Une analyse de l'impact de la libéralisation agricole
sur le revenu des Agriculteurs : Le cas de la filière riz de la
Vallée de l'Artibonite.
Nom : Augustin Prénom : Ernson
Mémoire de recherche
Dans le cadre du diplôme de MASTER EN SCIENCES DE
GESTION
Année universitaire 2017-2018
Parcours : Management des institutions publiques
sous la direction de M Michel HERMANS
II
Remerciements
Je voudrais d'abord remercier le Professeur Michel HERMANS,
mon Directeur de mémoire, qui tout au long de cette période, m'a
accompagné dans la rédaction de ce travail. Mes
considérations s'en vont également aux membres du jury, pour
avoir accepté d'apprécier et de critiquer ce travail.
J'exprime mes remerciements, ensuite, au staff
Managérial de l'Ecole Supérieure de la Francophonie pour
l'Administration et le Management (ESFAM) et aux éminents Professeurs
qui ont contribué à la réussite de cette formation.
Un merci spécial est adressé à ma famille
qui m'a toujours soutenu, spécialement ma maman Asenie DUGUE, mes deux
Soeurs ; Soline AUGUSTIN et Philomise ETIENNE et ma tante Marie Antonia JEAN.
Je leur dédie mes réussites passées et futures.
Je veux remercier d'une façon très
spéciale le Professeur Jean TONDEUR, Madame Carline JOSEPH DUVAL,
Bentley DOUCEUR, Anderson VIL et Charly Camillien VICTOR, pour leurs valeureux
conseils et suggestions.
Je suis très reconnaissant aux cadres de la Direction
des Statistiques Economiques (DSE) de l'Institut Haïtien de Statistique et
d'Informatique (IHSI), Particulièrement, l'Assistant Directeur Jean
Donald RENELIC et MC-Enroe JEAN-LOUIS pour leurs supports.
La réalisation de ce travail ne serait pas possible
sans le soutien d'une multitude de personnes. À Jacques Patrick ALFRED,
Mirlene SYLAIRE, Marcna Andy PIERRE, Ronald NORCIUS, Maya MOUSSAOUI, Eraus
MATHURIN, Jean Ardin NICOLAS, Isabelle CHEVALIER, Lokencia AIME, et Markendy
CELESTIN.
Enfin, un bouquet de remerciements est déposé
aux pieds de toutes celles et tous ceux qui ont contribué à la
réalisation de ce travail, dont leurs noms n'ont pas été
cités.
Dédicaces
III
Ce travail est dédié à ma copine
Lovely LAFOND et mon amie Christmène FUCIEN.
C'est le moment de vous témoigner ma gratitude puisque
vous étiez toujours là pour me supporter par vos conseils et
suggestions.
iv
Résumé
Contrairement au paradigme des Institutions Financières
Internationales (IFI) aux débuts des années 1980,
vraisemblablement, la libéralisation agricole pénalise le revenu
des planteurs dans certains pays pauvres. Depuis après la
deuxième guerre mondiale, les dirigeants états-uniens et
européens ont mis en place certaines mesures afin de protéger
leurs agricultures. La mise en place de cette politique protectionniste
contribue, parait-il, à la mécanisation du secteur agricole et la
hausse du revenu des agriculteurs. Une situation similaire a été
constatée au début des années 1980 au niveau des pays en
développement d'Asie, contrairement à la majorité des Pays
les Moins Avancés. Depuis la mise en oeuvre des deux Plans d'Ajustements
Structurels (PAS) et la signature du traité sur l'agriculture, la
riziculture haïtienne est reconnue comme l'une des plus
libéralisée au monde, contrairement aux années 1950,
période durant laquelle elle a été fortement
protégée. Parallèlement, Considérée comme le
grenier de la République, une baisse de la production du riz et du
revenu des riziculteurs a été constatée au niveau de la
Vallée de l'Artibonite. Partant d'un tel constat, ce travail cherche
à analyser l'impact de la baisse des droits de douanes en faveur du riz
importé sur le revenu des riziculteurs de la Vallée de
l'Artibonite. Pour vérifier la validité des hypothèses
posées, nous avons réalisé des entretiens non-directifs
auprès de huit (8) personnes ressources. Les résultats de notre
investigation montrent que le revenu des planteurs de la Vallée de
l'Artibonite diminue avec la baisse des droits de douanes sur le riz
importé, donc, l'hypothèse 1 a été
confirmée. Il est avéré qu'Haïti fait partie des pays
les plus corrompus au monde depuis le début des années 2000.
Cependant, l'indisponibilité des données sur ce domaine ne nous
permet pas d'étudier le lien entre ce dernier et le revenu des
riziculteurs de la Vallée de l'Artibonite. Donc, nous ne pouvons pas
vérifier la validité de l'hypothèse 2.
Mots clés : libéralisation agricole, revenu
agricole, Programme d'Ajustement Structurel
Abstract
Contrary to the paradigm of the International Financial
Institutions (IFI) in the early 1980s, presumably, agricultural liberalization
penalizes the income of farmers in some poor countries. Since after the Second
World War, US and European leaders have put in place certain measures to
protect their agriculture. The introduction of this protectionist policy
contributes, it seems, to the mechanization of the agricultural sector and the
increase in farmers' income. A similar situation was observed at the beginning
of the 1980s in the developing countries of Asia, unlike the majority of the
Least Developed Countries. Since the implementation of the two Structural
Adjustment Plans (SAP) and the signing of the agricultural treaty, Haitian rice
is recognized as one of the most liberalized in the world, unlike the 1950s,
during which time it has been heavily protected. At the same time, considered
as the breadbasket of the Republic, a decrease of the production of the rice
and the income of the rice growers was noted at the level of the Valley of the
Artibonite. Based on this observation, this work seeks to analyze the impact of
the reduction of customs duties in favor of imported rice on the income of rice
farmers in the Artibonite Valley. To verify the validity of the assumptions
made, we conducted non-directive interviews with eight (8) resource persons.
The results of our investigation show that the income of planters in the
Artibonite Valley decreases with the reduction of customs duties on imported
rice, so hypothesis 1 has been confirmed. It turns out that Haiti is one of the
most corrupt countries in the world since the early 2000s. However, the
unavailability of data in this area does not allow us to study the link between
the latter and the income of rice farmers. the Artibonite Valley. So, we can
not check the validity of Hypothesis 2.
V
Key words: agricultural liberalization, farm income, Structural
Adjustment Program
vi
Table des matières
Remerciements ii
Dédicaces iii
Résumé iv
Abstract v
Table des matières
vi
Liste des tableaux viii
Liste des figures et graphiques
viii
Liste des sigles et abréviations
ix
INTRODUCTION 1
Objet de l'étude 2
Problématique 3
Question de recherche 5
Hypothèses de recherche
5
Méthodologie 5
Organisation du travail 6
Chapitre I : Cadre conceptuel et théorique
7
1.1 Clarification des concepts
7
1.1.1 Libéralisation agricole
7
1.1.2 Revenu des agriculteurs
8
1.1.3 Relation entre libéralisation agricole
et Revenu des Agriculteurs 8
1.2 Revue de littérature théorique
9
1.2.1 Théorie de l'internationalisation de la
libéralisation des échanges alimentaires
9
1.2.2 Théorie de la souveraineté ou de
l'autosuffisance alimentaires des pays 10
1.3 Revue de littérature empirique
11
Chapitre II : Présentation de la politique
agricole mondiale et les particularités régionales
13
2.1 Le marché du riz mondiale : Un oligopole
13
2.1.1 Protection de l'agriculture dans certains pays
développés 15
2.1.1.1 Une agriculture fortement protégée
aux Etats-Unis 15
2.1.1.2 Des subventions directes accordées aux
agriculteurs européens 18
2.1.2 Un marché dominé par des pays en
développement d'Asie 19
2.1.3 Une riziculture libéralisée dans
les PMA 22
2.2 Historicité de la politique agricole
haïtienne 23
2.2.1 Une agriculture fortement
règlementée de 1950 à 1986 24
2.2.2 L'agriculture haïtienne, l'une des plus
libéralisée après 1986 24
vii
Chapitre III : Présentation de la riziculture
haïtienne 27
3.1 Une offre du riz dominée par les
importations 27
3.1.1 Une production rizicole insuffisante
28
3.1.2 L'augmentation continue de l'importation
31
3.1.3 Une aide alimentaire relativement stable
32
3.2 Une demande du riz qui augmente avec la
croissance démographique 34
3.2.1 L'augmentation sans précédente de
la consommation du riz 35
3.2.2 Une faible quantité exportée
surtout vers les Etats-Unis 35
3.3 La commercialisation du riz de la Vallée
de l'Artibonite 35
3.4 Faible pouvoir de négociation des
riziculteurs dans la formation des prix 37
Chapitre IV : Etude de cas ; la Vallée de
l'Artibonite 38
4.1 La Vallée de l'Artibonite : le grenier de
la République 38
4.2 Méthodologie de l'entretien
40
4.2.1 Démarche 40
4.2.2 Objectif 43
4.2.3 Présentation des résultats
43
4.3 Analyse des résultats
46
4.3.1 Libéralisation de la riziculture
haïtienne 46
4.3.2 La baisse du revenu des riziculteurs
47
4.3.3 Les contraintes de la riziculture de la
Vallée de l'Artibonite 49
4.3.4 La corruption 50
4.3.5 Les parties prenantes
51
4.4 Discussions 52
CONCLUSIONS 54
Formulation des propositions
56
Références bibliographiques
58
Liste des annexes 66
viii
Liste des tableaux
Tableau 2.1 : Evolution en pourcentage (%) des exportations du
riz par pays entre 1980 et
2010 Page 15
Tableau 2.2 : Evolution en pourcentage (%) de la production du
riz par pays entre 1980 et
2015 Page 22
Tableau 4.1 : Production des principales
céréales en TM et en pourcentage (%) par département
pour la campagne printemps 2016 Page 43
Tableau 4.2 : Production de principales légumineuses en
TM et en pourcentage (%) par département
pour la campagne printemps 2016 Page 44
Tableau 4.3 : Evolution du revenu brut d'exploitation agricole
entre 1996 et 2012 Page 54
Tableau 4.4 : Evolution de l'Indice de Perceptions de la
Corruption en Haïti entre 2002 et
2017 .Page 56
Liste des figures et graphiques
Figure 2.1: Répartition par pays et en pourcentage (%)
de l'exportation mondiale du riz en
2013 .page 16
Figure 2.2 : Evolution des soutiens aux producteurs (ESP)
états-uniens en pourcentage (%) des
recettes agricoles brutes entre 1986 et 2016 ..page
19
Figure 2.3 : Evolution des rendements du riz en Tonnes/hectare
aux Etats-Unis et en Europe entre
1961 et 2015 page 21
Figure 2.4: Répartition par pays et en pourcentage (%)
de la production du riz en 2016 Page 23
Figure 2.5 : Comparaison des tarifs agricoles entre
Haïti, République Dominicaine, certains PMA
et les Pays de la CARICOM. ...Page 29
Figure 3.1 : Evolution de la production du riz en TM par
Régions entre 2014 et 2017..........Page 32
Figure 3.2: Evolution de la Production et de l'importation du riz
en TM entre 1980 et 2013.
....Page 36
Figure 3.3 : Evolution de l'aide alimentaire en TM en
Haïti entre 2008 et 2012 ...Page 37
Figure 3.4 : Evolution de la population haïtienne selon
le milieu de résidence entre 2000 et
2014 .Page 38
Figure 3.5 : Circuit de distribution du riz de la
Vallée de l'Artibonite Page 40
ix
Liste des sigles et abréviations
ACF : Action Contre la Faim
ACFAS : Association Francophone pour le Savoir
ACP : Afrique-Caraïbe-Pacifique
ADRA : Agence Adventiste d'Aide et de Développement
AFD : Agence Française de Développement
AMP : Aire Métropolitaine de Port-au-Prince
ARQ : Association pour la Recherche Qualitative
AUF : Agence Universitaire de la Francophonie
BCA : Bureau de Crédit Agricole
BM : Banque Mondiale
BRH : Banque de la République d'Haïti
CADTM : Comité pour l'Annulation de la Dette du Tiers
Monde
CARE : Cooperative for Assistance and Relief Everywhere
CARICOM : Marché Commun de la Caraïbe
CEE : Communauté Economique Européenne
CFSVA : Compréhensive Food Security and Vulnerability
Analysis
CIRA : Centre de coopération Internationale en Recherche
Agronomique pour le
développement
CIT : Cadre d'Intervention Transversal
CNHCU : Commission Nationale Haïtienne de Coopération
avec l'UNESCO
CNSA : Coordination Nationale de la Sécurité
Alimentaire
CNUCED : Conférence des Nations Unies sur le Commerce et
le Développement
CRS : Catholic Relief Services
CSCCA : Cours Supérieure des Comptes et du Contentieux
Administratif
DIAL : Laboratoire de recherche Développement,
Institutions, Mondialisation.
DSNCRP : Document de Stratégie Nationale pour la
Croissance et la Réduction de la Pauvreté
ENPA : Enquête Nationale de la Production Agricole
ENSA : Enquête Nationale de la Sécurité
Alimentaire
ESFAM : Ecole Supérieure de la Francophonie pour
l'Administration et le Management
ESP : Evolution des Soutiens aux Producteurs
FAMV : Faculté d'Agronomie et de Médicine
Vétérinaire
FAO : Organisation des Nations Unies pour l'Alimentation et
l'Agriculture
FASR : Facilité d'Ajustement Structurel Renforcé
FCFA : Franc CFA
FDSE : Faculté de Droit et des Sciences Economiques
FMI : Fond Monétaire International
GATT : General Agreement on Tariffs and Trade
IDE : Investissement Direct Etranger
IFI : Institution Financière Internationale
IHSI : Institut Haïtien de Statistique et d'Informatique
IICA : Institut Interaméricain de Coopération pour
l'Agriculture
IPC : Indice de Perceptions de la Corruption
IRD : Institut de Recherche pour le Développement
MAAF : Ministère de l'Agriculture, de l'Agroalimentaire et
de la Forêt
MAEE : Ministère des Affaires Etrangères et
Européennes
MARNDR : Ministère de l'Agriculture, des Ressources
Naturelles et du Développement Rural
MCI : Ministère du Commerce et de l'Industrie MERCOSUR
: Marché Commun de l'Amérique du Sud
MIRAGE : Modeling International Relationships Applied General
Equilibrium
X
MJSP : Ministère de la Justice et de la
Sécurité Publique
MPCE : Ministère de la Planification et de la
Coopération Externe
OCDE : Organisation de Coopération et de
Développement Economique
ODVA : Organisme de Développement de la Vallée
de l'Artibonite
OFPRA : Office Français de Protection des
Réfugier et des Apatrides
OMC : Organisation Mondiale du Commerce
OMD : Objectifs du Millénaire pour le
Développement
PAC : Politique Agricole Commune
PAM : Programme Alimentaire Mondial
PAPDA : Plateforme haïtienne de Plaidoyer pour un
Développement Alternatif
PAS : Programme d'Ajustement Structurel
PDINDA : Pays en Développement Importateurs Nets de
Denrées Alimentaires
PMA : Pays les Moins Avancés
PNUD : Programme des Nations Unies pour le
Développement
PSDH : Plan Stratégique de Développement
d'Haïti
PVD : Pays en Voie de Développement
RGA : Recensement Général de l'Agriculture
TEC : Tarif Extérieur Commun
TM : Tonne Métrique
UCREF : Unité Centrale de Renseignements Financiers
UE : Union Européenne
UEH : Université d'Etat d'Haïti
ULCC : Unité de Lutte Contre la Corruption
UNESCO : Organisation des Nations Unies pour l'Education, la
Science et la Culture
USA : United States of America
USAID : United States Agency for International Development
INTRODUCTION
L'agriculture est un secteur très important dans la vie
économique de la quasi-totalité des Pays en Voie de
Développement (PVD) et par conséquent, dans celle de la
République d'Haïti. Elle représente la principale source de
revenu pour la grande majorité des ménages ruraux et participe
à la croissance économique ainsi qu'à la
sécurité alimentaire du pays (Baptiste, BJ. 2005). Malgré
son importance relative, une baisse de la production agricole haïtienne a
été constatée depuis le début des années
1980 [(Pillot, D. 1991) ; (Paul, B., Dameus, A. & Garrabe, M. 2010)].
L'histoire récente du commerce international montre que
presque tous les pays du monde, riches ou pauvres, accordent de plus en plus
d'importance à l'échange des denrées agro-alimentaires. Il
paraît plausible que la valeur relative accordée à
l'agriculture rend difficile la signature d'un accord pour régulariser
le marché mondial [(Feuer, G. 1994), (Warêgne, J-M. 2001), (Losch,
B. 2006)], d'où la complexité de répondre à la
question de savoir si oui ou non, le secteur doit-être
libéralisé. La réponse à cette question reste
plutôt ambiguë. Si pour certains, l'agriculture doit-être
libéralisée totalement afin d'éradiquer la faim et la
pauvreté dans le monde [(Emilinger, C., Jacquet, F. & Petit, M.
2006) ; (Ducaste, A. & Anseeuw, W. 2011)] ; D'autres au contraire, pensent
que les dirigeants des pays du sud doivent défendre la
souveraineté et la sécurité alimentaires de leurs peuples
en protégeant ce secteur [(Hrabanski, M. 2011), (Alahyane, S. 2017)]. Un
troisième groupe de penseurs, notamment Rieber, A. & Tran, T. A-D.
(2002) et Clotilde, J-F. & Éric, L. (2012) soulignent la
nécessité de combiner les deux politique ci-mentionnées
afin d'améliorer la situation économique des agriculteurs dans
les pays en développement.
Etant considéré comme le pays le plus pauvre du
continent américain [(Pierre, L-N. 2008) ; (IHSI, 2014)], et vu la place
qu'occupe l'agriculture dans sa vie économique (Georges, A. 1995), il
paraît évident qu'Haïti ne soit pas échappé aux
débats sur la libéralisation agricole. En effet, après la
chute de la Dictature des « Duvalier » en 1986, le
développement du libéralisme commercial a apporté des
modifications dans la législation du marché agricole Haïtien
[(Perchellet, S. 2010), (PAPDA, 2011)]. Cette libéralisation peut
être expliquée par plusieurs facteurs parmi lesquels nous pouvons
citer :
D'abord, la signature, avec les institutions de Breton Woods,
à savoir, la Banque Mondiale (BM) et le Fond Monétaire
Internationale (FMI) de deux Plans d'Ajustements Structurels (PAS) en 1987 et
1997 [(Claire, M.G. 2006), (Pierre, L-N. 2008) (Diop, A.M. 2016)]. Il faut
aussi souligner l'accord de Facilité d'Ajustement Structurel
Renforcé (FASR) (MARNDR, 2009) pour la période allant de 2006
à 2009, dont le but est de rendre l'économie haïtienne
compétitive et de faciliter son intégration dans
l'économie mondiale, par la libéralisation totale de son
agriculture et la privatisation de certaines entreprises publiques
(Chavériat, C. & Fokker, R. 2002).
2
Ensuite, la signature de l'accord de cycle de l'Uruguay sur
l'agriculture en 1995 reposant sur certains principes tels : la transformation
des barrières non tarifaires en tarifs douaniers, la baisse des
subventions à l'exportation et à la production et la diminution
progressive des droits de douanes tout en traitant de façon
spéciale et différenciée les pays en Voies de
Développement (PVD) [(Warêgne, J-M. 2001), (Diagne, A. & al.
2004)].
De plus, la création du Marché Commun de la
Caraïbe (CARICOM) en 1996 et la signature du protocole sur l'agriculture
et le traité de Chaguaramas augmentent la libéralisation du pays
par rapport aux autres pays de la communauté. Toutefois, elles donnent
la possibilité aux dirigeants des pays membres, dont Haïti depuis
2003, de prendre des mesures afin de protéger l'agriculture contre leurs
concurrents1. Cette protection de l'agriculture est
caractérisée entre autres, par l'application des droits de
douanes allant jusqu'à 40% maximum dans le cadre du Tarif
Extérieur Commun (Bruce Huff, H. 2014).
Enfin, étant un pays de la caraïbe et faisant
partie du groupe Afrique-Caraïbe-Pacifique (ACP), la République
d'Haïti est membre à part entière de la convention de
Lomé (1898) et l'accord de Cotonou (2000), signés entre l'Union
Européenne (UE) et le groupe des pays de l'ACP, accordant certaines
préférences à ce dernier dans les échanges
commerciaux (Warêgne, J-M. 2001).
Peu de travaux ont été réalisés
sur la libéralisation de l'agriculture haïtienne durant ces trois
(3) dernières décennies, soit depuis le milieu des années
1980. La quasi-totalité de ses travaux cherchent à quantifier
l'impact de l'ouverture commerciale sur la production agricole haïtienne
[(Baptiste, BJ. 2005), (Fréguin, S. & Devienne, S. 2006)].
Cependant, l'évolution du revenu des riziculteurs de la Vallée de
l'Artibonite en tenant compte de la baisse des droits de douanes sur le riz
importé n'a jamais été étudiée, d'où
l'objet de ce travail.
Objet de l'étude
Considéré comme un secteur très important
pour la croissance et la stabilisation de l'activité économique
du pays, l'agriculture doit être analysée en tenant compte de ses
contraintes et de la situation économique des travailleurs. Dans ce
cadre, il est nécessaire de comprendre les effets de la
libéralisation agricole sur la situation économique de la
population rurale. Ce travail de recherche tente à analyser l'impact de
la baisse des droits de douanes en faveur du riz importé sur le revenu
des riziculteurs de la Vallée de l'Artibonite.
1 Sont considérés comme concurrents,
tous les pays exportateurs qui ne font pas partie du CARICOM
3
Problématique
Contrairement à la fin des années 1950 durant
lesquelles des mesures de protection de l'agriculture haïtienne ont
été appliquées, l'année 1986 est marquée par
la mise en place d'une politique néolibérale exigée par
les Institutions Financières Internationales (IFI) ; à savoir la
Banque Mondiale (BM) et le Fond Monétaire Internationale (FMI), afin de
pouvoir bénéficier des crédits monétaires dans le
cadre du Programme d'Ajustement Structurel (PAS) (Diop, A.M. 2016). Cette
situation va s'empirer vers les années 1995 avec la création de
l'Organisation Mondiale du Commerce (OMC), exigeant la diminution des droits de
douanes sur les produits agricoles à certains Pays les Moins
Avancés (PMA) (Chavériat, C. & Fokker, R. 2002). L'objectif
de cette nouvelle politique était d'éradiquer la faim et la
pauvreté dans le monde tout en augmentant la production agricole et les
exportations dans les pays les plus pauvres [(Regalbuto, G. 1993) ; (Clotilde,
J-F. & Éric, L. 2012)].
En effet, sur la base de l'application de cette nouvelle
politique, Haïti est reconnu comme l'un des pays les plus
libéralisés depuis le début des années 2000 (Bruce
Huff, H. 2014). Suite à la décision des dirigeants du pays
à éliminer les barrières non tarifaires et à
diminuer drastiquement les droits de douanes sur les produits
agro-alimentaires, passant de plus de 200% à des taux aux environs de
40% entre 1983 et 1995 ; les années 1995-96 vont marquer par le
démantèlement total des droits de douanes passant à un
maximum de 15% (PAPDA, 2011). A titre d'exemple, il faut relater que le taux
des droits de douanes consolidé sur le riz par l'OMC est de 40%, et un
taux de 25% en moyenne est appliqué dans les caraïbes,
malheureusement, celui d'Haïti est seulement 5% [(Fréguin, S. &
Devienne S. 2006) ; (Josling, T., Chanperon, W. & Le Turioner, J.
2017)].
Toutefois, force est de constater que plus de trente (30)
années après la mise en place de cette politique
néolibérale, les résultats escomptés n'ont pas
été atteints. Au contraire, elle entraine une
désarticulation de l'économie du pays et la diminution du niveau
de vie des ménages les plus pauvres, résidant dans la majeure
partie des cas, dans le milieu rural. En effet, une baisse de la production et
de l'exportation des denrées agricoles a été
constatée avec la libéralisation de l'agriculture du pays
[(MARNDR, 2010a), (Vil, A. 2017)].
Malgré la place prépondérante qu'il
occupe dans l'alimentation des ménages haïtiens [(Baptiste, BJ.
2005) (Josling, T., Chanperon, W. & Le Turioner, J. 2017)], la production
du riz ne cesse de diminuer au fil du temps (MARNDR, 2015). La hausse de
l'importation du riz venant principalement des Etats-Unis, entraine une baisse
de la demande et de la production du riz national ainsi que le revenu des
riziculteurs (Deshommes, F. 2006). Il paraît vrai que cette diminution du
revenu des agriculteurs soit la conséquence du dumping commercial
appliqué par certains pays considérés comme étant
de grandes puissances agricoles et partenaires commerciaux de la
4
République d'Haïti. Puisqu'ils cultivent leurs
terres dans des situations économiques émaillées de
difficultés comme l'utilisation des techniques archaïques et des
outils rudimentaires (Doura, F. 2002), et ayant un accès très
limité aux intrants agricoles de qualité et aux services
financiers (IHSI, 2001), les riziculteurs haïtiens, contrairement à
leurs concurrents états-uniens dont le gouvernement subventionne
l'agriculture [(Chavériat, C. & Fokker, R. 2002), (Bouët, A.
& Bureau, J-C. 2001)], se sont obligés de pratiquer des prix de
vente très élevés.
Il paraît aussi important de souligner que la part de
l'agriculture dans la formation du PIB prend la forme d'une courbe à
pente négative. Selon les données publiées par l'Institut
Haïtien de Statistique et d'Informatique (IHSI), la contribution du
secteur agricole dans le PIB réel haïtien était de 27% en
2000 contre 22% en 2014, soit une baisse de 5% en 14 ans (IHSI, PIB par secteur
d'activité). La productivité de l'agriculture haïtienne
reste très faible et elle ne peut pas répondre à la
demande de consommation des ménages, puisqu'en 2002, la production
nationale répond seulement à 43% de la demande totale du pays
(Doura F, 2002). Cette situation entraine l'aggravation de la pauvreté
dans le milieu rural (MARNDR, 2010a) et 34.1% des ménages qui ont
l'agriculture comme principale source de revenu se trouvent dans une situation
d'insécurité alimentaire durant l'année 2007 (CNSA,
2007).
Paradoxalement, malgré la baisse considérable de
la production agricole, les résultats des quatre recensements
réalisés en Haïti montrent que la population est en
croissance continue. Le pays comptait 3 097 220 habitants en 1950 pour passer
à un total de 8 373 750 habitants en 2003, donc elle a plus que
doublé en moins de 55 ans. Durant cette même période, son
évolution laisse observer de très grandes disparités
concernant la répartition par sexe, âge et milieu de
résidence. La part de population urbaine dans la population totale
augmente constamment. Son taux de croissance intercensitaire (5.8) était
5 fois plus élevé que la population rurale (1) et 2 fois plus que
la population totale de la République (2.5) entre 1982 et 2003 (IHSI,
2009a). Cette explosion démographique entraine la hausse de la demande
des denrées agro-alimentaires. Produisant dans des situations
extrêmement difficiles, les riziculteurs haïtiens se trouvent dans
l'impossibilité d'augmenter la production nationale, d'où le
recours à l'importation pour répondre à cette demande de
plus en plus croissante.
Par ailleurs, l'analyse des données publiées par
l'IHSI (2014) montre que le pays est l'un des plus pauvres au monde avec des
taux de 58.5% et 23.8% de pauvreté et de pauvreté extrême
de façon consécutive en 2012. Toutefois, de fortes
disparités ont été constatées entre les milieux de
résidence puisque la majorité des pauvres, soit un pourcentage de
67%, se trouve en milieu rural. De plus, toujours selon les données de
l'IHSI, l'incidence de pauvreté dans la ruralité est de 74.9%
contre seulement 40.6% dans le milieu urbain ; et les agriculteurs ont vu leurs
revenus diminués au
5
fil du temps (CNSA & FEWS NET, 2015). Partant d'un tel
constat, nous sommes obligé de nous questionner sur les causes qui
poussent l'Etat haïtien de ne pas profiter de la fourchette de 40%, en
fixant des droits de douanes aussi bas (5%) sur des produits, comme le riz, qui
sont très importants dans l'agriculture et la consommation des
ménages. Il paraît aussi important d'identifier les
éventuels bénéficiaires de cette politique
néolibérale ainsi que la relation de cette dernière avec
la situation économique critique des agriculteurs, d'où la
formulation de notre question de recherche.
Question de recherche
Dans le cadre de ce travail, il est question d'analyser les
éventuels impacts de la libéralisation agricole sur la situation
économique des riziculteurs haïtiens. Par ailleurs, il paraît
intéressant de se questionner sur d'autres facteurs qui peuvent
contribuer à cette dégradation du niveau de vie de ces
riziculteurs. La Vallée de l'Artibonite, considérée comme
la plus grande zone de production de riz en Haïti avec plus de 80% de la
production totale du pays, est notre cas d'étude. Pour atteindre
l'objectif fixé, la question de recherche a été
formulée de la manière suivante : Comment le revenu
des riziculteurs de la Vallée de l'Artibonite évolue-t-il avec la
baisse des droits de douanes sur le riz importé ?
Hypothèses de recherche
Considérée comme une réponse
anticipée à la question de recherche, deux hypothèses
guideront ce travail de recherche. Elles sont libellées de la
manière qui suit :
1. Plus les droits de douanes sur le riz
importé diminuent, plus le revenu des riziculteurs de la Vallée
de l'Artibonite diminue.
2. Plus la corruption augmente, plus le revenu
des riziculteurs de la Vallée de l'Artibonite diminue.
Méthodologie
Nous avons réalisé ce travail en adoptant une
méthodologie comprenant une étude documentaire et une
étude empirique. Dans l'étude documentaire, des articles
scientifiques, des publications sur le site des différents organes
oeuvrant dans le domaine de l'agriculture, des thèses ayant un lien avec
l'agriculture ou la libéralisation commerciale ont été
consultés.
Dans l'étude empirique, nous avons
réalisé des entretiens individuels libres aux près des
personnes ressources. Nous avons utilisé cette démarche afin
d'avoir une compréhension très
6
profonde de la problématique présentée
ci-dessus. Nous avons discuté avec des cadres du Ministère de
l'Agriculture, des Ressources Naturelles et du Développement Rural
(MARNDR) et des membres de la société civile. Toutefois, avant le
déroulement de la partie empirique du travail, deux (2) entretiens
informels ont été menés auprès de deux
étudiants en Agronomie et en Economie de l'Université d'Etat
d'Haïti (UEH). En dépit de la rareté des ressources à
laquelle nous nous sommes confrontés, nous avons réussi à
réaliser huit (8) entretiens. Ces derniers ont été
réalisés par téléphone et par courriel sur une
durée comprise entre 30 et 40 minutes, et se portent sur les
thèmes qui se trouvent dans notre question de recherche et les
hypothèses posées.
Idéalement, pour mesurer l'impact de la baisse des
droits de douanes sur le revenu des riziculteurs de la Valée de
l'Artibonite, une enquête quantitative auprès des planteurs
devrait être réalisée, tout en choisissant
l'échantillon de façon aléatoire et d'effectuer des tests
statistiques et des extrapolations. Toutefois, étant un étudiant
haïtien en Bulgarie, et effectuant notre travail de recherche sur
Haïti, nous n'avons pas à notre disposition ni le temps ni les
ressources financières nécessaire pour effectuer une
enquête. D'où le recours à l'entretien individuel libre.
Organisation du travail
Ce travail est organisé en quatre (4) chapitres. Le
premier concerne le cadre conceptuel et théorique. Dans ce chapitre, il
est question d'abord de clarifier certains concepts et ensuite de
présenter deux théories contradictoires concernant la protection
ou non de l'agriculture. Les théories présentées sont
celle défendue par Pascal Lamy (Clotilde, J-F & Éric, L.
2012) qui préconise la libéralisation des échanges
alimentaires et celle dite protectionniste d'Olivier De Schuster (Olivier, De
S. 2014). Le deuxième chapitre est consacré à l'exposition
de la politique agricole mondiale tout en précisant les
particularités régionales. Ainsi, l'historicité de la
politique agricole de la République d'Haïti depuis 1950 a
été présentée.
Le troisième chapitre fait le point sur la situation de
la riziculture haïtienne tout en précisant ses principales
contraintes. Nous avons présenté le circuit de commercialisation
du riz de la Vallée de l'Artibonite tout en identifiant les principaux
acteurs. De plus, nous avons déterminé le mécanisme de
formation des prix du paddy en tenant compte du pouvoir de négociation
des agriculteurs. Le denier chapitre est relatif à l'étude de
cas, dans lequel des entretiens individuels non directifs (8 au total) ont
été réalisés avec deux catégories de
personnes ; dont 3 représentants de l'Etat, et 5 autres personnes
évoluant dans la production du riz dans la Vallée de
l'Artibonite. L'objectif est de comprendre l'impact de la libéralisation
de la riziculture sur le revenu des riziculteurs tout en déterminant ses
éventuelles causes internes.
7
Chapitre I : Cadre conceptuel et théorique
Ce chapitre est divisé en trois parties. Dans la
première, les définitions des concepts ayant un lien avec le
sujet seront exposées. La deuxième partie concerne la
présentation de deux théories du commerce international. Et la
dernière, passe en revue quatre (4) cas empiriques qui ont
été réalisé sur le thème en question.
1.1 Clarification des concepts
Pour mieux décortiquer le sujet tel qu'il est
formulé et d'éviter toutes sortes d'ambigüités, il
s'avère nécessaire, dans la première partie de ce
chapitre, de définir certains concepts jugés importants afin de
savoir la signification qu'ils revêtent dans le cadre de ce travail.
1.1.1 Libéralisation agricole
Après sa diminution vers la fin du XVIIIe S,
le flux des échanges mondiaux a été intensifié
suite à la révolution industrielle. En effet, la
libéralisation agricole commence avec la signature de l'accord sur
l'agriculture du Cycle de l'Uruguay puisqu'avant, cette politique n'avait pas
pris en compte l'échange des denrées agricoles. Cette vision
néolibérale de l'économie, depuis après la seconde
guerre mondiale, les deux crises pétrolières et l'effondrement du
bloc socialiste en Europe, allait s'étendre sur la période allant
de 1980 à 1990. A partir de 1994, les échanges agricoles vont
être intégrés dans les discussions concernant les
échanges mondiaux. Cette libéralisation agricole se fonde sur
trois piliers : d'abord, la baisse du tarif douanier, ensuite la non subvention
à la production, et enfin la non subvention à l'exportation des
denrées agricoles [(Blancheton, B. 2008) ; (Vil, A. 2017)].
Donc, par définition la libéralisation agricole
est considérée comme la mise en place d'un ensemble de mesure,
telle que le démantèlement des tarifs non douaniers, la baisse
systématique des tarifs douaniers et l'élimination des
subventions à la production ou à l'exportation des denrées
agricoles afin de favoriser la concurrence et de donner un libre accès
aux marchés agricoles et d'accroître l'efficacité (Pierre,
B. 2003). Il revient alors de savoir si une politique pareille favorise la
hausse de la production agricole et du revenu des agriculteurs sur un
territoire donné.
8
1.1.2 Revenu des agriculteurs
Dans le cadre de ce travail, nous avons
considéré le revenu des agriculteurs comme étant le
revenu d'exploitation agricole2 qui est la
différence entre l'ensemble des recettes monétaires et les
dépenses effectuées pour assurer la production des denrées
agricoles. Autrement dit, c'est « le bénéfice qui se
dégage de l'activité des exploitations agricoles au cours d'une
année [période] donnée » (Beaulieu, M., Salha,
S.B. & Ringuette, M. 2007 :3). Il est la contrepartie de la participation
de l'exploitation agricole au processus de production (Canming, Y. 2007) ou
à la création de richesse (Chassard, M. & Chevalier, B.
2007). Il est considéré comme « le total des valeurs
(monétaires et en nature) que la famille paysanne peut consommer sans
diminuer la capacité de production de l'exploitation et qui provient de
la participation de cette famille à l'activité agricole sous
forme de travail (de direction et d'exécution), d'apport de capitaux
(totalité ou partie du capital d'exploitation) et de la fonction
d'entreprise assumée par l'exploitant » (Roland, C. 974 : 43).
Il est composé principalement du salaire de l'exploitant et de la
rémunération du capital.
1.1.3 Relation entre libéralisation agricole et
Revenu des Agriculteurs
La littérature concernant la relation qui existe entre
la libéralisation agricole et le revenu des agriculteurs est
dominée par deux grandes approches différentes. La
première relate que la libéralisation de l'agriculture n'entraine
que des effets favorables. Elle permet d'augmenter la production agricole
mondiale, le revenu des agriculteurs et elle contribue à la
réduction de la pauvreté dans le monde [(Mohamed, H.B., Yvan, D.
& Jean-Louis, G. 2003) ; (Siroën, J-M. 2007)]. Toutefois, ils ont
souligné que pour être efficace, cette libéralisation doit
être accompagnée d'autres facteurs essentiels tels qu'un
système démocratique et une concurrence loyale afin de favoriser
l'Investissement Direct Etranger (IDE) et le transfert de technologie.
Une deuxième approche relate que l'ordre mondial
mérite d'être repensé puisque la libéralisation
agricole n'est profitable qu'à un petit groupe restreint de pays
(Stiglitz, J. & Charlton, A. 2005). Elle contribue à la mise en
concurrence des économies très différentes en termes de
productivités et de compétitivités. À cela il faut
ajouter les distorsions causées par les systèmes de subventions
mis en place par les grandes puissances agricoles (Losch, B. 2006). Elle creuse
le trou entre les différents pays et entre les classes sociales au sein
d'un même pays (Hrabanski, M. 2011)
2 Pour calculer le revenu
d'exploitation des agriculteurs haïtiens, nous avons fait la
différence entre l'ensemble des recettes et des dépenses
d'exploitations.
9
et elle rend les agriculteurs des pays pauvres très
vulnérables en diminuant leurs revenus [(Fréguin, S. &
Devienne, S. 2006) ; (Canming, Y. 2007)].
1.2 Revue de littérature théorique
A la question de savoir si oui ou non l'agriculture doit
être libéralisée, les réponses sont plutôt
conflictuelles. En effet, concernant ce thème, deux thèses ont
été défendues durant ce XXIe Siècle. Il
s'agit de la théorie de l'internationalisation de la
libéralisation des échanges alimentaires
présentée par Pascal Lamy et celle de la
souveraineté alimentaire des pays dont Olivier De Schutter plaide
en sa faveur [(Cuq, M., Hazard, E. & Blein, R. 2013) ; (Olivier de, S.
2014)]. Cette seconde partie du travail, est réservée à la
présentation de ces deux théories.
1.2.1 Théorie de l'internationalisation de la
libéralisation des échanges alimentaires
Cette théorie prône une diminution des
barrières afin de faciliter la libre circulation des produits
agro-alimentaires. Selon ces principaux théoriciens, seule la
libéralisation totale des échanges peut engendrer l'augmentation
de la production et du revenu agricoles (Ducaste, A. & Anseeuw, W. 2011),
et résoudre le problème de la sous-alimentation dans le monde
(Emilinger, C., Jacquet, F. & Petit, M. 2006). Pour eux, l'autosuffisance
alimentaire est une illusion puisque les défis en matière
agricole auxquels les Etats de certains Pays en Voie de Développement
(PVD) et surtout ceux des pays les plus pauvres doivent faire face sont
énormes. En ce sens, ils préconisent la théorie de
l'avantage comparatif, selon laquelle tous les Etats sont gagnants en
participant à l'échange international [(Boussard, J.M.,
Gérard, F. & Piketty, M.G. 2005), (Siroën, J-M. 2007)].
Dans ces conditions, chaque pays doit se spécialiser
dans la production des biens et services pour lesquels il a un avantage par
rapport à ses concurrents. Donc, « Seuls les pays qui ont les
plus grands atouts en matière agricole devraient ainsi développer
une production agricole... » (Clotilde, J-F. & Éric, L.
2012:10). Par cette spécialisation, l'ouverture commerciale va entrainer
une répartition des risques et donner aux pays qui n'ont pas la
capacité de produire des denrées agricoles la possibilité
de nourrir leurs peuples à l'aide des surplus écoulés sur
le marché international par ceux qui se sont spécialisés
dans l'agriculture.
Ces théoriciens relatent que l'autosuffisance
alimentaire est une erreur puisque ; si un Etat doit produire pour satisfaire
d'abord la demande de consommation de sa population, il revient alors de se
questionner sur le sort des pays qui n'ont pas des atouts en matière
agricole. Donc, c'est seulement par une libéralisation commerciale
accrue que le problème de la sécurité alimentaire et
10
la baisse du revenu agricole dans ces pays doit être
posé [(Chavériat, C. & Fokker, R. 2002), (Mohamed, H.B.,
Yvan, D. & Jean-Louis, G. 2003)]. Pour ce faire, l'instauration d'une
concurrence loyale en diminuant les droits de douanes et en éliminant
les barrières non tarifaires devient obligatoire. En outre, les grandes
puissances agricoles doivent éliminer les subventions à la
production et à l'exportation des denrées agricoles (Devienne,
S., Bazin, G. & Charvet, J. 2005), puisque cette dernière
pénalise le revenu agricole dans les pays pauvres (Stiglitz, J. &
Charlton, A. 2005).
1.2.2 Théorie de la souveraineté ou de
l'autosuffisance alimentaires des pays
Selon les tenants de cette théorie, même si la
libéralisation commerciale cherche à augmenter la production et
le revenu agricoles, elle n'a pas la capacité pour éradiquer la
faim dans le monde et répartir équitablement les denrées
cultivées [(Stiglitz, J.E. 2002), (Delcourt, L. 2014)]. D'ailleurs,
force est de constater que le phénomène de
l'insécurité alimentaire frappe surtout les pays les plus pauvres
(Azoulay, G. 2012) et les branches de la population les plus
vulnérables, comme les ruraux [(Chavériat, C. & Fokker, R.
2002) ; (Campbell, B. & Losch, B. 2002)].
Cependant, il faut souligner le fait que certains pays riches
comme la France (Keske, C. & al. 2016) et des Pays en Développement
n'ont pas échappés aux problèmes de
l'insécurité alimentaire. Le cas de l'Inde est un bon exemple.
Aussi paradoxale que cela puisse apparaître, il est
considéré comme la quatrième puissance mondiale en
matière de production agricole et « plus de 200 millions
d'Indiens souffrent de sous-nutrition » (Bazin. D & Kheraief. N,
2016: 6). A cela, il faut mentionner le fait que certains pays où
l'insécurité alimentaire fait rage sont très
libéralisés (Fréguin, S. & Devienne S. 2006). Dans ces
conditions, les Etats devraient produire d'abord pour satisfaire la demande de
consommation de leurs populations que de se spécialiser dans la
production des denrées d'exportations. Ils devraient consacrer le peu de
ressources disponibles dans la production des denrées vivrières
contrairement à ce que préconise le système commercial
international (Rastoin, J-L. & al. 2016).
La spécialisation dans la production des denrées
d'exportations, comme le recommande le principe de l'avantage comparatif de
David Ricardo, rend certains Etats pauvres et importateurs nets de
denrées agricoles de plus en plus dépendants de l'agriculture des
pays exportateurs et des marchés internationaux (Hrabanski, M. 2011).
Dans de pareilles conditions, lorsque le prix de certaines denrées
agro-alimentaires augmente, des pays exportateurs peuvent interdire
l'exportation de certains produits comme c'était le cas en 2008. Cela
implique que des pays importateurs nets, qui sont majoritairement pauvres se
trouvent dans une situation de pénurie alimentaire puisque leurs
11
importations seront diminuées (Moseley, W.G. 2014).
Inversement, au cas d'une baisse des prix sur le marché international,
l'importation va augmenter. Avec la politique de subvention accordée par
certains pays considérés comme de grandes puissances agricoles,
le prix des denrées importées sont nettement inférieurs
que les produits nationaux (Baptiste, BJ. 2005) ce qui pénalise
l'agriculture locale, le revenu agricole et creuse le trou de
l'insécurité alimentaire (Vil, A. 2017).
Pour ces théoriciens, la famine n'est pas seulement le
résultat d'une offre insuffisante, mais aussi et surtout, d'une mauvaise
répartition des denrées alimentaires [(Janin, P. 2009), (Dupraz,
C.L. & Postolle, A. 2010), (Thivet, D. 2012)], d'où la
nécessité d'avoir une forte intervention de l'Etat afin de
résoudre le problème de la dépendance vis-à-vis du
marché international, de permettre à chacun d'avoir un
accès égal aux denrées agro-alimentaires et
d'améliorer la situation économique des agriculteurs (Alahyane,
S. 2017).
1.3 Revue de littérature empirique
Diagne, A. & al. (2004), en utilisant un modèle
d'équilibre partiel essaient de quantifier l'impact économique et
environnemental de la libéralisation commerciale sur la riziculture
Ivoirienne. Les résultats de cette recherche montrent que sans la mise
en place de cette politique néolibérale, la production du riz
paddy pour la période allant de 1994 à 2000 serait
supérieure de quatre (4) points de pourcentage par rapport à la
production en situation de libéralisation. Puisqu'il n'y avait pas une
répercussion de la baisse des droits de douanes sur les consommateurs,
une hausse de 28% des prix et une baisse de 2% de la consommation du riz local
ont été constatées avec l'ouverture commerciale. Cette
situation entraine une baisse du bien-être du consommateur pour un
montant évalué à 9 milliards de Franc CFA en moyenne par
année, contrairement aux producteurs qui ont gagné 4 milliards de
Franc CFA, pour la période sous étude.
Pour leurs parts, Mohamed, H. B., Yvan, D. & Jean-Louis, G
(2003) essaient de démontrer les conséquences des
différents (3) scénarios possibles, dépendamment du niveau
d'inclusion du secteur agricole dans les négociations d'un accord de
libéralisation économique entre l'union Européenne (U.E)
et le Marché Commun de l'Amérique du Sud (MERCOSUR). Pour
réaliser ce travail, ils ont utilisé le modèle
d'équilibre général calculable MIRAGE (Modeling
International Relationships Applied General Equilibrium),
développé pour décrire de façon très
poussée l'impact d'un choc de politique commerciale sur
l'économie. Si l'Union Européenne (UE) est toujours gagnante dans
un tel accord, les résultats du modèle utilisé montrent
que ce dernier serait bénéfique pour les deux partis si et
seulement si l'agriculture est totalement libéralisée, y compris
les produits
12
sensibles. Toutefois, les retombées économiques
sont inégalement réparties entre les différents
détenteurs de facteurs de productions, ce qui entraine une
réallocation des ressources.
De leurs côtés, en se basant sur des entretiens
réalisés auprès de 158 agriculteurs, et en tenant compte
de la situation socio-économique de ces derniers, Fréguin, S.
& Devienne S. (2006) cherchent à analyser l'impact de l'importation
de la banane plantain sur la production de banane haïtienne, en prenant
Arcahaie comme cas d'étude. L'analyse des résultats montre que la
baisse du revenu agricole peut être considérée comme
étant le résultat de la diminution des tarifs douaniers, la
hausse de l'importation des bananes venant principalement de la
République Dominicaine, la spécialisation des planteurs
haïtiens sur la base de l'avantage comparatif et la destruction des «
cochons créoles3 », ces derniers étant
considéré comme le principal moyen d'épargne de
l'agriculteur.
Dans son travail, Libéralisation commerciale et
production agricole : Le cas du riz en Haïti,
Baptiste, BJ. (2005) cherche à montrer l'impact
négatif de la libéralisation commerciale sur la production
agricole en générale et sur celle du riz en particulier. Pour
atteindre l'objectif fixé, il a d'abord présenté
brièvement l'agriculture haïtienne, suivie de l'analyse
plutôt approfondie de la riziculture haïtienne à l'aide des
données statistiques. Ensuite, des tableaux et graphiques ont
été utilisés pour aborder les effets du libéralisme
commercial sur cette riziculture. Enfin, toujours dans ce document, il
était question d'estimer une fonction de production du riz sous la forme
Cobb-Douglas en prenant en compte certaines variables pouvant
influencées la production du riz pour la période allant de 1961
à 2002. L'analyse des résultats du modèle montre que la
libéralisation commerciale du pays a des effets négatifs sur
cette production, ce qui contraint les paysans soit à cultiver d'autres
denrées soit à laisser la culture de la terre pour aller dans les
grandes villes à la recherche d'un aller-mieux dans le commerce ou
l'industrie.
3 Venant principalement de l'Espagne à
partir du XVIe siècle, le cochon créole est une race
de porc très avantageux économiquement pour les agriculteurs
à faible revenu puisque les restes familiaux et les sous-produits du
jardin peuvent être utilisés pour le nourrir. Cette espèce
a été détruite vers les années 1983 sur la demande
des dirigeants Etats-Uniens dans le cadre de la lutte contre
l'épidémie de fièvre porcine africaine.
13
Chapitre II : Présentation de la politique
agricole mondiale et les particularités régionales
Ce chapitre est composé de deux (2) parties. La
première est consacrée à la présentation de la
production et la commercialisation mondiale du riz tout en soulignant les
différentes politiques agricoles mises en oeuvre par certains pays. Nous
avons tenté de démontrer que le marché mondial du riz a
les caractéristiques d'un oligopole et dominé par les pays en
développement d'Asie. De même que certains pays
développés comme les Etats-Unis et l'Union Européenne, ces
pays asiatiques prennent des mesures pour protéger leurs agricultures.
La deuxième partie est relative à l'exposition de la situation
des Pays les Moins Avancés (PMA). Les particularités de la
République d'Haïti seront exposées afin de démontrer
qu'il est l'un des pays les plus ouverts économiquement au monde depuis
le début des années 2000.
2.1 Le marché du riz mondiale : Un oligopole
Le riz, la céréale la plus consommée par
les humains, est l'élément central dans l'alimentation des
ménages les plus pauvres. Il est utilisé pour nourrir plus de la
moitié des habitants de la planète, avec plus de 140 millions
d'hectares cultivés produisant un montant avoisinant 420 millions de
tonnes en moyenne par années (Delot, P. 2015). De 1960 à 2005,
avec un taux de croissance annuel de 2.5%, la production rizicole mondiale a
plus que doublée, passant de 276 à 626 millions de tonnes (Mendez
del Villar, P. 2008). Contrairement aux années 1990 durant lesquelles la
production du riz excédait la croissance de la population mondiale, le
début des années 2000 est marqué par une hausse de la
croissance démographique et de la demande de consommation du riz.
Cependant, la production ne suit pas le rythme de la croissance de la
population, ce qui entraine des cas de sous-alimentation dans certains pays.
Par ailleurs, cette situation semble être le
résultat d'une forte concentration du marché mondial du riz,
toujours selon Mendez del Villar, P (2008). En effet, la quasi-totalité
de la production du riz est consommée localement puisque seulement 7% de
la production est vendue sur le marché mondial en 2006. Les pays qui
sont considérés comme de grands producteurs, sont de grands
consommateurs du riz simultanément. En plus de cela, pour montrer la
concentration du marché mondial du riz, il parait évident de
souligner le fait que les exportations des six premiers pays exportateurs,
à savoir « la Thaïlande, le Vietnam, l'Inde, les
Etats-Unis, le Pakistan et la Chine », représentent 88% du
total des exportations en 2006. Cependant, la destination de ces exportations
est formée d'un groupe de pays plus ou moins élargi. Les six
principaux importateurs du riz pour la décennie 2001-2010, à
savoir « Indonésie, Nigeria, Philippines, Iran, Union
Européenne et l'Irak », importent seulement 40% du total des
importations. L'écrasante majorité des importateurs est
formée principalement des pays pauvre d'Asie du Sud, de l'Afrique
14
Subsaharienne et de l'Amérique Latine. Cette
asymétrie ; un petit groupe d'exportateurs contre un grand nombre
d'importateurs, fragilise l'économie des riziculteurs dans la
quasi-totalité des pays pauvres et augmente leurs dépendances par
rapports aux pays exportateurs. Elle augmente leur vulnérabilité
face à une augmentation du prix, comme c'était le cas des
riziculteurs haïtiens lors des « émeutes de la faim
» de 2008 [(Lançon, F. & Mendez del Villar, P. 2008) ;
(Ahmadi, N. & Bouman, B. 2013)].
En somme, l'analyse des données de la FAO concernant la
répartition des exportations par pays et en pourcentage (%)
présentées dans le tableau 2.1 qui suit, nous montre que les
exportations mondiales du riz sont dominées par la Thaïlande.
Hormis l'année 1980 durant laquelle les Etats-Unis se trouvaient en
première position, la Thaïlande domine ce classement entre 1980 et
2010 avec des pourcentages variant de 35% à 26%. Les exportations des
Etats-Unies ont diminuées de 12.14 points de pourcentages. Elles passent
de 23.29% à 11.15% en 1980 et 2010 respectivement. Une situation
analogue a été constatée pour les exportations de la Chine
qui passe de 10.79% à 1.81% pour la période
considérée, soit une baisse de 8.98 points de pourcentage. Cette
baisse des exportations états-uniennes et chinoises se fait au profit de
celles du Viêt-Nam. En effet, les exportations vietnamiennes augmentent
de 20.24 points de pourcentage. Elles passent de 0.26% en 1980 à 20.50%
en 2010.
Tableau 2.1 : Evolution en pourcentage (%) des exportations du
riz par pays entre 1980 et 2010
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1980
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1985
|
1990
|
1995
|
2000
|
2005
|
|
Inde
|
3.76
|
2.75
|
4.07
|
21.91
|
6.55
|
13.82
|
|
Thaïlande
|
21.84
|
35.29
|
32.32
|
27.60
|
26.20
|
25.54
|
|
Viêt-Nam
|
0.26
|
0.52
|
13.09
|
8.87
|
14.86
|
17.86
|
|
Pakistan
8.49
6.27
6.00
8.26
8.62
USA
23.29
16.64
19.58
13.58
11.49
Brésil
0.01
0.03
0.01
0.08
0.11
Chine
10.79
9.24
3.46
1.18
13.08
Autres
31.55
29.26
21.46
18.51
19.09
Source : Calcul de l'auteur à partir des données de
la FAO (2018a)
2010
6.62
26.49
20.50
9.84
12.43
12.89
11.15
0.93
1.25
2.27
1.81
16.86
19.74
Total
100.00
100.00
100.00
100.00
100.00
100.00
100.00
Cependant, nous avons constaté une hausse des
exportations indiennes au détriment de celles
de la Thaïlande en 2013. Toujours selon les données
de la FAO, avec un pourcentage de 31% des
exportations totales an 2013, l'Inde se trouve en
première position dans le top sept (7) des
exportateurs mondiaux du riz. Il est poursuivi par le
Thaïlande, le Viêt-Nam qui accusent des taux
de 18% et 11% respectivement. Force est de constater que les
exportations états-uniennes (9% en
2013 contre 11.15% en 2010) et chinoises (1% en 2013 contre
1.81% en 2010) ne cessent de
diminuer. Toutefois, les pays de l'Asie dominent les
exportations mondiales du riz depuis 1980. En
15
2013, les quatre (4) premiers exportateurs mondiaux du riz
« Inde, Thaïlande, Viêt-Nam et Pakistan »
exportent environ 69% du total des exportations mondiales. La
figure 2.1 suivante nous permet d'expliciter la situation exposée
ci-dessus.
Figure 2.1: Répartition par pays et en pourcentage (%) de
l'exportation mondiale du riz en 2013
Brésil 2%
Chine 1% Autres 19%
Exportations du riz par pays et en
pourcentage (%) en 2013
USA 9%
Pakistan 9%
Viêt-Nam 11%
Thaïlande 18%
Inde 31%
Source : Calcul de l'auteur à partir des données de
la FAO (2018a)
2.1.1 Protection de l'agriculture dans certains pays
développés
L'agriculture, élément fondamental dans la
consommation des habitants et indispensable à la survie de
l'espèce humaine, a été, dès la fin de la crise de
1929, protégée par certains pays développés. Cette
politique protectionniste a été appliquée par ces
puissances agricoles afin d'augmenter la production et de répondre aux
besoins de consommation de leurs populations. Considéré comme un
secteur stratégique ou même une arme de combats par certains Etats
dans les relations internationales, les dirigeants de ces pays pensent qu'ils
ne peuvent pas le laisser à la libre concurrence. Dans ces conditions,
l'Etat doit intervenir afin d'atteindre certains objectifs spécifiques.
Bien que la production de riz en Europe soit marginale (0.4% de la production
mondiale), son cas est extrêmement intéressant, puisqu'aux
côtés des Etats-Unis, il est l'un des premiers à appliquer
une politique de protection de l'agriculture afin d'atteindre l'autosuffisance,
garantir la sécurité alimentaire de ses habitants et d'augmenter
le revenu des planteurs.
2.1.1.1 Une agriculture fortement
protégée aux Etats-Unis
La protection de l'agriculture états-unienne ne date
pas d'hier. Dès le début des années 1930, une politique
basée sur la régulation de l'offre et de soutient des prix a
été mis en oeuvre en réponse à la grande
dépression de 1929. Durant cette période, les dirigeants
états-uniens arrivent à eux seuls,
16
à assurer la régulation du marché mondial
des céréales. L'offre a été contrôlée
par l'Etat à l'aide des dépôts publics et de l'accumulation
des stocks. Vraisemblablement, le but de la mise en place cette politique
n'était pas de contribuer à l'évolution de la
libéralisation agricole, mais plutôt de maîtriser les prix
et permettre aux agriculteurs états-uniens d'avoir un niveau de revenu
adéquat.
Parallèlement, à l'aide du programme d'aide
alimentaire public Law 480 en vigueur depuis en 1954, les dirigeants
états-uniens accordent aux agriculteurs des soutiens à
l'exportation. Des subventions, variant en fonction du prix du marché,
ont été accordées aux producteurs de
céréales (le blé, le riz et le maïs). L'analyse des
données disponibles montre que plus le prix du marché est faible,
plus le montant des subventions accordé est élevé. Une
situation de la hausse des subventions agricoles a été
constatée au début des années 1980, suite à la
baisse de la demande solvable, la hausse de la capacité de production ou
la confirmation de l'autosuffisance alimentaire des pays de l'Europe ainsi que
l'entrée en force des Pays en Développement d'Asie et
d'Amériques du Sud dans le marché mondial du riz. Entre 1982 et
1986, à cause de la fermeture des frontières de certains pays de
l'Amérique latine et des Caraïbes, la demande du riz
états-unien ainsi que son prix diminuent et l'Etat accorde des
subventions à la tonne allant de 24% à plus de 66% du prix total
(Chataigner, J. & Salomon, C. 1996).
Toutefois, cette situation va être
améliorée vers la seconde moitié des années 1980.
Selon les données de l'OCDE, entre 1986 et 1995, les subventions
accordées aux agriculteurs états-uniens diminuent fortement.
Elles représentaient 23.50% des recettes agricoles en 1986 contre
seulement 9.75% en 1995, soit une baisse de 13.75 points de pourcentage pour la
période considérée. Par ailleurs, il faut souligner que
cette période coïncide avec la mise en place du Programme
d'Ajustement Structurel (PAS) des Institutions Financières
Internationales (IFI) dans les Pays les Moins Avancés d'une façon
générale et en Haïti en particulier [(Perchellet, S. 2010) ;
(Pierre, L-N. 2008)]. Etant considéré comme l'un des principaux
importateurs du riz états-uniens [(CJ-Consultants, 2012) ; (FEWS NET,
2014)], cette baisse des subventions accordées aux agriculteurs
états-uniens peut être considérée comme une
conséquence de la hausse des exportations de ces derniers vers
Haïti.
Au milieu des années 1990, la politique agricole
états-unienne va avoir une tournure. Avec les prévisions de
croissance de la FAO et d'autres institutions évoluant dans le domaine
agricole, l'année 1996 est marquée par l'abandon de la
régulation de l'offre mise en place depuis le début des
années 1930. Cette dernière a été substituée
par une politique de découplage des aides de la production. Par
ailleurs, grâce à leur avantage comparatif dans ce domaine, les
autorités états-uniennes profitent de la libéralisation de
l'agriculture prônée par l'Organisation Mondiale de Commerce (OMC)
pour acquérir des parts de marché perdues au début des
années 1980.
17
Cependant, malgré la signature de l'accord de Marrakech
en 1994, elles continuent à subventionner directement le revenu des
agriculteurs par la politique de commercialisation (marketing loans et
Price Loss Coverage). Cette politique de soutien direct engendre le
financement de l'agriculture par des montant très élevés
représentants l'équivalent de 46% à 86% du revenu de
l'exploitation [(Lançon, F. & Mendez del Villar, P. 2008), (MAAF,
2015)]. Elle se fonde sur l'autorisation donnée aux agriculteurs
à réclamer la différence entre le prix du marché et
celui du stockage. Cette politique encourage les planteurs états-uniens
à mettre leurs denrées sur le marché, et ceci même
quand les prix sont très bas. Cette situation entraine des
dépenses de subventions très élevées, quand les
prix du marché sont très faibles, comme c'était le cas
pour la période allant de 1997 à 2002 (Devienne, S. et al.
2005).
En effet, selon les données de la FAO, les prix
payés aux producteurs états-uniens diminuent
considérablement pour la période allant de 1996 à 2001.
Ils passent de 212 USD/TM en 1996 à 94 USD/TM en 2001. Donc, une
diminution de 55.66% durant cette période. Cette baisse des prix
à la tonne payés aux producteurs peut être
considérée comme le résultat, entre autres, de la baisse
des droits de douanes après la création de l'OMC et le
renforcement de la politique néolibérale au niveau des Pays les
Moins Avancés (PMA). Paradoxalement, cette période est
marquée par la hausse des subventions étatiques accordées
aux planteurs états-uniens. Ces dernières passent de 12.75% des
recettes agricoles en 1996 à 22.67% en 2000, soit une hausse de 9.92
points de pourcentage. Donc, il n'est pas faux de dire qu'il existe une
relation inverse entre ces dernières et le prix du marché. La
figure 2.2 qui suit présente l'évolution des Soutiens aux
Producteurs (ESP) états-uniens en pourcentage (%) des recettes agricoles
brutes entre 1986 et 2016 afin d'élucider la situation
précitée.
Figure 2.2 : Evolution des soutiens aux producteurs (ESP)
états-uniens pourcentage (%) des recettes agricoles brutes entre 1986 et
2016
25.00
20.00
15.00
10.00
5.00
Soutien aux producteurs (ESP) états-uniens en
pourcentage (%) des
recettes agricoles brutes entre 1986 et
2016
Source : Calcul de l'auteur à partir des données de
l'OCDE (2018)
18
Donc, les dirigeants états-uniens appliquent une
politique de dumping. Ils exportent leur supplément de production aux
niveaux de certains pays sous-développés à des prix
inférieurs aux coûts de productions. L'agriculture
états-unienne est mécanisée depuis les années 1950.
Cette mécanisation a permis aux agriculteurs de produire aux coûts
les plus bas que possible contrairement à leurs homologues des pays
pauvres. Ces derniers cultivent leurs terres en utilisant des intrants
agricoles peu performants, des outils archaïques et des techniques
rudimentaires. De plus, les dirigeants états-uniens subventionnent
l'agriculture par des sommes exorbitantes, créant ainsi une concurrence
déloyale et pénalise le revenu des agriculteurs des pays
importateurs.
2.1.1.2 Des subventions directes accordées aux
agriculteurs européens
Depuis le Traité de Rome en 1957, la signature d'un
accord entre les six pays fondateurs de l'Europe (Communauté Economique
Européenne) a été prévue afin de garantir un niveau
de vie aux agriculteurs et d'éviter des situations de pénurie
alimentaire comme après la seconde guerre mondiale. Cette politique vise
à répondre à la demande de consommation des denrées
agro-alimentaires des citoyens européens à des prix «
raisonnables » et d'augmenter le revenu des agriculteurs.
Toutefois, sa réalisation nécessite une offre supérieure
par rapport à la demande, ce qui va entrainer la diminution des prix,
conformément à la loi de l'offre et de la demande. D'où
l'intervention de l'Etat devient un impératif (Verhertbruggen, J-M.
1993).
Cinq (5) ans plus tard, soit en 1962, la Politique Agricole
Commune (PAC), ayant plus de ressemblance que de différence avec la
politique agricole états-unienne, a été mis en oeuvre.
Elle s'est fondée sur des subventions directes accordées aux
agriculteurs, les permettant d'acquérir de nouveaux outils, d'utiliser
des intrants agricoles de meilleures qualités et d'augmenter leurs
revenus en améliorant les rendements à l'hectare (Chataigner, J.
& Salomon, C. 1996). Cette politique a contribué à la
performance et à la mécanisation de l'agriculture, en passant par
des agricultures nationales à une agriculture européenne. Elle
permet aussi aux agriculteurs européens d'avoir accès aux
services financiers, puisqu'ils deviennent solvables.
Dès le début des années 1970, l'Europe
produisait une quantité de denrées agricoles excédentaires
par rapport à la demande, d'où la mise en place d'une politique
de stockage et de soutien des prix. Cette politique de soutien des
marchés va être transformée en une politique de soutien
direct aux producteurs au début des années 1990. Dès son
application, cette politique de protection agricole se fondait sur la recherche
de l'autosuffisance et de la souveraineté alimentaires par
l'intervention soit directe soit indirecte des autorités publiques. De
nos jours, près de 45% du budget de l'Union Européenne (UE), soit
un montant de 55 milliards d'Euro par année, est consacré
19
à cette politique (Commission Européenne, 2012).
En 2001, un montant de 106 milliards de dollars états-uniens a
été utilisé pour soutenir l'agriculture au sein de
l'Europe (Devienne, S. et al. 2005).
Force est de constater que cette politique de protection
agricole entraine une hausse des rendements à l'hectare aux Etats-Unis
et en Europe. La courbe des rendements à l'hectare aux USA a connu deux
périodes durant lesquelles les rendements ont été
accélérés (traduit par une pente raide). Ces
périodes sont d'abord les années 1960-70 et ensuite 1995-2000.
Contrairement à ce que préconise la nouvelle théorie du
commerce internationale, la croissance de la productivité de la
riziculture états-unienne et européenne coïncide avec des
périodes d'intervention de l'Etat, soit par la régulation de
l'offre ou des subventions directes accordées aux riziculteurs afin
d'augmenter leurs revenus. La figure 2.3 suivante concernant l'évolution
des rendements du riz en KG/ha aux Etats-Unis et en Europe nous permet de
comprendre la situation présentée ci-dessus.
Figure 2.3 : Evolution des rendements du riz en Tonnes/hectare
aux Etats-Unis et en Europe entre 1961 et 2015
8800
8300
4800
4300
7800
7300
6800
6300
5800
5300
3800
1961 1965 1970 1975 1980 1985 1990 1995 2000 2005
2010 2015
Evolution des rendements du riz en Kg/ha aux USA et
en Europe entre 1961 et 2015
USA Europe
Source : Calcul de l'auteur à partir des données
de la FAO (2018b)
2.1.2 Un marché dominé par des pays en
développement d'Asie
Dans la majeure partie des pays d'Asie, une situation de
croissance économique et de disponibilité alimentaire a
été constatée pour la période allant de 1970
à 1995. Dominée par l'agriculture qui est le principal secteur
créateur d'emploi, la hausse du Produit Intérieur Brut/ capita
(PIB/hab) au sein de ces économies est le résultat d'une
croissance exponentielle de la production de céréale d'une
façon générale et du riz en particulier (Rodolphe, de k.
2003). Les taux de croissance des rendements extraordinaires qu'ont connu les
pays asiatiques dans la riziculture les
20
ont permis de dominer le marché mondiale. Ils
produisent plus de 90%, consomment 85% environ de la quantité produite
et dominent les exportations à plus de 75% (Méndez del Villar, P.
2008).
En effet, la quasi-totalité du riz produit est
consommée sur le marché national. L'analyse des données de
la FAO concernant l'évolution de la production mondiale du riz nous
laisse observer que « la Chine, l'Inde, l'Indonésie, le
Viêt-Nam et le Thaïlande » sont les cinq premiers
producteurs du riz mondiaux entre 1980 et 2015. Ces cinq pays Asiatiques
arrivent à produire entre 68% et 75% de la production totale durant
toute la période considérée. En 2015, les trois premiers
producteurs mondiaux de riz, à savoir « la Chine,
l'Inde et l'Indonésie » produisent à eux seuls
plus de la moitié (60% environ) de la totalité du riz au niveau
mondial. Cependant, ces trois premiers producteurs mondiaux du riz ne sont pas
les premiers exportateurs. Cela sous-entend que la quasi-totalité de la
production du riz au niveau de ces pays est consommée sur le
marché local. La figure 2.2 suivant nous donne une illustration de la
situation décrite ci-dessus.
Tableau 2.2 : Evolution en pourcentage (%) de la production du
riz par pays entre 1980 et 2015
|
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|
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|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
1980
|
1985
|
1990
|
1995
|
2000
|
2005
|
2010
|
|
Chine
|
36.00
|
36.59
|
36.95
|
34.23
|
31.71
|
28.71
|
28.13
|
|
Inde
|
20.24
|
20.47
|
21.50
|
21.10
|
21.29
|
21.71
|
20.53
|
|
Indonésie
|
7.47
|
8.34
|
8.71
|
9.09
|
8.67
|
8.54
|
9.48
|
|
Viêt-Nam
|
4.84
|
3.39
|
3.71
|
4.56
|
5.43
|
5.65
|
5.71
|
|
Thaïlande
4.38
4.33
3.32
4.02
4.32
Brésil
2.46
1.93
1.43
2.03
1.86
Pakistan
1.18
0.94
0.94
1.09
1.20
USA
1.67
1.31
1.37
1.44
1.45
Source : Calcul de l'auteur à partir des données de
la FAO (2018b)
2015
28.35
21.15
10.19
6.09
4.83
5.09
3.74
2.08
1.60
1.66
1.31
1.03
1.38
1.59
1.57
1.18
Autres
21.76
22.71
22.07
22.43
24.07
25.58
26.85
26.25
Total
100.00
100.00
100.00
100.00
100.00
100.00
100.00
100.00
Toujours selon les données de la FAO, la situation de la
production du riz reste inchangée
en 2016. La Chine se trouve toujours en première position
avec 29% de la production totale du riz.
Elle est suivie par quatre autres pays asiatiques à savoir
l'Inde, l'Indonésie, Viêt-Nam et la
Thaïlande avec des taux de 21%, 11%, 6% et 3% de la
production mondiale du riz de façon
consécutive. 70% de la production mondiale du riz se
concentrent au niveau de ces cinq (5)
puissances rizicoles. Les Etats-Unis arrivent jusqu'à la
huitième place avec un taux de 1% de la
production mondiale. Ils viennent tout de suite après le
Brésil et le Pakistan qui enregistrent des
taux de 2% et 1% respectivement. Cette situation peut être
élucidée par la figure 2.4 suivante.
21
Figure 2.4: Répartition par pays et en pourcentage (%) de
la production du riz en 2016
Pakistan 1%
Brésil 2%
USA 1%
Thaïlande 3%
Production du riz par pays et en
pourcentage (%) en 2016
Viêt-Nam 6%
Autres 26%
Indonésie 11%
Inde 21%
Chine 29%
Source : Calcul de l'auteur à partir des données de
la FAO (2018b)
Lançon, F. & Mendez del Villar, P. (2008) essaient
de faire la distinction entre deux grands groupes d'exportateurs asiatiques.
D'abord le groupe dit historique, présent sur le marché aux
côtés des Etats-Unis sans interruption depuis les années
1960 (Thaïlande) et 1970 (Pakistan). Ensuite celui dit occasionnel,
arrivant sur le marché avec beaucoup de puissance durant la
décennie 1990 composé par le Viêt-Nam, l'Inde et la Chine.
De même que les pays développés (USA et l'Union
Européenne), ces pays en développement appliquent des politiques
de protection de leurs rizicultures. L'Etat Thaïlandais par exemple,
applique une politique de régulation du marché et de soutien
direct à l'exportation en achetant le riz au moment de la récolte
et de le revendre à des prix très bas aux exportateurs
privés. Les dirigeants du Viêt-Nam, quant à eux, ne
subventionnent pas directement les exportations, cependant, ils interviennent
dans la régulation du marché en priorisant la consommation
interne puisqu'ils limitent ou même interdisent l'exportation du riz
à des moments précis. Cette situation engendre une hausse des
prix et des situations de pénuries pour les pays importateurs, la crise
de 2008 peut en témoigner (AgriAlerte, 2008).
Cette situation n'est pas différente pour l'Inde et le
Pakistan. La Chine quant à elle, fait preuve de poursuite de
façon permanente par les Etats-Unis devant l'OMC pour des subventions
directes accordées à la production et à l'exportation des
céréales (Riz, Blé et Maïs). Seulement sous
l'administration de Barack Obama, sur un total de 28 plaintes, 14 ont
été déposées par Washington contre Pékin.
Une situation qui est, bien sûr, paradoxale étant donné que
les Etats-Unis, eux aussi, soutiennent leurs rizicultures. De plus, Per, P-A.
(2007) relate que la majeure partie des pays
22
d'Asie ; Chine, Inde, Indonésie, Thaïlande et
le Viêt-Nam, producteurs et exportateurs du riz, ont versé
des sommes exorbitantes dans la construction des infrastructures agricoles
entre 1960 et 2000, condition nécessaire pour avoir un
développement agricole et réduire la pauvreté selon eux.
Puisque les exportations ont été réglementées par
les pouvoir publics et non pas par le marché, il paraît
évident de souligner que ces pays qui ont développés leurs
rizicultures, le font dans un contexte de la recherche de la
sécurité et de l'autosuffisance alimentaires, mais pas dans une
perspective de mondialisation.
2.1.3 Une riziculture libéralisée dans les
PMA
La quasi-totalité des Pays les Moins Avancés
(PMA) font face à des problèmes d'insécurité
alimentaire malgré la prédominance du secteur agricole dans leurs
économies. L'agriculture familiale représente le centre
d'activité économique de ces pays de par sa contribution à
des taux allant jusqu'à 33%, 52% et 60% dans la formation du Produit
Intérieur Brut (PIB), la participation au commerce extérieur
(exportations) et à la création d'emploi consécutivement
en 1995. De plus, elle est considérée comme la principale source
de revenu pour les ruraux, branche de la population la plus pauvre et la plus
marginalisée (Per, P-A. 2007).
Néanmoins, contrairement aux pays
développés et les pays en développement d'Asie, dans le
cadre de l'application du Programme d'Ajustement Structurel (PAS)
recommandé par les Institutions Financières Internationales (IFI)
au début des années 1980 ; les PMA ont procédé
à la libéralisation de leurs agricultures. Cette
libéralisation va être poursuivie au milieu des années
1990, plus précisément en 1996, avec la mise en oeuvre de
l'accord sur l'agriculture de l'Organisation Mondiale du Commerce (OMC).
Malgré l'existence de grandes potentialités agricoles dans ces
pays, cette libéralisation contribue à une augmentation de
l'importation des denrées agro-alimentaires à plus de 400% en
Afrique de l'Ouest entre 1980 et 2005 (Abiassi, E. H. & Eclou, S. D. 2006)
et une diminution des exportations de ces denrées passant de 32.3%
à 29.5% en entre 1975 et 2004 (Per, P-A. 2007).
Une situation analogue a été constatée au
niveau des pays en développement de l'Amérique Latine, comme
c'est le cas du Pérou, où la libéralisation agricole a
entrainé la spécialisation des agriculteurs dans la production
des denrées d'exportations au détriment de celle dites
vivrières. Cette spécialisation a été
effectuée dans l'objectif d'exploiter des niches, pourtant, elle
augmente la vulnérabilité des planteurs face à une
variation du prix sur le marché mondial (Chaleard, J-L. & Mesclier,
E. 2004).
23
Par ailleurs, l'agriculture des Pays les Moins Avancés
(PMA) a la particularité d'être une agriculture de petites
exploitations familiales à faible productivité. Vivant dans des
situations économiques émaillées de difficultés,
les agriculteurs de ces pays n'ont pas l'accès aux services financiers
(Dossouhouif, F.V. & al. 2017). À cela il faut additionner
l'utilisation des outils archaïques et des intrants agricoles de
qualités réduites. De plus, la baisse des droits de douanes sur
l'importation, le désengagement de l'Etat et le mauvais état des
infrastructures agricoles (réseaux hydrauliques), sans oublier la
politique de dumping pratiquée par les grandes puissances agricoles ;
instaurant ainsi une concurrence déloyale comme étant des faits
qui ont pénalisé la production du riz et le revenu des
riziculteurs dans les pays pauvres (AgriAlerte, 2008).
Paradoxalement, la population de ces pays ne cesse d'augmenter
malgré la baisse continue de la production agricole. Selon les
prévisions statistiques de 2050 de l'Organisation des Nations Unies pour
l'Alimentation et l'Agriculture (FAO), les croissances démographiques
les plus fortes devraient être observées aux seins des Pays en
Développements Importateurs Nets de Produits Agricoles (PDINPA) (85%),
des PMA (103%) et des pays de l'Afrique subsaharienne (123%) (CNUCED, 2012).
Cette poussée démographique entraine un recours à
l'extension des surfaces cultivées malgré les graves
conséquences environnementales que cela puisse entrainer. Elle contribue
aussi à la hausse de l'importation pour répondre aux besoins
alimentaires de la population et éviter des situations de famine et
d'insécurité alimentaires.
Par conséquent, après avoir
libéralisé complètement leurs agricultures, certains PMA
font partie des premiers importateurs de produits agricoles. Concernant le cas
du riz, dès le début des années 2000, le Nigéria
(Abiassi, E. H. & Eclou, S.D. 2006) et la Cote d'Ivoire (Diagne, A. &
al. 2004), font partie des cinq (5) premiers importateurs mondial du riz.
D'autres pays qui étaient soit autosuffisants comme Haïti soit
exportateurs du riz comme le Madagascar au début des années 1960,
deviennent importateurs nets avec cette libéralisation agricole (Dabat,
M-H. & Olivier, J-T. 2010). Dépendant totalement ou partiellement du
marché mondial, les ménages les plus pauvres, assez souvent des
agriculteurs dans les PMA, sont les premières victimes de la variation
des prix. Cette dernière les a mis soit dans une situation de
pénurie alimentaire, en cas de la hausse des prix, soit dans une
situation de la diminution de leur revenu, dans le cas contraire (Per, P-A.
1985).
2.2 Historicité de la politique agricole
haïtienne
Après avoir présenté la situation de la
riziculture mondiale, il parait nécessaire de souligner les
spécificités de la République d'Haïti. Dans cette
deuxième partie de ce chapitre, la politique agricole mise en oeuvre en
Haïti depuis 1950 sera présentée. L'objectif est de
démontrer que, sous
24
la demande des Institutions Financières Internationales
(IFI), sans oublier le rôle prégnant qu'ont joué les
Etats-Unis dans la mise en oeuvre de cette politique néolibérale,
l'économie de la République d'Haïti est la plus
libéralisée parmi les pays de la CARICOM et des PMA depuis le
début des années 2000.
2.2.1 Une agriculture fortement règlementée
de 1950 à 1986
Sous la présidence de François Duvalier durant
la période allant de 1957 à 1971, la politique commerciale
haïtienne était caractérisée par des droits de
douanes assez élevés sur certains produits dits «
stratégiques » afin de protéger l'agriculture
nationale. Les tarifs appliqués sur l'importation des denrées
agricoles varient entre 40% et 50%. Des taux de 50%, 40% et 50% ont
été appliqués sur l'importation des produits comme le riz,
le sucre et les viandes de volailles consécutivement (MARNDR, 2010a). De
plus, des subventions directes ont été accordées aux
produits de consommation de bases, entrainant ainsi une baisse des prix de
vente afin de permettre aux ménages les plus démunies d'avoir
accès à ces denrées. Durant cette période, la
production agricole parvenait à réponde à la demande de
consommation des ménages haïtiens pour les produits les plus
consommés, particulièrement le riz (Vivas, E. 2010). Par
ailleurs, cette politique était caractérisée, entre
autres, par le contrôle et la restriction de l'importation des
denrées agricoles, par la limitation de la consommation de certains
produits et par la fermeture de l'ensemble des ports du pays, hormis celui de
la capitale, ce qui avait favorisée le contrôle de la contrebande
qui était très faible à cette époque [(Victor, E.
2011) ; (Perchellet, S. 2010)].
2.2.2 L'agriculture haïtienne, l'une des plus
libéralisée après 1986
Après la mort au pouvoir de François Duvalier
(Papa Doc), son fils, Jean-Claude Duvalier (Baby Doc) le succéda
(1971-1986). Dès le début des années 1980, des tentatives
de libéralisation de l'économie ont été
effectuées, dans le but de faire la révolution économique,
comme l'avaient souligné les dirigeants de l'époque (Baptiste,
BJ. 2005). Au milieu des années 1980, la situation
politico-économique de la République d'Haïti évolue
considérablement puisque l'année 1986 est marquée par un
changement radical. Ce changement peut être considéré
d'abord sur le plan politique avec la chute de « Duvalier fils
» et les élections de décembre 1990 permettant de
passer d'un régime dictatorial à un régime
démocratique. Ensuite, cette période coïncide avec le
début de la mise en oeuvre du courant économique
néolibéral, marqué par l'application du Programme
d'Ajustement Structurel (PAS). Cette nouvelle politique donne aux Institutions
Financières Internationales (IFI) la mission d'assurer la
stabilité financière et la croissance économique du
pays,
25
puisque sa situation se détériorait suite
à son exclusion sur le marché international depuis le 8 octobre
1991. Sur la demande de ces Institutions, les dirigeants haïtiens ont
diminué drastiquement les droits de douanes sur les denrées
agricoles, particulièrement sur le riz [(PAPDA, 2011) ; (Fréguin,
S. & Devienne, S. 2006)], contribuant ainsi à une hausse des
importations venant principalement des Etats-Unis qui subventionnent leurs
agricultures (Baptiste, BJ. 2005).
Membre fondateur de l'OMC (ancien GATT depuis 1950) en 1995,
Haïti a bénéficié de la clause de la nation la plus
favorisée. Pourtant, ses droits de douanes consolidés sont
extrêmement bas (21.10% en moyenne), avec des taux nuls pour bon nombre
de produits. Le pire dans tout ça, les tarifs appliqués sont
encore plus bas que les droits de douanes consolidés. À cela il
faut ajouter la remise en question de la politique de restriction à
l'importation et la fermeture de certains ports du pays appliquée sous
l'administration des « Duvalier ». Comme
les deux autres Institutions (FMI et BM), l'OMC plaide en faveur d'une
libéralisation des échanges fondée sur le
démantèlement des tarifs douaniers, le désengagement de
l'Etat (MARNDR, 2010a) et la privatisation des entreprises publiques
jugées « non performantes ». Sur la base de cette politique,
des entreprises agricoles comme « la Minoterie » (production
de farine et de pain) et « l'huilerie ENAOL » ont
été privatisées (Perchellet, S. 2010). Pour les dirigeants
de l'époque, cette politique peut favoriser l'intégration du pays
dans le commerce internationale et ; augmenter la production, les exportations
ainsi que le revenu agricole afin de diminuer les importations et de
résoudre le problème de la pauvreté et de
l'insécurité alimentaire.
Créé en 1973, les pays de la CARICOM essaient de
protéger leurs agricultures sur la base de l'application du Tarif
Extérieur Commun (TEC). En effet, des droits de douane allant
jusqu'à 40% ont été appliqués sur les
denrées agricoles. Malgré qu'Haïti soit membre à part
entière et la première puissance démographique de cette
communauté depuis le 4 juillet 2003, ses dirigeants n'ont pas
profité de cette opportunité pour relancer la production rizicole
et améliorer la situation économique des riziculteurs par
l'application du TEC. En effet, un tarif douanier de 3% seulement est
fixé sur le riz (Josling, T., Chanperon, W. & Le Turioner, J.
2017).
Cependant, au lieu de protéger son agriculture, la
lecture de la structure tarifaire d'Haïti ; l'un des principaux
instruments utilisés pour analyser la politique commerciale d'un pays
donné, nous laisse observer que l'agriculture du pays est l'une des plus
libéralisées au monde. Contrairement au taux consolidé de
l'OMC sur les produits agricoles qui est de 21.1%, la moyenne des droits de
douanes sur les produits agricoles haïtiens était de 8% en 2011
(Bruce Huff, H. 2014).
Comme le montre la figure 2.5 qui suit, la moyenne simple des
droits de douanes agricoles consolidés en Haïti (21.10%) est
nettement inférieure que celle de la République Dominicaine
26
(39.30%), de certains PMA (72.9%) et des pays de la CARICOM
(97.8%). Parallèlement, la moyenne des droits de douanes
appliqués sur les denrées agricoles en Haïti est de 8%,
contre 16.1% et 18.3% pour les PMA et les pays de la CARICOM respectivement. De
plus, un taux de 0% appliqués sur les denrées agricoles pour 29%
droits de douanes en Haïti contrairement à ses partenaires
commerciaux comme la République Dominicaine qui n'a aucune franchise
douanière pour les denrées agricoles, les PMA (4.8%) et les pays
de la CARICOM (18%).
Pourtant, Haïti a une très petite portion de ses
droits de douanes agricoles appliqués qui sont supérieurs
à 15% (11.50%). Contrairement à Haïti, les pays faisant
partie de la CARICOM ont près de la moitié, soit 45.60% de leurs
tarifs douaniers sur les denrées agricoles en moyenne qui sont plus
élevés que 15%. Pour les PMA 54.2% de leurs droits de douanes en
moyenne sont fixés à des taux plus élevés que 15%.
Puisqu'en moyenne, les tarifs douaniers appliqués à l'importation
des denrées agricoles en Haïti sont moins élevés que
ceux de ses partenaires commerciaux ; le fait aussi qu'il est le pays qui
accorde de franchise douanière sur une plus grande quantité de
denrées agricoles (avec 29% droits de douanes fixés à 0%)
et la plus faible portion de droits de douanes supérieure à 15%,
Haïti peut être considéré comme l'un des pays les plus
libéralisés.
Figure 2.5 : Comparaison des tarifs agricoles entre
Haïti, République Dominicaine, certains PMA et les Pays de la
CARICOM.
100.0
80.0
40.0
60.0
20.0
0.0
21.1
39.3
Consolidés Appliqués
72.9
Comparaison des tarifs agricoles entre Haïti,
la République Dominicaine, les PMA et les Pays de la
CARICOM
97.8
Moyenne simple
Consolidés Appliqués
Haïti République Dominicaine Moyenne PMA
Moyenne CARICOM
8.0
16.1
18.3
29.2
17.2 0.5 0.8
% de franchise de droits
4.8
18.0
65.6
98.9
Consolidés Appliqués
96.0
98.6
Droits >
15%
11.5
45.6
54.2
Source : Calculs réalisés par l'auteur à
partir des données de Bruce Huff, H. (2014 : 22).
27
Chapitre III : Présentation de la riziculture
haïtienne
Comme tous les PMA, l'agriculture est un secteur très
important dans l'économie haïtienne en dépit du fait que sa
production, sa valeur ajoutée et sa participation dans la
création d'emploi ne cessent de diminuer. Considérée comme
la principale source de devise du pays durant les années 1960-70, sa
contribution dans la formation du PIB était de 45% (MARNDR. 2010a)
contre 22% en 2013 (CIRAD. 2016), soit une diminution de 23 points de
pourcentage durant la période considérée. Pour une grande
portion de la population rurale, soit 80% environ, l'agriculture est le
principal créateur d'emploi et moyen de subsistance (MAEE & DGCID.
2008).
La riziculture haïtienne a un rôle majeur à
jouer dans la lutte contre l'insécurité alimentaire et
l'amélioration du niveau de vie des agriculteurs. Malheureusement,
livré à eux même, les riziculteurs haïtiens ont un
accès très limité aux intrants agricoles de
qualité. Ils utilisent des techniques archaïques et des outils
rudimentaires. De plus, la riziculture est réalisée sous les
caprices de la nature puisque l'Etat s'est désengagé et
n'investit que de faibles montants qui se révèlent insuffisants
pour le curage des canaux d'irrigation. Une situation qui pénalise la
production du riz et contribue à l'appauvrissement des riziculteurs.
Ce chapitre concerne la présentation de la riziculture
Haïtienne. Il revient d'abord, de relater les différentes
composantes de l'offre et de la demande du riz et d'exposer ensuite le circuit
de commercialisation ainsi que le mécanisme de la formation des prix du
riz produit dans la Vallée de l'Artibonite.
3.1 Une offre du riz dominée par les
importations
L'offre du riz doit répondre à la demande de
consommation et d'exportation. La production est insuffisante pour
répondre à la demande croissante de la population haïtienne.
Pour résoudre ce problème, l'importation du riz remplace la
production locale. Son poids dans la disponibilité alimentaire augmente
rapidement au détriment de la production des riziculteurs de la
Vallée de l'Artibonite, ce qui augmente la vulnérabilité
de ces derniers et diminue leurs revenus. L'aide alimentaire quant à
elle persiste et se stabilise entre 2% et 4% environ dans la
disponibilité du riz. Toutefois, dans les périodes de
catastrophes humaines (Coup d'État de 2004) ou naturelles (les
inondations de 2004 et de 2008, le tremblement de terre de 2010 et la
sécheresse de 2012) elle peut augmenter, comme c'était le cas en
2010 où elle représentait jusqu'à 8% de l'offre
alimentaire en Haïti. L'aide alimentaire est soit bilatérale soit
multilatérale (avec des Organismes comme le PAM...), mais quel que soit
le cas de figure qui se présente, elle est dominée par les
Etats-Unis à plus de 80%. Ces trois composantes de la
disponibilité alimentaire en riz, à savoir « la
production,
28
l'importation et l'aide alimentaire »
[(Duvivier, P. & Corantin, H. 2011) ; (CJ-Consultants, 2012) ; (FAO, 2015)]
seront présentées dans les prochains paragraphes.
3.1.1 Une production rizicole insuffisante
Comme la totalité des autres denrées
cultivées en Haïti, la production du riz est saisonnière et
couvre jusqu'à trois (3) campagnes4 par année ;
Printemps (Mars - Juillet), Automne (Août - Novembre) et Hiver
(Décembre - Mars) (MARNDR. 2015). Hormis le département du
nord-ouest, le riz est cultivé dans tous les départements du
pays. L'Artibonite, département dans lequel bon nombres de
ménages se trouvent en situation d'insécurité alimentaire
[(FEWS NET. 2014) ; (Lybbert, T.J., Turiansky, A & Etienne, J.R. 2017)]
couvre plus de 85% de la production totale du riz en Haïti, ce qui fait de
lui la principale zone de production, aussi paradoxale que cela puisse
apparaître. Il possède une superficie rizicole de 28,000.00
hectares soit 73% sur un total de 38,000.00 hectares et d'autres
potentialités agricoles tel que « le fleuve de l'Artibonite »
(CJ-Consultants. 2012).
La production du riz, activité essentielle et source
principale de revenu pour près de 130,000.00 ménages
haïtiens dont 90,000.00 dans la Vallée de l'Artibonite (FAO. 2015),
évolue très faiblement au fil du temps. Elle n'arrive à
répondre qu'à seulement 20%5 de la demande globale de
la population [(MARNDR. 2009) ; (MARNDR. 2015)]. Cette production est
insuffisante pour répondre à la demande croissante de la
population à cause de la poussé vertigineuse de cette
dernière et le changement de ses habitudes de consommations.
L'analyse des données publiées par le
Ministère de l'Agriculture des Ressources Naturelles et du
Développement Rural (MARNDR) concernant l'évolution de la
production du riz en Haïti nous laisse observer que cette dernière
est relativement faible. Elle est passée de 155,031.77 TM en 2014 contre
un total de 228,894.00 TM en 2017, soit une augmentation de 47.64% durant ces 4
dernières années. Par ailleurs, la production rizicole de
l'année 2017 a enregistré une augmentation de 33.00% par rapport
à l'année 2016. Elle passe de 172,144.71 TM à 228,894.00
TM. Cette hausse de la production du riz est le résultat,
paraît-il, de l'augmentation de la surface cultivée et de
l'accès à l'engrais par les agriculteurs dans le cadre du
Programme Présidentiel baptisé « Caravane Changement
». Il paraît évident de signaler le fait que, la
Vallée de l'Artibonite, à elle seule, assure plus de 85% de la
production totale du pays quel que soit la période
considérée. Entre 2014 et 2017, la production du riz
enregistrée dans la Vallée passe de 135,029.96 TM à un
total de 202,982.00
4 Certains auteurs relatent que dans la Vallée
de l'Artibonite, la production de riz se fait sur deux (2) saisons : la saison
pluvieuse et la saison sèche.
5 12% produit dans la Vallée de l'Artibonite
contre 8% pour toutes les autres régions
29
TM soit 87.10% et 88.66% consécutivement de la
production rizicole totale de la République. La figure 3.1 qui suit nous
donne une représentation de l'évolution de la production du riz
en Haïti par région.
Figure 3.1 : Evolution de la production du riz en TM par
Régions entre 2014 et 2017
250,000.00
200,000.00
150,000.00
100,000.00
50,000.00
0.00
135,029.96
Evolution de la production du riz en TM par region
entre 2014 et 2017
2014 2015 2016 2017
131,958.34
Haïti Vallée de l'Artibonite
Autres
116,218.38
172,113.71
156,139.65
228,894.00
202,982.00
25,912.00
Source : Calculs réalisés par l'auteur à
partir des données du MARNDR (2018)
155,031.77
20,001.81
15,739.96
15,974.06
La riziculture haïtienne est caractérisée
par une faible productivité (Lybbert, T.J., Turiansky, A & Etienne,
J.R. 2017). De faibles rendements à l'hectare (MAEE & DGCID, 2008),
soit une quantité qui varie entre 2 et 3 tonnes/h (CJ-Consultants, 2012)
ont été enregistrés durant ces dernières
années. Entre 2008 et 2011, parmi certains pays de la Caraïbe,
Haïti a enregistré le rendement céréalier moyen le
plus faible, soit 941.00 TM contre 2,325.00 pour le Cuba et 3,299.00 TM pour la
République Dominicaine (FEWS NET, 2014). Cette faible
productivité peut être expliquée par plusieurs facteurs
parmi lesquels nous pouvons citer :
D'abord, l'utilisation des outils archaïques et peu
diversifiés en Haïti en générale et dans la
Vallée de l'Artibonite en particulier. En 2009, les résultats du
Recensement Général de l'Agriculture (RGA) montrent que
l'utilisation des équipements et matériels agricoles reste faible
puisqu'un total de 2,733.00 tracteurs et 5,591.00 pompes d'irrigations
seulement a été recensé (MARNDR, 2012). De plus, il parait
qu'en 2010 les agriculteurs possédaient généralement une
machette, une houe, une dérapine ou une pelle, ainsi, la
préparation du sol se fait manuellement ou à l'aide de la
traction animale (MARNDR, 2010b).
Ensuite, les riziculteurs haïtiens ont un faible
accès aux services financiers (MARNDR, 2009). L'analyse des
données publiées par le MARNDR relate que 74.9% des exploitants
recensés en 2009 affirment que le manque de ressources
financières est la cause fondamentale qui entrave le
30
développement de leurs exploitations contre seulement
1.9%, soit 52,725.00, qui ont accès au crédit financier (MARNDR,
2012). De plus, il paraît que le système bancaire privé
haïtien accorde moins d'1% du total des crédits alloués
à l'économie aux activités agricoles en 2007 (MARNDR,
2010a). Créé en 1993, le Bureau de Crédit Agricole (BCA)
est décapitalisé et n'accorde que 20% de ses prêts au
secteur agricole. Le caractère saisonnier de l'agriculture
combiné avec le taux de risque élevé et le délai de
remboursement très court (mensuel) (FAO & PAM. 2010) sont les
principales causes qui peuvent expliquer cette situation.
En outre, les intrants agricoles de qualité sont peu
disponibles malgré les efforts de l'Etat haïtien qui les
subventionne depuis le début des années 2000. Les subventions
étatiques permettent de diminuer le prix de l'engrais de 300%, passant
de 2000 Gourdes à 500 Gourdes le sac de 45 Kg entre 2008 et 2010 (FAO
& PAM, 2010). Toutefois, nombreux sont les paysans haïtiens (37%
environ) qui utilisent des grains tirés de leurs productions ou
achetés sur le marché rural comme semences. 15% des
ménages seulement utilisent des semences améliorées contre
61% des paysans n'ont aucun accès aux intrants agricoles de
qualités (CNSA, 2011a).
Par ailleurs, la parcellisation de l'agriculture
haïtienne est considérée comme l'une de ses contraintes
majeures. Selon les données du MARNDR, en 2009, un total de 1,018,951.00
exploitations agricoles ont été recensées dans le pays.
Elles se trouvaient sur un total de 736,241.50 carreaux de terre, ce qui
signifie que la superficie de chaque exploitation agricole est de 0.72 carreaux
de terres en moyenne. La quasi-totalité de ces exploitations sont de
petite taille. Environ 73.9% se trouvent sur moins d'un carreau de terre.
Chaque exploitation a en moyenne 1.8 parcelles. La superficie totale des
parcelles s'élève à 768,439.4 carreaux de terres. Chaque
parcelle a en moyenne une superficie de 0.42 carreaux de terre (MARNDR, 2012).
Toujours selon les données du MARNDR, le département de
l'Artibonite compte un total de 122,040.8 Carreaux de terre agricole pour un
total de 163,588.00 exploitations, soit moins d'un carreau en moyenne par
exploitation. De plus, une augmentation de la parcellisation accompagnée
d'une diminution de la taille moyenne des parcelles a été
constatée, passant de 1.55 hectares en 1950 à 0.75 et 0.5
hectares en 1979 et 1995 respectivement (Baptiste, BJ. 2005).
En fin, le mauvais état des infrastructures
hydro-agricoles, causé par le désengagement de l'Etat et le
passage à répétition des catastrophes naturelles telles
les inondations, les cyclones... [(Georges, E.L. 2010) ; (MARNDR, 2010b) ;
(FEWS NET, 2014)] est aussi considéré comme une contrainte
majeure de la riziculture haïtienne (MPCE, 2008). Selon les inventaires du
MARNDR, en 1999, 243 systèmes d'irrigation ont été
identifiés, couvrant une surface de 75,000.00 hectares de terres. Le
seul grand système irrigué de la république se trouve dans
la Vallée de l'Artibonite, il
31
couvre 38,000.00 hectares de terres. Toutefois, ses
infrastructures ont connu des détériorations avec la
libéralisation de la riziculture haïtienne (MARNDR, 2009).
3.1.2 L'augmentation continue de l'importation
Avec la faiblesse de la production du riz, l'importation est
considérée comme la première alternative pour satisfaire
la demande de plus en plus croissante des ménages haïtiens. Avec un
pourcentage avoisinant 90% venant principalement des Etats-Unis (FAO & PAM,
2010), elle satisfait 88% de la demande entre 2004 et 2008 (FEWS NET, 2014),
80% de la consommation en 2015 [(MARNDR, 2009) ; (MARNDR, 2015)] et elle
représente 34% des importations alimentaires en 2010 [(CNSA, 2011b) ;
(CJ-Consultants, 2012)]. Cette situation peut être élucidée
par le poids important de l'importation du riz, environ entre 35,000.00 et
40,000.00 Tonnes par mois (PAM, 2012), dans le total des importations durant
ces dernières années. En effet, avec un montant de 219,098,782.00
USD, représentant ainsi 8.20% du montant total des importations du pays
en 2012, le riz vient en première position dans le top 20 des
importations (CIRAD, 2016).
Vraisemblablement, cette situation commence avec la
libéralisation rizicole du pays. L'analyse des données
disponibles nous relate que durant les années 1961-66, Haïti
était quasiment auto-suffisant en riz. La demande globale du riz
(395,200.00 TM) a été satisfaite à 99.95% par la
production (395,000.00 TM) contre seulement 0.05% du riz importé (200.00
TM) (Baptiste, BJ. 2005). Selon l'analyse des données de la FAO
présentées dans la figure 3.2 suivante, la demande du riz
augmente considérablement au fil du temps. Elle est passée de
135,910.00 TM en 1980 contre 136,195.00 TM en 1985. Durant cette même
période, les importations ont diminuée de 56.79%, passant de
16,200.00TM en 1980 à 7,000.00 TM en 1985. La production quant à
elle passe de 119,710.00 TM en 1980 à un total de 129,195.00 TM en 1985,
soit une hausse de 7.92%. En effet, le début des années 1980 est
marqué par des tentatives de libéralisation économique du
pays. Le Président de l'époque (Duvalier fils) voulait, dit-il,
faire la révolution économique du pays, contrairement à
son père qui avait fait la révolution politique. Cette croissance
relativement faible de la production du riz accompagnée de la baisse
considérable des importations peut être expliquée par la
reprise des mesures protectionnistes.
L'année 1986 est marquée par le début de
l'application du Programme d'Ajustement Structurel (PAS). La demande du riz
augmente de 79.08% entre 1985 et 1990, pourtant, la production est presque
stagnante durant cette même période. Face à cette
stagnation de la production et la hausse de la demande, nous avons
assisté à une explosion de l'importation du riz en Haïti.
Cette dernière est passée de 7,000.00 TM en 1985 à
114,000.00 TM en 1990. Par ailleurs, après le
32
Programme d'Ajustement Structurel (PAS) (1986), la
création de l'OMC (1996) marque la deuxième vague de la
libéralisation économique du pays. La demande de consommation des
ménages (26.28%) ainsi que les importations (82.46%) augmentent avec
cette dernière. Cependant, la production des riziculteurs haïtiens
diminue de 23.02%. Elle est passée de 129,000.00 TM à 100,000TM
entre 1990 et 1995. Entre 2000 et 2010, les importations continuent à
augmenter. Elles sont passées de 252,010.00 TM à 465,613.00, soit
une hausse de 84.76%. Contrairement à ces dernières, la
production agricole augmente très faiblement (8.52%). Elle est
passée de 130,000.00 TM en 2000 à 141,075.00 TM en 2010. Cette
faible augmentation de la production du riz durant cette période est le
résultat, paraît-il, du programme de subvention d'engrais mis en
place par les dirigeants haïtiens. Il semble que la situation ne fait
qu'empirer puisque, toujours selon les données de la FAO, la production
du riz en Haïti était de 169,300.00 TM en 2013 contre 434,517.000
TM importé. Cette dernière représente 71.49% de la
disponibilité alimentaire en Haïti en 2013 contre seulement 11.92%
en 1980.
Figure 3.2: Evolution de la Production et de l'importation du riz
en TM entre 1980 et 2013
400000
500000
300000
200000
100000
0
100000 105000
16200 7000 114000
1980 1985 1990 1995 2000 2005 2010
2013
Evolution de la production et de l'importattion du
riz en TM en Haïti entre
1980 et 2013
119710 129195 129900 130000 141075
Production Importation
208000
252010
346104 465613
424517
169300
Source : Calcul de l'auteur à partir des données de
la FAO (2018a) et FAO (2018b)
3.1.3 Une aide alimentaire relativement stable
Aux côtés de la production et de l'importation,
l'aide alimentaire en riz est considérée comme la
troisième composante de la disponibilité alimentaire en
Haïti. Le total de l'aide alimentaire était fixé à un
montant de 178,000.00 TM en 2000 contre seulement 68,000.00 TM en 1991, soit
une hausse de 161.76% durant ces dix (10) années. A partir de cette
date, l'aide
33
alimentaire s'est diminuée pour passer à des
montants qui varient entre 100,000.00 et 110,000.00 TM par année (FEWS
NET, 2014). Elle représente un taux de 3% de l'offre alimentaire hormis
les années d'urgences humanitaires comme en 2004 (MAEE & DGCID,
2008). Accusant une augmentation de 71% par rapport au montant de 2008, l'aide
alimentaire contribue à 8 points de pourcentage dans l'offre alimentaire
du pays en 2010. Cette hausse peut être expliquée, entre autres,
par l'augmentation de l'insécurité alimentaire des ménages
de l'Air Métropolitaine de Port-au-Prince (AMP) suite au passage du
tremblement de terre de 12 janvier 2010 (CNSA, 2011b). La figure 3.3 suivant
donne une idée de l'évolution de l'aide alimentaire en Haïti
pour la période allant de 2008 à 2012.
Figure 3.3 : Evolution de l'aide alimentaire en TM en Haïti
entre 2008 et 2012
Evolution de l'aide alimentaire en TM en Haïti
entre 2008 et 2012
196,647.00
2008 2009 2010 2011 2012
200,000.00
150,000.00
100,000.00
50,000.00
Source : Calculs de l'auteur à partir des données
de FEWS NET (2014 : 19).
90,635.00
95,997.00
51,463.00
Dans presque tous les cas, l'aide alimentaire
bilatérale est considérée comme un moyen pour que les pays
donateurs puissent se débarrasser de leurs excédents de
production et financent leurs agricultures. Des pays comme les Etats-Unis
à travers l'USAID, la France par le billet de la Coopération
Française, le Canada par l'intermédiaire de la Coopération
Canadienne financent certains programmes d'aides, gérés par des
Organisations Non Gouvernementales (ONG) telles CARE, CRS, ADRA et Action
Contre la Faim (ACF). Le financement de ces programmes d'aide se fait à
partir des céréales, particulièrement le riz acheté
aux agriculteurs de ces pays (CNSA, 1996b). Certainement, cette aide contribue
en partie à la résolution du problème de
l'insécurité alimentaire en Haïti dans le court terme
(MARNDR, 2010b), toutefois ce problème est d'ordre structurel. L'aide
alimentaire persiste encore et elle contribue à la diminution de la
production du riz de la Vallée de l'Artibonite (Baptiste, BJ. 2005)
ainsi qu'à la dépendance alimentaire du pays par rapport aux
marchés des pays donateurs (Perchellet, S. 2010).
34
3.2 Une demande du riz qui augmente avec la croissance
démographique
L'analyse des données estimées de l'Institut
Haïtien de Statistique et d'Informatique (IHSI), présentées
dans la figure 3.1 ci-dessous, relate que la population haïtienne ne cesse
d'augmenter pour la période allant de 2000 à 2014. Elle
était estimée à 10,597,757.00 habitants en 2014 soit 1.3,
1.2 et 1.08 fois plus que celle de 2000, 2005 et 2010 respectivement. C'est une
population relativement jeune puisque 38.5% de la population de 2003 avaient
moins de 15 ans contre seulement 6.3% des gens âgés de 65 ans et
plus. De plus, la moitié de la population avaient 21 ans durant cette
même année. L'Ouest, l'Artibonite et le Nord sont les
départements les plus peuplés.
Par ailleurs, la répartition de la population
haïtienne selon le milieu de résidence et le sexe est soumise
à de grandes modifications. Toujours selon les données de l'IHSI
(2011), la population féminine est légèrement
supérieure à celle des hommes durant toute la période
considérée. Néanmoins, les disparités entre la
population rurale et urbaine persistent. Le poids de cette dernière dans
la population totale du pays augmente considérablement. Cette
augmentation se fait au préjudice de la population rurale. Puisqu'il vit
dans une situation de misère, l'agriculteur est obligé de laisser
la campagne pour se rendre en ville à la recherche d'un aller-mieux soit
dans le commerce soit dans l'industrie. Cette situation conduit à une
baisse de 11.77% du poids de la population rurale dans la population
haïtienne durant la période considérée. En 2000, sur
chaque 100 haïtiens, 64.37 étaient ruraux contre seulement 55.6 en
2014. Il paraît évident que la migration interne soit
dominée par le déplacement des ruraux vers les villes. En effet,
avec la baisse de la part de la population rurale dans la population totale du
pays, nous avons constaté une hausse de 8.77% de la population urbaine
dans la population totale. Le poids de la population urbaine dans celle de la
république passe de 35.63% à 44.40% entre 2000 et 2014.
Figure 3.4 : Evolution de la population haïtienne selon le
milieu de résidence entre 2000 et 2014
Evolution de la population haïtienne par milieu
de résidence
64.37
61.26
58.12
55.60
35.63
38.74
41.88
2000 2005 2010 2014
Urbain Rurale
70.00
65.00
60.00
55.00
50.00
45.00
40.00
35.00
30.00
Source : Calculs réalisés par l'auteur à
partir des données de l'IHSI (2011)
35
Avec cette explosion démographique et le changement des
habitudes de consommations des haïtiens, la demande du riz augmente
considérablement. Cette demande est utilisée à 90% pour la
consommation des ménages, toutefois, une faible proportion est
exportée vers l'extérieur. Nous allons essayer de
présenter les différentes composantes de la demande du riz en
Haïti dans les lignes qui suivent.
3.2.1 L'augmentation sans précédente de la
consommation du riz
Contrairement à la période Duvaliériste
durant laquelle la consommation du riz était occasionnelle, surtout les
dimanches ; les habitudes de consommations des ménages haïtiens ont
changé considérablement avec la libéralisation
économico-politique du pays. En effet, avant cette
libéralisation, le riz était consommé par les familles
riches se trouvant particulièrement en ville. Les familles relativement
aisées en milieu rural consommaient le riz surtout dans des moments de
festivités. Pour les petits agriculteurs, le riz était
considéré comme un produit de luxe. Dans ces conditions, ils
préfèrent de vendre leurs productions pour acheter d'autres
céréales comme le sorgho et le maïs qui présentent un
meilleur rapport calorie/prix (Victor, E. 2011). Avec la libéralisation
agricole, la consommation du riz devient journalière et augmente
considérablement en passant de 10% à 20% dans la consommation des
ménages de 1992 à 2012 [(MARNDR, 2015) ; (Josling, T., Chanperon,
W. & Le Turioner, J. 2017)]. De plus, considéré comme «
l'aliment de base de la population haïtienne », Baptiste,
BJ. (2005) relate que la consommation du riz en TM passe de 36,000.00 à
360,000.00 entre 1961 et 2005, soit une hausse de 900% durant la période
considérée.
3.2.2 Une faible quantité exportée surtout
vers les Etats-Unis
Paradoxalement, malgré l'insuffisance de la production
du riz de la Valée de l'Artibonite pour satisfaire la demande de la
population haïtienne, chaque année, une portion de cette
production, aussi faible qu'elle soit, est exportée. Selon ce que
rapporte le MARNDR (2015), entre juillet 2014 et juin 2015, Haïti arrive
à exporter un total de 85.8 TM de riz. Plus de la moitié de cette
quantité exportée, soit un total de 44.7 TM représentant
un taux de 52.1%, a été dirigée vers les Etats-Unis contre
47.9% vers l'ensemble des autres pays importateurs. Etant un pays
excédentaire en riz, la qualité presque bio de l'agriculture
haïtienne parait comme la principale cause explicative de ce paradoxe.
3.3 La commercialisation du riz de la Vallée de
l'Artibonite
Comme le montre la figure 3.5 suivante, la commercialisation
du riz produit dans la Vallée de l'Artibonite est effectuée par
quatre (4) catégories d'acteurs principaux. D'abord, les petits et
36
moyens riziculteurs qui vendent leurs productions soit sur le
marché local après transformation soit à des
intermédiaires commerciaux avant même la transformation. Ensuite,
les intermédiaires commerciaux ruraux, appelés aussi «
Madame Sarah locales ». Elles se sont souvent identifiées
comme étant la femme du riziculteur. Elles achètent le riz avant
transformation pour le transformer et le revend soit sur le marché
local, celui des villes avoisinantes ou à des « Madame Sarah
Urbaines ». Les « Gros commerçants » (grossistes)
achètent le riz produit par les grands producteurs pour le transformer
et vendre le riz décortiqué aux « Madame Sarah Urbaines
», assez souvent à crédit avec des délais de
paiement très longs. Les intermédiaires urbains emmagasinent le
riz décortiqué au marché de la Croix-des-Bossales. Enfin,
les détaillants qui se trouvent dans les grands marchés dans
l'Air Métropolitaine de Port-au-Prince (AMP) achètent le riz
stocké par les « Madame Sarah Urbaines » pour le
revendre aux consommateurs finaux. Par ailleurs, d'autres intervenants dans la
commercialisation du riz de l'Artibonite ont été
identifiés. C'est le cas des Chauffeurs et des porteurs, qui aident les
« Madame Sarah Urbaines » dans le transport et
l'emmagasinage du riz, développant ainsi une relation de
clientèle, appelée « pratique » avec ces
dernières (CNSA, 1996a).
Figure 3.5 : Circuit de distribution du riz de la Vallée
de l'Artibonite
Petits et Moyens
Producteurs
|
|
|
Grands
Producteurs
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
Transformateurs
Madan Sara
Urbaine
Madan Sara
Locale
Gros
Commercants
Dépots Croix-des-
bossales
Detaillants
Consommateurs
de provinces
Urbains
Detaillants
Consommateurs
Source : CJ-Consultants (2012 : 28).
37
3.4 Faible pouvoir de négociation des
riziculteurs dans la formation des prix
Les riziculteurs et les associations de planteurs n'ont qu'un
faible pouvoir de négociation auprès des intermédiaires
commerciaux. Ces derniers jouent un rôle majeur dans la formation des
prix du riz produit dans la Vallée de l'Artibonite qui ne dépend
pas uniquement de la rencontre entre les courbes d'offre et de demande. Il
parait plausible que les « Madame Sarah », venant
particulièrement de Port-au-Prince, s'unissent entre elles pour fixer un
prix unique aux riziculteurs. Donc, ce sont ces dernières qui fixent le
prix des denrées cultivées par les agriculteurs sur leurs lopins
(CJ-Consultants, 2012). Puisque leurs productions sont livrées à
des prix très bas, nous pouvons affirmer que le système de
commercialisation en vigueur est préjudiciable aux riziculteurs d'une
façon générale et aux plus pauvres en particulier.
Par ailleurs, la situation financière des riziculteurs
qui ne les permet pas d'assurer la transformation et le stockage de leurs
productions les oblige à écouler la quasi-totalité du riz
produit à une même époque. Ce caractère
saisonnière de la riziculture haïtienne entraine un surplus dans
les saisons de récoltes et diminue le prix de la livre de paddy de 40%
soit un montant de 25 Gourdes contre 35 Gourdes dans le période de
pénurie. A ces prix d'acquisition, il faut ajouter les
différentes dépenses effectuées par les
intermédiaires (Madame Sarah locale, Grossistes, Madame Sarah Urbaine et
les détaillants) afin de déterminer le prix de vente du riz
décortiqué. Dans de pareilles conditions, le prix des
différentes variétés6 de riz produits dans la
Vallée de l'Artibonite est instable et nettement supérieur par
rapport à celui du riz importé. L'analyse des données du
MARNDR (2015) relate que pour le département de l'Ouest, entre avril
2015 et janvier 2016, le prix du riz Shella augmente de 20% en passant de 78.7
Gourdes/Kg à 94.6 Gourdes/Kg contrairement à celui du riz
importé (Tchaco) qui varie entre 38 Gourdes/kg et 42.8 Gourdes/Kg durant
cette même période.
Toutefois, force est de constater que même en
période de pleine récolte durant laquelle le prix du Paddy
diminue, l'obtention des taux de marges très élevés par
les « Madame Sarah Urbaines » ne permet pas la
répercussion de cette baisse de prix sur les consommateurs finaux (CNSA,
1996a), d'où le choix, par rationalité économique de ces
derniers, de consommer le riz importer que celui produit dans la Vallée
de l'Artibonite.
6 TCS-10, M8, Malaika, Shella, Prosequisa 4, Shelda et
Madame Gougous sont les variétés les plus cultivées.
38
Chapitre IV : Etude de cas ; la Vallée de
l'Artibonite
A travers ce chapitre, nous voulons démontrer la
relation qui existe entre la baisse des droits des douanes en faveur du riz
importé et le revenu des riziculteurs de la Vallée de
l'Artibonite. Il est divisé en trois parties. Il s'agit dans un premier
temps de présenter la Vallée de l'Artibonite tout en mettant en
lumière son importance dans la production de denrées alimentaires
du pays. Dans un deuxième temps, il est question d'exposer la
méthodologie utilisée pour effectuer l'investigation. Dans un
troisième et dernier temps, nous allons analyser les données
recueillies.
4.1 La Vallée de l'Artibonite : le grenier de la
République
La République d'Haïti occupe le tiers de la partie
occidentale de l'île et est formée de 10 départements
géographiques pour une superficie de 27,750.00 Km2 (MARNDR,
2010b). Sa superficie agricole est estimée à 8,325.00
Km2, soit 30% de la superficie totale du pays (Duvivier, P. &
Corantin, H. 2011). Le secteur agricole contribue à hauteur de 22% dans
la formation du PIB en 2013 (FAO, 2015).
Avec une superficie de 4,887.90 Km2, l'Artibonite
est l'un des plus vastes des 10 départements géographiques du
pays. Sa population est estimée à 1 571 020 habitants en 2009,
pour une densité de 321 habitants par Km2 (IHSI, 2009b). Aux
côtés de l'Ouest et du Nord dans lesquels vivent 37% et 10% de la
population haïtienne respectivement en 2003, avec un pourcentage de 16%,
l'Artibonite figure parmi les départements les plus peuplés (FAO
& PAM, 2010). Il est formé de 5 arrondissements et 15
communes7 ; et divisé en haut et bas Artibonite. Ses
principales activités économiques sont l'agriculture,
l'élevage, la pèche et les mines (IHSI, 2015). Les transferts
d'argents des émigrés haïtiens est l'une des principales
sources de revenus pour les Artibonitiens (Victor, E. 2011).
Avec ses deux principaux cours-d 'eaux (le fleuve de
l'Artibonite et la rivière de l'Estère), la Vallée de
l'Artibonite est la zone la plus productive de denrées alimentaires du
pays [(Georges, E.L. 2010) ; (Victor, E. 2011)]. L'analyse des données
publiées par le MARNDR relate que le département de l'Artibonite
est le grenier de la République (MARNDR, 2014), surtout en
matière de céréales et de légumineuses. Toutefois,
ses ressources agricoles ne sont pas totalement exploitées puisque sur
un total de 36,000.00 hectares de terres irrigables, seulement 25,000.00
hectares irrigués ont été mis en valeur (FAO & PAM,
2010).
7 Les communes du département de
l'Artibonite sont: Gonaïves, Ennery,
Estère, Gros Mornes, Terre
Neuve, Anse Rouge, Saint-Marc, Verettes, La Chapelle,
Dessalines, Petite Rivière de
l'Artibonite, Grande Saline, Desdunes, Marmelades,
Saint-Michel de l'Attalaye
39
Pour la campagne de printemps 2016, une quantité
évaluée à 76,599.08 TM de riz, soit un totale de 87.13% de
la production totale du pays (87,914.68 TM) se concentrent au niveau de la
Vallée de l'Artibonite. Cette situation a été aussi
constatée pour des produits comme le maïs dont 24.93% de la
production, soit 22,095.21 TM sur un total de 88,622.63 TM, sont
cultivées dans le département de l'Artibonite contre 14.36%,
10.97% et 12.63% et 11.27% pour les départements de l'Ouest, du Sud, du
Centre et du Sud-Est consécutivement. Le sorgho étant
considéré comme la troisième céréale la plus
cultivée en Haïti, sa production est aussi concentrée dans
le département de l'Artibonite à hauteur de 57.92% pour une
quantité 6,791.76 TM produite durant cette campagne. Pour ces trois
céréales, sur un total de 183,329.07 TM, l'Artibonite à
elle seule arrive à contribuer à hauteur de 56%
représentant ainsi 102,627.85 TM. Le tableau 4.1 suivant permet
d'élucider la situation précitée.
Tableau 4.1 : Production des principales
céréales en TM et en pourcentage (%) par département pour
la campagne printemps 2016
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
Ouest
|
12,727.84
|
14.36
|
885.26
|
1.01
|
2,686.29
|
|
Sud-Est
|
9,985.53
|
11.27
|
31.39
|
0.04
|
18.35
|
|
Nord
|
7,056.48
|
7.96
|
784.91
|
0.89
|
|
|
Nord-Est
|
2,075.22
|
2.34
|
3,766.45
|
4.28
|
|
|
Artibonite
|
22,095.21
|
24.93
|
76,599.08
|
87.13
|
3,933.56
|
|
Centre
|
11,190.39
|
12.63
|
815.94
|
0.93
|
1.62
|
|
Sud
|
9,725.06
|
Maïs
10.97
|
1,903.68
|
Riz
2.17
|
86.85
|
|
Département
Grande-Anse
|
Quantité
4,789.69
|
5.40
|
Quantité
147.18
|
0.17
|
Quantité
|
|
Nord-Ouest
|
5,129.56
|
%
5.79
|
|
%
|
62.40
|
|
Nippes
|
3,847.65
|
4.34
|
2,980.79
|
3.39
|
2.69
|
|
Total
|
88,622.63
|
100.00
|
87,914.68
|
100.00
|
6,791.76
|
|
Source : MARNDR (2016 : 5)
Sorgho
%
39.55
0.27
-
-
-
-
57.92
0.02
1.28
-
-
-
-
0.92 0.04
100.00 Ce même cas de figure a été
constaté quand l'analyse de la production des principales
légumineuses a été effectuée. Comme le montre le
tableau 4.2 ci-dessous, 28.91% de la production des haricots se concentrent au
niveau de l'Artibonite. En effet, durant la campagne printemps 2016, les
agriculteurs de la Vallée de l'Artibonite arrivent à produire
12,918.62 TM d'haricots sur un total de 44,688.30 TM produit en Haïti.
Parallèlement, la production de « Pois Congo8
» pour cette même campagne a été évaluée
à 9,152.25 TM en Haïti. 56.08% de cette production, soit un total
de 5,132.50 TM sont assurées par les agriculteurs Artibonitiens.
Concernant les Arachides, les départements du Centre (4,600.57 TM), de
l'Artibonite (4,584.40 TM) et du Nord-Est (3,365.43
8 Le Pois Congo est une
variété de pois cultivée en Haïti
40
TM) arrivent à produire plus de 80% de la
quantité totale (15,460.97 TM) avec des pourcentages de 29.76%, 29.65%
et 21.77% respectivement. Toujours selon le MARNDR (2016), l'Artibonite assure
une bonne part dans la production de certaines denrées vivrières
comme la patate (21.80%), le manioc doux (10.88%) et la production de banane
pour laquelle il se trouve en première position (24.36%) pour la
campagne de printemps 2016.
Tableau 4.2 : Production de principales légumineuses en
TM et en pourcentage (%) par département pour la campagne printemps
2016
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
Ouest
|
5,273.27
|
11.80
|
3.03
|
0.03
|
691.16
|
|
Sud-Est
|
4,702.51
|
10.52
|
35.66
|
0.39
|
141.44
|
|
Nord
|
3,497.32
|
7.83
|
316.83
|
3.46
|
911.49
|
|
Nord-Est
|
1,536.55
|
3.44
|
429.39
|
4.69
|
3,365.43
|
|
Artibonite
|
12,918.62
|
28.91
|
5,132.50
|
56.08
|
4,584.40
|
|
Centre
|
4,471.76
|
10.01
|
69.22
|
0.76
|
4,600.57
|
|
Sud
|
3,546.98
|
7.94
|
176.77
|
1.93
|
232.96
|
|
Grande-Anse
|
5,298.38
|
11.86
|
2,716.03
|
29.68
|
12.32
|
|
Nord-Ouest
|
1,423.44
|
3.19
|
121.68
|
1.33
|
632.34
|
|
Nippes
|
2,019.47
|
4.52
|
151.14
|
1.65
|
288.86
|
|
Total
|
44,688.30
|
Haricot
100.00
|
9,152.25
|
Pois Congo
100.00
|
15,460.97
|
|
Département
Quantité
Source : MARNDR (2016 : 8)
Arachide
%
Quantité
%
Quantité
%
4.47 0.91
5.90 21.77 29.65 29.76
1.51 0.08 4.09 1.87
100.00 4.2 Méthodologie de l'entretien
Cette partie du travail est consacrée à
l'exposition du cheminement méthodologique. Il est question, d'abord
d'élucider la démarche utilisée afin de pouvoir
réaliser les entretiens. Ensuite, nous allons procéder à
la présentation et l'analyse des résultats obtenus.
4.2.1 Démarche
Etant une démarche rationnelle, la recherche
scientifique est composée de deux parties : l'exploration et
l'investigation (ACFAS, 2006). Il existe trois (3) modes d'investigation
à la disposition des chercheurs permettant de construire de nouvelles
connaissances. L'investigation peut être une approche qualitative,
quantitative ou mixte (Lamiaa, B. 2014). Définie assez souvent en
opposition par rapport à l'approche quantitative, bien qu'elles soient
complémentaires, l'approche qualitative est utilisée pour «
recueillir des données verbales f...] permettant une démarche
interprétative » (Aubin-Auger, I. & al. 2008 :2).
L'entretien est l'une des techniques de collecte de
données qualitatives les plus utilisées afin de mieux comprendre
le comportement et la motivation des individus. Il doit être
réalisé en tenant
41
compte des hypothèses et de l'objet de recherches,
ainsi que du contexte sociale de l'interviewé. Il entraine l'interaction
entre ce dernier et le chercheur, sans oublier l'existence des rapports sociaux
entre eux, donc il est différent d'un simple questionnaire. Il permet de
compléter les données qui existent afin de pouvoir actualiser
certains indicateurs et vérifier la validité des
hypothèses posées. Les entretiens peuvent être directifs,
semi-directifs ou libres (non-directifs) (Lefèvre, N. 2014).
L'objectif de cette recherche est d'analyser l'impact de la
baisse des droits de douanes en faveur du riz importé sur le revenu des
riziculteurs de la Vallée de l'Artibonite. Pour atteindre l'objectif
fixé, nous avons formulée la question de recherche qui suit :
Comment le revenu des riziculteurs de la Vallée de
l'Artibonite évolue-t-il avec la baisse des droits de douanes sur le riz
importé ? En réponse à cette question, nous
avons posé les hypothèses suivantes :
1. Plus les droits de douanes sur le riz
importé diminuent, plus le revenu des riziculteurs de la Vallée
de l'Artibonite diminue.
2. Plus la corruption augmente, plus le revenu
des riziculteurs de la Vallée de l'Artibonite diminue.
Nous avons opté pour les entretiens individuels libres
afin d'avoir une compréhension approfondie de cette
problématique. D'abord, nous avons utilisé des documents
rédigés par certaines institutions (MARNDR, CNSA, FAO...) ayant
fait des recherches sur le sujet. Ensuite, un guide d'entretien9 a
été utilisé afin de recueillir des données
qualitatives concernant la compréhension personnelle des
interviewés sur le sujet. Toutefois, les informations symboliques
(gestes, impressions....) ne pouvaient pas être considérées
puisqu'hormis le premier, nous avons réalisé la totalité
des entretiens par écrit ou par l'envoi de messages vocaux. Cette
situation est le résultat de la distance qui nous sépare du
territoire d'étude (Vallée de l'Artibonite) et de la connexion
internet qui n'est pas de bonne qualité. Nous avons
réalisés 8 entretiens libres, d'une durée comprise entre
30 et 45 minutes, dont deux (2) par email (textuel) et six (6) par WhatsApp
Messenger (textuel et orale). Et enfin, nous avons effectué une analyse
de contenu pour les entretiens réalisés afin de prendre en compte
les propos des interviewés de façon la plus fiable et objective
que possible.
Pour réaliser les entretiens, nous avons
élaboré un guide d'entretien contenant les différents
thèmes faisant partie de nos question et hypothèses de
recherches. Des questions ouvertes ont été formulées afin
de recueillir le maximum d'informations possibles. Les personnes
interviewées pouvaient exposer leurs points de vue en toute
sérénité et, en cas du non épuisement de
l'ensemble
9 Vous trouverez le guide d'entretien en annexe
42
des thèmes, des questions supplémentaires ont
été formulées afin de relancer le débat. En outre,
un prétest a été réalisé auprès de
deux étudiants de l'Université d'Etat d'Haïti (FDSE et FAMV)
afin de s'assurer de la bonne articulation des questions et de faciliter la
bonne compréhension des répondants.
Des personnes évoluant dans le secteur rizicole
haïtien ou qui sont impliquées directement dans la production, la
transformation et/ou la commercialisation du riz de la Vallée de
l'Artibonite ont été ciblées au préalable. Nous
avons fait varier le profil des interviewés afin de garantir la
diversification des points de vue. Malgré les difficultés
auxquelles nous nous sommes confrontées, nous avons réussi
à interviewer huit (8) personnes à savoir : trois (3)
riziculteurs dont une femme, un (1) cadre de l'IICA, un (1) consultant
indépendant du MCI, un (1) cadre de l'ODVA, un (1) professeur de
marketing agricole à l'université, et un (1) Economiste
Agricole.
Les principes de l'anonymat et de la confidentialité
ont été garantis et aucune forme de pression n'a
été exercée sur une personne quelconque afin qu'elle
puisse participer. Nous n'avons pas la possibilité de passer un contrat
écrit, toutefois, nous avons pris le soin d'expliquer à nos
répondants que les informations recueillies seront utilisées
seulement dans le cadre de la rédaction de notre travail, et qu'ils ont
droit à une synthèse du document. Nous avons confrontées
les données venant des différentes sources (Documents
écrits et les entretiens) et nous avons considéré les
concepts utilisés dans la formulation de nos question et
hypothèses de recherches comme unités de codage.
Lors de la réalisation de ce travail, des
difficultés ont été rencontrées. Nous sommes en
Bulgarie et notre cas d'étude est la Vallée de l'Artibonite
(Haïti). Nous sommes obligés de déposer le Travail de Fin
d'Etude (TFE) au mois de mai 2018, donc, nous n'avons ni li temps ni les
ressources financières nécessaires pour aller en Haïti afin
de recueillir les données nécessaires. Il était question,
dans un premier temps, de réaliser une enquête quantitative aux
près des riziculteurs de la Vallée de l'Artibonite. Etant
à distance, il n'existe que peu de moyens disponibles qui peuvent
être utilisés afin d'entrer en contact avec ces derniers. Nous
avons tenté de réaliser l'enquête par internet.
Malheureusement, la majeure partie des agriculteurs haïtiens ont un
accès très limité à l'internet à cause de
leurs situations économiques. De plus, nombreux sont ceux qui ne savent
ni lire ni écrire. Dans ces conditions, il est très difficile de
réaliser une enquête à distance. Après la
considération de toutes ces possibilités, nous avons choisi de
réaliser des entretiens individuels aux près des
personnes-ressources10.
10 Ce sont les documentalistes ou techniciens de
références. Ils maitrisent le sujet par leurs expériences
et ils peuvent nous informer sur le comportement de plusieurs groupes cibles
spécifiques.
43
4.2.2 Objectif
L'objectif de la réalisation de ces entretiens est de
pouvoir compléter les données préexistantes au niveau du
MARNDR et de ses partenaires sur la riziculture dans la Vallée de
l'Artibonite. Une série de questions standards ont été
formulées aux répondants afin d'avoir une perspective
détaillée et profonde de la réalité. Des
informations concernant le revenu des riziculteurs Artibonitiens suite à
la baisse des droits de douanes en faveur du riz importé ont
été recueillies. Ces données supplémentaires nous
permettent d'établir la relation entre la théorie exposée
et ce qui se passe réellement sur le terrain afin de vérifier la
validité des hypothèses posées.
4.2.3 Présentation des résultats
Les discutions effectuées lors de la réalisation
des entretiens ont été portées sur les thèmes qui
se trouvent dans nos question et hypothèses de recherches. Pour avoir
l'opinion des interviewés sur les thèmes qui ont
été insérés dans le guide d'entretiens, huit (8)
questions principales ont été formulées. Néanmoins,
il faut souligner que, selon la réponse du répondant, d'autres
questions secondaires lui ont été adressé afin qu'il
puisse donner son avis sur la totalité des thèmes. Nous allons,
dans les lignes qui suivent, présenter le contenu des entretiens
réalisés.
Entrevue # 1 Réalisé avec un
Economiste agricole en date du 22 décembre 2017
Selon cet interviewé, la libéralisation de la
riziculture haïtienne commence à partir de 1991. Elle
préconise le désengagement des pouvoirs publics dans les
échanges des denrées agro-alimentaires. Il relate que cette
libéralisation repose sur la baisse des tarifs douaniers,
l'élimination des barrières non douanières et la non
subvention étatique. Il pense qu'elle fragilise la situation
économique des riziculteurs de la Vallée de l'Artibonite
puisqu'elle contribue à la diminution de leurs productions. Selon lui,
les producteurs de riz de la Vallée de l'Artibonite sont dans
l'impossibilité d'écouler leurs productions, malgré une
baisse continue de ces dernières. Toujours selon l'interviewé,
cette situation peut être expliquée par la non
compétitivité des riziculteurs haïtiens. Les
véritables bénéficiaires de cette politiques sont les
importateurs et, dans une moindre proportion les consommateurs. Aux
côtés de la libéralisation de la filière riz,
l'insécurité foncière, parcellisation des terres et la
faible existence des infrastructures agricoles participent aussi à la
baisse du revenu des riziculteurs au niveau de la Vallée de
l'Artibonite.
Entrevue # 2 Réalisé avec un Professeur
de marketing agricole Le 28 janvier 2018
Pour cet interviewé, la libéralisation agricole
intervient après l'application du Programme d'Ajustement Structurel au
milieu des années 1980. Elle est caractérisée par le
désengagement de
44
l'Etat et la diminution des tarifs douaniers, passant de 50%
en en 1980 à 3% en 1996. Elle favorise l'importation du riz
étranger au détriment de la production locale. Selon lui, les
ménages haïtiens font leurs choix de consommations en fonction du
prix. Il juge que le revenu des riziculteurs, dont la principale source est la
vente de leurs productions, diminue au fil du temps. Il pense que l'Etat
haïtien doit réviser sa politique commerciale afin de contribuer
à la hausse du revenu des riziculteurs par une hausse de la
quantité produite.
Entrevue # 3 Réalisé avec un
Consultant indépendant du MCI le 12 février 2018
Ce cadre du Ministère du Commerce et de l'Industrie
(MCI) souligne que la libéralisation agricole est liée d'une part
à l'inexistence de façon formelle de la politique agricole du
pays et d'autre part, au contexte de la globalisation. Selon lui, elle a un
effet néfaste sur le revenu des riziculteurs de la Vallée de
l'Artibonite. Toutefois, il stipule que cette baisse du revenu n'est pas
liée seulement à la libéralisation du commerce. Il faut
prendre en compte le comportement des importateurs haïtiens et la
politique extérieure des partenaires commerciaux dans le cadre de
l'analyse de l'évolution du revenu des riziculteurs haïtiens. Il
pense que des « droits compensateurs » doivent être
utilisés afin de contrebalancer les effets de la libéralisation
sur le revenu de ces riziculteurs. Cependant, il faut tenir compte des
règles de l'OMC en vigueur et de la capacité des riziculteurs
haïtiens à répondre à la demande de consommation de
la population.
Entrevue # 4 Réalisé avec un
Riziculteur de l'Estere le 19 février 2018
Ce riziculteur considère la libéralisation de
l'agriculture haïtienne comme un « poison violant » ;
elle tue la production et entraine une baisse de son revenu. Une situation qui
l'a découragé. Il souligne le désengagement de l'Etat, le
mauvais état des canaux d'irrigations et la prédominance du
secteur privé dans la commercialisation de l'engrais, comme les causes
de l'augmentation de son coût d'exploitation. Pour lui,
l'amélioration du revenu des riziculteurs nécessite une
intervention de l'Etat dans les infrastructures hydro-agricoles afin de
faciliter leurs accès à l'eau et l'amélioration de
l'accès aux intrants agricoles à coût réduit.
Entrevue # 5 Réalisé avec une
rizicultrice de Desdurnes le 20 février 2018
Cette agricultrice relate que son coût d'exploitation
augmente avec la baisse des droits de douanes sur le riz importé. Cette
hausse du coût résulte, selon lui, de l'augmentation des prix du
sac d'engrais, de la main-d'oeuvre et du transport. Elle n'a pas accès
aux services financiers, dit-elle, condition nécessaire pour investir et
améliorer la productivité des parcelles cultivées. Pour
elle, les
45
coopératives créées pour financer la
production du riz de la Vallée de l'Artibonite favorisent les grands
planteurs, au détriment des petits. Parallèlement, les recettes
agricoles diminuent avec la baisse de la production, souligne-t-elle. Elle
relate que le caractère irrégulier de l'entretien des
infrastructures agricoles, contrairement aux années 1980 durant
lesquelles les pouvoirs publics les entretiennent au moins deux fois par
année, et l'accès limité aux intrants agricoles à
prix réduit sont, entre autres, les causes de la baisse de leurs
productions et de leurs revenus.
Entrevue # 6 Réalisé avec un
Riziculteur de Petite Rivière le 21 février 2018
Pour lui, la situation économique des riziculteurs de
la Vallée est très critique. Ils ne peuvent pas écouler
leurs productions malgré la faible quantité produite. Cette
situation est liée à un taux de taxation trop faible
appliqué sur le riz importé, ce qui est selon lui, la pire des
choses qui puisse arriver à l'agriculture haïtienne. Il pense que
l'Etat doit encadrer les riziculteurs afin de leurs faciliter l'accès
à l'eau et aux intrants agricoles. Par ailleurs, il souligne qu'une
prise de conscience et la mise en place d'une volonté commune est
nécessaire pour améliorer les conditions économiques de
cette tranche sociale.
Entrevue # 7 Réalisé avec un cadre
de l'ODVA le 2 mars 2018
Ce cadre de l'ODVA pense que la libéralisation de
l'agriculture haïtienne, marquée surtout par la baisse des droits
de douanes, contribue à la paupérisation des riziculteurs. Elle
entraine une baisse de leurs revenus et les découragent. Il souligne que
certains agriculteurs se sont obligés de laisser la culture de la terre
puisqu'ils ne peuvent pas répondre aux besoins de leurs familles. Une
réforme foncière et l'investissement de l'Etat dans les
infrastructures hydro-agricoles par la mise en place d'un plan de
développement agricole inclusif sont nécessaires à
l'augmentation du revenu des riziculteurs selon lui.
Entrevue # 8 Réalisé avec un cadre
de l'IICA le 4 mars 2018
Selon ce cadre de l'Institut Interaméricain de
Coopération pour l'Agriculture (l'IICA), la libéralisation marque
la fin de monopole. Au milieu des années 1980, les dirigeants
haïtiens ont baissé de façon drastique les droits de douanes
sur l'importation du riz. Ils ont procédés parallèlement
à la réouverture des ports des villes de provinces qui ont
été fermés durant les années 1950. Cette situation
a entrainé une hausse de l'importation et de la contrebande, toujours
selon l'interviewé. Il pense que cette libéralisation
accompagnée avec d'autres faits comme les conflits terriens
pénalisent le revenu des riziculteurs de la Vallée de
l'Artibonite. Contrairement à ses
46
derniers, les importateurs haïtiens ainsi que les
planteurs des pays exportateurs sont les principaux bénéficiaires
de cette politique.
4.3 Analyse des résultats
Cette partie du travail est très importante dans la
mesure où elle nous permet de comprendre la problématique afin de
formuler les propositions nécessaires. Dans les lignes qui suivent, la
réponse des différentes questions qui ont été
formulées dans le guide d'entretien seront analysées.
4.3.1 Libéralisation de la riziculture
haïtienne
La libéralisation économique de la
République d'Haïti débute en 1986 avec l'application du
Programme d'Ajustement Structurel (PAS) de la Banque Mondiale (BM) et du Fond
Monétaire International (FMI). La libéralisation de l'agriculture
quant à elle commence en 1994 avec la signature de l'accord sur
l'agriculture du cycle de l'Uruguay. Avant cette date, le libéralisme
commercial n'avait pas pris en compte l'échange des denrées
agricoles. Le néolibéralisme, depuis après la seconde
guerre mondiale, suivi des deux crises pétrolières et
l'effondrement du bloc socialiste en Europe, préconisait le
désengagement de l'Etat dans l'économie.
La libéralisation de la riziculture haïtienne est
une question très complexe. Avec l'application du PAS, Haïti a
procédé à l'ouverture de son marché interne
à partir de l'abaissement significatif des droits de douane sur
l'importation du riz et du démantèlement de certaines mesures
protectionnistes applicables. L'analyse des données recueillies relate
que des droits de douanes de 50% et 35% ont été appliqués
sur le riz importé entre 1950 et 1980 respectivement contre seulement 3%
depuis le début des années 199011.
Parallèlement, les dirigeants haïtiens ont
éliminé certaines subventions directes qui ont été
accordées aux agriculteurs afin de leur permettre d'avoir un revenu
raisonnable (Vivas, E. 2010). Ils ont procédé à la
réouverture des ports des villes de provinces qui ont été
fermés avant les années 1980 et ont privatisé certaines
entreprises étatiques figurant parmi les plus rentables, comme la
Minoterie d'Haïti et Huilerie ENAOL. De plus, les planteurs
interviewés soulignent le désengagement des dirigeants
haïtiens dans l'entretien des infrastructures agricoles. Selon eux, avant
1986, l'Etat haïtien assurait l'entretien des canaux d'irrigations aux
moins deux fois par année, contrairement à cette
période.
11 Informations recueillies auprès du cadre de
l'IICA le 04 mars 2018
47
4.3.2 La baisse du revenu des riziculteurs
Vraisemblablement, le revenu des riziculteurs de la
Vallée de l'Artibonite diminue au fil du temps [(CNSA, 1996a) ;
(CJ-Consultants, 2012)]. Comme vous pouvez le constater dans le tableau 4.3 qui
suit, entre 1996 et 2012, le revenu brut d'exploitation agricole12 a
enregistré une baisse de 263.86 USD. Il est passé de 713.78 USD
à 449.92 USD, soit une diminution 36.97 % pour la période
considérée.
Cette variation négative du revenu des agriculteurs
(-36.97%) est le résultat, entre autres, d'une faible augmentation
(16.17%) du produit brut d'exploitation (Rendement à l'hectare x prix de
vente). En effet, le rendement à l'hectare de la riziculture de la
Vallée de l'Artibonite reste très faible et diminue de 0.65%
durant la période considérée. Il est passé de
4,026.11 Kg/ha en 1996 contre 4000.00 Kg/ha en 2012. Toutefois, nous avons
assisté à une hausse du prix de vente du Kg de paddy. Ce dernier
est passé de 0.30 USD en 1996 à un montant de 0.35 USD en 2012,
donc une hausse de 16.93% durant cette même période.
Parallèlement, les coûts d'exploitations à
l'hectare augmentent considérablement. Ils ont passés de 507 USD
à un total de 968.30 USD en 1996 et 2012 respectivement, soit une hausse
de 90.99%. Selon les riziculteurs interviewés, pour cultiver une
parcelle13, ils doivent faire face à plusieurs coûts
dont les plus récurrents, sont « les intrants agricoles, la
main-d'oeuvre, la préparation du sol, le transport et la rente
foncière».
Il a été démontré que les intrants
agricoles (engrais et semence) dont le marché est dominé par le
secteur privé, représentent des coûts énormes pour
les riziculteurs de la Vallée de l'Artibonite. En effet, depuis le
début des années 2000, l'Etat haïtien cherche à
stimuler la production agricole du pays par la mise en place d'une politique de
subvention d'engrais. Avec l'application de cette politique, une hausse de la
consommation d'engrais au niveau de la Vallée de l'Artibonite, la plus
grande zone de production agricole du pays, a été
constatée. Durant la période allant de 2004 à 2008,
15,000.00 TM d'engrais ont été consommées contre 32,000.00
TM en 2008-09 et 50,000.00 TM en 2010 (MARNDR, 2014b). Toutefois, les
riziculteurs interviewés relatent que la quantité d'engrais
subventionnée est insuffisante pour répondre à leurs
besoins. Selon eux, pour cultiver un lopin de terre, ils ont besoin de «
6 sac d'engrais14 » environ. Or, le gouvernement
haïtien, par le biais de la « Caravane Changement » a
subventionné seulement 2 sacs de 50 Kg d'engrais en 2017. Pour les
autres 4 sacs, il faut les acquérir à des prix très
élevés.
12 Dans la majeure partie des cas, le
propriétaire foncier est différent de l'exploitant agricole.
13 En moyenne les parcelles sont inférieures
à un (1) hectare de terre
14 Informations recueillies auprès d'un
riziculteur de la Vallée de l'Artibonite le 19 février 2018
48
Par ailleurs, le coût de la main-d'oeuvre agricole
augmente considérablement. Selon les résultats du Recensement
Général Agricole de 2009, la quantité de travail agricole
du département de l'Artibonite a été estimée
à un totale de 694,473.00 dont 2.4% salariés permanents
(16,662.00). En dépit du fait que l'exploitation agricole soit
assurée à 97% par les membres de la famille, dont 59.4% de
façon permanente (412,811.00) et 38.2% aides familiales (265,000.00),
force est de constater que les dépenses salariales augmentent
considérablement (MARNDR, 2009). Cette situation est le résultat,
entre autres, de la hausse du salaire minimum haïtien depuis le
début des années 2000. En effet, le prix d'une journée de
travail (8h) était fixé à 36 Gds en 2001 contre 70 Gds en
2003 et 200 Gds en 2010 (BRIT, 2012). Cette hausse des coûts salariaux
pénalise le revenu des riziculteurs et devant l'incapacité de
s'adapter, certains agriculteurs pratiquent le « konbit15
».
En outre, la mécanisation de la riziculture de la
Vallée de l'Artibonite est relativement faible. La majorité des
riziculteurs utilisent des outils archaïques et préparent leurs
terres de façon manuelle ou à l'aide de la traction animale.
Seulement 4.40% des exploitants agricoles de la Vallée de l'Artibonite
utilisent des Motoculteurs en 2009 (MARNDR, 2009). Généralement,
les services de mécanisation sont assurés par le secteur
privé des affaires, et ceci, à des prix très
élevés.
De plus, le transport de la production reste un handicap
majeur pour les riziculteurs. Le mauvais état des infrastructures
routières et la position de certaines parcelles entrainent des
coûts de transport très élevés. Certains
riziculteurs utilisent les services d'un motard et paient des sommes allant
jusqu'à 6016 Gds par sac de 50 Kg de paddy. D'autres au
contraire, préfèrent de vendre leurs productions sur les
parcelles afin de minimiser les dépenses de transport et de
transformation. Dans ses conditions, le prix de vente appliqué est
relativement faible, puisque les planteurs n'ont qu'un faible pouvoir de
négociation auprès des intermédiaires commerciaux.
Tableau 4.3 : Evolution du revenu brut d'exploitation agricole
entre 1996 et 2012
|
Coût de Production
|
Rendement à l'ha (Kg)
|
Prix de vente
0.30
|
Produit brut
|
713.78
|
1996
|
507.00
|
4,026.11
|
0.35
|
1220.77
|
449.92
|
2012
|
968.30
|
4,000.00
|
16.93
|
1418.22
|
|
%
|
90.99
|
(0.65)
|
|
16.17
|
(36.97)
|
Marge Brute
Sources17 : Calcul de l'auteur à partir des
données de la CNSA (1996a :7) et de CJ-Consultants (2012 :16).
15 C'est une forme traditionnelle d'organisation de
travail dont celui qui invite donne des repas et de boissons en contrepartie au
travail. C'est une forme d'aide réciproque
16 Informations recueillies auprès d'un
riziculteur de la Vallée de l'Artibonite le 21 février 2018
17 Nous avons considéré les taux de
change de la BRH afin de convertir les données disponibles en DUS.
49
4.3.3 Les contraintes de la riziculture de la Vallée
de l'Artibonite
Comme nous l'avons déjà souligné au
début de ce chapitre, la Vallée de l'Artibonite représente
la principale zone de production des denrées agricole du pays. 80% de la
production du riz et des autres céréales cultivées, plus
de la moitié des légumineuses ainsi qu'une bonne partie des
denrées vivrières se sont concentrées dans cette zone.
Pourtant, l'agriculture de la Vallée de l'Artibonite d'une façon
générale, et sa riziculture en particulier fait face à de
nombreuses contraintes. Ces dernières ont des effets néfastes sur
la production rizicole et le revenu des riziculteurs de la zone.
D'abord, il semble que la complexité de
l'administration foncière et la faiblesse administrative entraine des
conflits fonciers de façon permanente dans la Vallée de
l'Artibonite (OFPRA, 2014) et contribue à la perte de sa capacité
productive. De l'occupation américaine (19151934), période durant
laquelle des terres ont été distribuées aux agriculteurs
pour combattre les groupes révolutionnaires ; passant par la
création de l'ODVA avec l'usurpation des terres par des personnes
influentes et proches du pouvoir politique ; jusqu'au moment où «
Le leader macoute de l'Artibonite Zacharie Delva, allias Parrain, avait
fait révoqué tous les titres de propriété pour
devenir lui-même le propriétaire incontestable de la
quasi-totalité de la surface des terres cultivables de la Vallée
» (Levy, M. 2001 :2), les luttes pour la possession des terres entre
les différentes classes sociales dans la Vallée de l'Artibonite
ont entrainé de graves violences et de pertes énormes (Victor, E.
2011).
Ensuite, la riziculture haïtienne est
caractérisée par des petites exploitations familiales (MARNDR,
2009). La croissance de la population entraine une hausse de nombre de
parcelles avec pour effet, la diminution de leurs tailles. Cette
dernière, conjuguée avec la situation économique des
riziculteurs contribuent à la faiblesse de l'investissement. Selon les
résultats de notre travail, les prêts bancaires alloués
à l'agriculture sont très faibles, et des taux de remboursement
très élevés ont été appliqués.
Parallèlement, les investissements publics sont aussi faibles et
diminuent considérablement. La dégradation des infrastructures
agricoles ainsi que un faible accès aux intrants sont
considérés comme les principaux effets de cette faiblesse de
l'investissement public.
Enfin, les résultats de notre recherche soulignent
l'existence de la mauvaise gestion des ressources hydrauliques. La
Vallée de l'Artibonite est traversée par de très grands
cours-d `eaux. Cependant, les riziculteurs interviewés relatent qu'ils
ont un accès très limité à l'eau. Cela implique
qu'ils cultivent leurs terres sous les caprices de la nature et ils ont
enregistré des pertes énormes en cas de catastrophes
naturelles.
50
4.3.4 La corruption
Dans notre investigation, un accent particulier a
été porté sur la corruption, tout en cherchant à
établir le lien entre ce dernier et la baisse du revenu des riziculteurs
de la Vallée de l'Artibonite. Il paraît vrai que la corruption ne
date pas d'hier en Haïti. Elle traverse l'histoire de la République
depuis son indépendance jusqu'à nos jours. Pourtant, il fallait
attendre près d'un siècle après l'indépendance du
pays, soit en 1903, pour assister à une prise de décision des
dirigeants pour punir publiquement les actes de corruptions. Depuis
après le fameux « procès de la consolidation », les
tentatives de l'Etat haïtien pour sanctionner les corrompus sont quasiment
inexistantes. Par ailleurs, l'analyse des données publiées par
Tranceparency International montre qu'Haïti figure parmi les pays
les plus corrompus au monde depuis 2002. Avec un Indice de Perceptions de la
Corruption18 (IPC) toujours proches de 0, le pays se trouve dans le
top des dix (10) pays les plus corrompus de façon permanente. Toujours
selon Tranceparency International, en 2003, sur un total de 133 pays,
Haïti était le troisième pays le plus corrompus de la
planète avec un IPC de 1.5 (sur une échelle de 0 à 10).
Une situation qui va être détériorée puisqu'en 2006,
avec un IPC de 1.8, Haïti était le pays le plus corrompu sur un
total de 163. Depuis lors, la situation s'est relativement
améliorée. En 2017, le pays se trouvait à la
157e position sur un total de 180 pays. Toutefois, il porte toujours
l'étiquette de l'un des pays les plus corrompus. Le tableau 4.4 suivant
concernant l'évolution de l'IPC entre 2002 et 2017, nous permet
d'expliciter la situation précitée.
Le tableau 4.4 : Evolution de l'Indice de Perceptions de la
Corruption en Haïti entre 2002 et 2017
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
Année
|
IPC
|
Rang
|
Nombre de pays
|
2002
|
2.2
|
89
|
102
|
2003
|
1.5
|
131
|
133
|
2004
|
1.5
|
145
|
146
|
2005
|
1.8
|
155
|
159
|
2006
|
1.8
|
163
|
163
|
2007
|
1.6
|
177
|
180
|
2008
|
1.4
|
177
|
180
|
2009
|
1.8
|
168
|
|
2010
|
2.2
|
146
|
|
2011
|
1.8
|
175
|
|
2012
|
1.9
|
165
|
|
2013
1.9
2014
1.9
2015
1.7
2016
2
2017
2.2
Source : Tranceparency International
180 178 183 183
163
177
161
175
158
168
159
176
157
180
18 Selon Transparency International, l'IPC est un
indice composite qui classe les pays en fonction du degré de corruption
perçue dans les administrations publiques et la classe politique.
Toujours selon lui, la corruption l'abus d'une charge publique à des
fins d'enrichissement personnel.
51
Pour pallier à ce problème, plusieurs
décisions étatiques ont été prises durant la
décennie 2000. Parmi eux, nous pouvons citer la création de:
« l'Unité de Lutte Contre la Corruption (ULCC) et
l'Unité Centrale de Renseignements Financiers19
(UCREF)» (ULCC, 2011 : 6). En plus de ces deux institutions, nous
pouvons ajouter la Cours Supérieure des Comptes et du Contentieux
Administratif (CSCCA) créée depuis 1823. Malheureusement, il
semble que ses institutions sont très limitées puisque leurs
impacts sur la corruption sont très restreints. En somme, les
résultats de notre travail relatent que la libéralisation de la
riziculture haïtienne entraine la hausse de la contrebande avec la
réouverture de l'ensemble des ports des villes de province qui ont
été fermés avant 1986. Cependant, bien qu'Haïti reste
l'un des pays les plus corrompus, nous ne sommes pas en mesure à
établir le lien entre la corruption et la baisse du revenu des
riziculteurs artibonitiens. Ce qui nous met dans l'impossibilité de
vérifier la validité de l'hypothèse 2
4.3.5 Les parties prenantes
Lors de notre travail de terrain, il était question
d'identifier les groupes d'individus qui influencent la production du riz au
niveau de la Vallée de l'Artibonite. Les résultats de notre
investigation montrent que les riziculteurs des pays exportateurs sont l'un des
premiers groupes de personnes qui influencent la riziculture haïtienne.
Avec la libéralisation agricole du pays, leurs exportations augmentent
considérablement. Toutefois, les prix appliqués sur le
marché haïtiens sont inférieurs à leurs coûts
de productions, puisque dans certains cas, ils reçoivent des subventions
à l'exportation de la part de leurs gouvernements. Il paraît vraie
que la politique de dumping appliquée par certaines puissances agricoles
pénalise le revenu des riziculteurs de la Vallée de l'Artibonite,
puisqu'ils ne peuvent plus écouler leurs productions.
Nous avons ensuite identifié un deuxième groupe
d'individus qui tirent des bénéfices dans l'application de cette
politique. Ce sont des commerçants haïtiens très influents
et proches du pouvoir politique. Ils reçoivent des franchises
douanières et importent le riz en fonction de la demande solvable. Ils
sont peu nombreux et ils influencent le prix du riz sur le marché local.
Par ailleurs, il faut souligner le fait que dans une certaine mesure, une
baisse du prix du riz en faveur des consommateurs [non producteurs] a
été constatée avec la mise en place de cette nouvelle
politique. Néanmoins, il se pose le problème d'accès
inéquitable aux denrées agricoles selon le milieu de
résidence et la situation économique. De même que le
marché mondial du riz, celui d'Haïti a les caractéristiques
d'un oligopole. Il est concentré entre les mains de 3 à 5
familles [importateurs]
19 L'Unité Centrale de Renseignement Financiers
a vu le jour le 5 avril 2001 et l'Unité de Lutte Contre la Corruption a
été créé le 8 septembre 2004
52
environs. Dans ces conditions, le prix du riz appliqué
ne reflète pas celui du marché. Cela sous-entend que
malgré une forte libéralisation du marché agricole, les
consommateurs haïtiens ne bénéficient pas amplement des
effets de cette ouverture.
La totalité des répondants pensent que les
producteurs de la vallée de l'Artibonite et l'Etat haïtien, avec la
baisse du revenu agricole et les recettes douanières, sont les
principales victimes de cette nouvelle politique. Considérée
comme la principale source de revenu de ces riziculteurs, la
libéralisation agricole contribue à la baisse continue de la
production du riz et pénalise le revenu de ces derniers.
4.4 Discussions
Nous avons réalisé ce travail dans le souci
d'analyser l'impact de la baisse des droits de douanes en faveurs du riz
importé sur le revenu des riziculteurs de la Vallée de
l'Artibonite. L'analyse des résultats des entretiens
réalisés relate que la politique néolibérale
appliquée en Haïti au milieu des années 1980 entraine une
baisse du revenu des planteurs.
En effet, à cause d'une augmentation du prix de vente
du Kg de paddy, les recettes agricoles augmentent faiblement au niveau de la
Vallée de l'Artibonite depuis le début des années 1990.
Cependant, la libéralisation de l'agriculture caractérisée
surtout par le démantèlement des tarifs douaniers et le
désengagement des pouvoirs publics, entraine une
détérioration de la qualité des infrastructures agricoles.
L'Etat n'investit que peu de ressources financières pour entretenir ces
infrastructures, condition sine qua non pour augmenter la productivité
des parcelles cultivées et le revenu des riziculteurs.
Par ailleurs, l'analyse des données recueillies dans le
cadre de ce travail montre que la Vallée de l'Artibonite est le grenier
de la République avec de grandes potentialités agricoles comme
par exemples des terres irrigables et les plus grands cours-d'eaux du pays.
Toutefois, le mauvais état des infrastructures hydro-agricoles et une
gestion inefficace des ressources disponibles, pénalise le revenu des
riziculteurs de la région. En plus du faible accès à
l'eau, aux services financiers et aux intrants agricoles performants ; des
conflits terriens en permanence entre les différentes classes sociales
enregistrés dans la Vallée de l'Artibonite sont les principales
causes explicatives de cette situation. De plus, Haïti figure parmi les
pays les plus corrompus au monde. Durant ces deux dernières
décennies, soit depuis le début des années 2000, rares
sont les hauts fonctionnaires publics qui n'ont pas été
accusé de corruption. Malheureusement, aucun jugement et aucune
condamnation n'ont eu lieu jusqu'à date.
53
En somme, cette baisse du revenu des planteurs de la
région peut être explicitée par la hausse vertigineuse des
dépenses d'exploitations. Il a été démontré
que dans la majeure partie des cas, le propriétaire foncier est
différent de l'exploitant agricole. Cette situation contraint les
agriculteurs à versé des sommes très
élevées, ou une partie de leurs productions aux
propriétaires fonciers après la récolte. De plus, nous
avons constaté une augmentation de la consommation d'engrais depuis le
début des années 2000 avec la mise en place du programme de
subvention d'engrais par les dirigeants de la République. Toutefois, le
montant des subventions accordé est nettement inférieur par
rapport à la demande des riziculteurs. En effet, l'Etat haïtien
subventionne seulement 20% à 30% en moyenne de la quantité
nécessaire. Cela signifie que les riziculteurs doivent acheter les 70%
restants à des prix très élevés. En outre, le
travail agricole est assuré à plus de 50% par les membres de la
famille de l'exploitant. Cependant, nous avons constaté l'existence
d'une main-d'oeuvre agricole salariale dont son coût augmente avec la
hausse du salaire minimum. L'augmentation de ces coûts de production
entraine la paupérisation des riziculteurs de la Vallée de
l'Artibonite.
Les riziculteurs des pays exportateurs, accompagnés de
quelques 3 à 5 familles haïtiennes très aisées et
proches du pouvoir politique qui assurent l'importation du riz avec des
franchises douanières sont les principaux bénéficiaires de
cette politique. Les consommateurs non producteurs quant à eux,
bénéficient dans une moindre mesure les effets de cette
libéralisation rizicole. Ils ont une plus grande quantité de riz
à leurs dispositions à des prix réduits. Cependant, la
concentration de ce marché ne permet pas à ces consommateurs de
bénéficier totalement de cette baisse du prix.
En outre, cette politique est préjudiciable à
l'Etat Haïtien, puisqu'il renonce à une part de ses recettes
douanières afin de pouvoir l'appliquer. Cependant, il semble que les
principales victimes de cette libéralisation agricole sont les
riziculteurs Artibonitiens. Ces derniers cultivent leurs parcelles sous les
caprices de la nature dans des conditions économiques très
difficiles. Ils sont concurrencés par des agriculteurs qui ont à
leurs dispositions des machines très performantes et qui
reçoivent des subventions de la part de leurs dirigeants. Malgré
une faible quantité produite, les planteurs de la Vallée de
l'Artibonite ne peuvent pas écouler leurs productions. Les plus pauvres
ne peuvent pas assurer la transformation et la conservation des denrées
cultivées et le mauvais état des infrastructures routières
entraine des coûts de transports énormes. Ces derniers se sont
obligés de livrer leurs produits à des prix très faibles
déterminés par les acheteurs auprès desquels ils n'ont
qu'un faible pouvoir de négociations. Donc, au fil du temps, leurs
revenus qui dépendent dans une large mesure de la vente du riz produit
sur les lopins diminuent.
54
CONCLUSIONS
La situation économique des agriculteurs haïtiens
après la libéralisation agricole nous préoccupe. Notre
intérêt s'est tourné particulièrement vers la
Vallée de l'Artibonite puisque cette dernière est
considérée comme le grenier de la République avec ses
principaux atouts agricoles. Pour répondre aux besoins de consommation
des ménages à faible revenus dans les pays les plus pauvres et
accroître le revenu des agriculteurs, il faut libéraliser
l'agriculture mondiale par la baisse des tarifs douaniers selon le paradigme
des agences internationales de développement au cours de la
décennie 1981-90.
Sur la base de l'application du Programme d'Ajustement
Structurel du FMI, les dirigeants haïtiens arrivent à
libéraliser l'agriculture du pays. Les droits de douanes sur
l'importation du riz ont été réduits
considérablement et les autres mesures protectionnistes ont
été démantelées. Paradoxalement, depuis le
début des années 2000, Haïti est considéré
comme le pays qui applique les droits de douanes les plus faibles dans la
Caraïbe et aussi l'un des plus pauvres au monde, avec la diminution
continue du revenu des riziculteurs. Partant d'un tel constat, nous nous sommes
questionné sur la relation qui existe entre la baisse des droits de
douanes sur le riz importé et le revenu des riziculteurs de la
Vallée de l'Artibonite.
En effet, dans le Plan Stratégique de
Développement d'Haïti (PSDH), l'agriculture haïtienne,
particulièrement sa riziculture, est considérée comme un
secteur stratégique pour lutter contre l'insécurité
alimentaire et contribuer à la croissance économique du pays.
Pourtant, plusieurs travaux réalisés au début des
années 2000, dont Sylla, K. & Touré, A. (2004), Baptiste, BJ.
(2005) et Fréguin, S. & Devienne S. (2006) confirment
l'Hypothèse selon laquelle la libéralisation de l'agriculture
n'est profitable qu'à un petit groupes restreints d'individus. Par
ailleurs, ces auteurs relatent que la baisse des droits de douanes en faveurs
des denrées agricoles importées entraine une
détérioration de la situation économique et alimentaire
des ménages à faibles revenue au niveau des pays pauvres. Avec la
problématique construite et en s'inspirant du résultat de ses
recherches, nous avons posé les deux hypothèses suivantes :
1. Plus les droits de douanes sur le riz
importé diminuent, plus le revenu des riziculteurs de la Vallée
de l'Artibonite diminue.
2. Il existe d'autres facteurs internes, comme la
corruption, qui influencent le revenu des riziculteurs de la Vallée de
l'Artibonite.
Ce travail est composé de quatre (4) chapitres. Dans le
premier, il était question de présenter deux théories
contradictoires et de définir les différents concepts afin de
donner le sens qu'ils revêtent et d'éviter toutes sortes
d'ambigüités. Nous avons essayé, dans le second chapitre, de
démontrer que le marché mondiale du riz est concentré et a
les caractéristiques d'un oligopole. Le
55
troisième chapitre est consacré à la mise
en lumière de la situation de la riziculture haïtienne tout en
soulignant ses principales contraintes. Le dernier chapitre concerne
l'étude de cas. Nous avons réalisé des entretiens libres
aux près de huit (8) personnes ressources afin d'avoir une
compréhension approfondie de la problématique construite.
Les résultats de notre recherche montrent que le
marché rizicole mondial est un oligopole. La majeure partie de la
production est concentrée au niveau des pays d'Asie et 93% de cette
production est consommée au niveau du marché national contre
seulement 7% vendue sur le marché international en 2006. De plus, il
faut de souligner la protection de la riziculture au niveau de certains pays
producteurs alors que l'agriculture des PMA est libéralisée.
Les pays de l'Europe, avec l'application de la PAC
après la deuxième guerre mondiale ainsi que les Etats-Unis
appliquent une politique protectionniste afin d'accroître la production
et d'augmenter le revenu des agriculteurs. Ce même cas de figure a
été constaté au niveau des pays en développement
d'Asie, principaux producteurs et exportateurs du riz. Vers les années
1980, ces pays ont investi des sommes exorbitantes dans les infrastructures
agricoles, condition indispensable pour accroître la production et le
revenu agricole. Parallèlement, les dirigeants de ces pays utilisent
d'autres mécanismes, comme l'interdiction de l'importation à des
moments donnés, afin de protéger leurs productions et
d'accroître le revenu des riziculteurs.
Cependant, vers les années 1980, certains PMA ont
procédé à la libéralisation de leurs agricultures
sur la demande des Institutions Financières internationales (IFI) dans
le cadre de l'application du Programme d'Ajustement Structurel (PAS). Etant
l'un des pays les plus pauvres, l'agriculture de la République
d'Haïti d'une façon générale et sa riziculture en
particulier, a été libéralisée. L'Etat haïtien
a démantelé les droits de douanes sur l'importation du riz et
d'autres mesures servant à protéger la riziculture de la
Vallée de l'Artibonite comme la réouverture de certains ports et
la limitation des importations.
Pour expliquer l'impact de la baisse des droits de douanes en
faveur du riz importé sur le revenu des riziculteurs de la Vallée
de l'Artibonite, nous avons analysé des articles et des documents
officiels du MANDR et de ses partenaires comme la CNSA, le FAO.... Par
ailleurs, des entretiens libres ont été réalisés
auprès des personnes ressources. Malgré les difficultés
rencontrées, nous avons réussi à réaliser 8
entretiens. Il a été démontré qu'avec l'application
de cette politique néolibérale, la situation économique
des riziculteurs de la Vallée de l'Artibonite s'est
détériorée. La totalité des répondants (8)
pensent que cette politique de libéralisation rizicole entraine une
baisse du revenu des agriculteurs de la Vallée de l'Artibonite. Donc,
les résultats de notre recherche confirment l'hypothèse 1.
Cependant, nous n'avons pas eu la possibilité de vérifier la
validité de
56
l'hypothèse 2. Bien que le pays figure parmi les plus
corrompus depuis le début des années 2000, nous ne sommes pas
arrivés à établir la relation entre la corruption et la
baisse du revenu des riziculteurs de la Vallée de l'Artibonite.
La nouvelle politique appliquée est profitable surtout
aux exportateurs étrangers qui peuvent livrer leurs surplus de
productions sur le marché haïtien à des prix
subventionnés. A leurs côtés se trouvent un groupuscule
formé par des commerçants haïtiens très riches qui
ont le droit exclusif d'importer le riz avec des franchises douanières
accordé par l'Etat haïtien. Les consommateurs haïtiens quant
à eux bénéficient en partie de la baisse des prix du riz
sur le marché local. Toutefois, cette libéralisation agricole
cause des préjudices à l'Etat haïtien qui renonce à
une portion des recettes douanières et aux riziculteurs de la
Vallée de l'Artibonite. Elle contribue à la baisse de la
production agricole et du revenu de ces derniers.
Cependant, cette recherche est limitée surtout par le
nombre très restreint (8) de participants. C'est pourquoi que nous
espérons que dans les jours qui viennent, d'autres études seront
menées tout en réalisant une enquête quantitative aux
près des riziculteurs de la Vallée de l'Artibonite afin de
confirmer les résultats de ce travail.
Formulation des propositions
Comme nous l'avons souligné à plusieurs
reprises, la production du riz au niveau de la Vallée de l'Artibonite
joue un rôle primordial dans la survie des riziculteurs de cette
région. D'ailleurs, elle est considérée comme la
principale source de revenu pour 90,000.00 riziculteurs et contribue à
hauteur de 12% dans la disponibilité alimentaire en Haïti contre 8%
pour l'ensemble des autres régions du pays. Considérée
comme la principale zone de production du pays, il s'avère
nécessaire de prendre des mesures afin d'accroître la production
et d'augmenter le revenu des riziculteurs de la Vallée de l'Artibonite.
Dans ce cadre, nous avons faits les propositions suivantes :
1. Réviser la politique commerciale de l'Etat
haïtien
Avec la révision de sa politique commerciale, l'Etat
haïtien peut contribuer à la modernisation des structures de
production et d'échange par l'augmentation progressive des tarifs
douaniers (profiter de la marge de protection non utilisée) pour
augmenter ses recettes. Ça va lui donner aussi des ressources
nécessaires pour financer les réseaux douaniers (système
douanier) afin d'éviter la contrebande. Toutefois, il convient de savoir
si le secteur rizicole est encore viable pour
57
susciter un tel niveau de protection quant à sa
capacité de réponse en termes de production de masse quand nous
considérons les contraintes structurelles auquel il fait face.
2. Elaborer un plan de développement agricole
inclusif au niveau de la Vallée
Bon nombres de plan de développement de la
filière riz sont élaborés sans la participation des
riziculteurs. Le modèle de développement souhaitable dans la
Vallée de l'Artibonite doit être constitué par un ensemble
de moyens visant à réaliser la participation de la population et
ses responsabilités au progrès de sa propre communauté. De
plus, les potentialités agricoles réelles, les besoins du
marché local, les aspects environnementaux qui sont très
liés à l'agriculture, l'aspect institutionnel en voyant le
véritable rôle du MARNDR et de l'ODVA ainsi que l'aspect
organisationnel du côté des riziculteurs doivent être pris
en compte.
3. Augmenter l'investissement de l'Etat dans les
infrastructures agricoles
La Vallée de l'Artibonite est traversée par
deux grands cours-d `eaux. Pourtant, l'inaccessibilité des riziculteurs
aux ressources hydrauliques constitue l'une des contraintes majeures à
l'augmentation de la production. L'intervention de l'Etat paraît comme
une condition sine qua non pour accroître la production et contribuer
à la hausse du revenu agricole. L'Etat doit aussi investir dans les
infrastructures routières afin de faciliter le transport de la
production et dans l'agro-industrie afin de faciliter la transformation et la
conservation des denrées et d'augmenter la valeur ajoutée en
agriculture.
4. Mettre en place un service d'assurance
agricole
Les riziculteurs de la Vallée de l'Artibonite sont,
dans la majeure partie des cas, des personnes à faibles revenus. Ils ont
un accès limité aux services et intrants agricoles (semences de
qualité, produits phytosanitaires, crédits, etc.). La culture
d'une parcelle nécessite beaucoup d'investissements que ni le secteur
privé des affaires ni les paysans ne peuvent engager. Ces
considérations sont autant d'éléments fondamentaux qui
requièrent une intervention de l'Etat. Ce dernier doit assurer la
production des riziculteurs afin de faciliter l'accès au crédit
de ces derniers et de répondre aux besoins financiers nécessaires
pour exploiter les parcelles.
58
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Liste des annexes
Annexe 1 : Guide d'entretien
Madame/Monsieur,
Pour les agriculteurs, la baisse du revenu devient un
problème très récurrent. Cela concerne tant Haïti que
d'autres pays sous-développés. C'est dans ce cadre que je
présente mon Travail de Fin d'Etude (TFE), pour l'obtention du grade de
Maître en Sciences de Gestion à l'Ecole Supérieure de la
Francophonie pour l'Administration et le Management (ESFAM), en partenariat
avec l'Université de Liège, sur la problématique de la
baisse des droits de douanes et le revenu des riziculteurs haïtiens.
Pour mener à bien ce Travail, je sollicite votre
participation à un entretien non directif. L'analyse des
résultats me permettra de comprendre l'impact de la baisse des droits de
douanes en faveur du riz importé sur le revenu des riziculteurs de la
Vallée de l'Artibonite. L'entretien durera entre 30 à 40 minutes,
et sera réalisé par email ou par WhatsApp, puisque je suis
actuellement en Bulgarie dans le cadre de mes études. L'anonymat est
bien sûr garanti !
Si vous le souhaitez, je ne manquerai pas de vous faire part
d'une synthèse de mon travail. D'ores et déjà, je vous
remercie pour votre précieuse participation et je vous prie de recevoir
mes salutations les meilleures.
Liste des questions
Q1 : Que comprenez-vous de la Libéralisation de la
riziculture haïtienne ?
Q2 : A-t-elle un impact sur le revenu des riziculteurs de la
Vallée de l'Artibonite ?
Q3 : Quels sont, selon vous, les principaux gagnants et
perdants de la baisse des droits de douanes sur le riz importé ?
Q4 : Comment pouvez-vous expliquer cette prise de décision
par l'Etat haïtien ?
Q5 : Selon vous, qu'est-ce qui motivent les ménages
haïtiens dans leurs choix entre le riz importé et celui de
l'Artibonite?
Q6 : Avez-vous une idée de différentes
difficultés rencontrées par les riziculteurs de la Vallée
de l'Artibonite ?
Q7 : Quelles sont, selon vous, les mesures à prendre
pour améliorer la situation des riziculteurs de la Vallée de
l'Artibonite ?
Q8 : Avez-vous d'autres choses à ajouter ?
67
Liste des thèmes
Code
|
Themes
|
1
|
Liberalisation agricole
|
1.1
|
Baisse du tarif douanier
|
1.2
|
Non subvention étatique
|
1.3
|
Désengagement de l'Etat
|
2
|
Revenu agricole
|
2.1
|
Recettes d'exploitations
|
2.1.1
|
Production du riz
|
2.2
|
Coûts d'exploitations
|
2.2.1
|
Intrants agricoles
|
2.2.2
|
Main d'oeuvre
|
2.2.3
|
Preparation du sol
|
2.2.4
|
Rente
|
2.2.5
|
Transport
|
3
|
Corruption
|
3.1
|
Contrebande
|
|