WOW !! MUCH LOVE ! SO WORLD PEACE !
Fond bitcoin pour l'amélioration du site: 1memzGeKS7CB3ECNkzSn2qHwxU6NZoJ8o
  Dogecoin (tips/pourboires): DCLoo9Dd4qECqpMLurdgGnaoqbftj16Nvp


Home | Publier un mémoire | Une page au hasard

 > 

Internet sous l'oeil des services de renseignement

( Télécharger le fichier original )
par Isabelle Laumonier
Université Paris I Sorbonne - DEA Communication, Technologie et Pouvoir 2003
  

précédent sommaire suivant

Bitcoin is a swarm of cyber hornets serving the goddess of wisdom, feeding on the fire of truth, exponentially growing ever smarter, faster, and stronger behind a wall of encrypted energy

Conclusion

Internet seul n`a pas révolutionné les services de renseignement. Comme le signale l`Amiral

Lacoste, ancien directeur de la DGSE, c`est un faisceau de facteurs, qui a entraîné depuis ces vingt dernières années, de profondes restructurations des services : « les bouleversements d`ordre politique, stratégique et militaire liés à la dissolution de l`Empire soviétique et à la réunification allemande d`une part, mais aussi d`autre part, ceux qui concernent les technologies, en particulier les NTIC et tout ce qu`on peut qualifier de « nouvelle révolution Gutenberg »207. Pierre Lacoste n`avait pas prévu le 11 septembre, qui a également modifié le rapport des services de renseignement à Internet.

La nouvelle donne instaurée par ces changements géopolitiques et techniques a conduit les services à tenter de s`approprier Internet, tout d`abord en développant de puissants outils d`interceptions, de déchiffrement, mais également en instaurant une surveillance très poussée du réseau, grâce à des instruments type « logiciels renifleurs ». Les lois les plus récentes votées à la fois aux Etats-Unis et en France (Patriot Act, Loi sur la Sécurité Intérieure) tendent à autoriser une surveillance toujours plus aisée dans la vie privée des internautes. L`association Internet/ Services de renseignement semble dès lors un véritable outil de pouvoir pour les gouvernants.

Cependant, cette association a ses limites...Les Etats-Unis qui ont depuis plusieurs décennies presque tout misé sur le renseignement technique se voient obligés de repenser leur stratégie. Le renseignement humain peu à peu regagne ses lettres de noblesse, bien que chacun soit conscient de ses faiblesses : « A retired senior CIA officer opined that HUMINT can never be free from the biases and perceptions of its sources, that the information is oftentimes deemed tainted because it came from traitors motivated by greed or personal grievances, or that it was obtained by corrupting or seducing vulnerable human beings«208. Pour rentrer dans les secrets

207Quel renseignement pour le XXIe siècle ? Actes du Colloque au Carré des Sciences, 3 avril 2001, Art. de l`amiral Lacoste, La révolution des services secrets, Lavauzelle, 2001, p.133 208 --Un officier de la CIA à la retraite était d`avis que le renseignement humain ne peut jamais être libéré des biais et des perceptions personnelles de ses sources : l`information est souvent suspicieuse, car elle vient de traîtres motivés par la cupidité ou par des griefs personnels, ou elle est obtenue en corrompant ou en séduisant des personnes

des organisations criminelles ou terroristes, ou dans ceux des Etats-voyoux, les gouvernants autant que les services réalisent que rien ne vaut un agent infiltré.

Les services de renseignement sont aujourd`hui dans la tempête. Concurrencés par des services de renseignement privés, toujours plus nombreux et toujours plus performants ; contestés pour leur mauvaise gestion de l`information par des commissions officielles, ils doivent en outre faire face à l`une des périodes les plus troubles de leur histoire, notamment aux Etats-Unis, où les agences ont très longtemps représenté un levier de pouvoir sans équivalent. La définition, donnée en introduction, « Intelligence is information gathered for policymakers which illuminates the range of choices available to them and enables them to exercise judgement », ne semble plus guère d`actualité. Les politiciens, au travers des « affaires » tournant autour de la guerre contre l`Irak, n`ont-ils finalement pas trahi les services. Ces derniers n`ont en effet pas tenu compte des éclairages apportés par les services ; ils ont au contraire fabriqué leur choix sur des motifs qui paraissent purement politiques. Oubliée l`intelligence qui permet de se construire un jugement et d`effectuer un choix ! Dans la tempête, les services de renseignement vont-ils résister longtemps ? L`amiral Lacoste constate avec amertume : « la tendance à la sous-traitance des fonctions régaliennes et à leur privatisation témoigne de graves dérives »209. La suppression des services de renseignement est cependant loin d`être à l`ordre du jour, et ce pour une raison assez évidente. Malgré leurs défaillances, ils restent un élément incontournable de l`Etat. Les services extérieurs sont souvent les mieux à même de fournir des analyses détaillées sur la situation géopolitique d`un pays, sur le développement de groupes terroristes et criminels... Selon Claude Silberzahn, « Personne, demain, ne supprimera les services, et il faut donc réfléchir à en faire le meilleur usage. D`une part en les intégrant le mieux possible dans l`appareil d`Etat, ce qui implique de favoriser leur dialogue avec les institutions, et d`autre part en les associant au processus décisionnel du pouvoir exécutif »210. Cette suggestion, faite il y a près de 10 ans, ne semble guère avoir eu

vulnérables », Intelligence and National Security, printemps 2001, Art. de Matthew M. Aid, The National Security Agency and the Cold war, p. 5

209 Quel renseignement pour le XXIe siècle ? Actes du Colloque au Carré des Sciences, 3 avril 2001, Art. de l`amiral Lacoste, La révolution des services secrets, Lavauzelle, 2001, p.135

210 Claude Silberzahn, Au cOEur du secret, Fayard, Paris, 1995, p.313

d`échos, surtout en ce qui concerne l`association au processus décisionnel. Les choix politiques ne s`appuient pas toujours sur les jugements émis par les services de renseignement... loin de là.

En ce qui concerne le dilemme opposant sécurité et libertés, il semble avoir tourné à l`avantage de la sécurité. Deux ans après les attentats du 11 septembre, la France et les Etats-Unis continuent à mettre l`accent sur la sécurité, renforçant par là-même le pouvoir étatique. Outre-Atlantique, le Patriot Act est toujours appliqué, bien que les résistances ne cessent de se développer : « Plus de 150 communautés, y compris quelques grandes villes et trois Etats, ont voté des résolutions pour dénoncer le Patriot Act »211. Certaines voix s`élèvent pour proposer des solutions alternatives. Ainsi le Dr. Ian Kearns, chercheur à l`Institute for Public Policy Research (Londres) propose la thèse suivante : « An holistic security policy would consider how we can preserve not just our national infrastucture and ourselves against terrorism, but how we can protect economy, in terms of wealth creation and innovation, and how we can protect our social equality, our sense of social justice and our commiment to citizenship«212. Autrement dit, il faudrait parvenir à concilier les tenants de --la liberté à tout prix« avec ceux de --la sécurité à tout prix«.

Une autre menace pèse sur les Internautes, soucieux de protéger leurs données ; cette menace émane, non de services gouvernementaux, mais d`entreprises privées. En effet, grâce à Internet de nombreuses sociétés parviennent à constituer des fichiers clients, qui peuvent constituer une atteinte à la vie privée, autant que la lecture de certains mails par des services de renseignement. Pire encore, les Géants de l`industrie informatique, et à leur tête, Microsoft, pourraient bien être en mesure de connaître l`intégralité des activités de tout internaute connecté sur le web. Fin 2002, début 2003, la présentation du Projet Palladium par la firme de Bill Gates en a fait frémir plus d`un. Cette nouvelle technologie, dont l`objectif avoué est une sécurisation plus grande des ordinateurs et des réseaux se fondent en effet sur des modifications techniques très controversées. « Ces modifications résideront dans l'ajout, sur chaque ordinateur, d'une puce contenant des clés de chiffrement numériques et des données permettant d'identifier la

211 Libération, art. de Pascal Riche, Les Etats-Unis dans l`ère de la paranoïa, 11 septembre 2003. 212 « Une politique de sécurité totale prendrait en charge non seulement la protection de notre infrastructure nationale et celle de nos citoyens contre le terrorisme, mais également la protection de notre économie, en terme de création de richesse, d`innovation, et enfin elle prendrait en charge la protection de l`équité sociale, du sens de la justice et de la responsabilité envers les citoyens » RUSI (Royal United Services Institute for Defence Studies) Journal, août 2002, Protecting the digital society, p.54

machine ».213 Si effectivement Palladium semble efficace pour lutter contre les virus, cette technologie pourrait également permettre de contrôler tout fichier ou site web visionné par l`internaute. Grâce à la puce du système Palladium, tout logiciel ou matériel informatique pourrait être reconnu et identifié. Ce serait ainsi, selon Microsoft, la fin du piratage. Le projet de Microsoft n`a cependant pas encore abouti ; nombreux sont les défenseurs de la vie privée à s`être insurgé contre ce projet que d`aucuns considèrent comme liberticide. Dans ce contexte, existe-t-il encore pour les internautes un moyen de se protéger contre la surveillance du web, qu`elle provienne des services de sécurité ou de grands groupes informatiques ? Bernard Lang, directeur de recherche à l`INRIA nous donne à ce sujet une piste de réponse : « Le patron [de la DCSSI] a exprimé publiquement que les logiciels libres sont la seule façon d`assurer la sécurité informatique »214 . Mais Linux a-t-il le pouvoir de lutter contre le mastodonte Microsoft ? Dans ce combat-là, il n`est pas certain que David puisse battre Goliath.

213 Le Monde, art. de Stéphane Foucart, Avec Palladium, Microsoft lance une informatique sécuritaire, 16 janvier 214 Information donnée dans une interview par mail.

précédent sommaire suivant






Bitcoin is a swarm of cyber hornets serving the goddess of wisdom, feeding on the fire of truth, exponentially growing ever smarter, faster, and stronger behind a wall of encrypted energy








"La première panacée d'une nation mal gouvernée est l'inflation monétaire, la seconde, c'est la guerre. Tous deux apportent une prospérité temporaire, tous deux apportent une ruine permanente. Mais tous deux sont le refuge des opportunistes politiques et économiques"   Hemingway