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Une analyse de l'impact de la libéralisation agricole sur le revenu agriculteurs. Le cas de la filière riz de la vallée de l'Artibonite.


par Ernson Augustin
HEC-Liège/ESFAM - Master en Science de gestion 2018
  

Disponible en mode multipage

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Une analyse de l'impact de la libéralisation agricole sur le revenu des Agriculteurs :
Le cas de la filière riz de la Vallée de l'Artibonite.

Nom : Augustin Prénom : Ernson

Mémoire de recherche

Dans le cadre du diplôme de MASTER EN SCIENCES DE GESTION

Année universitaire 2017-2018

Parcours : Management des institutions publiques

sous la direction de M Michel HERMANS

II

Remerciements

Je voudrais d'abord remercier le Professeur Michel HERMANS, mon Directeur de mémoire, qui tout au long de cette période, m'a accompagné dans la rédaction de ce travail. Mes considérations s'en vont également aux membres du jury, pour avoir accepté d'apprécier et de critiquer ce travail.

J'exprime mes remerciements, ensuite, au staff Managérial de l'Ecole Supérieure de la Francophonie pour l'Administration et le Management (ESFAM) et aux éminents Professeurs qui ont contribué à la réussite de cette formation.

Un merci spécial est adressé à ma famille qui m'a toujours soutenu, spécialement ma maman Asenie DUGUE, mes deux Soeurs ; Soline AUGUSTIN et Philomise ETIENNE et ma tante Marie Antonia JEAN. Je leur dédie mes réussites passées et futures.

Je veux remercier d'une façon très spéciale le Professeur Jean TONDEUR, Madame Carline JOSEPH DUVAL, Bentley DOUCEUR, Anderson VIL et Charly Camillien VICTOR, pour leurs valeureux conseils et suggestions.

Je suis très reconnaissant aux cadres de la Direction des Statistiques Economiques (DSE) de l'Institut Haïtien de Statistique et d'Informatique (IHSI), Particulièrement, l'Assistant Directeur Jean Donald RENELIC et MC-Enroe JEAN-LOUIS pour leurs supports.

La réalisation de ce travail ne serait pas possible sans le soutien d'une multitude de personnes. À Jacques Patrick ALFRED, Mirlene SYLAIRE, Marcna Andy PIERRE, Ronald NORCIUS, Maya MOUSSAOUI, Eraus MATHURIN, Jean Ardin NICOLAS, Isabelle CHEVALIER, Lokencia AIME, et Markendy CELESTIN.

Enfin, un bouquet de remerciements est déposé aux pieds de toutes celles et tous ceux qui ont contribué à la réalisation de ce travail, dont leurs noms n'ont pas été cités.

Dédicaces

III

Ce travail est dédié à ma copine Lovely LAFOND et mon amie Christmène FUCIEN.

C'est le moment de vous témoigner ma gratitude puisque vous étiez toujours là pour me supporter par vos conseils et suggestions.

iv

Résumé

Contrairement au paradigme des Institutions Financières Internationales (IFI) aux débuts des années 1980, vraisemblablement, la libéralisation agricole pénalise le revenu des planteurs dans certains pays pauvres. Depuis après la deuxième guerre mondiale, les dirigeants états-uniens et européens ont mis en place certaines mesures afin de protéger leurs agricultures. La mise en place de cette politique protectionniste contribue, parait-il, à la mécanisation du secteur agricole et la hausse du revenu des agriculteurs. Une situation similaire a été constatée au début des années 1980 au niveau des pays en développement d'Asie, contrairement à la majorité des Pays les Moins Avancés. Depuis la mise en oeuvre des deux Plans d'Ajustements Structurels (PAS) et la signature du traité sur l'agriculture, la riziculture haïtienne est reconnue comme l'une des plus libéralisée au monde, contrairement aux années 1950, période durant laquelle elle a été fortement protégée. Parallèlement, Considérée comme le grenier de la République, une baisse de la production du riz et du revenu des riziculteurs a été constatée au niveau de la Vallée de l'Artibonite. Partant d'un tel constat, ce travail cherche à analyser l'impact de la baisse des droits de douanes en faveur du riz importé sur le revenu des riziculteurs de la Vallée de l'Artibonite. Pour vérifier la validité des hypothèses posées, nous avons réalisé des entretiens non-directifs auprès de huit (8) personnes ressources. Les résultats de notre investigation montrent que le revenu des planteurs de la Vallée de l'Artibonite diminue avec la baisse des droits de douanes sur le riz importé, donc, l'hypothèse 1 a été confirmée. Il est avéré qu'Haïti fait partie des pays les plus corrompus au monde depuis le début des années 2000. Cependant, l'indisponibilité des données sur ce domaine ne nous permet pas d'étudier le lien entre ce dernier et le revenu des riziculteurs de la Vallée de l'Artibonite. Donc, nous ne pouvons pas vérifier la validité de l'hypothèse 2.

Mots clés : libéralisation agricole, revenu agricole, Programme d'Ajustement Structurel

Abstract

Contrary to the paradigm of the International Financial Institutions (IFI) in the early 1980s, presumably, agricultural liberalization penalizes the income of farmers in some poor countries. Since after the Second World War, US and European leaders have put in place certain measures to protect their agriculture. The introduction of this protectionist policy contributes, it seems, to the mechanization of the agricultural sector and the increase in farmers' income. A similar situation was observed at the beginning of the 1980s in the developing countries of Asia, unlike the majority of the Least Developed Countries. Since the implementation of the two Structural Adjustment Plans (SAP) and the signing of the agricultural treaty, Haitian rice is recognized as one of the most liberalized in the world, unlike the 1950s, during which time it has been heavily protected. At the same time, considered as the breadbasket of the Republic, a decrease of the production of the rice and the income of the rice growers was noted at the level of the Valley of the Artibonite. Based on this observation, this work seeks to analyze the impact of the reduction of customs duties in favor of imported rice on the income of rice farmers in the Artibonite Valley. To verify the validity of the assumptions made, we conducted non-directive interviews with eight (8) resource persons. The results of our investigation show that the income of planters in the Artibonite Valley decreases with the reduction of customs duties on imported rice, so hypothesis 1 has been confirmed. It turns out that Haiti is one of the most corrupt countries in the world since the early 2000s. However, the unavailability of data in this area does not allow us to study the link between the latter and the income of rice farmers. the Artibonite Valley. So, we can not check the validity of Hypothesis 2.

V

Key words: agricultural liberalization, farm income, Structural Adjustment Program

vi

Table des matières

Remerciements ii

Dédicaces iii

Résumé iv

Abstract v

Table des matières vi

Liste des tableaux viii

Liste des figures et graphiques viii

Liste des sigles et abréviations ix

INTRODUCTION 1

Objet de l'étude 2

Problématique 3

Question de recherche 5

Hypothèses de recherche 5

Méthodologie 5

Organisation du travail 6

Chapitre I : Cadre conceptuel et théorique 7

1.1 Clarification des concepts 7

1.1.1 Libéralisation agricole 7

1.1.2 Revenu des agriculteurs 8

1.1.3 Relation entre libéralisation agricole et Revenu des Agriculteurs 8

1.2 Revue de littérature théorique 9

1.2.1 Théorie de l'internationalisation de la libéralisation des échanges alimentaires 9

1.2.2 Théorie de la souveraineté ou de l'autosuffisance alimentaires des pays 10

1.3 Revue de littérature empirique 11

Chapitre II : Présentation de la politique agricole mondiale et les particularités régionales 13

2.1 Le marché du riz mondiale : Un oligopole 13

2.1.1 Protection de l'agriculture dans certains pays développés 15

2.1.1.1 Une agriculture fortement protégée aux Etats-Unis 15

2.1.1.2 Des subventions directes accordées aux agriculteurs européens 18

2.1.2 Un marché dominé par des pays en développement d'Asie 19

2.1.3 Une riziculture libéralisée dans les PMA 22

2.2 Historicité de la politique agricole haïtienne 23

2.2.1 Une agriculture fortement règlementée de 1950 à 1986 24

2.2.2 L'agriculture haïtienne, l'une des plus libéralisée après 1986 24

vii

Chapitre III : Présentation de la riziculture haïtienne 27

3.1 Une offre du riz dominée par les importations 27

3.1.1 Une production rizicole insuffisante 28

3.1.2 L'augmentation continue de l'importation 31

3.1.3 Une aide alimentaire relativement stable 32

3.2 Une demande du riz qui augmente avec la croissance démographique 34

3.2.1 L'augmentation sans précédente de la consommation du riz 35

3.2.2 Une faible quantité exportée surtout vers les Etats-Unis 35

3.3 La commercialisation du riz de la Vallée de l'Artibonite 35

3.4 Faible pouvoir de négociation des riziculteurs dans la formation des prix 37

Chapitre IV : Etude de cas ; la Vallée de l'Artibonite 38

4.1 La Vallée de l'Artibonite : le grenier de la République 38

4.2 Méthodologie de l'entretien 40

4.2.1 Démarche 40

4.2.2 Objectif 43

4.2.3 Présentation des résultats 43

4.3 Analyse des résultats 46

4.3.1 Libéralisation de la riziculture haïtienne 46

4.3.2 La baisse du revenu des riziculteurs 47

4.3.3 Les contraintes de la riziculture de la Vallée de l'Artibonite 49

4.3.4 La corruption 50

4.3.5 Les parties prenantes 51

4.4 Discussions 52

CONCLUSIONS 54

Formulation des propositions 56

Références bibliographiques 58

Liste des annexes 66

viii

Liste des tableaux

Tableau 2.1 : Evolution en pourcentage (%) des exportations du riz par pays entre 1980 et

2010 Page 15

Tableau 2.2 : Evolution en pourcentage (%) de la production du riz par pays entre 1980 et

2015 Page 22

Tableau 4.1 : Production des principales céréales en TM et en pourcentage (%) par département

pour la campagne printemps 2016 Page 43

Tableau 4.2 : Production de principales légumineuses en TM et en pourcentage (%) par département

pour la campagne printemps 2016 Page 44

Tableau 4.3 : Evolution du revenu brut d'exploitation agricole entre 1996 et 2012 Page 54

Tableau 4.4 : Evolution de l'Indice de Perceptions de la Corruption en Haïti entre 2002 et

2017 .Page 56

Liste des figures et graphiques

Figure 2.1: Répartition par pays et en pourcentage (%) de l'exportation mondiale du riz en

2013 .page 16

Figure 2.2 : Evolution des soutiens aux producteurs (ESP) états-uniens en pourcentage (%) des

recettes agricoles brutes entre 1986 et 2016 ..page 19

Figure 2.3 : Evolution des rendements du riz en Tonnes/hectare aux Etats-Unis et en Europe entre

1961 et 2015 page 21

Figure 2.4: Répartition par pays et en pourcentage (%) de la production du riz en 2016 Page 23

Figure 2.5 : Comparaison des tarifs agricoles entre Haïti, République Dominicaine, certains PMA

et les Pays de la CARICOM. ...Page 29

Figure 3.1 : Evolution de la production du riz en TM par Régions entre 2014 et 2017..........Page 32

Figure 3.2: Evolution de la Production et de l'importation du riz en TM entre 1980 et 2013.

....Page 36

Figure 3.3 : Evolution de l'aide alimentaire en TM en Haïti entre 2008 et 2012 ...Page 37

Figure 3.4 : Evolution de la population haïtienne selon le milieu de résidence entre 2000 et

2014 .Page 38

Figure 3.5 : Circuit de distribution du riz de la Vallée de l'Artibonite Page 40

ix

Liste des sigles et abréviations

ACF : Action Contre la Faim

ACFAS : Association Francophone pour le Savoir

ACP : Afrique-Caraïbe-Pacifique

ADRA : Agence Adventiste d'Aide et de Développement

AFD : Agence Française de Développement

AMP : Aire Métropolitaine de Port-au-Prince

ARQ : Association pour la Recherche Qualitative

AUF : Agence Universitaire de la Francophonie

BCA : Bureau de Crédit Agricole

BM : Banque Mondiale

BRH : Banque de la République d'Haïti

CADTM : Comité pour l'Annulation de la Dette du Tiers Monde

CARE : Cooperative for Assistance and Relief Everywhere

CARICOM : Marché Commun de la Caraïbe

CEE : Communauté Economique Européenne

CFSVA : Compréhensive Food Security and Vulnerability Analysis

CIRA : Centre de coopération Internationale en Recherche Agronomique pour le

développement

CIT : Cadre d'Intervention Transversal

CNHCU : Commission Nationale Haïtienne de Coopération avec l'UNESCO

CNSA : Coordination Nationale de la Sécurité Alimentaire

CNUCED : Conférence des Nations Unies sur le Commerce et le Développement

CRS : Catholic Relief Services

CSCCA : Cours Supérieure des Comptes et du Contentieux Administratif

DIAL : Laboratoire de recherche Développement, Institutions, Mondialisation.

DSNCRP : Document de Stratégie Nationale pour la Croissance et la Réduction de la Pauvreté

ENPA : Enquête Nationale de la Production Agricole

ENSA : Enquête Nationale de la Sécurité Alimentaire

ESFAM : Ecole Supérieure de la Francophonie pour l'Administration et le Management

ESP : Evolution des Soutiens aux Producteurs

FAMV : Faculté d'Agronomie et de Médicine Vétérinaire

FAO : Organisation des Nations Unies pour l'Alimentation et l'Agriculture

FASR : Facilité d'Ajustement Structurel Renforcé

FCFA : Franc CFA

FDSE : Faculté de Droit et des Sciences Economiques

FMI : Fond Monétaire International

GATT : General Agreement on Tariffs and Trade

IDE : Investissement Direct Etranger

IFI : Institution Financière Internationale

IHSI : Institut Haïtien de Statistique et d'Informatique

IICA : Institut Interaméricain de Coopération pour l'Agriculture

IPC : Indice de Perceptions de la Corruption

IRD : Institut de Recherche pour le Développement

MAAF : Ministère de l'Agriculture, de l'Agroalimentaire et de la Forêt

MAEE : Ministère des Affaires Etrangères et Européennes

MARNDR : Ministère de l'Agriculture, des Ressources Naturelles et du Développement Rural

MCI : Ministère du Commerce et de l'Industrie
MERCOSUR : Marché Commun de l'Amérique du Sud

MIRAGE : Modeling International Relationships Applied General Equilibrium

X

MJSP : Ministère de la Justice et de la Sécurité Publique

MPCE : Ministère de la Planification et de la Coopération Externe

OCDE : Organisation de Coopération et de Développement Economique

ODVA : Organisme de Développement de la Vallée de l'Artibonite

OFPRA : Office Français de Protection des Réfugier et des Apatrides

OMC : Organisation Mondiale du Commerce

OMD : Objectifs du Millénaire pour le Développement

PAC : Politique Agricole Commune

PAM : Programme Alimentaire Mondial

PAPDA : Plateforme haïtienne de Plaidoyer pour un Développement Alternatif

PAS : Programme d'Ajustement Structurel

PDINDA : Pays en Développement Importateurs Nets de Denrées Alimentaires

PMA : Pays les Moins Avancés

PNUD : Programme des Nations Unies pour le Développement

PSDH : Plan Stratégique de Développement d'Haïti

PVD : Pays en Voie de Développement

RGA : Recensement Général de l'Agriculture

TEC : Tarif Extérieur Commun

TM : Tonne Métrique

UCREF : Unité Centrale de Renseignements Financiers

UE : Union Européenne

UEH : Université d'Etat d'Haïti

ULCC : Unité de Lutte Contre la Corruption

UNESCO : Organisation des Nations Unies pour l'Education, la Science et la Culture

USA : United States of America

USAID : United States Agency for International Development

INTRODUCTION

L'agriculture est un secteur très important dans la vie économique de la quasi-totalité des Pays en Voie de Développement (PVD) et par conséquent, dans celle de la République d'Haïti. Elle représente la principale source de revenu pour la grande majorité des ménages ruraux et participe à la croissance économique ainsi qu'à la sécurité alimentaire du pays (Baptiste, BJ. 2005). Malgré son importance relative, une baisse de la production agricole haïtienne a été constatée depuis le début des années 1980 [(Pillot, D. 1991) ; (Paul, B., Dameus, A. & Garrabe, M. 2010)].

L'histoire récente du commerce international montre que presque tous les pays du monde, riches ou pauvres, accordent de plus en plus d'importance à l'échange des denrées agro-alimentaires. Il paraît plausible que la valeur relative accordée à l'agriculture rend difficile la signature d'un accord pour régulariser le marché mondial [(Feuer, G. 1994), (Warêgne, J-M. 2001), (Losch, B. 2006)], d'où la complexité de répondre à la question de savoir si oui ou non, le secteur doit-être libéralisé. La réponse à cette question reste plutôt ambiguë. Si pour certains, l'agriculture doit-être libéralisée totalement afin d'éradiquer la faim et la pauvreté dans le monde [(Emilinger, C., Jacquet, F. & Petit, M. 2006) ; (Ducaste, A. & Anseeuw, W. 2011)] ; D'autres au contraire, pensent que les dirigeants des pays du sud doivent défendre la souveraineté et la sécurité alimentaires de leurs peuples en protégeant ce secteur [(Hrabanski, M. 2011), (Alahyane, S. 2017)]. Un troisième groupe de penseurs, notamment Rieber, A. & Tran, T. A-D. (2002) et Clotilde, J-F. & Éric, L. (2012) soulignent la nécessité de combiner les deux politique ci-mentionnées afin d'améliorer la situation économique des agriculteurs dans les pays en développement.

Etant considéré comme le pays le plus pauvre du continent américain [(Pierre, L-N. 2008) ; (IHSI, 2014)], et vu la place qu'occupe l'agriculture dans sa vie économique (Georges, A. 1995), il paraît évident qu'Haïti ne soit pas échappé aux débats sur la libéralisation agricole. En effet, après la chute de la Dictature des « Duvalier » en 1986, le développement du libéralisme commercial a apporté des modifications dans la législation du marché agricole Haïtien [(Perchellet, S. 2010), (PAPDA, 2011)]. Cette libéralisation peut être expliquée par plusieurs facteurs parmi lesquels nous pouvons citer :

D'abord, la signature, avec les institutions de Breton Woods, à savoir, la Banque Mondiale (BM) et le Fond Monétaire Internationale (FMI) de deux Plans d'Ajustements Structurels (PAS) en 1987 et 1997 [(Claire, M.G. 2006), (Pierre, L-N. 2008) (Diop, A.M. 2016)]. Il faut aussi souligner l'accord de Facilité d'Ajustement Structurel Renforcé (FASR) (MARNDR, 2009) pour la période allant de 2006 à 2009, dont le but est de rendre l'économie haïtienne compétitive et de faciliter son intégration dans l'économie mondiale, par la libéralisation totale de son agriculture et la privatisation de certaines entreprises publiques (Chavériat, C. & Fokker, R. 2002).

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Ensuite, la signature de l'accord de cycle de l'Uruguay sur l'agriculture en 1995 reposant sur certains principes tels : la transformation des barrières non tarifaires en tarifs douaniers, la baisse des subventions à l'exportation et à la production et la diminution progressive des droits de douanes tout en traitant de façon spéciale et différenciée les pays en Voies de Développement (PVD) [(Warêgne, J-M. 2001), (Diagne, A. & al. 2004)].

De plus, la création du Marché Commun de la Caraïbe (CARICOM) en 1996 et la signature du protocole sur l'agriculture et le traité de Chaguaramas augmentent la libéralisation du pays par rapport aux autres pays de la communauté. Toutefois, elles donnent la possibilité aux dirigeants des pays membres, dont Haïti depuis 2003, de prendre des mesures afin de protéger l'agriculture contre leurs concurrents1. Cette protection de l'agriculture est caractérisée entre autres, par l'application des droits de douanes allant jusqu'à 40% maximum dans le cadre du Tarif Extérieur Commun (Bruce Huff, H. 2014).

Enfin, étant un pays de la caraïbe et faisant partie du groupe Afrique-Caraïbe-Pacifique (ACP), la République d'Haïti est membre à part entière de la convention de Lomé (1898) et l'accord de Cotonou (2000), signés entre l'Union Européenne (UE) et le groupe des pays de l'ACP, accordant certaines préférences à ce dernier dans les échanges commerciaux (Warêgne, J-M. 2001).

Peu de travaux ont été réalisés sur la libéralisation de l'agriculture haïtienne durant ces trois (3) dernières décennies, soit depuis le milieu des années 1980. La quasi-totalité de ses travaux cherchent à quantifier l'impact de l'ouverture commerciale sur la production agricole haïtienne [(Baptiste, BJ. 2005), (Fréguin, S. & Devienne, S. 2006)]. Cependant, l'évolution du revenu des riziculteurs de la Vallée de l'Artibonite en tenant compte de la baisse des droits de douanes sur le riz importé n'a jamais été étudiée, d'où l'objet de ce travail.

Objet de l'étude

Considéré comme un secteur très important pour la croissance et la stabilisation de l'activité économique du pays, l'agriculture doit être analysée en tenant compte de ses contraintes et de la situation économique des travailleurs. Dans ce cadre, il est nécessaire de comprendre les effets de la libéralisation agricole sur la situation économique de la population rurale. Ce travail de recherche tente à analyser l'impact de la baisse des droits de douanes en faveur du riz importé sur le revenu des riziculteurs de la Vallée de l'Artibonite.

1 Sont considérés comme concurrents, tous les pays exportateurs qui ne font pas partie du CARICOM

3

Problématique

Contrairement à la fin des années 1950 durant lesquelles des mesures de protection de l'agriculture haïtienne ont été appliquées, l'année 1986 est marquée par la mise en place d'une politique néolibérale exigée par les Institutions Financières Internationales (IFI) ; à savoir la Banque Mondiale (BM) et le Fond Monétaire Internationale (FMI), afin de pouvoir bénéficier des crédits monétaires dans le cadre du Programme d'Ajustement Structurel (PAS) (Diop, A.M. 2016). Cette situation va s'empirer vers les années 1995 avec la création de l'Organisation Mondiale du Commerce (OMC), exigeant la diminution des droits de douanes sur les produits agricoles à certains Pays les Moins Avancés (PMA) (Chavériat, C. & Fokker, R. 2002). L'objectif de cette nouvelle politique était d'éradiquer la faim et la pauvreté dans le monde tout en augmentant la production agricole et les exportations dans les pays les plus pauvres [(Regalbuto, G. 1993) ; (Clotilde, J-F. & Éric, L. 2012)].

En effet, sur la base de l'application de cette nouvelle politique, Haïti est reconnu comme l'un des pays les plus libéralisés depuis le début des années 2000 (Bruce Huff, H. 2014). Suite à la décision des dirigeants du pays à éliminer les barrières non tarifaires et à diminuer drastiquement les droits de douanes sur les produits agro-alimentaires, passant de plus de 200% à des taux aux environs de 40% entre 1983 et 1995 ; les années 1995-96 vont marquer par le démantèlement total des droits de douanes passant à un maximum de 15% (PAPDA, 2011). A titre d'exemple, il faut relater que le taux des droits de douanes consolidé sur le riz par l'OMC est de 40%, et un taux de 25% en moyenne est appliqué dans les caraïbes, malheureusement, celui d'Haïti est seulement 5% [(Fréguin, S. & Devienne S. 2006) ; (Josling, T., Chanperon, W. & Le Turioner, J. 2017)].

Toutefois, force est de constater que plus de trente (30) années après la mise en place de cette politique néolibérale, les résultats escomptés n'ont pas été atteints. Au contraire, elle entraine une désarticulation de l'économie du pays et la diminution du niveau de vie des ménages les plus pauvres, résidant dans la majeure partie des cas, dans le milieu rural. En effet, une baisse de la production et de l'exportation des denrées agricoles a été constatée avec la libéralisation de l'agriculture du pays [(MARNDR, 2010a), (Vil, A. 2017)].

Malgré la place prépondérante qu'il occupe dans l'alimentation des ménages haïtiens [(Baptiste, BJ. 2005) (Josling, T., Chanperon, W. & Le Turioner, J. 2017)], la production du riz ne cesse de diminuer au fil du temps (MARNDR, 2015). La hausse de l'importation du riz venant principalement des Etats-Unis, entraine une baisse de la demande et de la production du riz national ainsi que le revenu des riziculteurs (Deshommes, F. 2006). Il paraît vrai que cette diminution du revenu des agriculteurs soit la conséquence du dumping commercial appliqué par certains pays considérés comme étant de grandes puissances agricoles et partenaires commerciaux de la

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République d'Haïti. Puisqu'ils cultivent leurs terres dans des situations économiques émaillées de difficultés comme l'utilisation des techniques archaïques et des outils rudimentaires (Doura, F. 2002), et ayant un accès très limité aux intrants agricoles de qualité et aux services financiers (IHSI, 2001), les riziculteurs haïtiens, contrairement à leurs concurrents états-uniens dont le gouvernement subventionne l'agriculture [(Chavériat, C. & Fokker, R. 2002), (Bouët, A. & Bureau, J-C. 2001)], se sont obligés de pratiquer des prix de vente très élevés.

Il paraît aussi important de souligner que la part de l'agriculture dans la formation du PIB prend la forme d'une courbe à pente négative. Selon les données publiées par l'Institut Haïtien de Statistique et d'Informatique (IHSI), la contribution du secteur agricole dans le PIB réel haïtien était de 27% en 2000 contre 22% en 2014, soit une baisse de 5% en 14 ans (IHSI, PIB par secteur d'activité). La productivité de l'agriculture haïtienne reste très faible et elle ne peut pas répondre à la demande de consommation des ménages, puisqu'en 2002, la production nationale répond seulement à 43% de la demande totale du pays (Doura F, 2002). Cette situation entraine l'aggravation de la pauvreté dans le milieu rural (MARNDR, 2010a) et 34.1% des ménages qui ont l'agriculture comme principale source de revenu se trouvent dans une situation d'insécurité alimentaire durant l'année 2007 (CNSA, 2007).

Paradoxalement, malgré la baisse considérable de la production agricole, les résultats des quatre recensements réalisés en Haïti montrent que la population est en croissance continue. Le pays comptait 3 097 220 habitants en 1950 pour passer à un total de 8 373 750 habitants en 2003, donc elle a plus que doublé en moins de 55 ans. Durant cette même période, son évolution laisse observer de très grandes disparités concernant la répartition par sexe, âge et milieu de résidence. La part de population urbaine dans la population totale augmente constamment. Son taux de croissance intercensitaire (5.8) était 5 fois plus élevé que la population rurale (1) et 2 fois plus que la population totale de la République (2.5) entre 1982 et 2003 (IHSI, 2009a). Cette explosion démographique entraine la hausse de la demande des denrées agro-alimentaires. Produisant dans des situations extrêmement difficiles, les riziculteurs haïtiens se trouvent dans l'impossibilité d'augmenter la production nationale, d'où le recours à l'importation pour répondre à cette demande de plus en plus croissante.

Par ailleurs, l'analyse des données publiées par l'IHSI (2014) montre que le pays est l'un des plus pauvres au monde avec des taux de 58.5% et 23.8% de pauvreté et de pauvreté extrême de façon consécutive en 2012. Toutefois, de fortes disparités ont été constatées entre les milieux de résidence puisque la majorité des pauvres, soit un pourcentage de 67%, se trouve en milieu rural. De plus, toujours selon les données de l'IHSI, l'incidence de pauvreté dans la ruralité est de 74.9% contre seulement 40.6% dans le milieu urbain ; et les agriculteurs ont vu leurs revenus diminués au

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fil du temps (CNSA & FEWS NET, 2015). Partant d'un tel constat, nous sommes obligé de nous questionner sur les causes qui poussent l'Etat haïtien de ne pas profiter de la fourchette de 40%, en fixant des droits de douanes aussi bas (5%) sur des produits, comme le riz, qui sont très importants dans l'agriculture et la consommation des ménages. Il paraît aussi important d'identifier les éventuels bénéficiaires de cette politique néolibérale ainsi que la relation de cette dernière avec la situation économique critique des agriculteurs, d'où la formulation de notre question de recherche.

Question de recherche

Dans le cadre de ce travail, il est question d'analyser les éventuels impacts de la libéralisation agricole sur la situation économique des riziculteurs haïtiens. Par ailleurs, il paraît intéressant de se questionner sur d'autres facteurs qui peuvent contribuer à cette dégradation du niveau de vie de ces riziculteurs. La Vallée de l'Artibonite, considérée comme la plus grande zone de production de riz en Haïti avec plus de 80% de la production totale du pays, est notre cas d'étude. Pour atteindre l'objectif fixé, la question de recherche a été formulée de la manière suivante : Comment le revenu des riziculteurs de la Vallée de l'Artibonite évolue-t-il avec la baisse des droits de douanes sur le riz importé ?

Hypothèses de recherche

Considérée comme une réponse anticipée à la question de recherche, deux hypothèses guideront ce travail de recherche. Elles sont libellées de la manière qui suit :

1. Plus les droits de douanes sur le riz importé diminuent, plus le revenu des riziculteurs de la Vallée de l'Artibonite diminue.

2. Plus la corruption augmente, plus le revenu des riziculteurs de la Vallée de l'Artibonite diminue.

Méthodologie

Nous avons réalisé ce travail en adoptant une méthodologie comprenant une étude documentaire et une étude empirique. Dans l'étude documentaire, des articles scientifiques, des publications sur le site des différents organes oeuvrant dans le domaine de l'agriculture, des thèses ayant un lien avec l'agriculture ou la libéralisation commerciale ont été consultés.

Dans l'étude empirique, nous avons réalisé des entretiens individuels libres aux près des personnes ressources. Nous avons utilisé cette démarche afin d'avoir une compréhension très

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profonde de la problématique présentée ci-dessus. Nous avons discuté avec des cadres du Ministère de l'Agriculture, des Ressources Naturelles et du Développement Rural (MARNDR) et des membres de la société civile. Toutefois, avant le déroulement de la partie empirique du travail, deux (2) entretiens informels ont été menés auprès de deux étudiants en Agronomie et en Economie de l'Université d'Etat d'Haïti (UEH). En dépit de la rareté des ressources à laquelle nous nous sommes confrontés, nous avons réussi à réaliser huit (8) entretiens. Ces derniers ont été réalisés par téléphone et par courriel sur une durée comprise entre 30 et 40 minutes, et se portent sur les thèmes qui se trouvent dans notre question de recherche et les hypothèses posées.

Idéalement, pour mesurer l'impact de la baisse des droits de douanes sur le revenu des riziculteurs de la Valée de l'Artibonite, une enquête quantitative auprès des planteurs devrait être réalisée, tout en choisissant l'échantillon de façon aléatoire et d'effectuer des tests statistiques et des extrapolations. Toutefois, étant un étudiant haïtien en Bulgarie, et effectuant notre travail de recherche sur Haïti, nous n'avons pas à notre disposition ni le temps ni les ressources financières nécessaire pour effectuer une enquête. D'où le recours à l'entretien individuel libre.

Organisation du travail

Ce travail est organisé en quatre (4) chapitres. Le premier concerne le cadre conceptuel et théorique. Dans ce chapitre, il est question d'abord de clarifier certains concepts et ensuite de présenter deux théories contradictoires concernant la protection ou non de l'agriculture. Les théories présentées sont celle défendue par Pascal Lamy (Clotilde, J-F & Éric, L. 2012) qui préconise la libéralisation des échanges alimentaires et celle dite protectionniste d'Olivier De Schuster (Olivier, De S. 2014). Le deuxième chapitre est consacré à l'exposition de la politique agricole mondiale tout en précisant les particularités régionales. Ainsi, l'historicité de la politique agricole de la République d'Haïti depuis 1950 a été présentée.

Le troisième chapitre fait le point sur la situation de la riziculture haïtienne tout en précisant ses principales contraintes. Nous avons présenté le circuit de commercialisation du riz de la Vallée de l'Artibonite tout en identifiant les principaux acteurs. De plus, nous avons déterminé le mécanisme de formation des prix du paddy en tenant compte du pouvoir de négociation des agriculteurs. Le denier chapitre est relatif à l'étude de cas, dans lequel des entretiens individuels non directifs (8 au total) ont été réalisés avec deux catégories de personnes ; dont 3 représentants de l'Etat, et 5 autres personnes évoluant dans la production du riz dans la Vallée de l'Artibonite. L'objectif est de comprendre l'impact de la libéralisation de la riziculture sur le revenu des riziculteurs tout en déterminant ses éventuelles causes internes.

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Chapitre I : Cadre conceptuel et théorique

Ce chapitre est divisé en trois parties. Dans la première, les définitions des concepts ayant un lien avec le sujet seront exposées. La deuxième partie concerne la présentation de deux théories du commerce international. Et la dernière, passe en revue quatre (4) cas empiriques qui ont été réalisé sur le thème en question.

1.1 Clarification des concepts

Pour mieux décortiquer le sujet tel qu'il est formulé et d'éviter toutes sortes d'ambigüités, il s'avère nécessaire, dans la première partie de ce chapitre, de définir certains concepts jugés importants afin de savoir la signification qu'ils revêtent dans le cadre de ce travail.

1.1.1 Libéralisation agricole

Après sa diminution vers la fin du XVIIIe S, le flux des échanges mondiaux a été intensifié suite à la révolution industrielle. En effet, la libéralisation agricole commence avec la signature de l'accord sur l'agriculture du Cycle de l'Uruguay puisqu'avant, cette politique n'avait pas pris en compte l'échange des denrées agricoles. Cette vision néolibérale de l'économie, depuis après la seconde guerre mondiale, les deux crises pétrolières et l'effondrement du bloc socialiste en Europe, allait s'étendre sur la période allant de 1980 à 1990. A partir de 1994, les échanges agricoles vont être intégrés dans les discussions concernant les échanges mondiaux. Cette libéralisation agricole se fonde sur trois piliers : d'abord, la baisse du tarif douanier, ensuite la non subvention à la production, et enfin la non subvention à l'exportation des denrées agricoles [(Blancheton, B. 2008) ; (Vil, A. 2017)].

Donc, par définition la libéralisation agricole est considérée comme la mise en place d'un ensemble de mesure, telle que le démantèlement des tarifs non douaniers, la baisse systématique des tarifs douaniers et l'élimination des subventions à la production ou à l'exportation des denrées agricoles afin de favoriser la concurrence et de donner un libre accès aux marchés agricoles et d'accroître l'efficacité (Pierre, B. 2003). Il revient alors de savoir si une politique pareille favorise la hausse de la production agricole et du revenu des agriculteurs sur un territoire donné.

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1.1.2 Revenu des agriculteurs

Dans le cadre de ce travail, nous avons considéré le revenu des agriculteurs comme étant le revenu d'exploitation agricole2 qui est la différence entre l'ensemble des recettes monétaires et les dépenses effectuées pour assurer la production des denrées agricoles. Autrement dit, c'est « le bénéfice qui se dégage de l'activité des exploitations agricoles au cours d'une année [période] donnée » (Beaulieu, M., Salha, S.B. & Ringuette, M. 2007 :3). Il est la contrepartie de la participation de l'exploitation agricole au processus de production (Canming, Y. 2007) ou à la création de richesse (Chassard, M. & Chevalier, B. 2007). Il est considéré comme « le total des valeurs (monétaires et en nature) que la famille paysanne peut consommer sans diminuer la capacité de production de l'exploitation et qui provient de la participation de cette famille à l'activité agricole sous forme de travail (de direction et d'exécution), d'apport de capitaux (totalité ou partie du capital d'exploitation) et de la fonction d'entreprise assumée par l'exploitant » (Roland, C. 974 : 43). Il est composé principalement du salaire de l'exploitant et de la rémunération du capital.

1.1.3 Relation entre libéralisation agricole et Revenu des Agriculteurs

La littérature concernant la relation qui existe entre la libéralisation agricole et le revenu des agriculteurs est dominée par deux grandes approches différentes. La première relate que la libéralisation de l'agriculture n'entraine que des effets favorables. Elle permet d'augmenter la production agricole mondiale, le revenu des agriculteurs et elle contribue à la réduction de la pauvreté dans le monde [(Mohamed, H.B., Yvan, D. & Jean-Louis, G. 2003) ; (Siroën, J-M. 2007)]. Toutefois, ils ont souligné que pour être efficace, cette libéralisation doit être accompagnée d'autres facteurs essentiels tels qu'un système démocratique et une concurrence loyale afin de favoriser l'Investissement Direct Etranger (IDE) et le transfert de technologie.

Une deuxième approche relate que l'ordre mondial mérite d'être repensé puisque la libéralisation agricole n'est profitable qu'à un petit groupe restreint de pays (Stiglitz, J. & Charlton, A. 2005). Elle contribue à la mise en concurrence des économies très différentes en termes de productivités et de compétitivités. À cela il faut ajouter les distorsions causées par les systèmes de subventions mis en place par les grandes puissances agricoles (Losch, B. 2006). Elle creuse le trou entre les différents pays et entre les classes sociales au sein d'un même pays (Hrabanski, M. 2011)

2 Pour calculer le revenu d'exploitation des agriculteurs haïtiens, nous avons fait la différence entre l'ensemble des recettes et des dépenses d'exploitations.

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et elle rend les agriculteurs des pays pauvres très vulnérables en diminuant leurs revenus [(Fréguin, S. & Devienne, S. 2006) ; (Canming, Y. 2007)].

1.2 Revue de littérature théorique

A la question de savoir si oui ou non l'agriculture doit être libéralisée, les réponses sont plutôt conflictuelles. En effet, concernant ce thème, deux thèses ont été défendues durant ce XXIe Siècle. Il s'agit de la théorie de l'internationalisation de la libéralisation des échanges alimentaires présentée par Pascal Lamy et celle de la souveraineté alimentaire des pays dont Olivier De Schutter plaide en sa faveur [(Cuq, M., Hazard, E. & Blein, R. 2013) ; (Olivier de, S. 2014)]. Cette seconde partie du travail, est réservée à la présentation de ces deux théories.

1.2.1 Théorie de l'internationalisation de la libéralisation des échanges alimentaires

Cette théorie prône une diminution des barrières afin de faciliter la libre circulation des produits agro-alimentaires. Selon ces principaux théoriciens, seule la libéralisation totale des échanges peut engendrer l'augmentation de la production et du revenu agricoles (Ducaste, A. & Anseeuw, W. 2011), et résoudre le problème de la sous-alimentation dans le monde (Emilinger, C., Jacquet, F. & Petit, M. 2006). Pour eux, l'autosuffisance alimentaire est une illusion puisque les défis en matière agricole auxquels les Etats de certains Pays en Voie de Développement (PVD) et surtout ceux des pays les plus pauvres doivent faire face sont énormes. En ce sens, ils préconisent la théorie de l'avantage comparatif, selon laquelle tous les Etats sont gagnants en participant à l'échange international [(Boussard, J.M., Gérard, F. & Piketty, M.G. 2005), (Siroën, J-M. 2007)].

Dans ces conditions, chaque pays doit se spécialiser dans la production des biens et services pour lesquels il a un avantage par rapport à ses concurrents. Donc, « Seuls les pays qui ont les plus grands atouts en matière agricole devraient ainsi développer une production agricole... » (Clotilde, J-F. & Éric, L. 2012:10). Par cette spécialisation, l'ouverture commerciale va entrainer une répartition des risques et donner aux pays qui n'ont pas la capacité de produire des denrées agricoles la possibilité de nourrir leurs peuples à l'aide des surplus écoulés sur le marché international par ceux qui se sont spécialisés dans l'agriculture.

Ces théoriciens relatent que l'autosuffisance alimentaire est une erreur puisque ; si un Etat doit produire pour satisfaire d'abord la demande de consommation de sa population, il revient alors de se questionner sur le sort des pays qui n'ont pas des atouts en matière agricole. Donc, c'est seulement par une libéralisation commerciale accrue que le problème de la sécurité alimentaire et

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la baisse du revenu agricole dans ces pays doit être posé [(Chavériat, C. & Fokker, R. 2002), (Mohamed, H.B., Yvan, D. & Jean-Louis, G. 2003)]. Pour ce faire, l'instauration d'une concurrence loyale en diminuant les droits de douanes et en éliminant les barrières non tarifaires devient obligatoire. En outre, les grandes puissances agricoles doivent éliminer les subventions à la production et à l'exportation des denrées agricoles (Devienne, S., Bazin, G. & Charvet, J. 2005), puisque cette dernière pénalise le revenu agricole dans les pays pauvres (Stiglitz, J. & Charlton, A. 2005).

1.2.2 Théorie de la souveraineté ou de l'autosuffisance alimentaires des pays

Selon les tenants de cette théorie, même si la libéralisation commerciale cherche à augmenter la production et le revenu agricoles, elle n'a pas la capacité pour éradiquer la faim dans le monde et répartir équitablement les denrées cultivées [(Stiglitz, J.E. 2002), (Delcourt, L. 2014)]. D'ailleurs, force est de constater que le phénomène de l'insécurité alimentaire frappe surtout les pays les plus pauvres (Azoulay, G. 2012) et les branches de la population les plus vulnérables, comme les ruraux [(Chavériat, C. & Fokker, R. 2002) ; (Campbell, B. & Losch, B. 2002)].

Cependant, il faut souligner le fait que certains pays riches comme la France (Keske, C. & al. 2016) et des Pays en Développement n'ont pas échappés aux problèmes de l'insécurité alimentaire. Le cas de l'Inde est un bon exemple. Aussi paradoxale que cela puisse apparaître, il est considéré comme la quatrième puissance mondiale en matière de production agricole et « plus de 200 millions d'Indiens souffrent de sous-nutrition » (Bazin. D & Kheraief. N, 2016: 6). A cela, il faut mentionner le fait que certains pays où l'insécurité alimentaire fait rage sont très libéralisés (Fréguin, S. & Devienne S. 2006). Dans ces conditions, les Etats devraient produire d'abord pour satisfaire la demande de consommation de leurs populations que de se spécialiser dans la production des denrées d'exportations. Ils devraient consacrer le peu de ressources disponibles dans la production des denrées vivrières contrairement à ce que préconise le système commercial international (Rastoin, J-L. & al. 2016).

La spécialisation dans la production des denrées d'exportations, comme le recommande le principe de l'avantage comparatif de David Ricardo, rend certains Etats pauvres et importateurs nets de denrées agricoles de plus en plus dépendants de l'agriculture des pays exportateurs et des marchés internationaux (Hrabanski, M. 2011). Dans de pareilles conditions, lorsque le prix de certaines denrées agro-alimentaires augmente, des pays exportateurs peuvent interdire l'exportation de certains produits comme c'était le cas en 2008. Cela implique que des pays importateurs nets, qui sont majoritairement pauvres se trouvent dans une situation de pénurie alimentaire puisque leurs

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importations seront diminuées (Moseley, W.G. 2014). Inversement, au cas d'une baisse des prix sur le marché international, l'importation va augmenter. Avec la politique de subvention accordée par certains pays considérés comme de grandes puissances agricoles, le prix des denrées importées sont nettement inférieurs que les produits nationaux (Baptiste, BJ. 2005) ce qui pénalise l'agriculture locale, le revenu agricole et creuse le trou de l'insécurité alimentaire (Vil, A. 2017).

Pour ces théoriciens, la famine n'est pas seulement le résultat d'une offre insuffisante, mais aussi et surtout, d'une mauvaise répartition des denrées alimentaires [(Janin, P. 2009), (Dupraz, C.L. & Postolle, A. 2010), (Thivet, D. 2012)], d'où la nécessité d'avoir une forte intervention de l'Etat afin de résoudre le problème de la dépendance vis-à-vis du marché international, de permettre à chacun d'avoir un accès égal aux denrées agro-alimentaires et d'améliorer la situation économique des agriculteurs (Alahyane, S. 2017).

1.3 Revue de littérature empirique

Diagne, A. & al. (2004), en utilisant un modèle d'équilibre partiel essaient de quantifier l'impact économique et environnemental de la libéralisation commerciale sur la riziculture Ivoirienne. Les résultats de cette recherche montrent que sans la mise en place de cette politique néolibérale, la production du riz paddy pour la période allant de 1994 à 2000 serait supérieure de quatre (4) points de pourcentage par rapport à la production en situation de libéralisation. Puisqu'il n'y avait pas une répercussion de la baisse des droits de douanes sur les consommateurs, une hausse de 28% des prix et une baisse de 2% de la consommation du riz local ont été constatées avec l'ouverture commerciale. Cette situation entraine une baisse du bien-être du consommateur pour un montant évalué à 9 milliards de Franc CFA en moyenne par année, contrairement aux producteurs qui ont gagné 4 milliards de Franc CFA, pour la période sous étude.

Pour leurs parts, Mohamed, H. B., Yvan, D. & Jean-Louis, G (2003) essaient de démontrer les conséquences des différents (3) scénarios possibles, dépendamment du niveau d'inclusion du secteur agricole dans les négociations d'un accord de libéralisation économique entre l'union Européenne (U.E) et le Marché Commun de l'Amérique du Sud (MERCOSUR). Pour réaliser ce travail, ils ont utilisé le modèle d'équilibre général calculable MIRAGE (Modeling International Relationships Applied General Equilibrium), développé pour décrire de façon très poussée l'impact d'un choc de politique commerciale sur l'économie. Si l'Union Européenne (UE) est toujours gagnante dans un tel accord, les résultats du modèle utilisé montrent que ce dernier serait bénéfique pour les deux partis si et seulement si l'agriculture est totalement libéralisée, y compris les produits

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sensibles. Toutefois, les retombées économiques sont inégalement réparties entre les différents détenteurs de facteurs de productions, ce qui entraine une réallocation des ressources.

De leurs côtés, en se basant sur des entretiens réalisés auprès de 158 agriculteurs, et en tenant compte de la situation socio-économique de ces derniers, Fréguin, S. & Devienne S. (2006) cherchent à analyser l'impact de l'importation de la banane plantain sur la production de banane haïtienne, en prenant Arcahaie comme cas d'étude. L'analyse des résultats montre que la baisse du revenu agricole peut être considérée comme étant le résultat de la diminution des tarifs douaniers, la hausse de l'importation des bananes venant principalement de la République Dominicaine, la spécialisation des planteurs haïtiens sur la base de l'avantage comparatif et la destruction des « cochons créoles3 », ces derniers étant considéré comme le principal moyen d'épargne de l'agriculteur.

Dans son travail, Libéralisation commerciale et production agricole : Le cas du riz en Haïti, Baptiste, BJ. (2005) cherche à montrer l'impact négatif de la libéralisation commerciale sur la production agricole en générale et sur celle du riz en particulier. Pour atteindre l'objectif fixé, il a d'abord présenté brièvement l'agriculture haïtienne, suivie de l'analyse plutôt approfondie de la riziculture haïtienne à l'aide des données statistiques. Ensuite, des tableaux et graphiques ont été utilisés pour aborder les effets du libéralisme commercial sur cette riziculture. Enfin, toujours dans ce document, il était question d'estimer une fonction de production du riz sous la forme Cobb-Douglas en prenant en compte certaines variables pouvant influencées la production du riz pour la période allant de 1961 à 2002. L'analyse des résultats du modèle montre que la libéralisation commerciale du pays a des effets négatifs sur cette production, ce qui contraint les paysans soit à cultiver d'autres denrées soit à laisser la culture de la terre pour aller dans les grandes villes à la recherche d'un aller-mieux dans le commerce ou l'industrie.

3 Venant principalement de l'Espagne à partir du XVIe siècle, le cochon créole est une race de porc très avantageux économiquement pour les agriculteurs à faible revenu puisque les restes familiaux et les sous-produits du jardin peuvent être utilisés pour le nourrir. Cette espèce a été détruite vers les années 1983 sur la demande des dirigeants Etats-Uniens dans le cadre de la lutte contre l'épidémie de fièvre porcine africaine.

13

Chapitre II : Présentation de la politique agricole mondiale et les particularités régionales

Ce chapitre est composé de deux (2) parties. La première est consacrée à la présentation de la production et la commercialisation mondiale du riz tout en soulignant les différentes politiques agricoles mises en oeuvre par certains pays. Nous avons tenté de démontrer que le marché mondial du riz a les caractéristiques d'un oligopole et dominé par les pays en développement d'Asie. De même que certains pays développés comme les Etats-Unis et l'Union Européenne, ces pays asiatiques prennent des mesures pour protéger leurs agricultures. La deuxième partie est relative à l'exposition de la situation des Pays les Moins Avancés (PMA). Les particularités de la République d'Haïti seront exposées afin de démontrer qu'il est l'un des pays les plus ouverts économiquement au monde depuis le début des années 2000.

2.1 Le marché du riz mondiale : Un oligopole

Le riz, la céréale la plus consommée par les humains, est l'élément central dans l'alimentation des ménages les plus pauvres. Il est utilisé pour nourrir plus de la moitié des habitants de la planète, avec plus de 140 millions d'hectares cultivés produisant un montant avoisinant 420 millions de tonnes en moyenne par années (Delot, P. 2015). De 1960 à 2005, avec un taux de croissance annuel de 2.5%, la production rizicole mondiale a plus que doublée, passant de 276 à 626 millions de tonnes (Mendez del Villar, P. 2008). Contrairement aux années 1990 durant lesquelles la production du riz excédait la croissance de la population mondiale, le début des années 2000 est marqué par une hausse de la croissance démographique et de la demande de consommation du riz. Cependant, la production ne suit pas le rythme de la croissance de la population, ce qui entraine des cas de sous-alimentation dans certains pays.

Par ailleurs, cette situation semble être le résultat d'une forte concentration du marché mondial du riz, toujours selon Mendez del Villar, P (2008). En effet, la quasi-totalité de la production du riz est consommée localement puisque seulement 7% de la production est vendue sur le marché mondial en 2006. Les pays qui sont considérés comme de grands producteurs, sont de grands consommateurs du riz simultanément. En plus de cela, pour montrer la concentration du marché mondial du riz, il parait évident de souligner le fait que les exportations des six premiers pays exportateurs, à savoir « la Thaïlande, le Vietnam, l'Inde, les Etats-Unis, le Pakistan et la Chine », représentent 88% du total des exportations en 2006. Cependant, la destination de ces exportations est formée d'un groupe de pays plus ou moins élargi. Les six principaux importateurs du riz pour la décennie 2001-2010, à savoir « Indonésie, Nigeria, Philippines, Iran, Union Européenne et l'Irak », importent seulement 40% du total des importations. L'écrasante majorité des importateurs est formée principalement des pays pauvre d'Asie du Sud, de l'Afrique

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Subsaharienne et de l'Amérique Latine. Cette asymétrie ; un petit groupe d'exportateurs contre un grand nombre d'importateurs, fragilise l'économie des riziculteurs dans la quasi-totalité des pays pauvres et augmente leurs dépendances par rapports aux pays exportateurs. Elle augmente leur vulnérabilité face à une augmentation du prix, comme c'était le cas des riziculteurs haïtiens lors des « émeutes de la faim » de 2008 [(Lançon, F. & Mendez del Villar, P. 2008) ; (Ahmadi, N. & Bouman, B. 2013)].

En somme, l'analyse des données de la FAO concernant la répartition des exportations par pays et en pourcentage (%) présentées dans le tableau 2.1 qui suit, nous montre que les exportations mondiales du riz sont dominées par la Thaïlande. Hormis l'année 1980 durant laquelle les Etats-Unis se trouvaient en première position, la Thaïlande domine ce classement entre 1980 et 2010 avec des pourcentages variant de 35% à 26%. Les exportations des Etats-Unies ont diminuées de 12.14 points de pourcentages. Elles passent de 23.29% à 11.15% en 1980 et 2010 respectivement. Une situation analogue a été constatée pour les exportations de la Chine qui passe de 10.79% à 1.81% pour la période considérée, soit une baisse de 8.98 points de pourcentage. Cette baisse des exportations états-uniennes et chinoises se fait au profit de celles du Viêt-Nam. En effet, les exportations vietnamiennes augmentent de 20.24 points de pourcentage. Elles passent de 0.26% en 1980 à 20.50% en 2010.

Tableau 2.1 : Evolution en pourcentage (%) des exportations du riz par pays entre 1980 et 2010

 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 

1980

1985

1990

1995

2000

2005

 

Inde

3.76

2.75

4.07

21.91

6.55

13.82

 

Thaïlande

21.84

35.29

32.32

27.60

26.20

25.54

 

Viêt-Nam

0.26

0.52

13.09

8.87

14.86

17.86

 

Pakistan

8.49

6.27

6.00

8.26

8.62

USA

23.29

16.64

19.58

13.58

11.49

Brésil

0.01

0.03

0.01

0.08

0.11

Chine

10.79

9.24

3.46

1.18

13.08

Autres

31.55

29.26

21.46

18.51

19.09

Source : Calcul de l'auteur à partir des données de la FAO (2018a)

2010

6.62

26.49

20.50

9.84

12.43

12.89

11.15

0.93

1.25

2.27

1.81

16.86

19.74

Total

100.00

100.00

100.00

100.00

100.00

100.00

100.00

Cependant, nous avons constaté une hausse des exportations indiennes au détriment de celles

de la Thaïlande en 2013. Toujours selon les données de la FAO, avec un pourcentage de 31% des

exportations totales an 2013, l'Inde se trouve en première position dans le top sept (7) des

exportateurs mondiaux du riz. Il est poursuivi par le Thaïlande, le Viêt-Nam qui accusent des taux

de 18% et 11% respectivement. Force est de constater que les exportations états-uniennes (9% en

2013 contre 11.15% en 2010) et chinoises (1% en 2013 contre 1.81% en 2010) ne cessent de

diminuer. Toutefois, les pays de l'Asie dominent les exportations mondiales du riz depuis 1980. En

15

2013, les quatre (4) premiers exportateurs mondiaux du riz « Inde, Thaïlande, Viêt-Nam et Pakistan » exportent environ 69% du total des exportations mondiales. La figure 2.1 suivante nous permet d'expliciter la situation exposée ci-dessus.

Figure 2.1: Répartition par pays et en pourcentage (%) de l'exportation mondiale du riz en 2013

Brésil 2%

Chine 1% Autres 19%

Exportations du riz par pays et en pourcentage (%) en 2013

USA 9%

Pakistan 9%

Viêt-Nam 11%

Thaïlande 18%

Inde 31%

Source : Calcul de l'auteur à partir des données de la FAO (2018a)

2.1.1 Protection de l'agriculture dans certains pays développés

L'agriculture, élément fondamental dans la consommation des habitants et indispensable à la survie de l'espèce humaine, a été, dès la fin de la crise de 1929, protégée par certains pays développés. Cette politique protectionniste a été appliquée par ces puissances agricoles afin d'augmenter la production et de répondre aux besoins de consommation de leurs populations. Considéré comme un secteur stratégique ou même une arme de combats par certains Etats dans les relations internationales, les dirigeants de ces pays pensent qu'ils ne peuvent pas le laisser à la libre concurrence. Dans ces conditions, l'Etat doit intervenir afin d'atteindre certains objectifs spécifiques. Bien que la production de riz en Europe soit marginale (0.4% de la production mondiale), son cas est extrêmement intéressant, puisqu'aux côtés des Etats-Unis, il est l'un des premiers à appliquer une politique de protection de l'agriculture afin d'atteindre l'autosuffisance, garantir la sécurité alimentaire de ses habitants et d'augmenter le revenu des planteurs.

2.1.1.1 Une agriculture fortement protégée aux Etats-Unis

La protection de l'agriculture états-unienne ne date pas d'hier. Dès le début des années 1930, une politique basée sur la régulation de l'offre et de soutient des prix a été mis en oeuvre en réponse à la grande dépression de 1929. Durant cette période, les dirigeants états-uniens arrivent à eux seuls,

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à assurer la régulation du marché mondial des céréales. L'offre a été contrôlée par l'Etat à l'aide des dépôts publics et de l'accumulation des stocks. Vraisemblablement, le but de la mise en place cette politique n'était pas de contribuer à l'évolution de la libéralisation agricole, mais plutôt de maîtriser les prix et permettre aux agriculteurs états-uniens d'avoir un niveau de revenu adéquat.

Parallèlement, à l'aide du programme d'aide alimentaire public Law 480 en vigueur depuis en 1954, les dirigeants états-uniens accordent aux agriculteurs des soutiens à l'exportation. Des subventions, variant en fonction du prix du marché, ont été accordées aux producteurs de céréales (le blé, le riz et le maïs). L'analyse des données disponibles montre que plus le prix du marché est faible, plus le montant des subventions accordé est élevé. Une situation de la hausse des subventions agricoles a été constatée au début des années 1980, suite à la baisse de la demande solvable, la hausse de la capacité de production ou la confirmation de l'autosuffisance alimentaire des pays de l'Europe ainsi que l'entrée en force des Pays en Développement d'Asie et d'Amériques du Sud dans le marché mondial du riz. Entre 1982 et 1986, à cause de la fermeture des frontières de certains pays de l'Amérique latine et des Caraïbes, la demande du riz états-unien ainsi que son prix diminuent et l'Etat accorde des subventions à la tonne allant de 24% à plus de 66% du prix total (Chataigner, J. & Salomon, C. 1996).

Toutefois, cette situation va être améliorée vers la seconde moitié des années 1980. Selon les données de l'OCDE, entre 1986 et 1995, les subventions accordées aux agriculteurs états-uniens diminuent fortement. Elles représentaient 23.50% des recettes agricoles en 1986 contre seulement 9.75% en 1995, soit une baisse de 13.75 points de pourcentage pour la période considérée. Par ailleurs, il faut souligner que cette période coïncide avec la mise en place du Programme d'Ajustement Structurel (PAS) des Institutions Financières Internationales (IFI) dans les Pays les Moins Avancés d'une façon générale et en Haïti en particulier [(Perchellet, S. 2010) ; (Pierre, L-N. 2008)]. Etant considéré comme l'un des principaux importateurs du riz états-uniens [(CJ-Consultants, 2012) ; (FEWS NET, 2014)], cette baisse des subventions accordées aux agriculteurs états-uniens peut être considérée comme une conséquence de la hausse des exportations de ces derniers vers Haïti.

Au milieu des années 1990, la politique agricole états-unienne va avoir une tournure. Avec les prévisions de croissance de la FAO et d'autres institutions évoluant dans le domaine agricole, l'année 1996 est marquée par l'abandon de la régulation de l'offre mise en place depuis le début des années 1930. Cette dernière a été substituée par une politique de découplage des aides de la production. Par ailleurs, grâce à leur avantage comparatif dans ce domaine, les autorités états-uniennes profitent de la libéralisation de l'agriculture prônée par l'Organisation Mondiale de Commerce (OMC) pour acquérir des parts de marché perdues au début des années 1980.

17

Cependant, malgré la signature de l'accord de Marrakech en 1994, elles continuent à subventionner directement le revenu des agriculteurs par la politique de commercialisation (marketing loans et Price Loss Coverage). Cette politique de soutien direct engendre le financement de l'agriculture par des montant très élevés représentants l'équivalent de 46% à 86% du revenu de l'exploitation [(Lançon, F. & Mendez del Villar, P. 2008), (MAAF, 2015)]. Elle se fonde sur l'autorisation donnée aux agriculteurs à réclamer la différence entre le prix du marché et celui du stockage. Cette politique encourage les planteurs états-uniens à mettre leurs denrées sur le marché, et ceci même quand les prix sont très bas. Cette situation entraine des dépenses de subventions très élevées, quand les prix du marché sont très faibles, comme c'était le cas pour la période allant de 1997 à 2002 (Devienne, S. et al. 2005).

En effet, selon les données de la FAO, les prix payés aux producteurs états-uniens diminuent considérablement pour la période allant de 1996 à 2001. Ils passent de 212 USD/TM en 1996 à 94 USD/TM en 2001. Donc, une diminution de 55.66% durant cette période. Cette baisse des prix à la tonne payés aux producteurs peut être considérée comme le résultat, entre autres, de la baisse des droits de douanes après la création de l'OMC et le renforcement de la politique néolibérale au niveau des Pays les Moins Avancés (PMA). Paradoxalement, cette période est marquée par la hausse des subventions étatiques accordées aux planteurs états-uniens. Ces dernières passent de 12.75% des recettes agricoles en 1996 à 22.67% en 2000, soit une hausse de 9.92 points de pourcentage. Donc, il n'est pas faux de dire qu'il existe une relation inverse entre ces dernières et le prix du marché. La figure 2.2 qui suit présente l'évolution des Soutiens aux Producteurs (ESP) états-uniens en pourcentage (%) des recettes agricoles brutes entre 1986 et 2016 afin d'élucider la situation précitée.

Figure 2.2 : Evolution des soutiens aux producteurs (ESP) états-uniens pourcentage (%) des recettes agricoles brutes entre 1986 et 2016

25.00

20.00

15.00

10.00

5.00

Soutien aux producteurs (ESP) états-uniens en pourcentage (%) des

recettes agricoles brutes entre 1986 et 2016

Source : Calcul de l'auteur à partir des données de l'OCDE (2018)

18

Donc, les dirigeants états-uniens appliquent une politique de dumping. Ils exportent leur supplément de production aux niveaux de certains pays sous-développés à des prix inférieurs aux coûts de productions. L'agriculture états-unienne est mécanisée depuis les années 1950. Cette mécanisation a permis aux agriculteurs de produire aux coûts les plus bas que possible contrairement à leurs homologues des pays pauvres. Ces derniers cultivent leurs terres en utilisant des intrants agricoles peu performants, des outils archaïques et des techniques rudimentaires. De plus, les dirigeants états-uniens subventionnent l'agriculture par des sommes exorbitantes, créant ainsi une concurrence déloyale et pénalise le revenu des agriculteurs des pays importateurs.

2.1.1.2 Des subventions directes accordées aux agriculteurs européens

Depuis le Traité de Rome en 1957, la signature d'un accord entre les six pays fondateurs de l'Europe (Communauté Economique Européenne) a été prévue afin de garantir un niveau de vie aux agriculteurs et d'éviter des situations de pénurie alimentaire comme après la seconde guerre mondiale. Cette politique vise à répondre à la demande de consommation des denrées agro-alimentaires des citoyens européens à des prix « raisonnables » et d'augmenter le revenu des agriculteurs. Toutefois, sa réalisation nécessite une offre supérieure par rapport à la demande, ce qui va entrainer la diminution des prix, conformément à la loi de l'offre et de la demande. D'où l'intervention de l'Etat devient un impératif (Verhertbruggen, J-M. 1993).

Cinq (5) ans plus tard, soit en 1962, la Politique Agricole Commune (PAC), ayant plus de ressemblance que de différence avec la politique agricole états-unienne, a été mis en oeuvre. Elle s'est fondée sur des subventions directes accordées aux agriculteurs, les permettant d'acquérir de nouveaux outils, d'utiliser des intrants agricoles de meilleures qualités et d'augmenter leurs revenus en améliorant les rendements à l'hectare (Chataigner, J. & Salomon, C. 1996). Cette politique a contribué à la performance et à la mécanisation de l'agriculture, en passant par des agricultures nationales à une agriculture européenne. Elle permet aussi aux agriculteurs européens d'avoir accès aux services financiers, puisqu'ils deviennent solvables.

Dès le début des années 1970, l'Europe produisait une quantité de denrées agricoles excédentaires par rapport à la demande, d'où la mise en place d'une politique de stockage et de soutien des prix. Cette politique de soutien des marchés va être transformée en une politique de soutien direct aux producteurs au début des années 1990. Dès son application, cette politique de protection agricole se fondait sur la recherche de l'autosuffisance et de la souveraineté alimentaires par l'intervention soit directe soit indirecte des autorités publiques. De nos jours, près de 45% du budget de l'Union Européenne (UE), soit un montant de 55 milliards d'Euro par année, est consacré

19

à cette politique (Commission Européenne, 2012). En 2001, un montant de 106 milliards de dollars états-uniens a été utilisé pour soutenir l'agriculture au sein de l'Europe (Devienne, S. et al. 2005).

Force est de constater que cette politique de protection agricole entraine une hausse des rendements à l'hectare aux Etats-Unis et en Europe. La courbe des rendements à l'hectare aux USA a connu deux périodes durant lesquelles les rendements ont été accélérés (traduit par une pente raide). Ces périodes sont d'abord les années 1960-70 et ensuite 1995-2000. Contrairement à ce que préconise la nouvelle théorie du commerce internationale, la croissance de la productivité de la riziculture états-unienne et européenne coïncide avec des périodes d'intervention de l'Etat, soit par la régulation de l'offre ou des subventions directes accordées aux riziculteurs afin d'augmenter leurs revenus. La figure 2.3 suivante concernant l'évolution des rendements du riz en KG/ha aux Etats-Unis et en Europe nous permet de comprendre la situation présentée ci-dessus.

Figure 2.3 : Evolution des rendements du riz en Tonnes/hectare aux Etats-Unis et en Europe entre 1961 et 2015

8800

8300

4800

4300

7800

7300

6800

6300

5800

5300

3800

1961 1965 1970 1975 1980 1985 1990 1995 2000 2005 2010 2015

Evolution des rendements du riz en Kg/ha aux USA et en Europe entre 1961 et 2015

USA Europe

Source : Calcul de l'auteur à partir des données de la FAO (2018b)

2.1.2 Un marché dominé par des pays en développement d'Asie

Dans la majeure partie des pays d'Asie, une situation de croissance économique et de disponibilité alimentaire a été constatée pour la période allant de 1970 à 1995. Dominée par l'agriculture qui est le principal secteur créateur d'emploi, la hausse du Produit Intérieur Brut/ capita (PIB/hab) au sein de ces économies est le résultat d'une croissance exponentielle de la production de céréale d'une façon générale et du riz en particulier (Rodolphe, de k. 2003). Les taux de croissance des rendements extraordinaires qu'ont connu les pays asiatiques dans la riziculture les

20

ont permis de dominer le marché mondiale. Ils produisent plus de 90%, consomment 85% environ de la quantité produite et dominent les exportations à plus de 75% (Méndez del Villar, P. 2008).

En effet, la quasi-totalité du riz produit est consommée sur le marché national. L'analyse des données de la FAO concernant l'évolution de la production mondiale du riz nous laisse observer que « la Chine, l'Inde, l'Indonésie, le Viêt-Nam et le Thaïlande » sont les cinq premiers producteurs du riz mondiaux entre 1980 et 2015. Ces cinq pays Asiatiques arrivent à produire entre 68% et 75% de la production totale durant toute la période considérée. En 2015, les trois premiers producteurs mondiaux de riz, à savoir « la Chine, l'Inde et l'Indonésie » produisent à eux seuls plus de la moitié (60% environ) de la totalité du riz au niveau mondial. Cependant, ces trois premiers producteurs mondiaux du riz ne sont pas les premiers exportateurs. Cela sous-entend que la quasi-totalité de la production du riz au niveau de ces pays est consommée sur le marché local. La figure 2.2 suivant nous donne une illustration de la situation décrite ci-dessus.

Tableau 2.2 : Evolution en pourcentage (%) de la production du riz par pays entre 1980 et 2015

 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 

1980

1985

1990

1995

2000

2005

2010

 

Chine

36.00

36.59

36.95

34.23

31.71

28.71

28.13

 

Inde

20.24

20.47

21.50

21.10

21.29

21.71

20.53

 

Indonésie

7.47

8.34

8.71

9.09

8.67

8.54

9.48

 

Viêt-Nam

4.84

3.39

3.71

4.56

5.43

5.65

5.71

 

Thaïlande

4.38

4.33

3.32

4.02

4.32

Brésil

2.46

1.93

1.43

2.03

1.86

Pakistan

1.18

0.94

0.94

1.09

1.20

USA

1.67

1.31

1.37

1.44

1.45

Source : Calcul de l'auteur à partir des données de la FAO (2018b)

2015

28.35

21.15

10.19

6.09

4.83

5.09

3.74

2.08

1.60

1.66

1.31

1.03

1.38

1.59

1.57

1.18

Autres

21.76

22.71

22.07

22.43

24.07

25.58

26.85

26.25

Total

100.00

100.00

100.00

100.00

100.00

100.00

100.00

100.00

Toujours selon les données de la FAO, la situation de la production du riz reste inchangée

en 2016. La Chine se trouve toujours en première position avec 29% de la production totale du riz.

Elle est suivie par quatre autres pays asiatiques à savoir l'Inde, l'Indonésie, Viêt-Nam et la

Thaïlande avec des taux de 21%, 11%, 6% et 3% de la production mondiale du riz de façon

consécutive. 70% de la production mondiale du riz se concentrent au niveau de ces cinq (5)

puissances rizicoles. Les Etats-Unis arrivent jusqu'à la huitième place avec un taux de 1% de la

production mondiale. Ils viennent tout de suite après le Brésil et le Pakistan qui enregistrent des

taux de 2% et 1% respectivement. Cette situation peut être élucidée par la figure 2.4 suivante.

21

Figure 2.4: Répartition par pays et en pourcentage (%) de la production du riz en 2016

Pakistan 1%

Brésil 2%

USA 1%

Thaïlande 3%

Production du riz par pays et en pourcentage (%) en 2016

Viêt-Nam 6%

Autres 26%

Indonésie 11%

Inde 21%

Chine 29%

Source : Calcul de l'auteur à partir des données de la FAO (2018b)

Lançon, F. & Mendez del Villar, P. (2008) essaient de faire la distinction entre deux grands groupes d'exportateurs asiatiques. D'abord le groupe dit historique, présent sur le marché aux côtés des Etats-Unis sans interruption depuis les années 1960 (Thaïlande) et 1970 (Pakistan). Ensuite celui dit occasionnel, arrivant sur le marché avec beaucoup de puissance durant la décennie 1990 composé par le Viêt-Nam, l'Inde et la Chine. De même que les pays développés (USA et l'Union Européenne), ces pays en développement appliquent des politiques de protection de leurs rizicultures. L'Etat Thaïlandais par exemple, applique une politique de régulation du marché et de soutien direct à l'exportation en achetant le riz au moment de la récolte et de le revendre à des prix très bas aux exportateurs privés. Les dirigeants du Viêt-Nam, quant à eux, ne subventionnent pas directement les exportations, cependant, ils interviennent dans la régulation du marché en priorisant la consommation interne puisqu'ils limitent ou même interdisent l'exportation du riz à des moments précis. Cette situation engendre une hausse des prix et des situations de pénuries pour les pays importateurs, la crise de 2008 peut en témoigner (AgriAlerte, 2008).

Cette situation n'est pas différente pour l'Inde et le Pakistan. La Chine quant à elle, fait preuve de poursuite de façon permanente par les Etats-Unis devant l'OMC pour des subventions directes accordées à la production et à l'exportation des céréales (Riz, Blé et Maïs). Seulement sous l'administration de Barack Obama, sur un total de 28 plaintes, 14 ont été déposées par Washington contre Pékin. Une situation qui est, bien sûr, paradoxale étant donné que les Etats-Unis, eux aussi, soutiennent leurs rizicultures. De plus, Per, P-A. (2007) relate que la majeure partie des pays

22

d'Asie ; Chine, Inde, Indonésie, Thaïlande et le Viêt-Nam, producteurs et exportateurs du riz, ont versé des sommes exorbitantes dans la construction des infrastructures agricoles entre 1960 et 2000, condition nécessaire pour avoir un développement agricole et réduire la pauvreté selon eux. Puisque les exportations ont été réglementées par les pouvoir publics et non pas par le marché, il paraît évident de souligner que ces pays qui ont développés leurs rizicultures, le font dans un contexte de la recherche de la sécurité et de l'autosuffisance alimentaires, mais pas dans une perspective de mondialisation.

2.1.3 Une riziculture libéralisée dans les PMA

La quasi-totalité des Pays les Moins Avancés (PMA) font face à des problèmes d'insécurité alimentaire malgré la prédominance du secteur agricole dans leurs économies. L'agriculture familiale représente le centre d'activité économique de ces pays de par sa contribution à des taux allant jusqu'à 33%, 52% et 60% dans la formation du Produit Intérieur Brut (PIB), la participation au commerce extérieur (exportations) et à la création d'emploi consécutivement en 1995. De plus, elle est considérée comme la principale source de revenu pour les ruraux, branche de la population la plus pauvre et la plus marginalisée (Per, P-A. 2007).

Néanmoins, contrairement aux pays développés et les pays en développement d'Asie, dans le cadre de l'application du Programme d'Ajustement Structurel (PAS) recommandé par les Institutions Financières Internationales (IFI) au début des années 1980 ; les PMA ont procédé à la libéralisation de leurs agricultures. Cette libéralisation va être poursuivie au milieu des années 1990, plus précisément en 1996, avec la mise en oeuvre de l'accord sur l'agriculture de l'Organisation Mondiale du Commerce (OMC). Malgré l'existence de grandes potentialités agricoles dans ces pays, cette libéralisation contribue à une augmentation de l'importation des denrées agro-alimentaires à plus de 400% en Afrique de l'Ouest entre 1980 et 2005 (Abiassi, E. H. & Eclou, S. D. 2006) et une diminution des exportations de ces denrées passant de 32.3% à 29.5% en entre 1975 et 2004 (Per, P-A. 2007).

Une situation analogue a été constatée au niveau des pays en développement de l'Amérique Latine, comme c'est le cas du Pérou, où la libéralisation agricole a entrainé la spécialisation des agriculteurs dans la production des denrées d'exportations au détriment de celle dites vivrières. Cette spécialisation a été effectuée dans l'objectif d'exploiter des niches, pourtant, elle augmente la vulnérabilité des planteurs face à une variation du prix sur le marché mondial (Chaleard, J-L. & Mesclier, E. 2004).

23

Par ailleurs, l'agriculture des Pays les Moins Avancés (PMA) a la particularité d'être une agriculture de petites exploitations familiales à faible productivité. Vivant dans des situations économiques émaillées de difficultés, les agriculteurs de ces pays n'ont pas l'accès aux services financiers (Dossouhouif, F.V. & al. 2017). À cela il faut additionner l'utilisation des outils archaïques et des intrants agricoles de qualités réduites. De plus, la baisse des droits de douanes sur l'importation, le désengagement de l'Etat et le mauvais état des infrastructures agricoles (réseaux hydrauliques), sans oublier la politique de dumping pratiquée par les grandes puissances agricoles ; instaurant ainsi une concurrence déloyale comme étant des faits qui ont pénalisé la production du riz et le revenu des riziculteurs dans les pays pauvres (AgriAlerte, 2008).

Paradoxalement, la population de ces pays ne cesse d'augmenter malgré la baisse continue de la production agricole. Selon les prévisions statistiques de 2050 de l'Organisation des Nations Unies pour l'Alimentation et l'Agriculture (FAO), les croissances démographiques les plus fortes devraient être observées aux seins des Pays en Développements Importateurs Nets de Produits Agricoles (PDINPA) (85%), des PMA (103%) et des pays de l'Afrique subsaharienne (123%) (CNUCED, 2012). Cette poussée démographique entraine un recours à l'extension des surfaces cultivées malgré les graves conséquences environnementales que cela puisse entrainer. Elle contribue aussi à la hausse de l'importation pour répondre aux besoins alimentaires de la population et éviter des situations de famine et d'insécurité alimentaires.

Par conséquent, après avoir libéralisé complètement leurs agricultures, certains PMA font partie des premiers importateurs de produits agricoles. Concernant le cas du riz, dès le début des années 2000, le Nigéria (Abiassi, E. H. & Eclou, S.D. 2006) et la Cote d'Ivoire (Diagne, A. & al. 2004), font partie des cinq (5) premiers importateurs mondial du riz. D'autres pays qui étaient soit autosuffisants comme Haïti soit exportateurs du riz comme le Madagascar au début des années 1960, deviennent importateurs nets avec cette libéralisation agricole (Dabat, M-H. & Olivier, J-T. 2010). Dépendant totalement ou partiellement du marché mondial, les ménages les plus pauvres, assez souvent des agriculteurs dans les PMA, sont les premières victimes de la variation des prix. Cette dernière les a mis soit dans une situation de pénurie alimentaire, en cas de la hausse des prix, soit dans une situation de la diminution de leur revenu, dans le cas contraire (Per, P-A. 1985).

2.2 Historicité de la politique agricole haïtienne

Après avoir présenté la situation de la riziculture mondiale, il parait nécessaire de souligner les spécificités de la République d'Haïti. Dans cette deuxième partie de ce chapitre, la politique agricole mise en oeuvre en Haïti depuis 1950 sera présentée. L'objectif est de démontrer que, sous

24

la demande des Institutions Financières Internationales (IFI), sans oublier le rôle prégnant qu'ont joué les Etats-Unis dans la mise en oeuvre de cette politique néolibérale, l'économie de la République d'Haïti est la plus libéralisée parmi les pays de la CARICOM et des PMA depuis le début des années 2000.

2.2.1 Une agriculture fortement règlementée de 1950 à 1986

Sous la présidence de François Duvalier durant la période allant de 1957 à 1971, la politique commerciale haïtienne était caractérisée par des droits de douanes assez élevés sur certains produits dits « stratégiques » afin de protéger l'agriculture nationale. Les tarifs appliqués sur l'importation des denrées agricoles varient entre 40% et 50%. Des taux de 50%, 40% et 50% ont été appliqués sur l'importation des produits comme le riz, le sucre et les viandes de volailles consécutivement (MARNDR, 2010a). De plus, des subventions directes ont été accordées aux produits de consommation de bases, entrainant ainsi une baisse des prix de vente afin de permettre aux ménages les plus démunies d'avoir accès à ces denrées. Durant cette période, la production agricole parvenait à réponde à la demande de consommation des ménages haïtiens pour les produits les plus consommés, particulièrement le riz (Vivas, E. 2010). Par ailleurs, cette politique était caractérisée, entre autres, par le contrôle et la restriction de l'importation des denrées agricoles, par la limitation de la consommation de certains produits et par la fermeture de l'ensemble des ports du pays, hormis celui de la capitale, ce qui avait favorisée le contrôle de la contrebande qui était très faible à cette époque [(Victor, E. 2011) ; (Perchellet, S. 2010)].

2.2.2 L'agriculture haïtienne, l'une des plus libéralisée après 1986

Après la mort au pouvoir de François Duvalier (Papa Doc), son fils, Jean-Claude Duvalier (Baby Doc) le succéda (1971-1986). Dès le début des années 1980, des tentatives de libéralisation de l'économie ont été effectuées, dans le but de faire la révolution économique, comme l'avaient souligné les dirigeants de l'époque (Baptiste, BJ. 2005). Au milieu des années 1980, la situation politico-économique de la République d'Haïti évolue considérablement puisque l'année 1986 est marquée par un changement radical. Ce changement peut être considéré d'abord sur le plan politique avec la chute de « Duvalier fils » et les élections de décembre 1990 permettant de passer d'un régime dictatorial à un régime démocratique. Ensuite, cette période coïncide avec le début de la mise en oeuvre du courant économique néolibéral, marqué par l'application du Programme d'Ajustement Structurel (PAS). Cette nouvelle politique donne aux Institutions Financières Internationales (IFI) la mission d'assurer la stabilité financière et la croissance économique du pays,

25

puisque sa situation se détériorait suite à son exclusion sur le marché international depuis le 8 octobre 1991. Sur la demande de ces Institutions, les dirigeants haïtiens ont diminué drastiquement les droits de douanes sur les denrées agricoles, particulièrement sur le riz [(PAPDA, 2011) ; (Fréguin, S. & Devienne, S. 2006)], contribuant ainsi à une hausse des importations venant principalement des Etats-Unis qui subventionnent leurs agricultures (Baptiste, BJ. 2005).

Membre fondateur de l'OMC (ancien GATT depuis 1950) en 1995, Haïti a bénéficié de la clause de la nation la plus favorisée. Pourtant, ses droits de douanes consolidés sont extrêmement bas (21.10% en moyenne), avec des taux nuls pour bon nombre de produits. Le pire dans tout ça, les tarifs appliqués sont encore plus bas que les droits de douanes consolidés. À cela il faut ajouter la remise en question de la politique de restriction à l'importation et la fermeture de certains ports du pays appliquée sous l'administration des « Duvalier ». Comme les deux autres Institutions (FMI et BM), l'OMC plaide en faveur d'une libéralisation des échanges fondée sur le démantèlement des tarifs douaniers, le désengagement de l'Etat (MARNDR, 2010a) et la privatisation des entreprises publiques jugées « non performantes ». Sur la base de cette politique, des entreprises agricoles comme « la Minoterie » (production de farine et de pain) et « l'huilerie ENAOL » ont été privatisées (Perchellet, S. 2010). Pour les dirigeants de l'époque, cette politique peut favoriser l'intégration du pays dans le commerce internationale et ; augmenter la production, les exportations ainsi que le revenu agricole afin de diminuer les importations et de résoudre le problème de la pauvreté et de l'insécurité alimentaire.

Créé en 1973, les pays de la CARICOM essaient de protéger leurs agricultures sur la base de l'application du Tarif Extérieur Commun (TEC). En effet, des droits de douane allant jusqu'à 40% ont été appliqués sur les denrées agricoles. Malgré qu'Haïti soit membre à part entière et la première puissance démographique de cette communauté depuis le 4 juillet 2003, ses dirigeants n'ont pas profité de cette opportunité pour relancer la production rizicole et améliorer la situation économique des riziculteurs par l'application du TEC. En effet, un tarif douanier de 3% seulement est fixé sur le riz (Josling, T., Chanperon, W. & Le Turioner, J. 2017).

Cependant, au lieu de protéger son agriculture, la lecture de la structure tarifaire d'Haïti ; l'un des principaux instruments utilisés pour analyser la politique commerciale d'un pays donné, nous laisse observer que l'agriculture du pays est l'une des plus libéralisées au monde. Contrairement au taux consolidé de l'OMC sur les produits agricoles qui est de 21.1%, la moyenne des droits de douanes sur les produits agricoles haïtiens était de 8% en 2011 (Bruce Huff, H. 2014).

Comme le montre la figure 2.5 qui suit, la moyenne simple des droits de douanes agricoles consolidés en Haïti (21.10%) est nettement inférieure que celle de la République Dominicaine

26

(39.30%), de certains PMA (72.9%) et des pays de la CARICOM (97.8%). Parallèlement, la moyenne des droits de douanes appliqués sur les denrées agricoles en Haïti est de 8%, contre 16.1% et 18.3% pour les PMA et les pays de la CARICOM respectivement. De plus, un taux de 0% appliqués sur les denrées agricoles pour 29% droits de douanes en Haïti contrairement à ses partenaires commerciaux comme la République Dominicaine qui n'a aucune franchise douanière pour les denrées agricoles, les PMA (4.8%) et les pays de la CARICOM (18%).

Pourtant, Haïti a une très petite portion de ses droits de douanes agricoles appliqués qui sont supérieurs à 15% (11.50%). Contrairement à Haïti, les pays faisant partie de la CARICOM ont près de la moitié, soit 45.60% de leurs tarifs douaniers sur les denrées agricoles en moyenne qui sont plus élevés que 15%. Pour les PMA 54.2% de leurs droits de douanes en moyenne sont fixés à des taux plus élevés que 15%. Puisqu'en moyenne, les tarifs douaniers appliqués à l'importation des denrées agricoles en Haïti sont moins élevés que ceux de ses partenaires commerciaux ; le fait aussi qu'il est le pays qui accorde de franchise douanière sur une plus grande quantité de denrées agricoles (avec 29% droits de douanes fixés à 0%) et la plus faible portion de droits de douanes supérieure à 15%, Haïti peut être considéré comme l'un des pays les plus libéralisés.

Figure 2.5 : Comparaison des tarifs agricoles entre Haïti, République Dominicaine, certains PMA et les Pays de la CARICOM.

100.0

80.0

40.0

60.0

20.0

0.0

21.1

39.3

Consolidés Appliqués

72.9

Comparaison des tarifs agricoles entre Haïti, la République Dominicaine, les PMA et les Pays de la CARICOM

97.8

Moyenne simple

Consolidés Appliqués

Haïti République Dominicaine Moyenne PMA Moyenne CARICOM

8.0

16.1

18.3

29.2

17.2 0.5 0.8

% de franchise de droits

4.8

18.0

65.6

98.9

Consolidés Appliqués

96.0

98.6

Droits > 15%

11.5

45.6

54.2

Source : Calculs réalisés par l'auteur à partir des données de Bruce Huff, H. (2014 : 22).

27

Chapitre III : Présentation de la riziculture haïtienne

Comme tous les PMA, l'agriculture est un secteur très important dans l'économie haïtienne en dépit du fait que sa production, sa valeur ajoutée et sa participation dans la création d'emploi ne cessent de diminuer. Considérée comme la principale source de devise du pays durant les années 1960-70, sa contribution dans la formation du PIB était de 45% (MARNDR. 2010a) contre 22% en 2013 (CIRAD. 2016), soit une diminution de 23 points de pourcentage durant la période considérée. Pour une grande portion de la population rurale, soit 80% environ, l'agriculture est le principal créateur d'emploi et moyen de subsistance (MAEE & DGCID. 2008).

La riziculture haïtienne a un rôle majeur à jouer dans la lutte contre l'insécurité alimentaire et l'amélioration du niveau de vie des agriculteurs. Malheureusement, livré à eux même, les riziculteurs haïtiens ont un accès très limité aux intrants agricoles de qualité. Ils utilisent des techniques archaïques et des outils rudimentaires. De plus, la riziculture est réalisée sous les caprices de la nature puisque l'Etat s'est désengagé et n'investit que de faibles montants qui se révèlent insuffisants pour le curage des canaux d'irrigation. Une situation qui pénalise la production du riz et contribue à l'appauvrissement des riziculteurs.

Ce chapitre concerne la présentation de la riziculture Haïtienne. Il revient d'abord, de relater les différentes composantes de l'offre et de la demande du riz et d'exposer ensuite le circuit de commercialisation ainsi que le mécanisme de la formation des prix du riz produit dans la Vallée de l'Artibonite.

3.1 Une offre du riz dominée par les importations

L'offre du riz doit répondre à la demande de consommation et d'exportation. La production est insuffisante pour répondre à la demande croissante de la population haïtienne. Pour résoudre ce problème, l'importation du riz remplace la production locale. Son poids dans la disponibilité alimentaire augmente rapidement au détriment de la production des riziculteurs de la Vallée de l'Artibonite, ce qui augmente la vulnérabilité de ces derniers et diminue leurs revenus. L'aide alimentaire quant à elle persiste et se stabilise entre 2% et 4% environ dans la disponibilité du riz. Toutefois, dans les périodes de catastrophes humaines (Coup d'État de 2004) ou naturelles (les inondations de 2004 et de 2008, le tremblement de terre de 2010 et la sécheresse de 2012) elle peut augmenter, comme c'était le cas en 2010 où elle représentait jusqu'à 8% de l'offre alimentaire en Haïti. L'aide alimentaire est soit bilatérale soit multilatérale (avec des Organismes comme le PAM...), mais quel que soit le cas de figure qui se présente, elle est dominée par les Etats-Unis à plus de 80%. Ces trois composantes de la disponibilité alimentaire en riz, à savoir « la production,

28

l'importation et l'aide alimentaire » [(Duvivier, P. & Corantin, H. 2011) ; (CJ-Consultants, 2012) ; (FAO, 2015)] seront présentées dans les prochains paragraphes.

3.1.1 Une production rizicole insuffisante

Comme la totalité des autres denrées cultivées en Haïti, la production du riz est saisonnière et couvre jusqu'à trois (3) campagnes4 par année ; Printemps (Mars - Juillet), Automne (Août - Novembre) et Hiver (Décembre - Mars) (MARNDR. 2015). Hormis le département du nord-ouest, le riz est cultivé dans tous les départements du pays. L'Artibonite, département dans lequel bon nombres de ménages se trouvent en situation d'insécurité alimentaire [(FEWS NET. 2014) ; (Lybbert, T.J., Turiansky, A & Etienne, J.R. 2017)] couvre plus de 85% de la production totale du riz en Haïti, ce qui fait de lui la principale zone de production, aussi paradoxale que cela puisse apparaître. Il possède une superficie rizicole de 28,000.00 hectares soit 73% sur un total de 38,000.00 hectares et d'autres potentialités agricoles tel que « le fleuve de l'Artibonite » (CJ-Consultants. 2012).

La production du riz, activité essentielle et source principale de revenu pour près de 130,000.00 ménages haïtiens dont 90,000.00 dans la Vallée de l'Artibonite (FAO. 2015), évolue très faiblement au fil du temps. Elle n'arrive à répondre qu'à seulement 20%5 de la demande globale de la population [(MARNDR. 2009) ; (MARNDR. 2015)]. Cette production est insuffisante pour répondre à la demande croissante de la population à cause de la poussé vertigineuse de cette dernière et le changement de ses habitudes de consommations.

L'analyse des données publiées par le Ministère de l'Agriculture des Ressources Naturelles et du Développement Rural (MARNDR) concernant l'évolution de la production du riz en Haïti nous laisse observer que cette dernière est relativement faible. Elle est passée de 155,031.77 TM en 2014 contre un total de 228,894.00 TM en 2017, soit une augmentation de 47.64% durant ces 4 dernières années. Par ailleurs, la production rizicole de l'année 2017 a enregistré une augmentation de 33.00% par rapport à l'année 2016. Elle passe de 172,144.71 TM à 228,894.00 TM. Cette hausse de la production du riz est le résultat, paraît-il, de l'augmentation de la surface cultivée et de l'accès à l'engrais par les agriculteurs dans le cadre du Programme Présidentiel baptisé « Caravane Changement ». Il paraît évident de signaler le fait que, la Vallée de l'Artibonite, à elle seule, assure plus de 85% de la production totale du pays quel que soit la période considérée. Entre 2014 et 2017, la production du riz enregistrée dans la Vallée passe de 135,029.96 TM à un total de 202,982.00

4 Certains auteurs relatent que dans la Vallée de l'Artibonite, la production de riz se fait sur deux (2) saisons : la saison pluvieuse et la saison sèche.

5 12% produit dans la Vallée de l'Artibonite contre 8% pour toutes les autres régions

29

TM soit 87.10% et 88.66% consécutivement de la production rizicole totale de la République. La figure 3.1 qui suit nous donne une représentation de l'évolution de la production du riz en Haïti par région.

Figure 3.1 : Evolution de la production du riz en TM par Régions entre 2014 et 2017

250,000.00

200,000.00

150,000.00

100,000.00

50,000.00

0.00

135,029.96

Evolution de la production du riz en TM par region entre 2014 et 2017

2014 2015 2016 2017

131,958.34

Haïti Vallée de l'Artibonite Autres

116,218.38

172,113.71

156,139.65

228,894.00

202,982.00

25,912.00

Source : Calculs réalisés par l'auteur à partir des données du MARNDR (2018)

155,031.77

20,001.81

15,739.96

15,974.06

La riziculture haïtienne est caractérisée par une faible productivité (Lybbert, T.J., Turiansky, A & Etienne, J.R. 2017). De faibles rendements à l'hectare (MAEE & DGCID, 2008), soit une quantité qui varie entre 2 et 3 tonnes/h (CJ-Consultants, 2012) ont été enregistrés durant ces dernières années. Entre 2008 et 2011, parmi certains pays de la Caraïbe, Haïti a enregistré le rendement céréalier moyen le plus faible, soit 941.00 TM contre 2,325.00 pour le Cuba et 3,299.00 TM pour la République Dominicaine (FEWS NET, 2014). Cette faible productivité peut être expliquée par plusieurs facteurs parmi lesquels nous pouvons citer :

D'abord, l'utilisation des outils archaïques et peu diversifiés en Haïti en générale et dans la Vallée de l'Artibonite en particulier. En 2009, les résultats du Recensement Général de l'Agriculture (RGA) montrent que l'utilisation des équipements et matériels agricoles reste faible puisqu'un total de 2,733.00 tracteurs et 5,591.00 pompes d'irrigations seulement a été recensé (MARNDR, 2012). De plus, il parait qu'en 2010 les agriculteurs possédaient généralement une machette, une houe, une dérapine ou une pelle, ainsi, la préparation du sol se fait manuellement ou à l'aide de la traction animale (MARNDR, 2010b).

Ensuite, les riziculteurs haïtiens ont un faible accès aux services financiers (MARNDR, 2009). L'analyse des données publiées par le MARNDR relate que 74.9% des exploitants recensés en 2009 affirment que le manque de ressources financières est la cause fondamentale qui entrave le

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développement de leurs exploitations contre seulement 1.9%, soit 52,725.00, qui ont accès au crédit financier (MARNDR, 2012). De plus, il paraît que le système bancaire privé haïtien accorde moins d'1% du total des crédits alloués à l'économie aux activités agricoles en 2007 (MARNDR, 2010a). Créé en 1993, le Bureau de Crédit Agricole (BCA) est décapitalisé et n'accorde que 20% de ses prêts au secteur agricole. Le caractère saisonnier de l'agriculture combiné avec le taux de risque élevé et le délai de remboursement très court (mensuel) (FAO & PAM. 2010) sont les principales causes qui peuvent expliquer cette situation.

En outre, les intrants agricoles de qualité sont peu disponibles malgré les efforts de l'Etat haïtien qui les subventionne depuis le début des années 2000. Les subventions étatiques permettent de diminuer le prix de l'engrais de 300%, passant de 2000 Gourdes à 500 Gourdes le sac de 45 Kg entre 2008 et 2010 (FAO & PAM, 2010). Toutefois, nombreux sont les paysans haïtiens (37% environ) qui utilisent des grains tirés de leurs productions ou achetés sur le marché rural comme semences. 15% des ménages seulement utilisent des semences améliorées contre 61% des paysans n'ont aucun accès aux intrants agricoles de qualités (CNSA, 2011a).

Par ailleurs, la parcellisation de l'agriculture haïtienne est considérée comme l'une de ses contraintes majeures. Selon les données du MARNDR, en 2009, un total de 1,018,951.00 exploitations agricoles ont été recensées dans le pays. Elles se trouvaient sur un total de 736,241.50 carreaux de terre, ce qui signifie que la superficie de chaque exploitation agricole est de 0.72 carreaux de terres en moyenne. La quasi-totalité de ces exploitations sont de petite taille. Environ 73.9% se trouvent sur moins d'un carreau de terre. Chaque exploitation a en moyenne 1.8 parcelles. La superficie totale des parcelles s'élève à 768,439.4 carreaux de terres. Chaque parcelle a en moyenne une superficie de 0.42 carreaux de terre (MARNDR, 2012). Toujours selon les données du MARNDR, le département de l'Artibonite compte un total de 122,040.8 Carreaux de terre agricole pour un total de 163,588.00 exploitations, soit moins d'un carreau en moyenne par exploitation. De plus, une augmentation de la parcellisation accompagnée d'une diminution de la taille moyenne des parcelles a été constatée, passant de 1.55 hectares en 1950 à 0.75 et 0.5 hectares en 1979 et 1995 respectivement (Baptiste, BJ. 2005).

En fin, le mauvais état des infrastructures hydro-agricoles, causé par le désengagement de l'Etat et le passage à répétition des catastrophes naturelles telles les inondations, les cyclones... [(Georges, E.L. 2010) ; (MARNDR, 2010b) ; (FEWS NET, 2014)] est aussi considéré comme une contrainte majeure de la riziculture haïtienne (MPCE, 2008). Selon les inventaires du MARNDR, en 1999, 243 systèmes d'irrigation ont été identifiés, couvrant une surface de 75,000.00 hectares de terres. Le seul grand système irrigué de la république se trouve dans la Vallée de l'Artibonite, il

31

couvre 38,000.00 hectares de terres. Toutefois, ses infrastructures ont connu des détériorations avec la libéralisation de la riziculture haïtienne (MARNDR, 2009).

3.1.2 L'augmentation continue de l'importation

Avec la faiblesse de la production du riz, l'importation est considérée comme la première alternative pour satisfaire la demande de plus en plus croissante des ménages haïtiens. Avec un pourcentage avoisinant 90% venant principalement des Etats-Unis (FAO & PAM, 2010), elle satisfait 88% de la demande entre 2004 et 2008 (FEWS NET, 2014), 80% de la consommation en 2015 [(MARNDR, 2009) ; (MARNDR, 2015)] et elle représente 34% des importations alimentaires en 2010 [(CNSA, 2011b) ; (CJ-Consultants, 2012)]. Cette situation peut être élucidée par le poids important de l'importation du riz, environ entre 35,000.00 et 40,000.00 Tonnes par mois (PAM, 2012), dans le total des importations durant ces dernières années. En effet, avec un montant de 219,098,782.00 USD, représentant ainsi 8.20% du montant total des importations du pays en 2012, le riz vient en première position dans le top 20 des importations (CIRAD, 2016).

Vraisemblablement, cette situation commence avec la libéralisation rizicole du pays. L'analyse des données disponibles nous relate que durant les années 1961-66, Haïti était quasiment auto-suffisant en riz. La demande globale du riz (395,200.00 TM) a été satisfaite à 99.95% par la production (395,000.00 TM) contre seulement 0.05% du riz importé (200.00 TM) (Baptiste, BJ. 2005). Selon l'analyse des données de la FAO présentées dans la figure 3.2 suivante, la demande du riz augmente considérablement au fil du temps. Elle est passée de 135,910.00 TM en 1980 contre 136,195.00 TM en 1985. Durant cette même période, les importations ont diminuée de 56.79%, passant de 16,200.00TM en 1980 à 7,000.00 TM en 1985. La production quant à elle passe de 119,710.00 TM en 1980 à un total de 129,195.00 TM en 1985, soit une hausse de 7.92%. En effet, le début des années 1980 est marqué par des tentatives de libéralisation économique du pays. Le Président de l'époque (Duvalier fils) voulait, dit-il, faire la révolution économique du pays, contrairement à son père qui avait fait la révolution politique. Cette croissance relativement faible de la production du riz accompagnée de la baisse considérable des importations peut être expliquée par la reprise des mesures protectionnistes.

L'année 1986 est marquée par le début de l'application du Programme d'Ajustement Structurel (PAS). La demande du riz augmente de 79.08% entre 1985 et 1990, pourtant, la production est presque stagnante durant cette même période. Face à cette stagnation de la production et la hausse de la demande, nous avons assisté à une explosion de l'importation du riz en Haïti. Cette dernière est passée de 7,000.00 TM en 1985 à 114,000.00 TM en 1990. Par ailleurs, après le

32

Programme d'Ajustement Structurel (PAS) (1986), la création de l'OMC (1996) marque la deuxième vague de la libéralisation économique du pays. La demande de consommation des ménages (26.28%) ainsi que les importations (82.46%) augmentent avec cette dernière. Cependant, la production des riziculteurs haïtiens diminue de 23.02%. Elle est passée de 129,000.00 TM à 100,000TM entre 1990 et 1995. Entre 2000 et 2010, les importations continuent à augmenter. Elles sont passées de 252,010.00 TM à 465,613.00, soit une hausse de 84.76%. Contrairement à ces dernières, la production agricole augmente très faiblement (8.52%). Elle est passée de 130,000.00 TM en 2000 à 141,075.00 TM en 2010. Cette faible augmentation de la production du riz durant cette période est le résultat, paraît-il, du programme de subvention d'engrais mis en place par les dirigeants haïtiens. Il semble que la situation ne fait qu'empirer puisque, toujours selon les données de la FAO, la production du riz en Haïti était de 169,300.00 TM en 2013 contre 434,517.000 TM importé. Cette dernière représente 71.49% de la disponibilité alimentaire en Haïti en 2013 contre seulement 11.92% en 1980.

Figure 3.2: Evolution de la Production et de l'importation du riz en TM entre 1980 et 2013

400000

500000

300000

200000

100000

0

100000 105000

16200 7000 114000

1980 1985 1990 1995 2000 2005 2010 2013

Evolution de la production et de l'importattion du riz en TM en Haïti entre

1980 et 2013

119710 129195 129900 130000 141075

Production Importation

208000

252010

346104 465613

424517

169300

Source : Calcul de l'auteur à partir des données de la FAO (2018a) et FAO (2018b)

3.1.3 Une aide alimentaire relativement stable

Aux côtés de la production et de l'importation, l'aide alimentaire en riz est considérée comme la troisième composante de la disponibilité alimentaire en Haïti. Le total de l'aide alimentaire était fixé à un montant de 178,000.00 TM en 2000 contre seulement 68,000.00 TM en 1991, soit une hausse de 161.76% durant ces dix (10) années. A partir de cette date, l'aide

33

alimentaire s'est diminuée pour passer à des montants qui varient entre 100,000.00 et 110,000.00 TM par année (FEWS NET, 2014). Elle représente un taux de 3% de l'offre alimentaire hormis les années d'urgences humanitaires comme en 2004 (MAEE & DGCID, 2008). Accusant une augmentation de 71% par rapport au montant de 2008, l'aide alimentaire contribue à 8 points de pourcentage dans l'offre alimentaire du pays en 2010. Cette hausse peut être expliquée, entre autres, par l'augmentation de l'insécurité alimentaire des ménages de l'Air Métropolitaine de Port-au-Prince (AMP) suite au passage du tremblement de terre de 12 janvier 2010 (CNSA, 2011b). La figure 3.3 suivant donne une idée de l'évolution de l'aide alimentaire en Haïti pour la période allant de 2008 à 2012.

Figure 3.3 : Evolution de l'aide alimentaire en TM en Haïti entre 2008 et 2012

Evolution de l'aide alimentaire en TM en Haïti entre 2008 et 2012

196,647.00

76,522.00

 
 

2008 2009 2010 2011 2012

200,000.00

150,000.00

100,000.00

50,000.00

Source : Calculs de l'auteur à partir des données de FEWS NET (2014 : 19).

90,635.00

95,997.00

51,463.00

Dans presque tous les cas, l'aide alimentaire bilatérale est considérée comme un moyen pour que les pays donateurs puissent se débarrasser de leurs excédents de production et financent leurs agricultures. Des pays comme les Etats-Unis à travers l'USAID, la France par le billet de la Coopération Française, le Canada par l'intermédiaire de la Coopération Canadienne financent certains programmes d'aides, gérés par des Organisations Non Gouvernementales (ONG) telles CARE, CRS, ADRA et Action Contre la Faim (ACF). Le financement de ces programmes d'aide se fait à partir des céréales, particulièrement le riz acheté aux agriculteurs de ces pays (CNSA, 1996b). Certainement, cette aide contribue en partie à la résolution du problème de l'insécurité alimentaire en Haïti dans le court terme (MARNDR, 2010b), toutefois ce problème est d'ordre structurel. L'aide alimentaire persiste encore et elle contribue à la diminution de la production du riz de la Vallée de l'Artibonite (Baptiste, BJ. 2005) ainsi qu'à la dépendance alimentaire du pays par rapport aux marchés des pays donateurs (Perchellet, S. 2010).

34

3.2 Une demande du riz qui augmente avec la croissance démographique

L'analyse des données estimées de l'Institut Haïtien de Statistique et d'Informatique (IHSI), présentées dans la figure 3.1 ci-dessous, relate que la population haïtienne ne cesse d'augmenter pour la période allant de 2000 à 2014. Elle était estimée à 10,597,757.00 habitants en 2014 soit 1.3, 1.2 et 1.08 fois plus que celle de 2000, 2005 et 2010 respectivement. C'est une population relativement jeune puisque 38.5% de la population de 2003 avaient moins de 15 ans contre seulement 6.3% des gens âgés de 65 ans et plus. De plus, la moitié de la population avaient 21 ans durant cette même année. L'Ouest, l'Artibonite et le Nord sont les départements les plus peuplés.

Par ailleurs, la répartition de la population haïtienne selon le milieu de résidence et le sexe est soumise à de grandes modifications. Toujours selon les données de l'IHSI (2011), la population féminine est légèrement supérieure à celle des hommes durant toute la période considérée. Néanmoins, les disparités entre la population rurale et urbaine persistent. Le poids de cette dernière dans la population totale du pays augmente considérablement. Cette augmentation se fait au préjudice de la population rurale. Puisqu'il vit dans une situation de misère, l'agriculteur est obligé de laisser la campagne pour se rendre en ville à la recherche d'un aller-mieux soit dans le commerce soit dans l'industrie. Cette situation conduit à une baisse de 11.77% du poids de la population rurale dans la population haïtienne durant la période considérée. En 2000, sur chaque 100 haïtiens, 64.37 étaient ruraux contre seulement 55.6 en 2014. Il paraît évident que la migration interne soit dominée par le déplacement des ruraux vers les villes. En effet, avec la baisse de la part de la population rurale dans la population totale du pays, nous avons constaté une hausse de 8.77% de la population urbaine dans la population totale. Le poids de la population urbaine dans celle de la république passe de 35.63% à 44.40% entre 2000 et 2014.

Figure 3.4 : Evolution de la population haïtienne selon le milieu de résidence entre 2000 et 2014

Evolution de la population haïtienne par milieu de résidence

64.37

61.26

58.12

55.60

35.63

38.74

41.88

2000 2005 2010 2014

Urbain Rurale

70.00

65.00

60.00

55.00

50.00

45.00

40.00

35.00

30.00

Source : Calculs réalisés par l'auteur à partir des données de l'IHSI (2011)

35

Avec cette explosion démographique et le changement des habitudes de consommations des haïtiens, la demande du riz augmente considérablement. Cette demande est utilisée à 90% pour la consommation des ménages, toutefois, une faible proportion est exportée vers l'extérieur. Nous allons essayer de présenter les différentes composantes de la demande du riz en Haïti dans les lignes qui suivent.

3.2.1 L'augmentation sans précédente de la consommation du riz

Contrairement à la période Duvaliériste durant laquelle la consommation du riz était occasionnelle, surtout les dimanches ; les habitudes de consommations des ménages haïtiens ont changé considérablement avec la libéralisation économico-politique du pays. En effet, avant cette libéralisation, le riz était consommé par les familles riches se trouvant particulièrement en ville. Les familles relativement aisées en milieu rural consommaient le riz surtout dans des moments de festivités. Pour les petits agriculteurs, le riz était considéré comme un produit de luxe. Dans ces conditions, ils préfèrent de vendre leurs productions pour acheter d'autres céréales comme le sorgho et le maïs qui présentent un meilleur rapport calorie/prix (Victor, E. 2011). Avec la libéralisation agricole, la consommation du riz devient journalière et augmente considérablement en passant de 10% à 20% dans la consommation des ménages de 1992 à 2012 [(MARNDR, 2015) ; (Josling, T., Chanperon, W. & Le Turioner, J. 2017)]. De plus, considéré comme « l'aliment de base de la population haïtienne », Baptiste, BJ. (2005) relate que la consommation du riz en TM passe de 36,000.00 à 360,000.00 entre 1961 et 2005, soit une hausse de 900% durant la période considérée.

3.2.2 Une faible quantité exportée surtout vers les Etats-Unis

Paradoxalement, malgré l'insuffisance de la production du riz de la Valée de l'Artibonite pour satisfaire la demande de la population haïtienne, chaque année, une portion de cette production, aussi faible qu'elle soit, est exportée. Selon ce que rapporte le MARNDR (2015), entre juillet 2014 et juin 2015, Haïti arrive à exporter un total de 85.8 TM de riz. Plus de la moitié de cette quantité exportée, soit un total de 44.7 TM représentant un taux de 52.1%, a été dirigée vers les Etats-Unis contre 47.9% vers l'ensemble des autres pays importateurs. Etant un pays excédentaire en riz, la qualité presque bio de l'agriculture haïtienne parait comme la principale cause explicative de ce paradoxe.

3.3 La commercialisation du riz de la Vallée de l'Artibonite

Comme le montre la figure 3.5 suivante, la commercialisation du riz produit dans la Vallée de l'Artibonite est effectuée par quatre (4) catégories d'acteurs principaux. D'abord, les petits et

36

moyens riziculteurs qui vendent leurs productions soit sur le marché local après transformation soit à des intermédiaires commerciaux avant même la transformation. Ensuite, les intermédiaires commerciaux ruraux, appelés aussi « Madame Sarah locales ». Elles se sont souvent identifiées comme étant la femme du riziculteur. Elles achètent le riz avant transformation pour le transformer et le revend soit sur le marché local, celui des villes avoisinantes ou à des « Madame Sarah Urbaines ». Les « Gros commerçants » (grossistes) achètent le riz produit par les grands producteurs pour le transformer et vendre le riz décortiqué aux « Madame Sarah Urbaines », assez souvent à crédit avec des délais de paiement très longs. Les intermédiaires urbains emmagasinent le riz décortiqué au marché de la Croix-des-Bossales. Enfin, les détaillants qui se trouvent dans les grands marchés dans l'Air Métropolitaine de Port-au-Prince (AMP) achètent le riz stocké par les « Madame Sarah Urbaines » pour le revendre aux consommateurs finaux. Par ailleurs, d'autres intervenants dans la commercialisation du riz de l'Artibonite ont été identifiés. C'est le cas des Chauffeurs et des porteurs, qui aident les « Madame Sarah Urbaines » dans le transport et l'emmagasinage du riz, développant ainsi une relation de clientèle, appelée « pratique » avec ces dernières (CNSA, 1996a).

Figure 3.5 : Circuit de distribution du riz de la Vallée de l'Artibonite

Petits et Moyens

Producteurs

 
 

Grands

Producteurs

 
 
 
 
 
 
 
 
 
 

Transformateurs

Madan Sara

Urbaine

Madan Sara

Locale

Gros

Commercants

Dépots Croix-des-

bossales

Detaillants

Consommateurs

de provinces

Urbains

Detaillants

Consommateurs

Source : CJ-Consultants (2012 : 28).

37

3.4 Faible pouvoir de négociation des riziculteurs dans la formation des prix

Les riziculteurs et les associations de planteurs n'ont qu'un faible pouvoir de négociation auprès des intermédiaires commerciaux. Ces derniers jouent un rôle majeur dans la formation des prix du riz produit dans la Vallée de l'Artibonite qui ne dépend pas uniquement de la rencontre entre les courbes d'offre et de demande. Il parait plausible que les « Madame Sarah », venant particulièrement de Port-au-Prince, s'unissent entre elles pour fixer un prix unique aux riziculteurs. Donc, ce sont ces dernières qui fixent le prix des denrées cultivées par les agriculteurs sur leurs lopins (CJ-Consultants, 2012). Puisque leurs productions sont livrées à des prix très bas, nous pouvons affirmer que le système de commercialisation en vigueur est préjudiciable aux riziculteurs d'une façon générale et aux plus pauvres en particulier.

Par ailleurs, la situation financière des riziculteurs qui ne les permet pas d'assurer la transformation et le stockage de leurs productions les oblige à écouler la quasi-totalité du riz produit à une même époque. Ce caractère saisonnière de la riziculture haïtienne entraine un surplus dans les saisons de récoltes et diminue le prix de la livre de paddy de 40% soit un montant de 25 Gourdes contre 35 Gourdes dans le période de pénurie. A ces prix d'acquisition, il faut ajouter les différentes dépenses effectuées par les intermédiaires (Madame Sarah locale, Grossistes, Madame Sarah Urbaine et les détaillants) afin de déterminer le prix de vente du riz décortiqué. Dans de pareilles conditions, le prix des différentes variétés6 de riz produits dans la Vallée de l'Artibonite est instable et nettement supérieur par rapport à celui du riz importé. L'analyse des données du MARNDR (2015) relate que pour le département de l'Ouest, entre avril 2015 et janvier 2016, le prix du riz Shella augmente de 20% en passant de 78.7 Gourdes/Kg à 94.6 Gourdes/Kg contrairement à celui du riz importé (Tchaco) qui varie entre 38 Gourdes/kg et 42.8 Gourdes/Kg durant cette même période.

Toutefois, force est de constater que même en période de pleine récolte durant laquelle le prix du Paddy diminue, l'obtention des taux de marges très élevés par les « Madame Sarah Urbaines » ne permet pas la répercussion de cette baisse de prix sur les consommateurs finaux (CNSA, 1996a), d'où le choix, par rationalité économique de ces derniers, de consommer le riz importer que celui produit dans la Vallée de l'Artibonite.

6 TCS-10, M8, Malaika, Shella, Prosequisa 4, Shelda et Madame Gougous sont les variétés les plus cultivées.

38

Chapitre IV : Etude de cas ; la Vallée de l'Artibonite

A travers ce chapitre, nous voulons démontrer la relation qui existe entre la baisse des droits des douanes en faveur du riz importé et le revenu des riziculteurs de la Vallée de l'Artibonite. Il est divisé en trois parties. Il s'agit dans un premier temps de présenter la Vallée de l'Artibonite tout en mettant en lumière son importance dans la production de denrées alimentaires du pays. Dans un deuxième temps, il est question d'exposer la méthodologie utilisée pour effectuer l'investigation. Dans un troisième et dernier temps, nous allons analyser les données recueillies.

4.1 La Vallée de l'Artibonite : le grenier de la République

La République d'Haïti occupe le tiers de la partie occidentale de l'île et est formée de 10 départements géographiques pour une superficie de 27,750.00 Km2 (MARNDR, 2010b). Sa superficie agricole est estimée à 8,325.00 Km2, soit 30% de la superficie totale du pays (Duvivier, P. & Corantin, H. 2011). Le secteur agricole contribue à hauteur de 22% dans la formation du PIB en 2013 (FAO, 2015).

Avec une superficie de 4,887.90 Km2, l'Artibonite est l'un des plus vastes des 10 départements géographiques du pays. Sa population est estimée à 1 571 020 habitants en 2009, pour une densité de 321 habitants par Km2 (IHSI, 2009b). Aux côtés de l'Ouest et du Nord dans lesquels vivent 37% et 10% de la population haïtienne respectivement en 2003, avec un pourcentage de 16%, l'Artibonite figure parmi les départements les plus peuplés (FAO & PAM, 2010). Il est formé de 5 arrondissements et 15 communes7 ; et divisé en haut et bas Artibonite. Ses principales activités économiques sont l'agriculture, l'élevage, la pèche et les mines (IHSI, 2015). Les transferts d'argents des émigrés haïtiens est l'une des principales sources de revenus pour les Artibonitiens (Victor, E. 2011).

Avec ses deux principaux cours-d 'eaux (le fleuve de l'Artibonite et la rivière de l'Estère), la Vallée de l'Artibonite est la zone la plus productive de denrées alimentaires du pays [(Georges, E.L. 2010) ; (Victor, E. 2011)]. L'analyse des données publiées par le MARNDR relate que le département de l'Artibonite est le grenier de la République (MARNDR, 2014), surtout en matière de céréales et de légumineuses. Toutefois, ses ressources agricoles ne sont pas totalement exploitées puisque sur un total de 36,000.00 hectares de terres irrigables, seulement 25,000.00 hectares irrigués ont été mis en valeur (FAO & PAM, 2010).

7 Les communes du département de l'Artibonite sont: Gonaïves, Ennery, Estère, Gros Mornes, Terre Neuve, Anse Rouge, Saint-Marc, Verettes, La Chapelle, Dessalines, Petite Rivière de l'Artibonite, Grande Saline, Desdunes, Marmelades, Saint-Michel de l'Attalaye

39

Pour la campagne de printemps 2016, une quantité évaluée à 76,599.08 TM de riz, soit un totale de 87.13% de la production totale du pays (87,914.68 TM) se concentrent au niveau de la Vallée de l'Artibonite. Cette situation a été aussi constatée pour des produits comme le maïs dont 24.93% de la production, soit 22,095.21 TM sur un total de 88,622.63 TM, sont cultivées dans le département de l'Artibonite contre 14.36%, 10.97% et 12.63% et 11.27% pour les départements de l'Ouest, du Sud, du Centre et du Sud-Est consécutivement. Le sorgho étant considéré comme la troisième céréale la plus cultivée en Haïti, sa production est aussi concentrée dans le département de l'Artibonite à hauteur de 57.92% pour une quantité 6,791.76 TM produite durant cette campagne. Pour ces trois céréales, sur un total de 183,329.07 TM, l'Artibonite à elle seule arrive à contribuer à hauteur de 56% représentant ainsi 102,627.85 TM. Le tableau 4.1 suivant permet d'élucider la situation précitée.

Tableau 4.1 : Production des principales céréales en TM et en pourcentage (%) par département pour la campagne printemps 2016

 
 
 
 
 
 
 
 
 
 

Ouest

12,727.84

14.36

885.26

1.01

2,686.29

 

Sud-Est

9,985.53

11.27

31.39

0.04

18.35

 

Nord

7,056.48

7.96

784.91

0.89

 
 

Nord-Est

2,075.22

2.34

3,766.45

4.28

 
 

Artibonite

22,095.21

24.93

76,599.08

87.13

3,933.56

 

Centre

11,190.39

12.63

815.94

0.93

1.62

 

Sud

9,725.06

Maïs

10.97

1,903.68

Riz

2.17

86.85

 

Département

Grande-Anse

Quantité

4,789.69

5.40

Quantité

147.18

0.17

Quantité

 

Nord-Ouest

5,129.56

%

5.79

 

%

62.40

 

Nippes

3,847.65

4.34

2,980.79

3.39

2.69

 

Total

88,622.63

100.00

87,914.68

100.00

6,791.76

 

Source : MARNDR (2016 : 5)

Sorgho

%

39.55

0.27

-

-

-

-

57.92

0.02

1.28

-

-

-

-

0.92 0.04 100.00 Ce même cas de figure a été constaté quand l'analyse de la production des principales légumineuses a été effectuée. Comme le montre le tableau 4.2 ci-dessous, 28.91% de la production des haricots se concentrent au niveau de l'Artibonite. En effet, durant la campagne printemps 2016, les agriculteurs de la Vallée de l'Artibonite arrivent à produire 12,918.62 TM d'haricots sur un total de 44,688.30 TM produit en Haïti. Parallèlement, la production de « Pois Congo8 » pour cette même campagne a été évaluée à 9,152.25 TM en Haïti. 56.08% de cette production, soit un total de 5,132.50 TM sont assurées par les agriculteurs Artibonitiens. Concernant les Arachides, les départements du Centre (4,600.57 TM), de l'Artibonite (4,584.40 TM) et du Nord-Est (3,365.43

8 Le Pois Congo est une variété de pois cultivée en Haïti

40

TM) arrivent à produire plus de 80% de la quantité totale (15,460.97 TM) avec des pourcentages de 29.76%, 29.65% et 21.77% respectivement. Toujours selon le MARNDR (2016), l'Artibonite assure une bonne part dans la production de certaines denrées vivrières comme la patate (21.80%), le manioc doux (10.88%) et la production de banane pour laquelle il se trouve en première position (24.36%) pour la campagne de printemps 2016.

Tableau 4.2 : Production de principales légumineuses en TM et en pourcentage (%) par département pour la campagne printemps 2016

 
 
 
 
 
 
 
 
 
 

Ouest

5,273.27

11.80

3.03

0.03

691.16

 

Sud-Est

4,702.51

10.52

35.66

0.39

141.44

 

Nord

3,497.32

7.83

316.83

3.46

911.49

 

Nord-Est

1,536.55

3.44

429.39

4.69

3,365.43

 

Artibonite

12,918.62

28.91

5,132.50

56.08

4,584.40

 

Centre

4,471.76

10.01

69.22

0.76

4,600.57

 

Sud

3,546.98

7.94

176.77

1.93

232.96

 

Grande-Anse

5,298.38

11.86

2,716.03

29.68

12.32

 

Nord-Ouest

1,423.44

3.19

121.68

1.33

632.34

 

Nippes

2,019.47

4.52

151.14

1.65

288.86

 

Total

44,688.30

Haricot

100.00

9,152.25

Pois Congo

100.00

15,460.97

 

Département

Quantité

Source : MARNDR (2016 : 8)

Arachide

%

Quantité

%

Quantité

%

4.47 0.91 5.90 21.77 29.65 29.76 1.51 0.08 4.09 1.87 100.00 4.2 Méthodologie de l'entretien

Cette partie du travail est consacrée à l'exposition du cheminement méthodologique. Il est question, d'abord d'élucider la démarche utilisée afin de pouvoir réaliser les entretiens. Ensuite, nous allons procéder à la présentation et l'analyse des résultats obtenus.

4.2.1 Démarche

Etant une démarche rationnelle, la recherche scientifique est composée de deux parties : l'exploration et l'investigation (ACFAS, 2006). Il existe trois (3) modes d'investigation à la disposition des chercheurs permettant de construire de nouvelles connaissances. L'investigation peut être une approche qualitative, quantitative ou mixte (Lamiaa, B. 2014). Définie assez souvent en opposition par rapport à l'approche quantitative, bien qu'elles soient complémentaires, l'approche qualitative est utilisée pour « recueillir des données verbales f...] permettant une démarche interprétative » (Aubin-Auger, I. & al. 2008 :2).

L'entretien est l'une des techniques de collecte de données qualitatives les plus utilisées afin de mieux comprendre le comportement et la motivation des individus. Il doit être réalisé en tenant

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compte des hypothèses et de l'objet de recherches, ainsi que du contexte sociale de l'interviewé. Il entraine l'interaction entre ce dernier et le chercheur, sans oublier l'existence des rapports sociaux entre eux, donc il est différent d'un simple questionnaire. Il permet de compléter les données qui existent afin de pouvoir actualiser certains indicateurs et vérifier la validité des hypothèses posées. Les entretiens peuvent être directifs, semi-directifs ou libres (non-directifs) (Lefèvre, N. 2014).

L'objectif de cette recherche est d'analyser l'impact de la baisse des droits de douanes en faveur du riz importé sur le revenu des riziculteurs de la Vallée de l'Artibonite. Pour atteindre l'objectif fixé, nous avons formulée la question de recherche qui suit : Comment le revenu des riziculteurs de la Vallée de l'Artibonite évolue-t-il avec la baisse des droits de douanes sur le riz importé ? En réponse à cette question, nous avons posé les hypothèses suivantes :

1. Plus les droits de douanes sur le riz importé diminuent, plus le revenu des riziculteurs de la Vallée de l'Artibonite diminue.

2. Plus la corruption augmente, plus le revenu des riziculteurs de la Vallée de l'Artibonite diminue.

Nous avons opté pour les entretiens individuels libres afin d'avoir une compréhension approfondie de cette problématique. D'abord, nous avons utilisé des documents rédigés par certaines institutions (MARNDR, CNSA, FAO...) ayant fait des recherches sur le sujet. Ensuite, un guide d'entretien9 a été utilisé afin de recueillir des données qualitatives concernant la compréhension personnelle des interviewés sur le sujet. Toutefois, les informations symboliques (gestes, impressions....) ne pouvaient pas être considérées puisqu'hormis le premier, nous avons réalisé la totalité des entretiens par écrit ou par l'envoi de messages vocaux. Cette situation est le résultat de la distance qui nous sépare du territoire d'étude (Vallée de l'Artibonite) et de la connexion internet qui n'est pas de bonne qualité. Nous avons réalisés 8 entretiens libres, d'une durée comprise entre 30 et 45 minutes, dont deux (2) par email (textuel) et six (6) par WhatsApp Messenger (textuel et orale). Et enfin, nous avons effectué une analyse de contenu pour les entretiens réalisés afin de prendre en compte les propos des interviewés de façon la plus fiable et objective que possible.

Pour réaliser les entretiens, nous avons élaboré un guide d'entretien contenant les différents thèmes faisant partie de nos question et hypothèses de recherches. Des questions ouvertes ont été formulées afin de recueillir le maximum d'informations possibles. Les personnes interviewées pouvaient exposer leurs points de vue en toute sérénité et, en cas du non épuisement de l'ensemble

9 Vous trouverez le guide d'entretien en annexe

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des thèmes, des questions supplémentaires ont été formulées afin de relancer le débat. En outre, un prétest a été réalisé auprès de deux étudiants de l'Université d'Etat d'Haïti (FDSE et FAMV) afin de s'assurer de la bonne articulation des questions et de faciliter la bonne compréhension des répondants.

Des personnes évoluant dans le secteur rizicole haïtien ou qui sont impliquées directement dans la production, la transformation et/ou la commercialisation du riz de la Vallée de l'Artibonite ont été ciblées au préalable. Nous avons fait varier le profil des interviewés afin de garantir la diversification des points de vue. Malgré les difficultés auxquelles nous nous sommes confrontées, nous avons réussi à interviewer huit (8) personnes à savoir : trois (3) riziculteurs dont une femme, un (1) cadre de l'IICA, un (1) consultant indépendant du MCI, un (1) cadre de l'ODVA, un (1) professeur de marketing agricole à l'université, et un (1) Economiste Agricole.

Les principes de l'anonymat et de la confidentialité ont été garantis et aucune forme de pression n'a été exercée sur une personne quelconque afin qu'elle puisse participer. Nous n'avons pas la possibilité de passer un contrat écrit, toutefois, nous avons pris le soin d'expliquer à nos répondants que les informations recueillies seront utilisées seulement dans le cadre de la rédaction de notre travail, et qu'ils ont droit à une synthèse du document. Nous avons confrontées les données venant des différentes sources (Documents écrits et les entretiens) et nous avons considéré les concepts utilisés dans la formulation de nos question et hypothèses de recherches comme unités de codage.

Lors de la réalisation de ce travail, des difficultés ont été rencontrées. Nous sommes en Bulgarie et notre cas d'étude est la Vallée de l'Artibonite (Haïti). Nous sommes obligés de déposer le Travail de Fin d'Etude (TFE) au mois de mai 2018, donc, nous n'avons ni li temps ni les ressources financières nécessaires pour aller en Haïti afin de recueillir les données nécessaires. Il était question, dans un premier temps, de réaliser une enquête quantitative aux près des riziculteurs de la Vallée de l'Artibonite. Etant à distance, il n'existe que peu de moyens disponibles qui peuvent être utilisés afin d'entrer en contact avec ces derniers. Nous avons tenté de réaliser l'enquête par internet. Malheureusement, la majeure partie des agriculteurs haïtiens ont un accès très limité à l'internet à cause de leurs situations économiques. De plus, nombreux sont ceux qui ne savent ni lire ni écrire. Dans ces conditions, il est très difficile de réaliser une enquête à distance. Après la considération de toutes ces possibilités, nous avons choisi de réaliser des entretiens individuels aux près des personnes-ressources10.

10 Ce sont les documentalistes ou techniciens de références. Ils maitrisent le sujet par leurs expériences et ils peuvent nous informer sur le comportement de plusieurs groupes cibles spécifiques.

43

4.2.2 Objectif

L'objectif de la réalisation de ces entretiens est de pouvoir compléter les données préexistantes au niveau du MARNDR et de ses partenaires sur la riziculture dans la Vallée de l'Artibonite. Une série de questions standards ont été formulées aux répondants afin d'avoir une perspective détaillée et profonde de la réalité. Des informations concernant le revenu des riziculteurs Artibonitiens suite à la baisse des droits de douanes en faveur du riz importé ont été recueillies. Ces données supplémentaires nous permettent d'établir la relation entre la théorie exposée et ce qui se passe réellement sur le terrain afin de vérifier la validité des hypothèses posées.

4.2.3 Présentation des résultats

Les discutions effectuées lors de la réalisation des entretiens ont été portées sur les thèmes qui se trouvent dans nos question et hypothèses de recherches. Pour avoir l'opinion des interviewés sur les thèmes qui ont été insérés dans le guide d'entretiens, huit (8) questions principales ont été formulées. Néanmoins, il faut souligner que, selon la réponse du répondant, d'autres questions secondaires lui ont été adressé afin qu'il puisse donner son avis sur la totalité des thèmes. Nous allons, dans les lignes qui suivent, présenter le contenu des entretiens réalisés.

Entrevue # 1 Réalisé avec un Economiste agricole en date du 22 décembre 2017

Selon cet interviewé, la libéralisation de la riziculture haïtienne commence à partir de 1991. Elle préconise le désengagement des pouvoirs publics dans les échanges des denrées agro-alimentaires. Il relate que cette libéralisation repose sur la baisse des tarifs douaniers, l'élimination des barrières non douanières et la non subvention étatique. Il pense qu'elle fragilise la situation économique des riziculteurs de la Vallée de l'Artibonite puisqu'elle contribue à la diminution de leurs productions. Selon lui, les producteurs de riz de la Vallée de l'Artibonite sont dans l'impossibilité d'écouler leurs productions, malgré une baisse continue de ces dernières. Toujours selon l'interviewé, cette situation peut être expliquée par la non compétitivité des riziculteurs haïtiens. Les véritables bénéficiaires de cette politiques sont les importateurs et, dans une moindre proportion les consommateurs. Aux côtés de la libéralisation de la filière riz, l'insécurité foncière, parcellisation des terres et la faible existence des infrastructures agricoles participent aussi à la baisse du revenu des riziculteurs au niveau de la Vallée de l'Artibonite.

Entrevue # 2 Réalisé avec un Professeur de marketing agricole Le 28 janvier 2018

Pour cet interviewé, la libéralisation agricole intervient après l'application du Programme d'Ajustement Structurel au milieu des années 1980. Elle est caractérisée par le désengagement de

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l'Etat et la diminution des tarifs douaniers, passant de 50% en en 1980 à 3% en 1996. Elle favorise l'importation du riz étranger au détriment de la production locale. Selon lui, les ménages haïtiens font leurs choix de consommations en fonction du prix. Il juge que le revenu des riziculteurs, dont la principale source est la vente de leurs productions, diminue au fil du temps. Il pense que l'Etat haïtien doit réviser sa politique commerciale afin de contribuer à la hausse du revenu des riziculteurs par une hausse de la quantité produite.

Entrevue # 3 Réalisé avec un Consultant indépendant du MCI le 12 février 2018

Ce cadre du Ministère du Commerce et de l'Industrie (MCI) souligne que la libéralisation agricole est liée d'une part à l'inexistence de façon formelle de la politique agricole du pays et d'autre part, au contexte de la globalisation. Selon lui, elle a un effet néfaste sur le revenu des riziculteurs de la Vallée de l'Artibonite. Toutefois, il stipule que cette baisse du revenu n'est pas liée seulement à la libéralisation du commerce. Il faut prendre en compte le comportement des importateurs haïtiens et la politique extérieure des partenaires commerciaux dans le cadre de l'analyse de l'évolution du revenu des riziculteurs haïtiens. Il pense que des « droits compensateurs » doivent être utilisés afin de contrebalancer les effets de la libéralisation sur le revenu de ces riziculteurs. Cependant, il faut tenir compte des règles de l'OMC en vigueur et de la capacité des riziculteurs haïtiens à répondre à la demande de consommation de la population.

Entrevue # 4 Réalisé avec un Riziculteur de l'Estere le 19 février 2018

Ce riziculteur considère la libéralisation de l'agriculture haïtienne comme un « poison violant » ; elle tue la production et entraine une baisse de son revenu. Une situation qui l'a découragé. Il souligne le désengagement de l'Etat, le mauvais état des canaux d'irrigations et la prédominance du secteur privé dans la commercialisation de l'engrais, comme les causes de l'augmentation de son coût d'exploitation. Pour lui, l'amélioration du revenu des riziculteurs nécessite une intervention de l'Etat dans les infrastructures hydro-agricoles afin de faciliter leurs accès à l'eau et l'amélioration de l'accès aux intrants agricoles à coût réduit.

Entrevue # 5 Réalisé avec une rizicultrice de Desdurnes le 20 février 2018

Cette agricultrice relate que son coût d'exploitation augmente avec la baisse des droits de douanes sur le riz importé. Cette hausse du coût résulte, selon lui, de l'augmentation des prix du sac d'engrais, de la main-d'oeuvre et du transport. Elle n'a pas accès aux services financiers, dit-elle, condition nécessaire pour investir et améliorer la productivité des parcelles cultivées. Pour elle, les

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coopératives créées pour financer la production du riz de la Vallée de l'Artibonite favorisent les grands planteurs, au détriment des petits. Parallèlement, les recettes agricoles diminuent avec la baisse de la production, souligne-t-elle. Elle relate que le caractère irrégulier de l'entretien des infrastructures agricoles, contrairement aux années 1980 durant lesquelles les pouvoirs publics les entretiennent au moins deux fois par année, et l'accès limité aux intrants agricoles à prix réduit sont, entre autres, les causes de la baisse de leurs productions et de leurs revenus.

Entrevue # 6 Réalisé avec un Riziculteur de Petite Rivière le 21 février 2018

Pour lui, la situation économique des riziculteurs de la Vallée est très critique. Ils ne peuvent pas écouler leurs productions malgré la faible quantité produite. Cette situation est liée à un taux de taxation trop faible appliqué sur le riz importé, ce qui est selon lui, la pire des choses qui puisse arriver à l'agriculture haïtienne. Il pense que l'Etat doit encadrer les riziculteurs afin de leurs faciliter l'accès à l'eau et aux intrants agricoles. Par ailleurs, il souligne qu'une prise de conscience et la mise en place d'une volonté commune est nécessaire pour améliorer les conditions économiques de cette tranche sociale.

Entrevue # 7 Réalisé avec un cadre de l'ODVA le 2 mars 2018

Ce cadre de l'ODVA pense que la libéralisation de l'agriculture haïtienne, marquée surtout par la baisse des droits de douanes, contribue à la paupérisation des riziculteurs. Elle entraine une baisse de leurs revenus et les découragent. Il souligne que certains agriculteurs se sont obligés de laisser la culture de la terre puisqu'ils ne peuvent pas répondre aux besoins de leurs familles. Une réforme foncière et l'investissement de l'Etat dans les infrastructures hydro-agricoles par la mise en place d'un plan de développement agricole inclusif sont nécessaires à l'augmentation du revenu des riziculteurs selon lui.

Entrevue # 8 Réalisé avec un cadre de l'IICA le 4 mars 2018

Selon ce cadre de l'Institut Interaméricain de Coopération pour l'Agriculture (l'IICA), la libéralisation marque la fin de monopole. Au milieu des années 1980, les dirigeants haïtiens ont baissé de façon drastique les droits de douanes sur l'importation du riz. Ils ont procédés parallèlement à la réouverture des ports des villes de provinces qui ont été fermés durant les années 1950. Cette situation a entrainé une hausse de l'importation et de la contrebande, toujours selon l'interviewé. Il pense que cette libéralisation accompagnée avec d'autres faits comme les conflits terriens pénalisent le revenu des riziculteurs de la Vallée de l'Artibonite. Contrairement à ses

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derniers, les importateurs haïtiens ainsi que les planteurs des pays exportateurs sont les principaux bénéficiaires de cette politique.

4.3 Analyse des résultats

Cette partie du travail est très importante dans la mesure où elle nous permet de comprendre la problématique afin de formuler les propositions nécessaires. Dans les lignes qui suivent, la réponse des différentes questions qui ont été formulées dans le guide d'entretien seront analysées.

4.3.1 Libéralisation de la riziculture haïtienne

La libéralisation économique de la République d'Haïti débute en 1986 avec l'application du Programme d'Ajustement Structurel (PAS) de la Banque Mondiale (BM) et du Fond Monétaire International (FMI). La libéralisation de l'agriculture quant à elle commence en 1994 avec la signature de l'accord sur l'agriculture du cycle de l'Uruguay. Avant cette date, le libéralisme commercial n'avait pas pris en compte l'échange des denrées agricoles. Le néolibéralisme, depuis après la seconde guerre mondiale, suivi des deux crises pétrolières et l'effondrement du bloc socialiste en Europe, préconisait le désengagement de l'Etat dans l'économie.

La libéralisation de la riziculture haïtienne est une question très complexe. Avec l'application du PAS, Haïti a procédé à l'ouverture de son marché interne à partir de l'abaissement significatif des droits de douane sur l'importation du riz et du démantèlement de certaines mesures protectionnistes applicables. L'analyse des données recueillies relate que des droits de douanes de 50% et 35% ont été appliqués sur le riz importé entre 1950 et 1980 respectivement contre seulement 3% depuis le début des années 199011.

Parallèlement, les dirigeants haïtiens ont éliminé certaines subventions directes qui ont été accordées aux agriculteurs afin de leur permettre d'avoir un revenu raisonnable (Vivas, E. 2010). Ils ont procédé à la réouverture des ports des villes de provinces qui ont été fermés avant les années 1980 et ont privatisé certaines entreprises étatiques figurant parmi les plus rentables, comme la Minoterie d'Haïti et Huilerie ENAOL. De plus, les planteurs interviewés soulignent le désengagement des dirigeants haïtiens dans l'entretien des infrastructures agricoles. Selon eux, avant 1986, l'Etat haïtien assurait l'entretien des canaux d'irrigations aux moins deux fois par année, contrairement à cette période.

11 Informations recueillies auprès du cadre de l'IICA le 04 mars 2018

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4.3.2 La baisse du revenu des riziculteurs

Vraisemblablement, le revenu des riziculteurs de la Vallée de l'Artibonite diminue au fil du temps [(CNSA, 1996a) ; (CJ-Consultants, 2012)]. Comme vous pouvez le constater dans le tableau 4.3 qui suit, entre 1996 et 2012, le revenu brut d'exploitation agricole12 a enregistré une baisse de 263.86 USD. Il est passé de 713.78 USD à 449.92 USD, soit une diminution 36.97 % pour la période considérée.

Cette variation négative du revenu des agriculteurs (-36.97%) est le résultat, entre autres, d'une faible augmentation (16.17%) du produit brut d'exploitation (Rendement à l'hectare x prix de vente). En effet, le rendement à l'hectare de la riziculture de la Vallée de l'Artibonite reste très faible et diminue de 0.65% durant la période considérée. Il est passé de 4,026.11 Kg/ha en 1996 contre 4000.00 Kg/ha en 2012. Toutefois, nous avons assisté à une hausse du prix de vente du Kg de paddy. Ce dernier est passé de 0.30 USD en 1996 à un montant de 0.35 USD en 2012, donc une hausse de 16.93% durant cette même période.

Parallèlement, les coûts d'exploitations à l'hectare augmentent considérablement. Ils ont passés de 507 USD à un total de 968.30 USD en 1996 et 2012 respectivement, soit une hausse de 90.99%. Selon les riziculteurs interviewés, pour cultiver une parcelle13, ils doivent faire face à plusieurs coûts dont les plus récurrents, sont « les intrants agricoles, la main-d'oeuvre, la préparation du sol, le transport et la rente foncière».

Il a été démontré que les intrants agricoles (engrais et semence) dont le marché est dominé par le secteur privé, représentent des coûts énormes pour les riziculteurs de la Vallée de l'Artibonite. En effet, depuis le début des années 2000, l'Etat haïtien cherche à stimuler la production agricole du pays par la mise en place d'une politique de subvention d'engrais. Avec l'application de cette politique, une hausse de la consommation d'engrais au niveau de la Vallée de l'Artibonite, la plus grande zone de production agricole du pays, a été constatée. Durant la période allant de 2004 à 2008, 15,000.00 TM d'engrais ont été consommées contre 32,000.00 TM en 2008-09 et 50,000.00 TM en 2010 (MARNDR, 2014b). Toutefois, les riziculteurs interviewés relatent que la quantité d'engrais subventionnée est insuffisante pour répondre à leurs besoins. Selon eux, pour cultiver un lopin de terre, ils ont besoin de « 6 sac d'engrais14 » environ. Or, le gouvernement haïtien, par le biais de la « Caravane Changement » a subventionné seulement 2 sacs de 50 Kg d'engrais en 2017. Pour les autres 4 sacs, il faut les acquérir à des prix très élevés.

12 Dans la majeure partie des cas, le propriétaire foncier est différent de l'exploitant agricole.

13 En moyenne les parcelles sont inférieures à un (1) hectare de terre

14 Informations recueillies auprès d'un riziculteur de la Vallée de l'Artibonite le 19 février 2018

48

Par ailleurs, le coût de la main-d'oeuvre agricole augmente considérablement. Selon les résultats du Recensement Général Agricole de 2009, la quantité de travail agricole du département de l'Artibonite a été estimée à un totale de 694,473.00 dont 2.4% salariés permanents (16,662.00). En dépit du fait que l'exploitation agricole soit assurée à 97% par les membres de la famille, dont 59.4% de façon permanente (412,811.00) et 38.2% aides familiales (265,000.00), force est de constater que les dépenses salariales augmentent considérablement (MARNDR, 2009). Cette situation est le résultat, entre autres, de la hausse du salaire minimum haïtien depuis le début des années 2000. En effet, le prix d'une journée de travail (8h) était fixé à 36 Gds en 2001 contre 70 Gds en 2003 et 200 Gds en 2010 (BRIT, 2012). Cette hausse des coûts salariaux pénalise le revenu des riziculteurs et devant l'incapacité de s'adapter, certains agriculteurs pratiquent le « konbit15 ».

En outre, la mécanisation de la riziculture de la Vallée de l'Artibonite est relativement faible. La majorité des riziculteurs utilisent des outils archaïques et préparent leurs terres de façon manuelle ou à l'aide de la traction animale. Seulement 4.40% des exploitants agricoles de la Vallée de l'Artibonite utilisent des Motoculteurs en 2009 (MARNDR, 2009). Généralement, les services de mécanisation sont assurés par le secteur privé des affaires, et ceci, à des prix très élevés.

De plus, le transport de la production reste un handicap majeur pour les riziculteurs. Le mauvais état des infrastructures routières et la position de certaines parcelles entrainent des coûts de transport très élevés. Certains riziculteurs utilisent les services d'un motard et paient des sommes allant jusqu'à 6016 Gds par sac de 50 Kg de paddy. D'autres au contraire, préfèrent de vendre leurs productions sur les parcelles afin de minimiser les dépenses de transport et de transformation. Dans ses conditions, le prix de vente appliqué est relativement faible, puisque les planteurs n'ont qu'un faible pouvoir de négociation auprès des intermédiaires commerciaux.

Tableau 4.3 : Evolution du revenu brut d'exploitation agricole entre 1996 et 2012

 

Coût de Production

Rendement à l'ha (Kg)

Prix de vente

0.30

Produit brut

713.78

1996

507.00

4,026.11

0.35

1220.77

449.92

2012

968.30

4,000.00

16.93

1418.22

 

%

90.99

(0.65)

 

16.17

(36.97)

Marge Brute

Sources17 : Calcul de l'auteur à partir des données de la CNSA (1996a :7) et de CJ-Consultants (2012 :16).

15 C'est une forme traditionnelle d'organisation de travail dont celui qui invite donne des repas et de boissons en contrepartie au travail. C'est une forme d'aide réciproque

16 Informations recueillies auprès d'un riziculteur de la Vallée de l'Artibonite le 21 février 2018

17 Nous avons considéré les taux de change de la BRH afin de convertir les données disponibles en DUS.

49

4.3.3 Les contraintes de la riziculture de la Vallée de l'Artibonite

Comme nous l'avons déjà souligné au début de ce chapitre, la Vallée de l'Artibonite représente la principale zone de production des denrées agricole du pays. 80% de la production du riz et des autres céréales cultivées, plus de la moitié des légumineuses ainsi qu'une bonne partie des denrées vivrières se sont concentrées dans cette zone. Pourtant, l'agriculture de la Vallée de l'Artibonite d'une façon générale, et sa riziculture en particulier fait face à de nombreuses contraintes. Ces dernières ont des effets néfastes sur la production rizicole et le revenu des riziculteurs de la zone.

D'abord, il semble que la complexité de l'administration foncière et la faiblesse administrative entraine des conflits fonciers de façon permanente dans la Vallée de l'Artibonite (OFPRA, 2014) et contribue à la perte de sa capacité productive. De l'occupation américaine (19151934), période durant laquelle des terres ont été distribuées aux agriculteurs pour combattre les groupes révolutionnaires ; passant par la création de l'ODVA avec l'usurpation des terres par des personnes influentes et proches du pouvoir politique ; jusqu'au moment où « Le leader macoute de l'Artibonite Zacharie Delva, allias Parrain, avait fait révoqué tous les titres de propriété pour devenir lui-même le propriétaire incontestable de la quasi-totalité de la surface des terres cultivables de la Vallée » (Levy, M. 2001 :2), les luttes pour la possession des terres entre les différentes classes sociales dans la Vallée de l'Artibonite ont entrainé de graves violences et de pertes énormes (Victor, E. 2011).

Ensuite, la riziculture haïtienne est caractérisée par des petites exploitations familiales (MARNDR, 2009). La croissance de la population entraine une hausse de nombre de parcelles avec pour effet, la diminution de leurs tailles. Cette dernière, conjuguée avec la situation économique des riziculteurs contribuent à la faiblesse de l'investissement. Selon les résultats de notre travail, les prêts bancaires alloués à l'agriculture sont très faibles, et des taux de remboursement très élevés ont été appliqués. Parallèlement, les investissements publics sont aussi faibles et diminuent considérablement. La dégradation des infrastructures agricoles ainsi que un faible accès aux intrants sont considérés comme les principaux effets de cette faiblesse de l'investissement public.

Enfin, les résultats de notre recherche soulignent l'existence de la mauvaise gestion des ressources hydrauliques. La Vallée de l'Artibonite est traversée par de très grands cours-d `eaux. Cependant, les riziculteurs interviewés relatent qu'ils ont un accès très limité à l'eau. Cela implique qu'ils cultivent leurs terres sous les caprices de la nature et ils ont enregistré des pertes énormes en cas de catastrophes naturelles.

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4.3.4 La corruption

Dans notre investigation, un accent particulier a été porté sur la corruption, tout en cherchant à établir le lien entre ce dernier et la baisse du revenu des riziculteurs de la Vallée de l'Artibonite. Il paraît vrai que la corruption ne date pas d'hier en Haïti. Elle traverse l'histoire de la République depuis son indépendance jusqu'à nos jours. Pourtant, il fallait attendre près d'un siècle après l'indépendance du pays, soit en 1903, pour assister à une prise de décision des dirigeants pour punir publiquement les actes de corruptions. Depuis après le fameux « procès de la consolidation », les tentatives de l'Etat haïtien pour sanctionner les corrompus sont quasiment inexistantes. Par ailleurs, l'analyse des données publiées par Tranceparency International montre qu'Haïti figure parmi les pays les plus corrompus au monde depuis 2002. Avec un Indice de Perceptions de la Corruption18 (IPC) toujours proches de 0, le pays se trouve dans le top des dix (10) pays les plus corrompus de façon permanente. Toujours selon Tranceparency International, en 2003, sur un total de 133 pays, Haïti était le troisième pays le plus corrompus de la planète avec un IPC de 1.5 (sur une échelle de 0 à 10). Une situation qui va être détériorée puisqu'en 2006, avec un IPC de 1.8, Haïti était le pays le plus corrompu sur un total de 163. Depuis lors, la situation s'est relativement améliorée. En 2017, le pays se trouvait à la 157e position sur un total de 180 pays. Toutefois, il porte toujours l'étiquette de l'un des pays les plus corrompus. Le tableau 4.4 suivant concernant l'évolution de l'IPC entre 2002 et 2017, nous permet d'expliciter la situation précitée.

Le tableau 4.4 : Evolution de l'Indice de Perceptions de la Corruption en Haïti entre 2002 et 2017

 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 

Année

IPC

Rang

Nombre de pays

2002

2.2

89

102

2003

1.5

131

133

2004

1.5

145

146

2005

1.8

155

159

2006

1.8

163

163

2007

1.6

177

180

2008

1.4

177

180

2009

1.8

168

 

2010

2.2

146

 

2011

1.8

175

 

2012

1.9

165

 

2013

1.9

2014

1.9

2015

1.7

2016

2

2017

2.2

Source : Tranceparency International

180 178 183 183

163

177

161

175

158

168

159

176

157

180

18 Selon Transparency International, l'IPC est un indice composite qui classe les pays en fonction du degré de corruption perçue dans les administrations publiques et la classe politique. Toujours selon lui, la corruption l'abus d'une charge publique à des fins d'enrichissement personnel.

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Pour pallier à ce problème, plusieurs décisions étatiques ont été prises durant la décennie 2000. Parmi eux, nous pouvons citer la création de: « l'Unité de Lutte Contre la Corruption (ULCC) et l'Unité Centrale de Renseignements Financiers19 (UCREF)» (ULCC, 2011 : 6). En plus de ces deux institutions, nous pouvons ajouter la Cours Supérieure des Comptes et du Contentieux Administratif (CSCCA) créée depuis 1823. Malheureusement, il semble que ses institutions sont très limitées puisque leurs impacts sur la corruption sont très restreints. En somme, les résultats de notre travail relatent que la libéralisation de la riziculture haïtienne entraine la hausse de la contrebande avec la réouverture de l'ensemble des ports des villes de province qui ont été fermés avant 1986. Cependant, bien qu'Haïti reste l'un des pays les plus corrompus, nous ne sommes pas en mesure à établir le lien entre la corruption et la baisse du revenu des riziculteurs artibonitiens. Ce qui nous met dans l'impossibilité de vérifier la validité de l'hypothèse 2

4.3.5 Les parties prenantes

Lors de notre travail de terrain, il était question d'identifier les groupes d'individus qui influencent la production du riz au niveau de la Vallée de l'Artibonite. Les résultats de notre investigation montrent que les riziculteurs des pays exportateurs sont l'un des premiers groupes de personnes qui influencent la riziculture haïtienne. Avec la libéralisation agricole du pays, leurs exportations augmentent considérablement. Toutefois, les prix appliqués sur le marché haïtiens sont inférieurs à leurs coûts de productions, puisque dans certains cas, ils reçoivent des subventions à l'exportation de la part de leurs gouvernements. Il paraît vraie que la politique de dumping appliquée par certaines puissances agricoles pénalise le revenu des riziculteurs de la Vallée de l'Artibonite, puisqu'ils ne peuvent plus écouler leurs productions.

Nous avons ensuite identifié un deuxième groupe d'individus qui tirent des bénéfices dans l'application de cette politique. Ce sont des commerçants haïtiens très influents et proches du pouvoir politique. Ils reçoivent des franchises douanières et importent le riz en fonction de la demande solvable. Ils sont peu nombreux et ils influencent le prix du riz sur le marché local. Par ailleurs, il faut souligner le fait que dans une certaine mesure, une baisse du prix du riz en faveur des consommateurs [non producteurs] a été constatée avec la mise en place de cette nouvelle politique. Néanmoins, il se pose le problème d'accès inéquitable aux denrées agricoles selon le milieu de résidence et la situation économique. De même que le marché mondial du riz, celui d'Haïti a les caractéristiques d'un oligopole. Il est concentré entre les mains de 3 à 5 familles [importateurs]

19 L'Unité Centrale de Renseignement Financiers a vu le jour le 5 avril 2001 et l'Unité de Lutte Contre la Corruption a été créé le 8 septembre 2004

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environs. Dans ces conditions, le prix du riz appliqué ne reflète pas celui du marché. Cela sous-entend que malgré une forte libéralisation du marché agricole, les consommateurs haïtiens ne bénéficient pas amplement des effets de cette ouverture.

La totalité des répondants pensent que les producteurs de la vallée de l'Artibonite et l'Etat haïtien, avec la baisse du revenu agricole et les recettes douanières, sont les principales victimes de cette nouvelle politique. Considérée comme la principale source de revenu de ces riziculteurs, la libéralisation agricole contribue à la baisse continue de la production du riz et pénalise le revenu de ces derniers.

4.4 Discussions

Nous avons réalisé ce travail dans le souci d'analyser l'impact de la baisse des droits de douanes en faveurs du riz importé sur le revenu des riziculteurs de la Vallée de l'Artibonite. L'analyse des résultats des entretiens réalisés relate que la politique néolibérale appliquée en Haïti au milieu des années 1980 entraine une baisse du revenu des planteurs.

En effet, à cause d'une augmentation du prix de vente du Kg de paddy, les recettes agricoles augmentent faiblement au niveau de la Vallée de l'Artibonite depuis le début des années 1990. Cependant, la libéralisation de l'agriculture caractérisée surtout par le démantèlement des tarifs douaniers et le désengagement des pouvoirs publics, entraine une détérioration de la qualité des infrastructures agricoles. L'Etat n'investit que peu de ressources financières pour entretenir ces infrastructures, condition sine qua non pour augmenter la productivité des parcelles cultivées et le revenu des riziculteurs.

Par ailleurs, l'analyse des données recueillies dans le cadre de ce travail montre que la Vallée de l'Artibonite est le grenier de la République avec de grandes potentialités agricoles comme par exemples des terres irrigables et les plus grands cours-d'eaux du pays. Toutefois, le mauvais état des infrastructures hydro-agricoles et une gestion inefficace des ressources disponibles, pénalise le revenu des riziculteurs de la région. En plus du faible accès à l'eau, aux services financiers et aux intrants agricoles performants ; des conflits terriens en permanence entre les différentes classes sociales enregistrés dans la Vallée de l'Artibonite sont les principales causes explicatives de cette situation. De plus, Haïti figure parmi les pays les plus corrompus au monde. Durant ces deux dernières décennies, soit depuis le début des années 2000, rares sont les hauts fonctionnaires publics qui n'ont pas été accusé de corruption. Malheureusement, aucun jugement et aucune condamnation n'ont eu lieu jusqu'à date.

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En somme, cette baisse du revenu des planteurs de la région peut être explicitée par la hausse vertigineuse des dépenses d'exploitations. Il a été démontré que dans la majeure partie des cas, le propriétaire foncier est différent de l'exploitant agricole. Cette situation contraint les agriculteurs à versé des sommes très élevées, ou une partie de leurs productions aux propriétaires fonciers après la récolte. De plus, nous avons constaté une augmentation de la consommation d'engrais depuis le début des années 2000 avec la mise en place du programme de subvention d'engrais par les dirigeants de la République. Toutefois, le montant des subventions accordé est nettement inférieur par rapport à la demande des riziculteurs. En effet, l'Etat haïtien subventionne seulement 20% à 30% en moyenne de la quantité nécessaire. Cela signifie que les riziculteurs doivent acheter les 70% restants à des prix très élevés. En outre, le travail agricole est assuré à plus de 50% par les membres de la famille de l'exploitant. Cependant, nous avons constaté l'existence d'une main-d'oeuvre agricole salariale dont son coût augmente avec la hausse du salaire minimum. L'augmentation de ces coûts de production entraine la paupérisation des riziculteurs de la Vallée de l'Artibonite.

Les riziculteurs des pays exportateurs, accompagnés de quelques 3 à 5 familles haïtiennes très aisées et proches du pouvoir politique qui assurent l'importation du riz avec des franchises douanières sont les principaux bénéficiaires de cette politique. Les consommateurs non producteurs quant à eux, bénéficient dans une moindre mesure les effets de cette libéralisation rizicole. Ils ont une plus grande quantité de riz à leurs dispositions à des prix réduits. Cependant, la concentration de ce marché ne permet pas à ces consommateurs de bénéficier totalement de cette baisse du prix.

En outre, cette politique est préjudiciable à l'Etat Haïtien, puisqu'il renonce à une part de ses recettes douanières afin de pouvoir l'appliquer. Cependant, il semble que les principales victimes de cette libéralisation agricole sont les riziculteurs Artibonitiens. Ces derniers cultivent leurs parcelles sous les caprices de la nature dans des conditions économiques très difficiles. Ils sont concurrencés par des agriculteurs qui ont à leurs dispositions des machines très performantes et qui reçoivent des subventions de la part de leurs dirigeants. Malgré une faible quantité produite, les planteurs de la Vallée de l'Artibonite ne peuvent pas écouler leurs productions. Les plus pauvres ne peuvent pas assurer la transformation et la conservation des denrées cultivées et le mauvais état des infrastructures routières entraine des coûts de transports énormes. Ces derniers se sont obligés de livrer leurs produits à des prix très faibles déterminés par les acheteurs auprès desquels ils n'ont qu'un faible pouvoir de négociations. Donc, au fil du temps, leurs revenus qui dépendent dans une large mesure de la vente du riz produit sur les lopins diminuent.

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CONCLUSIONS

La situation économique des agriculteurs haïtiens après la libéralisation agricole nous préoccupe. Notre intérêt s'est tourné particulièrement vers la Vallée de l'Artibonite puisque cette dernière est considérée comme le grenier de la République avec ses principaux atouts agricoles. Pour répondre aux besoins de consommation des ménages à faible revenus dans les pays les plus pauvres et accroître le revenu des agriculteurs, il faut libéraliser l'agriculture mondiale par la baisse des tarifs douaniers selon le paradigme des agences internationales de développement au cours de la décennie 1981-90.

Sur la base de l'application du Programme d'Ajustement Structurel du FMI, les dirigeants haïtiens arrivent à libéraliser l'agriculture du pays. Les droits de douanes sur l'importation du riz ont été réduits considérablement et les autres mesures protectionnistes ont été démantelées. Paradoxalement, depuis le début des années 2000, Haïti est considéré comme le pays qui applique les droits de douanes les plus faibles dans la Caraïbe et aussi l'un des plus pauvres au monde, avec la diminution continue du revenu des riziculteurs. Partant d'un tel constat, nous nous sommes questionné sur la relation qui existe entre la baisse des droits de douanes sur le riz importé et le revenu des riziculteurs de la Vallée de l'Artibonite.

En effet, dans le Plan Stratégique de Développement d'Haïti (PSDH), l'agriculture haïtienne, particulièrement sa riziculture, est considérée comme un secteur stratégique pour lutter contre l'insécurité alimentaire et contribuer à la croissance économique du pays. Pourtant, plusieurs travaux réalisés au début des années 2000, dont Sylla, K. & Touré, A. (2004), Baptiste, BJ. (2005) et Fréguin, S. & Devienne S. (2006) confirment l'Hypothèse selon laquelle la libéralisation de l'agriculture n'est profitable qu'à un petit groupes restreints d'individus. Par ailleurs, ces auteurs relatent que la baisse des droits de douanes en faveurs des denrées agricoles importées entraine une détérioration de la situation économique et alimentaire des ménages à faibles revenue au niveau des pays pauvres. Avec la problématique construite et en s'inspirant du résultat de ses recherches, nous avons posé les deux hypothèses suivantes :

1. Plus les droits de douanes sur le riz importé diminuent, plus le revenu des riziculteurs de la Vallée de l'Artibonite diminue.

2. Il existe d'autres facteurs internes, comme la corruption, qui influencent le revenu des riziculteurs de la Vallée de l'Artibonite.

Ce travail est composé de quatre (4) chapitres. Dans le premier, il était question de présenter deux théories contradictoires et de définir les différents concepts afin de donner le sens qu'ils revêtent et d'éviter toutes sortes d'ambigüités. Nous avons essayé, dans le second chapitre, de démontrer que le marché mondiale du riz est concentré et a les caractéristiques d'un oligopole. Le

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troisième chapitre est consacré à la mise en lumière de la situation de la riziculture haïtienne tout en soulignant ses principales contraintes. Le dernier chapitre concerne l'étude de cas. Nous avons réalisé des entretiens libres aux près de huit (8) personnes ressources afin d'avoir une compréhension approfondie de la problématique construite.

Les résultats de notre recherche montrent que le marché rizicole mondial est un oligopole. La majeure partie de la production est concentrée au niveau des pays d'Asie et 93% de cette production est consommée au niveau du marché national contre seulement 7% vendue sur le marché international en 2006. De plus, il faut de souligner la protection de la riziculture au niveau de certains pays producteurs alors que l'agriculture des PMA est libéralisée.

Les pays de l'Europe, avec l'application de la PAC après la deuxième guerre mondiale ainsi que les Etats-Unis appliquent une politique protectionniste afin d'accroître la production et d'augmenter le revenu des agriculteurs. Ce même cas de figure a été constaté au niveau des pays en développement d'Asie, principaux producteurs et exportateurs du riz. Vers les années 1980, ces pays ont investi des sommes exorbitantes dans les infrastructures agricoles, condition indispensable pour accroître la production et le revenu agricole. Parallèlement, les dirigeants de ces pays utilisent d'autres mécanismes, comme l'interdiction de l'importation à des moments donnés, afin de protéger leurs productions et d'accroître le revenu des riziculteurs.

Cependant, vers les années 1980, certains PMA ont procédé à la libéralisation de leurs agricultures sur la demande des Institutions Financières internationales (IFI) dans le cadre de l'application du Programme d'Ajustement Structurel (PAS). Etant l'un des pays les plus pauvres, l'agriculture de la République d'Haïti d'une façon générale et sa riziculture en particulier, a été libéralisée. L'Etat haïtien a démantelé les droits de douanes sur l'importation du riz et d'autres mesures servant à protéger la riziculture de la Vallée de l'Artibonite comme la réouverture de certains ports et la limitation des importations.

Pour expliquer l'impact de la baisse des droits de douanes en faveur du riz importé sur le revenu des riziculteurs de la Vallée de l'Artibonite, nous avons analysé des articles et des documents officiels du MANDR et de ses partenaires comme la CNSA, le FAO.... Par ailleurs, des entretiens libres ont été réalisés auprès des personnes ressources. Malgré les difficultés rencontrées, nous avons réussi à réaliser 8 entretiens. Il a été démontré qu'avec l'application de cette politique néolibérale, la situation économique des riziculteurs de la Vallée de l'Artibonite s'est détériorée. La totalité des répondants (8) pensent que cette politique de libéralisation rizicole entraine une baisse du revenu des agriculteurs de la Vallée de l'Artibonite. Donc, les résultats de notre recherche confirment l'hypothèse 1. Cependant, nous n'avons pas eu la possibilité de vérifier la validité de

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l'hypothèse 2. Bien que le pays figure parmi les plus corrompus depuis le début des années 2000, nous ne sommes pas arrivés à établir la relation entre la corruption et la baisse du revenu des riziculteurs de la Vallée de l'Artibonite.

La nouvelle politique appliquée est profitable surtout aux exportateurs étrangers qui peuvent livrer leurs surplus de productions sur le marché haïtien à des prix subventionnés. A leurs côtés se trouvent un groupuscule formé par des commerçants haïtiens très riches qui ont le droit exclusif d'importer le riz avec des franchises douanières accordé par l'Etat haïtien. Les consommateurs haïtiens quant à eux bénéficient en partie de la baisse des prix du riz sur le marché local. Toutefois, cette libéralisation agricole cause des préjudices à l'Etat haïtien qui renonce à une portion des recettes douanières et aux riziculteurs de la Vallée de l'Artibonite. Elle contribue à la baisse de la production agricole et du revenu de ces derniers.

Cependant, cette recherche est limitée surtout par le nombre très restreint (8) de participants. C'est pourquoi que nous espérons que dans les jours qui viennent, d'autres études seront menées tout en réalisant une enquête quantitative aux près des riziculteurs de la Vallée de l'Artibonite afin de confirmer les résultats de ce travail.

Formulation des propositions

Comme nous l'avons souligné à plusieurs reprises, la production du riz au niveau de la Vallée de l'Artibonite joue un rôle primordial dans la survie des riziculteurs de cette région. D'ailleurs, elle est considérée comme la principale source de revenu pour 90,000.00 riziculteurs et contribue à hauteur de 12% dans la disponibilité alimentaire en Haïti contre 8% pour l'ensemble des autres régions du pays. Considérée comme la principale zone de production du pays, il s'avère nécessaire de prendre des mesures afin d'accroître la production et d'augmenter le revenu des riziculteurs de la Vallée de l'Artibonite. Dans ce cadre, nous avons faits les propositions suivantes :

1. Réviser la politique commerciale de l'Etat haïtien

Avec la révision de sa politique commerciale, l'Etat haïtien peut contribuer à la modernisation des structures de production et d'échange par l'augmentation progressive des tarifs douaniers (profiter de la marge de protection non utilisée) pour augmenter ses recettes. Ça va lui donner aussi des ressources nécessaires pour financer les réseaux douaniers (système douanier) afin d'éviter la contrebande. Toutefois, il convient de savoir si le secteur rizicole est encore viable pour

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susciter un tel niveau de protection quant à sa capacité de réponse en termes de production de masse quand nous considérons les contraintes structurelles auquel il fait face.

2. Elaborer un plan de développement agricole inclusif au niveau de la Vallée

Bon nombres de plan de développement de la filière riz sont élaborés sans la participation des riziculteurs. Le modèle de développement souhaitable dans la Vallée de l'Artibonite doit être constitué par un ensemble de moyens visant à réaliser la participation de la population et ses responsabilités au progrès de sa propre communauté. De plus, les potentialités agricoles réelles, les besoins du marché local, les aspects environnementaux qui sont très liés à l'agriculture, l'aspect institutionnel en voyant le véritable rôle du MARNDR et de l'ODVA ainsi que l'aspect organisationnel du côté des riziculteurs doivent être pris en compte.

3. Augmenter l'investissement de l'Etat dans les infrastructures agricoles

La Vallée de l'Artibonite est traversée par deux grands cours-d `eaux. Pourtant, l'inaccessibilité des riziculteurs aux ressources hydrauliques constitue l'une des contraintes majeures à l'augmentation de la production. L'intervention de l'Etat paraît comme une condition sine qua non pour accroître la production et contribuer à la hausse du revenu agricole. L'Etat doit aussi investir dans les infrastructures routières afin de faciliter le transport de la production et dans l'agro-industrie afin de faciliter la transformation et la conservation des denrées et d'augmenter la valeur ajoutée en agriculture.

4. Mettre en place un service d'assurance agricole

Les riziculteurs de la Vallée de l'Artibonite sont, dans la majeure partie des cas, des personnes à faibles revenus. Ils ont un accès limité aux services et intrants agricoles (semences de qualité, produits phytosanitaires, crédits, etc.). La culture d'une parcelle nécessite beaucoup d'investissements que ni le secteur privé des affaires ni les paysans ne peuvent engager. Ces considérations sont autant d'éléments fondamentaux qui requièrent une intervention de l'Etat. Ce dernier doit assurer la production des riziculteurs afin de faciliter l'accès au crédit de ces derniers et de répondre aux besoins financiers nécessaires pour exploiter les parcelles.

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Références bibliographiques

Articles

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66

Liste des annexes

Annexe 1 : Guide d'entretien

Madame/Monsieur,

Pour les agriculteurs, la baisse du revenu devient un problème très récurrent. Cela concerne tant Haïti que d'autres pays sous-développés. C'est dans ce cadre que je présente mon Travail de Fin d'Etude (TFE), pour l'obtention du grade de Maître en Sciences de Gestion à l'Ecole Supérieure de la Francophonie pour l'Administration et le Management (ESFAM), en partenariat avec l'Université de Liège, sur la problématique de la baisse des droits de douanes et le revenu des riziculteurs haïtiens.

Pour mener à bien ce Travail, je sollicite votre participation à un entretien non directif. L'analyse des résultats me permettra de comprendre l'impact de la baisse des droits de douanes en faveur du riz importé sur le revenu des riziculteurs de la Vallée de l'Artibonite. L'entretien durera entre 30 à 40 minutes, et sera réalisé par email ou par WhatsApp, puisque je suis actuellement en Bulgarie dans le cadre de mes études. L'anonymat est bien sûr garanti !

Si vous le souhaitez, je ne manquerai pas de vous faire part d'une synthèse de mon travail. D'ores et déjà, je vous remercie pour votre précieuse participation et je vous prie de recevoir mes salutations les meilleures.

Liste des questions

Q1 : Que comprenez-vous de la Libéralisation de la riziculture haïtienne ?

Q2 : A-t-elle un impact sur le revenu des riziculteurs de la Vallée de l'Artibonite ?

Q3 : Quels sont, selon vous, les principaux gagnants et perdants de la baisse des droits de douanes sur le riz importé ?

Q4 : Comment pouvez-vous expliquer cette prise de décision par l'Etat haïtien ?

Q5 : Selon vous, qu'est-ce qui motivent les ménages haïtiens dans leurs choix entre le riz importé et celui de l'Artibonite?

Q6 : Avez-vous une idée de différentes difficultés rencontrées par les riziculteurs de la Vallée de l'Artibonite ?

Q7 : Quelles sont, selon vous, les mesures à prendre pour améliorer la situation des riziculteurs de la Vallée de l'Artibonite ?

Q8 : Avez-vous d'autres choses à ajouter ?

67

Liste des thèmes

Code

Themes

1

Liberalisation agricole

1.1

Baisse du tarif douanier

1.2

Non subvention étatique

1.3

Désengagement de l'Etat

2

Revenu agricole

2.1

Recettes d'exploitations

2.1.1

Production du riz

2.2

Coûts d'exploitations

2.2.1

Intrants agricoles

2.2.2

Main d'oeuvre

2.2.3

Preparation du sol

2.2.4

Rente

2.2.5

Transport

3

Corruption

3.1

Contrebande






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"Il ne faut pas de tout pour faire un monde. Il faut du bonheur et rien d'autre"   Paul Eluard