De la diversité culturelle, linguistique et migratoire à l'établissement du locuteur en langue franà§aise. Cas d'adultes migrants à Bruxelles.par Stéphanie NASS Université de Bourgogne - Master 2 Recherche didactique du franà§ais 2014 |
Chapitre 3 : La collecte des donnéesL'étude ethnologique et psychosociologique du sujet parlant dont se revendique notre méthode de recherche, justifie notre appréhension de l'installation du locuteur en langue in posse. À notre sens, et pour reprendre l'idée de Hagège (1998 : 26), l'énonciateur est la manifestation concrète, historiquement située et socialement déterminée de la compréhension d'un idiome. Voici le concept véhiculaire suivant lequel nous construisons notre corpus et à partir duquel nous donnons du sens à nos résultats. Dans cette perspective, nous examinerons l'intérêt relationnel du questionnement préliminaire tout comme l'angle épistémologique original généré par les échanges naturels. Puis, nous définirons les deux outils essentiels de notre étude : les sources écrites ainsi que les entretiens individuels et collectifs. 48 3.1. Le questionnaire exploratoireOutil servant « de guide et d'orientation dans une enquête »68, le questionnaire exploratoire a été créé spécifiquement pour les locuteurs migrants et délivré durant la phase d'observation participante. Inspiré du formulaire réalisé lors de notre première mission, il contient des items d'ordre langagier, sociolinguistique et psycholinguistique de la compréhension du français (cf. Annexe 4) : le répertoire langagier du locuteur (les idiomes qui le composent), les méta-représentations (relatives à la langue française et à ses locuteurs belges), la situation de bilinguisme (individuelle, à l'âge adulte). Quatre autres paramètres en fin de questionnaire ont pour objectif de documenter l'âge, le sexe, la durée de formation en langue française ainsi que les éventuelles migrations. Le questionnaire ad hoc a été proposé aux neufs informateurs locuteurs répondant aux critères explicités précédemment. Quant au questionnement pour les informateurs « passeurs d'informations », il s'articule autour des domaines du langage et de la linguistique-didactique des langues : le répertoire langagier du formateur (les idiomes qui le composent), les représentations (inhérentes à l'appropriation d'une langue in posse), les réflexions didactiques (par rapport aux locuteurs de leur classe). Quatre variables distinctes en fin de questionnaire s'intéressent également à l'âge, au sexe, aux migrations potentielles et à la formation professionnelle. En tant que « questionnaire pré-codé » (Mucchielli, 1993 : 23), notre enquête initiale s'avère un instrument de première utilité pour qui veut instaurer des relations de confiance avec les individus qui constituent le terrain. Effectivement, les caractéristiques objectives sélectionnées pour élaborer notre questionnaire ne sont ni quantitatives, ni qualitatives mais plutôt corrélatives à la prise de contact. C'est pourquoi le formulaire se revendique anonyme et accessible d'accès en termes de remplissage69, afin de prédisposer les informateurs à notre recherche (ibid.). En outre, la référence large aux langues dans le questionnaire pour les éducateurs traduit notre prudence quant aux idéologies didactiques de chacun. Le questionnaire a été soumis à l'attention des trois formatrices. Pour l'ensemble des 68 Source électronique : Page officielle du « Trésor de la Langue Française » : http://atilf.atilf.fr/dendien/scripts/tlfiv5/saveregass.exe?122;s=2456656995 ; r=1 ; 69 Pour rappel nous avons affaire, pour les informateurs migrants, à des locuteurs non confirmés de français. 49 informateurs (hormis Madame D.), le formulaire correspondait à notre première approche en tant que professeure FLE bénévole. Les réponses recensées nous ont donné la possibilité de dresser un bref portrait introductif des locuteurs non confirmés, que nous esquisserons, de façon plus précise, ultérieurement (cf. Partie 3, Ch. 1) : - l'ensemble du groupe informateur possède un idiome in esse différent du français ; - sept d'entre eux disposent d'une langue in esse en commun (le turc et l'arabe dialectal) ; - leur durée de formation en français au sein de l'ASBL s'avère variable, entre six mois et deux ans ; - le français est qualifié par tous comme langue « importante/ efficace » nommément, cinq le motive comme langue du pays d'accueil, quatre le justifient encore par le travail et quatre par les interactions quotidiennes. L'un reconnait le français comme un idiome qu'il ne « connait » pas. En conséquence, il souhaite « comprendre ce qu'on dit » ; - le français est considéré, par ordre croissant, comme un idiome : beau pour six d'entre eux, utile pour cinq, facile pour deux et un à valeur sociale ; - chacun s'accorde sur les « efforts » et le « temps » nécessaire à l'appropriation de l'idiome, deux élicitent le facteur de « l'âge » ; - à l'unanimité s'établir en langue in posse revient à maîtriser la lecture-écriture, une place prépondérante est donnée aux fautes de langue70, l'un insiste sur l'écrit, un second sur « la connaissance de la culture de l'autre » ; 70 Nous observons un décalage avec notre première enquête de terrain. Là, les informateurs âgés entre 11 et 17 ans ne stigmatisaient pas autant les erreurs de langue qu'ils qualifiaient de « normales ». - à mi-chemin, quatre locuteurs adultes considèrent que l'appropriation préalable d'une autre langue in esse ou fieri, facilitent la compréhension du français, quatre le contraire. L'un d'entre eux s'est abstenu sur le sujet ; - une partie des énonciateurs se sent également «exister » en idiome français, l'autre en idiomes français et arabe. Parmi eux, un sujet parlant déclare « être » en langue turque.
50 TABLEAU 1 : LANGUES DES REPERTOIRES LANGAGIERS DES LOCUTEURS MIGRANTS 51
TABLEAU 2 : LANGUES DES REPERTOIRES LANGAGIERS DES FORMATRICES71 L'attention portée aux échanges ponctuels de la journée s'est présentée à nous telle une continuité. Nous nous sommes rendue compte que, par ce biais, nos relations gagnaient en caractère, le questionnaire strictement individuel rendant la proximité insuffisante, voire impossible. D'un point de vue humain, cet outil a développé le tissage de liens plus sincères. |
|