'époque d'ultime erreur
politique1(*)06, d'arrêter le processus en promulguant
deux ordonnances, l'une portant modification de la composition de la Cour
suprême et l'autre, modifiant certaines dispositions du code
électoral. Erreur de stratégie politique ou refus
délibéré de voir le changement aboutir, toujours
est-il que, le pouvoir en place avait cru que le pays était
« suffisamment quadrillé » pour lui permettre de
gagner ces scrutins. C'était mal évaluer l'élan de
changement qui avait entre temps envahi la population et la volonté de
la France, ex-puissance colonisatrice, à travers son Haut
représentant, de conduire à son terme le processus
électoral. Face aux réactions de la rue et à la suspension
par certains bailleurs bilatéraux (surtout la France et l'Allemagne ) de
leur coopération civile et militaire, le Chef de l'Etat retirera le 30
août 1993 les ordonnances litigieuses. Le second tour des
élections se tiendra alors entre les deux candidats de l'opposition
arrivés en tête lors du premier. Il s'agit de Patassé du
parti MLPC et de Goumba de FPP.
- La victoire en rang dispersé de
l'opposition : dés 1990, l'opposition au pouvoir du
Président Kolingba avait pour stratégie de lutte l'union et la
concertation afin de mettre fin au régime rdciste. Du
Comité de coordination pour la convocation de la conférence
nationale (CCCCN ) à la concertation des forces démocratiques (
CFD), elle donnait au départ l'image d'un groupe cohérent,
résolu à combattre le système monopartite. Cependant, avec
les élections, cette cohésion se fissura profondément. Si
certains, conscients de leur faible poids électoral, se
rallièrent au pouvoir en place ( le cas des leaders de l'opposition dite
modérée ), d'autres décidèrent de participer
à ces scrutins à titre individuel. Le président du MLPC,
Ange Patassé, suivi peu après par celui du PSD, Dérand
Lakoué quittèrent la CFD où le professeur Abel Goumba
était présumé être le seul candidat de l'opposition
pour l'élection présidentielle.
La conquête et l'occupation par l'opposition de
la position dominante dans le jeu politique étaient donc restées
éphémères à cause de « ses faiblesses
intrinsèques1(*)07 ». Parmi celles-ci, se plaçaient
d'abord la division entre ses responsables, ensuite l'absence d'un projet de
société convaincant. On pourrait également y ajouter le
manque de moyens qui obligeait certains à pratiquer le système du
transfuge politique. Ainsi comme le remarquaient certains analystes de la vie
politique centrafricaine, « les discours politiques ( de l'opposition
) étaient globalement pauvres, sans programmes véritables pour
l'avenir. Le 22 août 1993, les électeurs allaient aux urnes pour
choisir leur nouveau président ( ainsi que les députés ),
parmi des candidats qui promettaient le changement sans dire exactement comment
ils allaient s'y prendre pour aboutir.1(*)08 »
A l'issue du second tour du scrutin qui mettait en
compétition Ange Patassé à Abel Goumba, le premier
devancera le second en obtenant 53,45% des suffrages1(*)09. Quant aux résultats
du scrutin législatif, le MLPC obtient 33 sièges, suivi du RDC
avec 13, le FPP, 7, le MDD, 6, le PLD, 7, l'ADP, 6. Six autres petites
formations remportent entre 3 et un sièges.
Le paysage politique national sort de ces consultations par
une sorte d'imprécision dans les alliances. Le MLPC va
bénéficier dans un premier temps de la dislocation de la CFD. En
effet, le PLD de Kombo-Naguémo, le MDD de David Dacko, le PSD de
Dérand Lakoué, l'ADP de François Péhoua et certains
députés indépendants formeront la première mouvance
présidentielle avec le MLPC. Seuls le RDC de Kolingba et le FPP de
Goumba décideront de leur côté de rester dans l'opposition.
Cependant, cette mouvance présidentielle va vite faire la douloureuse
expérience d'un mariage mal préparé et immature. Le parti
vainqueur se prévaut en effet de sa supériorité pour
s'emparer des postes ministériels les plus importants dans le premier
gouvernement. La déception qui commence à s'installer dans le
camp des alliés qui se voient exclus des grandes décisions
de l'Etat, se transformera en divorce en 1995 lors du referendum
constitutionnel1(*)10.
Paragraphe II : Le Referendum constitutionnel de 1994
et l'effritement du consensus politique
Une fois les nouvelles
institutions issues des scrutins de 1993 mises en place, il reste à
doter le pays d'une nouvelle loi fondamentale capable de prendre en compte les
mutations politiques intervenues jusque là. La politisation du
débat sur la nouvelle constitution ( A ) va alors entraîner
l'effritement du consensus politique après son adoption ( B ).
A- Le débat sur le projet de la Constitution
Si l'idée d'opérer une mutation
constitutionnelle nécessaire pour prendre en compte le nouveau
changement politique intervenu dans le pays est partagée par la classe
politique centrafricaine, le définition du type de régime capable
de répondre à cette mutation ne fera pas par contre l'objet d'un
consensus. En dehors de la consécration des droits et libertés
longtemps attendue et de l'affirmation de la séparation des trois
pouvoirs, le projet de la constitution de la 5e République va
soulever des controverses surtout en ce qui concerne l'étendue du
pouvoir dévolu au Chef de l'exécutif. En effet, la
prééminence de la fonction présidentielle est au centre du
nouveau dispositif constitutionnel. Le statut et les vastes attributions
qu'elle recouvre illustre si besoin est de la volonté des nouvelles
autorités de laisser constitutionnellement les coudées franches
au Président dans la gestion du pouvoir. En effet, clé de
voûte de l'édifice institutionnel, les pouvoirs du Chef de
l'exécutif recouvrent la présidence habituelle des conseils des
ministres et de la magistrature, la nomination aux hautes fonctions publiques
civiles et militaires ainsi qu'à la dissolution de l'Assemblée
nationale1(*)11.
Toutefois, comme l'analyse Albert BOURGI, les attributions du Président
de la République, aussi étendues soient-elles, doivent
« désormais être appréciées à
l'aune des prérogatives reconnues au gouvernement et surtout au premier
ministre1(*)12. »
C'est donc sur l'étendue du pouvoir du chef de
gouvernement que va achopper la concertation entre le pouvoir et la classe
politique. Cette dernière souhaite le renforcement des pouvoirs du
premier ministre dans la définition et la conduite de la politique de la
nation afin de permettre au Parlement d'avoir un réel contrôle sur
cette politique. Pour la formation présidentielle, il importe peu que la
rédaction des dispositions relatives aux rapports entre le
Président de la République et le Chef du gouvernement puissent
prêter à diverses interprétations, l'essentiel est d'en
préserver l'esprit, à savoir que le premier ministre et le
gouvernement restent avant tout des gestionnaires au quotidien de l'Etat.
Ainsi, la possibilité d'une cohabitation à la française
est concevable dans ce schéma constitutionnel à moins de
procéder à l'exclusion de l'article litigieux1(*)13.
En outre, d'autres points du projet constitutionnel ne
font pas l'unanimité. Il s'agit entre autre du mandat
présidentiel ( fixé à six ans au lieu de cinq ), de
l'âge minimum requis pour être candidat à la
présidence ( 35 ans au lieu de 45 ), et enfin du projet de la
régionalisation et de la décentralisation que d'aucuns pensent
qu'elles sont plus facteur de division que d'intégration1(*)14.
A l'ouverture de la campagne
référendaire, certaines formations politiques de la mouvance se
dissocient du parti au pouvoir. Il s'agit notamment du MDD de Dacko, de l'ADP
de Péhoua, du PSD de Lakoué et du FC de Malendoma. Ils rejoignent
l'opposition dite radicale (RDC, FPP, MDREC) dans la campagne contre le non.
B- L'adoption de la nouvelle Constitution et
l'effritement du consensus politique
Les résultats du referendum
organisé en décembre 1994 donnent 82,06% de
« oui » et 17,17% de « non ». La
nouvelle constitution entrera en vigueur le 14 janvier 1995. Cette victoire du
« oui » au référendum constitutionnel finit
par faire éclater d'abord la mouvance présidentielle. Les causes
de cet éclatement sont plus profondes qu'elles ne paraissent. Elles
concernent surtout le mode de gestion du pouvoir par les nouvelles
autorités. En effet, au lendemain des élections pluralistes de
1993, la classe politique et les forces vives de la nation dans leur ensemble (
les syndicats notamment ) ont décidé de donner une période
de trêve politique et syndicale à ces autorités à
cause de l'immensité des chantiers économiques et sociaux
auxquels elles devront se confronter. C'est dans cette optique et conscient de
la faible représentativité de son parti que le Président
Patassé a négocié et obtenu la constitution avec les
leaders de certains partis d'une coalition informelle appelée
« mouvance présidentielle ». Néanmoins, le
gouvernement dit de large consensus qui sera formé sur la base de cette
coalition s'enlisera vite dans des difficultés. Ceci beaucoup plus
par la volonté du parti gagnant de se prévaloir du principe de
« qui gagne, gouverne et gouverne seul » pour
« partager les postes administratifs les plus respectables aux
militants du parti » ou « récompenser les amis
politiques » pour leurs années de lutte. Il est donc
difficile, dans ces conditions, aux autorités élues, à la
fois d'arbitrer les conflits internes entre les « camarades de la
légion étrangère, rentrés au pays réclamer
leur part de récompense et les camarades locaux, véritables
artisans de la victoire » et de s'attaquer aux racines du mal
économique et social centrafricain.1(*)15. La déception gagne le camp des
alliés qui estiment jouer plus un rôle de figurant que d'un
réel partenaire pour le pouvoir. L'éclatement de la mouvance au
lendemain du referendum va aussi sonner le glas de la trêve
observée jusque-là. En fait, faute de stratégie de
développement et à l'absence d'une reforme institutionnelle
consensuelle, le programme du premier gouvernement va se buter à une
motion de censure déposée par l'opposition et soutenue par la
majorité présidentielle.
La constitution d'un nouveau gouvernement ne va pas pour
autant décrisper la situation politique. Tandis que le parti MDD de
Dacko accuse le président de la République d'avoir violer
l'article 22 de la Constitution en cumulant les fonctions de Président
de son parti et de celui Chef d'Etat1(*)16, sept partis de l'opposition se regroupent au sein
d'un conseil démocratique de l'opposition et fustigent le
caractère autoritaire et ethnocentrique du pouvoir en place1(*)17. L'atmosphère
politique va se dégrader davantage lorsque le nouveau pouvoir lance un
audit sur la gestion de son prédécesseur et menace de poursuivre
en justice les personnes que ledit audit parlementaire viendrait à
désigner comme responsables de détournement de fonds publics. Les
collaborateurs de l'ancien régime ( pour la plupart membres de l'ethnie
du général Kolingba ou les militants du parti RDC ),
dénoncent ce qu'ils estiment être une chasse aux sorcières.
La méfiance s'installe entre les principaux protagonistes de la
scène politique nationale. Le consensus politique observé depuis
le début du changement politique en 1993 s'effritera
définitivement lorsque, sous le prétexte de revendications
corporatistes, une parties de l'armée va déclencher une
série de mutineries qui vont durablement affecter la classe politique et
jouer sur les élections de 1998 et 1999.
SECTION II. LES ELECTIONS DE 1998 ET 1999 : L A
NON CONCRETISATION DE L'ALTERNANCE DEMOCRATIQUE
Le difficile passage de la
Centrafrique du monopartisme au multipartisme est à la mesure de la
non-résolutionn de l'épineux problème de la
définition et de la mise en oeuvre de l'agenda des réformes
à accomplir pour permettre la réelle démocratisation du
pays. En effet, comme l'écrit Guy Hermet, ceux qui assument la
responsabilité des transitions doivent veiller à
« n'appliquer que des mesures susceptibles d'être suivis
d'effet sans trop attendre et point trop génératrices de conflits
ou de retombées collatérales politiquement
indésirables1(*)18 ». Il y va du crédit de la jeune
démocratie encore vulnérable à ses débuts. Or, en
s'engageant par priorité dans des programmes de grande envergure
telle que la modification drastique dans la distribution de la richesse
nationale ou la mise en jugement systématique de certain personnel du
précédent régime1(*)19, les autorités au pouvoir allaient
porter un coup à l'équilibre encore fragile des jeunes
institutions mises en place. Les différentes crises militaro-politiques
de 1996 à 1997 avaient tellement divisé le pays que les
législatives de 1998 devinrent un nouvel enjeu pour la constitution de
la nouvelle majorité parlementaire. La constitution in extremis d'une
majorité présidentielle grâce au débauchage d'un
député de l'opposition ( paragraphe I) allait être le
commencement d'une série de crise politique qui affaiblira durablement
la transition. L'élection présidentielle de 1999 accentuera
encore plus cette fragilisation.
( paragraphe II ).
Paragraphe I : Les élections
législatives de 1998 et leur contentieux devant le Juge
constitutionnel
Les élections
législatives de 1998 étaient censées consacrer la
deuxième législature de l'ère démocratique
centrafricaine. Mais, au lieu d'être pour le pays l'occasion
d'expérimenter sa première cohabitation, le débauchage
d'un député de l'opposition, au lendemain de la proclamation des
résultats du scrutin, par le parti au pouvoir va davantage
entraîner la crispation de la situation politique ( A ). La bataille
juridique qui en avait suivi devant le juge électoral ne
débouchera malheureusement pas sur une solution permettant de
sanctionner ce que d'aucuns qualifiaient à l'époque du
« vagabondage politique » (B).
A- Les scrutins législatifs de 1998 et le
débauchage d'un député de l'opposition par le parti au
pouvoir
L'analyse des
évènements politique qui ont précédé ces
scrutins semble nécessaire pour la compréhension de l'issue
desdites consultations.
- Les étapes de la crispation
politique : De 1996 à 1997, il y a eu trois mutineries au
sein des Forces Armées Centrafricaines (FACA). De simples revendications
corporatistes, ces mutineries vont prendre des allures de tentative de coup
d'Etat entraînant le pays dans une période de confusion politique
illustrée par des violences, des assassinats, de l'exacerbation du
clivage ethnique ainsi que de la partition de la capitale Bangui en deux zones,
l'une favorable au pouvoir et l'autre, aux mutins1(*)20. L'intervention de la
Communauté internationale permettra non seulement l'envoi d'une mission
inter-africaine de surveillance des Accords de Bangui (MISAB) mais
également l'implication de ladite communauté à travers la
Mission des Nations Unies en RCA (MINURCA) transformée après en
Bureau des Nations Unies en Centrafrique (BONUCA) dans le processus
démocratique en RCA1(*)21.
Au plan national, les différentes concertations,
sous l'égide de la Communauté internationale, vont permettre la
formation d'un premier gouvernement d'union nationale en juin 1996. Ce
gouvernement est chargé de la mise en application des résolutions
adoptées lors de ces concertations. En effet, des actes positifs ont
été adoptés dans le but d'apaiser le climat politique et
de trouver des solutions à la crise sociale et économique
considérée comme la cause de ces violences militaro-politiques.
Un Protocole d'Accord Politique, consignant les grandes orientations politique
du pays et leurs objectifs, fut signé par toutes les parties. Ce
document sera complété par le Programme Minimum Commun qui se
présentait comme un véritable programme de gouvernement. Les
efforts de la médiation inter-africaine (décidée lors du
sommet France-Afrique de Ouagadougou en décembre 1996 et confiée
au général malien Amadou Toumani Touré) vont permettre la
concertation entre les forces vives de la nation et la formation d'un nouveau
gouvernement dit d'action pour la défense de la démocratie.
Néanmoins, tout au long de 1997, des affrontements, des accords de paix
ainsi que de rupture de trêve se succèderont. La signature en mars
1998 du Pacte de Réconciliation Nationale à l'issue de la
Conférence de Réconciliation Nationale devrait dans l'esprit de
ses signataires permettre le retour du pays à la stabilité
institutionnelle.
Cependant, le maintien d'une présence
internationale dans but de suivre la bonne application de tous ces accords
s'avère d'autant plus crucial que les scrutins législatifs de
1998 sont chargés d'un potentiel conflictuel. Ce maintien permet
à la Communauté internationale de faire face à une
éventuelle reprise des hostilités à cause de l'importance
des clivages politico-identitaires1(*)22 dans le pays et de la décision de la France
de retirer ses forces stationnées dans le pays depuis le renversement de
l'empereur Bokassa en 1979.
- Les législatives de novembre et
décembre 1998 : Les différents soubresauts
politico-militaires qu'a connus le pays n'ont pas permis au parti MLPC
(vainqueur des élections de 1993) et ses alliés de mettre en
oeuvre le programme sur la base duquel ils ont été élus.
La frustration est d'autant plus grande au sein de cette formation politique
durant toute cette crise du fait de l'attitude de l'opposition qui
relèverait, selon elle, de la manoeuvre politicienne. En effet, alors
qu'elle était représentée dans tous les gouvernements mis
en place durant cette période, l'opposition refuse d'assumer sa part de
responsabilité. Ces législatives représentent pour le
parti MLPC au pouvoir l'occasion de constituer une nouvelle majorité et
mettre enfin en exécution son programme politique. Pour l'opposition par
contre, ces scrutins sont l'occasion d'influencer la future législature
afin de permettre la réforme constitutionnelle pour limiter le pouvoir
du Président au profit de celui du Premier Ministre1(*)23. Elle réclamait
cette réforme institutionnelle depuis l'adoption de la constitution de
la 5e République. Elle estime que la répartition
constitutionnelle du pouvoir entre les deux têtes de l'Exécutif
est déséquilibrée et l'est beaucoup plus en faveur du chef
de l'Etat. Ceci constituerait selon elle un danger pour la
démocratie1(*)24.
C'est donc dans ce climat qu'a lieu les élections
législatives de 1998, l'opposition étant décidée de
se réunir au sein de l'Union des Forces Acquises à la Paix
(UFAP). L'inorganisation qui a caractérisé le premier tour a
failli remettre le scrutin en cause bien que les opérations aient
été confiées à la CEMI, au sein duquel tous les
partis étaient représentés1(*)25. Le deuxième tour qui s'était tenu
le 13 décembre avait donné dans un premier temps, la
majorité absolue à l'opposition avec 55 sièges. Mais
l'UFAP allait vite se fissurer et ceci à cause à du ralliement au
parti au pouvoir de 5 députés indépendants et du
transfuge d'un député du PSD, monsieur Dieudonné
Koudoufara au lendemain de la proclamation des élections. Le parti MLPC
allait se retrouver avec 55 députés.
Si le ralliement des députés
indépendants au parti au pouvoir ne pose pas de problème, celui
de Dieudonné Koudoufara, élu sous la bannière du PSD va
être l'occasion d'une bataille juridique devant la Cour
Constitutionnelle. L'opposition considère cet acte comme relevant de la
tricherie et de la violation des principes démocratiques, le
député devant être déchargé de son mandat
car, il a violé la volonté de ses électeurs en se ralliant
au parti au pouvoir. Pour le parti victorieux, le député ne jouit
pas de mandat impératif en Centrafrique. Une fois élu, il fait
partie du corps législatif et dispose de son mandat en qualité de
représentant de la nation et non de celui d'une circonscription
donnée. De l'ensemble du contentieux relatif à ces
élections législatives, l'affaire « Koudoufara »
va être celle sur laquelle la classe politique attend le plus la
décision de la Cour constitutionnelle pour dire le droit, sinon
sanctionner ce qui est en passe de devenir une pratique néfaste pour la
concrétisation de l'alternance démocratique en RCA : la
pratique de transfuge politique.
B- Le contentieux des élections
législatives de 1998 devant la Cour constitutionnelle
Les opérations électorales sont de
nos jours de plus en plus polluées par des comportements
irréguliers au regard de la loi électorale. Il est banal de
constater comme d'expliquer, en partie, ce phénomène par la
multiplication des exigences imposées par le législateur, de plus
en plus soucieux, pour en assurer la moralité, la transparence et la
sincérité. L'irruption de l'argent dans la vie politique et,
particulièrement, dans le processus électoral ne date
certainement pas d'aujourd'hui en Centrafrique. Toutefois, l'influence qu'il y
exerce depuis la consécration de la démocratie élective
commence à devenir inquiétante pour sa consolidation. La logique
du « qui paye, commande » se retrouve, aux dires de Andreas
Melher et Vincent da Cruz1(*)26, au centre même de ces consultations
législatives. Beaucoup de députés se seraient
endettés pour satisfaire les demandes de leurs électeurs,
d'où la décision de certains élus de pratiquer la
politique de transfuge, moyennant de l'argent, pour pouvoir s'acquitter des
dettes contractées1(*)27. Ainsi, à défaut d'endiguer le
phénomène, le juge électoral est donc appelé
à le sanctionner afin de garantir non seulement l'honnêteté
de la compétition mais également le déroulement
régulier de l'ensemble du processus électoral.
Instituée par la Constitution du 14 janvier 1995,
la Cour constitutionnelle est chargée, en matière de contentieux
électoral, de « veiller à la
régularité des élections présidentielles,
législatives, régionales, municipales ; examiner et
proclamer les résultats du scrutin ; veiller à la
régularité des opérations de referendum et d'en proclamer
les résultats. » (Article 70 de ladite Constitution).
L'aspect la plus caractéristique de ce contentieux réside dans
les pouvoirs dévolus à cette Cour. Elle est chargée
d'assurer le respect du suffrage. Ainsi, elle possède en ce domaine une
grande liberté pour apprécier les irrégularités et
pour en tirer les conséquences1(*)28. Quant au contenu de ses décisions, elle
dispose d'une gamme de solutions, depuis la confirmation de l'élection
jusqu'à son annulation, en passant par la rectification des
résultats litigieux. Ainsi, le traitement des procès verbaux des
différents résultats du premier tour de ces législatives
lui a permis d'en éliminer plusieurs pour irrégularité. Il
s'agit des procès verbaux de certains bureaux de vote comme ceux de
Nguitangola D dans la circonscription de Bimbo I, de Ben-vi dans la
première circonscription du 5e arrondissement de Bangui. Elle a
également sanctionné l'inscription sur certains procès
verbaux des personnes non-inscrites sur la liste officielle des candidats (cas
du procès verbal de Bozoum II et BiraoII1(*)29 ).
Il résulte de ces décisions de la Cour
constitutionnelle que cette dernière ne peut se prononcer que sur les
recours visant à mettre en cause la régularité d'une
élection déterminée. Lorsqu'elle a été
saisie par le parti PSD dans l'affaire « Koudoufara », il
se posait le problème de l'étendue de sa compétence.
D'après les dispositions de l'article 70 de la Constitution citée
ci-dessus, la Cour ne peut recevoir que les seuls griefs invoqués dans
les délais et à l'encontre des opérations concourant
à l'expression du suffrage. La conséquence en est que le juge
constitutionnel, ne pouvant statuer ultra petita, ne peut
également s'interroger que sur la régularité des
comportements qui ont concouru au résultat contesté. En
matière électorale, Il n'est juge ni des incompatibilités
ni de l'exercice du mandat législatif mais plutôt, juge des
inéligibilités et des irrégularités des
élections. C'est donc à bon droit qu'il s'est
déclaré incompétent de juger le cas « Koudoufara
». Il reste qu'à l'absence de toute disposition constitutionnelle
ou législative sanctionnant la pratique de transfuge, la sanction
devrait être plutôt politique que juridique. En effet, lorsqu'un
élu décide de changer de camp politique sans ni se
référer à son parti ni se conformer à la
volonté de ses électeurs, il se pose un problème de sa
représentation au Parlement. Si la Constitution interdit en son article
50 tout mandat impératif consistant pour les électeurs à
imposer des directives à leur élu au moment du scrutin, il n'en
demeure pas moins qu'en élisant un député à travers
son parti, le peuple attend sanctionner le parti qui est au pouvoir et
permettre une alternance démocratique pour le pays. La pratique de
transfuge politique qui constitue un obstacle à une alternance
démocratique au pouvoir ne peut être sanctionnée comme
telle que si, au préalable, le constituant ou le législateur l'a
expressément prévu. Tel n'est pas cas en Centrafrique. Les
insuffisances des dispositifs traditionnels de sanction de tels agissements
politiques ne peuvent que limiter l'étendue des compétences
dévolues à la Cour constitutionnelle. Sans mésestimer,
tant sur le plan de l'Etat de droit que sur le terrain de la démocratie
elle-même, les avancées permises par la mise en place du
contrôle juridictionnel des élections, il est à relever
qu'en l'absence de dispositif juridique sanctionnant certaines pratiques
douteuses des hommes politiques, les élections continuent à
être un moyen de pratique de politique informelle en marge des principes
démocratiques1(*)30.
Paragraphe II. Le scrutin présidentiel de
1999 : la fragilisation du système politique centrafricain
La difficile acceptation par la classe
politique des résultats des élections législatives de 1998
démontre, si besoin est, de la détérioration du climat
politique quelques années après la fin du monopartisme. En effet,
la vague du rejet unanime du régime monopartite n'a pas engendré
une convergence vers une définition consensuelle du processus
démocratique dans le pays. Si, l'institution des procédures
électorales compétitives a permis l'accomplissement d'un cycle
électoral mettant en jeu tous les postes politiques, il est à
constater que la « réussite » de ces
expériences n'a pas entamé les modes de gestion
néo-patrimoniaux du pouvoir : clientélisme, corruption,
favoritisme etc1(*)31.
Ces pesanteurs expliquent que le scrutin de 1999, en relégitimant et en
renforçant la position des autorités au pouvoir, n'a pas permis
un changement de la physionomie de la classe politique (A). Il n'a pas
également permis la mise en oeuvre d'un programme politique susceptible
de gagner l'adhésion durable de la population. Il en découlera
une vague de désenchantement qui va entamer la consolidation du
régime pluraliste mis en oeuvre depuis 1990 (B).
A- Le scrutin de 1999 et la physionomie de la Classe
politique centrafricaine
L'étendue du pouvoir conféré
à l'exécutif dans la Constitution du 14 janvier 1995 fait que
l'élection de son chef est devenue un enjeu capital pour le
contrôle et la gestion du pouvoir dans l'Etat. La
prééminence du Président de la République et du
rôle subordonné du premier ministre donne pratiquement un
caractère présidentialiste à un régime qui se
voudrait en théorie semi-présidentiel. Elu pour six ans au
suffrage universel direct, son mandat n'est renouvelable qu'une seule
fois1(*)32. La
modification du code électoral en juillet 1999 a permis d'y introduire
le système de bulletin unique pour l'élection
présidentielle.
« Toutefois, précise l'article 35
dudit code, pour les élections présidentielles de 1999, ne
sont applicables que les anciennes dispositions de la loi n°98/004 du 27
mars 1998, portant code électoral, relatives aux bulletins
multiples. » Cette disposition était le résultat
du compromis entre le parti au pouvoir et l'opposition qui exigeait depuis
l'introduction du bulletin unique dans la loi électorale.
Cependant, l'enjeu véritable de ce
présidentiel se trouve sur le terrain de la mobilisation ethnique car,
l'instrumentalisation de la loyauté ethnique à des fins
électoralistes est caractéristique des campagnes
électorales en RCA. A l'absence d'un programme politique capable
d'intégrer les dimensions sociale et économique de la
démocratie dans la gestion de la chose publique, cette
instrumentalisation permet au moins aux hommes politiques de gagner sinon de
conserver leur électorat. Car en Centrafrique, l'élite politique
est constituée dans sa majeure partie soit d'anciens collaborateurs du
premier Président centrafricain Barthélemy Boganda soit de ceux
du défunt Empereur Bokassa. L'élection présidentielle de
1999 a révélé un aspect de cette réalité
politique : quatre des dix candidats appartenaient à l'ancienne
génération d'hommes politiques dont deux, Abel Goumba et David
Dacko, furent des acteurs de premier plan du gouvernement de la loi-cadre il y
a de cela plus de quarante cinq ans. Ces quatre totalisaient à eux
seuls près de 90% des voix des électeurs1(*)33.
Par delà la réélection du
Président Patassé avec 51,63% de voix suivis de Kolingba avec
19,38%, David Dacko avec 11,15% et Abel Goumba, 6,06%1(*)34, l'on pourrait constater
que la RCA n'est pas différente de ces pays d'Afrique où l'ethnie
et la région sont devenues des valeurs refuges1(*)35 et où les
dirigeants politiques ont tendance à beaucoup plus utiliser
« le matériau tribal 1(*)3 » pour favoriser leur victoire
électorale. L'efficacité politique de cette instrumentalisation
ethnique se révèle dans le résultat de cette
présidentielle, comme en témoigne le tableau ci-dessous,
où chacun des cinq candidats arrivés en tête a
remporté plus de 70% des voix dans sa sous-préfecture
d'origine :
Tableau : Résultats des
élections présidentielles de 19991(*)37
Candidat
|
Sous-préfecture
|
%
|
Préfecture
|
%
|
% RCA
|
Patassé (MLPC)
|
Paoua
|
99,1
|
Ouham Pendé
|
95,8
|
51,63
|
Kolingba (RDC)
|
Kembé
|
87,3
|
Basse Kotto
|
83,2
|
19,38
|
Dacko (MDD)
|
M'baïki
|
85,3
|
Lobaye
|
74,4
|
11,15
|
Goumba (FPP)
|
Kouango
|
73,3
|
Ouaka
|
31,3
|
6,06
|
Pouzere (Indépendant)
|
Ippy
|
87,2
|
Ouaka
|
33,2
|
4,19
|
La propension des électeurs à voter en
faveur de « l'enfant du pays » stigmatise bien ce que les
hommes politiques qualifient pudiquement de la « politique de
fief ». La conséquence sur la classe politique est que
celle-ci voit difficilement émerger une nouvelle élite, pouvant
dépasser ce clivage ethnique et permettre l'instauration d'un vrai
débat démocratique. Alors qu'à l'occasion du retour du
multipartisme, on espérait voir instaurer un système politique
pouvant faire participer toutes les sensibilités ethniques et tribales
du pays à la gestion du bien collectif, la valorisation de la
loyauté ethnique et la pratique du clientélisme ont fini par le
fragiliser durablement.
B- La fragilisation du système politique
centrafricain
Pour s'affirmer en tant que
système politique de la majorité, la démocratie a besoin
d'obtenir des résultats positifs, ce qui signifie qu'elle doit profiter
à tous. Or, la majorité de la population centrafricaine vient
à se demander à quoi sert la démocratie telle qu'elle est
présumée être appliquée dans le contexte social
qu'est le leur. Bien loin de concrétiser leur rêve de
liberté, d'égalité et de justice, les élections
pluralistes ne sont devenues qu'une simple formalité ne permettant pas
à la population de participer vraiment au pouvoir sinon à son
contrôle. Cela résulterait de plusieurs raisons.
D'abord, sortie exsangue de presque dix ans de politique
d'ajustement structurel, la RCA a attendu en vain sa « part de
prime à la démocratie » depuis qu'elle s'est
ouverte au pluralisme politique. En effet, si les pressions des bailleurs de
fonds visant à orienter les réformes de système politique
vers la démocratisation sont accompagnées dans certains pays de
soutien financier subséquent, la République centrafricaine ne
s'était guère imposée comme une priorité dans la
politique étrangère de ses partenaires internationaux1(*)38. La Communauté
internationale reste dans l'expectative en attendant de voir la fin de
différentes crises militaro-politiques qui ne cessent de détruire
le pays. L'aide au « développement
institutionnel 1(*)39» se réduit souvent au financement des
élections ou de différentes missions de médiation et de
maintien de la paix dans le pays. Ensuite, sur le plan de la politique interne,
l'essence des différentes mutineries et tentatives de coup d'Etat
révèle de l'institutionnalisation de la violence comme mode de
contestation du pouvoir. La radicalisation de chaque camp politique
dirigé par la vieille classe politique qui se voue une haine
réciproque ne permet guère la constitution d'une
« élite démocratique plus jeune et mieux formée
à la gestion des affaires de l'Etat1(*)40 ». Sur le plan économique, les
conséquences de la dévaluation du franc CFA en 1994 sur
l'économie du pays sont néfastes. Elle n'a favorisé ni la
relance des activités économiques ni la croissance comme l'on
espérait. Ainsi, la tentative manquée du coup d'Etat du 28 mai
2001 dont les principaux instigateurs sont des militaires proches de l'ethnie
de l'ancien Président Kolingba constitue le dernier coup de boutoir
donné au système mis en place au lendemain des élections
pluraliste de 1993. Car, non seulement l'ouverture démocratique ne s'est
pas accompagnée d'un développement économique pouvant
permettre au pays de sortir du marasme économique mais, elle n'a pas non
plus freiné la paupérisation de la population1(*)41. L'indice de
pauvreté humaine (IPH) a considérablement augmenté ces
dernières années dans le pays à cause non seulement des
incessantes instabilités politiques mais aussi de la destruction de
l'infrastructure économique due soit aux différents
soulèvements militaires soit à certains scandales
politico-financiers1(*)42. Réduite à une économie de
survie, la population voit ses aspirations à plus de démocratie
sociale s'émousser face à un Etat qui éprouve de
sérieuses difficultés pour y faire face. Dans ces conditions, il
serait difficile de dire si les élections, en permettant
l'avènement de la démocratie élective en Centrafrique, a
également contribué à sa consolidation.
SECONDE PARTIE :
LA DIFFICILE CONSOLIDATION DE LA DEMOCRATIE ELECTIVE EN
REPUBLIQUE CENTRAFRICAINE
« Les hommes font
l'histoire, mais ils ne savent pas quelle histoire ils
font. »
Raymond ARON
« Pensez à
l'échec, mais ne parlez jamais de l'échec. »
GAMBETTA
Les élections ne pourraient être un
véritable vecteur de transition démocratique en RCA que si chaque
citoyen mesure la portée de son rôle dans ce processus et surtout
lorsque les autorités issues des urnes respectent les règles du
jeu démocratique. Il ne suffit pas d'adopter toutes les normes
juridiques et institutionnelles en la matière, mais il faudrait
également y joindre la pratique des uns et des autres dans le respect de
ces normes1(*)43.
Lorsque ces pratiques restent au deçà des minima requis pour la
consolidation des acquis issus des élections ( chapitre III ), il serait
difficile au processus démocratique de suivre une évolution
stable dans le pays. Toutefois, la capacité des acteurs politiques et
sociaux à se mobiliser à travers le Dialogue National peut donner
de nouveaux repères pour la réfondation de la démocratie
élective en Centrafrique après tant d'années
d'instabilité institutionnelle ( chapitre IV. )
CHAPITRE III :
DES PRATIQUES DEMOCRATIQUES ENCORE DEFICITAIRES
« Le mécanisme politique n'agit pas de
lui-même. Tout comme il fut à son origine fait par les hommes, il
doit aussi être manié par des hommes et même par des hommes
ordinaires. Il a besoin non de leur simple acquiescement mais de leur
participation active (...) Nous avons reconnu dans le gouvernement
représentatif le type idéal du gouvernement le plus parfait,
auquel par conséquent tout peuple s'adapte d'autant mieux qu'il est
parvenu à son degré de progrès le plus élevé
(...) Le gouvernement représentatif ne saurait convenir là
où il ne peut subsister d'une façon permanente, c'est à
dire, là où ne se rencontrent pas les trois conditions
fondamentales (...) que sont : 1° que le peuple soit disposé
à l'accepter ; 2° que le peuple ait la volonté et la
capacité de faire ce qui est nécessaire pour le maintenir ;
3° que le peuple ait la volonté et la capacité d'accomplir
des devoirs et de remplir les fonctions que ce gouvernement lui
impose. »
John STUART MILL
Le Gouvernement représentatif
Paris,
Guillaumin, 1865, pp. 7-8 et 81-82.
Si les élections sont la
démocratie en marche1(*)44, celles-ci ne donnent néanmoins la
possibilité aux citoyens de sanctionner leurs dirigeants
indélicats qu'à l'expiration du mandat de ceux-ci. Or, l'enjeu
n'est pas de savoir si le peuple veut aller vers la démocratie en
élisant ou en sanctionnant ses gouvernants, mais quel type de
démocratie il souhaiterait construire. Ce qui compte, ce n'est pas tant
la régularité des élections ou la libre concurrence entre
les partis mais l'aptitude à dégager par ce processus des
gouvernements efficaces et des responsables capables d'encourager et de
gérer positivement le pluralisme politique et social. En un mot, il
faudrait des gouvernements capables de gouverner sinon avec le peuple, du moins
au service de ses intérêts1(*)45. En effet, l'idée que les citoyens se font
de leurs institutions élues n'est jamais extérieure à leur
aspiration à plus de justice sociale et d'intégration nationale.
Ainsi, la démocratie comporte deux exigences primordiales. Elle doit
d'abord être viable et ne pas trop s'éloigner pour cela des
désirs, des aspirations et des aptitudes des citoyens responsables de
son bon fonctionnement. Ensuite, elle doit être efficace, ce qui suppose
implicitement un « certain comportement personnel »
respectueux des règles du jeu démocratique. Or, les
élections et autres moyens officiels de contre pouvoir ne créent
pas souvent des conditions propices pour la participation et la mobilisation de
tous les citoyens centrafricains dans la recherche des solutions
concrètes à leurs problèmes de développement. La
faiblesse de la participation démocratique (section I) pourrait donc
vider la citoyenneté de sa substance et ne pas favoriser le
renforcement de la capacité des citoyens et de ses représentants
à peser sur les décisions gouvernementales. Ne puisant plus sa
légitimité dans le peuple, le régime ne pourrait plus
être à l'abri de l'instabilité institutionnelle et surtout
de l'immixtion de l'Armée dans le jeu politique, rendant ainsi
difficile la construction d'une démocratie vraiment participative en
Centrafrique (section II).
SECTION I. UNE PARTICIPATION DEMOCRATIQUE
LACUNAIRE
La participation est un volet fondamental de la
revendication démocratique. Elle prescrit que les citoyens aient le
droit de participer vraiment à la conduite des affaires publiques. La
notion de participation recouvre ainsi deux aspects. Un premier qui est la
participation électorale et le second qui est la participation à
la vie politique proprement dite. Or, l'on confond souvent ces deux types de
participation, réduisant ainsi le rôle politique du citoyen au
dépôt périodique d'un bulletin de vote dans l'urne1(*)46. Voter ne signifierait pas
grande chose si le citoyen ne peut plus après, à travers des
structures formelles de participation, influer sur la vie politique. En effet,
la faiblesse du contrôle public des institutions démocratiques
(paragraphe I) pourrait engendrer de l'autre côté l'absence d'une
véritable responsabilité des gouvernants (paragraphe II).
Paragraphe I. La faiblesse du contrôle public des
institutions démocratiques
Pour le commun du citoyen, la politique évoquerait
souvent un monde de combinaison et des compromissions dont seuls les
initiés savent s'y conformer. Son rôle se réduirait
à accompagner, par le biais des urnes, les mouvements politiques,
sociaux et économiques de son pays sans pour autant tenter, autant que
possible, de les anticiper et de contribuer à les gérer. Cette
conception lacunaire de la citoyenneté (A) doublée de la
faiblesse du poids politique des organisations associatives (B) ne permettent
pas dans la pratique un contrôle efficace des institutions
élues.
A- Une conception encore limitée de la
citoyenneté
Si l'on se réfère à
l'étymologie du mot démocratie, celle-ci signifie
« pouvoir du peuple ». Or, qui dit pouvoir dit aussi
responsabilité, c'est à dire que le peuple doit non seulement
avoir son mot à dire sur les décisions officielles mais
être aussi en mesure de demander des comptes à ses dirigeants. La
citoyenneté consiste donc « à prendre part à la
construction - mieux à la constitution - de la cité. Et cette
citoyenneté, qui est nécessairement affaire de tous, requiert par
conséquent l'effort de tous (...) dans la grande
société ; elle est un véritable
« travail » qui incombe comme un devoir sacré
à tous les citoyens dans la mesure où ils veulent vivre ensemble
(...) »1(*)47.
Or, la plupart des centrafricains ont une conception encore primaire de la
citoyenneté. Nombreux sont ceux qui, mêmes instruits, ne
connaissent pas ou peu les possibilités d'actions du citoyen aussi bien
au plan des institutions locales que nationales. Cette situation serait d'abord
due à une absence d'éducation à la démocratie et
aux droits de l'homme. En effet, c'est à l'enseignement de promouvoir
l'éducation à la citoyenneté et à la conscience
politique. L'état de délabrement du système
éducatif ne permet pas au pays de former des citoyens consciencieux de
leur rôle dans la marche des affaires de la communauté. Ainsi,
certains en viennent à ne pas percevoir les enjeux électoraux
« au-delà des bières et du poulets gracieusement
distribués » lors des campagnes1(*)48. La marchandisation de la
citoyenneté1(*)49
est en passe de devenir une dérive sociale pouvant compromettre la
réelle participation du citoyen au processus politique. L'effort de la
presse et autres structures formelles dans la conscientisation des populations
trouve difficilement des relais à cause du taux élevé de
l'analphabétisme.
En outre, la politique de la décentralisation et
de la régionalisation constitutionnalisée en 1995 n'a pas
été mise en place. Or, la décentralisation territoriale,
en combinant le principe de l'autonomie et de l'autogestion, a pour but de
rapprocher la gestion et le contrôle de la chose publique au niveau des
citoyens. L'autonomie locale est une pièce maîtresse importante
dans la redistribution progressive et mesurée des compétences
étatiques aux instances locales. Même les communes continuent
à être administrées par le système des
délégations spéciales, les dernières
élections municipales ayant eu lieu en 1988. La centralisation du
pouvoir finit par créer un citoyen beaucoup plus consommateur que
producteur de son propre système politique. Déserté par le
citoyen, le terrain politique devient « l'affaire des
politiques » et la notion de la participation si primordiale à
la démocratie n'enthousiasme pas pour autant la population qui est plus
préoccupée pour sa survie quotidienne que pour un engagement
politique quelconque. Et même si l'engagement y est, cela
dépasserait difficilement le cadre des structures associatives ou
politiques créées par « les frères de la
région » ou des amis souvent en quête d'une
reconnaissance politique.
B- Le faible poids politique des structures
associatives
Les structures associatives sont
à la démocratie ce que sont les garde-fous pour un pont. Elles
empêchent les institutions élues de dévier sur la
trajectoire démocratique. Par leur prise de position et leurs actions
sur la population, elles contribuent à la formation de l'opinion
publique, à attirer l'attention des autorités sur les
problèmes socio-économiques nationaux. En effet, les pressions
politiques émanant des structures extérieures au sphère
politique ont plus de chance d'être prise en considération que
lorsqu'elles proviennent des structures gravitant autour du pouvoir. Ainsi, les
associations comme les syndicats et les églises ont été en
avant- garde de la lutte pour l'ouverture démocratique dans les
années 1990. La capacité de la mobilisation populaire que
détiennent ces structures est une force politique pouvant influer sur la
marche de la République.
En ce qui concerne l'état actuel de ces
associations en RCA, les syndicats sont les plus actifs. Néanmoins,
à cause des divisions internes dues à des dissidences de ceux qui
se sont affiliés au pouvoirs, leurs mouvements revendicatifs ne
concernent souvent et principalement que des questions d'ordre salarial et
touchent rarement les questions plus générales liées
à l'organisation sociale et économique du pays. Quant aux
différents mouvements de défense des droits de l'homme,
particulièrement dynamiques durant les années de lutte contre le
monopartisme, ils n'ont pas les moyens nécessaires pouvant leur
permettre d'avoir une large audience auprès du public. Ils restent dans
la plupart des cas l'organisation de quelques intellectuels qui n'ont pas une
réelle emprise sur la vie politique nationale. A l'absence d'un
véritable débat sur les thèmes majeurs qui touchent
à l'organisation de la vie politique et économique nationale,
les événements politiques se résument le plus souvent
à de simples discours officiels ou des rassemblements de foule dont des
ovations continuent à faire la une d'un certain journalisme encore
courtisan1(*)50.
Reste les églises qui, le plus souvent, par la prise de positions
audacieuses de certains de leurs chefs1(*)51, attirent l'attention des autorités sur la
situation du pays. Ceux-ci sont régulièrement sollicités
pour servir de médiateurs dans les différentes crises
militaro-politiques que connaît le pays.
En dehors donc de ces associations analysées ci
dessus, il n'existe à proprement parler pas de groupes de pression avec
un réel poids politique. Ceux-ci devraient en principe exprimer les
multiples interventions pouvant être effectuées sur les pouvoirs
publics afin de les influencer positivement dans la prise des décisions.
L'existence de ces groupes devrait davantage permettre l'implication du citoyen
dans la vie publique et multiplier les voies d'accès au pouvoir
gouvernemental 1(*)52.
En effet, une vie associative riche peut ajouter au rôle des partis en
stimulant la participation politique, en accroissant l'efficacité des
citoyens, en recrutant et en formant de futurs responsables politiques et en
renforçant l'attachement au système démocratique. Car, si
les citoyens dans leur majorité prenaient conscience de leur rôle
et de l'action à mener à travers ces associations et en
concertation avec les dirigeants, ils éviteraient l'erreur qui consiste
à tout faire remonter au Pouvoir central qui détiendrait toutes
les solutions. Cela éviterait également de créer ce climat
d'absence de responsabilité politique subséquent à
l'absence d'un réel contrôle public sur les institutions
républicaines.
Paragraphe II. L'absence d'une véritable
responsabilité politique
La place de la notion de responsabilité
politique dans la construction d'un Etat démocratique se justifie
à un double titre. D'une part, elle participe au mouvement
constitutionnaliste qui la crée dans la mesure où celui-ci tend
à la « juricidisation » de la responsabilité
des hommes politiques et partant, des gouvernants. En second lieu, la
responsabilité politique s'inscrit dans « une
problématique de l'organisation et de l'exercice du
pouvoir » dans la mesure où elle implique le principe de
révocabilité des gouvernants1(*)53. En effet, comme l'avait écrit Jean Jacques
Rousseau, « l'acte qui institue le gouvernement n'est point un
contrat mais une loi, que les dépositaires de la puissance
exécutive ne sont point les maîtres du peuple, mais ses officiers,
qu'il peut les établir et les destituer quand il lui plaît, qu'il
n'est point question pour eux de contracter mais d'obéir et qu'en se
chargeant des fonctions que l'Etat leur impose, ils ne font que remplir leur
devoir de citoyen (...)1(*)54 ». Pour que le peuple puisse avoir la
totalité de son pouvoir sur ses dirigeants, il faudrait bien donc
commencer par le respect du principe de la majorité. Or, la dilution de
la responsabilité à travers la politique des gouvernements de
compromis entre la majorité au pouvoir et l'opposition ( A )
entraîne un climat d'impunité préjudiciable à
l'obligation qu'ont les gouvernants de rendre compte de leur gestion ( B ).
A- Des responsabilités politiques diluées
à travers des gouvernements de compromis
La souveraineté nationale a souvent pour
conséquence la pleine responsabilité de tous ceux qui exercent
à un titre quelconque l'autorité publique1(*)55. Cette
responsabilité vise en premier lieu ceux qui sont investis par la Nation
du pouvoir de conduire les affaires publiques au plus haut niveau et peut
logiquement conduire à la destitution de celui qui aurait fait mauvais
usage des pouvoirs qui lui sont confiés1(*)56. Cela suppose qu'à travers le choix
alternatif effectué au cours de chaque élection, la
majorité gouvernante soit à même de mettre en
exécution son programme politique et la minorité, se constituer
en opposition dans la perspective d'une alternance. Or, du gouvernement d'union
nationale en passant par celui d'action pour la défense de la
démocratie ou celui dit de la promotion de la même
démocratie1(*)57,
la Centrafrique a appliqué toutes les formes de gouvernement sauf
qu'elles ne s'étaient fondées sur aucun principe majoritaire. De
la convivialité à l'hostilité, l'opposition a, dans la
plupart des cas, cogéré le pouvoir avec la majorité. Sur
le plan politique, cela pose le problème de la détermination de
la responsabilité des uns et des autres dans la gestion des affaires
publiques.
Ainsi en 1996, à l'issue des négociations
tendant à mettre fin aux premières crises militaro-politiques, il
a été signé et adopté le Programme d'Accord
politique (PAP) et le Programme Minimum Commun (PMC) qui sont de
véritables programmes de gouvernement. L'on se demande si le pays est en
voie de s'ouvrir à un modèle politique bien à lui qui
déroge aux traditionnels sentiers battus des démocraties
classiques1(*)58. Si le
PAP et le PMC constituent les principes d'une nouvelle organisation politique
et de gouvernance, cela n'implique-t-il pas des changements radicaux dans le
fonctionnement des institutions établies ? Ces dernières,
élues sur la base d'un programme politique, se voient obligées de
gérer le pouvoir avec l'opposition et des personnalités dites de
la société civile. A quoi servirait alors un gouvernement
partisan s'il doit être constitué d'une équipe
élargie sur une base consensuellement négociée ? Et
dans l'hypothèse d'un échec de gestion de cette équipe,
à qui incomberait la responsabilité politique devant le
peuple ? Ces initiatives politiques, loin d'être originales,
constituent un frein dans la détermination de la responsabilité
des gouvernants. Le recours systématique à des gouvernements de
compromis lorsque le pays se confronte à des crises est un
procédé qui favorise plus la dilution de la
responsabilité de la classe politique qu'à permettre sa sanction
par le peuple.
B- Des autorités publiques difficilement
sanctionnables
Dans un régime politique où le
gouvernement est cogéré par la majeure composante de la classe
politique, il devient difficile de procéder à la sanction des
autorités publiques indélicates. Or, pour un régime qui se
veut démocratique, il ne suffit pas que les autorités politiques
soient l'émanation du peuple, mais il faut également qu'elles
soient soumises au contrôle des citoyens et surtout qu'elles aient
l'obligation de rendre compte1(*)59. Cette obligation diffère selon les
contextes. Elle touche au premier chef les membres du gouvernement. Elle peut
également concerner les responsables de la haute administration tout
comme les directeurs généraux des entreprises publiques qui ne se
montrent pas à la hauteur de leur responsabilité.
La mise en jeu de la responsabilité des
autorités politiques vise à sanctionner la commission
« d'actes illégaux préjudiciables à
l'intérêt public, sans rapport direct avec les
particuliers ». Pour Bernard Constant, la responsabilité des
ministres doit avoir pour sanction la perte du pouvoir
politique : « La responsabilité me semble devoir
atteindre deux buts, celui d'enlever la puissance aux ministres coupables, et
celui d'entretenir dans la nation par la vigilance de ses représentants,
(...) par l'exercice de la liberté de la presse, (...) un
intérêt habituel au maintien de la Constitution de l'Etat, une
participation constante aux affaires, en un mot un sentiment animé de la
vie politique1(*)60. » Sanctionner un gouvernement ou un de
ses membres permet donc de constituer des garanties pour que les citoyens
soient sûrs que « les hommes plus distingués par leurs
talents seront appelés au timon de l'Etat » et les
médiocres seraient « obligés de descendre du poste
où la seule faveur les aurait fait monter1(*)61 ». Ce
schéma de mise en cause de la responsabilité des
autorités publiques est difficilement mis en oeuvre en Centrafrique. A
part, le gouvernement de Jean Luc Mandaba qui était obligé de
démissionner à cause d'une motion de censure
déposée par sa propre majorité1(*)62, aucun gouvernement voire
un de ses membres ne s'est inquiété, malgré de nombreux
scandales politico-financiers qui ont émaillés la gestion de ces
gouvernements successifs1(*)63. Soit que les présumés
indélicats sont protégés parce qu'ils appartiennent
à la majorité gouvernante, soit qu'à la suite des
négociations après un soulèvement militaire, ils se sont
faits amnistiés. Nonobstant l'existence des organes publics comme la
Cour des comptes ou l'Inspection générale d'Etat et ceux à
caractère spécialisé comme la Commission nationale des
droits de l'homme, les gouvernants sont difficilement sanctionnés pour
leur gestion.
La conséquence de ces comportements sur le plan
politique est le climat d'impunité qui semble s'installer au sommet de
l'Etat. Et dans ces conditions, il apparaît difficile d'améliorer
le fonctionnement des institutions pour leur permettre de répondre aux
besoins et aux préoccupations des citoyens ordinaires. Face à une
telle situation et quand toutes les options semblent épuisées, le
recours aux actes de violence voire à la lutte armée trouvent
généralement leur essence à partir du profond malaise
entre des dirigeants cramponnés au pouvoir mais incapables de
répondre aux aspirations de la population et le peuple assoiffé
d'un changement qui tarde à se concrétiser. L'Armée, en
s'immisçant dans la transition politique, se croit alors être le
« sauveur » de la démocratie et la garante
de la stabilité sociale.
SECTION II. L'IMMIXTION DE L'ARMEE DANS LA TRANSITION
POLITIQUE
L'intrusion de l'Armée sur la
scène politique, phénomène que nous croyions
déjà révolu depuis les vagues de démocratisation,
continue encore de nos jours à susciter des interrogations. Les coups
d'Etat et autres tentatives de coups de force qui, sous d'autres cieux
africains, ne sont que de tristes souvenirs, semblent retrouvés un
terreau fertile en Centrafrique. Tout abord, il faudrait reconnaître
qu'en RCA, les relations entretenues par les gouvernements successifs et la
population avec l'Armée depuis les indépendances sont souvent
marquées d'une illusion. L'on croyait que les forces de défense
et de sécurité représenteraient ce robuste socle sur
lequel reposerait la paix et la stabilité du pouvoir politique1(*)64. Or, il n'en est rien
parce que d'abord, l'Armée étant elle-même un reflet de la
dynamique sociale ( paragraphe I ), il serait délicat de l'analyser en
dehors de différentes crises qui ont émaillé la difficile
évolution du pays vers la démocratie. Une telle analyse pourrait
nous aider à situer cette Institution dans le contexte social
centrafricain et à appréhender son rôle ambigu dans la
transition politique ( paragraphe II ).
Paragraphe I. L'Armée nationale comme reflet de la
dynamique sociale
En tant qu'Institution chargée de la
défense et de la sécurité de l'Etat, l'Armée doit
disposer des moyens et des ressources adéquats lui permettant de remplir
sa mission. Or, mise sur pied à partir d'un effectif
hétéroclite au lendemain des indépendances, cette
Armée éprouve de difficultés pour remplir convenablement
sa mission du fait entre autre de sa faible professionnalisation (A).
Fragilisée ensuite comme les civils par les différentes crises
qui ont secoué le pays, elle finit par être très fortement
politisée, mettant ainsi en danger le principe de neutralité
politique qui est une de ses caractéristiques (B).
A- Une Armée peu professionnalisée et
socialement déséquilibrée
Presque embryonnaire au moment des
indépendances et encore soutenue par l'assistance de la France,
l'Armée centrafricaine était restée pendant ses
premières années suffisamment discrète dans la vie
politique de la nation1(*)65. Constituée pour la plupart d'anciens de
l'Armée française, elle verra son effectif augmenté au fil
des ans et au gré des intérêts politiques des
différentes autorités au pouvoir. Ainsi, avec le durcissement du
pouvoir et la réduction des libertés démocratiques durant
le premier règne de Dacko ( 1960-1966 ), l'Armée nationale est
« confinée dans le simple rôle de troupe
d'apparat 1(*)66». Seule, la Gendarmerie nationale
bénéficiait du soutien du pouvoir. Les quatorze ans du
règne de Bokassa ne vont fondamentalement rien changer dans la gestion
de la grande muette à part les purges destinées à
éliminer certains officiers à la loyauté douteuse. Ni le
retour de Dacko en 1979, ni les douze ans du pouvoir de Kolingba ne vont
permettre la constitution des forces de défense et de
sécurité vraiment professionnelles et socialement égales.
Tout d'abord, il faut reconnaître l'archaïsme des
équipements, le manque de formation adéquate des militaires et de
l'obsolescence des textes les régissant. Evoluant dans un contexte de
crise sociale, l'armée est obligée, dans la plupart des cas, de
recruter ses hommes parmi une population civile désoeuvrée et
souvent analphabète, s'engageant plus pour garantir un avenir incertain
que par amour du métier. De l'autre côté, émerge une
armée de « barons » au coeur des régimes
successifs où hommes politiques et militaires gradés deviennent
« associés » dans une sorte de conspiration des
nantis et où le pouvoir politique se sert de l'armée qui,
elle-même, « s'engraisse » du pouvoir1(*)67. Au sommet de cette
pyramide trônent des officiers supérieurs, une minorité de
hauts gradés enrichis par le biais de leur collusion avec le pouvoir et
devenant souvent intouchables et inamovibles. A l'échelle
inférieure, les hommes de rang voient leur conditions de vie, à
l'instar de celles des autres couches sociales, se dégrader du fait de
l'incapacité de l'Etat à leur verser régulièrement
ne fût-ce que leur solde mensuel. Toutefois, s'il est difficilement
contestable que la complicité entre le politique et le militaire a fait
de certains individus et de certaines unités (surtout la garde
présidentielle ), des privilégiés des différents
régimes, l'état général des forces armées
centrafricaines reste préoccupant. La déliquescence et la
paupérisation de ces forces conduisent à cette naissance
d'armées à deux vitesses « divisées,
opposées et inégales ». Les règles qui
prévalent pour le recrutement, l'encadrement et parfois l'octroi des
grades sont souvent celles du « clientélisme
politico-ethniques » afin de rendre les bénéficiaires
plus sûres et plus manipulables1(*)68.
B- Une Armée de plus en plus
politisée
Fragilisée comme d'autres institutions de la
République, l'Armée a du mal à assurer sa cohésion.
Ceci pour plusieurs causes. La transition démocratique a fait d'abord
émerger des phénomènes périphériques dans
lesquels les identités ethniques sont un enjeu du pouvoir1(*)69. C'est ainsi que l'on voit
se former des partis politiques sur une base majoritairement ethnique ou
régionale. Ce phénomène débouche souvent sur des
velléités de reconquête du pouvoir par des ethnies
écartées du pouvoir par la voie des urnes mais qui ont encore une
base solide dans l'Armée. Les différentes mutineries conduites
par des soldats proches de l'ethnie de l'ancien chef d'Etat Kolingba est
révélateur à plus d'un titre. Face à cette menace,
le pouvoir en place ne peut qu'employer les mêmes procédés
c'est à dire, constituer une armée composée en
majorité des soldats originaires de sa région ou de sa base
électorale, pour parer à toute tentative de
déstabilisation.
Néanmoins, le phénomène de
la « tribalisation » des forces de défense et de
sécurité ne date pas d'aujourd'hui en RCA. Commencée sous
le règne de Bokassa, cette tribalisation permet à l'Armée
qui ne dispose que d'une faible conscience nationale et d'une fonction non
clairement déterminée, de se retrouver dans la figure de
ses chefs et de rester prête, pour garder son identité, à
agir en fonction des intérêts de ces chefs-là et non de la
sienne ou du pays1(*)70.
En réalité, comme l'écrit Ntuda Ebodé1(*)71, l'Armée
centrafricaine est l'une des plus politisée d'Afrique centrale.
Socialisée à l'ombre de l'Armée française et
habituée aux coups d'Etat comme mode d'accession au pouvoir, la notion
de frontière entre militaire et politique est devenue pour elle un objet
presque sans substance. Même les Etats généraux de la
défense organisés en 1995 n'ont pu apporter de solutions
concrètes aux problèmes auxquels est confrontée cette
Armée.
Ensuite, pour accéder au pouvoir, les hommes
politiques infiltrent souvent l'Armée et une fois qu'ils y sont
parvenus, ils utilisent celle-ci ou du moins sa composante qui leur est acquise
à des fins partisanes. De plus, face à des institutions
« démocratiquement élues » mais dont la
légitimité est souvent discutable, l'Armée se voit,
à tort ou à raison, obligée de jouer un rôle,
même ambigu dans la transition politique en Centrafrique.
PARAGRAPHE II. Le rôle ambigu de l'Armée dans
la transition politique
L'intervention dans la sphère
politique d'hommes porteurs de tenue peut par hypothèse différer
selon qu'elle est entreprise par l'Armée elle-même ou par certains
éléments de sa composante. Dans le premier cas, l'Armée
prend le pouvoir en tant que corps et entend l'exercer. C'est le cas du coups
d'Etat de Bokassa en 1966 et de celui de Kolingba en 1981. Dans le second cas,
le pouvoir est saisi non par le corps dans son ensemble mais par certains
militaires en désaccord avec sa hiérarchie ou avec le
régime en place1(*)72. C'est l'exemple des différentes tentatives
de coups d'Etat qui ont jalonné la transition en Centrafrique depuis
1990 et surtout de celle qui a réussi en mars 2003. Mais, bien qu'il
soit tenté de se présenter comme
« apolitique », le régime militaire, comme tout
pouvoir, a un objectif politique. De la revendication pour la satisfaction
d'intérêts corporatistes, l'intervention militaire peut
déboucher sur des revendication politiques qui sont souvent la
manifestation d'un ras-le-bol général ( A ). Cette
ambiguïté de l'attitude de l'Armée face au pouvoir
résulterait-elle de la volonté des militaires de revenir au
pouvoir en subvertissant l'ordre démocratique ou démontre-elle
d'une autre volonté, celle de voler au secours d'un pays qui se noie
malgré dix ans d'expérience démocratique ? Le coup de
force de mars 2003 semble être plutôt révélateur de
la seconde hypothèse ( B ).
A- Des revendications corporatistes aux revendications
politiques
Le soulèvement des forces
armées centrafricaines a souvent son origine dans le
mécontentement occasionné par les arriérés de
soldes et un matériel de travail inférieure à celui de la
garde présidentielle1(*)73. Au fond, l'Armée réalise en ces
circonstances ce que chaque groupe voudrait faire : imposer sa
volonté à son avantage. Sa puissance le lui permet et elle le
fait sans hésitation1(*)74. Si la misère d'un citoyen
civil peut demeurer un simple problème social, la
misère d'un soldat en arme peut par contre
dégénérer en un défi politique propre à
mettre en danger non seulement la survie du régime, mais
également la paix et la stabilité de la société
tout entière. Là réside l'extrême danger de la
clochardisation des forces armées. En Centrafrique, les soldats
« ont d'abord formulé des revendications corporatistes de
chefs de famille aux fins de mois précaires. (...) Mais le
malaise politico-militaire qui tenaille l'armée centrafricaine a vite
percé derrière la grogne 1(*)75 ». De mai 2001 en
mars 2003, le régime du Président Ange Félix
Patassé et la République centrafricaine dans son ensemble seront
à nouveau déstabilisés après les différentes
mutineries de 1996 et 1997.
Au départ, ces soulèvements militaires
ont, dans bien des cas, pour origine non pas des questions d'ordre politique,
mais des revendications corporatistes : salaires, primes, casernes,
promotions, etc. Que faire d'une Armée de plus en plus
paupérisée, dans un environnement délétère
où « les revendications », bien qu'à
l'origine « essentiellement alimentaires, n'en menacent pas moins
le régime déjà fragilisé par les difficultés
économiques ou les tensions ethniques1(*)76 » ? En effet, face à la
sécularisation du militaire vis à vis du pouvoir civil,
phénomène normal dans un régime démocratique, les
militaires exigent cependant en retour la reconnaissance d'un statut social
distinct, qui se répercute sur la garantie de soldes et
l'égalité dans le traitement et la prise en charge des
différentes unités composant l'armée. Or, d'un
côté, la persistance des crises politique, économique et
sociale ne favorisent pas souvent la prise en compte de cette reconnaissance
institutionnelle et sociale particulièrement recherchée par
l'Armée vis à vis de l'opinion publique interne. De l'autre,
comme l'écrit Ntudi Ebodé sur le cas centrafricain, la science
politique des interaction entre civils et militaires nous apprend que
l'influence de ces derniers sur les politiques varie en fonction de
l'unité de la classe politique ; c'est la division de cette
dernière et donc sa faiblesse qui renforcerait l'influence des
militaires1(*)77. Or,
nonobstant les différentes élections pluralistes qu'a connues le
pays, la classe politique a du mal à s'entendre sur le respect des
règles du jeu démocratique. L'opposition n'avait souvent
accepté les résultats de la plupart des élections qu'en
raison des pressions extérieures. Il ne fait donc pas de doute que la
division des politiques renforce plutôt la corporation militaire qui,
quelles que soient ses propres dissensions internes, apparaît comme la
seule institution pouvant garantir la cohésion sociale. L'irruption
d'une partie de l'Armée sur la scène politique nationale
apparaîtrait donc comme le fruit de la faillite du processus
démocratique. Ainsi, devant l'impasse politique et face à un
pouvoir civil agonisant1(*)78, le coup de force de mars 2003 ne pourrait que
venir compléter le registre des obstacles liés à la
consolidation de la démocratie en Centrafrique. Car, quelle que soit
l'ampleur de la crise politique, rien ne justifie dans une démocratie
naissante la prise du pouvoir par les armes.
B- Le coup d'Etat du 15 mars 2003 : une
interruption brutale du processus démocratique
Tenue à l'écart tout au long du
débat ouvert sur le processus de démocratisation, l'Armée
n'en reste pas moins omniprésente. Sa neutralité est souvent
considérée dans ce contexte comme un incontestable facteur de
stabilité et de paix sociale. Volontairement ou non, elle est
cantonnée dans cette neutralité afin de ne pas fausser le jeu
démocratique. Toutefois, elle garde un oeil vigilant sur
l'activité politique dont elle entend être le garde-fou contre
d'éventuels débordements. Et surtout, elle n'hésiterait
cependant pas à intervenir dans le processus de dévolution du
pouvoir si elle y est poussée par la rupture violente de la paix et de
l'ordre social1(*)79.
Dès lors, l'on peut s'interroger sur le rôle précis
qu'entendent jouer les forces armées dans la transition politique
à un moment où d'aucuns pensaient que l'ère du
« règne kaki » était révolue1(*)80.
D'abord, le coup d'Etat de mars 2005 est l'oeuvre
principale de l'ancien Chef d'Etat major de l'Armée, le
Général François Bozizé, tombé en
disgrâce après la tentative échouée de son
arrestation pour atteinte à l'ordre établi. La rébellion
qu'il a constituée durant deux ans dans le nord-ouest du pays avec
l'aide des forces non-conventionnelles lui a permis de renverser le pouvoir du
Président démocratiquement élu, Ange Patassé.
Néanmoins, au-delà de ce qui pourrait être
considéré comme un règlement de compte entre deux hommes
en perte de confiance réciproque, il convient d'analyser la
manifestation populaire de soutien à un putsch qui vient mettre fin au
processus démocratique dans le pays. En effet, après s'être
durablement installée dans des crises à répétition,
la Centrafrique a besoin d'un changement radical afin de renouer avec
l'idéal démocratique et la paix sociale. Evidemment, le meilleur
moyen d'y parvenir n'est pas le renversement des institutions élues car,
cela donnerait l'impression que le pays voudrait encore renouer avec le
régime militaire des années 1970. Ensuite, cette permanence d'une
certaine tradition putschiste, alliant soulèvements militaires et/ou des
masses populaires1(*)81
est symptomatique de la volonté de réappropriation par le peuple
de son pouvoir dont l'exercice par ses représentants ne lui est pas
généralement bénéfique. Loin de constituer le
« creuset de la nation1(*)82», l'armée a néanmoins permis au
peuple de revoir ses conditions de dévolution et d'exercice du pouvoir
dans l'Etat.
Ainsi, la gestion du pouvoir après ce coup
d'Etat, même si elle se veut provisoire, a quelque chose d'original
comparativement aux autres putschs qu'a connus le pays dans le passé.
Les deux Actes constitutionnels n° 1 et 2 du 15 mars 2005 portant
organisation provisoire des pouvoirs de l'Etat ainsi que celui du 12
décembre 2003 modifiant le second ont permis l'instauration d'un
gouvernement national de transition et d'un Conseil National de Transition,
sorte de parlement provisoire. Même si la Constitution du 14 janvier 1995
a été suspendue, les partis politiques et les autres associations
à caractère politique continuaient néanmoins d'exercer
leurs activités. L'objectif serait donc de permettre aux centrafricains
de se préparer et de se réunir au sein d'un Dialogue national
afin de redéfinir les nouvelles bases consensuelles du futur processus
électoral.
CHAPITRE IV :
LA REFONDATION DE LA DEMOCRATIE ELECTIVE
EN RCA A TRAVERS LE DIAOLGUE NATIONAL
« Le pouvoir est toujours monarchique. Il y a
une conspiration permanente des riches, des ambitieux, des grands chefs, des
parasites, des flatteurs contre les masses électorales... Or, c'est
justement contre cette coalition des tyrans que la République se
définit. La démocratie... un effort continuel qui détruit
à chaque instant un peu de cette monarchie
renaissante ? »
Alain
Eléments d'une doctrine
sociale
Les événements du 15 mars 2003 ont
révélé la fragilité des dispositifs institutionnels
mis en place au lendemain de l'ouverture de la Centrafrique au pluralisme
démocratique. Il s'avère alors nécessaire durant la
transition instituée après ces évènements de revoir
les bases tant sociales que juridiques de ces institutions afin de remettre le
pays sur la voie d'une démocratie élective dont les fondements
seraient au préalable consensuellement définis. Le Dialogue
National, tenu à Bangui en mois de septembre 2003, allait être le
forum qui se chargerait de jeter ces nouvelles bases. La démarche est
novatrice à plus d'un titre. Car, comparé à ses
prédécesseurs, cet énième forum de retrouvailles
entre les différentes couches sociales et politiques du pays marque une
réappropriation de la scène politique par les
gouvernés1(*)83.
Cependant, après une dizaine d'années de crise de confiance entre
les différentes composantes de la classe politique nationale, la
constitution d'une démocratie vraiment consensuelle n'irait pas sans
soulever de problèmes. Ceci d'autant plus que les vainqueurs de l'heure
n'hésitent pas souvent à profiter de leur position dominante pour
imposer leur vision de la constitution de cette nouvelle Centrafrique
démocratique ( section I ). Cette attitude,
doublée de l'enjeu que représente le retour à l'ordre
constitutionnel à l'issue de la transition, rend un peu difficile le
déroulement du nouveau processus électoral censé
garantir la stabilité de la future démocratie élective en
Centrafrique ( section II ).
SECTION I. LE DIALOGUE NATIONAL, FORUM DE CONSTITUTION
D'UNE DEMOCRATIE CONSENSUELLE EN RCA
Tenu à un moment trouble de
l'histoire politique de la RCA, le Dialogue National se présente comme
le nouveau pacte national à conclure entre les acteurs politiques et
sociaux les plus représentatifs du peuple. Il serait donc pour l'opinion
interne et internationale le lieu d'affirmation des principes
démocratiques devant sous-tendre le futur système politique
centrafricain1(*)84.
Cette concertation nationale a toutes les caractéristiques des
conférences nationales qui avaient lieu au courant des années
1990 dans certains pays africains et qui avaient permis à ces derniers
de négocier consensuellement leur ouverture au pluralisme
démocratique. Tenu quelques années après les vagues de ces
conférences nationales africaines, le Dialogue National centrafricain ne
constitue pas moins le forum qui a permis de poser les problèmes de la
construction d'une démocratie consensuelle dans le pays. Cela peut
être analyser à travers les deux fonctions principales que l'on
pourrait assigner à ce forum, à savoir, la fonction
réconciliatrice d'une part (paragraphe I) et la fonction constituante
d'autre part ( paragraphe II ).
Paragraphe I. La fonction réconciliatrice du
Dialogue national
L'analyse des travaux de la Commission n°1
dénommée « Vérité et
réconciliation » est intéressante parce qu'elle
permet de mettre en exergue la spécificité de cette fonction de
réconciliation du Dialogue National par rapport autres fora nationaux
qui l'ont précédé ( A ). Cependant, le résultat de
ces travaux laisse apparaître des limites dans cette fonction, limites
dues surtout au caractère un peu folklorique et sélectif de cette
réconciliation ( B ).
A- La spécificité du Dialogue National
par rapport aux précédents fora de concertation
nationale
Du Séminaire National de mars 1981 en
passant par le Grand Débat National d'août 1992 et la
Conférence de Réconciliation Nationale de mars 1997 sans compter
les Etats généraux et autres fora à caractère
national ou quasi-national, la RCA a expérimenté moult moyens
pour refonder son unité chaque fois que le pays se trouvait
confronté à de graves crises. De ces concertations, sortaient des
actes positifs ayant pour but de rectifier les erreurs de parcours et de
trouver des solutions à ces différentes crises1(*)85. Mais, si ces
différentes concertations ont joué à chaque fois un
rôle majeur dans la stabilité des institutions du pays, Le
Dialogue National apparaît plus radical dans la reconnaissance de la
faillite des différents régimes dans la construction de
l'unité nationale : « l'absence de consensus et de
vision commune depuis la proclamation de l'indépendance en 1960 (...) a
fait traverser à la République centrafricaine toute une
série de crises récurrentes : coup d'Etat, mutineries,
rebellions, grèves (...) Le tissu social a été soumis
à de rudes fractures(...)1(*)86 ». Ainsi, la Commission
« Vérité et Réconciliation »
est chargée de déterminer les responsabilités de chaque
régime politique afin d'aider les principaux protagonistes à dire
la vérité et à demander pardon au peuple. Calquée
sur le modèle sud-africain du même nom, cette Commission n'est pas
« une cour de justice » mais un lieu qui permet au Dialogue
National de remplir sa « fonction de pardon et de
réconciliation 1(*)87 ».
Ainsi, après avoir fait un
« diagnostic exploratoire » de l'origine des crises
récurrentes en RCA à travers les différents
régimes, la Commission a répertorié et auditionné
des personnalités qui ont été des acteurs et
témoins de l'histoire politique du pays1(*)88. Le but est de permettre aux Centrafricains,
réconciliés avec eux-mêmes, de dégager un consensus
autour des questions fondamentales de gouvernance qui se posent à eux.
Par la prise de la parole devant l'Assemblée plénière de
ce Dialogue, les représentants de chaque entité politique ou
sociale entendent témoigner de l'attachement de leur entité
respective à l'unité du pays. Le Dialogue Nationale se trouve
donc « transcendé en mythe (re)fondateur de l'Etat, en
véritable cérémonie communielle qui doit permettre
à la Nation de se réconcilier avec elle-même1(*)89 ». Mais, dans cette
recherche d'une réconciliation nationale réside
l'ambiguïté même de ce Dialogue. En effet, au-delà de
cette ambition de construire une nouvelle Centrafrique transparaissent
quelquefois des règlements de compte par personne
interposée1(*)90.
Ce qui limite dans la pratique cette fonction de réconciliation
assignée au forum.
B- Les limites de la fonction
réconciliatrice du Dialogue National
Le Dialogue Nationale ambitionnait de
réunir tous les Centrafricains afin de leur permettre de transcender
leur différence en vue de construire l'unité nationale. Pour
cela, il a eu le mérite de favoriser la manifestation d'une partie de la
vérité sur l'histoire du pays. Elle a également permis la
réconciliation, ou du moins à des accolades, entre l'une des
couples politiques ennemies du pays : il s'agit de l'ancien
président Dacko et du professeur Goumba. Mais, en dehors de ces quelques
réussites, il est à noter d'abord l'exclusion des principaux
dignitaires du régime de Patassé à ce Dialogue. S'il faut
rappeler que ce régime a duré approximativement dix ans, alors il
est difficilement concevable qu'on ait refusé la participation de ces
dirigeants. La réconciliation ne pourrait être entière que
si l'on arrivait à donner la possibilité à tous les
acteurs politiques du pays de dire leur part de vérité. Par
crainte d'un « déballage sordide » ou par souci de
protection de certains protagonistes actuels qui seraient impliqués
positivement ou négativement dans la gestion du régime
défunt, le Dialogue National a sciemment ou non décidé
d'éluder certaines réalités qui pourraient contribuer
à la constitution d'une véritable paix pour la Centrafrique ainsi
que de la réconciliation entre sa classe politique.
De plus, dans ses recommandations, la Commission
« Vérité et
Réconciliation » a décidé de la
poursuite de ses travaux au-delà des assises du Dialogue National ;
ceci dans le but de continuer à enregistrer les plaintes des victimes
des différentes crises militaro-politiques, d'auditionner les principaux
responsables politiques et administratifs et de chercher le financement
nécessaire à la réparation des préjudices subis par
ces victimes1(*)91. Or,
depuis la fin de ces assises jusqu'à ce jour, l'on peut constater que
cette Commission n'a pas encore repris ses travaux. Quant à la loi
d'amnistie relative aux infractions commises lors des différents
conflits depuis les années 1960 jusqu'à 2003 qui devrait
être votée au cas par cas1(*)92, celle-ci n'est pas toujours prise. A part les
ordonnances qui avaient été prises et qui concernaient le putsch
manqué du 28 mai 2001 et les évènements de mars 2005, les
autres cas sont encore pendants devant la justice1(*)93 et n'ont pas
bénéficié jusque-là d'une amnistie. Ainsi, la
finalité profonde du Dialogue National qui serait de restaurer
l'harmonie au sein de la Communauté nationale n'était pas
allée jusqu'au bout de sa logique. A défaut d'entreprendre une
véritable réconciliation nationale, ce forum pourrait-il par
contre, à travers sa fonction constituante, instaurer un pluralisme
politique véritablement consensuel et intégrateur ?
Paragraphe II. La fonction constituante : la
recherche d'un pluralisme politique consensuel
En plus de ce qu'il a cherché à
reconstruire l'unité nationale mise en mal après les
années d'instabilité institutionnelle et politique, le Dialogue
National a voulu également rompre avec le système juridique et
politique antérieur. Cette rupture a pour but de doter le pays d'une
nouvelle loi fondamentale capable de pendre en compte les mutations
opérées lors de ces assises. La détermination du nouveau
type de régime politique pour la Centrafrique entre dans cette dynamique
( A) même si certains problèmes peuvent se poser notamment, en ce
qui concerne le rapport entre cette nouvelle Constitution et les Actes du
Dialogue National ou ceux, pris antérieurement dans d'autres assises
nationales (B).
A- La détermination du nouveau type de
régime politique
La Commission n°II
dénommée « Politique et Diplomatie »
est chargée au sein du Dialogue Nationale de réfléchir et
de proposer à l'Assemblée plénière le
« portait robot » du nouveau régime qui devrait voir
le jour lors des futures élections. Il ne s'agit pas de changer de
régime politique car, le Dialogue a reconnu les mutations politiques et
constitutionnelles intervenues dans les années 1990 et qui ont permis au
pays de s'ouvrir au pluralisme démocratique. Il s'agit par contre de le
reformer et de l'adapter aux nouvelles exigences nées lors de ces
assises. Après avoir reconnu la pertinence de la Constitution du 14
janvier 1995 suspendue par les Actes constitutionnels numéros I et II,
la Commission a relevé ses insuffisances et l'a retenue comme base de
réflexion pour la prochaine loi fondamentale1(*)94.
Le problème majeur qui se posait au constituant
centrafricain était celui de trouver un équilibre entre les deux
têtes du futur exécutif afin d'éviter les éventuels
abus de pouvoir et de renforcer le mécanisme du contrôle
parlementaire1(*)95. En
tenant compte des difficultés politiques engendrées par la
restriction des prérogatives du premier ministre dans la constitution
suspendue, le Dialogue opta pour un régime semi-présidentiel avec
l'élargissement des pouvoirs du chef du gouvernement. Il donna aussi sa
préférence pour un renforcement des responsabilités des
organes chargés de gérer l'exécutif et le
législatif. Ainsi, l'introduction de la procédure du contre seing
aux actes du Président de la République et aux décisions
adoptées en Conseil des ministres par les ministres chargées de
leur exécution permet de renforcer la responsabilité politique
de ces derniers.
Quant à la responsabilité pénale du
Chef de l'Etat, le forum a déterminé les actes ou comportements
de ce dernier qui pourraient relever des crimes de trahison et être
sanctionnés comme tels. Il s'agit entre autres de la violation du
serment, de tout acte contraire aux intérêts supérieurs de
la Nation, les homicides politiques, la cupidité et l'affairisme, etc.
Par contre, le Président de l'Assemblée Nationale n'est pour lui,
pénalement responsable, qu'en cas de manquement aux devoirs de sa
charge. Outre le maintien des autres organes institutionnels, le constituant a
renforcé la procédure de la révision constitutionnelle en
excluant de celle-ci : la forme républicaine et laïque de
l'Etat, l'intégrité du territoire, le nombre et la durée
du mandat présidentiel, les conditions d'éligibilité, les
incompatibilités aux fonctions présidentielles et les droits
fondamentaux du citoyen.
Cette méticulosité dans la
rédaction de cette nouvelle Loi fondamentale s'expliquerait par le souci
du constituant de mettre des garde-fous nécessaires à l'exercice
du pouvoir pour éviter que ses futures détenteurs n'en abusent.
Si le procédé est au demeurant appréciable dans son
principe, dans la pratique, il est vulnérable en ce sens que cette
Constitution ne semble répondre plus à un problème de
l'heure qu'à définir les fondements juridiques et éthiques
de la démocratie qui permettront aux centrafricains de prendre des
décisions correspondant à leurs besoins. Or, lorsqu'on
s'interroge, plus de deux cents ans après sa naissance, sur le
fonctionnement de la Constitution américaine et de l'efficacité
de ses institutions, il semble que l'une des raisons de sa réussite
réside dans le fait qu'elle a seulement fourni « les champs
d'applicabilité ( d'un régime démocratique ) à base
desquels les majorités populaires peuvent prendre les décisions
correspondant à leur besoin1(*)96. » Une Constitution, fondée sur
une culture politique qui contribuerait au rapprochement dans l'harmonie des
différentes diversités et disparités et qui favoriserait
l'émergence des conditions propices à l'exploration et à
l'exploitation des capacités productives de chaque citoyen1(*)97, constituerait un bon
socle pour la démocratie en Centrafrique. Ainsi, tout le problème
reste à savoir le type de rapport que cette nouvelle Constitution
entretiendra avec les autres actes du Dialogue National dans
l'établissement des bases du futur régime.
B- La constitutionnalité des Actes du
Dialogue National
Lors de sa clôture,
l'Assemblée plénière du Dialogue National a adopté
une résolution rendant obligatoire l'exécution des
recommandations de ces assises. Un Comité de suivi des Actes du Dialogue
National à été mis en place à cette fin. Or, avant
même la tenue de ce forum, la RCA a adopté lors de certaines
concertations nationales des résolutions qui devraient être
exécutées comme loi de la République. Nous pouvons citer
entre autres le Protocole d'Accord Commun et le Programme Minimum Commun de
1996, le Pacte de Réconciliation Nationale de mars 1997 qui ont tous un
caractère exécutoire. Ces résolutions portent dans leur
grande majorité sur des questions d'ordre politique et institutionnel,
économique et social. On y trouve des engagements et des grands
principes de droit sur l'unité nationale, la bonne gouvernance, les
questions de genre etc. Tous ces actes pourraient fournir des structures
permettant au pays de prendre des décisions et de trouver des solutions
à ses problèmes dans le cadre de la Constitution. Or, ces
différents actes ne sont pas constitutionnalisés et la Loi
constitutionnelle ne mentionne pas les rapports qui devraient exister entre
elle et ces différentes résolutions. On doit alors se poser la
question de savoir sur quel système de valeurs va reposer cette nouvelle
Constitution. Ou encore, sur quelle base juridique, le Comité de suivi
de ce Dialogue, en tant qu'organe bénéficiant des subsides de
l'Etat va continuer à travailler s'il n'est pas mentionné dans la
Loi fondamentale de la République ? La légitimité
constitutionnelle est-elle appelée à s'effacer face à la
légitimité issue du Dialogue national ? Autant de questions
que ni ce Forum ni la Constitution adoptée par referendum en
décembre 2004 n'ont résolues. Une fois de plus, on oublie que
l'Etat de droit et la démocratie dépendent des pratiques qui se
fondent sur l'intériorisation des valeurs et des normes définies
collectivement par le corps social. Le Dialogue National n'en serait-elle pas
une ? Le risque serait alors grand de rester au niveau des proclamations
de principes sans que ceux-ci produisent de véritables effets concrets
et le déroulement du nouveau processus a tout pour attester cela.
SECTIN II. L'ADAPTATION DU JEU POLITIQUE ET ELCTORAL
CENTRAFRICAIN AUX PRINCIPES DEFINIS PAR LE DIALOGUE NATIONAL
Le Dialogue National a non seulement
jeté les bases juridiques et institutionnels du nouveau régime
politique en Centrafrique mais aussi assigné à celui-ci des
objectifs à court et moyen termes. Conduire la politique d'un pays
confronté à de sérieuses difficultés
financières, relancer l'appareil de production détruit par les
multiples crises militaro-politiques et surtout favoriser la lutte contre
l'impunité des violations des droits de l'homme, tels sont les quelques
défis que devrait relever le pouvoir qui sortirait des urnes. La bonne
sortie de la transition politique et la capacité des nouvelles
autorités à relever ces défis ne seront atteint que si le
nouveau cadre électoral mis en place répond aux exigences et
prescriptions des résolutions de ce Dialogue ( paragraphe I ). Reste que
dans la pratique, le retour à l'ordre constitutionnel connaîtra un
peu de difficultés liées aux nouvelles conditions
d'éligibilité ( paragraphe II ).
Paragraphe I. La mise en place du nouveau cadre
électoral
L'onction démocratique qu'entendent recevoir
les nouvelles autorités politiques qui vont sortir des urnes en mars
2005 passe avant tout par l'adoption d'un cadre juridique et institutionnel
adéquats ( A ) et surtout de la sensibilisation de la population sur le
bien fondé de ce processus électoral ( B ).
A- l'Adoption du cadre juridique et
institutionnel
Tirant l'expérience des
incohérences et des insuffisances du code électoral de 1998, le
Conseil National de transition a décidé de doter le pays d'une
nouvelle loi électorale qui tiendrait compte des recommandations des
assises du Dialogue National. Elle s'est donc penchée sur les
problèmes du découpage électoral, du calendrier des
élections ainsi que des listes électorales.
En ce qui concerne le découpage, les
circonscriptions sont reparties en fonction des critères
démographiques et géographiques. Leur nombre est ramené de
cent-neuf à cent-cinq. Bangui, la capitale en regroupe neuf, comprenant
chacune 50000 habitants. Chaque circonscription correspond à une
sous-préfecture, représentée par un député
si elle regroupe entre 11000 et 30000 habitants et deux députés
s'il y a plus de 40000 habitants. Ce nouveau découpage a pour but
d'éviter la pratique qui consistait dans le passé à
créer des circonscriptions sans réelle base démographique
et à des buts électoralistes. Il est procédé
également à l'adoption définitive du bulletin unique . La
saison sèche est retenue comme période idéale pour la
tenue des élections ainsi que l'harmonisation entre les dispositions
constitutionnelles sur les conditions d'éligibilité et celles du
code électoral en la matière.
Quant au cadre institutionnel, une commission
électorale mixte indépendante (CEMI), composée de 31
membres représentant l'administration, la société civile,
les partis politiques, est mise en place. Ses membres sont
désignés « sur la base de leur compétence,
intégrité morale et civisme (...). Ils prêtent serment
devant le tribunal de grande instance1(*)98. » Elle est chargée, en relation avec
le Ministère de l'intérieur, de la préparation, de
l'organisation, de la supervision et du contrôle des élections
ainsi que de la publication des résultats provisoires au vu des
procès verbaux provenant des bureaux de dépouillement1(*)99. Cependant, il est permis
d'émettre de doute sur l'indépendance des comités locaux
de la CEMI dont le texte permet aux autorités locales, telles que les
sous-préfets, de siéger au sein dudit comité.
Néanmoins, la composition de la CEMI sur une base consensuelle tant au
plan national que local demeure son seul atout contre d'éventuelles
tentatives de manipulations et de fraudes. Le 11 août 2004, le nouveau
Code électoral est promulgué par une ordonnance après
celle relative à la création de la CEMI, prise le 30 avril de la
même année ainsi que son décret d'application2(*)00. Il a été
institué également une Cour constitutionnelle de transition
(CCT), pièce maîtresse du dispositif électoral et
chargée du contentieux des opérations électorales. Ainsi,
l'article 266 du Code électoral dispose en la matière que cette
institution a la charge de « veiller à la
régularité des élections présidentielles et
législatives et d'en proclamer les résultats. » Si la
création de cette Cour constitutionnelle de transition est
nécessaire après la suspension de la précédente
Cour, tout l'enjeu se situe par contre sur son impartialité et son
indépendance vis à vis de l'exécutif dont le Chef est
chargé de la nomination du président2(*)01. Il n'en demeure pas moins
qu'une campagne se sensibilisation reste importante pour l'implication de
la population dans le bon déroulement du processus.
B- La campagne de sensibilisation au
processus électoral
L'une des innovations du processus électoral
de 2004-2005 en Centrafrique est la campagne de sensibilisation,
destinée à promouvoir la participation de la population et
surtout son adhésion audit processus. La campagne,
dénommée « caravane de sensibilisation »
mise en place par la CEMI dans l'exécution de son plan de communication
avec l'appui du Bureau des Nations unies en Centrafrique ( BONUCA ) concerne
l'ensemble du territoire national2(*)02. Une première campagne s'était
déroulée dans le centre du pays et une seconde, dans l'ouest.
Cette sensibilisation s'articulait autour de quatre messages :
l'importance du processus démocratique, du recensement, de l'inscription
et de la participation au vote2(*)03. En effet, les acteurs de la vie politique
nationale ont pris conscience de la nécessité de faire participer
la population dans son ensemble au processus du retour à l'ordre
constitutionnel afin de garantir la stabilité et la
légitimité des institutions qui sortiront des urnes. Cette
sensibilisation répond aux recommandations du Dialogue National qui
voudraient que la classe politique prenne désormais l'habitude de
discuter « avec la collectivité territoriale concernée
(...) sur la mise en oeuvre de chaque action politique nouvelle 2(*)04 ». Cela permettrait
de faire entrer les valeurs démocratiques dans les cultures locales et
surtout de permettre au citoyen de prendre conscience de son rôle
politique. En cela, l'action de la Communauté internationale est
déterminante dans le soutien à cette politique. Ainsi, une
structure dénommée Comité des partenaires
extérieurs pour le suivi du processus électoral ( C.O.P.E.S.C )
réunissant périodiquement ses membres a été mis en
place. Des moyens en matériels, en experts et en transport ont
été ainsi fournis. Des techniciens électoraux
internationaux ont participé à cette campagne de sensibilisation,
à l'élaboration des textes et des mesures pratiques à
mettre en oeuvre. Même si l'on peut relever le caractère ponctuel
de cette campagne de soutien au processus de retour à la
légalité constitutionnelle, il n'en reste pas moins qu'elle
marque une rupture par rapport aux pratiques suivies jusqu'alors. Cependant,
malgré ces garanties tant institutionnelles que juridiques, les
nouvelles règles du jeu politique seront difficilement mises en
place.
Paragraphe II. La mise en oeuvre des nouvelles
règles du jeu politique
Lors des assises du Dialogue National, le
gouvernement de transition, les partis politiques ainsi que les
représentants de la société civile se sont
engagés à respecter le bon déroulement des
élections et plus particulièrement « à appuyer
les mesures susceptibles de garantir la régularité des
élections et à se trouver après les élections dans
le même esprit du Dialogue2(*)05 ». Or, le processus électoral
rencontrera ses premières difficultés lors du dépôt
des candidatures pour les scrutins présidentiels et législatifs
de mars 2005, mettant ainsi en question le consensus suivi jusque là
(A). Cette crise des candidatures pourrait nous amener à nous interroger
sur le caractère démocratique de ces consultations ( B )
A- Les règles de l'éligibilité en
question
Pour la compréhension de ce qui est maintenant
convenu d'appeler « la crise des candidatures », il serait
utile de reprendre les dispositions du Code électoral relatives aux
conditions d'éligibilité à la présidence de la
République. Le croisement du calendrier électoral avec le
calendrier judiciaire revêt alors une dimension particulière au
regard de ces dispositions :
- Les conditions
de recevabilité des
candidatures telles que
définies par le
Code électoral :
la loi électorale promulguée en août 2004
prévoit en son article 153 que « ne peuvent être
candidats à l'élection présidentielle que les hommes et
les femmes centrafricains âgés de 35 ans au moins ayant une
propriété bâtie sur le territoire national. Ils doivent
jouir de leurs droits civiques, être de bonne moralité et aptes
à assurer les fonctions de leur charge. » Quant à
l'article 154, il prévoit des cas d'inéligibilité pouvant
être dus soit à une décision de justice, à une
condamnation ou à l'incapacité juridique du postulant. L'article
155 dispose donc qu'il « est formellement interdit
l'enregistrement de la candidature d'une personne inéligible en vertu
des articles précédents. »
En interdisant ainsi l'enregistrement des
candidatures ne satisfaisant pas aux conditions énumérées
ci-haut, le Code électoral renvoie tant à des causes objectives
d'inéligibilité qu'à des causes subjectives telles que la
bonne moralité et l'aptitude à assumer les fonctions de sa
charge. Néanmoins, les procédures judiciaires en cours tant
à Bangui qu'à la Haye concernant les messieurs Patassé et
Démafouth ne seront pas prises en compte dans l'examen de leur dossier
de candidature par la Cour constitutionnelle de transition. Le 30
décembre 2004, ladite Cour ne validera cependant que cinq des douze
dossiers déposés pour des raisons aussi diverses que
douteuses2(*)06. Les
décisions de la Cour étant insusceptibles de recours, les
candidats évincés forment alors un front et exigent la
dissolution de ladite Cour pour forfaiture et la formation d'une nouvelle ainsi
que la validation des dossiers recalés.
- Le repêchage par le Président de la
république de trois des sept candidats recalés :
des remous politiques au niveau national ainsi que
les désapprobations de la Communauté internationale suivant les
décisions de la Cour constitutionnelle de transition vont amener le
Président de la République à repêcher trois des sept
candidats recalés : Ziguélé, Massi et
Ngoupendé. L'immixtion du chef de l'exécutif dans une
décision de justice démontre si besoin est de la violation du
principe de la séparation des pouvoirs et de l'arbitraire de la Cour
dans ses décisions qui relèveraient beaucoup plus d'une
décision politique que judiciaire. Les sept recalés rejettent
cette décision présidentielle. Face à cette
énième crise qui risquerait de compromettre le retour à
l'ordre constitutionnel, le Conseil de sécurité des Nations Unies
appellent « tous les acteurs politiques à trouver (...) une
solution pertinente et consensuelle à cette situation pour sauver le
processus électoral et la transition qui ont nécessité
tant d'effort et d'énergie2(*)07. »
C'est alors qu'une médiation gabonaise va
permettre aux différents protagonistes de cette
crise d'y trouver une solution. L'Accord signé à
Libreville sous l'égide du Président gabonais Omar Bongo le 22
janvier 2005 suspend l'exécution des décisions litigieuses de la
Cour constitutionnelle. Il prévoit la réintégration dans
la course à la présidence de tous les candidats exclus à
l'exception d'Ange Félix Patassé. L'éviction
définitive de ce dernier heurte le principe de la présomption
d'innocence en ce que cette décision est motivée par l'existence
des poursuites en cours contre lui. Or, il est, en principe,
présumé innocent des charges retenues contre lui jusqu'à
ce qu'on arrive à établir les preuves de sa culpabilité.
Ainsi, les péripéties de cette crise nous amènent à
nous poser de question sur la transparence et la régularité des
échéances électorales de mars 2003.
B- L'interrogation sur le caractère
démocratique des consultations électorale de mars
2005
Les parties à l'Accord de Libreville ont
adopté un code de bonne conduite dont l'application est placée
sous la responsabilité d'un groupe de sages. Ayant convenu du maintien
en fonction de la Cour constitutionnelle de transition, les parties ont
signé un protocole d'application de cet Accord dans le but d'assurer la
transparence et la régularité des élections du mois de
mars 2005. Ce protocole prévoit une nette séparation de
compétence entre la CEMI et ladite Cour. La première sera seule
compétente pour contrôler la régularité des
opérations électorales et pour en proclamer les résultats.
La seconde sera quant à elle compétente pour statuer sur le
contentieux de ces opérations. Et dans un souci de transparence, la CEMI
est appelée à publier les résultats, bureau de vote par
bureau de vote.
Nonobstant les dysfonctionnements relevés
ci-haut et qui pourraient nuire à la transparence des consultations,
l'Accord de Libreville démontrait par contre de la volonté de la
classe politique centrafricaine de résoudre désormais les
problèmes susceptibles de survenir lors de ces élections par la
voie de la légalité et du consensus. Les blocages qui ont
jalonné la transition, notamment lors des discussions sur le projet de
constitution, le code électoral et la loi sur la CEMI ainsi que la crise
des candidatures amenaient d'aucun à s'interroger quant à l'issue
heureuse des échéances électorales de mars et mai 2005.
Malgré les quelques ratés, les observateurs tant nationaux
qu'internationaux ont pu constater que « d'une façon
générale, les incidents qui ont été relevés
au cours du scrutin n'ont pas remis en cause la crédibilité des
élections. Les résultats ont été dans l'ensemble
acceptés par les différents candidats et partis
politiques2(*)08. »
Les candidats Bozizé et Ziguélé,
arrivés en tête au premier tour, ont obtenu au second
respectivement 64,6% et 35,4%. S'agissant des législatives, la
Convergence Kwa na kwa qui avait soutenu la candidature de Bozizé aux
présidentielles, a obtenu la majorité relative avec près
de 40 sièges2(*)09.
Il convient de noter que les résultats de
l'examen des recours introduits auprès de la Cour constitutionnelle
risqueraient de modifier le visage actuel du Parlement à cause
d'éventuelle annulation de l'élection de certains
députés qui y siègent déjà2(*)10.
La situation politique et institutionnelle de la
Centrafrique connaît depuis lors « une évolution
globalement encourageante2(*)11 » depuis la fin des élections et
le retour à la légalité démocratique et
constitutionnelle. Il reste que le processus de stabilisation en cours doit
être suivi pour permettre de juger si effectivement le pays a
renoué avec la démocratie élective.
CONCLUSION
GENERALE
« Tous les hommes ont également
droit aux nécessités de la vie (...) Et comme chaque droit
s'assortit à la fois d'un devoir et d'un moyen de résister aux
attaques dirigées contre ce droit, il suffit de trouver quels sont les
devoirs qui nous incombent et les moyens dont nous disposons pour assurer
l'égalité fondamentale élémentaire. Notre devoir
est de travailler de nos mains et le moyen que nous avons de résister
à celui qui nous prive du fruit de notre labeur est de ne pas
coopérer avec lui... »
MAHÂTMA GANDHI
1869-1948
Il y a quelques années, un homme politique
centrafricain qualifiait la situation de la République centrafricaine
comme relevant du mythe de Sisyphe2(*)12 en ce sens qu'elle serait condamnée dans sa
quête de stabilité politique et institutionnelle à un
éternel recommencement sans arriver à hisser ses institutions sur
la montagne de la démocratie. L'analyse de ces quinze dernières
années de la situation politique du pays avec ses multiples crises
pourrait confirmer cette hypothèse si nous considérons la
démocratie comme une fin en soi. Or, le Prix Nobel 1988 de
l'économie, Amartya Sen, nous rappelle que c'est mal poser la question
lorsqu'on cherche à savoir si tel ou tel pays est mûr pour
la démocratie : « un pays ne doit pas être
jugé mûr pour la démocratie, mais plutôt mûrir
par la pratique démocratique. C'est un changement capital2(*)13 ». Les
expériences mitigées des élections disputées dans
ce pays montrent que ce processus, dont la finalité est d'approfondir la
démocratie et la rendre plus tangible2(*)14, est encore à ses débuts.
En effet, la démocratisation de la
société politique centrafricaine serait beaucoup plus un
processus d'« accroissement de la participation citoyenne à
l'exercice du pouvoir, hier, et peut-être aujourd'hui encore, chasse
gardée 2(*)15» d'une certaine caste d'hommes politiques.
L'importance nouvelle des élections comme vecteur de transition
politique serait alors un signe encourageant si l'on arrive à faire
prendre conscience au citoyen de son rôle dans l'édification de
cette démocratie. Car, si l'esprit démocratique s'apprend, il
serait désespérant de croire que la démocratie ne se
consolidera que lorsque les citoyens en auront acquis toutes les
subtilités. En fait, c'est la pratique même de cette
démocratie qui préside à son apprentissage et à son
ancrage. Reste qu'au-delà des principes, cette pratique doit se fonder
sur ce que Hermet appelle une « alphabétisation
politique 2(*)16», sur les connaissances minimales de
l'histoire et de l'environnement politique du pays. Le citoyen doit s'ouvrir
sur l'extérieur, ne plus se confiner dans son voisinage ethnique
immédiat et ne plus obéir à la loi d'éternel hier
comme si ce qui s'est toujours fait devrait demeurer immuable. L'enfermement
exclusif dans l'identité tribale bloque l'émergence de la
citoyenneté. Car, cette identité n'est en soi ni positive ni
négative. Elle est neutre mais pas nulle. Ainsi, la démocratie
élective court des risques si l'on veut la fonder sur une base
ethnique2(*)17. La
citoyenneté exige l'acquisition des règles d'une conduite
démocratique véritable. Plus précisément, la
question ne revient pas seulement de savoir si le citoyen possède des
droits, mais qu'il se trouve aussi soumis à des obligations qui requiert
qu'il les exerce de façon assidue et raisonnable. Il conviendrait donc
pour lui tout autant de n'obéir qu'à des normes acceptables, de
se sentir solidaire des autres dans la quête de la
prospérité nationale. Il ne devrait surtout pas exiger
l'impossible des gouvernants et considérer l'Etat comme un pourvoyeur
des bénéfices personnels. Cette déviation pourrait se
révéler menaçante pour la jeune démocratie2(*)18.
Cependant, si les citoyens doivent consentir au nom de
l'obligation citoyenne certains sacrifices personnels au bien commun, il
importe que les gouvernants se persuadent de leur côté de ce que
l'Etat n'est pas leur propriété ; en bref, qu'ils essaient
de renoncer à la conception patrimoniale du pouvoir.
La démocratie est universelle et il suffirait
de la domestiquer normalement en Centrafrique en respectant ses principes
élémentaires en corrélation avec le vécu quotidien
de chaque citoyen. La démocratie élective, un luxe pour les
centrafricains ? Nous ne le pensons pas. Et si les dirigeants de ce pays
pouvaient se désolidariser de la politique politicienne pour se
consacrer au secteur social, en améliorant par exemple, les conditions
de vie de la population ? Une possibilité plausible dans un pays
riche en ressources comme la RCA. Et s'ils pouvaient également
développer les secteurs culturel et sanitaire et revaloriser le SMIG des
travailleurs qui, dans la plupart des cas, ne respecte pas le pouvoir d'achat
des citoyens ? En effet, la démocratie ne conquiert les hommes que
lorsqu'elle prend figure de valeur sûre pour la promotion de la
population dans son ensemble. Le citoyen ne se convainc de le devenir au sens
plein que lorsqu'il cesse de se percevoir comme un électeur
réduit à avaliser des choix par avance, en dehors de lui2(*)19.
Tout comme l'hirondelle ne fait pas à elle seule le
printemps, les élections ne sauraient être, à elles seules,
gage d'une véritable transition démocratique. Car, la
démocratisation « ne garantit pas plus la justice sociale
qu'elle n'est une assurance de croissance économique, de paix sociale,
d'efficience administrative ou d'harmonie politique2(*)20 ». Mais, les
institutions, les pratiques et les idéaux de la démocratie ont
les moyens de défier la concentration du pouvoir et d'empêcher son
détournement à des fins personnelles. Ils jouent ainsi un
rôle crucial dans l'élaboration d'une gouvernance qui
procède du peuple ou du moins qui puisse être à son
service. Même dans les grandes démocraties du monde, les
élections n'ont pas toujours été régulières,
mais la force de ces démocraties réside dans la capacité
de tous les acteurs à surmonter ce qui pourrait être un obstacle
du moment pour préserver l'intérêt de la nation. Le danger
pour l'Afrique en général et la Centrafrique en particulier est
que, dans un contexte de précarité économique et de
pauvreté, les institutions démocratiques ont difficilement de
marge de manoeuvre pour démocratiser l'environnement social. De plus, la
majorité des citoyens perçoivent le droit de vote comme quelque
chose d'abstrait, bien moins indispensable à leurs yeux que d'autres
biens considérés comme essentiels. Dès lors, le bulletin
de vote peut devenir monnaie d'échange et les suffrages
« négociables » lors des élections2(*)21. Mais ce qu'ils oublient
souvent c'est que, des urnes, peuvent tant sortir un gouvernement respectueux
des droits des citoyens qu'un démagogue ou un dictateur qui n'a de
projet de société que ses démagogies
électoralistes. L'enjeu serait peut être d'imaginer, d'exprimer et
de faire comprendre à toutes les couches sociales qu'elles ont
intérêt, au-delà des élections, à participer
à la vie publique soit individuellement soit en association pour
défendre leurs intérêts. Il serait également
intéressant d'innover dans la gestion du pouvoir au plan national pour
« déconfisquer » l'Etat au profit de la
société toute entière en réduisant les
déficits démocratiques analysés dans ce travail. Le
développement d'une solidarité basée sur des
intérêts mutuels et le respect des principes démocratiques
au plan international et sous régional pourrait favoriser
également la stabilité politique dont le pays a tant besoin. En
définitive, la démocratie en RCA devrait, comme l'écrit
Prera Flores, réhabiliter l'Etat et réinventer la notion
d'intérêt public « dans un cadre éthique
socialement consensuel pour concilier dans un nouvel équilibre, la
justice et l'expression de nos différences ». La
réussite de la transition démocratique dans ce pays passerait par
cette voie2(*)22.
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IV- INSTRUMENTS JURIDIQUES
1) Textes internationaux
- La Déclaration universelle des droits de l'homme du
10 décembre 1948
- Pacte international relatif aux droits économiques,
sociaux et culturels du 16 décembre 1966
- Pacte international relatif aux droits civils et politiques
du 16 décembre 1966
- Déclaration sur l'octroi de l'indépendance aux
pays et aux peuples coloniaux ( R.1514(XV)
de l'Assemblée Générale des nations
Unies du 14 décembre 1960)
- Déclaration sur le progrès et le
développement dans le domaine social ( R.2542(XXIV)de
l'Assemblée Générale des nations Unies
du 11 décembre 1969)
- Déclaration de Téhéran du 13 mai
1968
2) Textes nationaux
- Constitution du 28 novembre 1986
- Constitution du 14 janvier 995
- Constitution du 28 décembre 2004
- Acte constitutionnel n° 1 et 2 du 15 mars 2003 portant
organisation provisoire des
pouvoirs de l'Etat.
- Acte constitutionnel n°3 du 12 décembre 2003
modifiant l'Acte constitutionnel n°2
portant organisation provisoire des pouvoirs de l'Etat.
- Loi n°91/004 du 4 juillet 1991 portant loi organique
relative aux partis politiques.
- Loi n°92/012 portant code électoral de la
République centrafricaine, modifiée par les
ordonnances 93/002 du 07 avril 1993 et 93/005 du 27 avril
1993.
- Loi n°98/004 du 27 mars 1998 portant code
électoral.
- Loi n°99/015 du 1e juillet 1999 modifiant la
loi n°98/004 du 27 mars 1998 portant code
électoral.
- Ordonnance n°04/010 du 30 avril 2004 portant
création d'une Commission électorale mixte
indépendante.
- Ordonnance du 11 août 2004 portant code
électoral de la République centrafricaine.
- Décret n° 92/007 du 31 juillet 1992 portant
réglementation de l'accès des partis politiques
aux médias publics.
- Décret n°92/207 du 31 juillet 1992
portant création d'une commission électorale mixte.
V- RAPPORTS ET AUTRES DOCUMENTS
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National, septembre-octobre 2003 :
- Rapport de la Commission n°1, Vérité et
Réconciliation Nationale.
- Rapport de la Commission n°2, Politique et
Diplomatie.
- PNUD, Rapport mondial sur le
développement humain 2002
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d'observation de la Francophonie sur les élections
législatives en république centrafricaine du
22 novembre au 13 décembre 1998.
- FIDH, Rapport n°410 du mois de
février 2005 de la mission internationale d'enquête sur la
RCA ;
http://www.fidh.org/IMG/pdf/rca410tf.pdf
( 09/06/05 )
- Rapport de la Commission ad hoc sur
l'avant-projet de la constitution de la RCA
( deuxième session ordinaire du CNT du 09 avril au 24
mai 2004 )
- Rapport de la Commission ad hoc sur le
projet d'ordonnance portant code électoral de la
RCA (Première session extraordinaire du CNT du 15
juin au 1juillet 2004)
- Projet d'ordonnance relative aux statuts de
l'opposition en RCA
- MOGBA J.R., MOUKADAS N.,
Eléments pratiques de méthodologie à l'usage des
étudiants en sciences sociales,
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-
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- http://www.idea.int
- http://www.african-union.org
- http://www.ideesplus.com
- http://www.univreims.fr
ANNEXES
TABLE DE
MATIERE
DEDICACE...............................................................................................
I
REMERCIEMENTS.................................................................................
II
SIGLES ET
ABREVIATIONS.......................................................................
III
RESUME.................................................................................................
V
ABSTRACT.............................................................................................
VI
SOMMAIRE
..........................................................................................
VII
INTRODUCTION
......................................................................................
1
PREMIERE PARTIE : ELECTION : VECTEUR DE
TRANSITION
DEMOCRATIQUE EN
CENTRAFRIQUE..............................18
CHAPITRE I : LE PROCESSUS DE CONSECRATION DE LA
DEMOCRATIE
ELECTIVE EN REPUBLIQUE CENTRAFRICAINE
........................ 20
SECTION : L'instauration du pluralisme
politique............................................. 21
Paragraphe I : La restauration du
multipartisme..................................................... 21
A : Le changement du contexte politique
......................................................... 21
B : La restauration du multipartisme
............................................................... 23
Paragraphe II: La consécration d'autres droits civils
et politiques et
leur garantie juridictionnelle
........................................................ 24
A: Les droits indispensables à la bonne tenue des
élections ...................................... 25
B: L'indépendance de la magistrature comme garantie de
la libre expression de la volonté
populaire
.............................................................................................
27
SECTION II : L'ajustement du processus électoral
aux normes démocratiques ............... 28
Paragraphe I : Les garanties juridiques du processus
électoral ................................. 29
A : Le Code électoral et le respect de la
liberté et de l'honnêteté de
l'élection............... 29
B : Le Code électoral et les principes de
l'égalité et de non-discrimination de vote .......... 31
Paragraphe II : Les garanties institutionnelles du
processus électoral ........................... 33
A : De la CEM à la CEMI : la recherche d'une
structure neutre de gestion des élections ... 33
B : L'apport de l'observation indépendante des
élections dans le processus électoral .........34
CHAPITRE II : LES EXPERIENCES DES ELECTIONS
DISPUTEES ....................... 36
SECTION I: Les consultations électorales de 1993 et
1994 : la consécration de la transition
démocratique ............................................................................
37
Paragraphe I : Les scrutins électoraux de
1993 : la fin du régime monopartite ................ 37
A: La marche vers les élections
..........................................................................................
37
B: Les consultations électorales de 1993: la fin du
régime monopartite ........................ 40
Paragraphe II: Le referendum constitutionnel de 1994 et
l'effritement du consensus
politique................................................................................
43
A: Le débat sur le projet de la Constitution
.........................................................................
43
B: L'adoption de la nouvelle Constitution et l'effritement du
consensus politique ......... 44
SECTION II: Les élections de 1998 et 1999 : La non
concrétisation de l'alternance
démocratique
...........................................................................
47
Paragraphe I: Les élections législatives de 1998
et leur contentieux devant
le Juge constitutionnel
.................................................................. 47
A: Les scrutins législatifs de 1998 et le
débauchage d'un député de l'opposition par
le parti au pouvoir
...........................................................................................................
48
B: Le contentieux des élections législatives
devant la Cour constitutionnelle .................... 49
Paragraphe II: Le scrutin présidentiel de 1999 et la
fragilisation du système politique
centrafricain
....................................................................................................
51
A: Le scrutin de 1999 et la physionomie de la classe politique
......................................... 52
B : La fragilisation du système politique
centrafricain .......................................... 53
SECONDE PARTIE: LA DIFFICILE CONSOLIDATION DE LA
DEMOCRATIE
ELECTIVE EN
RCA......................................................... 56
CHAPITRE III : DES PRATIQUES DEMOCRATIQUES ENCORE
DEFICITAIRES .... 58
SECTION I : Une participation démocratique
lacunaire.................................. ...... 59
Paragraphe I : La faiblesse du contrôle public des
institutions démocratiques......... ...... 59
A : Une conception encore limitée de la
citoyenneté............................................. 60
B : Le faible poids des structures
associatives....................................................... 61
Paragraphe II : L'absence d'une véritable
responsabilité politique................................62
A : Des responsabilités politiques diluées
à travers des gouvernements de compromis........63
B : Des autorités publiques difficilement
sanctionnables........................................ ...64
SECTION II : L'immixtion de l'armée dans la
transition politique ..............................66
Paragraphe I : L'Armée nationale comme reflet da
la dynamique sociale.................. .....66
A : Une Armée peu professionnalisée et
socialement
déséquilibrée..............................66
B : Une Armée de plus en plus politisée
......................................................... ....68
Paragraphe II : Le rôle ambigu de l'Armée
dans la transition politique ..........................69
A : Des revendications corporatistes aux revendications
politiques ..............................69
B : Le coup d'Etat du 15 mars 2003 : une
interruption brutale du processus démocratique...71
CHAPITRE IV : LA REFONDATION DE LA DEMOCRATIE ELECTIVE EN
RCA A
TRAVERS LE DIALOGUE NATIONAL
.................................... 73
Section I : Le Dialogue National, forum de constitution
d'une démocratie
consensuelle en
RCA .....................................................................
74
Paragraphe I: La fonction réconciliatrice du Dialogue
National ........................... . 74 A: La spécificité du
Dialogue National par rapport aux précédents fora de concertation
nationale...............................................................................................
75
B : Les limites de la fonction réconciliatrice du
Dialogue National ............................. 76
Paragraphe II : La fonction constituante : la
recherche d'un pluralisme politique
consensuel..............................................................................................
77
A : La détermination du nouveau type de
régime politique.........................................77
B : La constitutionnalité des Actes du Dialogue
National....................................... 79
SECTION II: L'adaptation du jeu politique et électoral
centrafricain aux principes
définis par le Dialogue
National......................................................................
80
Paragraphe I: La mise en place du nouveau cadre
électoral ................................. .... 80
A: L'adoption du cadre juridique et institutionnel
................................................. 81
B : La campagne de sensibilisation au processus
électoral......................................... 82
Paragraphe II : La mise en oeuvre des nouvelles
règles du jeu politique ........................ 83
A : Les règles de l'éligibilité en
question ......................................................... 83
B : L'interrogation sur le caractère
démocratique des consultations électorales
de mars
2005...................................................................................
...... 85
CONCLUSION GENERALE
..................................................................... 87
BIBLIOGRAPHIE
.....................................................................................
91
ANNEXES..............................................................................................
98
* 1 G. Hermet, Le
passage à la démocratie, Paris, Presses de Sciences
Politiques, 1996, pp. 13-14
* 2 J. C. Masclet, Le droit
des élections politiques, Paris, PUF, collection « que
sais-je ? », 1992, p. 9
* 3 G. Conac, « Les
processus de démocratisation en Afrique », in L'Afrique en
transition vers le pluralisme
politique, G. Conac ( dir. ), Paris, Economica, 1993,
p. 11
* 4 Il y a eu les
premières élections pluralistes dans le pays après la
chute de l'Empereur Bokassa en 1981.
* 5 M. Nguélé
Abada, Etat de Droit et démocratisation. Contribution à
l'étude de l'évolution politique et constitutionnelle au
Cameroun, Université de Paris 1, Panthéon Sorbonne,
thèse de doctorat, janvier 1995, inédit, p 1
* 6 Cf. H. Kelsen,
Théorie pure du Droit, Paris Dalloz, 1962, 410 p. ; R. de
Lacharrière, Etudes sur la théorie
démocratique, Spinoza, Rousseau, Hegel,
Marx, Paris, Payot, 1963, 209 p.
* 7 H. Kelsen, op. cit. p.
25.
* 8 S. Huntington,
Troisième vague : les démocratisations de la fin du XXe
siècle, Manille, Nouveaux Horizons,
1996, p. 5
* 9 J. C. Masclet, op. cit.,
p. 9
* 10 R. Guillien et J.
Vincent, (dir.), Lexiques des termes
juridiques, Paris Dalloz, 12e éd., 1999, v°
élection,
p. 220
* 11 J. C. Masclet, op. cit.
p. 9
* 12 Cf. Jr. Moore
Barrington, Les origines sociales de la dictature et de la
démocratie, Paris, La
Découverte/Maspero, 1983 ; B.
Marques-Pereira, (dir.), L'Amérique Latine vers la
Démocratie, Bruxelles,
Complexe, 1994 ; G. Hermet, Les
désenchantement de la liberté. La sortie des dictatures dans les
années 90.,
Paris, Fayard, 1993
* 13 Voir à cet effet
l'ouvrage en anglais de J. J. Linz, A. Stenpan, Problems of democratic
Transition and
Consolidation : Southern Europe, South America,
and Post Communist Europe, Baltimore, Md. Londres, The
Johns Hopkins university Press, 1996
* 14 G. Hermet,
« Le charme trompeur des théories : un état des
travaux. » in Démocraties d'ailleurs, CH. Jaffrelot,
(dir.) Paris, Karthala, 2000, pp. 314-342
* 15 M. Diouf,
« Successions légales et transitions politiques en
Afrique » in Les avatars de l'Etat en Afrique,
Publication du GEMDEV, Paris, Karthala,
1997, p. 149
* 16 Cf. P. Kalck,
Histoire de la République centrafricaine, Paris,
Berger-Levrault, 1974
* 17 I. Sy, Les
institutions politiques de la RCA, Université de Bangui, 1989,
inédit, p. 10
* 18 J. Du Bois de
Gaudusson, G. Conac, Ch. Desouches, Les constitutions africaines
publiées en langue française,
tome 2, Bruxelles, Bruylant, 1998, p. 180
* 19 J. Du Bois de
Gaudusson, G. Conac, Ch. Desousches, op. cit., p. 182
* 20 I. Sy, op. cit. p.
10
* 21 J. Du Bois de
Gaudusson, G. Conac, Ch. Desouches, op. cit. p. 183
* 22 G. Conac,
« Les processus de démocratisation en Afrique » in.
L'Afrique en transition vers le pluralisme
politique, G. Conac, (dir.) op. cit., p. 56
* 23 P. Yao-Ndré,
« Les Etats africains et le processus de
démocratisation » in Juridis
Périodique n° 41, Janvier-
Février-Mars 2000, p. 22
* 24 M. Nguélé
Abada, op. cit. p. 17
* 25 Cité par J. A.
Doui in Transition démocratique et Etat de droit en RCA,
Université d'Abomey-Calavi,
mémoire de DEA en droit de la personne et
démocratie, 2001, inédit, p. 7
* 26 J. P. Daloz et P.
Quantin (dir.), La transition démocratique africaine, Paris,
Karthala, 1997, 313 p.
* 27 G. Conac ( dir.
), op. cit.
* 28 J. Du Bois de
Gaudusson, « Les élections à l'épreuve de
l'Afrique » in Cahiers du
Conseil Constitutionnel n° 13, pp. 1-10.
* 29 J.P. Daloz et P.
Quantin, op. cit. pp. 7-15
* 30 Cf. les théories
développementaliste ou modernistes : R.
Emerson, « Parties and national integration in
Africa » in Political parties and political development, J.
La Palombara, M. Weimer, Princeton, New Jersey, Princeton University
Press, 1996, pp.296-297
* 31 J. Du Bois de
Gaudusson, « Les élections à l'épreuve de
l'Afrique », op. cit.
* 32 J. A. Doui. op.
cit., 96 p.
* 33 M. Koyt, M. F. M'bringa
Takama, P. M. Decoudras, « République centrafricaine :
les vicissitudes du
changement » in L'Afrique
politique, Paris, CEAN, Karthala, 1995, pp.
235-249
* 34 A. Melher et V. da
Cruz, « République centrafricaine. La démocratie n'est
pas un vaccin. Politique formelle et
informelle », in, L'Afrique
politique, Paris, CEAN, Karthala, 2000, pp.
197-208
* 35 G. A.
Ebouélé, L. G. Njipendi, « Elections au Cameroun:
moyen ou finalité de la démocratie ? » in
Governance Alert, n° 008, Mai-Juin 2001, p
5
* 36 Cité par G. A.
Ebouélé, L. G. Njipendi, idem.
* 37 Z. R. Mogba, N.
Moukadas, Eléments pratiques de méthodologie à l'usage
des étudiants en sciences sociales,
Université de Bangui, Inédit, 1995,
p. 26
* 38 Cf. D. Barbon,
« A qui profite le mime ? Le mimétisme institutionnel
confronté à ses représentations en
Afrique », F. N.S.P/ I. E. P., Bordeaux, CEAN,
01/ 71992/Talence, pp. 1-22
* 39 Elle consiste à
« appréhender les textes et les règles comme valeurs en
soi et à les disséquer ». Cf. M. Nguélé
Abada, op. cit. p. 33
* 40 Celle-ci envisage la
règle juridique comme un « élément du
contexte social où elle est insérée et dont elle est le
produit, voire le moteur, mais dont il est vain de l'isoler » (
Idem. )
* 41 Ibidem.
* 42 Z. R. Mogba, N. Moukadas,
op. cit. p. 16
* 43 Nous avons
été délégué de la JEC à la
Conférence de Réconciliation en 1998 et membre du comité
local de la CEMI du 8e Arrondissement de Bangui en 2004
* 44 M.Nguélé
Abada, op. cit. p. 34
* 45 Cette approche de Dahl
est commentée par L. Diamond, S. M. Lipset dans leur ouvrage, Les
pays en
développement et l'expression de la
démocratie, Manille, Nouveaux Horizons, 1996, pp. 9-11
* 46 Cité par H. Fouda
in Droit à la démocratie et processus électoral
camerounais, Yaoundé, UCAC/ICY,
APDHAC, mémoire de Master Droits de l'Homme et Action
Humanitaire, inédit, 1998, p. 7
* 47 J. M. Breton,
« La transition vers la démocratie en République
populaire du Congo » in Afrique en transition
vers le pluralisme politique, G. Conac, (dir.) op.
cit. p. 263
* 48 Idem.
* 49 J. M. Breton, op. cit.
p. 263
* 50 J. Du Bois de
Gaudusson, G. Conac, Ch. Dessouches, op. cit. p. 183
* 51 L. G. Pampali, Le
Centrafrique face à lui-même, Yaoundé, PUCAC, 2001, p.
103
* 52 L. G. Pampali,
« Le processus d'implication de la Communauté internationale
dans l'instauration et la consolidation de l'Etat de droit en République
centrafricaine (1990-2000) » in Vers une
société de droit en Afrique centrale ( 1990-2000 ), D.
Maugesnet et J. D. Boukongou ( dir. ), Yaoundé, PUCAC, 2001, p. 341
* 53 J. Du Bois de Gaudusson,
G. Conac, Ch. Desouches, op. cit. p. 184
* 54 Idem.
* 55 J. M. Breton, op. cit. p.
271
* 56 A. Gabou, « Les
transformations institutionnelles et politiques en République populaire
du Congo. » in L'Afrique en transition vers le pluralisme
politique, G. Conac, (dir.) op. cit. p. 259
* 57 Journal officiel de la
RCA, 33e année, juillet 1991, n° spécial.
* 58 Nations Unies, Guide
des élections : aspects juridiques et techniques relatifs aux
droits de l'homme, Genève,
Centre pour les droits de l'homme, HR/P/PT/2, 1996, p. 6.
* 59 Cf. Déclaration sur
l'octroi de l'indépendance aux pays et aux peuples coloniaux, art. 2
ainsi que l'art. 1
commun des deux Pactes de 1966.
* 60 Cf. l'art. 5c de la
Déclaration sur le progrès et le développement dans le
domaine social.
* 61 Cf. Déclaration
Universelle des droits de l'Homme, les deux Pactes de 1966 et l'article 5c de
la déclaration de
Téhéran.
* 62 Reporter sans
frontière (RSF) , Etat de la presse en RCA, http://www.
rsf.org/article.php ?id_article=1195
( consulté le 09/06/05 )
* 63 Lire à ce propos
Afrique-expresse sur le problème de l'arrestation des
journalistes en RCA in
www.afrique-expresse.com/archives.
( 09/06/05. )
* 64 JORCA, 34e
année, n° spécial II, juillet, 1993
* 65 H. de Prince Pokam,
« L'opposition dans le jeu politique en Afrique depuis
1990. » in Juridis périodique,
n°41, janvier-mars, 200, p. 55
* 66 L. G. Pampali, Le
Centrafrique..., op. cit. p. 104
* 67 Une réunion de
CODEPO ( Concertation démocratique des partis d'opposition ) violemment
réprimée par les
forces de l'ordre et qui s'est soldée par
l'arrestation et le jugement de 73 personnes dont 4 députés en
dépit de
leur immunité parlementaire.
* 68 J. M. Duval,
« Droit électoral : sanction des comportements
irréguliers relevés au cours des opérations
électorales » in RFDC, n° 48,
Octobre-Décembre 2001, Paris, PUF, 2002, p. 82
* 69 J. Du Bois de Gaudusson,
« Les élections ... », op. cit., p. 2
* 70 H. de Prince Pokam,
« Les commissions électorales en Afrique
subsaharienne. », in Afrilex n° 03/2003,
www.u-bordeaux.fr ( consulté le
09/06/05 )
* 71 A. D. Olinga,
« Politique et droit électoral au Cameroun. » in
Revue Polis,
http://www.cean.u-bordeaux.fr/polis
( 25/ 06/ 05 )
* 72 Idem.
* 73 G. Burdeau, Droit
constitutionnel et institutions politiques, Paris, LGDJ, 20e
éd., 1984, p. 475
* 74 Art. 18 al. 4 de la
Constitution de 1995 in JORCA, op. cit.
* 75 J. C. Masclet, op.
cit. p. 18
* 76 Les listes
électorales sont permanentes et font l'objet d'une révision
annuelle du 1er décembre au 31 mars (art.13 de la loi
n° 99/015 du 1er juillet 1999 modifiant la loi 98/004 du 27
mars 1998 portant Code électoral de la RCA).
* 77 J. Du Bois de
Gaudusson, « Les élections à
l'épreuve... », op. cit., p. 3
* 78 Idem, p. 4
* 79 H. de Prince Pokam,
« Les commissions électorales en Afrique... » op.
cit.
* 80 Art. 7 de ladite loi
* 81 A. Bourgi,
« L'observation internationale des élections en
question » in
http://www.univ-
reims.fr/LABOS/CERI/L_observation_internationale_des_elections.htlm
* 82 R. Austin,
« Le défi de l'observation des élection :
l'expérience de Zimbabwe » in
http://www.idea.int
* 83 L. Diamond, J.J. Ling et
S. M. Lipset, op. cit. p 24
* 84 J Du Bois de Gaudusson,
G. Conac, CH. Desouches, op. cit. p184
* 85 A. Bourgi,
« L'évolution du constitutionnalisme en Afrique : du
formalisme à l'effectivité. » in RFDC
n° 52, Octobre- Décembre 2002, p. 724
* 86 G. Hermet, op.cit. p.
71
* 87 Idem, p. 76
* 88 L. G. Pampali, Le
Centrafrique face à lui-même, op. cit. p. 104
* 99 H de Prince. Pokam,
« L'opposition dans le jeu politique... », op. cit.
p. 54
* 100 Cité par
Hermet, op. cit. p. 75
* 101 L. G. Pampali, Le
Centrafrique face à lui-même, op. cit. p. 15
* 102 L. G. Pampali, Le
Centrafrique face à lui-même, op. cit. p. 15
* 103 C'est nous qui
soulignons.
* 104 M. Koyt, F. M.
M'bringa, P. M. Decoudras, op. cit. p. 241
* 105 Idem
* 106 Ibidem
* 107 H de Prince. Pokam,
« L'opposition dans le jeu politique... », op. cit. p.
60
* 108 M. Koyt, M. F. M'bringa,
P. M. Decoudras, op. cit. p. 242
* 109 B. I. Abdourhamane,
« Processus démocratique en RCA » in
http :// www.etat.sciencespobordeau.fr/institutionnel/centrafriq.html
( consulté le 15/06/05 )
* 110 L. G. Pampali, Le
Centrafrique face à lui-même, op. cit. pp. 16-17
* 111 Cf. chapitre Ier du
Titre III de la Constitution du 14 janvier 1995
* 112 A. Bourgi,
« L'évolution du constitutionnalisme africain... »
op. cit., p. 731
* 113 Notamment l'article
37du projet de la Constitution qui dispose que « la politique
définie par le Président de la République est mise en
oeuvre par le Premier Ministre, Chef du Gouvernement. »
* 114 Agence Centrafricaine
de Presse, bulletin hebdomadaire d'information, n° spécial du
18/01/1995
* 115 M. Koyt, M. F.
M'bringa, P.M. Decoudras, op. cit. p. 241
* 116 Ledit article dispose
en effet que « les fonctions de Président de la
République sont incompatibles avec l'exercice de toute autre fonction
politique, de tout autre mandat électif, de tout emploi
salarié. »
* 117 B. I. Abdourhamane,
op. cit.
* 118 G. Hermet, op. cit.
p. 83
* 119 idem
* 120 L. G. Pampali,
« Le processus d'implication de la Communauté
internationale... », op. cit. p. 345
* 121 Lire à cet
effet l'article de L. G. Pampali précité.
* 122 B. I. Abdourhamane,
op. cit.
* 123 Elle avait
demandé cette réforme en janvier 1997 lors des concertations
tenues sous l'égide du médiateur Amadou Toumani Touré mais
celle-ci n'a pas eu lieu.
* 124 B. I. Abdourhamane,
op. cit.
* 125 Organisation
Internationale de la Francophonie, Elections législatives en
République centrafricaine, Rapport de la mission
d'observation de la Francophonie, pp. 21-42
* 126 A. Melher, V. da
Cruz, op. cit. p. 200
* 127 Idem.
* 128 J. C. Masclet, op.
cit. p.106
* 129 Organisation
internationale de la Francophonie, Rapport, op. cit. p. 42
* 130 A. Melher, V. da Cruz,
op. cit. p. 203
* 131 P. Quantin,
« La difficile consolidation des transitions démocratiques
africaines des années 1990 » in Démocratie
d'ailleurs, CH. Jaffrelot ( dir. ), Paris, Karthala, 2000, p. 480
* 132 Article 23 de la
Constitution de 14 janvier 1995 dispose en effet que « le
Président de la République est élu au suffrage
électoral direct et secret pour un mandat de six ans, renouvelable une
fois... »
* 133 J. P.
Ngoupendé, L'Afrique sans la France, Paris, Albin Michel, 2001,
p. 13
* 134 B. I. Abdourhamane,
op. cit.
* 135 J. P.
Ngoupendé, op. cit. p. 13
* 136 R. Buijtenhuijs,
Transition et élections au Tchad 1993-1997,paris, Karthala,
1998, p. 306
* 137 A. Melher, V. da
Cruz, op. cit. p. 1999
* 138 A. Melher, V. da
Cruz, op. cit. p. 206
* 139 P. Quantin,
« La difficile consolidation des transitions... » op. cit.,
p. 480
* 140 M. Koyt, M. F.
M'bringa, P. M. Decoudras, op. cit., p. 248
* 141 Selon l'Indice du
développement humain de 2000, publié par le PNUD, en l'an 2000,
la RCA occupait 163e rang alors qu'elle était en 1993 au 142e
* 142 Affaires du
Crédit d'Engoulème, de Petroca, de Zongo-oil, etc.
* 143 H de Prince. Pokam,
op. cit., p. 55
* 144 S. Huntington, op.
cit. p. 173
* 145 A. Prera Flores,
« La démocratie à l'aube du XXIé
siècle : une fin ou un moyen ? Un modèle ou une
culture ?
Principes universels ou simples règles de
conduites ? » in Paix, Développement,
Démocratie, B. Boutros
Ghali, Bruxelles, Bruylant, 1998, Tome II, p.
1281
* 146 E. NJ.
MBouémboué, La communication politique au
Cameroun :analyse et essai de proposition,
UCAC/ICY, Mémoire de Maîtrise,
inédit, Faculté des Sciences Sociales et de Gestion, 1995, p.
53
* 147 D. Maugesnet,
« La citoyenneté participative. » in
Université et citoyenneté en Afrique, APDHAC,
Journée
des droits de l'homme, UCAC, 9 déc. 1999,
Yaoundé, PUCAC, 2000, p. 19
* 148 J. D. Boukongou,
Bulletin de l'APDHAC n° 24, Juillet-Septembre 2002
* 149 Idem.
* 150 L. G. Pampali, Le
Centrafrique face à lui-même, op. cit. p. 51
* 151 C'est le cas surtout
de l'Eglise Catholique à travers les lettres pastorales que les
Evêques envoient lors de la réunion annuelle de la
Conférence Episcopale Centrafricaine.
* 152 E. NJ.
MBouémboué, op. cit. p. 61
* 153 CH. Bonnotte,
« Histoire doctrinale de la responsabilité
politique » in Gouvernants :quelle
responsabilité ? PH. Ségur, Paris,
Harmattan, 2001, pp 24-25
* 154 J. J. Rousseau,
Du contrat social et Ecrits politiques, Paris,
Bibliothèque de la Pléiade, Gallimard, 1964,
pp. 434-436
* 155 Esmein cité
par CH. Bonnotte, op. cit. p. 26
* 156 Idem.
* 157 Le GUN en juin 1996,
le GADD en janvier 1997 et GAPD en Février 1999
* 158 L. G. Pampali, Le
Centrafrique..., op. cit., p. 44
* 159 S. M. Khatami, «
L'avenir du monde, c'est la démocratie » in Rapport sur le
développement humain 2001, PNUD, publié par De Boeck
Université, p. 3
* 160 Cité par Ch.
Bonnotte, op. cit. p. 32
* 161 Chateaubriand
cité par Ch. Bonnotte, idem, p. 33
* 162 L. G. Pampali, Le
Centrafrique..., op. cit. p. 107
* 163 Affaires Zongo-oil,
la tentative de blanchissement d'argent via la BEAC nationale, etc.
* 164 A. Ayissi,
« Ordre militaire et désordre politique en Afrique »
in Le monde Diplomatique, janvier 2003,
pp. 20-21
http:www.monde-diplomatique.fr/2003/01/AYISSI/9857 (
consulté le 8/07/05 )
* 165 L. G. Pampali, le
Centrafrique face..., op. cit. p. 91
* 166 P. Kalck,
Histoire de la République Centrafricaine, cité par L. G.
Pampali, idem, p. 90
* 167 A. Ayissi, op.
cit.
* 168 D. Bangoura,
« L'Etat en Afrique : indigénisation et
modernité », GEMDEV, Paris, Cahiers n°
24, 1996,
pp. 25-26
* 169 E. Dupy,
« Politiques et militaires face à la démocratie en
Afrique » in Revue Politique et Parlementaire
n°1023
http://www.etat.sciencespo.bordeau.fr
( consulté le 08/06/05 )
* 170 D. Bigo, pouvoir
et obéissance en Centrafrique, Paris, Karthala, 1989, p.81
* 171 J. V. Ntuda
Ebodé, « Centrafrique : après le Cameroun...le
Tchad ? » in Enjeux n°10 janvier-mars
2002,
p. 37
* 172 P. Leroy, Les
régimes politiques du monde contemporain, Grenoble, Presse
universitaire de Grenoble, 1992,
p. 115
* 173 P. Leroy, op. cit. p.
115
* 174 Idem.
* 175 Monique Mas
citée par A. Ayissi, op. cit.
* 176 A. Ayissi, op.
cit.
* 177 J.V. Ntuda
Ebodé, op. cit. p. 37
* 178 P. Leroy, op. cit.,
p. 114
* 179 J.M. Breton, op. cit.,
p.278
* 180 M. D. Sangaré,
« Armée et démocratie : l'impossible
cohabitation ? », Radio privée ANFANI. FM
http//www.mesdocuments/radioprivée.htm, consulté
le 8/07/05
* 181 E. Dupuy, op. cit.
* 182 D. Bigo, op. cit., p.
78
* 183 J. J. Raynal,
« Conférence nationale, Etat de droit et démocratie.
Quelques réflexions à propos d'une occasion
manquée » in La création de droit en Afrique,
D. Darbon, J. Du. Bois de Gaudusson ( dir. ), Paris Karthala, 1997,
p.158
* 184 A. Amor, op. cit. p.
57.
* 185 L. G. Pampali,
« Le processus d'implication de la Communauté
internationale... », op. cit. p. 330
* 186 Rapport final de la
Commission n°I « Vérité et
Réconciliation », Bangui Dialogue National, septembre 2003,
inédit, p.5.
* 187 Idem.
* 188 Il s'agit entre autre
du président Dacko, du professeur Goumba, et de monsieur Frank qui,
durant plus de
vingt ans, a eu à proclamer les résultats
des différentes élections nationales.
* 189 J. J. Raynal, op. cit.
p. 158
* 190 L'exemple de l'audition
de l'ancien président Dacko dont la version en langue nationale de la
question à lui
posée sur la mort de Boganda laissait
transparaître une question à charge.
* 191 Rapport de la Commission
Vérité et Réconciliation, op. cit.
* 192 Idem.
* 193 C'est le cas de
l'ancien chef d'Etat, A. Félix Patassé, poursuivi pour crime
économique et crime de sang pour sa gestion du pouvoir et surtout
pour avoir fait venir des troupes non-conventionnelles en vue de
défendre son régimes d'abord contre le putsch manqué du 28
mai 2001 et ensuite contre la rébellion du général
Bozizé.
* 194 Rapport de la
Commission n°II « Politique et
Diplomatie », Bangui, Dialogue National, septembre 2003,
inédit, p. 3
* 195 Idem.
* 196 L. G. Pampali, Le
Centrafrique face..., op. cit., p. 84.
* 197 G. Douba,
« Une constitution fondée sur quelle culture
politique ? » in
http://sangonet.com/actu-snews/newsCARind.html
( consulté le 05/05/05. )
* 198 Article 15 et 21 du
code électoral.
* 199 Art. 9 dudit code.
* 200 Il s'agit de
l'Ordonnance n°04.010 du 30 avril 2004.
* 201 Cf. Le
Citoyen du 9 décembre 2004 à propos de la nomination du
président de la CCT écrvait : « Si les mots
compétence et intégrité ont encore un sens dans le
vocabulaire politique des Etats africains, ils ont perdu toute valeur dans le
monde politique centrafricain où l'on continue à faire confiance
à des personnalités à la moralité douteuse pour
prendre des décisions qui engagent le destin de la RCA. »
* 202 FIDH, Mission
internationale d'enquête sur la République centrafricaine.
Rapport n° 410, février 2005 in
www.http://fidh.org,
( doc. Pdf., p. 11. )
* 203 Idem.
* 204 L. Diamond, J.J.
Linz, S. M. Lipset, op. cit. p. 25
* 205 FIDH,
Rapport, op. cit., p. 14
* 206 Ont été
notamment déclarés irrecevables les candidatures de :
- Patassé car « son copie d'acte
de naissance est non seulement illisible mais ne mentionne pas le
pays qui l'a établi et n'est pas certifié
à l'original et que son titre foncier ne mentionne pas une
propriété pas » dixit le président de la CCT.
- Ziguélé car la Cour a émis de
réserves sur un certificat médical délivré en
France et selon lequel il est
« apparemment actuellement en bonne santé.
- Ngoupandé parce que la Cour a estimé
que ce dernier n'avait pas fourni un titre foncier provenant d'une
autorité compétente.
- L'insuffisance des cautions versées et des
problèmes liés aux dossiers administra tifs ou au titres fonciers
sont les motifs d'irrecevabilité retenus pour rejeter
les autres candidature ( Cf. le Rapport de la FDIH à ce
propos. )
* 207 FIDH,
Rapport, idem., p. 17
* 208 Union Africaine,
Conseil de Paix et de Sécurité, « Note d'information
sur la situation en République Centrafricaine », Addis
Abéba 33éme Réunion, 24 juin 2005, p. 2 in
http://www.african-union.org,
consulté le 10/08/05
* 209 Idem.
* 210 A ce jour, la CCT
annulé respectivement l'élection du nouveau premier
vice-président du Parlement, Cyriaque Ngonda et de madame
Pétrokoni Zézé, Le Confident du 30/07/05
in
http://leconfident.net
* 211 Union Africaine, op.
cit. p. 4
* 212 J. P.
Ngoupandé, op. cit. p. 14
* 213 PNUD,
Rapport 2002, op. cit., p. 63
* 214 Idem.
* 215 D. Maugesnet, op.
cit., p. 22
* 216 G. Hermet, op. cit.,
p. 114
* 217 M. Mbonimpa,
Ethnicité et démocratie en Afrique : l'Homme tribal
contre l'Homme citoyen ?, Paris, Harmattan, 1994, p. 95
* 218 G. Hermet, op. cit.
p. 115
* 219 Idem. p. 116
* 220 PNUD, Rapport
2002, op. cit., p. 63
* 221 A. P. Flores, op.
cit. p. 1289
* 222 Idem, p. 1290
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