UFR de Lettres et Philosophie : Université de Bourgogne
Master 2 Recherche didactique du fra
2013-2014
De la diversité culturelle, linguistique et
migratoire à l'établissement du locuteur en langue
française. Cas d'adultes migrants à Bruxelles.
Comment se réalise l'installation du sujet parlant en
langue française ?
Sous la direction de M. Samir Bajriæ
Stéphanie Nass
25/09/2014
1
TABLE DES MATIÈRES
REMERCIEMENTS 1
INTRODUCTION 2
PARTIE 1 : ÊTRE LOCUTEUR LANGUE(S) IN
POSSE EN BELGIQUE 13
Chapitre 1 : Situation actuelle des locuteurs migrants
en Belgique 14
1.1.Approche historique succincte 14
1.2.Une typologie des locuteurs migrants 16
1.3.Le cas de la région Bruxelles-Capitale 19
Chapitre 2 : L'appropriation du Français Langue
in posse : enjeux socioculturels et
psycholinguistiques 19
2.1. Les complexités de compréhension de la
langue française et les répertoires langagiers 23
2.2. Les traits d'union entre l'Être et l'Esprit ou les
représentations 28
2.3. Réflexion terminologique autour de la
linguistique-didactique 29
PARTIE 2 : DEVENIR ANONYME LANGUE(S) IN POSSE
A BRUXELLES 34
Chapitre 1 : Démarche et protocole
d'enquête auprès de locuteurs migrants 35
1.1. Problématique originelle 35
1.2. Cadre épistémologique 37
Chapitre 2 : Délimitations du terrain de
recherche 39
2.1. Sélection et introduction du contexte 39
2.2. La démarche de rencontre 44
2.3. Choix et développement de l'échantillon
45
Chapitre 3 : La collecte des données
47
3.1. Le questionnaire exploratoire 48
3.2. L'échange « naturel » 48
3.3. Les sources écrites 53
3.4. Les entretiens 55
3.4.1. Les entretiens collectifs 56
3.4.2. Les entretiens individuels 57
Chapitre 4 : La transcription des données
59
PARTIE 3 : POUVOIR S'ETABLIR EN LANGUE FRANCAISE :
ANALYSES
QUALITATIVES ET PROPOSITIONS DIDACTIQUES
59
Chapitre 1 : Analyse détaillée des profils
des locuteurs ou le modus
operandi 60
1.1. Présentation des résultats issus des
questionnaires exploratoires .61
1.1.1. Les représentations « initiales »
64
1.1.2. Les représentations « médianes
» 66
1.2. Présentation des résultats issus des
entretiens collectifs 68
1.2.1. Les représentations « finales » 69
Chapitre 2 : Justification des données
d'intelligibilité des comportements
psycholinguistiques 74
2.1. Quand « la cartographie de l'intime » est
alternée 74
2.2. Les signes et les comportements linguistiques se
renouvellent 85
Chapitre 3 : Les catalyseurs pour une démarche
didactique au sein de
l'association 90
Chapitre 4 : Retour sur la méthodologie et impact
sur la formation de l'apprentie-
chercheure . 92
2
CONCLUSION CIRCONSTANCIEE ET PERSPECTIVES DE RECHERCHE
..94
3
BIBLIOGRAPHIE
|
.99
|
TABLE DES ANNEXES
109
|
|
TABLE DES ILLUSTRATIONS
274
|
|
REMERCIEMENTS
Si ce travail est la moisson de rencontres et partages
semés, alors je ne vois pas d'autre façon, pour exprimer ma
gratitude, que de laisser parler la « mémoire de coeur ».
Je tiens à remercier Monsieur Samir
Bajriæ pour avoir été un directeur
réfléchi et sécurisant sur mon parcours vers la recherche
initiale. Je remercie également Monsieur Luca Nobile pour ses
précieux conseils d'ordre méthodologique. Je remercie Madame
Goï pour me soutenir de manière continue depuis le Master 1.
Je remercie chaleureusement la directrice de notre terrain
d'enquête, Madame D. ainsi que son assistante de direction Madame M. pour
leur présence, leur générosité ainsi que pour cette
transmission altruiste qui les caractérise tant. Je remercie aussi les
formatrices de l'association et particulièrement, tous les apprenants
pour leur philosophie humaniste de la vie en toute circonstance. Que cet humble
écrit vous rende hommage.
Bien entendu, je ne pourrais terminer cet exposé de
reconnaissance sans mentionner les Êtres qui composent ma «
mémoire affective ». Je remercie ma famille ainsi que tous mes amis
de France et d'ailleurs. Michelle, Marie, Flo, Alain, Marielle et Martine, ce
vadémécum est le nôtre, telle une pierre blanche
témoin de nos amitiés. Merci.
Enfin, je remercie Mattias: por ti, ese camino se volvió
en una superación de mi misma.
4
Bagnols-sur-Cèze, France, août 2014
5
INTRODUCTION
Dans une ville flamande de Belgique, une universitaire
française entreprend un module débutant de
néerlandais1. La distance phonologique entre la langue
française et celle à comprendre la décourage tout à
fait. La locutrice n'y reconnait aucune sonorité familière.
Néanmoins, à la fin du niveau 1.22, pour des raisons
professionnelles et personnelles, l'universitaire projette de s'installer
durablement dans le pays. Pour ce faire, elle juge indispensable de
s'établir également dans cet idiome original. Studieuse et
motivée, son parcours d'accès à l'idiome germanique
s'accomplit dans le temps. Un temps, un peu trop infini à son
goût. Les actes locutoires en néerlandais lui semblent difficiles
à gérer, notamment au travers de la construction phrastique. La
nouvelle reconfiguration des mots au sein de l'énoncé
exigée par la langue germanique, lui pose problème. La
professeure évoque alors sa situation avec un de ses collègues
néerlandophones :
- Hoe gaat het met het Nederlands?
- Pffffff....Pour l'écrire ça va. Mais l'oral...
Quand je veux faire une phrase, il faut que je réfléchisse dix
minutes. Et puis, j'ai des difficultés pour comprendre. J'écoute
le début de la phrase et quand on arrive au verbe, j'ai oublié le
début...
- (Rires). C'est normal. Alors avec ton copain, vous parlez
flamand et ça va t'aider.
- Ah non, on ne parle pas flamand entre nous. On s'est
rencontrés en Espagne, donc on parle en espagnol.
1 Le néerlandais est une langue germanique
qui est la langue officielle des Pays-Bas et l'une des trois langues
parlées en Belgique. En Flandre, on y parle aussi le flamand ou le
Vlaams qui sont des dialectes. Sources
électroniques : Page officielle du « Trésor
de la Langue Française » :
http://atilf.atilf.fr/dendien/scripts/tlfiv5/advanced.exe?8;s=3693290205,
page officielle de « l'Ethnologue » :
http://www.ethnologue.com/country/BE/languages
2 Niveau de langue pour un locuteur non
confirmé établi par le Cadre Européen Commun de
Référence (CECR). L'outil réalisé par le Conseil de
l'Europe en 2001, définit les compétences à atteindre dans
l'apprentissage d'une langue étrangère. On dénombre six
niveaux de compétences allant de A1 à . La durée moyenne
d'un module varie entre 8 et 12 semaines.
6
- Vraiment ! Quelle histoire ! Mais c'est vraiment dommage...
Tu as la chance d'être dans un environnement flamand et...
- Oui je sais mais quand il me dit des mots... des mots...bon
ben en flamand, c'est bizarre. Je sais pas. Et puis, je ne veux pas perdre
l'espagnol3.
Cet échange, en État fédéral
belge, entre deux adultes aux répertoires langagiers variés,
révèle certains aspects linguistiques intéressants. Tout
d'abord, il pointe le concept large et complexe de langue. Les idiomes
employés par l'énonciateur néerlandais surprennent par
leurs idiotismes, mettant en exergue les valeurs qu'ils véhiculent. En
tant que locuteur confirmé de français, l'étudiante
a-t-elle identifié la portée symbolique du français en
Belgique4 ? Et comme énonciateur non confirmée de
néerlandais, prend-elle conscience de la diversité linguistique
et culturelle environnante ? Connaît-elle le lien antagoniste entre
langue et politique dans ce Royaume (Soutet, 2011:19) ? Les commentaires
prononcés par l'universitaire au regard du néerlandais expriment
quelques représentations personnelles sur la langue de Flandre. Tout
comme, sans nul doute, sa vision cognitive, voire psychique des situations dans
cet idiome. En réalité, les remarques de chacun des
énonceurs5 nous amènent à une réflexion
sur la manière d'être dans une nouvelle langue
(Bajriæ, 2013: 44).
Dans le cadre du Master 2 Recherche Didactique du
Français, nous avons choisi de nous impliquer dans un travail
universitaire à l'intérieur de la filière Français
Langue Étrangère (FLE). Comme le note Dabène, les
méthodologies d'enseignement des langues demeurent de plus en plus
directives (Dabène, 1994 : 87). Ces difficultés s'expliquent dans
un premier temps, par les nombreuses structures langagières et
culturelles que l'on retrouve dans le contexte de la classe de langue. Les
profils de locuteurs se diversifiant, l'encadrement
3 Ce dialogue est extrait du journal de bord de
chercheure débutante que nous avons tenu entre le 29.10.13 et le
20.06.14. Il s'agit d'une véritable conversation avec un confrère
flamand (langue in esse : néerlandais ; langues in fieri
: français et anglais). L'échange, qui n'est pas cité
dans sa totalité, s'est déroulé le 23.04.14, dans les
locaux d'une école de langues pour adultes d'Anvers (Région
flamande).
4 État multiculturel depuis 1830, la
Belgique est le fruit de l'assemblage de deux communautés catholiques,
les Wallons francophones et les Flamands néerlandophones, contre la
suprématie hollandaise protestante (Delacroix, Bertaux, 2012 : 87).
5 Par l'emploi de cette expression, nous rejoignons
la thèse d'Hagège pour qui le locuteur est un «
énonceur psychosocial ». C'est-à-dire, qu'il est capable de
communiquer.
7
didactique reste malaisé à établir. Et
face à l'hétérogénéité des publics,
l'enseignant demeure peu préparé à ces nouvelles
situations pédagogiques. Deuxièmement, les récentes
réflexions en didactique ont démontré, notamment au
travers du référentiel européen des langues (le CECR), que
l'appropriation des langues distingue deux compétences originales. L'une
praxéologique, qui regroupe des compétences
générales non inhérentes à la langue, soit des
habiletés d'ordre socio-culturel. Le locuteur devient un acteur capable
de questionnement, voire d'émettre des solutions adéquates aux
problèmes sociaux rencontrés. L'autre, à caractère
linguistique, qui se réfère à une compétence de
communication langagière. Cette dernière renvoie à des
capacités de type sociolinguistiques et pragmatiques certes, mais aussi
à une dextérité d'ordre linguistique. Tel le concept de
genre de discours qui inscrit dans la langue certaines formes
stabilisées d'action sociale.
De fait, lors de la rédaction du rapport de stage
correspondant au Master 1 Didactique des Langues, spécialité FLE
(DiL-FLE), nous nous sommes passionnément référée
6 à la sociolinguistique7. Compte tenu de son
approche microlinguistique, cette science humaine m'a paru la plus
adéquate pour comprendre mes situations de classe. En
conséquence, nous avons établi le diagnostic des structures
sociales réelles au sein de notre groupe de locuteurs non
confirmés, étudié les facteurs socio-historiques de leur
immigration et réalisé un type de planification linguistique.
Évidemment, une telle démarche m'a permis de mesurer
l'évolution des répertoires langagiers des énonciateurs et
parallèlement, a contribué à démontrer l'influence
des représentations sociales sur la compréhension d'une langue.
En somme, les apports de la sociolinguistique favorisent la prise de recul non
seulement vis-à-vis de sa propre méthodologie, mais
également, vis-à-vis de la progression des étudiants.
Néanmoins, l'analyse conversationnelle, qui en est la méthode
d'investigation phare, s'avère multiple et unique à la fois. Cela
signifiant qu'elle reflète une situation de classe particulière,
prise sur le moment. En cela, elle représente donc une interaction
figée et exemplaire. Rapidement, les actions psychologiques mises en jeu
dans le « parler une langue» (Tesnière, 1982 : 19)8
sont
6 Le participe passé prend la marque du
féminin singulier attendu que le « nous » se
réfère à l'auteure dudit mémoire.
7 Sur cette question, on lira avec profit les ouvrages
fondateurs de Vendryes (1923) et de Frei (1929).
8 Source électronique : Bajriæ
S., 2005, « Questions d'intuition », Persée
revues scientifiques,
http://persee.fr/web/revues/home/prescript/article/lfr_0023-8368_2005_num_147_1_6860,
visité le 23. 08. 2014.
8
apparues nécessaires. Me menant de manière
intéressée, vers l'étude comportementale9,
grâce à la sensibilité en matière d'alternance
linguistique. « Les situations n'ont pas le monopole du sens. Ce qui fait
également sens, c'est la construction progressive de la personne en tant
qu'être complexe» (Roegiers, 2010: 286).
C'est pourquoi, notre questionnement initial est
assurément associé à l'évolution des courants et
des idées en didactique des langues, avec comme valeur ajoutée,
l'ensemble des questions relatives au locuteur pleinement réalisé
linguistiquement. Les problématiques mouvantes et variées du
domaine cité marquent les perspectives sociales et humaines en devenir.
Pour Meillet, « [...] on ne peut rien comprendre aux faits de langue sans
faire référence au social et donc sans faire
référence à la diachronie, à l'histoire »
(Calvet, 2006: 7). On s'aperçoit donc qu'avec les colonisations, les
langues apparaissent tel un moyen favorisant l'acculturation, allant
jusqu'à marginaliser la civilisation des locuteurs indigènes.
Avec les régimes autoritaires (tels que l'Allemagne, la Russie) ou
à forte tradition centralisatrice (la France, la Belgique Flamande), les
langues ont unifié de manière politique les nations grâce
à leur caractère officiel. Aujourd'hui, les idiomes servent
l'intégration active et sociale des individus. Ainsi, la mobilité
géographique implique une réelle compétence d'adaptation
au travers de la maîtrise de la langue du pays d'accueil. La
restructuration incessante des frontières ainsi que la crise
financière actuelle génèrent des profils de locuteurs
inédits. Ces derniers pour être reconnus en tant que citoyens
doivent répondre de compétences langagières
avérées, autant dans le domaine public que privé puisque
les mariages mixtes n'ont de cesse de se multiplier. Indubitablement,
l'appropriation des langues participe à une nouvelle extension, voire un
réaménagement, des relations humaines. C'est pourquoi, les
concepts de diversité culturelle et comportementale d'une part, et de
locuteur en français d'autre part, ont constitué l'exorde de mes
réflexions. Les prospections réalisées autour de la «
panoplie personnelle de programmes mentaux » (Hofstede, 1994: 20) dont
dispose tout énonciateur, ajoutées aux lectures en
linguistique-didactique, m'ont permis de délimiter davantage notre champ
d'investigation. Cette science définie comme « l'étude
scientifique du lien entre le langage et l'acquisition des langues »
(Bajriæ, 2013: 25), nous supposons que
l'apprentissage
9 Les termes de « comportemental » ainsi
que de « comportement » recouvrent, dans cet ouvrage, les
mécanismes cognitifs qui relèvent du processus d'appropriation
d'une langue nouvelle.
9
d'une langue relève d'un certain comportement culturel,
linguistique et cognitif. Qu'il soit forcé, désiré,
opportun ou naturel (telles les langues en contact), la composition du
répertoire langagier apparaît animé. Il entraine en cela
une restructuration de l'identité humaine : soit l'expérience
personnelle en tant qu'énonceur confirmé. Avec la perte des
valeurs familiales et historiques des langues ainsi que l'émergence des
politiques linguistiques, il paraît difficile, pour les locuteurs en
langue nouvelle, de se positionner linguistiquement. D'autant plus que la
diversité s'avère être autant une composante
intrinsèque des langues que des étapes de vie.
En réalité, lors d'entretiens exploratoires
antérieurs, nous avons remarqué les appréhensions de
locuteurs immigrés à se repérer langagièrement,
notamment avec la peur d'oublier leur langue au profit de la langue du pays
d'accueil. On pressent un conflit interne entre la culpabilité
de parler un nouvel idiome et la volonté de s'intégrer. Par
ailleurs, le jugement de valeur accordé à leur
individualité semble déterminant dans l'amorce du
procédé identitaire. En outre, il ressort de ces
échantillons que le concept de diversité linguistico-culturelle
accentue les difficultés à affirmer son être en terme
d'héritage. Qui plus est dans une société moderne
où le concept de personnalité unique est prôné.
Pourtant, une première analyse des informations recueillies rend
manifeste que c'est dans l'émergence de la diversité culturelle,
linguistique et comportementale que réside une approche rationaliste du
locuteur confirmé. Autrement dit, un énonciateur qui emploie une
langue dans laquelle il existe véritablement et dont il maîtrise
l'intuition grammaticale correspondante.
Nous nous proposons de mieux comprendre ces
phénomènes par l'écriture du mémoire : « De la
diversité culturelle, linguistique et migratoire à
l'établissement du locuteur en langue française. Cas d'adultes
migrants à Bruxelles ».
Ce travail de recherche consiste par conséquent
à réfléchir sur les questions suivantes : quels
observables linguistico-didactiques, actes de langue et actes d'appropriation,
constituent des étapes dans la construction identitaire du locuteur
migrant en langue française ? Comment cette identité, culturelle,
discursive et comportementale s'établit-elle ? En termes didactiques,
quelles stratégies préférentielles privilégier pour
aider les migrants à accéder au statut de locuteur
confirmé ?
10
Afin d'apporter des éléments de réponses
complémentaires à ces problématiques, le projet de
recherche prend appui sur un contexte particulier : celui de migrants de
l'association de quartier Avenir, de la région Bruxelles-Capitale. La
méthode d'investigation reposera sur une approche anthropologique de
l'énonciateur. « L'identité d'un personnage est donc son
histoire, laquelle n'est accessible qu'à travers la médiation
d'un récit ».10 C'est pourquoi, les entretiens
collectifs et individuels autobiographiques semi-directifs, en idiome
français, nous semblent les plus pertinents. Nous souhaitons y relever
des entités syntaxiquement et sémantiquement
interprétables dans l'objectif de définir un ensemble de contenus
cognitifs caractérisant la vision du monde du locuteur. D'autre part,
étant dans une recherche sociologique, nous privilégions une
démarche qualitative par le biais de l'examen des sources écrites
des locuteurs migrants, ainsi que par l'observation de classe et l'apport des
« échanges naturels » avec les formateurs. Une place de choix
sera accordée à l'analyse de la gestion de
l'interculturalité des comportements linguistiques ainsi que des
significativités discursives par les principaux acteurs. In
fine, le tissu textuel du travail respectera, dans un souci de
cohérence épistémologique, la terminologie correspondant
à la linguistique-didactique de Bajriæ (2013 :
36).
« ancienne terminologie nouvelle
terminologie
apprenant ; étranger locuteur non confirmé
Français ; locuteur natif locuteur confirmé
langue cible ; langue étrangère langue in
posse
interlangue langue in fieri
langue source, (...) maternelle, (...) de départ langue
in esse »
Si l'on réalise un état des lieux récent
sur le sujet abordé, on se rend compte que le concept d'identité
reste un postulat. On le retrouve dans de nombreux ouvrages de sciences
humaines, influençant autant les politiques publiques que les mutations
sociales. Nous nous référons plus particulièrement :
10 Blanchet P., 2004, « L'approche
interculturelle en didactique du FLE », Licence 3ème
année Didactique du Français Langue Étrangère,
service Universitaire d'Enseignement à Distance, Université
Rennes 2, p.9.
11
- aux identités nationales à l'échelle
continentale. Ainsi, la création d'une organisation interétatique
telle que la Commission Européenne démontre la volonté de
construire une particularité, voire une communauté d'individus
d'Europe,
- aux identités politiques attachées à
certaines idéologies : le système fédéraliste de la
Belgique par exemple,
- aux identités migrantes comme celles venues du
Maghreb, de Turquie ou d'Afrique subsaharienne, majeures au Royaume belge,
- aux identités linguistiques, avec la gestion du
bilinguisme à l'intérieur du même pays.
Ces précisions nous semblent nécessaires puisque
notre recherche sera à l'intersection de ces différentes
définitions. En effet, que ce soit Brousseau, Vinsonneau ou Mucchielli
(2003 : 4), tous s'accordent sur ce point : « ce qui fixe les formes et
détermine le développement, ce sont les conditions sociales
où se trouvent les sujets parlant »11. En ce sens «
les appartenances sociales sous-tendent largement les identités
[...].» (Vinsonneau, 2012: 7). On pourrait donc penser que les actes de
langage facilitent la compréhension du phénomène
identitaire. Or, selon Brousseau, « La langue n'est pas un matériau
essentiel dans la construction identitaire » (ibid.). Pourtant, tel
Ricoeur, nous pensons que le meilleur moyen d'accéder à ces
phénomènes passe par la mise en récit. Les
identités qu'elles soient nationales, politiques, ethniques ou
linguistiques reposent sur des écrits, eux-mêmes issus de
l'observation compréhensive des individus, de leurs actions et
témoignages. De fait, l'étude scientifique, sous les angles
discursifs et anecdotiques, nous paraît la plus appropriée.
Dans cette perspective, notre travail d'étude se divise
en trois parties. La première partie, comme son intitulé
l'indique, présente le cadre des investigations en Belgique. Elle
propose une vision générale des locuteurs migrants ainsi que des
enjeux socioculturels et psycholinguistiques du FLE.
La seconde partie met en exergue la problématique de
recherche ainsi que la démarche de constitution du recueil de
données. Elle brosse également, à partir d'observations
positives, un portrait particulier des informateurs, agents indispensables
à notre enquête.
11 Brousseau A.-M., mars 2011, «
Identités linguistiques, langues identitaires : synthèse »,
Arborescences : revue d'études françaises,
département d'études françaises, n°1,
Université de Toronto, pp. 1-33.
12
La troisième partie invite à une
réflexion linguistique à la fois comme une analyse
interprétative mais aussi comme une proposition de pistes didactiques
afin de mettre en relation notre mémoire avec les considérations
relatives à la recherche en science du langage.
13
PARTIE 1 : ÊTRE LOCUTEUR LANGUE(S) IN POSSE EN
BELGIQUE.
En classe, la maîtresse avait la voix douce, et je
comprenais presque tout. Quand je me trompais, elle disait : « Non, pas
comme ça », et je reprenais en langue du dehors, sans
difficulté. Mais mes condisciples ne faisaient aucun effort,
j'étais larguée. Ils parlaient à toute vitesse, savaient
des tas de chansons, de jeux, de comptines que moi j'entendais pour la
première fois. Je les admirais de connaître tant de choses,
surtout dans la langue de dehors. Les mots, de l'école, de la rue,
servaient à parler aux autres enfants, aux inconnus, à affronter
les difficultés de la vie. Une langue un peu sèche, presque
hostile, comme une arme pour se défendre.
(Alonso I., 2006, L'exil est mon pays, p. 84).
Ce projet de recherche a pour objet d'analyser les processus
cognitifs que les locuteurs migrants, en Belgique, entretiennent avec la langue
française. Préalablement, nous préciserons deux points
élémentaires. Tout d'abord, nous avons adopté la
dénomination de « locuteur » au lieu de celle d' «
apprenant ». Ce choix renvoie de façon cohérente, au
raisonnement du linguiste-didacticien. Il affirme l'idée selon laquelle
l'appropriation d'un idiome requiert une certaine intuition et maestria
linguistique. Nous croyons qu'il existe une forte corrélation entre le
discours des individus et leur intériorisation d'une langue. Les
énoncés, tel que l'extrait ci-dessus, suggèrent des
appartenances linguistiques en quête d'une entente culturelle au sein
d'un nouveau cadre de référence. D'autre part, lorsqu'on parle de
langue in posse, nous faisons allusion à la langue
française de la Communauté12 française de
Belgique. Sur le plan diatopique, cette dernière a évincé
les langues régionales (le wallon, le picard et le lorrain) en devenant
l'idiome fédérateur. La question du français à
Bruxelles est à concevoir dans une situation de bilinguisme,
généralement divergent, puisque la capitale représente un
espace francophone en territoire néerlandophone. Pareillement, en tant
que métropole européenne, Bruxelles relève d'un espace
riche des répertoires plurilingues de ses habitants.
12 « Les Communautés : déterminées
par un critère culturel et linguistique, elles sont également au
nombre de trois (flamande, française et allemande) ». Cité
dans Thibault A., 2013, « Francophonie et variété des
français », séminaire Master 1 et 2, Université de
Paris-Sorbonne, p. 2.
14
Afin de mieux comprendre l'établissement du locuteur en
Français Langue in posse, nous présenterons dans cette
première partie, une vision générale des locuteurs
migrants ainsi que les enjeux socioculturels et politiques de l'appropriation
du français en Belgique.
Chapitre 1 : Situation actuelle des locuteurs migrants
en Belgique
Dans ce premier chapitre, nous aborderons le domaine
conceptuel de la migration. Cette dernière sera utilisée comme
l'un des outils d'analyse de nos entretiens autobiographiques. Il est bon de
rappeler que les processus linguistiques sont autant associés à
l'histoire qu'au phénomène de l'immigration. « Cette
exploration dans l'univers sensible des mondes de la diversité s'impose
aujourd'hui dans un contexte national [...] » (Bencharif, 2006: 63)
attendu que le flou référentiel identitaire est au coeur de notre
problématique.
1.1. Approche historique succincte
Depuis toujours, les individus ont tenté
d'accéder à un manifeste espoir de mieux-être. De la
préhistoire à aujourd'hui, par la primauté qu'ils ont
généralement octroyée à l'existence d'un ailleurs
prospère, les migrants se sont inscrits dans un paradigme nomadique
trans-situationnel. Ces formes de déplacement des pays d'origine au(x)
pays d'accueil dévoilent des réalités différentes
les unes des autres. Les déplacements dans l'espace public belge en
constituent un exemple digne d'intérêt. La genèse des
migrations en Belgique correspondant au « poids de l'histoire »
(Martiniello, Rea, 2012: 7), s'amorce dans l'après-guerre, avec le
recrutement de travailleurs venus de nations étrangères. Ces
derniers ont pour lourde mission de remporter « la bataille du charbon
» 13 au sein des charbonnages. Les conventions
13 La période qui succède
immédiatement à la Deuxième Guerre mondiale exige une
reconstruction intensive ; en découle la
nécessité de renforcer les capacités industrielles et donc
énergétiques. Il s'agit de la «bataille du charbon» :
l'objectif consiste à produire, comme avant 1940, plus de 100.000 tonnes
de charbon par jour. Cité dans :
http://www.blegnymine.be/PDF/La%20Bataille%20du%20Charbon.pdf,
p.20, visité le 16.07.14.
15
bilatérales14 fixées entre 1956 et
1970, avec l'Espagne, le Maroc, la Turquie, la Tunisie et l'Algérie
accélèreront le mécanisme du départ. Concomitamment
une immigration pour nécessités démographiques est
organisée. « La population belge avait tendance à
décroître. Démographes et économistes
préconisent, pour faire face à cette situation,
l'évolution d'une politique d'immigration centrée sur
l'importation de main-d'oeuvre [...] » (ibid. : 15). D'un point de vue
social, cet intérêt s'est concrétisé par des
interventions étatiques variées : aides financières
à la migration familiale (allocations familiales, sécurité
sociale), respect de la liberté religieuse. La fin des années
soixante est marquée par l'émergence de l'Europe. « Une
nouvelle législation organisant l'attribution du permis de travail est
adoptée ; elle vise à mieux contrôler et à
réguler les flux d'entrées d'immigrés au regard des
besoins économiques » (ibid. : 18). Les migrants de Belgique seront
alors catégorisés de la façon suivante : ceux issus de
pays européens et ceux provenant d'états non-membres de l'Union
Européenne. Ces derniers ne bénéficieront donc pas des
droits occidentaux. En cela, « Ce changement juridique implique aussi une
modification de leur identité dans la mesure où [...] »
(ibid. : 20) les populations d'origine européenne sont assimilées
comme européennes et non comme italiennes par exemple. Contrairement aux
habitants des pays tiers15 qui se voient, à double titre,
enracinés dans une désignation de migrant. Aujourd'hui, et
même si la transplantation ethnique est inscrite dans l'espace commun
belge, les nouveaux arrivants ne s'avèrent pas considérés
mais plutôt affectés. Nous notons en effet que, au cours de
l'histoire, les discours médiatiques ou politiques les assignent
d'identités grammaticalement individuelles et
indéterminées : « autres de l'intérieur »,
« immigrés », « personnes d'origine
étrangère » (ibid. : 49). Pourtant selon
Xhardez16 la région de Bruxelles-Capitale a toujours
oeuvré pour une politique d'intégration universaliste. Elle se
concentrerait moins sur le public migrant que sur
14 Une convention bilatérale est un contrat
signé entre deux États et dans lequel sont repris les fruits
d'une négociation sur divers sujets. Les conventions bilatérales
des migrations portent par exemple sur la durée après laquelle un
travailleur peut faire venir son épouse s'il est marié, le nombre
de migrants accepté par an, les modalités de recrutement de la
main d'oeuvre. Cité dans Martiniello et Rea, 2012: 62.
15 Les « pays tiers » regroupent tous les
autres pays du monde qui ne sont pas compris dans l'UE-27.
16 Présentation sur L'accueil des
primo-arrivants à Bruxelles : vers une politique régionale ?,
tenue le vendredi 28 mars 2014 à l'université Saint-Louis de
Bruxelles.
En partenariat avec les Midis de l'IRIB (Institut de
Recherches Interdisciplinaires sur Bruxelles). Animé par le directeur de
thèse de l'université Saint-Louis : Vanderborght Y. Intervenante
: Xhardez C., doctorante en sciences politiques à l'université
Saint-Louis.
16
la lutte contre le racisme et la langue. D'ailleurs le
phénomène le plus notable est incontestablement l'apparition,
dès 1966, des premières associations d'immigrés. Ces
dernières, conformément aux convergences politiques en vigueur,
sont financées pour les activités d'insertion sociale qu'elles
dispensent. Ainsi, les nouveaux arrivants se sentent moins isolés et se
fédèrent autour d'une identité commune. En
général, les associations de migrants reproduisent à
l'identique la structure des établissements de leur communauté.
Pensées comme provisoires, elles travaillent en relation avec le pays
d'origine.
Ce bref examen diachronique nous a permis d'appréhender
la structuration de l'immigration au sein de la zone sociolinguistique de la
capitale belge. Encore davantage, ce premier point exprime aussi la
dualité entre immigration choisie et immigration subie. Les populations
migrantes, sous l'effet des bouleversements modernes, oscillent entre la notion
de terre d'accueil, d'asile ou d'entraide. Mais qui sont-ils, ces locuteurs du
voyage ? En vue d'esquisser le visage multiculturel de la Belgique, il faut
avant toute chose, décrire la taxinomie récente des sujets
parlant17 qui la constituent.
1.2.Une typologie des locuteurs migrants
Au cours des dernières années, le
phénomène de la migration a été
caractérisé par différentes typologies. Ce qui rend compte
de la pluralité des contextes de mobilité. En nous
intéressant à cet aspect, notre objectif est de sortir du cadre
étroit de l'inventaire des migrations en termes d'espace, de milieu ou
de civilisation (Dumont, 1995).
Mais la meilleure typologie est sans doute celle qui, loin
d'être construite artificiellement autour de critères abstraits, a
une valeur explicative utilisable pour le contexte que l'on étudie.
À l'heure de la mondialisation, une typologie distinguant les formes,
les facteurs et les objectifs de la mobilité est peut-être la plus
pertinente (Wihtol de Wenden, 2001: 12).
Aborder le concept de locuteur non confirmé depuis la
perspective migratoire revient à s'interroger sur les agents qui
engendrent cette expérience, les desseins envisagés et la nature
des déplacements. Nous l'avons évoqué, la migration «
c'est une recherche d'équilibre, dans
17 Dans le sens où l'entend Benveniste
c'est-à-dire un sujet qui est conscient de la nature et de la
signification de son activité langagière.
17
un monde où le bien-être, la
sécurité, les ressources, les droits, sont inégalement
répartis » (CIRE, 2012: 4). Grâce aux lectures et aux
investigations de terrain réalisées, nous avons
repéré sept facteurs propices au voyage.
- économique : les migrations liées aux usages
du commerce et du tourisme, à la planification budgétaire
actuelle, aux situations d'indigence des pays tiers ;
- professionnel : les déplacements en vue de l'obtention
d'un emploi vital ou amélioré ; - familial : les liens affectifs
tels que le mariage exogame ou le rapprochement parental ; - de genre : les
mobilités qui sont les corollaires de la condition féminine dans
certains
pays du Maghreb ;
- de sécurité publique : les situations de
conflits ainsi que l'instabilité politique qui touchent plusieurs
nations ;
- de formation / apprentissage : les convictions des migrants
qui organisent leurs projets professionnels et humains à l'horizon d'une
migration de retour ;
- utopique : l'attrait culturel et linguistique qui empaquette
le pays d'accueil comme une référence à « la
volonté nue de l'homme » (Lacroix, 1994: 105).
En pratique, on constate que les multiples causes du
départ s'entrecroisent, avec une tendance à la superposition des
raisons qui conduit à ce choix. Vis-à-vis de cette étape
de vie, il y a à la fois une idéalisation incontestable et une
angoisse de la nouvelle société nourricière. Alors vers
quoi tendent les nouveaux nomades18 ? Telle est la question que pose
la récurrence des mouvements de populations.
Dans le rapport à autrui et pour l'estime de soi, pour
s'expatrier, il faut émettre des objectifs valables, ou à
défaut, être confiant en ses projets. Voilà donc un
élément qui pèse dans la balance : celui du projet en tant
qu'être social qui facilitera, ultérieurement, l'« être
» en langue in posse.
Si l'on reprend la logique précédente, nous
relevons sept intentions de mobilité :
- aspirer à une vie économiquement décente
;
- acquérir des compétences professionnelles,
obtenir un ou plusieurs emplois ;
18 Dans la mesure où un groupe humain ne se
déplace plus au rythme des saisons, de façon permanente et
organisée, mais selon les aléas des conjonctures modernes.
18
- retrouver l'unité avec ses proches au travers du
regroupement familial ;
- s'émanciper en tant que femme, en termes
d'indépendances sociale et affective ;
- vivre sans la peur du régime politique en vigueur ;
- se préparer en terre d'accueil pour un retour triomphant
chez soi ;
- échapper à son identité et se
réinventer dans un espace physique où tout reste encore
possible.
« Immigrer vers quoi ? » apparaît comme une
expression chargée d'émotions, de déterminations, de
croyances et d'espoirs. Elle s'inscrit dans un tissu de représentations
liées au vécu collectif et individuel. Néanmoins, la
décision de partir s'effectue envers cette réalité, au
motif qu'il n'y a plus d'autres options envisageables et cela se
décèle dans les diverses natures de migrations
rencontrées.
L'exode international va de pair avec les
évènements économiques, politiques, démographiques
et sociaux. Est-ce la structure des déplacements qui permet au locuteur
de s'intégrer ou est-ce que ce sont les intérêts du pays
amphitryon qui engendrent les troubles identitaires des nouveaux arrivants ? On
ne saurait le dire. Cependant il est certain que le mouvement des peuples ne
s'exprime pas de façon unilatérale en Belgique. En liaison avec
les besoins de main d'oeuvre, une migration comprenant surtout des travailleurs
s'est développée. Se déplaçant tout d'abord
isolément, les immigrés, après avoir stabilisé leur
situation, ont permis la venue en terre d'accueil de leur femme et de leurs
enfants. On parle alors de regroupement familial, la démarche la plus
notable en matière d'accès au Royaume. De nos jours, ce sont
majoritairement les Guinéens, les Camerounais et les Ougandais qui
sollicitent cette procédure. À présent, la loi s'est
durcie et de nouvelles conditions d'ordre économique et familial sont
entrées en vigueur19. Un autre aspect de la mobilité
se rapporte à la dualité voyage choisi/voyage subi. L'asile
politique est le second recours pour peu que l'on réponde aux
critères liés à cette situation particulière
c'est-à-dire craindre pour sa vie et celle de ses proches dans son pays
natal. Ainsi, en 2013, les demandeurs Russes étaient, en
général, déboutés du droit d'asile alors que les
Afghans, les Guinéens, les Congolais et les Syriens
19 International Organization for Migration (IOM)
Country Office for Belgium and Luxembourg, 2012: 14.
19
bénéficiaient du statut20. Quant au
visa de courte durée (de trois mois) dit « touristique », il
reste difficile à acquérir si l'on vient d'un pays de
l'hémisphère Sud. Enfin, la forte migration illicite actuelle
concerne des personnes qui ne possèdent pas de document de séjour
en règle (« les sans-papiers ») ainsi que des individus qui ne
remplissent pas les conditions nécessaires pour accéder au
territoire (« les irréguliers »). Les principaux citoyens
touchés sont ceux en provenance des continents d'Afrique subsaharienne,
d'Europe de l'est et d'Asie de l'ouest (Vause, 2014: 154).
Du reste, certains entretiens à réaliser pour
notre travail de recherche impliquaient des sujets parlant aux origines et
répertoires langagiers divers. Arrivés d'Algérie, du Liban
ou de Slovaquie, en situation irrégulière, ils furent
expulsés en novembre 2013 vers des hébergements d'urgence ou vers
l'Office des Étrangers21. En effet, ils occupaient, avec
quelques deux cents personnes, un ancien couvent du quartier Saint-Josse. Ces
locuteurs « illicites » s'étaient inscrits dès
septembre, à l'association Avenir, avec le projet d'apprendre le
français.
Certes, le nombre de ressortissants étrangers n'a de
cesse de croître en Belgique mais force est de constater qu'il
s'accélère fermement à Bruxelles.
1.3. Le cas de la région Bruxelles-Capitale
La typologie explicative qui va être exposée
dresse le décor de notre milieu d'investigation. Elle est
destinée à ancrer les profils des locuteurs de la région
Bruxelles-Capitale, en les
20 Source électronique : page officielle du
« Commissariat Général aux Réfugiés et aux
Apatrides » :
http://www.cgra.be/fr/Actualites/bilan_des_statistiques_d_asile_2013.jsp,
visitée le 10.07.14.
21 L'Office des Étrangers est chargé
de la gestion de la population immigrée en Belgique. Il travaille en
étroite collaboration avec d'autres instances, telles que les ambassades
et consulats, les administrations communales, les services
fédéraux de police, l'inspection sociale, etc.
20
situant par rapport aux vecteurs, buts et aspects des
mouvements migratoires. Auparavant, il faut rappeler que le voyage est par
définition une épreuve initiatique même si parfois il ne
procure pas toutes les joies escomptées. En effet, l'itinérant
doit apprendre de l'autre, qu'il y soit préparé ou non.
Derrière le migrant qui s'éveille aux nouvelles terres, il y a la
famille mais aussi les autochtones. Ainsi, l'individu novice devient
l'émissaire de lui-même, de ses proches ainsi que de son
héritage culturel. Une situation complexe qui se joue au coeur de la
capitale européenne.
De prime abord, il faut constater que par son statut de
métropole cosmopolite, Bruxelles est le passage obligé de
l'immigration internationale dans le pays. Des études quantitatives
récentes (Hermia, mars 2014) démontrent que la concentration de
nouveaux arrivants est plus marquée dans cette Région du Royaume.
Selon Lucchini (2006 : 117-118), on dénombre trente-six
communautés migrantes dont le numéro de langues reste
indéterminé car l'évaluation linguistique est illicite en
Belgique depuis 196222. La ville telle que nous la connaissons
aujourd'hui est le résultat de toute une série de flux
migratoires historiques. La population de Bruxelles constitue dès lors
un paysage culturel et linguistique très hétéroclite. Elle
accueille, par ordre décroissant, des Français, des Marocains,
des Italiens, des Roumains et des Polonais. Au vu des analyses des trajectoires
et dynamiques migratoires, on se rend compte que la mobilité la plus
importante, en matière d'initiatives, demeure celle du peuple marocain
(Frennet-De-Keyser, 2004 : 329-354). Contrairement à ses voisins
européens, l'État Fédéral belge n'a jamais eu de
colonies au Maghreb. C'est par le biais des conventions bilatérales de
1964, corollaires aux besoins ouvriers, que se tissent des liens abscons entre
les deux pays. Pour ce faire, une brochure « Vivre et travailler en
Belgique »23, promettant une vie meilleure, est alors
répandue en Afrique du Nord. Graduellement, à partir des
années quatre-vingts, l'abandon du projet de retour vers le pays
d'origine a entraîné d'importantes modifications sociales. En
réalité, l'installation irréversible en terres belges
s'est accompagnée du désir d'une qualité de vie
supérieure. Les Marocains aspirent à une sécurité
financière, urbanistique
22 Le dénombrement des langues maternelles
est interdit dans un souci de prévention des antagonismes linguistiques.
De la même manière, la typologie des communautés
linguistiques est bannie depuis 1947. Cf. Boudreau, Dubois, Maurais, Mc Connel
(2002 : 275).
23 Brochure « Bienvenue en Belgique », 1964,
Ministère de l'Emploi et du Travail, Bruxelles.
21
et relationnelle. Nonobstant, l'absence de politique publique
d'hospitalité envers les récents arrivants était
flagrante. Ce sont donc les syndicats ainsi que les associations qui
reprendront le rôle de l'État. De nombreuses initiatives voient le
jour et celle qui retiendra, dans le cadre de ce travail universitaire, toute
notre attention, est portée par un immigré marocain : Mohamed El
Baroudi.
Se décrivant tel un « exilé politique
», El Baroudi est un intellectuel maghrébin venu en Belgique
dès 1966. Très rapidement, il se sent le devoir de venir en aide
à ses compatriotes fraîchement débarqués en «
gare de l'espoir »24. Ces nouveaux voyageurs viennent en
général des campagnes ou des montagnes du Maroc. Là
où l'on vit aux rites musulmans, bercés par les arabes
littéraire et dialectal. Autant dire que leurs connaissances de la
citoyenneté belge et de la langue française étaient
inexistantes. Dans ce contexte, El Baroudi se livre à l'organisation des
travailleurs migrants au travers de structures syndicales. En outre, il
s'investira dans la création d'Écoles De Devoirs
(EDD)25 et d'alphabétisation « Lire et Écrire
»26. Parallèlement, il fondera, à la fin des
années soixante-dix, les Écoles de quartier l'Avenir
27 à Saint-Gilles, Schaerbeek, Molenbeek et
Saint-Josse.28 Encore une fois, El Baroudi croyait que les
Associations Sans But Lucratif (ASBL) seraient temporaires : la migration de
retour vit dans tous les esprits.
Tout travail de recherche exige l'explicitation, d'un point de
vue définitoire, de sa théorie contextuelle. C'est pourquoi, une
présentation historique des migrations en territoire belge a
été proposée afin de mieux appréhender le parcours
de vie des locuteurs. Et également,
24 La « gare de l'espoir » correspond
à la gare de Bruxelles-midi. Située sur la commune de
Saint-Gilles, c'est là qu'arrivait la plupart des immigrés.
L'expression entre guillemets est extraite d'un témoignage de migrant
marocain que nous évoquerons ultérieurement (cf. entretien
individuel 3).
25 Les EDD sont nées en Wallonie et à
Bruxelles dès 1973 suite à une expérience menée en
Italie. Elles ont pour missions d'aider les élèves
(généralement d'origine étrangère) dans leur
parcours scolaire mais aussi citoyen, afin de réduire les
inégalités sociales.
26 Spécificité belge en termes
d'apprentissage du français, l'association a été
créée en 1983 à Bruxelles. Unie avec le mouvement ouvrier,
elle prône l'égalité des chances au travers de
l'alphabétisation.
27 Avec le concours de l'Union Nationale des
Étudiants du Maroc (UNEM) et du Regroupement Démocratique
Marocain (RDM). Source : Khoojinian M., 2014, « Des Écoles de
l'Avenir au Centre Interculturel de Formation par l'Action (CIFA), un soutien
scolaire citoyen et participatif », Les Cahiers du Fil Rouge -
L'immigration marocaine, 50 ans d'histoire associative à Bruxelles,
n°20, Bruxelles, ASBL Collectif Formation Sociale, p.75.
28 Quartiers stratégiques où
étaient installés les travailleurs immigrés à leur
arrivée. En effet, ils se situent au carrefour du canal de Charleroi, de
la voie de chemin de fer et des industries.
22
d'observer que « la grande histoire est reliée
à la petite histoire »29. Par la suite, nous avons
privilégié une typologie illustrative des mouvements migratoires,
inspirée par C. Wihtol de Wenden pour son caractère contemporain
percevable par notre expérience. Enfin, nous avons ciblé la
Région de Bruxelles-Capitale en matière de mobilité pour
démontrer en quoi elle constituait le point d'ancrage de notre
étude.
Chapitre 2 : L'appropriation du Français Langue
in posse : enjeux socioculturels et psycholinguistiques30
Aussi vrai que nous ne choisissons pas nos langues in esse
et (souvent) in posse, il nous est malgré tout possible
(en tant qu'individu rationnel) de nous responsabiliser et « de prendre en
main » notre « destin linguistique » (Caron, 2005). Cela suppose
d'accepter que se modifie notre rapport au monde et à nous-mêmes.
La langue, en tant qu' « espace d'appropriation symbolique »
(Hagège, 1985: 386), implique aussi des bouleversements qui rendent
compte de l'intériorisation d'un nouvel idiome. Par conséquent,
dans ce deuxième chapitre, c'est l'approche interdisciplinaire des
langues qui sera favorisée.
29 Thématique de la formation «
Travailler l'histoire et la mémoire de l'immigration »
organisée les 24, 29 avril et 6 mai 2014, par l'ASBL Collectif Formation
Société (CFS) de Bruxelles. L'association organise des formations
continuées à l'intention des travailleurs du secteur associatif
bruxellois dans le cadre des décrets Cohésion sociale et
Éducation permanente.
30 Le terme fait référence à la
psycholinguistique cognitive issue de la théorie
générativiste de Chomsky.
23
2.1. Les complexités de compréhension de
la langue française et les répertoires langagiers
La langue française est généralement dite
« difficile » parce que « incompréhensible »
phonologiquement et scripturalement. Ce qui frappe l'énonceur non
spécialiste quand il tente de la comprendre ou de la lire, c'est son
herméticité. Cela va de soi, car l'appropriation d'une nouvelle
langue impose une certaine gestion mentale. Or, peut-être qu'à
examen langagier égal, la langue in posse s'avère moins
ou autant complexe que celle in esse. Cette évaluation
hésitante résulte de l'emploi référentiel, par
l'énonciateur expert, de l'instantanéité de l'idiome. En
effet, plus on comprend une langue, plus elle apporte du sens à notre
être et plus, on sait la vivre. De plus, à l'oral, le locuteur
français in esse recourt à des discours moins
spécialisés qu'à l'écrit. Cela signifiant, qu'en
général, il utilise peu de longues phrases subordonnées.
Par ailleurs, la méconnaissance du système phonétique de
quelque langue suscite bien des vicissitudes et détresse linguistique.
Par exemple, si l'on reprend la citation d'Alonso, préambule à
notre première partie, le code langagier est éventuellement
perçu comme virulent. En somme, la complexité, entendue dans le
sens extraordinaire ou curieux, n'est pas une particularité qui
caractérise tout idiome in posse. Le tiraillement cognitif
réside plus dans les interdépendances que le nouvel arrivant
entretient avec les langues qui constituent son répertoire langagier que
dans la structure de l'idiome à acquérir. Entre les deux, nous
supposons que l'on ait affaire à une linguistique en gestation. Qui sont
alors les locuteurs en langue in fieri ?
En premier lieu, il convient de fournir quelques
précisions quant au syntagme clé de notre recherche, celui de
« locuteur ». Son éclaircissement nous facilitera grandement
la tâche lors de l'examen des développements oratoires. Selon
Soutet (2011 : 146), il définit l'individu qui produit un discours. Le
linguiste le rapproche du terme d' « énonciateur » en ce sens
où la personne garantit la littéralité de ses propos. Pour
Salcedo, le locuteur se définit conformément à sa «
langue initiale », à son système maternel de
lecture/écriture ainsi qu'à l'idiome utilisé lors des
échanges. Ailleurs, Courthiade ajoute qu'un locuteur pour exister,
24
doit être rattaché à un
territoire31. Le concept relève donc d'une question de
liaisons linguistiquement construites à l'écologie humaine. A
priori pas seulement, puisque Bajriæ (2013: 313)
l'identifie à l'aide de caractéristiques cognitives telles que
« le sentiment linguistique » ou « la maîtrise de la
langue ». Les trois chercheurs mettent ainsi en exergue le fait que le
système locutoire repose sur un code linguistique certes, mais aussi
culturel et langagier. Le locuteur suit, de ce fait, des règles
renvoyant à des fonctions de communication et de socialisation.
Pourtant, sa portée langagière n'a pas de limites naturelles (on
peut dire des idiomes potentiels autant qu'on le souhaite) et s'apprécie
par l'indice linguistique. Seul le comportement de l'énonciateur permet
de déterminer quand et jusqu'où il y a appropriation d'une
langue. Un signe de cette manifestation se retrouve dans l'utilisation correcte
et réfléchie du répertoire langagier. De fait, parler
plusieurs idiomes et variétés de langue constitue le «
répertoire verbal » d'un locuteur si l'on se réfère
à une communauté linguistique (Fishman, 1971:17). Dabène
préfère le terme de « répertoire communicatif »
attendu qu'elle adjoint au « répertoire verbal », les
paramètres non verbaux de la communication (1994: 153). Les langues qui
composent le répertoire langagier sont nommées, en
sociolinguistique, langue maternelle, langue seconde et langue
étrangère.
Nous ne participerons pas au débat qui entoure la
dénomination de ces locutions nominales. Nous effectuerons plutôt
un nouveau cadrage sous l'angle du champ qui nous intéresse, celui de la
linguistique-didactique. Bajriæ met en avant
l'importance de parler comme « être, au sens le plus philosophique
du terme ». Lorsque nous possédons un « degré
très élevé de sentiment linguistique », nous
possédons une réalité (2013: 61). En cela, la langue
maternelle ou langue in esse résulte de la nature même de
l'Être32 et non pas d'une action externe, tel que
l'enseignement par exemple. L'homme ayant le souci de « l'étant
», soit de son existence, c'est au travers des mots qu'il se
révèle au monde (Heidegger, 1927). Un macrocosme ontologique qui
nous invite à reprendre la théorie d'Aristote selon laquelle
« les sons émis par la voix sont les symboles des états de
l'âme » (Auroux, Deschamps, Kouloughli, 2004: 83).
31 Extraits du Colloque International sur les
« Gestions des minorités linguistiques dans l'Europe du XXI°
siècle », organisé par le laboratoire DIPRALANG, à
l'université Paul Valéry de Montpellier, les 10 et 11 janvier
2013.
32 Nous utilisons expressément la majuscule
pour souligner le sens philosophique du nom.
25
Au-delà de la relation idéologique dont nous la
revêtons, la langue in esse détient une
tangibilité organique qui se traduit par les figures symboliques de la
terre et de la mère. Cordon ombilical, tel un glottonyme du
répertoire langagier, l'idiome initial procure un sentiment
d'appartenance ainsi que d'auto-protection qui la rend légitime
(Puolato, 2013)33. Exemplairement, pour la communauté Rom,
« Celui qui a honte de la langue, a honte de sa mère »
(Karamagiola, 2013).34
Dans son ouvrage, Cuq exclut la langue française du
concept de langue seconde vu que la finalité du locuteur migrant, en
France, réside dans un monolinguisme comportemental et linguistique
(1991: 140) c'est-à-dire un individu capable de parler une langue et
d'utiliser un système de rationalisation35. Toutefois, si
l'on situe cette notion en Belgique, c'est-à-dire, en contexte
francophone36, d'autres paramètres d'ordre relationnel et
social sont à retenir. En soi, la langue seconde s'établit comme
un idiome « à valeur ajoutée » (Cuq, 1991: 133)
puisqu'elle favorise l'intégration professionnelle et humaine en pays
d'accueil. C'est pourquoi, en linguistique-didactique, on la qualifie d'in
posse. Cela signifiant une langue dans laquelle on ne peut ni s'exprimer
de manière phonologique ni « être » mais qui sera
susceptible de s'inscrire au sein du répertoire langagier. Les
énonciateurs francophones ont donc l'opportunité de jouir d'une
attitude psycholinguistique plurielle étant donné que la langue
française est composante du plurilinguisme belge.
Ce faisant, pour Dabène, l'idiome étranger se
définit comme « un objet potentiel d'apprentissage » (1994:
29). Par conséquent, elle rejoint la théorie de
Bajriæ selon laquelle la langue in posse, tel
un élément brut, peut être éventuellement,
identifiable phonologiquement
33 Extraits du Colloque International sur les
« Gestions des minorités linguistiques dans l'Europe du XXI°
siècle », organisé par le laboratoire DIPRALANG, à
l'université Paul Valéry de Montpellier, les 10 et 11 janvier
2013.
34Ibid.
35 En France métropolitaine,
l'idéologie monolingue reste dominante et pourtant, on dénombre
dans le pays plus de quatre cent langues in esse (Source :
enquête famille de l'INSEE). En Guyane, par exemple, département
d'outre-mer français, prime la philosophie de la mosaïque des
langues. De fait, une langue officielle unique n'induit pas l'existence d'un
seul idiome in esse, ni même sa popularité.
36« Se dit d'un pays où le français est
langue officielle, seule ou parmi d'autres, ou bien où il est l'une des
langues
parlées ». Source électronique : page
officielle de l'encyclopédie « Larousse » :
http://www.larousse.fr/dictionnaires/francais/francophone/35064?q=francophone#35034
26
par un individu. Sous-entendu que l'intuition linguistique et
comportementale est méconnue et qu'elle sera donc comprise par le biais
d'activités cognitives.
Finalement, n'est-ce pas rendre les locuteurs non
confirmés responsables de leur trajectoire linguistique que de leur
faire établir leur propre répertoire langagier ? D'une biographie
ordonnée, où chaque idiome s'exprime par un rang (langue
première, langue seconde), nous accédons à une composition
de ressources naturelles (soit innées : la ou les langue(s) in
esse) et idéales (telle l'appropriation parfaite de la langue
in posse : la langue in fieri). De ce fait, pour vivre un
état puis l'autre, l'énonciateur consent à dépasser
son « Être » sensible pour aller au-delà des
achoppements psychologiques.
D'ordinaire, les chocs initiaux face à une nouvelle
langue se rapportent à ses origines. Le français, par exemple,
est un idiome qui appartient à l'ensemble des langues
indo-européennes telles que l'albanais, le néerlandais ou
l'espagnol. Plus précisément, elle est une langue italique qui se
rattache aux langues d'oïl37, tels que le picard et le wallon.
Les idiomes indo-européens présentent des
spécificités structurelles et stylistiques comme la
déclinaison à six cas, deux formes du verbe communes, passives et
actives ou encore des analogies étymologiques. D'autres familles
linguistiques comme la chamito-sémitique 38 , d'où
proviennent les langues berbères39, possèdent un
système différent. On y dénombre vingt-sept
phonèmes consonantiques et seulement trois timbres vocaliques : a, i, u.
Son système verbal repose sur la notion immanente du temps et non sur sa
manifestation. La valeur chronologique y est secondaire (Cohen, 1968: 1307).
Mais voyons au-delà de la seule conception biologique.
37 « Ensemble des dialectes romans parlés dans la
moitié nord de la France. Le phénomène majeur propre
à cet ensemble linguistique (francien) est que, sur la base des parlers
de la région parisienne située au centre de la zone d'oïl,
s'est élaboré le français ». Source
électronique : Page officielle de l'encyclopédie « Larousse
» :
http://www.larousse.fr/encyclopedie/divers/langue_do%C3%AFl/74630
38 Dénommées également
afro-asiatiques ou afrasiennes, les langues dites «
chamito-sémitiques » n'ont pas été établies
par la linguistique historique tels que les idiomes indo-européens.
Source : Colloque International sur les « Gestions des minorités
linguistiques dans l'Europe du XXI° siècle », organisé
par le laboratoire DIPRALANG, à l'université Paul Valéry
de Montpellier, les 10 et 11 janvier 2013.
39 Langues arabes du Maroc fragmentées en
une trentaine de variétés. Les idiomes berbères sont
reconnus comme seconde langue officielle du pays. Source électronique :
page officielle de « l'Ethnologue » :
http://www.ethnologue.com/country/MA/status
, visitée le 23.07.14.
27
D'un point de vue descriptif, et pour reprendre la
classification typologique de Bajriæ40, la
langue française est, dans son ensemble, tels l'anglais ou le chinois,
une langue analytique. C'est-à-dire qu'à l'aide de
différents mots (prépositions, pronoms, auxiliaires), elle
organise les relations grammaticales. L'analyse des procédés de
construction mentale sont donc indispensables. En revanche, une langue
agglutinante reste difficilement analysable. Comme le turc, les vocables se
conglutinent (ainsi dans un même mot peuvent se combiner le pronom et le
verbe) générant des structures phrastiques complexes (Saussure,
1960: 242).
A la pluralité des idiomes correspond une
variété de communautés linguistiques. Depuis que la langue
est devenue un moyen politique et idéologique de construction
identitaire, on est passé du spirituel au fait. Soit de l'étude
des processus mentaux à l'étude du langage. En Belgique,
État fédéral, trois langues officielles cohabitent :
l'allemand, le français et le néerlandais. Par opposition
à la France, les Belges se reconnaissent dans la richesse
véhiculaire de leur pays. Le concept d'union nationale reste quelque peu
éloigné de la pensée des autochtones ce qui illustre
l'hétérogénéité de groupes de langues au
coeur d'un même État, si petit soit-il.
Que penser alors de la mosaïque des langues qui
caractérisent le Maroc ? Le Royaume, comme d'autres pays ayant
enduré le protectorat français, connaît une politique
linguistique différentialiste. Constitutive des situations plurilingues,
le territoire demeure en mal identitaire sous le joug d'une langue
unificatrice, l'arabe classique, qui contraste avec la reconnaissance
récente par la Constitution, des langues berbères
(2011)41.
La pluralité originelle, taxinomique et
sociétale des idiomes met en évidence la richesse des rencontres
d'ordre langagier et comportemental qui se profilent dans la langue in
fieri. Cependant, ce chemin n'est pas sans obstacle, en ce sens où
il s'avère abondant en dispositions conscientisées. En effet,
comment sinon le locuteur non confirmé pourrait-il s'approprier une
langue in posse (si) éloignée de celle in esse
? Comment maintenir au mieux l'équilibre du maillage cognitif entre
deux idiomes porteurs d'histoire, d'hérédité et de
40 Bajriæ S., 2012, «
Plurilinguisme », Master 2 Recherche Didactique du Français,
C.F.O.A.D. « La Passerelle », Université de Bourgogne,
16D593/3, p.66.
41 Source électronique : page officielle
« Le Figaro » :
http://www.lefigaro.fr/international/2011/06/30/01003-20110630ARTFIG00748-l-identite-berbere-enfin-pleinement-reconnue.php
, visitée le 23.07.14.
28
cultures particulières ? L'approche de la langue
française et de quelques migrantes, sous forme d'analyse, met en relief
les représentations linguistiques qui sous-tendent la
compréhension de tout nouvel idiome. Ces dernières sembleraient
également traverser le répertoire langagier du locuteur.
Difficile alors de ne pas glisser vers un « échiquier linguistique
» (Benzakour, 2012)42, source de véritables perceptions
paradoxales.
2.2. Les traits d'union entre l'Être et l'Esprit
ou les représentations
Qu'est-ce qu'une représentation ? Au fil de nos
lectures, nous avons remarqué qu'une terminologie étoffée,
polymorphe, voir philosophique est souvent assimilée à son
acception. Constituant un domaine important de la réflexion en
linguistique-didactique, il nous semble au préalable pertinent, de
colliger le concept de représentation à la discipline des
sciences du langage.
Les sciences du langage ont évolué au cours des
siècles, passant de l'étude du « langage naturel »
à « la nature et le rôle du locuteur dans l'expression
linguistique » (Auroux, Deschamps, Kouloughli, 2004: 237). Issue des
raisonnements de l'Antiquité, la discipline recherche à
décrire et comprendre la production du langage ainsi que la transition
d'un idiome à l'autre. On s'intéresse dès lors à la
référence triadique du signe linguistique, initiatrice de la
tripartition sémiotique (syntaxe/sémantique/pragmatique). Ce
théorème, plus souple que celui dichotomique de Saussure
43 , suppose un phénomène de commutation. Ladite
triadique aristotélicienne met en contraste la parole et
l'écriture (Signe) face aux concepts universaux de l'intellect et de
l'image (Concept) (Rastier, 2008)44. Rappelons le modèle
42 Benzakour F., novembre 2012, « Le
français au Maroc. De la blessure identitaire à la langue du
multiple et de la copropriation », Repères-Dorif, autour du
français : langues, cultures et plurilinguisme,
http://www.dorif.it/ezine/ezine_articles.php?id=47
, visitée le 23.07.14.
43 Saussure privilégie une
schématisation dyadique linguistique qui distingue un « signifiant
» et un « signifié ». Le concept saussurien
synchronie-diachronie a largement participé aux théories
contemporaines du mouvement en linguistique.
44 Rastier F., 2008, «La triade
sémiotique, le trivium et la sémantique linguistique»,
Actes Sémiotiques,
http://epublications.unilim.fr/revues/as/1640,
visité le 24.07.2014.
29
Concept
Signe Chose
(Signifiant) (Référent)
FIGURE 1 : LA TRIADIQUE DU SIGNE LINGUISTIQUE SELON
ARISTOTE.
Au XIXème siècle, la triade sera
réutilisée par le logicien Peirce qui y apportera quelques
modifications (Rastier, 2008) :
Interprétant
Representamen Objet
FIGURE 2 : LA TRIADIQUE DU SIGNE LINGUISTIQUE SELON
PEIRCE.
Confirmant l'aspect transcendantal du langage, Peirce propose
une théorie sémiotique dont la construction intellectuelle en
base trois nous interpelle. Au cours de ses réflexions, Peirce a donc
considéré le signe linguistique comme un élément
« qui prend appui sur les trois catégories du sentiment, de
l'existence et de la médiation » (Bourdin, 2005)45
explicitant, en conséquence, l'entendement de l'individu dans son
rapport au monde. En d'autres termes, Peirce schématise la
tri-unité du langage et des langues qui résulte de la jonction de
1 et de 2, produit dans ce cas de l'association du Representamen et de l'Objet,
où l'Interprétant, tel un
45 Bourdin D., 2005, « Logique,
sémiotique, pragmatisme et métaphysique »,
Cairn.info,
www.cairn.info/revue-francaise-de-psychanalyse-2005-3-page-733.htm,
visité le 25.07.14.
30
trait d'union, fournit au locuteur une représentation du
milieu environnant. Une
phénoménologie originale qui prétend
recouvrir l'ensemble des facultés psychiques de l'homme. Nous
réactualiserons donc le polygone comme suit (Everaert-Desmedt, 2011).
Tiercéité (médiation)
Priméité Secondéité
(sentiment) (existence)
FIGURE 3 : ÉVOLUTION DE LA TRIADIQUE DU SIGNE
LINGUISTIQUE SELON PEIRCE.
Cette théorie de Peirce paraît
intéressante à éliciter ici, dans le sens où elle
fait ressortir le concept de représentation comme un signe cognitif
interne. De fait, le signe linguistique afin d'être
appréhendé par le locuteur détermine « un
interprétant, qui est un Representamen à son tour et renvoie, par
l'intermédiaire d'un autre Interprétant, au même objet que
le premier Representamen [...] » (ibid.). Un processus imparfait où
de nouveaux « Interprétants » et « Representamen »
servent d'intermédiaire entre l' « Interprétant » et l'
« Objet ». Nous le transposerions en linguistique-didactique en
termes de « méta-représentation »
(Bajriæ, 2007: 22). Cependant, et pour revenir à
l'intérêt intellectif des sciences du langage, précisons
que le nombre d'entremises reste influencé par la subjectivité du
locuteur confirmé. Car c'est lui qui réinterprète et
reconstruit l'idée de l'Objet qui concomitamment entraîne sa
propre ré-interprétation et re-construction ontologique. Comme le
résument Auroux, Deschamps et Kouloughli dans leur thèse sur
Heidegger, en tant qu'usager du langage et des idiomes, le sujet parlant est
dans une « situation existentiale » (2004: 240). En cela,
les représentations du signe linguistique sont constitutives de la
structure ontologique de l'existence. Elles s'inscrivent dans
l'historialité du Dasein, de l'« être-là
» (Gelven, 1987: 224). C'est pourquoi,
31
reflet de notre méthodologie de recherche, le point de
vue définitoire des représentations se situe dans « une
logique de l'identité46 (très ancrée sur la
philosophie analytique du langage) et non une logique du signe » (Bourdin,
2005)47.
Pourquoi la linguistique-didactique qui se donne d'abord,
comme sujet de réflexion, la relation entre le langage et la
compréhension des langues porte-t-elle aussi de l'intérêt
aux représentations ? Tout d'abord, parce que d'après Castellotti
(2001: 23), les imaginaires instaurent « un élément
essentiel et structurant du processus d'appropriation langagière [...]
». Les particularités langagières et cognitives que doit
affronter le locuteur non confirmé interfèrent avec son soi
intime. L'accès à la nouvelle langue se réalise par
l'intériorisation de ces phénomènes subjectifs internes.
Par conséquent, « à la jonction du subjectif [...] et du
social [...] » (Maurer, 2013: 25), les représentations «
endoctrinent »48 les attitudes ainsi que les discours. Amont
des perceptions naïves de l'individu et du groupe, les imaginaires sociaux
favorisent le maintien fonctionnel du système cognitif lors de
l'interlocution en langue in fieri. Conception intellectuelle de
l'Être et du monde49, la représentation engage dans son
entièreté le locuteur, permettant à notre recherche
d'atteindre et discerner l'équilibre mis en jeu dans la construction
identitaire. D'ailleurs, le fait que le groupe d'énonciateurs migrants,
sur lequel porte nos travaux existe, pour des motifs d'appropriation du
français, confère à l'idiome une position symbolique
exclusive50.
En insistant sur la notion de représentation
linguistique et sociale, il nous semble que le processus psychique
d'établissement en idiome in posse n'est pas simplement
l'interprétation de deux univers sinon la perspective d'une
création de soi. L'imaginaire est porteur d'une influence dialectique
interne/externe du Dasein qui s'inscrit dans le cadre de la
linguistique-didactique.
46 Cf. Ricoeur (1990).
47 Bourdin D., 2005, « Logique,
sémiotique, pragmatisme et métaphysique »,
Cairn.info,
www.cairn.info/revue-francaise-de-psychanalyse-2005-3-page-733.htm,
visité le 25.07.14.
48 La « représentation » sociale
chez Moscovici est au demeurant qualifiée de « doctrine ». Cf.
Maurer (2013: 38).
49 Les représentations ne garantissent pas
des manières d'agir. En effet, « les locuteurs ne parlent pas
toujours comme ils disent qu'ils parlent », Morsly D., 2011, «
Sociolinguistique pour l'enseignement des langues », Master 1 Didactique
des Langues Français Langue Étrangère (FLE),
Université d'Angers, p.3.
50 Thèse de Moliner, Rateau, Cohen-Scali
reprise par Maurer (2013: 101).
32
2.3. Réflexion terminologique autour de la
linguistique-didactique
Voilà comment Soutet introduit la
linguistique-didactique dans la préface de l'ouvrage de
Bajriæ : [...] « ni une linguistique avec un
appendice didactique, ni une didactique des langues avec quelques miettes de
linguistique », (2013: 8). Cette discipline n'est effectivement pas une
juxtaposition de théories morcelées. En réalité,
elle fait figure de médiation entre les sciences humaines et
cognitives.
Tout d'abord, de par ses considérations lexicales
vis-à-vis de la pluralité des langues. Nous retenons la nouvelle
terminologie, présentée en introduction, qui attribue une
certaine équité autant aux sujets parlant qu'aux idiomes. De ce
fait, le locuteur est défini tel « tout individu », la langue,
quant à elle, comme « naturelle »
(Bajriæ, 2013: 313). Les verbes d'action en
corrélation avec la didactique des langues ne caractérisent plus
l'énonceur. Sont apparues plus précisément, des ressources
ontologiques qui engagent l'implication linguistique du locuteur : «
sentiment linguistique », « maîtrise de la langue »
(ibid.) reprenant de ce fait, les bases de la sociolinguistique interne. Par
ailleurs, les langues sont considérées en tant que substances
vivantes puisqu'elles sont marquées par l' « être »
(in esse), le « devenir » (in fieri) et le «
pouvoir » (in posse). La portée de cette modification, en
termes de pensée, résulte de la conception psychomécanique
de Guillaume qui établit la théorie du mouvement des langues. Les
trois idiomes synchronisent alors avec la mouvance des images mentales du
locuteur, qui en parlant, les saisit (Boone, Joly, 2004: 99-101). C'est
pourquoi, l'énonciateur se décline sous la trichotomie suivante :
locuteur confirmé, non confirmé et naïf
(Bajriæ, 2013: 313-314). En outre, ce dispositif interne
appartient à la linguistique humboldtienne car le langage est
assimilable à une impulsion génératrice
(Chabrolle-Cerretini, 2007: 83), antinomique donc avec une vision
mécaniste de l'univers. Et partant, empreinte d'une théorie
saussurienne cinétique (Boone, Joly, 2004 : 99-101) la
linguistique-didactique s'enquiert sur la dynamique entre le langage et
l'installation dans un nouvel idiome. Pour comprendre cette énergie, une
des notions centrales de la discipline sont les schèmes
psycholinguistiques que met en place un individu dans sa vie de locuteur et qui
favorise, ou non, sa « création ». Dans l'appropriation d'une
langue, le comportement langagier ainsi que l'intellection expriment les
33
changements mentaux qui y sont catalysés, nous
orientant, en tant qu'apprentie-chercheure, vers la causalisation. Attendu que,
selon Guillaume, « La langue, en soi, n'exprime rien : elle
représente, elle est représentation » (Wittwer, 1997:
10).
De ces prolégomènes à la
linguistique-didactique, nous attirons l'attention en premier lieu, sur les
concepts philosophiques et psychologiques sur lesquels repose notre
étude de cas. Au travers de la nature de cette discipline, nous
réalisons que la seule observation « externe » du corpus ne
saurait pleinement répondre à notre problématique. En
second lieu, nous avons remarqué qu'analyser les comportements
psycho-discursifs (mécanismes mentaux et faits de langue) du locuteur
permet l'accès à la manière ou aux manières
d'exister dans un idiome. Tout bien considéré, l'ambition de
« cette nouvelle branche de la linguistique » (Soutet, 2013: 8)
concerne une tangibilité psychosystématique des sciences du
langage.
34
PARTIE 2 : DEVENIR ANONYME LANGUE(S) IN POSSE À
BRUXELLES
FIGURE 4 : KAHLO F., 1932, AUTOPORTRAIT À LA
FRONTIÈRE ENTRE LE MEXIQUE ET LES ÉTATS-UNIS,
MEXIQUE.
Nous nous retrouvons à présent dans la
deuxième partie de ce mémoire, consacrée à la
problématique de recherche ainsi qu'à la méthodologie
utilisée pour réaliser nos investigations. L'autoportrait de
Frida Kahlo, ci-dessus, vient sustenter le titre de notre section puisqu'il
illustre la motilité statique du nouvel arrivant. Lorsque le «
devenir » n'est pas toujours synonyme d'évolution. Dans un premier
temps, nous attirerons l'attention sur la conception d'un objet de recherche
dont les objectifs et hypothèses tiennent d'un travail antérieur.
Ensuite, nous nous pencherons sur la « contextualisation
»51 institutionnelle avec les profils particuliers des
locuteurs migrants et des formatrices de français qui composent notre
terrain d'enquête. Enfin, nous examinerons les caractéristiques du
recueil de données en
51 La notion de « contextualisation » a
notre préférence par rapport à celle de contexte. La
première a l'avantage de s'entendre dans le sens de Rispail et Blanchet,
soit en tant que « processus » (2011: 68).
35
y précisant son importance comme outil dans
l'élaboration de notre corpus. Les questions méthodologiques et
techniques à résoudre tout au long dudit projet, et qui
compliquent, voire limitent notre travail, seront explicitées chemin
faisant.
Chapitre 1 : Démarche et protocole
d'enquête auprès de locuteurs migrants
Après avoir présenté la genèse de
notre projet de recherche, nous commenterons l'approche sociologique
privilégiée.
1.1. Problématique originelle
L'origine de la présente étude s'inscrit dans
une certaine cohérence avec un travail académique
précédent : un rapport de stage de Master 1 Didactique des
Langues FLE achevé en mai 2012. Ce dossier visait une réflexion
personnelle sur nos pratiques d'enseignement du français en contexte
scolaire52. Une expérience universitaire et professionnelle
qui nous a amenée à définir la matière de nos
investigations : comprendre, dans une perspective sociolinguistique, la
construction de soi en tant que locuteur de langue française. Pour
être tout à fait honnête, mes suppositions d'alors
relevaient de la didactique pure : (1) éventualité d'une
méthode pédagogique à visée communicative efficace,
(2) éventualité des effets facilitateurs du contact langagier et
culturel au sein de la classe. Les entretiens qui suivirent auprès des
jeunes locuteurs non confirmés étaient orientés par les
questions suivantes :
52 En l'occurrence, les travaux d'observations et
de réflexions de ce premier terrain étaient contextualisés
dans un collège public français du Vaucluse. Le stage a
été réalisé durant l'année scolaire
2011/2012, de novembre à mai, au sein d'une classe
d'élèves allophones en Dispositif d'Aide et d'Intégration
(DAI). Le corpus complet se composait d'environ quatre heures de situations de
classe dispensées par trois professeures (nous y compris) ainsi que de
deux heures environ d'entretiens semi-directifs auprès des
élèves.
36
- Quelles langues parles-tu ? Où, quand et pourquoi ?
- Dans quelles disciplines te sens-tu à l'aise ?
- Comment comprends-tu le français à l'école
et à l'extérieur ?
- Comment vis-tu ton installation en France ?
- Qu'est-ce qu'il te manque ici ?
- Est-ce que tes parents parlent le français ?53
Les quatre conversations d'étude effectuées
concernaient un public d'adolescents pour qui la France représentait le
pays de la première migration. Qu'ils soient d'origines
arménienne, espagnole ou italienne, chacun exprimait un sentiment
d'insécurité linguistique en rapport notamment avec l'image de la
mère et du pays. En outre, lors d'une discussion filmée entre
trois locuteurs de langues in esse différentes, les notions de
construction identitaire et du rapport à autrui en langue in
posse se sont avérées pertinentes à examiner. Enfin,
la contextualisation de la migration, nouvelle à nos yeux, a permis
d'exécuter nos premiers pas dans le domaine de la sociolinguistique.
C'est avec notre sujet actuel que nous sommes entrée
dans le processus de recherche afin de déterminer, catégoriser et
expliciter des phénomènes d'alternance linguistique et produire
de nouveaux acquis (Blanchet, Chardenet, 2011 : 63). Dans la perspective d'une
recherche orientée54, nous avons observé et
analysé des comportements de locuteur que nous n'avions jusque-là
pas exploré. Ces derniers suggèrent des orientations vers des
aspects impliquant le mouvement psychologique du discours.
53 Les entretiens, facultatifs, ont
été réalisés durant le mois de février 2012.
Les onze élèves qui constituaient cette classe ont tous
souhaité participer.
54 « Terminologie récente, unissant recherche
fondamentale et recherche appliquée. C'est une recherche issue des
besoins sociaux, impliquant une orientation de la solution à trouver,
mais commandée par un problème concret à résoudre
». Dans notre cas, l'établissement du locuteur migrant en langue
française. Cf. Université Coopérative de Paris, Petit
vocabulaire de recherche en sciences humaines et sociales,
http://www.ucp-
paris.org/ressources-recherche/petit-vocabulaire-de-recherche-en-sciences-humaines-et-sociales/,
visité le 03.07.14.
37
1.2. Cadre épistémologique
Notre étude ayant de l'intérêt pour les
rapports mentaux que maintiennent les énonciateurs migrants avec la
langue française, nous nous proposons de répondre aux questions
suivantes :
- (a) Quels signes linguistico-cognitifs marquent les
périodes temporelles de la construction identitaire du locuteur non
confirmé en langue française ?
- (b) Quel est le modus operandi qui crée
l'installation du sujet parlant en idiome in posse ?
- (c) Quelles techniques didactiques privilégier dans
le domaine des sciences du langage ?
Pour ce faire, nous avons mené notre étude sur
un terrain précis avec l'objectif d'observer et de s'enquérir sur
un groupement de personnes : les membres de l'association dans laquelle nous
sommes bénévoles. En cela, nous nous prévalons d'une
démarche ethnographique puisque notre tâche consistait à
écouter attentivement des récits de vie qui dans leurs
«dimensions référentielles » (Jeanneret, Pahud, 2013 :
16) transforment le récit en un positif identitaire « lui donnant
de nouveaux contours » (Blanchet, Chardenet, 2011 : 460). Parce que nous
voulons comprendre le mouvement langagier du sujet parlant « dans une
perception du temps humain, et en construisant une identité » (de
Robillard, 2011 : 21), nous avons opté pour l'étude et
l'enregistrement des entretiens réalisés auprès des
informateurs. De même, les comportements étant consubstantiels
à l'instantanéité discursive, le groupe de
discussion-poste d'étude dialogique entre la langue et les attitudes
psychiques- nous a semblé une technique pertinente pour leurs
observations (Chardenet, 2011 : 77). La façon dont nous avons rendu
compte de cet « instant de conscience vive » 55 induit la
transcription des narrations selon des items précis (cf. Annexes 15-19)
qui relèvent de l'analyse linguistique et comportementale (a). Par
ailleurs, nous aspirons à une vision croisée des actes de langue
et des actes d'appropriation au travers des pratiques. En effet, afin de ne pas
dériver vers un portrait uniformisant de la réflexivité en
langue in fieri et conscient que la construction
55 Expression de Guillaume reprise par Soutet dans sa
préface à l'ouvrage de Bajriæ (2013 :
9).
38
identitaire reste indissociable de l'acte d'écrire
(Molinié, 2011 : 144), nous avons choisi de recourir à
l'assemblage des données provenant des groupes de discussion ainsi que
celles collectées auprès des sources écrites produites par
les informateurs eux-mêmes (b). D'un point de vue didactique, afin de
prendre en compte le versant culturel de la situation, l'usage du journal de
terrain ainsi que les échanges « naturels » avec les
formateurs de l'ASBL nous ont paru pleinement complémentaires (c).
Certains ouvrages consultés nous ont confortée
dans l'approche ethnologique que nous avons choisie. De fait, loin d'assouvir
un simple appétit de notions en sciences du langage, notre travail
s'ancre dans un examen à visée humaine (Société
d'ethnographie, 1860 : 23) qui grâce aux apports de la linguistique
théorique tend à donner pour certains les schèmes
relationnels entre « le mental et le vécu »
(Monod Becquelin, Vapnarsky 2001 :155), dans la compréhension d'un
idiome in posse. Une telle position épistémologique nous
amène vers une reconnaissance de la manière dont les discours et
les interactions des nouveaux arrivants sont parlés en rapport avec leur
profil langagier. Ce que Dabène nomme « la conscience
ethnolinguistique » (1994 : 103). Au-delà de l'aspect
sémantique de la narration, Huver et Springer (2011 : 244)
présentent « la dimension ethnolinguistique » comme un
élément constitutif des habiletés culturelles qui servent
à s'approprier l'alternance intellective ainsi que la conduite verbale
des langues. C'est pourquoi, nous sommes convaincue que les entretiens ainsi
que les écrits biographiques d'adultes migrants, au répertoire
multilingue, sont à même de nous dévoiler les
transpositions cognitives qui déterminent les énoncés des
locuteurs non confirmés.
Jusqu'ici nous n'avons pas franchement défini le
concept de « transposition mentale », de « rapports mentaux
» ou encore de « processus cognitifs ». Or, il est une
idée-force sollicitée dans la compréhension des processus
identitaires en langue in posse. Parmi la grande diversité des
expériences auxquelles un sujet est exposé au fil de sa vie
sociale, notamment, au fil des migrations, se trouvent les variables des
langues. L'appropriation d'un idiome est un vécu unique qui se
matérialise dans une contextualisation spécifique : une
institution. Cette conjoncture implique des déterminants culturels,
temporels et cognitifs qui façonnent les identités au coeur des
discours. Digne héritière de la dichotomie structure
acquise/structure
39
apprise de Krashen (1981), la linguistique-didactique
distingue l'immanent du transcendant des langues, le locuteur confirmé
de l'énonciateur non confirmé. La langue in esse est le
résultat de procédés intériorisés en
situations naturelles. L'appropriation, quant à elle, relève d'un
mécanisme réfléchi sur l'idiome potentiel et qui se
contextualise géographiquement et temporellement. En cela, l'aporie
réside plus dans la cognition que dans le cadre contextuel. Selon le
linguiste américain, la principale action correspondant à la
compréhension d'une langue est le « monitor », en
d'autres termes la maîtrise, la régulation du discours.
L'intention arrêtée d'effectuer des modifications sur les
énoncés réalisés, en l'occurrence dans un
échange en langue in fieri, nous renvoie vers des processus
cognitifs conscients. C'est lorsqu'on utilise la régulation des
variations dans les output- compris comme le résultat d'une
production langagière- que l'on peut argumenter que tout individu
revêt le statut de locuteur non confirmé. Cela dit, si l'on
considère le mot « monitor » dans sa
définition stricto sensu, il est évident que la
théorie de Krashen ne peut s'apparenter à un mécanisme,
cela concerne plutôt une approche psycho-sociologique. Il nous semble
donc que les interfaces mentales sont des modérateurs qui permettent aux
locuteurs adultes de conscientiser leurs erreurs à l'intérieur de
leur production. En effet, qu'il soit acte ou état d'esprit, le fait de
se tromper occupe une place prépondérante dans
l'acceptabilité d'une langue. Qualifiée d'émancipation
linguistique dans le cas du locuteur confirmé, l'erreur devient le
symbole de l'insuffisance langagière du nouvel énonciateur
(Bajriæ, 2013 : 144-152). Pourtant il est une voix parmi
les linguistes qui se veut plus élémentaire (Frei, 1929 :
291-292) lorsqu'il s'agit de caractériser la langue française, le
concept étant que cette dernière n'a aucune
réalité. Frei déclare que ce qui fait véritablement
sens, ce sont les idiomes français et leurs utilisations : la norme
autant que la pratique habituelle d'un groupe. La considération de
l'erreur restera donc à l'appréciation de chacun, en se rappelant
néanmoins que, par la présente étude, nous l'inscrivons
dans la dynamique de l'intellection. D'autre part, nous envisageons les
relations cognitives comme des indicateurs de l'interculturalité des
comportements linguistiques, notamment au travers des originalités du
« vouloir-dire » des langues, c'est-à-dire des idées
psychiques qui représentent les communautés langagières
(Bajriæ, 2013 : 110-116). Enfin, comme nous l'avons
noté précédemment, le dire d'un idiome catalyse la
réciprocité entre des sujets parlant éventuels ainsi que
l'intériorisation respective de leur subjectivité. À notre
sens, cet angle définitoire a
40
permis de dessiner notre première hypothèse
concernant les éléments verbaux in fieri comme facteurs
de processus de reconfiguration identitaire.
La deuxième hypothèse postulée se
rapporte au concept pléomorphe et mouvant d'identité (Mucchielli,
2003 : 4). En la définissant tel un processus de sélection
à la fois intime et socio-collectif, Vinsonneau (2012 : 26) expose le
versant idiosyncrasique de cette notion. En effet, chaque individu
possède une lecture du « sentiment d'être », la
capacité que l'autre a à se détacher de soi pour
reconnaître socialement quelqu'un d'autre (Mucchielli, 2003 : 71-72). La
relation de contigüité constitue donc une entité
intégrée dans le système identitaire qui se distingue en
premier lieu par sa contextualisation, puis par les niveaux de valeurs
accordés à la personne. Elle se caractérise par ailleurs
dans son rapport à l'espace à travers le phénomène
de la migration où l'assimilation positive s'avère
encouragée par la légitimation de l'autre (Gohier, 2006 : 153).
Il n'est donc pas question d'évoquer le concept sans en mettre en avant
la nature « dynamique » (Vinsonneau, 2012 : 81). C'est ce que Baroni
et Jeanneret (2009 : 78) signalent vis-à-vis de l'incomplétude et
du renouvellement perpétuel de l'ego que les biographies
trahissent. Selon les didacticiens, les récits de vie revendiquent
d'abord la narration qui ensuite crée à nouveau le récit,
impliquant la distance métaphorique comme une structure
récurrente dans la démarche d'énonciation. En cela, le
mécanisme identitaire ne peut se comprendre en l'absence de
temporalité. Reste à considérer une troisième
remarque relative à un versant dissolutif de l'identité :
l'anomie. L'identité est ce qui permet à l'individu de se
reconnaître, d'accéder à son soi intime et donc à sa
liberté telle une médiation signifiante entre l'univers et
l'homme. C'est l'espace- entendu comme la distance entre deux objets ou deux
points- où toute personne se recompose et développe des
stratégies conformément aux situations vécues.
Compénétré par l'Histoire et la conjoncture sociale
actuelle, le concept d'identité, dans sa définition moderne,
serait dès lors, plus avant la référence ontologique qui
nous détermine, un mérite et une vertu essentiels56.
De ce fait, la « désertion » (Le Crest, 2013 : 60) de soi ne
saurait être sans danger car elle confronte l'individu à des
circonstances expérimentales anomiques. Comment atteindre, dans son
unité, l'être en situation de migration prolongée, lorsque
l'ordre environnant relève d'une
56 À ce sujet, Orsenna (2003 : 22-23) dans
son roman Madame Bâ, évoque l'identité comme
étant catégorisée et non prise dans sa
globalité.
compréhension non confirmée ? Là
réside toute la problématique qui convertit, par exemple, des
exilés espagnol et portugais tels Alvaro, en anonyme ouvrier ou Piedade,
en anonyme ibérique (Camilleri, 1990 : 155-160). L'individu est
ré-inventé au gré des désignations sociales- «
socionyme »- et ethniques- «ethnonyme »- (Bres, 1993 : 17)
conduisant à une dépersonnalisation où tout un chacun est
contraint de puiser dans sa « boîte à outil »57
(Camilleri, 1990 : 46) identitaire.
In fine et à la lumière de ces deux
postulats, nous envisageons des propositions didactiques adaptées
à condition donc, qu'elles valorisent et encouragent la création
linguistique du locuteur non confirmé. Il s'agit de penser, grâce
à notre « métaposition » (Blanchet, 2011 : 19) de
chercheure néophyte, à la façon de concrétiser cet
objectif sur le terrain afin d'obtenir une valeur ajoutée en termes
d'appropriation du français.
Ces remarques justifient l'importance particulière que
nous accordons aux signes et aux comportements linguistiques dans l'examen du
corpus. La caractérisation antérieure des opérations
mentales (le « monitor », l'erreur et le « vouloir-dire
») ainsi que l'articulation de trois des composantes de l'identité
(l'ontologie, la dynamique et l'anomie), nous servira pour l'analyse des
entretiens autobiographies des adultes migrants que nous dirigeons. Chaque
élément s'avère être en mesure d'offrir un poste
d'observation hautement intéressant. Notamment en ce qui concerne la
compréhension de la langue française grâce aux
témoignages des acteurs de l'ASBL.
Voyons à présent l'ensemble circonstanciel qui
nous a semblé particulièrement fécond en vue de cette
étude scientifique.
41
57 Expression de Devereux (1972) reprise par
Camilleri.
42
Chapitre 2 : Délimitations du terrain de
recherche
Le travail préalable à notre recherche, nous a
amenée à la constitution d'une bibliographie
représentative sur le propos concerné. Nous avons
considéré, à parité, des ouvrages issus des
domaines de la sociologie, de la psychologie sociale ainsi que de la
linguistique. Les tâtonnements autour de l'élaboration de cet
outil de référence nous a permis de mieux cibler notre zone
d'enquête. C'est pourquoi, de manière parallèle, nous avons
prospecté des terrains susceptibles de nous accueillir, telles les
différentes institutions dispensant des cours de français en
Flandre et en Région Bruxelles-capitale. Nous étions d'avis que
les associations, en tant que « lieux centraux de la sociabilité
immigrée » (Molina Màrmol, 2014 : 17), mettraient en
perspective les diversités culturelles, linguistiques et migratoires des
nouveaux arrivants de Belgique.
2.1. Sélection et introduction du contexte
La définition du paradigme ethnographique
présentée par Blanchet (2011 : 18) confirme la ligne de conduite
de notre méthode de recherche :
- une orientation constitutive du réel car nos travaux
s'appuient sur des questionnaires et enregistrements ordonnés ;
- une orientation empirique réflexive qui rend compte,
sous la forme d'un « corpus restitutif » (Blanchet, 2011 : 10-12) des
phénomènes langagiers par les informateurs : journal de terrain,
sources écrites, échanges non dirigés.
Pour ce faire, les prémices de notre étude
s'amorcent dès novembre 2013 auprès de l'ASBL Avenir,
domiciliée quartier Saint-Josse, au Nord-Est de Bruxelles.
Concomitamment, nous
43
étions entrée en contact avec une école
de langues publique pour adultes à Lierre58 . Nonobstant, le
terrain à forte autorité scolaire, le profil hagiographique
stable des informateurs ainsi que notre condition de locutrice non
confirmée en néerlandais, nous fit privilégier le cadre
associatif de la Région Bruxelles-capitale. Comme nous l'avons
souligné précédemment, l'association Avenir est la juste
descendante des Écoles de quartier fondées par Mohamed El Baroudi
(Partie 1,§ 1.3). Devenue ASBL en novembre 1992, Avenir relève d'un
symbole migratoire structuré autour d'une identité marocaine
commune 59 . Elle correspond donc à une association dite de
migrants, cela signifiant qu'elle est établie et dirigée par les
immigrés eux-mêmes. Autant dire que l'identité ethnique
ainsi que la fidélité au groupe est un trait
élémentaire de l'existence de ce type d'institution (Lanly, 2001
: 5-7). Aujourd'hui, Avenir offre un visage différent puisqu'elle est
administrée par un personnel de direction non migrant et, qui plus est,
qui n'a aucune origine marocaine. Tout comme d'ailleurs, depuis 2009, le tiers
des immigrés inscrits désireux de suivre des cours de langue
française. En tant qu'offre de proximité, l'association propose
des activités d'aide aux devoirs et extra-scolaires pour les enfants
jusqu'au secondaire et bien entendu, des cours intensifs
d'alphabétisation ainsi que de FLE pour les adultes migrants, à
raison respectivement de neuf et quinze heures par semaine60.
L'amplitude temporelle de notre recherche couvre la
période du 8 novembre 2013 au 20 juin 2014. A l'origine notre
assiduité était hebdomadaire : chaque vendredi matin, de 9h50
à 13h25, nous assistions en tant qu'observatrice au déroulement
des cours de FLE. C'est à partir du 10 janvier 2014 que nous
commençons l'observation participante en tant que formatrice
bénévole FLE, à raison d'une fois par semaine,
auprès de la même classe. Puis, durant le mois de mars, nous avons
eu l'opportunité d'alterner les deux modes d'investigation par le suivi
d'étudiants stagiaires61et la co-planification des modules
d'enseignement.
58 Ville néerlandophone située en
Région flamande dans la Province d'Anvers.
59 Saint-Josse était un des quartiers où
était installée une forte population de travailleurs
immigrés marocains.
60 Pour plus d'informations, consulter la page du
« Portail de l'Alpha » :
http://bruxelles.alphabetisation.be/article58.html.
61Étudiants stagiaires FLE de 1ère et de
3ème année de la Haute École de Bruxelles Defré.
44
2.2. La démarche de rencontre
Au dire d'Agier (2004 : 35-36), « Pas de connaissance
intime du sujet sans connaissances dans le milieu. Pas de savoir sans relations
donc »62. L'organisation du travail de recherche de Master en
sciences du langage implique certaines déterminations d'ordre personnel,
situationnel et éthique qui concourent à l'accomplissement de
procédures codifiées. Ainsi, ce sont nos tâtonnements
d'apprentie-chercheure, jalonnés de rencontres, qui ont ouvert ce
parcours scientifique. Il nous semble donc judicieux de l'incorporer au corps
de l'actuelle étude.
Après des échanges fructueux par mail fin
octobre 2013, nous rencontrons début novembre Madame D63.,
directrice de l'ASBL Avenir au sein même de l'association. Nous avons
aussitôt la possibilité d'observer son cours de FLE et
d'être présentée- dans un premier temps, en tant
qu'éventuelle formatrice bénévole - aux locuteurs adultes
en présence. Déontologiquement parlant, nous avons
apprécié le fait que Madame D. légitime de manière
formelle et adaptée notre présence, ce qui, pensons-nous à
ce moment-là, favorisera notre intégration graduelle (Blanchet,
2011 : 73-74). Le premier contact, somme toute conciliant avec la
directrice-formatrice, nous permet de lui décrire notre situation de
chercheuse débutante sous tutelle française. Nous lui
présentons également les particularités des observables
que nous pensons mettre en place, soit des enregistrements de classe, des
dispositifs de production d'écrit ainsi que des entretiens auprès
d'elle, des formatrices et du public de l'ASBL. Favorable au projet, Madame D.
nous donne son accord et nous suggère la mise en place d'une
planification ce qui nous laisse supposer qu'elle reçoit
régulièrement des observateurs extérieurs. Nos
perspectives d'approches n'étant pas encore suffisamment claires et la
méconnaissance des énonciateurs adultes évidente, nous
nous mettons d'accord sur une période transitoire d'observation et de
rencontre de novembre à décembre 2013. Ce temps
décéléré - que nous estimons plus que
nécessaire - nous permet de nous immerger confortablement dans ce
nouveau terrain, d'en appréhender les différents acteurs et,
en
62 Cité par Lambert (2011 : 368).
63 Dans un souci du respect de leur volonté,
nous n'avons pas mentionné les identités des informateurs. Elles
sont par conséquent remplacées par la première lettre, et
parfois la seconde, de leur nom ou de leur prénom.
45
conséquence, de clarifier le cheminement de nos
recherches (Lambert, 2011 : 370-371). Quant à l'ensemble de
l'équipe éducative, les prises de contact ainsi que
l'exposé du projet ont été facilités par
l'introduction de Madame la directrice. De fait, dans le cadre de ses
fonctions, cette dernière a organisé, début
décembre, une manifestation de loisir64 qui a permis de
confirmer, aux yeux de tous, ma position en tant qu'enseignante
bénévole de français. Par cette admission officielle
débutait notre entrée dans les aléas du processus de
recherche : hypothèses, négociations et documentations des
circonstances linguistico-didactiques.
Maintenant que nous avons contextualisé notre travail
d'étude à l'aide des quatre paramètres social,
situationnel, temporel (Blanchet, 2011 : 18) et relationnel (Lambert, 2011 :
367), nous sommes en mesure de dresser le profil des informateurs
enquêtés.
2.3. Choix et développement de
l'échantillon
Si tant est que « le vrai territoire d'une langue est le
cerveau de ceux qui la parlent » (Cerquiglini, 1999), nos choix
heuristiques se doivent d'être pragmatiques et donc, concerner les
énonciateurs non confirmés de l'association. En outre, ayant
inscrit notre problématique au coeur des sciences du langage, nous
conserverons encore une cohérence relative en nous intéressant
aux formateurs de français.
Les étapes de la constitution de notre
échantillon se sont réalisées dans les locaux de
l'association même et ont intégré deux types d'informateurs
: les énonciateurs migrants et les formateurs de l'ASBL. En ce qui
concerne les locuteurs non confirmés, nous avons commencé par la
consultation des dossiers d'inscription en FLE des adultes, en janvier 2014,
afin d'obtenir a minima les critères suivants :
- des origines géographiques variées ; - un
répertoire langagier varié ;
64 Chaque premier dimanche du mois, l'ASBL organise
un petit-déjeuner où sont conviés tous les membres de
l'association ainsi que leur famille.
46
- une connaissance suffisante du français oral et
écrit pour comprendre et interagir en situation d'entretien
semi-directif et produire des traces écrites qui font sens.
Ce premier travail sélectif, à partir d'une base
de données de quarante-cinq personnes répertoriées,
déboucha sur l'élaboration d'une liste de treize informateurs
éventuels, répartis dans deux classes. Les treize locuteurs ont
reçu positivement l'intention d'entretien mais pour autant ils n'ont pas
été tous retenus. En effet, certains n'ont pas donné
suite, soit pour cause d'absences répétées aux cours, soit
pour motif d'abandon65. Il est à rappeler ici que le statut
des énonciateurs migrants est varié : bénéficiaire
social du Centre Public d'Action Sociale CPAS66 (50%), mère
au foyer (20%) sans emploi (10%), réfugié (10%)67. Au
total, cinq locuteurs non confirmés adultes ont participé aux
enquêtes semi-directives et aux activités de composition
écrites, quinze au groupe de discussion. Du côté des
informateurs « passeurs d'informations », le profil des trois
éducatrices qui composent l'équipe de l'ASBL nous
intéressait de manière analogue, attendu que nos critères
relevaient de l'objectivité :
- l'âge,
- le sexe,
- la formation initiale et continue,
- le répertoire langagier,
- les locuteurs que la professionnelle a en charge.
Toutes ont, à l'unanimité, répondu
positivement à nos observations de classe ainsi qu'à la
participation au questionnaire d'enquête. Néanmoins, seule une
formatrice nous a retournée le formulaire complété. En
terrain associatif, il faut veiller à prendre en compte les deux
catégories de la population éducative : les formatrices qui ont
un contrat de travail et celles
65 Nombreux sont les migrants qui viennent
s'inscrire seulement pour obtenir une attestation de formation qui leur
facilite l'accès aux aides sociales : selon Madame D. entre 25 et 30%.
En général, cette typologie de migrants est peu ou pas assidue
aux cours.
66 « Un CPAS, ou "Centre Public d'Action Sociale", assure
la prestation d'un certain nombre de services sociaux et veille au
bien-être de chaque citoyen. Chaque commune ou ville a son propre CPAS
offrant un large éventail de services ». Source électronique
: page officielle du « Portail Belgium », Informations et services
officiels :
http://www.belgium.be/fr/famille/aide_sociale/cpas/,
visitée le 19.08.14.
67 Les 10% restant ne jouissant d'aucun statut
particulier.
47
qui ont un contrat de bénévole. Dans cette
deuxième catégorie, les exigences de formation socio-culturelle
sont moins exigées que dans la première.
En définitive, l'échantillon d'informateurs au
moment du recueil des données, est composé de huit personnes dont
les variantes stables sont la migration et la profession. Ils sont
âgés de 23 à 61 ans et le groupe des 33-47 ans est le mieux
représenté. La majorité des informateurs sont des femmes :
6 femmes pour 2 hommes. Si l'on regarde de plus près le tableau en
Annexe 1, on remarque que certains informateurs ont contribué à
la collecte de divers éléments, ce qui offre une analyse plus
large.
Lié à l'exil et donc à une
compréhension de recherche singulière, le terrain associatif de
migrants requiert une expérimentation nouvelle de notre part. Aussi,
avec l'objectif d'encourager la polyphonie des discours, nous avons opté
pour une diversité des procédés dans le recueil des
données.
Chapitre 3 : La collecte des données
L'étude ethnologique et psychosociologique du sujet
parlant dont se revendique notre méthode de recherche, justifie notre
appréhension de l'installation du locuteur en langue in posse.
À notre sens, et pour reprendre l'idée de Hagège (1998 :
26), l'énonciateur est la manifestation concrète, historiquement
située et socialement déterminée de la
compréhension d'un idiome. Voici le concept véhiculaire suivant
lequel nous construisons notre corpus et à partir duquel nous donnons du
sens à nos résultats. Dans cette perspective, nous examinerons
l'intérêt relationnel du questionnement préliminaire tout
comme l'angle épistémologique original
généré par les échanges naturels. Puis, nous
définirons les deux outils essentiels de notre étude : les
sources écrites ainsi que les entretiens individuels et collectifs.
48
3.1. Le questionnaire exploratoire
Outil servant « de guide et d'orientation dans une
enquête »68, le questionnaire exploratoire a
été créé spécifiquement pour les locuteurs
migrants et délivré durant la phase d'observation participante.
Inspiré du formulaire réalisé lors de notre
première mission, il contient des items d'ordre langagier,
sociolinguistique et psycholinguistique de la compréhension du
français (cf. Annexe 4) : le répertoire langagier du locuteur
(les idiomes qui le composent), les méta-représentations
(relatives à la langue française et à ses locuteurs
belges), la situation de bilinguisme (individuelle, à l'âge
adulte). Quatre autres paramètres en fin de questionnaire ont pour
objectif de documenter l'âge, le sexe, la durée de formation en
langue française ainsi que les éventuelles migrations. Le
questionnaire ad hoc a été proposé aux neufs
informateurs locuteurs répondant aux critères explicités
précédemment. Quant au questionnement pour les informateurs
« passeurs d'informations », il s'articule autour des domaines du
langage et de la linguistique-didactique des langues : le répertoire
langagier du formateur (les idiomes qui le composent), les
représentations (inhérentes à l'appropriation d'une langue
in posse), les réflexions didactiques (par rapport aux
locuteurs de leur classe). Quatre variables distinctes en fin de questionnaire
s'intéressent également à l'âge, au sexe, aux
migrations potentielles et à la formation professionnelle.
En tant que « questionnaire pré-codé »
(Mucchielli, 1993 : 23), notre enquête initiale s'avère un
instrument de première utilité pour qui veut instaurer des
relations de confiance avec les individus qui constituent le terrain.
Effectivement, les caractéristiques objectives
sélectionnées pour élaborer notre questionnaire ne sont ni
quantitatives, ni qualitatives mais plutôt corrélatives à
la prise de contact. C'est pourquoi le formulaire se revendique anonyme et
accessible d'accès en termes de remplissage69, afin de
prédisposer les informateurs à notre recherche (ibid.). En outre,
la référence large aux langues dans le questionnaire pour les
éducateurs traduit notre prudence quant aux idéologies
didactiques de chacun. Le questionnaire a été soumis à
l'attention des trois formatrices. Pour l'ensemble des
68 Source électronique : Page officielle du
« Trésor de la Langue Française » :
http://atilf.atilf.fr/dendien/scripts/tlfiv5/saveregass.exe?122;s=2456656995
; r=1 ;
69 Pour rappel nous avons affaire, pour les
informateurs migrants, à des locuteurs non confirmés de
français.
49
informateurs (hormis Madame D.), le formulaire correspondait
à notre première approche en tant que professeure FLE
bénévole.
Les réponses recensées nous ont donné la
possibilité de dresser un bref portrait introductif des locuteurs non
confirmés, que nous esquisserons, de façon plus précise,
ultérieurement (cf. Partie 3, Ch. 1) :
- l'ensemble du groupe informateur possède un idiome
in esse différent du français ;
- sept d'entre eux disposent d'une langue in esse en
commun (le turc et l'arabe dialectal) ;
- leur durée de formation en français au sein de
l'ASBL s'avère variable, entre six mois et deux ans ;
- le français est qualifié par tous comme langue
« importante/ efficace » nommément, cinq le motive comme
langue du pays d'accueil, quatre le justifient encore par le travail et quatre
par les interactions quotidiennes. L'un reconnait le français comme un
idiome qu'il ne « connait » pas. En conséquence, il souhaite
« comprendre ce qu'on dit » ;
- le français est considéré, par ordre
croissant, comme un idiome : beau pour six d'entre eux, utile pour cinq, facile
pour deux et un à valeur sociale ;
- chacun s'accorde sur les « efforts » et le «
temps » nécessaire à l'appropriation de l'idiome, deux
élicitent le facteur de « l'âge » ;
- à l'unanimité s'établir en langue
in posse revient à maîtriser la lecture-écriture,
une place prépondérante est donnée aux fautes de
langue70, l'un insiste sur l'écrit, un second sur « la
connaissance de la culture de l'autre » ;
70 Nous observons un décalage avec notre
première enquête de terrain. Là, les informateurs
âgés entre 11 et 17 ans ne stigmatisaient pas autant les erreurs
de langue qu'ils qualifiaient de « normales ».
- à mi-chemin, quatre locuteurs adultes
considèrent que l'appropriation préalable d'une autre langue
in esse ou fieri, facilitent la compréhension du
français, quatre le contraire. L'un d'entre eux s'est abstenu sur le
sujet ;
- une partie des énonciateurs se sent également
«exister » en idiome français, l'autre en idiomes
français et arabe. Parmi eux, un sujet parlant déclare «
être » en langue turque.
Informateurs
|
Langues du répertoire
|
AL
|
gula, français
|
E
|
albanais, français
|
I
|
arabe dialectal, français, anglais
|
J
|
arabe dialectal, français,
espagnol, néerlandais
|
M
|
arabe dialectal, français, espagnol
|
50
TABLEAU 1 : LANGUES DES REPERTOIRES LANGAGIERS DES
LOCUTEURS MIGRANTS
51
Informateurs
|
Langues du répertoire
|
L
|
français, néerlandais, anglais, catalan
|
M-L
|
français, anglais, arabe dialectal
|
W
|
arabe, français
|
TABLEAU 2 : LANGUES DES REPERTOIRES LANGAGIERS DES
FORMATRICES71
L'attention portée aux échanges ponctuels de la
journée s'est présentée à nous telle une
continuité. Nous nous sommes rendue compte que, par ce biais, nos
relations gagnaient en caractère, le questionnaire strictement
individuel rendant la proximité insuffisante, voire impossible. D'un
point de vue humain, cet outil a développé le tissage de liens
plus sincères.
3.2. L'échange « naturel »
L'étude des actes illocutoires (dans le sens de
l'analyse en linguistique-didactique) porte à la fois sur les narrations
stimulées (les entretiens autobiographiques) et sur les narrations
libres (procédé autonymique). Si le premier genre de discours
nous permet de comprendre les rapports mentaux subordonnés au locuteur
et son appropriation de la langue in fieri, le second nous autorise
des entrées affranchies de contraintes dans l'espace discussif des
informateurs (Traverso, 1996 : 131-132).
Concept (ibid.) ou corpus (Morel, 2004)72, la
conversation ou l'échange peu dirigé présente des
caractéristiques spécifiques qui complètent notre
interprétation des questionnaires
71 Les informations concernant M-L et W ont
été recueillies à l'occasion des observations de classe et
des échanges « naturels » (cf. Partie 2, § 3.2.).
72Morel M.-A., 2004, « Intonation et regard
dans la structuration du dialogue oral », in Interactions orales en
contexte didactique, Lyon, PUL, pp. 335-348.
52
exploratoires. D'un point de vue définitoire
73 , nous sommes face à une situation de communication
équilibrée et mutuelle, inscrite dans le réel qui, en
transcendant le sensible, laisse place à la subjectivité de
l'énonciateur. Contrairement aux variables de Cosnier et
Kerbrat-Orecchioni (1991 : 7-8), les échanges naturels que nous visons
demeurent indépendants de tout appareillage thématique, spatial,
temporel ou relationnel. Seule la chercheure débutante assure une praxis
interlocutive circonspecte et se garde bien d'effectuer des coupures «
ex abrupto » (ibid.), laissant ainsi la matière locutoire
s'établir par paliers (Traverso, 1996 : 131).
Bon nombre d'échanges ont été
consignés dans notre journal de chercheure débutante, de
manière régulière, sous forme de bribes ou de dialogues
partiels. Après les avoir organisés par objet, nous avons
relevé quelques observations liminaires. Voici celles relatives aux
locuteurs de langue in fieri :
- les échanges se réalisent en début, en
fin de cours et à la pause, à l'occasion des manifestations de
loisir ;
- dès le mois de novembre, les informateurs en sont les
initiateurs. Par la suite, les prises d'initiative sont plus spontanées
et s'équilibrent mieux entre les informateurs et l'apprentie-chercheure
;
- les thèmes récurrents sont par ordre croissant
: la famille, les communautés, l'apprentissage du français, la
connaissance de l'autre, des questionnements sur la construction des
énoncés en langue in fieri pour un usage externe.
Et pour ce qui est des formatrices :
- les échanges se réalisent en début, en
fin de cours et à la pause, à l'occasion des repas du midi, lors
des réunions pédagogiques ;
- les conversations sont équilibrées avec la
directrice, plus sporadiques avec les éducatrices, et ce jusqu'à
fin mai74 ;
73 Source électronique : Page officielle du
« Trésor de la Langue Française » :
http://atilf.atilf.fr/dendien/scripts/tlfiv5/visusel.exe?27;s=2506786680;r=2;nat=;sol=1
;
74 Des relations « compliquées »
lient les éducateurs de l'ASBL. En tant que nouvelle venue, il n'a pas
toujours été simple d'entrer en contact franc avec les deux
formatrices de français.
53
- les thèmes récurrents sont par ordre croissant
: les vicissitudes de la profession (en l'occurrence les planifications des
cours et le calendrier des stagiaires), ses aspects pédagogiques et
didactiques, le manque d'assiduité et le niveau en français des
apprenants, la connaissance de l'autre.
En nous appuyant sur le questionnaire et l'échange
naturel auprès des informateurs de l'association Avenir, nous
envisageons le terrain au travers de représentations émiques. En
effet, nous avons constaté des rapports co-mobilisateurs dans lesquels
éducateurs et énonciateurs non confirmés tendent à
un résultat commun qui est l'appropriation de la langue
française. Cependant, les relations entre locuteurs et formateurs se
révèlent dissymétriques, ces derniers revêtant une
position institutionnelle supérieure à celles des
énonciateurs. De plus, entre les migrants, on perçoit une
asymétrie culturelle due aux origines communautaires de
chacun75.
Au vu de ce bilan et comme nous étions dans une
perspective de collecte d'éléments écrits, une
séquence sur la « relativisation culturelle » (Blanchet,
Chardenet, 2011 : 461) nous a paru congruente.
3.3. Les sources écrites
Les sources écrites en ont fait l'objet de nombreuses
études, notamment chez les chercheurs français,
québécois et suisses. Récemment Molinié (2011 :
144), comme nous l'avons signalé plus haut, a pensé le processus
identitaire comme consubstantiel de l'acte d'écrire. Précisons :
Blanchard (2006 : 201) fournit des éléments de réponse en
attestant que la production écrite se réalise en fonction «
des connaissances, des usages et des représentations »,
c'est-à-dire selon les particularismes individuels. Ce qui, mis en
relation avec notre première partie (cf. § 2.2), renvoie aux
phénomènes intériorisés de la compréhension
d'un idiome in posse. Alors, si la réflexivité est le
« Potentiel que le sujet développe et qui fait partie de son
identité »
75 Les deux communautés les plus
représentées au sein de l'association sont les marocaine et
turque.
54
(Desmarais, 2006 : 137), l'écriture
expressive76 en langue in fieri apparaît comme un
moyen légitime de repérage des organisations mentales
sous-jacentes. Nous adhérons donc à une certaine
transférabilité des recherches sur les corpus oraux aux corpus
écrits, aux niveaux :
- notionnel du syntagme d'identité, le locuteur /
scripteur estime les compositions linguistiques et crée une figure de
soi (Onillon, 2008 : 142) ;
- psycholinguistique, la quintessence de l'acte
d'écrire pénètre la conscience individuelle de tout
énonciateur (Capdevielle-Hounieu, 2011 : 27) et sert
l'interprétation des mondes de la réalité et
de l'imaginaire (Sartre, 1964 : 117).
Du reste, le moment avéré de
bilinguisme77 ne renferme pas les mêmes habiletés
à travers la langue orale et écrite (Paulin, 1994: 125), ce qui
nous permet d'appréhender un éventail additionnel de
schémas intellectifs. À notre sens, la « conquête
» de l'intuition grammaticale par le locuteur non confirmé
relève de rapports mentaux d'ordre qualitatif. Continuum de
notre postulat, le projet interculturel, mené d'avril à juin
2014, auprès des locuteurs FLE a pour but d'éliciter « [...]
l'identité mouvante, susceptible de métamorphoses »
(Capdevielle-Hounieu, 2011 : 27).
Nous concluons l'exposition et la justification d'un de nos
deux outils de recherche essentiels, par la présentation même des
sources écrites. Ces dernières se révèlent de trois
sortes et sont issues de l'ouvrage pédagogique réalisé par
l'ASBL Alpha de Bruxelles78 (2010 :15-28) :
- une description de soi et une description d'une autre
personne de la classe, qui sont la première étape dans l'item du
livre « moi et moi-même » ;
- un calligramme, qui correspond à la seconde étape
du même item ;
- un schéma commenté, qui relève du
deuxième item « moi et mon environnement ».
L'ensemble de ces productions, réalisé en classe
de FLE, a donné lieu à la création d'un livret sur
l'identité qui, après nos prises de notes, ont été
remis à leur créateur.
76 Par opposition à l'écriture
graphique.
77 L'expression est à concevoir selon la
théorie de Bajriæ « pour désigner
tout locuteur qui [...] entame un apprentissage quelconque de deux langues
[...]» (2013 : 160).
78 Centre de documentation du Collectif Alpha ASBL,
2010, Identité culturelle. Se connaître soi pour comprendre
l'autre, Bruxelles.
55
Nous sommes d'avis que ces travaux écrits sont une
passerelle transitoire vers les entretiens collectifs et individuels. Ce
franchissement recueille la façon originale dont les locuteurs se
figurent le moment au cours duquel, a priori, se débat, se
co-définit et définit l'identité en langue in
posse.
3.4. Les entretiens
En matière d'entretien il importe de souligner que des
qualités de description, de fonctionnalité et de
compréhension scientifiques (Blanchet, 2011 : 74) sont requises.
L'entretien se détermine autant par sa propriété d'outil
méthodologique des identifiables que par sa faculté à
soumettre et proposer des thèmes d'étude. En ce sens, il souscrit
à la mise sur pied d'une démarche efficace dont l'objectif est
d'acquérir une certaine représentativité du sujet
traité. Pour parvenir à sa réalisation, le chercheur doit
au préalable se représenter intelligiblement la situation de
terrain et prendre connaissance des possibilités offertes en termes
d'enquête. C'est ce que nous avons modestement tenté de
réaliser.
Nous sommes en février 2014 - date à laquelle
débutent nos entretiens généraux- et il va de soi
qu'à ce stade de notre recherche, notre statut de chercheure
débutante est explicité de manière honnête. Nous
adhérons à la théorie de Blanchet (2011 : 73-74) qui nous
fait reconnaître les agents de terrain non pas tels « des cobayes
» mais tels des « producteurs de savoirs ».
56
3.4.1. Les entretiens collectifs
Après avoir défini le déroulement
succinct des entretiens collectifs, nous expliciterons les techniques
d'élaboration des identifiables choisies ainsi que nos prudences quant
à la préparation. Enfin, nous commenterons la part
apportée de pareils entretiens à notre travail d'étude.
Les entretiens collectifs se sont déroulés sur
une période de deux mois, entre les mois de mars et avril 2014 dans les
locaux mêmes de l'association Avenir, avec une fréquence
mensuelle. En effet, nous avons dû tenir compte des contraintes
institutionnelles comme la venue de stagiaires FLE79 ou le
calendrier scolaires des vacances de Pâques80.
L'activité catalyseur reposait sur le concept d'identité
culturelle tiré de l'ouvrage de l'association Collectif Alpha vu plus
haut. Le groupe classe que nous avons animé se compose officiellement de
vingt-huit adultes inscrits. En constatant le nombre élevé et
dans un souci d'exemplarité optimale de notre cas d'étude, nous
avons spontanément pensé à une réorganisation
groupale planifiée. En réalité, lors de la mise en place
des groupes de discussion nous n'avons recensé que quinze participants
au total. Ce nombre n'évoluera pas durant cette période de
l'année, nous l'avons signalé, les absences sont
fréquentes. À la suite de cette première phase de travail,
nous avons préparé nos deux questions ouvertes : « Comment
est-ce que vous vous voyez ? À votre avis, comment vous voient vos
camarades ? ». Ces dernières répondent aux exigences
formulées par la recherche sur les connaissances du locuteur, favorisant
le jaillissement des imaginaires en langue in fieri. Les discussions
enregistrées n'ont pas dépassé trente minutes et se sont
déroulées en plusieurs étapes : la présentation
d'un camarade, la présentation de soi avec un espace de parole pour les
questions relatives au regard des autres. En effet, en conclusion de la
discussion, il faut veiller à mener un débriefing intelligent
où l'apprentie-chercheure doit relever en priorité les
différenciations entre les faits, les opinions et les sentiments de
chacun, sous peine de dériver vers un conflit de groupe.
79 Les étudiants FLE que l'ASBL
reçoit doivent, pour valider leur année, exercer en tant
qu'enseignant stagiaire pour une durée globale de quinze heures de
cours.
80 L'association Avenir, comme la plupart des
associations de migrants de Bruxelles, calquent ses vacances sur celles des
enfants de l'école primaire et secondaire afin d'encourager la
fréquentation régulière des locuteurs.
57
L'objet précis de cet outil réside dans le
développement spontané des interactions verbales au travers d'un
thème psychosocial pour observer et relever les représentations
in esse dans un autre cadre que celui du récit de vie. Un tel
poste d'étude autorise un regard nouveau sur les comportements qui
constituent le terrain.
Informateurs
|
Date
|
Lieu
|
Durée
|
A , AI, AS, E, EL M, F, FB, I, J, R
|
28 mars 2014
|
Local de l'ASBL Avenir
|
29 min 02 s
|
A, AL, E, G, IM, J, JU, M, R
|
4 avril 2014
|
28 min 40 s
|
Total : 57 min 42 s
|
TABLEAU 3 : DEROULEMENT DES ENTRETIENS
COLLECTIFS.
3.4.2. Les entretiens individuels
De la même manière, après avoir
défini le déroulement succinct des entretiens individuels, nous
expliciterons les techniques d'élaboration des identifiables choisies
ainsi que nos prudences quant à la préparation. Enfin, nous
commenterons la part apportée de pareils entretiens à notre
travail d'étude.
Les entretiens individuels se sont déroulés sur
une période de trois mois, de février à fin avril 2014
dans les locaux mêmes de l'association Avenir, à raison de une
à deux fois par mois, les
58
contraintes institutionnelles restant identiques à
celles des entretiens collectifs. Les rendezvous avec les six informateurs ont
été fixés le matin, dans une petite salle de cours
adjacente à la salle de classe FLE. Aucun réaménagement de
l'espace n'a été nécessaire attendu que le locuteur
pouvait s'accommoder à son aise. À chaque fois,
l'interviewé(e) s'asseyait face à la chercheure débutante.
À la suite de cette première phase de travail, une grille
d'entretien semi-directif a été élaborée
répondant aux exigences formulées par la recherche mais cette
fois orientée sur l'expérience du locuteur, encourageant ainsi
l'émergence de la « trajectoire d'appropriation » (Jeanneret,
Pahud, 2013 : 14) identitaire en langue in posse. Ainsi les
récits de vie mettent en exergue les étapes nodales du parcours
identitaire de chacun. Les entretiens enregistrés n'ont pas
dépassé une heure et se sont déroulés en plusieurs
étapes : la description succincte du narrateur, sa situation avant la
migration, son installation en Belgique, son apprentissage du français.
Aussi après chaque interview, une fiche de synthèse a
été complétée, tenant compte des conditions
techniques, des temps forts et de l'intérêt
linguistico-didactique. Ici, l'objet rigoureux de cet outil réside dans
la cartographie des transpositions intellectives possibles effectuées
par l'énonciateur adulte en idiome in fieri (Partie 2
§1.2.).
Par la suite, nous avons procédé à la
retranscription des entretiens, et collectifs et individuels, étape
essentielle à la pérennité de notre travail.
59
Informateurs
|
Date
|
Lieu
|
Durée
|
AL
|
11 février 2014
|
Local de l'ASBL Avenir
|
42 min 03 s
|
E
|
25 avril 2014
|
1 h 04 min
|
I
|
25 mars 2014
|
32 min
|
J
|
4 février 2014
|
47 min 55 s
|
M
|
11 mars 2014
|
35 min 22 s
|
Total : 3 h 41 min 20 s
|
TABLEAU 3 : DEROULEMENT DES ENTRETIENS
INDIVIDUELS.
Chapitre 4 : La transcription des données
La première direction analytique de cette étude
s'établit en rapport avec les activités écrites et orales
des énonciateurs non confirmés. De fait, nous avons
considéré les productions écrites comme les
échanges naturels. Les données obtenues à partir des
textes et des notes consignés dans notre journal de bord.
Après quoi, la seconde direction analytique de la
recherche s'est ajustée aux énoncés des
énonciateurs migrants. Voilà pourquoi, nous avons envisagé
les interactions de classe comme les récits de vie personnels. Les
données obtenues à partir d'enregistrements audio ont
été converties en transcriptions. Celles-ci s'avèrent
être de deux natures :
- les entretiens collectifs ont été
transposés, pour des raisons de clarté au niveau du
décodage, à la manière de l'analyse conversationnelle (Ten
Have, 2007) (cf. Annexe 7) ;
- les entretiens individuels antithétiques aux
premiers, ont été traités de façon dialogique, sous
forme de conversation accompagnée des signes typographiques de norme
française.
60
L'ensemble hétéroclite des documents relatifs
à notre étude explique que nous n'ayons pas été
assistée par des logiciels de traitement de texte. Grâce à
ce dispositif de transcription, l'articulation entre s'écrire et se dire
en langue in fieri a été réalisable. En
continuité avec notre problématique, notre proposition cherche
à rendre plus large le modus operandi de l'appropriation du
français.
Dans cette seconde partie nous avons vu la procédure
par laquelle nous avons élaboré la méthodologie de notre
enquête. Ceci a donné lieu à des rétrospectives
universitaires générant la présentation de notre
problématique actuelle et de son cadre épistémologique.
Par ailleurs, nous avons orienté notre terrain de recherche en
précisant le début et la fin de l'espace physique et temporel
ainsi que les informateurs visés. Enfin, nous avons explicité le
recueil des données et justifié leur conversion en corpus.
Phénomène langagier d'étude
: les rapports mentaux en langue in fieri
Terrain d'étude propice au recueil
d'identifiables
61
FIGURE 5 : LES ETAPES DE NOTRE METHODOLOGIE DE
RECHERCHE.
Nous voilà à présent disposée
à aborder le coeur de notre étude : l'analyse linguistique et
comportementale des locuteurs adultes non confirmés, accompagnée
de propositions didactiques subordonnées.
62
PARTIE 3 : POUVOIR S'ÉTABLIR EN LANGUE
FRANÇAISE : ANALYSES QUALITATIVES ET PROPOSITIONS DIDACTIQUES
FIGURE 6 : TITIEN, 1548-1549, SISYPHE,
MADRID.
Alors que l'apophtegme de Bajriæ (2013
: 40) concernant la langue in fieri suppose « une concordance
mentale entre le code linguistique et le code cognitif », on y pressent,
dissimulée, l'essence même de la nature humaine. En effet, tel un
locuteur imparfait attendu qu'il s'avère inhibé face au
génie de l'idiome potentiel, le nouvel arrivant se retrouve
confronté à sa « défaillance » (Levivier, 2011
:77) intellective, « privé des spécialisations qui
permettent à chaque espèce de survivre » (ibid.). Ce que le
linguiste-didacticien nomme la « néoténie linguistique
»81, n'est autre que la caractérisation de
l'évolution langagière de l'Être au travers d'une
trajectoire temporelle. En cela, tout énonciateur paraît passer
d'une situation in esse à une situation in fieri via
un état ralenti dit « foetal » (Bolk, 1961 : 248) : la
condition in posse. En conséquence, l'aspect fragmentaire des
langues, dû à une matrice linguistique embryonnaire, catalyse des
représentations ainsi que des attitudes fondatrices
81 Cf. Bajriæ, 2013 : 36-44.
63
d'identité (Mudry, 2005 : 34), relevant du
problématique phénomène de Sisyphe (Baroni, Jeanneret,
2009 : 8)82.
Chapitre 1 : Analyse détaillée des
profils des locuteurs ou le modus operandi
Avec ce premier chapitre, nous ouvrons la partie «
concrète » de notre travail c'est-à-dire que nous nous
immergeons dans la réalité physique, et bien entendu
linguistique, de notre cas d'étude. Notre dessein consiste donc à
parcourir les données matérielles provenant de nos outils
méthodologiques afin de rendre compte de l'orientation cognitive des
énonciateurs. Ce cheminement s'efforcera de démontrer la «
trajectoire » temporelle et linguistique mis en jeu. Néanmoins il
nous faut signaler que notre analyse n'a finalement pas pu inclure les
éléments provenant des sources écrites. La principale
raison implique la tangibilité restreinte des signes produits par les
locuteurs. A l'heure de l'analyse proprement dite, nous nous sommes rendue
compte que les sources écrites n'étaient pas exploitables. En
réalité, cela s'explique par le statut de scripteur
débutant des sujets. C'est pourquoi, nous avons décidé de
les écarter sous leur forme matérielle et avons opté pour
une « retranscription », par le biais de l'examen des entretiens
collectifs. De fait, ces derniers à thématique interculturelle
concernaient les activités autour de ces écrits.
L'analyse du recueil de données est soumise à
une méthode tripartite qui rappelle nos objectifs de recherche (cf.
Partie 2, § 1.2.) :
- (b) le modus operandi de l'établissement du
sujet en langue in posse, qui a pour point de départ les
questionnaires à l'attention des locuteurs, et qui est
déterminé par le biais des entretiens collectifs ;
- (a) la désignation des signes linguistico-cognitifs,
qui sera définie, en conséquence, par le contenu des entretiens
individuels ;
82 « Les mythes sont faits pour que l'imagination les
anime. Pour celui-ci, on voit l'effort d'un corps tendu pour soulever
l'énorme pierre, la rouler et l'aider à gravir une pente cent
fois recommencée ; on voit le visage crispé, la joue
collée contre la pierre, le secours d'une épaule qui
reçoit la masse couverte de glaise, d'un pied qui la cale, la reprise
à bout de bras, la sûreté tout humaine de deux mains
pleines de terre. Tout au bout de ce long effort mesuré par l'espace
sans ciel et le temps sans profondeur, le but est atteint. Sisyphe regarde
alors la pierre dévaler en quelques instants vers ce monde
inférieur d'où il faudra la remonter vers les sommets." (Camus,
1942 : 165).
64
- (c) les actions didactiques orientées, qui seront
précisées grâce au bilan des analyses des deux objectifs
antérieurs ainsi qu'aux observations de classe et aux échanges
naturels avec les formatrices.
Compte tenu de l'ampleur de notre exemplier d'observables,
intimement lié à l'investigation sociologique, nous avons
souhaité mener un travail d'herméneute basé sur «
l'expérience humaine » et « le savoir produit par ces
enquêtes » (Paillé, Mucchielli, 2012 : 86). En
témoigne, en Annexe 6, notre « canevas investigatif » (ibid. :
207-229)83. En outre, l'examen des questionnaires initiaux ainsi que
des groupes de discussion nous a amenée naturellement vers l'analyse
thématique, déterminante et comparative, qui nous permet
très justement de « dégager un portrait d'ensemble »
(ibid. : 17) du corpus.
1.1. Présentation des résultats issus des
questionnaires exploratoires
Outil de «guide et d'orientation »84 dans
notre recherche, le questionnaire exploratoire nous a procurée, dans un
premier temps, la possibilité de dresser un portrait introductif des
locuteurs non confirmés (cf. Partie 2, § 3.1.). Il est donc tout
à fait à propos dans notre démarche qualitative, en tant
que soubassement, pour éprouver notre seconde hypothèse (b).
Notre objectif est de mettre à jour, pour notre cas d'étude, le
processus d'appropriation de la nouvelle langue. Notre dessein reste
également à identifier les rapports manifestes entre les
représentations du sujet parlant et la compréhension de l'idiome
français. Pour mémoire, notre échantillon se constitue
d'éléments relatifs à neuf énonciateurs adultes,
relevés entre les mois de novembre et décembre 2013.
D'une manière globale, les réponses au
questionnaire sont toutes chargées de représentations de sens
langagier (in posse), de compréhension de l'idiome (in
fieri), ou de symbolisme
83 Cf. Annexe 4.
84 Source électronique : Page officielle du
« Trésor de la Langue Française » :
http://atilf.atilf.fr/dendien/scripts/tlfiv5/saveregass.exe?122;s=2456656995
; r=1 ;
65
identitaire (in esse). Ainsi, nous avons
identifié les imaginaires par un diagramme à thématique
temporelle85.
85 Le diagramme est organisé selon la
genèse de l'image mentale du temps, en langue française, du
linguiste Guillaume. Les nominations des trois images font
référence au cours de Bajriæ (2012,
16D593/4 : 79). Ces dernières font référence à
l'oeuvre picturale de Kahlo.
"INITIALES"
"MEDIANES"
"FINALES"
0
FIGURE 7 : LES REPRÉSENTATIONS DES LOCUTEURS NON
CONFIRMÉS.
1
1.1.1. Les représentations « initiales
»
Dans une empreinte de langue nouvelle, la connaissance
sociolinguistique échappe et le locuteur ne voit rien du lien logique
qui pourrait le colliger à certains signes. Si nous examinons le
diagramme précédent bas en haut, nous discernons trois moments.
Pour le premier relatif aux représentations « initiales »,
nous le rapprochons des explications comme suit :
- « Importance/efficacité dans le travail et la
vie quotidienne ». Élément cité à
l'unanimité par les neuf informateurs migrants sondés, nous y
reconnaissons la marque de la richesse, voire de la production appliquée
au concept de langue française. Nous constatons donc une parenté
frappante entre l'idiome in posse et les activités humaines
susceptibles de parvenir à l'appropriation et/ou à la
satisfaction d'un objet. En outre, le nom porteur de qualité, «
efficacité », mérite une attention spéciale, qui
entendu dans le sens d'accroissement, participe à l'action d'exister, de
générer ;
- « Beauté, utilité, facilité,
à valeur sociale ». Autres substantifs abstraits, ces derniers
étaient proposés sous forme d'adjectifs qualificatifs à la
carte et, par conséquent, sont le résultat d'un choix
pondéré86 . Cette sélection spontanée
repose sur un code personnel qui assigne ou non une propriété
à une chose, ici l'idiome français, sans que nous puissions
saisir la loi de son processus. Il semble qu'elle appartienne à
l'identité de l'énonciateur ;
- « Appartenance du territoire belge ». La locution
renvoie aux phrases des sujets parlant telles que : « J'habite en/à
Belgique » « Je suis de/de la Belgique ». D'après ces
signes phrastiques constatés dans les réponses, nous voyons que
la langue française renvoie aussi à un objet « ayant une
existence propre » (Grevisse, 2009 : 86). Qui plus est, qui ne convient
qu'à un seul espace géographique restreint, en témoigne
86 Les expressions envisageables comme complexes
dans le questionnaire, ont été, à la demande de
l'apprentie-chercheure, reformulées par les locuteurs adultes
eux-mêmes.
2
l'emploi du nom propre « Belgique ». Nous y
retrouvons la théorie de Courthiade selon laquelle un locuteur pour
exister doit être rattaché à un territoire (Partie 1,
§ 2.1.) ;
- « Incompréhension : volonté de
maîtrise » ou « Je (ne) connais pas », « Je (ne)
comprends pas », « Je (ne) sais pas ». À
côté des déterminations de l'idiome nouveau, nous percevons
une nuance d'évolution dans la représentation langagière.
Avec la question 2 de la première partie du questionnaire, les locuteurs
se précisent comme des individus à l'aide du pronom personnel
« je » à déclinaison nominative. En ce sens, les
imaginaires deviennent mieux contextualisés et les actions
subordonnées les caractérisent davantage. Aussi, cette
quatrième catégorie recouvre-t-elle des verbes dans ce cas
intransitifs, attendu que le sujet de l'action est signalé par la
situation : « connaître », « comprendre » et «
savoir » pourvoient à la compréhension des
énoncés. Il est dans notre Partie 1, § 2.1., une
théorie selon laquelle la pluralité originelle, taxinomique et
sociétale des idiomes met en évidence la richesse des rencontres
d'ordre langagier et comportemental. En l'occurrence, l'aspect
définitoire des verbes laisse se profiler des sentiments tels que la
peur, l'incapacité ou le refus.
Par un premier relevé de ces représentations
in posse, nous devinons leur influence quant à la
compréhension de la langue française. Dès que le locuteur
n'a plus la capacité à percevoir les choses, à construire
du sens, à exprimer sa façon d'être, à se rappeler
son soi intime, il offre des schémas naïfs à son intellect.
Après tout, peut-être que cette « catégorisation
» qui « met donc de l'ordre [...] en permettant de nous orienter
» (Azzi Assad, Klein, 2013 : 13) favorise l'établissement de
l'adulte migrant en français.
3
1.1.2. Les représentations « médianes
»
Toute appropriation d'un idiome non naturel se ramène
à une remise en question cognitive. Même si les comportements n'en
sont que des signes psycholinguistiques, ils n'en présentent pas moins
les embryons de l' « Être » en français. Les
catégories relatives aux représentations in fieri
suggèrent une certaine suite d'idées précises :
- « Efforts/temps ». À cette première
question de la deuxième partie du questionnaire, les neuf informateurs
ont répondu à l'unisson : « tout à fait d'accord
». Les « efforts » tout comme le « temps » sont
mesurables et fractionnables. Néanmoins les deux notions ne doivent pas
être confondues. « L'effort » nécessite un prime actant
tandis que le « temps » rituel, cyclique et nécessaire suit sa
propre « espiral torcida » (Gonzàlez, 2011 : capítulo
9). La dichotomie contrôlable/incontrôlable rappelle à
l'énonciateur sa lutte psychologique contre soi-même et ses
représentations langagières ainsi que l'ascendant temporel de
l'âge sur le phénomène de compréhension ;
- L' « emprise de l'âge » renvoie au concept
de Bajriæ (2013 : 143) selon lequel l'énonciateur
adulte est un sujet arrivé au terme de son anthropogénie,
contrairement au sujet enfant. Avec cette remarque de deux individus «
accomplis » migrants, on a là encore cette conception du temps qui,
malgré l'âge du locuteur en formation, démontre le besoin
d'une permanence- soit continuité et stabilité - au coeur de
l'établissement en langue in posse. Âgés de 23
à 61 ans, les informateurs paraissent voir le temps comme un obstacle
à leur condition actuelle ;
- «Maîtrise
lecture-écriture-expression/Fautes de langue ». À en juger
par ces réponses majoritaires aux questions 3 et 4 de la deuxième
partie du formulaire, le choix des expressions fait écho à notre
discours antérieur (Partie 2, §1.2.) sur l'erreur
langagière, comme le symbole de l'insuffisance énonciative
(Bajriæ, 2013 : 144-152). Le souhait commun du
contrôle de la transmission vocale et de la représentation
graphique en français, sous-tend la volonté de vaincre l'erreur
en langue in fieri. Cette dernière est
très souvent vécue comme une dissimulation de
l'idiome à comprendre, une imperfection, voire une
contrevérité87 ;
- « Connaitre et comprendre la culture de l'autre ».
La locution appartient à l'informateur AL, il est le seul à
cocher cette case. Nous avons ici, croyons-nous, la schématisation de la
découverte de l'autre par le biais de l'intelligence et de la
bienveillance. Ceci se verra confirmé par l'entretien individuel et les
échanges naturels où AL aboutit à des désirs
d'expérimentation des caractères d'un groupe linguistique
original ;
- « Aisance ou non (en français) due à
l'appropriation d'un autre idiome ». Le manque d'agilité
linguistique est signifié par les énoncés : « Parce
que la langue est différente », « Parce que c'est pas la
même phonétique ». A l'inverse, la commodité
langagière revêt les formes phrastiques : « Parce que je l'ai
connu/ je la connais », « Parce que ce sont presque pareilles »,
« Par exemple, je sais espagnol et le français il été
plus facile », « Parce que ça ressemble ». Les cinq
phrases ne livrent pas tout à fait les mêmes appréhensions,
notamment à cause de la dénomination du sujet même si quel
que soit le contexte, l'énonciateur se focalise sur l'objet langue. Ce
point de vue est dû à l'usage des pronoms démonstratifs
« ce » ou « ça » ainsi qu'à
l'indépendance psycholinguistique du pronom personnel « je».
Encore une fois, la charge en subjectivité est
différenciée selon que l'on ait affaire à l'un ou à
l'autre. Ce qui leur est commun, c'est le procès des verbes («
connaître »/ « savoir », « être », «
ressembler ») qui dénote un état : une description de la
condition actuelle du locuteur non confirmé. En d'autres termes, nous
possédons alors une transposition directe de la vision du monde que
l'idiome occasionne à l'énonciateur migrant. Nous la gloserons
ainsi : dans la compréhension d'une langue nouvelle, aucun signe
assimilé et exécuté ne se produit ex-nihilo. La
thématique de la comparaison entre les idiomes in esse et/ou
in fieri et ceux in posse signalée ici, renvoie
à la souvenance linguistique c'est-à-dire à la
mémoire du propre répertoire langagier en association avec
l'appropriation en cours.
4
87 Idée qui repose sur les échanges
naturels avec E, J et F, durant les mois de mars à mai 2014.
5
À l'examen des représentations in posse
et in fieri issues des questionnaires exploratoires, nous
considérons comme indéniable leur contribution à notre
recherche. De fait, la construction du locuteur non confirmé
s'expliquerait mal sans leur observation. En ce sens, les deux types
d'imaginaires se distinguent de façon réciproque. D'un
côté, par des variables dirigeant le comportement
sociolinguistique et, plus communément le déséquilibre
identitaire (in posse), d'un autre côté, par des
attitudes psycholinguistiques qui recouvrent des réalités
d'adaptation intellective (in fieri).
Qu'en est-il alors des perceptions in esse ? Le
questionnaire nous en procure une première vision d'ensemble par le
biais de la nomination de la langue naturelle, du sentiment d'exister en tel ou
tel idiome ainsi que par le parcours motile de chacun. Toutefois, force est de
constater que ces appréciations demeurent incomplètes dans la
mesure où l'on ne peut dire quels facteurs déterminent le
comportement ontologique du sujet parlant. Nous tenterons donc de le
définir par le biais des groupes de discussion, grâce à une
deuxième fonction de l'analyse thématique : la perspective
comparative (Paillé, Mucchielli, 2012 : 232).
1.2.Présentation des résultats issus des
entretiens collectifs
Pour rappel, l'objet précis de l'outil qu'est
l'entretien collectif, réside dans le développement
spontané des interactions verbales au travers d'un thème
psychosocial : celui du concept d'identité culturelle. En cela, il
permet d'observer et de relever les représentations in esse
dans un autre cadre que celui du récit de vie (Partie 2,
§3.4.1.). Il faut dire que les pensées idiosyncrasiques
exprimées sont susceptibles d'alimenter l'articulation
linguistico-didactique de notre étude. Le code utilisé pour la
transcription des échanges observés est en accord avec les
conventions exposées en Annexe 7. Nous avons mis en gras certains
éléments des discours qui nous paraissent importants pour notre
analyse.
6
1.2.1. Les représentations « finales »
Une autre source de malaise, ou du moins d'influence, au coeur
de l'établissement en langue nouvelle reste manifeste car
intrinsèquement liée à la nature de tout individu. Nous
faisons bien entendu référence aux imaginaires brutes de l'
« être », soit les valeurs et les attitudes
élaborées après la naissance, par le bain
linguistico-culturel environnant. Dévouées et constitutives des
multiples façons d'exister en ce monde, les représentations
in esse sont porteuses d'une forte dimension philosophique qui
justifie les perpétuations des comportements cognitifs ancestraux.
Qu'ils soient monolingues ou plurilingues, les quinze
locuteurs adultes non confirmés de l'ASBL, présents lors des
entretiens collectifs, se définissent comme des personnes uniques et
indivisibles. En utilisant l'explétif « vous » dans nos deux
questions ouvertes (cf. Partie 2, §3.4.1.), nous avons souhaité
solliciter l'attention de l'énonciateur sur l'existence des individus de
la classe pour faire émerger, en langue française, le concept de
l' « Être ».
I : Curieux il est gentil un peu curieux ce
que j'aime chez lui heu ::: il respecte tout le monde. Et :::
il est généreux et sociable j'aimerais savoir
s'il a une femme ++ et si ++ il a ++ des enfants...
J : C'est R.
I : Je crois que c'est R.
[...]
E : (Rires) un peu curieux ! C'est R !
I : Non elle est pas curieux, elle est
généreux elle est respectueux. Je crois c'est R.
Dans cet extrait provenant de l'entretien collectif 1, nous
trouvons le fondement de la représentativité individuelle qui se
décide et, par la subjectivité de chacun et, par la position
linguistique des locuteurs. En accédant à l'espace de l'autre
c'est-à-dire au sujet grammatical et idéologique, les discours
produits relèvent de l'idiosyncrasie. Dans ce cas illustré, R
acquiert une intériorité inédite par l'idiome
français ainsi que par les croyances dûes à sa
7
personne et à son rapport à l'écologie
humaine. À notre sens, les propriétés psychologiques de I
affichent toute une série d'entités lexicales pour
déterminer la personnalité de R. Les éléments
« curieux », « généreux », « sociable
» sont des attributs qui participent à la construction identitaire
de R en français. Ces syntagmes véhiculent la part d'imaginaire
de I, soit son aspect intime de la langue. En outre, les échanges
générés par la discussion accentuent la pluralité
des attitudes des sujets parlant en rapport avec la compréhension du
français. De fait, la reprise de E permet à I d'affiner sa
recherche en termes de formes linguistiques : l'énoncé « il
respecte tout le monde » a alors évolué vers l'attribut
« respectueux ». Nous passons de l'expression d'un état
à l'expression d'une nature. Il est évident que face à
« la langue de dehors » (Alonso, 2006 : 84), le locuteur mette du
temps à traduire sa pensée profonde. Comment dire alors ce que
l'on est sans être trahi par l'idiome français ?
S : Oui ? Tu veux que je lise celui-là ? Alors on lit
celui d'El M. On va essayer de voir qui est-ce. Alors, je je
suis euh ::: alors ++ +++ euh ::: je crois que c'est
je suis dynamique, sociable et volontaire. Dynamique parce que
je suis toujours prêt à faire tout ce qu'il faut
dans la vie quotidienne. J'espère non j'enseigne non
j'essaye d'être bien avec tout le
monde. J'aime j'aime bien euh :::
être ++ euh ::: ++ +++ alors oui du coup j'aime bien
être je ne sais pas. Une personne sociable ce que j'aime
chez moi euh :: c'est ++ mes cheveux et
ma volonté pour aider les autres. Ce
que je donne aux autres ++ c'est ::aider tout le monde ? Vous
savez qui c'est ? Donc qui est-ce ?
L'établissement dans une langue s'avère capitale
lorsqu'il s'agit de parler de soi. Se dire, se raconter, s'affirmer sont les
aspirations essentielles de tout migrant en pays d'accueil. Si nous la
transposons en termes intellectifs, cette finalité mire, à
travers le français, en direction du langage intérieur.
Énonciateur « médian », E utilise le pronom personnel
« je » car on suppose qu'elle souscrit naturellement à
être un sujet parlant par le biais de cette personne grammaticale.
Néanmoins, E demeure soumise à une acceptabilité
linguistique française qui, nécessairement, dénature sa
subjectivité. Traduttore, traditore, voilà comment nous
pourrions résumer le phénomène. Le proverbe italien met en
lumière les données exclusives et, par extension partiales, que
le locuteur doit introduire pour marquer son discours. La présence des
paires adjectifs/pronom-nom, « ma/mes »/ « autres »-«
le monde », n'est pas sans intérêt. A l'aide d'une valeur
ajoutée ontologique, l'énoncé de E distingue son «
moi » des « autres ». On assiste à une interaction
psycholinguistique entre les pronoms « je »/ « moi », les
adjectifs possessifs « ma »/« mes » et le pronom
indéfini et le nom « les autres »-« le monde » :
E
8
concentre ses propos sur son « être ».
Seulement voilà, l'informateur nous traduit un message à nous
apprentie-chercheure, qui sommes une interlocutrice « initiale » pour
la langue in esse de E. Par conséquent, le français
peut-il exprimer ses représentations « finales », sans les
tronquer ? En tant que locuteur non confirmé de français, E
a-t-elle tous les outils pour réaliser une traduction convenable ?
Peut-être que ces suppléments langagiers d'appréciation
dont E fait usage, révèlent la manière de concevoir le
monde dans son propre idiome.
Le langage est assimilable à une impulsion
génératrice (Chabrolle-Cerretini, 2007: 83), c'est pourquoi nous
envisageons les relations cognitives comme des indicateurs de
l'interculturalité des comportements linguistiques, notamment au travers
des originalités du « vouloir-dire »
(Bajriæ, 2013 : 110-116).
A : Euh ::: cette photo-là ça attends explique xx
xxx
S : C'est toi A ?
AL : C'est toi ?
E : T'as fait ça parce que c'est TOI. Moi
je vous l'ai dit : il a pas compris.
A : Eh ben, c'est ::::: xx xxx c'est Monsieur A
! J'ai mis mes chaussures eh :::
femme. Une sac pour femme et ::: je en bas une bouche, femme aussi. Moi je
pense c'est un travesti.
S : Donc c'est pas toi A ?
A : Euh :::: si te plaît tu diras pas à ma femme ! S
: Tu as dessiné un personnage alors ? A : Oui. Moi j'ai
dessiné un personnage.
Avec l'analyse précédente, nous avons admis que
les visions du monde portées par les différentes langues du
répertoire langagier de l'énonceur a des résultantes sur
la grammaticalité in fieri. Ainsi, le morceau choisi ici,
extrait des entretiens collectifs 2, est régi par une
acceptabilité linguistique extra-discursive, entendue comme atypique.
L'emploi du dipôle nom/pronom- (« Monsieur A »/« Moi
» /« je ») présentatif (« c'est un travesti
»-« c'est un personnage ») démontre les choix langagiers
opérés par A ainsi que l'énonciation
privilégiée au vu de la situation de classe. Il semblerait que
notre énonceur ait voulu « brouiller » les pistes de
l'affabilité ontologique en sélectionnant des syntagmes de la
langue
9
française dotés d'un sens particulier à
ses yeux88. L'usage du doublet « Moi »-« je »
affiche une emphase pronominale qui densifiée par la subjectivité
traduit une focalisation précoce, pré-phrastique et
pré-explicative du portrait de A : « Moi je pense que c'est un
travesti ». En outre, on suppose à la position syntaxique du
dipôle « Je »-« c'est.... » que A expose non pas son
identité psycholinguistique mais plutôt, son avatar langagier de
sujet parlant non confirmé :
S : Tu as dessiné un personnage alors ? A
: Oui. Moi j'ai dessiné un
personnage.
Assiste-t-on à un changement existentiel : lorsque les
représentations « finales » sont introduites dans l'idiome
in fieri et se changent en imaginaires « médians » ?
Est-ce une exemplarité du comportement intuitif humain face à
l'appropriation d'une langue différente ?
Aussi vrai qu'en linguistique, « La conscience de soi
n'est possible que si elle s'éprouve par contraste » (Benveniste,
1966 : 260), les intersubjectivités exolingues développent les
facultés du locuteur à s'affirmer comme sujet en langue nouvelle,
et conséquemment, laissent éclore l'alter et le
nobis.
E : Euh ::: ben, tout ce que moi je peux
voir, ce qu'elle a dit, ce que j'ai compris,
ce qu'elle présente c'est la sourire, ça
je sais par exemple. Ça on peut le
voir. Et si xx xxx les voyages, je peux pas savoir si
elle aime. Et qu'elle aime bien ::: euh :::
la nature. C'est vrai plus ou moins on l'aime
tous, c'est tout. Et si qu'est-ce que t'as
présenté ? Les oreilles ?
Nous sommes encline à observer dans le discours de E,
des énoncés à l'agrammaticalité illégitime
jalonnés d'hésitations et de mots incompréhensibles.
Malgré tout, nous comprenons, en tant que chercheure débutante,
qu'elle s'exerce à fournir une identité (en l'occurrence ici)
à J. Pour ce faire, E introduit dans ses phrases sa part de
représentations langagières en articulant la paire pronominale
« je »-« elle », ce qui fait naître de cette
congruence linguistique les dissemblances entre l'ego et
l'alter. Une inimitié thétique qui entraîne
l'expansibilité de tout énonceur en tant que modèle
original, indépendamment du fait que dans notre cas d'étude,
c'est la langue française qui réunit les informateurs. Toutefois,
dans une même production, les interprétations peuvent prendre des
formes variables. Dans
88 Pour avoir reformulé avec lui la consigne
de l'activité, nous sommes convaincue que A avait compris ce qui lui
était demandé c'est-à-dire se présenter à
l'aide d'un schéma commenté.
10
ledit passage, E crée un jeu de communication entre
elle et les personnes présentes lors des entretiens. Le
phénomène est permis grâce à la cohésion
qu'elle établit entre les formes et les comportements linguistiques.
Cela signifiant que E en plus de sa propre subjectivité, approvisionne
celle des locuteurs de la classe de français. En choisissant de
l'exprimer par le dipôle pronominal personnel et représentant
« je »-« on »/« tous », E concourt à la
production d'une connexité forte entre sa propre « conscience
» d'exister et celle du nobis subordonnée à la
discussion en cours. En d'autres termes, E procure une «
intersubjectivité totale » à un observable à l'
« intersubjectivité partielle »
(Bajriæ, 2013 : 104-106).
Cerner et comprendre le modus operandi de
l'établissement en langue française n'est pas chose simple. La
nature de son objet- l'individu - étant incomplète, la
capacité d'observation de l'apprentie-chercheure demeure limitée
par les frontières linguistiques relatives aux langues in esse
des informateurs. Adhérant à l'idéologie
humboldtienne selon laquelle chaque idiome implique une représentation
particulière du monde, nous réalisons que l'interprétation
des résultats demeure imparfaite. Voilà pourquoi, il nous a
été nécessaire de puiser au coeur de champs disciplinaires
variés telle que la philosophie du langage. Néanmoins, loin de
remettre en cause le bien-fondé de notre analyse, nous pensons que les
apports de données issues des questionnaires exploratoires ainsi que des
entretiens collectifs ont conduit à l'élaboration de notions
judicieuses. De fait, l'appropriation de la langue française a
été définie comme une trajectoire temporelle régie
par les images mentales de l'espace dans lequel s'entremêlent les
évènements et se vivent les existences : le temps. Grâce
à l'analyse détaillée des profils des énonceurs de
l'ASBL, nous avons dégagé trois types de représentations
en accord avec le processus exposé ci-dessus et avons retracé
l'influence des imaginaires ontologiques et langagiers comme des
éventuelles ressources de compréhension du français.
Enfin, l'établissement en idiome in fieri a été
assimilé à un ensemble d'éléments d'ordre mental
qui relève de la subjectivité du locuteur ainsi que de toute
langue naturelle.
11
Chapitre 2 : Justification des données
d'intelligibilité des comportements psycholinguistiques
«L'intérieur de l'homme est un cadenas dont la
langue est la clé », c'est avec cet adage malien que s'ouvre le
livret linguistico-ludique francophone « Dis-moi dix mots » de
l'année 201289. Au travers des discours de nos informateurs
migrants, nous allons tenter de saisir des « clés »
c'est-à-dire des positions essentielles complémentaires dans la
mise en mots du soi in fieri. Par souci de recevabilité des
résultats, nous procéderons à une analyse par
confrontation thématique des cinq « portraits » disponibles.
Leur examen individuel a été réalisé grâce
à notre outil ethnologique, ledit « canevas investigatif »
(cf. Annexe 6). Quant à l'ordre de leur présentation dans le
texte, il est conforme à la succession temporelle des entrevues.
2.1. Quand « la cartographie de l'intime »90
est alternée
Dans les pages qui suivent nous présenterons des
échanges exolingues duels dans lesquels les informateurs souscrivent
à une narration de leur « Être » sans se
préoccuper, croyons-nous, de la construction des unités de
communication. Du moins, c'est ce vers quoi nous avons essayé
d'accéder par le biais des entretiens individuels qui nous semble-t-il,
favorisent particulièrement la compréhension de notre objet de
recherche. Leur examen confirme et affine les idées du paragraphe 1.1.2.
précédant : les déséquilibres sociologiques et
identitaires autour du nouvel idiome se relayent, quel que soit
l'énonciateur du discours.
89 "Dis-moi dix mots" est une opération
internationale francophone de sensibilisation à la langue
française qui se déroule tout au long de l'année scolaire.
Elle est organisée par les ministères de la culture et de la
communication de la Fédération Wallonie-Bruxelles, de France, du
Québec et de la Suisse romande. Dans ce cadre, les ministères de
l'éducation organisent des concours de création littéraire
ouvert aux collégiens et aux lycéens. Les élèves
sont invités à jouer avec dix mots et à les mettre en
scène sur tous les modes d'expression possibles. Ledit livret est
conçu avec la collaboration de l'Organisation internationale de la
Francophonie, par le réseau des Organismes francophones de Politique et
d'Aménagement Linguistiques (OPALE).
90 Délégation générale
à la langue française et aux langues de France, 2012, Dis-moi
dix mots qui te racontent, Paris, Ministère de la Culture et de la
Communication, p. 2.
12
Nous débuterons notre parcours analytique par
l'étude du « portrait » de J, la première informatrice
enquêtée au sein de l'ASBL. Face à notre question
«est-ce que tu pouvais communiquer avec les gens en français ?
», J déploie une attitude subjective à petit format
discursif qui laisse entendre une adéquation sémantique entre
institution collective, contrôle de connaissances et le statut de
locuteur confirmé :
103. J : Première fois j'ai
essayé, oui j'ai essayé euh j'ai été ici vingt
jours et je suis venue toute seule ici à
l'école, je cherche mon mari il m'a dit ici
à l'école, je cherche avec ma grand, la
grand-mère de mon mari, je cherche et L... euh :: pas L, W il a
donné un rendez-vous, il a dit deux jours tu peux
venir, je suis venue j'ai fait exam.
En tant que sujet pensant de cette interview, J se place dans
l'espace matériel de l'association mais aussi dans l'espace mental de
l'énonciation. L'usage de l'adverbe « ici » semble être
de type réflexif, en ce sens où l'informatrice est alors
identifiée comme locutrice grâce à un endroit et ses cours
de langue : l'ASBL Avenir. Toutefois, la compréhension de son
énoncé reste difficile dans le sens où la chaîne
parlée n'est pas coordonnée par des prépositions logiques
telles que « après », « ensuite». Seul l'ordinal
« première fois » en début de séquence cadre
chronologiquement la narration, même si l'on s'attendrait à ce
qu'il soit accompagné d'un article comme « la », qui le
définirait nominalement. Une autre difficulté linguistique de la
langue française n'est pas surmontée par J, celle du rapport
d'antériorité dans le temps qu'atteste la préposition
« dans » dans l'expression « il a dit deux jours ».
Plus tard, lorsque nous lui demandons si elle « aime bien
le français », J décrit son « penchant » en
rapport avec un projet extra-scolaire :
203. J : Depuis que je quitter l'école,
toujours j'ai dit dans ma tête il faut que je
prends le français, ça fait quinze ans, et
voilà, je prends le français, Dieu est grand.
On constate de prime abord, que son intention est
reliée à son passé soit à son identité
in esse. Puis, en précisant à l'aide du verbe
impersonnel « falloir », que suivrait selon le canon linguistique
français un subjonctif, J se place tel un sujet parlant en devenir,
orienté vers l'accomplissement langagier. En conséquence, sa
position maintient une harmonie de pensée avec la notion de
genèse de l'image mentale du temps selon Guillaume. D'ailleurs, nous
retrouvons, un peu plus tard dans la narration, la même occurrence
à chronothèse virtuelle :
13
205. J : Oui xx xxx la vérité, ça
fait quinze ans, que j'ai quitté l'école,
toujours j'ai dit il faut que j'apprends le
français et j'apprends le français *inchallah* et c'est
grâce à Dieu.
Nous remarquons que les termes lexicaux employés par J
offre un aperçu de son état intermédiaire, où se
répartissent de manière déséquilibrée les
idiomes in esse et in fieri. La transition linguistique de J
ne semble pas réalisée attendu que se succèdent dans un
même mouvement cognitif situé (« avec lui ») des
conditions de locuteur confirmé et de locuteur non confirmé. Par
ailleurs, les tournures « ça fait quinze ans » et «
toujours » manifestent davantage la position statique des potentielles de
la locutrice en français. Elle ne peut se situer matériellement
dans la dynamique in fieri et omet, ou méconnaît alors,
le point de référence initial temporel induit par la
préposition « depuis ».
251. S : Tu trouves que c'est bien de parler arabe avec
lui ? Pour toi c'est bien ?
252. J : Pour prendre le français c'est pas
bien d'un autre côté mais pour bien expliquer,
bien comprendre aussi, je trouve ça c'est facile
pour moi.
En réalité, J reprend la réflexion de la
conformité intellectuelle en français que trahit notre question,
et l'évalue selon ses propres appréciations. À notre
estimation langagière traduite par l'adverbe « bien », J fait
concorder les verbes transitifs « expliquer » et « comprendre
». En tant que locuteur francophone, nous croyons que J suggère ses
propres comportements in esse : d'une part, son habileté
à développer et à démontrer des notions («
expliquer »), d'autre part son état linguistique accompli qui se
compose d'un nombre infini de schémas cognitifs (« comprendre
»). C'est pourquoi, ces actes rendus proches dans le discours, voire
peut-être familiers dans l'espace de vie, par le pronom
démonstratif « ça », rendent compte des contraintes
intellectives qu'implique l'établissement dans un autre idiome. De fait,
une première conclusion sur ces extraits, nous laisse penser que J
évolue de façon alternée entre son soi in esse et
une identité in fieri qui a du mal, en situation, à
trouver un équilibre.
A l'inverse, AL se trouve dans l'espace et dans le temps de la
langue française : son appropriation a des caractéristiques
communes avec la pétrification in esse.
186. AL : C'est la même langue. Par exemple si tu parles
en allemand, c'est... pour aller il faut recommencer à zéro,
parce que pour être à l'aise dans un pays, il faut parler
la langue, ça c'est obligé. Tu tu tu.. moi, moi je ne
peux pas quitter la Côte d'Ivoire pour aller parler les gens.. Les
allemands, le français, ils vont pas, ils vont même pas me
regarder, parce que la langue dont je parle il ne sait pas c'est quoi ,alors
là c'est à moi de me concentrer, connaître leur
langue, parce que ça va m'aider à
m'intégrer, mais je peux pas quitter de la Côte
14
d'Ivoire pour venir imposer ma langue en
allemand, c'est impossible, c'est pourquoi j'ai vu que en Belgique on
parle le français et néerlandais, et comme je suis francophone,
je me suis dit que je suis bien ici.
Selon nous, trois éléments nodaux traduisent la
subjectivité du locuteur : les dipôles pronominaux « j'/je
»/ »moi/me »-« ils » et adjectivaux « ma
»-« leur », l'emploi des expressions impersonnelles « il
faut parler »/« ça c'est obligé » et la
présence du verbe attributif « être ». La construction
binaire pourvoit au tour de parole une valeur identitaire constructive. La
position syntaxique du pronom personnel tonique « moi »,
antérieure à celle de l'adjectif possessif pluriel « leur
», exprime la responsabilité personnelle de AL vis-à-vis de
la situation extralinguistique. En outre, le signe grammatical « moi
» dans la proposition infinitive « c'est à moi » accentue
l'implication du sujet parlant, en décrivant une situation
d'énonciation rattachée à l'idée d'appartenance. La
seconde donnée procure au discours un effet emphatique qui paraît
en appeler à la subjectivité de l'interlocuteur. AL
déclare une opinion engagé par le biais de formes neutres, «
ça c'est obligé », comme pour atténuer son statut de
sujet dans l'énonciation. Au regard des tours de parole
précédents, on peut supposer que l'informateur démontre
une relative dépossession de soi en raison de son histoire politique
personnelle. Enfin, un dernier paramètre concerne le choix de l'adjectif
attribut usité par l'énonciateur dans « je suis francophone
». Privé de son terrain contextualisé, le syntagme serait
rendu semblable à l'identification d'un locuteur de français
confirmé tel un Canadien, un Suisse ou un Belge. Dans notre cas
d'étude, la construction phrastique énonce une pensée de
AL qui le conforte et l'assoit, peut-être aussi aux yeux des autres, en
tant qu'ayant droit linguistique. Cette subtile variation langagière se
voit renforcée dans l'énoncé par l'adverbe « bien
», garant de la conformité situationnelle de notre
énonceur.
164. AL : Non je me sens bien parce que dans l'association y a
du monde et tout un chacun a son comportement donc il faut, il faut, il
faut t'adopter, il faut pas faire comme tu es chez
toi, tout un chacun a son comportement donc
c'est à toi de connaître les gens à qui
il faut, tu peux faire quelque chose avec lui, à qui tu
dois te méfier, donc dans la société c'est
toujours comme ça, mais... d'abord il faut
te respecter, si tu te respectes tout le monde je pense que tout le
monde peut te respecter aussi. Je me sens à l'aise ici, malgré
que je suis le seul peau noire ici mais je me sens à l'aise.
Dans cet extrait, on retrouve les éléments
relevants cités auparavant, notamment les récurrences emphatiques
ainsi que la notion d'appartenance et de responsabilité : « il faut
»,
15
« c'est à toi ». Par ailleurs, la
finalité de l'adverbe « toujours » correspond parfaitement
à sa sémantèse originelle qui marque la durée sans
discontinuité, vu qu'il est combiné avec le verbe «
être » au présent. Affecté de l'idiolecte, la sentence
fait connaitre les certitudes de AL quant au respect linguistique et
comportemental dû au pays d'accueil.
162. AL : Métier... parce que tu peux pas avoir de
l'argent sans travail et le travail aussi il faut apprendre le
métier donc euh... et si tu veux voir aujourd'hui je viens le cours du
français ici c'est par rapport à un métier que je voulais
faire, pour faire ça, il faut être... il faut être
compétent je crois dans... c'est pourquoi je suis là.
Ce passage nous interpelle pour une raison précise qui
intéresse, encore une fois, la subjectivité du sujet parlant. La
tournure impersonnelle persistante « il faut » s'accompagne d'un
adjectif qui donne à la lexie une importance pragmatique. Dans un tout
autre cadre que celui de l'association, le vocable « compétent
» concerne la formulation d'aptitudes ou d'habiletés dans un
domaine précis. Contextualisé dans notre cas d'étude, le
même syntagme explique les savoirs linguistiques que connait tout
individu en langue. En ce sens, AL offre un degré de performance tel
qu'il l'entend en matière d'appropriation d'idiome.
Au vu de l'analyse de ces tours de parole, on se rend à
l'évidence : AL se considère et se parle en tant que locuteur
confirmé de langue française. Par conséquent, nous ne
sommes point surprise de transcrire les propos suivants :
208. AL : Ben je peux dire que avec mes amis on parle le
français de la rue hein, ah oui ! Si c'est sérieux maintenant on
parle le français de l'école mais avec les amis,
ça ça est dans notre sang.
A l'image de toute langue, le français est nanti de
nombreux sens métaphorique et il en joue. En d'autres termes, la voix
humaine, soit l'énonciateur confirmé, s'en délecte. D'un
point de vue définitoire, la rhétorique consiste à
établir une ou des analogies entre deux entités qui disparates,
sont alors confondues. Une éloquence langagière qui n'est
attribuée en général qu'au sujet parlant confirmé
et, qui plus est, talentueux ou... compétent. En utilisant cette figure
de style, AL satisfait à sa propre subjectivité dans la mesure
où « ça est dans notre sang » remplit la fonction
d'attestation, d'authentification de sa qualité de locuteur francophone.
Concomitamment, l'énoncé extériorise le lien ontologique
qui habite AL comme s'il émanait de son idiome in esse
c'est-à-dire de son être transcendantal héritier
d'une
16
lignée. Par la même, cet exemple regagne la
thèse d'Humboldt selon laquelle l'idiome est une energeia, tout
comme ici elle représente par le « sang », une
vitalité. Par conséquent :
175. S. : Qu'est-ce qu'il te manque alors pour bien bien bien
parler français ?
176. AL : Bon.... euh... je pense que l'article me
manque en français.
À l'aide d'une proposition complétive positive,
AL formule ses carences linguistiques générant une certaine
influence sur les pensées exprimées. De fait, le locuteur par le
choix de cette tournure discursive, pose sa personnalité dans le temps
mental de la compréhension in fieri. À première
vue et au terme de cet examen, le changement virtuel dudit locuteur nous semble
plus qu'opératif.
Avec M, nous assistons, comme pour J
précédemment, à une division idéologique. Le
passage qui suit contient des éléments pertinents dont un doublet
pronominal « je »/ »moi »« ils »/ »elles
» ainsi que la locution verbale « je suis pas d'accord ». Les
deux données s'en rapportent à la subjectivité de
l'énonceur.
26. M : Non.... Moi je veux pas des histoires
alors tu obéis à Maroc et voilà c'est ça.
Après, je viens à l'ASBL pour apprendre
français et pas arabe. Je veux vivre à Belgique
Saint-Josse. Tu comprends ? C'est bien oui. L'arabe moi je le
sais déjà. C'est pour ça.... Quand.... Mardi.... Euh :::
ils se disputent pour pour l'arabe, je suis pas
d'accord. À l'ASBL, c'est parler le français pas
l'arabe. Madame L. elle a raison. Xx xxx je reste chez
moi alors. Je comprends pas ça.
Je crois c'est la la la chance de parler français et
avoir des professeurs pour ça. Mais... y a des personnes qui ne... mmm
savent pas. Elles sont pas contentes et veulent arabe.
Pourquoi ?... euh ::: je je sais pas.
Le dipôle souligné supra fonctionne en
langue française comme une marque de distinction syntaxique
fréquente se référant, dans le temps de
l'énonciation, à la présence de tiers. En
conséquence, ledit ensemble binaire peut manifester toute sorte de
sentiments allant du constat à l'émotion. En outre, en son
absence, l'énoncé français se réduit à une
chaine parlée incompréhensible pour et par tous. Par nature, le
système linguistique francophone se caractérise par ses
référenciations personnelles et interpersonnelles qui traduisent
une individualisation de soi. A l'instar de AL, l'énonceur produit un
discours comme une objectivation dialogique du monde de l'association : «
moi »/ « les autres » à laquelle il participe. On peut en
effet concevoir que l'usage de la locution verbale d'état « je suis
pas d'accord » veuille transmettre expressément une idée de
rupture. Plus qu'une description, cette lexie reflète un trouble
affectif personnel au locuteur. En réalité, le tour de parole
n'est
17
pas insignifiant en ce sens où il signe une
séparation d'avec quelqu'un ou quelque chose. Ici, l'énonciateur
non confirmé omet l'usage de la préposition relationnelle, ce qui
rend la préhension de ses sentiments incomplète. En adoptant une
telle expression d'opinion, M devient apte à donner son avis, à
s'affirmer ontologiquement dans ce cas, au travers de la négation d'une
situation : celle de l'irrespect linguistique.
Issu du même passage, les sentences suivantes :
26. M : Non.... Moi je veux pas des histoires
alors tu obéis à Maroc et voilà c'est ça.
Après, je viens à l'ASBL pour apprendre
français et pas arabe. Je veux vivre à
Belgique Saint-Josse. Tu comprends ? C'est bien
Là encore, la sémantique contextualisée
fait foi pour une bonne compréhension du monologue. Le substantif «
histoires » définit l'acceptabilité de l'examen de la
subjectivité discursive. Le locuteur confirmé devinera le sens
figuré de cet énoncé c'est-à-dire, le refus de
soucis ou de problèmes quelconques. La phrase demeure alors coercible
à une volonté comportementale introduite et, par les emplois
habiles du verbe transitif « vouloir » et, par la négation
orale « pas ». D'autre part, la réitération de ce
même verbe quelques vocables plus tard, conforte l'intention ferme du
sujet parlant en termes d'opinion. « Je veux vivre à Belgique
Saint-Josse » met en exergue non seulement le sentiment vital d'être
pour M, grâce à la forme nominale du verbe à l'infinitif
mais également, la vision spatiale limitée que la locution
nominale suppose. Deux possibilités peuvent être
déclinées : ou l'énonceur a omis la préposition
« à » après l'idiolecte « Belgique », ce qui
rendrait cette portion de phrase syntaxiquement correcte, ou bien M souhaite
explicitement préciser son lieu de vie comme celui du pays-quartier
« Belgique Saint-Josse ». Enfin, la présence du pronom
personnel sujet « je » paraît attester le statut de locuteur
transcendantal de M.
Au fil de l'entretien, notre informateur passe de la paire
pronominale « je »-« ils »/ « elles » au doublet
du même type « je »-« eux ».
18
62. M : Non. Oui.... Non, non. Pas de soleil mais le le le
contact avec les gens vraiment difficile pour moi. Je
ne sais pas faire comme eux euh ::: pas dehors, pas
le bruit, pas la famille. Je comprends pas quand
j'arrive... Mmm maintenant ça va, ça va. Un
petit mieux hum.
Les entités sémantiques ont évolué
vers le pronom personnel sujet de la troisième personne du pluriel. On y
discerne une suite d'idées qui pourrait être honorablement
endossée par un locuteur confirmé. Ici la maîtrise de la
syntaxe est nécessaire. La place du pronom personnel de la
troisième personne du pluriel « eux » oriente le sens du tour
de parole. L'unique chose présumable est que M ait voulu se
référer aux « gens » par l'utilisation de la
proposition comparative « Je ne sais pas faire comme eux ». «
Eux » se voit coordonné au substantif sujet « les gens ».
De fait, la phrase procure à l'énonciation un renseignement
inhérent aux capacités et/ou aux connaissances du locuteur
concernant, supposons-nous, la langue et la culture des autochtones. De prime
abord, M paraît en être au stade de représentation des
éléments environnants : la langue française, la langue
arabe, les apprenants de l'ASBL, les Belges. Selon Bajriæ
l'énonceur en serait à la première étape
sur son chemin linguistique in fieri (2013 : 128), ce qui implique
qu'il lui resterait deux phases nodales à acquérir : l' «
être » et le « vouloir-dire » en français.
Avant de poursuivre plus en avant notre analyse, nous
souhaiterions préciser que nos commentaires émis sur les
principes de la linguistique-didactique s'inscrivent dans une démarche
de « cohérence du dire de la langue »
(Bajriæ, 2013 : 135). Cela signifiant que notre
tâche ne consiste pas à annihiler et critiquer les
énoncés proposés par les locuteurs, au contraire nous nous
efforçons de saisir cette energeia vers une meilleure approche
de la compréhension du français. Observons à
présent la narration de I.
73. S : Pourquoi tu es venue à l'ASBL
?
74. I : D'abord pour améliorer mon français
parce que moi j'ai appris toute seule le français mais
voilà c'est pas un jo- joli français je crois.... [...]
La sentence présente une construction syntaxiquement
simple qui est considérée comme cohérente dans la mesure
où la locution conjonctive « parce que » répond
à notre question explicite « Pourquoi tu es venue à l'ASBL ?
». Pourtant la lexie nous met en présence d'une
19
construction antithétique pronominale / adjectivale
« moi je »/ « toute seule ». Elle invite à se
questionner sur sa raison d'être dans la production de I. Si l'on prend
en compte le vouloir-dire de la langue française, nous entendons que
notre énonciatrice marque la distinction entre elle et les autres
grâce à l'introduction du « moi » apposé à
« je » et de l'expression « toute seule » qui insiste sur
l'idée d'isolement dans un espace. Un tel idiotisme déterminant
le dire du français tend à asseoir la position d'autodidacte
accomplie dont se revendique I. De fait, en début d'énoncé
l'informatrice use du substantif « d'abord », ce qui ajoute davantage
au vouloir-dire de son discours en langue in fieri. Elle exprime un
fait bien précis : la hiérarchisation de ses priorités en
termes d'appropriation de l'idiome. La narration tout à fait
adaptée aux circonstances de l'énonciation entraîne
pourtant I vers ces propos :
74. [...] euh je voudrais parler mieux....
plus.... Plus je sais pas plus comme toi et L tu vois ce que je veux
dire hé. [...]
L'énoncé est toujours censé
répondre à notre question de départ. À
présent, la locutrice avance des raisons formulées de
façon un peu inattendue. La première de la phrase s'avère
correcte attendu que l'adverbe d'appréciation « mieux » se
positionne syntaxiquement ou après ou avant le verbe qu'il modifie.
Quant à l'usage du mode conditionnel, il est conforme avec les canons
linguistiques français si I demeure consciente qu'elle nous fait une
demande, voire une exhortation vers une recherche de solutions. En ce sens, la
valeur modale et donc imaginaire du conditionnel est respectée.
Toutefois, l'assemblage du comparatif de supériorité « plus
» et de l'adverbe de comparaison « comme » semble fortuit. Le
vouloir-dire de la langue impose une sélection tranchée entre
« plus que toi » ou « comme toi ». L'idiotisme de I
s'avère défaillant mais interpelle puisqu'il indique la
qualité supérieure linguistique que l'informatrice accorde
à S et à L. En cela, nous suggérons que I parle du
français tel un possible accès vers le mode in esse.
Cela signifiant, qu'elle désire s'approprier la langue nouvelle autant
qu'un locuteur confirmé. En réalité, cela reste de
l'interprétation linguistique car l'énonceur « avoue »
elle-même qu'elle demeure incapable de ce qu'exprimer plus clairement :
« tu vois ce que je veux dire ? ». C'est pourquoi, elle en appelle
à l'intersubjectivité de la situation extralinguistique.
20
46. [...] ouais je parle français et j'aime vraiment
c'est intéressant mais... mais c'est c'est pas langue en
réalité. Tu vois ce que je veux dire ? C'est pas
méchant ce que je dis c'est juste que c'est pas ma
langue c'est tout.
À sa lecture, on observe encore un énoncé
désordonné, accentué ici par le complément
circonstanciel « en réalité » qui vient s'opposer
canoniquement à « en principe » (l'expression ne figure pas
dans l'entrevue). À cela s'intercale l'alternative catégorique
construite avec l'adverbe « tout », « c'est tout », qui
manifeste explicitement l'arrêt de paroles de I sur le sujet. La
production de la locutrice correspond à notre interrogation concernant
son bilinguisme en français : a priori il s'agit
vraisemblablement d'une thématique épineuse, peut-être
même douloureuse. En tout cas, cela nous fait percevoir la
subjectivité de l'informatrice, notamment par le biais de la locution
verbale « juste que » qui achève de légitimer sa prise
de conscience langagière in esse.
Elliptiquement, la majorité des entités
relevées dans le discours de I se révèlent ontologiquement
interprétables, de ce fait nous estimons par extension que la locutrice
appartient au temps virtuel. En effet, on la devine dans la langue par ses
connaissances langagières, bien qu'on la sente nettement en prise avec
l'idiome in esse.
L'ancrage dans une langue alterne entre des
temporalités d'entêtement et de velléité : comme
l'illustre Camus, il faut « dévaler » la pente pour pouvoir la
« remonter » (1942 : 165). Tout au long de cette trajectoire
verticale, l'énonciateur va être confronté autant à
l'écrit qu'à l'oral d'un idiome peu ou prou
incompréhensible. Et là, commence la véritable
entrée dans le monde subjectif de la langue différente.
Voilà en quelques mots ce que traduit l'interview de E.
231. E : [...] je sais lire et je sais écrire
mais j'ai jamais eu le temps d'apprendre à
écrire le français. Parce que j'ai toujours
travaillé [...]
Ce fragment contient une forte conscience de soi que l'on
pourrait assimiler à un comportement de locuteur confirmé en
français. Ainsi, le verbe « savoir » employé avec la
dextérité qu'il se doit, est un verbe de sens entier qui dote son
énonciateur d'intuition
21
personnelle. Il en résulte que les connaissances
linguistiques de l'informatrice génère des phrases syntaxiquement
correctes, pour preuve l'usage de l'adverbe « jamais » auquel aucune
particule négative n'est ajoutée. E démontre une
subjectivité face à la langue ainsi qu'une maîtrise du
vouloir-dire tout à fait remarquable. Néanmoins, d'un point de vu
sémantique le sens de la tournure dérange un peu. On s'interroge
: dans quelle(s) langue(s) E sait-elle « lire et écrire » ?
Dans sa langue d'origine et en français ? Ou fait-elle plutôt
allusion au geste graphique de l'acte d'écrire ? Sur ce point,
l'énonceur francophone a besoin d'éclaircissements mais E, en
tant que sujet parlant non confirmé, n'a pas encore atteint ce moment
réflexif.
159. E : [...] Ben moi (main sur le coeur), je dis
que je peux écrire un livre à mon
histoire. Tous les parcours que j'ai fait ici en
Belgique si si si et je saurais faire étapes par étapes
oh.
De nouveau E s'inscrit tel un individu transcendant dans
l'absolu, avec l'apparition du « je peux » qui par la locution
verbale apposée « je dis », rend compte de
l'établissement de sa pensée en français. L'informatrice
semble exister dans la langue in fieri d'autant plus qu'elle se
propose un but, un projet, traduit par le mode conditionnel : « je saurais
». À présent, douée de sa pleine conscience de
locutrice non confirmée, voilà qu'elle adhère à un
éventuel défi : celui d' « écrire un livre à
son histoire ». Certes, l'unité de discours surprend en ce sens
où l'on s'attend à la préposition « sur »
plutôt qu'à la préposition « à » puisque
le substantif « histoire » est un inanimé.
153. E : [...] Je ne sais pas rester sans
parler, c'est ma nature, je dois parler
avec les gens et c'est comme ça que je suis rentrée en
contact [...]
Avec ce passage, on reste encore agréablement surpris.
E est au demeurant un sujet puissant et déterminé, en
témoigne les verbes transitifs « savoir » et « devoir
». Ayant acquis simultanément et, le vouloir-dire et, la syntaxe de
la langue, on l'observe employer magistralement et, qui plus est à
l'oral, la négation complète « ne pas ». Elle
crée l'affirmation de soi et c'est donc tout naturellement qu'elle
écarte les circonstances situationnelles qui ne lui correspondent pas,
à l'aide de la structure infinitive « je ne sais pas rester sans
parler ». Pour finir, sa lexie comporte un belgicisme on ne peut plus
habituel, celui de la traduction du verbe « pouvoir » par le verbe
« savoir ». On pressent chez E une maîtrise
22
et une intériorisation des formes langagières
françaises vraiment admirables. Cet outil lui offre apparemment une plus
large part de conscientisation de soi qui, réciproquement, favorise le
génie de l'idiome.
207. E : Pour tout, c'est bizarre xx xxx non, mais les mots
viennent plus facilement, tu vois quand tu veux expliquer un truc,
machin, je ne sais pas moi le français vient
directement et je va chercher maintenant pour
l'albanais.
Bien entendu, l'appropriation d'une langue nouvelles n'est pas
sans embûche linguistique, cela signifiant sans faute ni erreur, ni sans
méconnaissance lexicale. Dans cet extrait E ne parvient pas à
nommer la locution qui convient soit « quelque chose ». Pour pallier
son insuffisance linguistique du moment, elle se rapproche d'un autre registre
du français, le langage familier : « truc », « machin
». Il est communément reconnu que le locuteur francophone ait une
capacité à passer d'un registre à l'autre, quoique de
façon variable selon les sujets parlant, et que cette activité
s'introduise dans les énoncés. Or, l'énonciateur non
confirmé enclin à la traduction in esse au moindre
obstacle rencontré, ne s'aventure pas spontanément vers cette
stratégie énonciative. Peut-être est-ce l'idiome d'origine,
ici l'albanais, qui encourage ce comportement ? On ne saurait l'affirmer. Quoi
qu'il en soit, l'informatrice se sent tellement « confirmée »
qu'elle se retrouve à essuyer des tentatives, parfois vaines, de se
« dire » en idiome in esse : « je va chercher
maintenant pour l'albanais ». Ajouté à l'adverbe «
maintenant », l'idée développée relève d'un
présent linguistique énonciatif c'est-à-dire que E nous
explique sa nouvelle vie langagière depuis sa compréhension du
français.
2.2. Les signes et les comportements linguistiques se
renouvellent
La pratique des langues en situation de plurilinguisme
implique la construction d'une ou d'identités linguistiques, en
l'occurrence des personnalités qui se façonnent au gré des
dynamiques interculturelles environnantes. La composante ontologique faite
d'idiomes et de morceaux de soi, favorise l'intégration sociale du
locuteur non confirmé. Dans le champ de la
23
linguistique-didactique, on parle d'assimilation linguistique
comportementale (Bajriæ, 2013 : 63). Nous tenterons donc
de l'identifier dans les fragments issus des entretiens individuels.
Revenons à l'informatrice J qui n'apparaissait pas
capable de nommer les choses dans leur temporalité et qui par
conséquent, ne parvenait pas à s'établir dans la langue
in fieri.
279. J : Non, sinon je commence à pleurer je parle
pas (rires).
L'énoncé correspond à un thème
cher à J, celui des échanges qu'elle entretient avec un migrant
de même origine. Sur le plan syntaxique la construction reste simple et
correcte si l'on prend en compte la dominante orale dont est dotée la
production. Ainsi, l'absence de la particule négative « ne »
finalisant le refus pourrait être recevable, autant de la part d'un
locuteur francophone que de J. Ce qui nous interpelle ici c'est plutôt la
polysémie du verbe « parler », qui signifie prononcer des
sons, des paroles, exprimer sa pensée, communiquer. Comment
l'interpréter dans son cas ? A notre sens et au vu des exemples
développés auparavant, nous pensons que l'informatrice n'exprime
pas sa pensée face à son interlocuteur de même langue
in esse. Certes, J a ses raisons qu'elle expose, cependant
d'après son entretien individuel, nous estimons que la locutrice
présente une inertie identitaire qui s'introduit dans ses idiomes. On
l'a observé dans le précédent paragraphe 2.1.,
l'énonceur réitère les mêmes constructions
phrastiques aux tournures neutres : « c'est », « ça
». Son actuelle maladresse linguistique nous pousse à opiner que J
est un « moi » élément de l'écologie humaine
(cf. Annexe 15). En cela, nous entendons que l'énonciateur ne
réussit pas à entrer dans une dynamique linguistique in
fieri.
A contrario AL met en exergue un comportement de
locuteur accompli, allant même jusqu'à différencier les
langues françaises de son pays :
204. AL : Non non non je parle euh... tu sais en Côte
d'Ivoire y a le français de la rue et y a le
français de l'école... et le français de la rue
voilà ils parlent entre eux, toi t'y es là [...]
Dans cette phrase AL distingue les deux types de
français qu'il connait à l'aide du morphème de
présentation « y a ». Une fois encore, c'est un clin d'oeil
à l'usage oral de l'idiome et nous ne pouvons le reprocher à un
énonciateur non confirmé. Ici l'énonceur opère un
choix
24
linguistique entre la variété des langues
possibles en Côte d'Ivoire c'est-à-dire qu'il établit une
sélection au niveau de son répertoire langagier. C'est ainsi que
s'explique tout locuteur affirmé qui opte, qui fait des choix en
connaissance des choses, de son « être » et du vouloir-dire de
la langue. À notre sens, AL relève d'un « moi »
conscientiel bien dans ses langues (cf. Annexe 16).
Confronté à une dichotomie langue in
esse/ langue in fieri au sein même de l'association, M
expose un comportement d'un tout autre registre.
2. M : Bien (silence)... Je suis parti du Maroc pour la
Belgique car j'a ::: j'avais besoin de l'argent. L'économie était
difficile là-bas à xx xxx je pensais beaucoup et après
beaucoup de solutions, je je trouvais : traverser la
Méditerranée !
3. S : Traverser la Méditerranée ?
4. M : Je ..... je vois pas autre solution, tu vois.... Je
suis ma- je pars par la Méditerranée 1968. Et là j'arrive
gare du Midi (sourire)... la gare de l'espoir on appelle
(silence) avant. Je sais pas qui qui.... dit ça... mmm ça.
5. S : Ah c'est joli la gare de l'espoir
6. M : euh ::: je sais pas. On croit du bonheur, pour
la famille, les enfants. On était beaucoup beaucoup beaucoup
pas savoir quoi faire ou ou quelqu'un mmm mais bon.... Mon père a fait
avant et je sais là là on savait trouver du travail vite.
Nous assistons ici à une interférence
comportementale sachant que le discours émis par M procède d'une
attitude linguistique à la française : la figure
rhétorique. De manière générale, on trouve ce genre
de constructions métaphoriques dans les propos d'un locuteur
confirmé. Pourtant, M est le second après AL, à faire
usage de ce genre de processus. Que peut-on objecter ? Selon nous la
présence de substantifs au contexte métaphysique tels que «
la gare de l'espoir » s'inscrit dans une certaine idéologie
corrélée aux origines. En effet, il semblerait que l'informateur
adhère au canon historique de la migration et en conséquence, au
canon linguistique de la langue française. Soyons prudents
néanmoins, supra nous avons pu constater que M n'est pas au
bout de son appropriation de l'idiome in fieri. En d'autres termes,
son comportement linguistique s'avère nettement modifié hors de
toute interférence comportementale maîtrisée. En
définitive, il nous a paru judicieux de dénommer M comme un
25
« moi » perpétué (cf. Annexe 17). Son
parcours linguistique est intrinsèquement corroboré à
celui du voyage migratoire. Les représentations sociales sont largement
véhiculées par l'usage qu'il fait de la langue.
46. I : Oui non bilingue. Non non je suis pas bilingue
en français. Français je parle
seulement ici en cours ou bien dans la rue ou non ben
quand c'est pas Saint-Josse ou que je connais pas les gens....
(silence). Tu vois c'est... c'est un peu un peu... [...]
D'un point de vue sémantique, on saisit parfaitement
l'idée générale de I qui consiste à s'affirmer en
tant qu'individu appartenant à une communauté linguistique. En
réalité, le pronom personnel non prédicatif « je
» se rattache à des situations qui ne lui sont pas
familières, dans le sens où elles concernent le domaine public :
« en cours », « dans la rue », « quand c'est pas
Saint-Josse ». Ces détails comportementaux au-delà de
l'aspect interculturel, renseignent sur l'état langagier de
l'énonceur et transforme le discours en une communication porteuse de
message identitaire. « Être dans une langue » c'est aussi
contrôler nos attitudes mentales, voilà pourquoi nous choisissons
de définir I comme un « moi » adapté fidèle
(Annexe 18).
Pour ce qui de E, il convient d'orienter l'analyse vers la
théorie de l'expansibilité du temps. Imprégnés par
les moeurs actuelles qui nous poussent dans la course folle contre la
satisfaction, on utilise sans modération les termes « je n'ai pas
le temps », « oui mais très rapidement alors», « oui
mais je pourrai pas rester tard ». Ces vocables renvoient à un
paradoxe humain où l'on croit à la maîtrise des
durées, bien que nous soyons inaptes psycholinguistiquement à
exister parmi la succession des évènements. On retrouve dans ce
phénomène la problématique contemporaine de l'anomie. Cela
dit, des sujets parlant telle que E, nous rappelle que le temps est cyclique et
que, pour sûr, nous ne le dominons pas.
297. E : Je te dis : je peux écrire un livre.
T'auras jamais fini avec moi, je te jure t'auras
jamais fini. Parce que si je dois raconter, oh
yayaille. [...]
26
En ce qui concerne la syntaxe, la positon de l'adverbe «
jamais » entre l'auxiliaire et le participe passé, donne un
sentiment confirmé de l'usage de la langue. La maîtrise de ces
entités favorise grandement l'appropriation in fieri et, de
fait, participe à la construction identitaire de son énonciateur.
E se retrouve en langue nouvelle puisqu'elle va même jusqu'à
caractériser notre travail d'enquêtrice comme une tâche
stérile, voire interminable : « « t'auras jamais fini avec moi
». Sa réflexion n'est pas sans nous évoquer le mythe de
Sisyphe (cf. introduction, Partie 3) et l'absurdité de son
activité. En cela, l'énonceur extériorise ici l'ensemble
des contenus cognitifs caractérisant sa vision du monde, tout comme elle
le ferait sans nul doute dans son idiome originel. Pour nous, après la
prise en compte des fragments examinés dans cette partie, E s'assimile
à un « moi » hypertrophié qui se pense dans le temps
(cf. Annexe 19).
Si les échanges en communication possèdent une
portée symbolique, il nous faut veiller en tant que professeure FLE
à nos attitudes linguistiques et comportementales comme à celles
des locuteurs non confirmés. Dans le contexte plurilingue de
l'association Avenir de Saint-Josse, il est nécessaire de prendre
conscience de la diversité linguistique et comportementale environnante.
Ainsi, nous avons pu dresser le portrait, somme toute inachevé, de cinq
énonciateurs bien distincts, indépendamment de la
comparabilité de leurs langues in esse. « Mois »
élément de l'écologie humaine, perpétué,
adapté fidèle ou hypertrophié dans le temps, nous
constatons que leur identité linguistique repose, en premier lieu, sur
la connaissance et l'acceptation de leur propre culture humaine. Par-là,
nous nous référons à l'expérience ontologique de
l'énonceur en tant que sujet parlant in esse. Nous en revenons
au concept d'anomie qui, à défaut de temps, entrave
l'élaboration de toute histoire identitaire. Par la suite, une dynamique
langagière doit se mettre en place, passant par les aléas des
erreurs, du contrôle(le « monitor ») et de la
subjectivité ou du vouloir-dire de l'idiome. L'objectif réside,
en évitant le « ne plus en pouvoir »91, dans la
reconnaissance sociale d'une communauté de langue et de culture
différente : l'altérité.
91 Nous faisons allusion à la
chronogénèse de Guillaume et plus spécialement, à
l'image-temps in posse telle une étape potentiellement
harassante.
27
Chapitre 3 : Les catalyseurs pour une démarche
didactique au sein de l'association
L'association de migrants de Saint-Josse s'avère
être un acteur incontournable dans l'appropriation de la langue
française à Bruxelles. Si sa mission principale reste la
coordination des actions de terrain, la définition des objectifs et des
contenus ainsi que la formation complétée des éducateurs,
l'ASBL n'en demeure pas moins un lieu de vie « à forte connexion
sociale »92. Soucieuse de faire accéder les
énonciateurs « en mal de français »93
à la compréhension de l'idiome, la directrice d'Avenir ne cesse
de (re)canaliser les besoins des locuteurs. C'est pourquoi, elle n'a pas
hésité à suivre et à accompagner notre parcours
d'apprentie-chercheure pour que nous colligions, lors d'échanges
naturels, nos réflexions didactiques.
Comme le démontre notre travail de recherche, nous
concevons l'établissement en idiome in fieri en trois «
actions » (Tesnière, 1982) :
- Pouvoir communiquer (dynamique) ;
- Pouvoir déterminer des valeurs (expérience
ontologique) ; - Pouvoir se pluraliser (l'altérité).
S'inspirant des travaux de Pelfrène (1977 : 40-50),
voici ce que Madame D et nous-même avons jugé bon d'envisager :
- une compréhension linguistique et sociolinguistique
comprise, pour pouvoir communiquer en français. Cette remédiation
vise des énonceurs tels que J ou M. Les faits de langue concernent les
opérations mentales mises en jeu lors des activités de
correspondance phonie-graphie ainsi que celles subordonnées à
l'espace graphique. En
92 Nous citons les propos de l'informatrice Madame D,
directrice de l'association.
93 Ibid.
28
cela, nous nous en rapportons à la description de E qui
évoquait cette problématique. Par ailleurs, nous suggérons
le développement d'activités générées par
les groupes de discussion, dans la perspective de pointer les erreurs,
contrôles et vouloir-dire de la langue ;
- une appropriation psycholinguistique qui adhère
à une certaine idée de la confiance en soi, telle que nous avons
pu l'observer dans le discours de E. D'un point de vue ontologique, nous
tendons vers la gestion du sentiment d'échec langagier et identitaire
par un travail conjoint des énonciateurs autour du sentiment de perte de
soi. . La reprise de l'ouvrage interculturel du Collectif ASBL Alpha nous
paraît une bonne approche vers l'épanouissement du comportement
linguistique (cf. Partie 2, §3.4.1.) ;
- un établissement idéologique en
français pour pouvoir être un acteur investi, autant dans le
domaine public que privé. Une perspective didactique qui a jailli des
énoncés antithétiques de AL et de I. En effet, il nous
semble que pour retrouver son équilibre identitaire, le locuteur a
besoin de se repérer dans le « processus éminemment temporel
qui se réfère au vécu, à la durée comme
à l'histoire » (Ardoino, 2001 : 14) et prétendre ainsi
à une energeia locutoire. En outre, toujours d'après
l'analyse de l'entretien de AL, il nous a paru pertinent de familiariser les
sujets parlant avec le système éducatif belge et sa politique de
formation continuée, par le biais de modules sur la
citoyenneté94.
In fine, et d'un point de vue personnelle, nous y
rajouterions une piste langagière issue de La grammaire des fautes
de Frei (1929) : l'accès au langage historique c'est-à-dire
la maitrise de l'idiome sous sa forme diachronique.
94 Le parlement wallon a approuvé en mars
dernier, la création d'un parcours d'intégration visant les
nouveaux arrivants sur le territoire. Sa mise en pratique est prévue
dès cette rentrée.
29
Chapitre 4 : Retour sur la méthodologie et
impact sur la formation de l'apprentie-chercheure
Comme nous l'avons fait lors de la délimitation de
notre terrain de recherche (cf. Ch.2), nous tenons à contextualiser
notre travail dans une perspective sociale. En réalité, nous
croyons que les avancements technologiques récents, qui
génèrent un trafic actif de locuteurs, ont exercé un
ascendant sur notre organisation suivie. Qu'on le veuille ou non, notre
étude de cas appartient à un cadre économique, politique
et social altéré qui nous a, très souvent,
embarrassée en termes de questionnement. Quelle place octroyer aux
langues du répertoire langagier des adultes migrants :
hiérarchiser ou associer ? Comment penser des dispositifs didactiques
adéquats pour les énonciateurs in posse : dompter et
capitaliser ou se trouver au contact de l'autre et donner ? Du
côté méthodologique, quelles dispositions favorisent le
développement d'un maillage scientifique : la structuration ou la
distribution ?
En somme, ces réflexions ajoutées à la
maïeutique de nos représentations historiques et sociétales
ont largement contribué au passage du statut d'étudiante au
statut d'apprentie-chercheure, ce que Gérard décrit comme un
processus en trois temps : « Déstabilisation-Adaptation-
Familiarisation » (2009 : 122). Nous évoquions déjà,
en 2012, dans notre rapport de stage de Master 1 DiL-FLE, nos
tâtonnements quant aux relations de confiance à établir
avec les infomateurs, autant que nos difficultés à planifier et
réaliser des entretiens. Aujourd'hui, les gênes que nous avons
relevées au cours de notre travail, présentaient des similitudes
certes, mais à des degrés distincts. De fait, nous sommes dans
une position universitaire de « formation à la recherche par la
recherche » (ibid. : 192) qui nous fait en permanence, examiner un objet
subjectif par nos yeux, vers l'avenir. Dès lors, la pratique d'«
expériencer » (Robillard, 2011 : 21-29) au quotidien, nous a
donné l'accès à une première « familiarisation
réelle » (Gérard, 2009 : 193) avec l'univers de la
recherche, par le bénéfice de connaissances et de
compétences nouvelles. Selon nous, ces dernières concernent des
habiletés d'ordre :
30
- méthodologique, par la démarcation du champ
d'investigation et le suivi rigoureux d'une démarche rationnelle ;
- analytique, par l'articulation des identifiables
(expériences et résultats) avec les ouvrages bibliographiques
subordonnés ;
- comportemental, par le travail d'équipe, le respect de
la confidentialité, de l'anonymisation et la poursuite constante de
solutions.
Bien entendu, nous avons conscience que nous sommes face à
des prémices scientifiques à affiner et, surtout, à
confirmer, ce qui rejoint l'humilité cognitive dont nous faisons preuve
au regard de notre travail.
Comprendre et justifier
Être flexible
· "Déstabilisation
· Adaptation
· Familiarisation"
Situation d'apprentie- chercheure
Être autonome
Être rigoureux
Interagir
FIGURE 8 : REPRÉSENTATION PERSONNELLE DU STATUT
D'APPRENTI-CHERCHEUR.
31
CONCLUSION CIRCONSTANCIÉE ET PERSPECTIVES DE
RECHERCHE
Nous avons tenté, au travers de ce mémoire de
Master 2 Recherche, de caractériser les rapports mentaux que cinq
locuteurs adultes migrants de Saint-Josse entretiennent avec la langue
française. Pour cela, notre travail s'est souscrit à une
dualité logique reposant sur les paradigmes de la
linguistique-didactique et de la socio-ethnographie. Nous avons proposé,
en premier lieu, une vision générale des énonciateurs non
confirmés du terrain bruxellois au travers notamment de l'Histoire
contemporaine et de ses mouvements migratoires. Puis, nous avons ciblé
la Région de Bruxelles-Capitale en matière de mobilité,
pour démontrer en quoi elle constituait le point d'ancrage de notre
étude. En second lieu, nous avons attiré l'attention sur les
concepts philosophiques et psychologiques sur lesquels repose notre
étude de cas. Au travers de la nature de la linguistique-didactique,
nous avons réalisé que la seule observation « externe »
du corpus ne pouvait répondre à notre problématique :
c'est pourquoi, les comportements psycho-discursifs nous ont largement
orienté (Partie 1). Par ailleurs, nous avons mis en perspective la
conception d'un objet de recherche dont les objectifs et les hypothèses
sont hérités d'une étude antérieure
subordonnée au rapport de stage de Master 1 DiL-FLE. Puis, nous nous
sommes penchée sur la « contextualisation »
institutionnelle avec les profils particuliers des locuteurs migrants qui
composent notre terrain d'enquête au coeur de l'ASBL Avenir. Enfin, nous
avons explicité le recueil de données hétéroclites
formées et justifié leur conversion en corpus (Partie 2).
La première partie consacrée au cadre de nos
investigations ainsi qu'aux enjeux socioculturels et psycholinguistiques de
l'idiome français, a favorisé la compréhension de
l'établissement du locuteur en langue in posse grâce en
l'occurrence, à la connaissance de la structuration de l'immigration au
sein de la zone sociolinguistique bruxelloise. Les sujets parlant migrants sont
apparus comme tout individu : de petites histoires personnifiées
attachées à la grande Histoire (Ch.1). Si l'idiome est un «
espace d'appropriation symbolique » (Hagège, 1985 : 386), son
intériorisation rend compte également des bouleversements
identitaires. La pluralité
32
originelle, taxinomique et sociétale des idiomes met en
évidence la richesse des rencontres d'ordre langagier et comportemental
qui se profilent dans la langue in fieri. Voilà pourquoi, il
nous a semblé opportun d'insister sur la notion de représentation
linguistique et sociale. Il nous semble que le processus psychique in
posse ne relève pas aisément de l'interprétation de
deux univers sinon de la perspective d'une création de soi (Ch.2). En
conséquence, l'analyse des comportements psycho-discursifs du locuteur
adulte a favorisé l'accès aux manières d'exister en
français. Finalement, la première partie de notre mémoire
s'est dédiée, de prime abord, à esquisser un cadre
ethnologique précieux pour l'intelligibilité de
l'établissement en langue in fieri des sujets parlant de
Saint-Josse. Ensuite, elle a éprouvé de mettre en lumière,
les tiraillements cognitifs qui résident entre les langues qui
constituent le répertoire langagier et la structure de l'idiome à
acquérir.
Quant à la seconde partie de l'étude, elle s'est
focalisée sur la problématique de recherche et la
méthodologie employée pour réaliser nos investigations.
Nous y admettons que la genèse de notre projet de recherche est due
à un travail universitaire précédent, qui nous a
amenée à définir la matière de nos investigations.
Soit, comprendre, dans une perspective sociolinguistique, la construction de
soi en tant que locuteur de langue française. Cependant, c'est avec
notre sujet actuel que nous affirmons être entrée dans une
détermination, catégorisation et explicitation des
phénomènes d'alternance linguistique. De fait, nous nous sommes
proposée de répondre aux questions suivantes :
- Quels signes linguistico-cognitifs marquent les
périodes temporelles de la construction identitaire du locuteur non
confirmé en langue française ?
- Quel est le modus operandi qui crée
l'installation du sujet parlant en idiome in posse ? - Quelles
techniques didactiques privilégier dans le domaine des sciences du
langage ?
Pour ce faire, nous avons justifié l'importance
particulière accordée aux signes et aux comportements
linguistiques dans l'examen du corpus. Nous avons déclaré que les
opérations mentales telles que le « monitor », l'erreur et le
« vouloir-dire » ainsi que les composantes de l'identité
(l'ontologie, la dynamique et l'anomie) ont servi à l'analyse des
entretiens (Ch. 1).
33
En outre, nous avons contextualisé notre travail
d'étude à l'aide de trois paramètres essentiels : social,
situationnel, temporel (Blanchet, 2011 : 18) et relationnel. La
définition du paradigme ethnographique de Blanchet (2011 : 18) est venue
confirmer notre ligne de conduite heuristique :
- une orientation constitutive du réel car nos travaux
s'appuient sur des questionnaires et enregistrements ordonnés ;
- une orientation empirique réflexive qui rend compte,
sous la forme d'un « corpus restitutif » (Blanchet, 2011 : 10-12) des
phénomènes langagiers par les informateurs : journal de terrain,
sources écrites et échanges non dirigés.
Par ailleurs, l'organisation du travail de recherche de Master
en sciences du langage impliquant certaines déterminations d'ordre
personnel, situationnel et éthique, il nous a semblé judicieux
d'incorporer au corps de l'actuelle étude la démarche de
rencontre. Cette dernière a concerné les premiers contacts
établis avec Madame D., directrice de l'association (Ch. 2). In
fine, nous avons justifié la collecte des données par le
concept de l'association, qui comme symbole de l'exil, requiert une
expérimentation nouvelle de notre part. Aussi, avec l'objectif
d'encourager la polyphonie des discours, nous avons opté pour une
diversité de procédés dans la collecte des données
:
- le questionnaire exploratoire, qui se veut instaurer des
relations de confiance avec les acteurs du terrain ;
- l'échange « naturel », qui telle une
narration libre, autorise des entrées affranchies de contrainte dans
l'espace discursif des informateurs (Traverso, 1996 : 131-132) ;
- les sources écrites, qui représentent une
passerelle transitoire vers les entretiens. En cela, ils recueillent la
façon originale dont les énonciateurs se figurent le moment
in posse ;
les entretiens qui permettent d'acquérir une certaine
représentativité du sujet traité, ont été de
deux sortes : collectifs et individuels. Les premiers ont facilité le
développement spontané des interactions verbales au travers d'un
thème psychosocial, pour observer et relever les énoncés
in fieri dans un autre cadre que celui du récit de vie. Les
seconds relèvent eux, de la
34
cartographie des transpositions intellectives possibles
effectuées par l'énonciateur adulte en idiome in fieri
(Ch.3). En définitive, cette deuxième partie de
mémoire a fait preuve de clarté méthodologique face au
terrain sociolinguistique ciblé tout en explicitant et justifiant
l'élaboration du corpus (Ch. 4).
Alors même que les deux approches sont, dans le corps de
notre travail, distinctes, il n'en demeure pas moins qu'elles s'avèrent
étroitement liées. De fait, le parcours de recherche
réalisé a démontré le relevant d'une
méthodologie dirigée par la sociologie et la linguistique. Ceci
apparaît comme une démarche encourageante pour nos futures
recherches éventuelles autant en Belgique qu'ailleurs. Le premier
chapitre de notre ultime partie a laissé place à la dimension
« concrète » de notre travail. Nous nous sommes
immergée dans la réalité physique, et bien entendu
linguistique, de notre cas d'étude. Notre dessein a consisté
à parcourir les données matérielles provenant de nos
outils méthodologiques afin de rendre compte de l'orientation cognitive
des énonciateurs. Ce cheminement s'est efforcé de
démontrer la « trajectoire » temporelle et linguistique mis en
jeu. Là, nous avons reconnu le caractère inexploitable des
sources écrites prélevées. Nous avons alors
expliqué les avoir écarté sous leur forme
matérielle pour les retranscrire par le biais des entretiens collectifs.
De fait, ces derniers à thématique interculturelle concernaient
les activités autour de ces écrits. Outil de «guide et
d'orientation »95 dans notre recherche, le questionnaire
exploratoire nous a procurée, dans un premier temps, la
possibilité de dresser un portrait introductif des locuteurs non
confirmés (cf. § 1.1.). Ensuite, la présentation des
résultats provenant des entretiens collectifs a permis d'observer et de
relever les représentations in esse dans un autre cadre que
celui du récit de vie (§1. 2.). Enfin, c'est au travers des
discours de nos informateurs migrants que nous avons tenté de saisir des
« clés » c'est-à-dire des positions essentielles
complémentaires dans la mise en mots du soi in fieri. Par souci
de recevabilité des résultats, nous avons procédé
à une analyse par confrontation thématique des cinq «
portraits » disponibles. Leur examen individuel a été
réalisé grâce à notre outil ethnologique, ledit
« canevas investigatif » (cf. Ch. 2). Le troisième chapitre
invite à une réflexion linguistique
95 Source électronique : Page officielle du
« Trésor de la Langue Française » :
http://atilf.atilf.fr/dendien/scripts/tlfiv5/saveregass.exe?122;s=2456656995
; r=1 ;
35
autour de propositions didactiques qui vise une certaine
homogénéité entre les considérations relatives
à la recherche en science du langage et le terrain contextualisé
de l'association Avenir. En dernier lieu, nous avons tenu à
contextualiser notre travail dans une perspective sociale (cf. Ch. 4).
Au terme de ce travail d'étude, nous réalisons
que le terrain associatif bruxellois nous a aidée à positionner
la société linguistique belge grâce à un
répertoire d'évènements et d'individus historiques.
Réfléchir au modus operandi in langagier in fieri
à partir des productions de sujets anonymes, a élargi notre
conception de l'identité. Le quartier actuel de Saint-Josse est
constitué de cultures et d'idiomes hybrides, fils à la fois des
traditions et de la globalisation. De la même manière, les sujets
parlant évoluent à travers une constante bipolarité
linguistique, comme si celle-ci était partie intégrante de leur
« Être » immanent.
Cette expérience de recherche, aux côtés
de l'Histoire et des histoires quotidiennes, s'est convertie en un voyage entre
les paradoxes vécus sur la trajectoire de l'établissement en
langue nouvelle. Nous pensons y avoir reconnu le maintien d'une
frontière linguistique engendrée par le statut
fédérateur de l'idiome in esse. Voilà pourquoi,
nous envisageons un prochain objet d'enquête autour de l'appropriation du
français en contexte communautaire.
Pour soulever un poids si lourd,
Sisyphe, il faudrait ton courage !
Bien qu'on ait du coeur à l'ouvrage,
L'Art et long et le Temps est court.
[...] Baudelaire C., 2010, Las flores del mal, «Le
Guignon» p. 116.
« Sauf à parfaire »96
96 « Quel être humain raisonnable peut
prétendre à la perfection ? » (Orsenna, 2003 :456).
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46
TABLE DES ANNEXES
Annexe 1 : Tableau récapitulatif concernant les
informateurs
Annexe 2 : Synthèse tabulaire des questionnaires
exploratoires et échanges naturels des
formatrices de l'ASBL
Annexe 3 : Questionnaire exploratoire à l'attention des
formatrices
Annexe 4 : Questionnaire exploratoire à l'attention des
locuteurs de langue(s) in posse
Annexe 5 : Grille d'entretien destinée aux locuteurs de
langue(s) in posse
Annexe 6 : « Canevas investigatif » ou grille de
questionnement analytique pour les entretiens
individuels
Annexe 7 : Conventions de transcription des entretiens
collectifs et individuels
Annexe 8 : Transcription entretien collectif 1
Annexe 9 : Transcription entretien collectif 2
Annexe 10 : Transcription entretien individuel 1
Annexe 11 : Transcription entretien individuel 2
Annexe 12 : Transcription entretien individuel 3
Annexe 13 : Transcription entretien individuel 4
Annexe 14 : Transcription entretien individuel 5
Annexe 15 : « Canevas investigatif » ou grille de
questionnement analytique pour J
Un « moi » élément de
l'écologie humaine
Annexe 16 : « Canevas investigatif » ou grille de
questionnement analytique pour AL
47
Un « moi » conscientiel bien dans ses langues
Annexe 17 : « Canevas investigatif » ou grille de
questionnement analytique pour M Un « moi » perpétué
Annexe 18 : « Canevas investigatif » ou grille de
questionnement analytique pour I Un « moi » adapté
fidèle
Annexe 19 : « Canevas investigatif » ou grille de
questionnement analytique pour E Un « moi » hypertrophié qui
se pense dans le temps
48
Annexe 1 : Tableau récapitulatif concernant les
informateurs
Identifiant
|
Informations sur les informateurs
|
Type de données recueillies
|
|
Année de naissance
|
Sexe
|
Pays d'origine
|
Questionnaire
|
Échange naturel
|
Entretiens collectifs
|
Entretien individuel
|
Sources écrites
|
A
|
1965
|
M
|
Turquie
|
X
|
|
X
|
|
X
|
AL
|
1979
|
M
|
Côte d'Ivoire
|
X
|
X
|
X
|
X
|
X
|
E
|
1967
|
F
|
Kosovo
|
X
|
X
|
X
|
X
|
X
|
G
|
1980
|
F
|
Turquie
|
X
|
|
|
|
X
|
I
|
1991
|
M
|
Maroc
|
X
|
|
X
|
X
|
X
|
J
|
1981
|
F
|
Maroc
|
X
|
|
X
|
X
|
X
|
L
|
1970
|
F
|
Belgique
|
X
|
X
|
|
|
|
M
|
1953
|
M
|
Maroc
|
X
|
|
X
|
X
|
X
|
MR
|
Non
renseigné
|
F
|
Belgique
|
|
X
|
|
|
|
R
|
1963
|
M
|
Turquie
|
X
|
|
X
|
|
X
|
49
SE
|
1980
|
F
|
Turquie
|
X
|
|
|
|
X
|
W
|
Non renseigné
|
F
|
Maroc
|
|
X
|
|
|
|
Annexe 2 : Synthèse tabulaire des questionnaires
exploratoires et échanges naturels des formatrices de
l'ASBL
Identifiant
|
Formation
|
Expérience professionnelle
|
Théorie vis-à- vis de l'appropriation de
la langue française
|
Classe En charge
|
Les méthodes d'apprentissage
|
L
|
Licence de mathématiques, Didactique
du français, Graduat (bachelier) en informatique
|
Professeure de math, Agent
de sécurité système informatique, Professeure
en alpha/FLE
|
|
FLE
|
|
M-L
|
Non renseigné
|
Non renseigné
|
Non renseigné
|
Alpha
|
|
W
|
Non renseigné
|
Non renseigné
|
Non renseigné
|
Alpha
|
|
Annexe 3 : Questionnaire exploratoire à
l'attention des formatrices
1
Pour faire connaissance, j'ai pensé vous poser
quelques questions... Première partie : les langues
1. Quelle(s) langue(s) parlez-vous ?
1ère langue : . 2ème langue :
Autres :
2. Selon vous quelle(s) langue(s) est (sont) la (les) plus
belles ?
|
q turc
|
q japonais
|
q russe
|
q français
|
q italien
|
q espagnol
|
q albanais
|
q allemand
|
q anglais
|
q portugais
|
q arabe
|
q aucune
|
|
Selon vous quelle(s) langue(s) est (sont) la (les) plus utile(s)
?
q turc
|
q japonais
|
q russe
|
q français
|
q italien
|
q espagnol
|
q albanais
|
q allemand
|
q anglais
|
q portugais
|
q arabe
|
q aucune
|
|
Selon vous quelle(s) langue(s) est (sont) la (les) plus
facile(s) ?
q turc japonais russe
français
q italien espagnol albanais
allemand
q
2
anglais portugais arabe
aucune Selon vous quelle(s) langue(s) a (ont) un grand
prestige social ?
q turc
|
q japonais
|
q russe
|
q français
|
q italien
|
q espagnol
|
q albanais
|
q allemand
|
q anglais
|
q portugais
|
q arabe
|
q aucune
|
|
Selon vous quelle(s) langue(s) a (ont) une culture riche ?
q turc
|
q japonais
|
q russe
|
q français
|
q italien
|
q espagnol
|
q albanais
|
q allemand
|
q anglais
|
q portugais
|
q arabe
|
q aucune
|
|
Deuxième partie : les compétences
langagières
1. « L'apprentissage d'une langue demande beaucoup
d'efforts et de temps ». Par rapport à cette affirmation vous
êtes :
q tout à fait d'accord plutôt
d'accord
q plutôt pas d'accord pas d'accord du
tout
2. Est-ce que selon vous, en apprenant une langue on apprend la
culture de l'autre ?
q oui non
3
Pourquoi ?
3. Cochez (maximum deux cases) ce qui vous paraît le plus
important dans la
connaissance d'une langue :
n comprendre et parler à des
degrés divers
n lire et écrire à des
degrés divers
n prendre part à une conversation avec
aisance
n connaître et comprendre la culture de
l'autre
4. « Bien connaître une langue signifie que l'on ne
commet pas de fautes ». Où vous situez-vous par rapport à
cette affirmation (cochez une seule case) :
n tout à fait d'accord n
plutôt d'accord
n plutôt pas d'accord n
pas d'accord du tout
5. Croyez-vous que l'apprentissage - ou la connaissance- d'une
autre langue facilite l'appropriation d'une nouvelle ?
n oui n non
Pourquoi ?
Troisième partie : quelques informations sur
vous
Prénom :
Année de naissance : Sexe : n F
n M
Formation :
Expérience professionnelle :
Avez-vous visité d'autres pays ?: n oui
n non
Avez-vous vécu durablement dans un autre pays ?: n
oui n non
4
Annexe 4 : Questionnaire exploratoire à
l'attention des locuteurs de langue(s) in posse
5
Pour faire connaissance, j'ai pensé vous poser
quelques questions...
Première partie : les langues
1.
Quelle(s) langue(s) parlez-vous ?
1ère langue : . 2ème langue
:
Autres : ..
2. Depuis combien de temps est-ce que vous
apprenez le français ?
n 6 mois n 1 an n
plus n autre :
Pourquoi ?:
3. Quel niveau pensez-vous avoir à la fin de
l'année scolaire ?
n Très bon n bon
n moyen n autre : Commentaire(s)
:
4. Si vous avez la possibilité d'apprendre une autre
langue, laquelle choisissez-vous ?
q gula
turc
q japonais
|
q russe
|
q français
|
q italien
|
q espagnol
|
q albanais
|
q allemand
|
q anglais
|
q portugais
|
q arabe
|
q aucune
|
|
5. À votre avis quelle(s) langue(s) est (sont) la
(les) plus belles ?
|
|
|
q gula
turc
q japonais
|
q russe
|
q français
|
q italien
|
q espagnol
|
q albanais
|
q allemand
|
q anglais
|
q portugais
|
q arabe
|
q aucune
|
|
À votre avis quelle(s) langue(s) est (sont) la (les)
plus utile(s) ?
|
|
|
q gula
turc
q japonais
|
q russe
|
q français
|
q italien
|
q espagnol
|
q albanais
|
q allemand
|
q anglais
|
q portugais
|
q arabe
|
q aucune
|
|
6
À votre avis quelle(s) langue(s) est (sont) la (les)
plus facile(s) ?
q turc japonais russe
français gula
q italien espagnol albanais
allemand
q anglais portugais arabe
aucune
À votre avis quelle(s) langue(s) a (ont) une grande
valeur sociale ?
|
|
q gula
turc
q japonais
|
q russe
|
q français
|
q italien
|
q espagnol
|
q albanais
|
q allemand
|
q anglais
|
q portugais
|
q arabe
|
q aucune
|
|
7
À votre avis quelle(s) langue(s) a (ont) une culture
« incroyable » ?
q turc japonais russe
français gula
q italien espagnol albanais
allemand
q anglais portugais arabe
aucune
6. Dans quelle(s) langue (s) vous vous sentez
être/ exister ?
q turc japonais russe
français gula
q italien espagnol
albanais allemand
q anglais portugais arabe
aucune
8
Deuxième partie : les compétences
langagières
1. « L'apprentissage d'une langue demande beaucoup
d'efforts et de temps ». Êtes-vous :
n tout à fait d'accord n
plutôt d'accord
n plutôt pas d'accord n
pas d'accord du tout
2. À votre avis, en apprenant une langue on apprend
la culture de l'autre ?
n oui n non
3. Cochez (maximum deux cases) ce qui vous paraît le
plus important dans la connaissance d'une langue :
n comprendre et parler
n lire et écrire
n prendre part à une conversation avec
facilité n connaître et comprendre la culture de
l'autre
4. « Bien connaître une langue signifie que l'on
ne fait pas de fautes ». Êtes-vous (cochez une seule case) :
9
n tout à fait d'accord n
plutôt d'accord
n plutôt pas d'accord n
pas d'accord du tout
5. Croyez-vous que l'apprentissage - ou la connaissance- d'une
autre langue rend facile l'apprentissage du français ?
n oui n non
Pourquoi ?:
Troisième partie : quelques informations sur
vous
Prénom :
Année de naissance : Sexe : n F
n M
Avez-vous visité des pays autres que la Belgique
? n oui n non
Avez-vous vécu, pendant des mois ou des années,
dans un pays autre que la Belgique ?:
n oui n non
10
Annexe 5 : Grille d'entretien destinée aux
locuteurs de langue(s) in posse
Question de lancement (histoire libre) : « Comment
vivez-vous votre installation à Bruxelles ? »
· Thème 1 : La vie dans le pays d'origine
- Lieu - École - Métier - Famille
· Thème 2 : La vie en Belgique - Raisons/
motivations de l'installation
- Valorisation des répertoires langagiers : quelles
incidences sur la construction identitaire du locuteur ? Comment
êtes-vous bilingue ?
- Expression des difficultés, des opinions (la relation
aux autres, la relation à soi)
- Les représentations du pays d'accueil et de son mode de
vie : expressions des attentes (professionnelles, personnelles) et des
besoins
· Thème 2 : L'apprentissage du français -
Fréquence et durée des cours
11
- Type et forme d'apprentissage (en ASBL, à
l'extérieur...)
- Orientation vers des partenaires extérieurs
(établissement public chargé de l'emploi, bureaux d'aide social,
etc.)
- Les ressentis de l'apprentissage : expression des attentes et
des besoins
Annexe 6 : « Canevas investigatif » ou grille
de questionnement analytique pour les entretiens individuels 97
(a)
- Quels signes linguistiques les locuteurs emploient-ils ?
- Quelle importance les signes linguistiques ont-ils par rapport
à l'appropriation du français ?
- Quels comportements les sujets parlant ont-ils face à
l'idiome in posse ?
- Quels sont les éléments qui distinguent les
locuteurs qui affirment « parler » la langue et ceux qui affirment
« ne pas la maîtriser » ?
(b)
- Comment les énonciateurs parlent-ils de l'apprentissage
en langue française ? (termes, format du discours) ?
- Quels changements sont associés à la
compréhension de la nouvelle langue ? (comportement cognitif, lexique,
construction des unités de communication, représentations) ?
- Est-ce que les énonciateurs font le lien entre idiome et
identité ?
(c)
- Quels autres comportements sont relevés ?
- Quelles techniques didactiques privilégier dans le
domaine des sciences du langage ?
12
97 Notre grille de questionnement analytique est en
accord avec nos trois objectifs de recherche (a), (b), (c) (cf. Partie 2,
§ 1.2.).
13
Annexe 7 : Conventions de transcription98 des
entretiens collectifs et individuels
Transposition
|
Correspondance sémiotique
|
Incompréhensible
|
xx xxx xxxx
|
Pauses plus ou moins longues
|
+ ++ +++
|
Allongements vocaliques ou redoublement consonantique
|
: :: :::
|
Mots en langue in esse
|
*nnn*
|
Transcription phonétique
|
[nnnn]
|
Commentaires
|
(nnnn)
|
Chevauchement
|
{nnnn
|
Chevauchement
|
{nnnn
|
Amorce de mot
|
nnn-
|
Passage omis
|
(...)
|
Accent d'intensité
|
NNN
|
Hétéro-interruption
|
\
|
Auto-interruption
|
/
|
Les locuteurs sont identifiés en début de ligne par
la première lettre de leur prénom. L'ajout de la lettre suivante
est parfois nécessaire pour les différencier.
Annexe 8 : Entretien collectif 1
Informateurs : A, AI, AS, E, EL M, F, FB, I, J,
R
Date : 28 mars 2014 Durée : 29 min 02
s
98 Les choix opérés et les symboles
retenus sont empruntés à notre premier travail de terrain. Les
règles de transcription du français parlé sont issues du
cours de Master 1 Dil-FLE de l'université d'Angers, plus
précisément de l'UE « Interaction et acquisition des langues
» dirigée par M. Vasseur.
14
Lieu : Classe FLE de l'ASBL Avenir
I : Hum ::::: il est gentil et un peu sérieux qu'est ce...
E : Curieux.
I : Curieux il est gentil un peu curieux ce que j'aime chez lui
heu ::: il respecte tout le monde. Et ::: il est généreux et
sociable j'aimerais savoir s'il a une femme II et si II il a II des
enfants...
J : C'est R.
I : Je crois que c'est R.
S : Alors donne-lui.
E : (Rires) un peu curieux ! C'est R !
I : Non elle est pas curieux, elle est généreux
elle est respectueux. Je crois c'est R.
R : (R lit) sérieux ce que j'aime xx xxx E : xx xxx xx
S : Alors on va voir donc I elle pense que c'est R xx xxx bien
qui veut continuer A ? Tu veux nous lire ta description ?
A : Il est sympathique est ce que euh :: est ce que xx xxx il y a
de xx
S :{Il E : {Il
A : Il était sérieux IIII euh ::: est :::: ja ::
gentil euh ::: un peu trop amus/ c'est pour moi je crois.
15
S : Il parle un peu trop ?
A : Oui surtout moi !
(Rires)
S : Il pense que c'est lui d'accord. Qui veut continuer ?
E : Moi !
S : E
E : Je vais dire bon ++
S : Oui
E : Elle est calme et souriante. C'est que j'aime chez elle c'est
la ++ sé ::rio ::si ::té et la + générosité.
J'aime savoir si elle est nerveuse un peu+ c'est moi. (Rires de la classe)
S : Alors tu penses que c'est qui E ? Tu penses que c'est qui ?
Que c'est toi ?++++ à toi de choisir.
E : C'est une femme en tout cas.
S : Oui c'est une femme +++++ alors on dit pas sa
sériosité je suis en train de penser I, on dit son sérieux
son sérieux.
I : Son sérieux ?
S : Ouais c'est son sé :rieux.
E : C'est comme ça qu'on dit ?
S : Sériosité c'est une traduction de :: l'espagnol
++ son sérieux.
E : C'est vrai c'est comme ça qu'on dit ?
S : xx xxx
16
E : Je croyais que c'était qu'que chose que\
S : Non ça n'existe pas. Seriedad seriedad oui mais en
espagnol en esp\
E : C'est AI alors ?
S : C'est à toi de décider c'est qui pour toi ?
E : ++ +++ ++ Humm c'est allez voilà.
S : Pour AI d'accord++ +++ euh :::::: qui continue ? AI.
AI : Il est calme ilé...
S : Il
AI : Il il est. Calme et gentil. Ce que j'aime
chez cette personne cé ces personne parce qu'ils
parce qu'il est sérieux et tranquille elle parle pas
beaucoup et il est bien habillé. E : Ça c'est R.
AI : J'aimerais++ connaître ses enfants et sa famille.
Ça c'est R.
S : R. Bon on a deux papiers chez R xx xxx xx y en a deux pour
toi.
I : Alors que moi je vais changer.
S : Non non xx xxx lui nous dira après qui il est alors
deux pour toi bon euh ::::: à qui J ?
J : xx xxx Parce que moi j'ai rien compris calme
sérieux.
S : Alors il ou elle ?
J : xx xxx
S : D'accord oui sérieux ++ +++ euh ::::: ++ +++
sérieux euh :::::gentil y parle pas
beaucoup++ E : Il ?
17
S : Et ça je ne sais pas et il a un xx xxx gentil calme
sérieux y parle pas beaucoup xx xxx
J : Cette femme dont je pense trop fermée je pas bien
connaître je crois c'est E.
S : On va voir.
E : J'ai déjà fait moi il est là mon
papier y a R qui a pas encore fait hein.
S : El M non plus.
E : Ah :::: El M n'a pas encore fait.
S : El M non plus alors El M c'est à toi ++ +++ elle
est fougueuse alors fougueuse ça veut
dire euh ::::: ++ +++ elle est pleine de vie.
E : C'est ça fougueuse ?
S : Voilà fougueuse elle crée elle prend des
risques euh
E : Ah :::::
S : Voilà elle est très très très
dynamique pleine de vie prend des risques euh ::: euh ::: voilà
elle relève tous les défis.
E : Moi ça j'avais pas compris.
El M :{xx xxx très très elle j'aime j'ai assez
cette euh ::: passé ::::
S : {Personne gentille.
El M : Cette personne j'en pelle c'est gelé.
S : {Elle rigole tout le temps.
El M : {Elle rigole toute le temps xx xxx xx
S : {Et ne se fâche pas.
El M : {Ne se fâche pas. Du toute j'ai aimeraisse
conn-{connaître sa pays{
18
S : {Connaître
S : {Son pays. Alors elle est fougeuse elle est gentille :::
elle rigole tout le temps{ attends c'est à El M de le dire El M.
J : {xx xxx xx
S : Elle rigole tout le temps ne se fâche pas et et la
personne qui voudrait connaître son pays. Alors c'est qui El M ? à
ton avis + +++ dans la classe euh :::: qu'est-ce qui manque R ? Alors à
toi.
R : Elle est sérieux.
S : Il ou elle ?
R : Elle
S : Elle
S : Elle est sérieux euh ::: ce que j'aime euh ::: chez
chez ce camarade euh ::: + ++ c'est le connaissance ?
E : Non curiosité sa cu ::rio ::si :::té :::
R : Sa curieuse
S : Curiosité{
R : {Sa curiosité + +++ je voudrais savoir de son pays +
+++
S : Qui est-ce R ? À ton avis ?
R : euh :::: euh ::: AI E : J'ai donné à AI.
R : Vous avez donné à AI ?
19
S : xx xxx xx parce que toi R tu en as eu deux dis ce que tu
penses pour toi qui est cette personne ?
R : euh :::: + +++ J : Peut-être AI.
S : Chut ! Laisse-le réfléchir !
R : euh ::::::::: F ? E : Elle a déjà eu.
S : C'est pas grave xx xxx tu le donnes à F. C'est tout
+ +++ bon. Alors maintenant ne touchez rien++ +++ aïe qui c'est qui n'a
pas ::: eu de papier ?
E : Moi !
S : E n'a pas eu de papier R en a deux + +++ bon. J : El M il l'a
pas.
E : El M il l'a pas non plus.
S : El M ne l'a pas non plus hum hum bon. Alors maintenant
vous allez me donner vos papiers avec votre description alors il faut que tu
l'enlèves de ton cahier s'il te plaît.
E : J'ai écrit des choses dans l'autre
côté.
S : Ah mais c'est pas grave.
E : C'est juste pour moi le papier voyez ce que je veux dire ?
S : E., A., ok + +++ alors là on va faire pareil : je
vais mettre il reste un quart d'heure++ je vais mettre votre propre description
sur la table vous allez en choisir une qui n'est pas la vôtre d'accord ?
On va revenir là et on va faire pareil d'accord ? ++ +++ ++ Alors qui
c'est qui veut commencer ?
20
AI : Moi ! S : AI !
AI : C'est une femme très gentille très calme
fragile et j'ai je me nerve vite je pense qu'on me voit comme timide ce que
j'aime chez moi calme et sincère et bien mes yeux xx xxx
S : Alors qui est-ce ?
AI : C'est J.
E : C'est J.
S : C'est J ? Alors oui oui on verra + ++ alors J, c'est toi ?
J : Oui.
S : Alors tu peux le lire ?
J : Ze euh :: je suis une femme calme et ::: fragile.{Je pleure
vite (rires) et ::: je m'énerve vite c'est vrai ! Et ::: je pense qu'on
me voit comme euh :: timide et tranquille ce :: que j'aime chez moi calme euh
::: sérieux et j'aime mes yeux.
S : {Hum hum
S : D'accord. Est-ce que tu peux lire donc ça c'est toi
qui l'a écrit est ce que tu peux lire le papier que quelqu'un a
écrit sur toi ?
J : Euh ::: ça c'est pas sur moi.
S : C'est pas sur toi ? Tu avais lequel toi ?
J : L'autre comme ça.
S : Oui. Il est où ? Alors qu'est-ce qu'elle disait cette
personne ?
J : C'est trop calme sérieux euh :: + ++ euh :: je sais je
sais pas c'est quoi + ++
21
S : Personne sérieuse, gentille
J : Gentille
S : Un bon caractère
J : Oh + +++
S : Alors qui est ce qui a écrit ça ? + +++ +
c'est toi El M qui a écrit ? Oui ? C'était pour qui ?
El M : ça ? Pour AI.
S : Ah :::: c'était pour AI{pas pour J. D'accord alors
AI tu peux lire ta propre description ?
AI :{ Merci
E : Qu'est-ce que tu as dit pour toi ?
AI : Pour moi ?{
S : {Qu'est-ce que t'as dit pour toi oui toi qu'est-ce que
t'as dit ? Tu t'en rappelles ?
AI : Euh :: oui
S : Sur toi qu'est ce que tu as dit.
AI : Euh :: je suis fidèle ++ euh :: + +++{
E : Est-ce que tu {x xxx x xxx x xxx x
S : Alors vas-y je suis fidèle.
AI : Je suis fidèle je pense qu'on me voit comme une
femme courageuse en même temps
timide ce que j'aime chez moi la tolérance et la
comédienne.
E :{La comédie.
S :{La tolérance et : la comédie.{ L'humour
alors peut être l'humour{
22
E : {La comédienne elle préfère ::\
AI : {Ce que je donne aux autres je crois le courage le sourire
et aussi l'amour.
S : D'accord+ ++ alors est ce que El M toi tu as dit qu'elle
était CALME sérieuse gentille un
bon caractère.
El M : Oui c'est AI, c'est très calme l'école c'est
très calme bon caractère.
S : Hum hum d'accord+ +++{
AI : {Merci
S : {Bon euh :: alors qui continue F on t'écoute.
F : Euh ::: je suis calme je suis autre de respecter et je aime
xx xxx à la maison et journal.
Et ::: j'habite l'aider aux autres personnes. S : J'aime aider
autr/les autres personnes.
R : xx Aider des autres personnes.
F : J'ai adore aider les autres autres personnes.
FB : J'aime{ ça c'est pas xx xxx
F : {Ah j'aime aider autres personnes.
S : Alors qui est-ce ?
F : C'est R.
S : {R\
F: {Je le connais parce que::: comme x xx parce que :: x xxx
xx
S : (Rires) d'accord c'est pour le papier que vous vous
êtes reconnus.
F : En fait les traits x xxx xx seulement n'a rien
effacé.
23
S : Ah :: d'accord bon alors donc donc c'est bien toi R alors
donc R quel xxx est ce que tu as est ce que tu peux nous lire ce qu'avait dit
les deux autres personnes {tu peux nous les lire + +++ R ?
R : {Les deux autres personnes. F : Il est calme. {
R : Il est{calme gen\il est gentil et :: c'est que j'aime chez
moi cette personne parce que + +++ { parce que il est sérieux{ et
tranquille et il parle pas beaucoup + +++{ il est bien il est bien bien bien
habillé euh :: j'aime savoir sa femme et{ses{enfants et sa femme.
I : {Il est sérieux {tranquille {il est bien. E :
{J'aime.
S : {Connaître E : {Ses enfants
S : D'accord et l'autre :: alors qui c'est qui avait écrit
ça.
J : C'est moi.
S : C'est toi ? C'était pour qui ?
J : Pour R (rires).
S : R d'accord celui-là tu peux le lire ?
R : + ++{Il est gentil il a l'air sérieux {curieux
{sérieux, sérieux et j'aime chez lui respecter {sérieux
généreux sociable et social les :::: j'aimerais savoir si une
famille et si est ce que il a des enfants.
I : {Il est gentil.
E : {CURIEUX {curieux
24
S : Curieux
E : {Respecte tout le monde.
E : Ça c'est moi qui l'a écrit.
S : Alors ça ce qui a d'écrit, c'est pour qui que
tu l'as écrit ?
E : Pour El M.
S : Ah ::: c'était pas pour R !
El M : Merci
S : Je me suis trompée.
E : C'est pas grave.
S : C'est pour El M. Alors xx xxx que tu es gentil, curieux {
E : {C'est vrai qu'il est un peu curieux. Fin j'ai
pensé...
S : {xx xxx que tu respectes tout le monde, que tu es sociable
et il aimerait savoir si tu as une famille et des enfants. Ça c'est le
tien. ++++ D'accord. Bon. Euh :::: qui veut continuer ?
E : Je vais ::: dire.... S : E ? Ouais.
E : Ce papier que je parle xx xxx je suis gentille, innocente,
une fille innocente peut-être elle a voulu dire. Je pense qu'on me voit
comme une charmante... fille. Aussi. Je suis aimé je je qu'est-ce que
j'ai chez moi c'est mes yeux. Ce que je donne oui ce que que je donne aux
autres mes yeux oui et vos coeurs peut-être. Un bon coeur. En fin c'est
pas grave on y est. Ce que je donne euh ::: aux autres la gentillesse et ma...
savoir, c'est ça ? ++ +++ Je sais pas... La gentillesse...
I : Attends. Ce que je donne aux autres : la désinvolture,
la gentillesse et ma sourire.
25
E : Ma sourire, ah, désin- désinvolture, c'est I
hein !
S : Oui ? Tu le savais avant de\ ?
E : Non. Non. Non mais si si je le savais. Parce que elle a
parlé de ses yeux.
S : Oui.
E : Oui. Et puis qu'elle est un peu innocente ben c'est un truc
c'est innocent (rires).
S : Donc, alors attends qu'est-ce que tu avais comme papier toi I
? Qu'est-ce qu'on t'avait écrit ?
I : Euh ::::euh ::: elle est curieuse, fougueuse. Ce que j'aime
chez cette personne, c'est euh ::: la gen- la gentillesse euh ::: rigoler. Tout
le temps, elle ne fâche elle ne fâche pas du tout. J'aimerais
connaître son xx xxx. Je sais pas c'est qui qui m'a écrit.
S : Qui c'est qui a écrit ça ?
AS : C'est moi. C'est pour I.
S : Donc c'était bien ça, hein ? D'accord. A tu
peux continuer ?
A : xx xxx
S : Alors donc, je suis réservé\
E : Encore une fois fougueuse.
S : Fougueuse ça veut dire : dynamique euh ::: qui prend
des risques... voilà. Quelqu'un qui est plein de vie.
E : Parce que fougueuse j'avais pas compris comme ça. S :
On relève des défis hein ?
E : Oui. Ouais, voilà.
26
S : Alors donc pour le suivant : je suis
réservé. Je pense qu'on me voit comme une personne
méchante. J'aime ma taille, ma pointure et mon caractère. J'aide
les gens et surtout les personnes âgées. Et je donne des conseils
aux personnes qui sont proches de moi. Alors c'est qui ça ?
(Silence)
S : Réservé :::, elle pense qu'on la voit ou il
pense qu'on la voit comme une personne méchante...
A : Madame E possible ! (Rires)
E : Je suis méchante A ?
S : Elle pense qu'on la voit d'une façon
méchante. Elle aime sa taille, sa pointure et son caractère.
(Silence)
A : C'est qui ?
F : Moi, moi. C'est moi qui ai écrit ça.
S : Alors F qu'est-ce qu'on a écrit sur toi ?
F : Cette femme euh ::: de penser trop, fermée de pas euh
:::
S : Alors cette femme trop fermée.... Et après
on sait pas. Cette femme trop fermée. Alors qui a écrit ça
?
A : Moi !
S : Qu'est-ce que tu as voulu dire A ? Trop fermée,
qu'est-ce que tu as voulu dire ? A : Cette femme de pense, moi je pense trop
elle est fermée.
27
S : Elle ne parle avec personne ? (Silence)
A : Euh ::: oui, oui. Cette femme.... Moi je pense cette femme
trop fermée ++ +++ moi jusqu'après j'ai pas bien compris cette
femme. C'est Madame F.
S : Tu as pas bien compris F ?
A : Oui. J'ai pas bien compris.
S : Ah ::: d'accord.
E : Il comprend pas bien F.
A : Je connais pas bien.
S : Bon. On demandera à F. Qui n'a pas lu ? I ?
I : Je suis une personne pas raciste, je respecte les gens, les
femmes. Je aime pas les conflits. Je pense qu'on me voit comme une personne
gentille. Euh :::: j'aide les personnes. J'aide les personnes de mon amour pour
les autres.
(Silence)
S : Qui est-ce ?
I : Ça c'est un homme p'ce que... S : C'est un homme ?
I : Oui. Parce que je suis gentil, il a parlé de elle.
Ça peut être euh ::::: On dirait c'est un homme qui l'a
écrit ça.
E : En tout cas c'est pas moi.
S : C'est pas E. Alors qui est-ce ?
28
I : Il écrit bien. C'est El M. S a écrit pour lui.
S : C'est toi El M ?
El M : Oui.
S : Oui ? Tu veux que je lise celui-là ? Alors on lit
celui d'El M. On va essayer de voir qui est-ce. Alors, je je suis euh ::: alors
++ +++ euh ::: je crois que c'est je suis dynamique, sociable et volontaire.
Dynamique parce que je suis toujours prêt à faire tout ce qu'il
faut dans la vie quotidienne. J'espère non j'enseigne non j'essaye
d'être bien avec tout le monde. J'aime j'aime bien euh ::: être ++
euh ::: ++ +++ alors oui du coup j'aime bien être je ne sais pas. Une
personne sociable ce que j'aime chez moi euh :: c'est ++ mes cheveux et ma
volonté pour aider les autres. Ce que je donne aux autres ++ c'est
::aider tout le monde ? Vous savez qui c'est ? Donc qui est-ce ?
F : C'est E.
S : C'est E. Alors E, qu'est-ce qu'on avait écrit sur toi
?
A : Elle est calme, souriante. Elle est calme, souriante. Euh
::: ce que j'aime chez elle c'est son c'est son sérieux. J'aimerais
j'aimerais savoir si elle est nerveuse ou non.
S : Alors qui a écrit ce papier ?
I : Euh ::: moi.
S : I. Et c'était pour qui ?
I : C'est pour J.
S : Pour J. D'accord. Alors euh ::::
29
Annexe 9 : Entretien collectif 2
Informateurs : A, AL, E, G, IM, J, JU, M, R
Date : 4 avril 2014 Durée : 28 min 40
s
Lieu : Classe FLE de l'ASBL Avenir
S : Allez. Qui veut venir présenter son travail ?
A : Oui, moi.
S : A ?
A : xx xxx
S : Alors. On va écouter A. Il va nous présenter
son portrait. Tu vas donc te présenter. Qui tu
es A ? On t'écoute.
(Silence)
A : Euh ::: cette photo-là ça attends explique. Xx
xxx
S : C'est toi A ?
AL : C'est toi ?
E : T'as fait ça parce que c'est TOI. Moi
je vous l'ai dit : il a pas compris.
A : Eh ben, c'est ::::: xx xxx c'est Monsieur A ! J'ai mis mes
chaussures eh ::: femme. Une
sac pour femme et ::: je en bas une bouche, femme aussi. Moi je
pense c'est un travesti.
30
S : Donc c'est pas toi A ?
A : Euh :::: si te plaît tu diras pas à ma femme ! S
: Tu as dessiné un personnage alors ? A : Oui. Moi j'ai dessiné
un personnage.
S : D'accord. Bon. Ok. D'accord. Du coup pour te poser des
questions c'est pas évident. Bon. Ok. Des questions ?
E : Et non. Ben si c'est pas lui.
S : C'est pas lui mais on peut lui poser des questions. Bon. Ok.
Merci A.
A : Oui.
S : J ?
J : (Rires)
S : Allez, viens présenter. Qui tu es J ? Alors ce qu'on
va faire, c'est que vous allez regarder le portrait de J et vous allez lui
poser des questions. Par rapport aux images qu'elle a collées. J va vous
répondre. Qu'est-ce que vous pensez de J ? Qui elle est J ?
IM : J c'est une femme souriante. Sur cette photo, je vois les
yeux d'une femme. C'est une femme qui est souriante. Qui est heureuse. Qui aime
bien la nature parce y a beaucoup de nature.
E : Elle aime la mer et pis ça c'est quoi ? II IIII Elle
aime la fête.
J : Oui.
E : C'est ça en fait ? C'est ça que tu voulais dire
?
J : Oui : le feu d'artifice, le plage ici\
E : Tu aimes voyager ?
31
J : Oui, voyager j'aime bien. Ouais.
S : Qu'est-ce que vous voyez d'autre ?
(Silence)
S : Essaie de faire des phrases en disant je suis quelqu'un
qui aime ça, ce que je n'aime pas....
Parle-nous de toi avec ces images. Commence par la
tête.
J : Euh :::: moi\ (sonnerie de téléphone
portable) j'aime bien la nature, j'aime bien les
montagnes.
S : C'est les montagnes que tu as mis là-bas ?
J : Oui. Y a de la neige.
S : D'accord.
J : Et j'aime bien euh ::::: voyages.
S : Oui. Alors c'est quelle image ?
J : Ici. Au coeur.
S : D'accord.
J : Je suis toujours rigoler {
E : {souriante
J : J'aime tout le temps
S : Souriante
J : Souriante
S : Oui. Et un peu plus bas, à côté du
coeur ?
J : xx xxx les pieds. Aux pieds les montagnes.
32
S : Pourquoi tu les as mises aux pieds ?
J : On va on va marcher avec les pieds.
E : Ça dépend où tu vas. Il n'y a pas
beaucoup de moyens de transport.
S : Est-ce que vous avez des questions pour J ?
A : Très bien !
S : Non. Des questions. Est-ce que le portrait que vous voyez
de J, correspond à ce que vous voyez d'elle, tous les jours ici ?
E : Déjà, elle est souriante, très
souriante.
A : Oui. Oui très souriante. Elle est gentille. Toujours
très souriante, oui. J : Toujours souriante, toujours pleurer ! (rires)
Toujours !
E : Elle a présenté, elle aime bien voyager.
Ça c'est c'est xx xxx on peut pas tout savoir, tous ses goûts
qu'elle a aussi. Voyez ce que je veux dire ? On voit une personne, on peut pas
tout savoir ce qu'elle a et ce qu'elle pense. Bon qu'elle est souriante,
qu'elle aime bien voyage, qu'elle aime bien aller en montagne, on peut
comprendre. On peut toujours savoir de la personne non plus hein.
S : Ce que tu sais, ça se trouve sur quelle partie du
corps ?
E : Euh ::: ben, tout ce que moi je peux voir, ce qu'elle a
dit, ce que j'ai compris, ce qu'elle présente c'est la sourire,
ça je sais par exemple. Ça on peut le voir. Et si xx xxx les
voyages, je peux pas savoir si elle aime. Et qu'elle aime bien ::: euh ::: la
nature. C'est vrai plus ou moins on l'aime tous, c'est tout. Et si qu'est-ce
que t'as présenté ? Les oreilles ?
J : (Rires) Du manger ! Des boucles d'oreilles !
E : C'est des pommes de terre ! C'est comme G qui a
présenté ses yeux au chocolat !
33
S : Alors, qui veut venir présenter son image ? Alors
ne dis rien. On va essayer de savoir qui tu es. Alors JU, qui est G selon son
portrait ?
JU : Alors, selon son portrait ::: elle a mis son buste xx xxx
elle a mis la fête, on voit une image de fête. Donc apparemment,
elle aime bien faire la fête. Et euh ::: et ses yeux sont en chocolat.
Donc elle doit bien aimer le chocolat aussi. Et puis xx xxx Je suppose qu'elle
aime bien prendre des photos ++ +++ bouche souriante++ +++ voilà, c'est
à peu près tous les détails que je vois du portrait.
S : Alors quoi d'autre ?
A : Je pense comme JU. Euh ::: oui elle aime bien le chocolat,
en bas de faire de fête. Avec euh ::: elle elle est souriante. Alors y a
y a .... L'appareil photo c'est ça ? Donc faire je crois beaucoup
photos.
S : C'est une personne comment ? Qu'est-ce qu'on pourrait dire ?
Avec ces éléments ? A : Euh ::: une personne comme on dit.....
AL : C'est une personne qui.... aime ses souvenirs de son
passé. Pour moi avec l'appareil photo, le passé on oublie pas.
Moi j'ai mis l'appareil photo.
A : Elle est contente.
E : Elle est contente de sa vie.
S : Alors est-ce que toi, tu peux te présenter G ?
Dis-nous qui tu es.
G : Voilà. Toujours très contente. Je sourire.
Oui j'aime bien chocolat mais maintenant pas beaucoup. Euh ::: j'aime bien les
parfums. Appareil photo : oui. J'adore ! Faire des photos j'adore !
S : C'est pour ce qu'a dit AL ?
G : Oui. Si je veux aller euh ::: le parc, euh ::: la plage,
le jeu, c'est partout, je fais les photos. Après je fais parfois albums
ou je fais sms. Voilà.
34
S : Et tu prends qui en photo ?
G : Les enfants. Toujours mes enfants.
S : Est-ce qu'en voyant ce portrait, vous avez appris des choses
sur G ? AL : Oui.
E : Ben je savais qu'elle aime bien faire des photos. Elle nous a
dit. AL : Pourquoi l'appareil photo ? Pourquoi tu aimes faire les photos ?
G : Parce que j'ai travaillé euh ::: le caméraman
++ dans télévision. J'ai travaillé j'ai fait
caméraman et photos aussi de mariage... J'aime bien. Je sais pas.
JU : Tu étais caméraman ?
G : Oui.
E : Dans son pays\
G : Non ici.
E : Ah je savais/ je croyais que c'était en Turquie.
G : J'ai appris beaucoup. J'ai été au
mariage....
S : Donc c'était professionnel ?
G : Non c'est pas professionnel. Pour les amis, je fais les
photos, les caméras c'est moi que je fais. Voilà. C'est mon papa
il adore comme ça. Moi j'ai habité avec mon papa. Toujours.
Voilà. C'est tout.
S : Une dernière personne ? E : IM elle voulait se.....
35
S : IM ? Allez on dit rien. Alors M est-ce que tu veux nous
présenter IM à partir des photos
qu'elle a mises ?
M : IM je la vois, c'est bien je je des fleurs... c'est
jolie.
IM : Merci
(Rires)
R : Montagnes.
E : Elle aime bien les montagnes.
R : Elle aime bien les montagnes, de l'argent. Elle aime bien
la mer. Elle aime bien les
ch'vaux.
E : Mais je ne comprends pas le dessin qu'elle a mis au milieu
: y a trois têtes.
J : C'est elle, sa fille et son mari.
IM : Non, non.
J : Non ?
E : Non. C'est des têtes :::: c'est au milieu.
J : C'est les yeux.
E : Elle veut dire des choses avec cette image. Vous voyez ce
que je veux dire ?
R : C'est personnel, non ?
IM : Oui.
E : IM c'est une personne joyeux quand même.
(...)
A : Mon avis IM comme elle mis, elle est écolo.
36
S : Pourquoi tu dis ça ?
A : Parce que elle a mis beaucoup photos avec la ::::: nature.
Je sais pas. Moi je pense comme ça.
R : La photo de la femme, je pense qu'elle est fort
attachée avec la photo de cette femme. G : Elle aime bien manger. Euh
::: non : voyager.
IM : Oui j'aime bien voyager mais c'est pas qu'est-ce que je veux
dire.
S : Alors est-ce que tu peux nous dire qui tu es IM ?
IM : Oui. Euh ::: xx xxx cette photo pour moi, c'est la nature
de mon pays : le Maroc. Et la plage, cette maison près de la plage parce
que c'est ma ville. Ma ville s'appelle Tanger. Parce que je fais des photos.
Euh :: des fleurs parce que y a beaucoup de fleurs dans ma ville. Le cheval
blanc parce que j'aime bien el cheval blanc. Euh ::: la mosquée, c'est
mon pays encore et j'ai fait xx xxx ça c'est mon papa et ma mère
parce que je je aime beaucoup. Et ça c'est une jeune fille c'est pas
moi. Jeune, jeune. C'est ma grande soeur encore au Maroc. C'est tout. Et
ça c'est mon pays, les maisons de mon pays.
E : Elle présente en fait ::: son pays natal. IM : Parce
que je me manque beaucoup.
E : moi je savais pas ces personnages qui sont au milieu qui
ferment les yeux. T'vois je savais pas.
IM : Ca présente mes parents.
S : Est-ce que vous saviez tout ça d'IM avant ce portrait
?
AL : Non. Je la voyais timide. Euh ::: elle sourit tout le temps.
Et.....
E : Et ::: ben le pays c'est parce que ça manque aussi.
C'est parce que quand tu viens aujourd'hui, faut s'habituer, ça je sais
(rires).
37
S : Autre chose à dire IM ?
IM : Non.
E : Sont ces sentiments quoi.
S : Allez AL. Alors tu ne dis rien, on va essayer de savoir qui
tu es.
IM : Je vois qui y a euh ::: une femme. Je pense qui y a une
couple. C'est je pense c'est euh ::: ta femme et AL. Et je vois que y a des
photos... et je vois le fleuve parce qu'y a.... C'est ça...
E : La nostalgie de son pays. Et il aime la nature. Et par
contre, il est la photo, il aime tout ce qui est la planète, fin les xx
xxx et tout ça. Il aime bien la technologie.
S : Qui est AL d'après ce portrait ?
IM : Très familial.
A : J'ai une question AL. T'as quel âge ?
(Rires)
AL : Je suis de septante-neuf.
A : C'est-à-dire ? Trente-trois ans ? C'est .... Rien dit.
Gentil. Jamais mauvais avec moi. Je sais pas.
S : Bon AL, est-ce que tu peux te présenter ? Dis-nous qui
tu es ? AL : Oui. Ici, je suis avec ma femme que j'aime beaucoup. IM : Ta femme
elle est pas là ?
AL : Non elle n'est pas là. Ça c'est le coeur. Et
pour moi y a deux sortes de coeur. Y a le coeur vaillant, faut avoir un bon
coeur pour être en couple.
E : Non j'ai pas compris AL.
38
AL : Y a le bon et le mauvais coeur. Et pour moi, faut un bon
coeur pour être coupler. Moi j'ai un bon coeur. Et là euh :: y a
l'appareil photo, la télévision parce que je sais que pour
connaître les choses, le journal et l'appareil photo pour des souvenirs
dans le passé. Et euh :: ça c'est l'information que je trouve
partout où je suis. Pour savoir partout ce qui se passe dans le monde.
Ça c'est la voiture xx xxx
A : Très bien AL (applaudit), très très
bien.
39
Annexe 10 : Transcription entretien individuel 1
Informateur : J
Date : 4 février 2014
Durée : 47 min 55 s
Lieu : Local de l'ASBL Avenir
1. S : Alors (silence, bruit de cahier, de stylo)... J. Tu
l'écris avec un J c'est ça ?
2. J : Oui, oui. Mon prénom ça veut dire jolie,
belle en arabe.
3. S : Ah oui ?
4. J : Oui, oui c'est.... Voilà, c'est joli (Rires).
5. S : Tu le portes bien en tout cas !
6. J : Oui (Rires), hum...
7. S : Ma question générale est la suivante :
comment est-ce que tu vis ton installation à
Bruxelles ?
8. J : La première fois euh ::: c'est difficile.
9. S : Tu es arrivée quand toi J. ?
10. J : Euh 2009 septembre vingt-huit 2009, c'était un
mardi ou mercredi je pense.
11. S : Ah tu te rappelles du jour ?
12.
40
J : Oui oui oui même l'heure.
13. S : C'est vrai ?
14. J : Oui j'ai... à dix heures à Charleroi et je
suis mariée xx xxx pardon avec mon mari.
15. S : Donc tu es arrivée avec ton mari ?
16. J : Oui.
17. S : Est-ce que tu avais de la famille ici ?
18. J : Euh :: oui j'ai mon frère à Knokke c'est
loin.
19. S : Ah c'est pour ça que tu vas à Knokke
pendant les vacances ?
20. J : Oui mon oncle à Anvers.
21. S : Ah oui c'est loin, c'est loin d'ici.
22. J : C'est tout. J'ai plusieurs fam-... plus de famille
à la Hollande la famille c'est tout
que j'ai ici.
21. S : Et tu vas les voir parfois ?
22. J : Une fois.
23. S : Une fois par mois ?
24. J : Euh :: non (rires) une fois pour cinq ans, je suis
invitée à un mariage là-bas, la première
fois et une dernière fois.
25. S : Et tes parents ils sont où alors J. ?
26. J : xx xxx je pense, je sais pas.
27. S : Tes parents, ton papa et ta maman,
28.
41
J : Ah mes parents ? J'ai pas compris. Mon père il est
mourir, mour-, ça fait dix ans, oui, mon mère il est au Maroc.
29. S : Donc parfois tu vas au Maroc ?
30. J : Oui j'étais deux fois cinq ans j'étais
deux fois.
31. S : Et ça va, c'est pas trop dur ?
32. J : Si c'est dur (pleurs).
33. S : Elle peut pas venir ta maman ?
34. J : Oui (pleurs).
35. S : Pardon J., excuse-moi.
36. J : (pleurs) C'est rien c'est rien. (Silence, mouchoirs)
37. J : Ma maman il est venu chez moi l'année
passée, restée avec moi quinze jours et il est parti.
38. S : Tu peux l'appeler un petit peu ou... ? Tu l'appelles
?
39. J : Presque tous les semaines tous les ... une fois par
semaine.
40. S : Excuse-moi J., je voulais pas.
41. J : Non je sais je suis comme ça.
42. S : C'est ce que tu disais dans le portrait, je suis
fragile, tu n'as pas menti.
41. J : (rires)
42. S : Mais c'est une grande qualité d'être
fragile J., ça veut dire que quand tu aimes les gens, tu aimes les
gens.
43.
42
J : Comme j'ai dit à quelqu'un ou il vient quelqu'un
chez moi pour dès qu'on voit xx xxx,
c'est difficile, je pleure, difficile, c'est comme
ça.
44. S : Pourquoi est- ce que tu es partie du Maroc pour venir
en Belgique ?
45. J : J'ai suivi mon mar-
46. S : Pardon ?
47. J : J'ai suivi mon mar-
48. S : Ah tu as suivi ton mari.
49. J : Oui.
50. S : Pourquoi ton mari voulait venir à Bruxelles
?
51. J : Il était là ça fait
longtemps.
52. S : Donc lui est belge ?
53. J : Oui.
54. S : Mais sa famille était au Maroc.
55. J : Ma famille mais sa famille il était ici lui,
belle-mère et son oncle.
56. S : Toute la famille de ton mari est ici ?
57. J : Oui.
58. S : Donc lui il n'a pas d'origines marocaines ?
59. J : Non il est marocain mais il a nationalité
belge.
60. S : Et au Maroc lui n'y va pas ?
61. J : Pas toujours non sa maman il a deux soeurs ils sont
ici.
62.
43
S : D'accord, tout le monde est ici. Et ça va, tu
t'entends bien avec ta belle-famille ?
63. J : Ça va, ça va, que des problèmes
c'est pas facile.
64. S : Quand c'est pas ta famille c'est vrai que c'est
différent.
65. J : Oui, c'est pas facile.
66. S : Et tu as des enfants ?
67. J : Non j'aimerais bien mais pas encore.
68. S : Tu es jeune toi J. !
69. J : Trente et un.
70. S : Ça va, d'ici quatre cinq ans et voilà
!
71. J : Oui c'est bon ça passe vite.
72. S : Oui parce que tu es arrivée il y a quatre ans
?
73. J : Cinq, presque six ans.
74. S : Presque six ans.
75. J : Oui.
76. S : Parce que donc toi tu es du Maroc, tu parles l'arabe
dialectal ou l'arabe littéral ? C'est-
à-dire l'arabe de l'école ou ?
77. J : Non normal, pas d'école mais presque la
même chose.
78. S : D'accord, parce qu'au Maroc, alors attends, moi
j'avais des élèves, des petits élèves...
79. J : Des berbères ?
80. S : Voilà ils étaient berbères, ils
avaient des drapeaux, ils étaient de...
81.
44
J : Agadir ?
82. S : Non, attends...
83. J : Rif ?
84. S : Du Rif.
85. J : Moi aussi je suis du Rif, Nador, à
côté il y a l'Espagne et tout mais je parle l'arabe je
comprends le Rif mais je parle pas le Rif.
86. S : Parce que eux ils étaient très fiers, le
Rif, le Rif.
87. J : Moi je suis née au Rif mais je suis grandie
à côté de Rabat, Meknès, Fès.
88. S : Tu as appris le français au Maroc ?
89. J : Oui j'ai un peu pas beaucoup.
90. S : À l'école ?
91. J : À l'école oui à l'école.
(Silence)
92. S : Donc quand tu es arrivée en Belgique, vous
êtes arrivés directement à Bruxelles ?
93. J : Oui.
94. S : Donc ici à Saint-Josse.
95. J : À Saint-Josse oui, juste ici à xx xxx
96. S : Ah tu habites dans la rue Moulin ?
97. J : Maintenant non j'ai le très loin à xx
xxx
98. S : Tu prends le bus là pour venir ?
99.
45
J : Euh :: le tram et après le bus.
100. S : Ah oui ça te fait quoi, une heure ?
101. J : Non non, une demi-heure.
102. S : Et donc tu es arrivée ici, et est-ce que tu
pouvais communiquer avec les gens en français ?
103. J : Première fois j'ai essayé, oui j'ai
essayé euh j'ai été ici vingt jours et je suis venue toute
seule ici à l'école, je cherche mon mari il m'a dit ici à
l'école, je cherche avec ma grand, la grand-mère de mon mari, je
cherche et L... euh :: pas L, W il a donné un rendez-vous, il a dit deux
jours tu peux venir, je suis venue j'ai fait exam.
104. S : L'évaluation ?
105. J : Examen avec les autres, il a dit oui ça va tu
peux venir avec eux, j'ai été avec eux.
106. S : Et comment tu te sentais quand tu es arrivée
à Bruxelles, quand tu ne pouvais pas parler ? Parce que tu ne
connaissais personne ici ?
107. J : Je comprends mais par parler c'est pas facile, c'est
vrai oui, la première fois toujours j'ai toujours toujours toujours
c'est pas facile xx xxx j'ai l'habitude, c'est pas facile.
108. S : Donc maintenant tu as des contacts ici, tu as des
amis ?
109. J : Des amis ? Mais j'ai mon frère c'est tout. Je
connais une dame au Maroc, il était ici à Bruxelles, parfois je
il a un magasin j'y allais je veux.
110. S : Tu vas au magasin ?
111. J : Oui, j'y vais il parle le français, comme
ça moi aussi pour parler français. C'est tout j'ai pas des amis
sinon.
112. S : Et pourquoi, parce que tu ne sors pas trop ou parce
que... ?
113.
46
J : Non c'est pas question de ça il y a pas de
confiance, je pense pas, c'est pas facile les gens ils sont difficiles pour ...
tu viens, tu parles comme ça, ils sont comme ça, c'est pas facile
non non non.
114. S : Et les gens c'est qui ce sont les belges ?
115. J : Non je connais pas des belges (silence) des
marocains je connais une dame italienne il a déménagé il
est très très gentil il est parti en Italie il a laissé
les clés pour moi pour les rideaux.
116. S : Ah ? Pour que tu t'occupes de la maison ?
117. J : Pour vérifier les arbres, comment on dit ?
118. S : Les plantes ?
119. J : Pour les plantes pour arroser les plantes une
semaine Il est très gentil avec moi c'est ce que je connais c'est une
amie à moi, moi aussi j'aime bien la dame.
120. S : Et tu parles en français avec elle ?
121. J : Avec elle, elle comprend bien, c'est pas... je
comprends bien et elle aussi, c'est ça. (Rires puis silence)
122. S : Est-ce que par exemple quand tu étais au
Maroc c'était plus facile d'avoir des amis qu'ici ?
123. J : Même au Maroc j'ai pas beaucoup des amis, j'ai
deux amies ils sont déménagées à l'autre ville,
juste par téléphone parfois.
124. S : Donc au Maroc elles ont
déménagé.
125. J : Oui mes amies ils sont déménagé
oui une autre ville. Je suis... mais j'ai pas d'amis beaucoup, on dit en arabe
beaucoup d'amis et une fois tu as jamais d'amis, quand tu cherches une amie, tu
as pas.
47
(Rires)
126. J : Et tu trouves pas, ça c'est la
vérité ou c'est vrai.
127. S : Qu'est-ce que ça veut dire ?
128. J : J'ai beaucoup d'amies mais quand j'ai besoin de
quelque chose, je demande à une amie de quelque chose elle dit ah non je
sais pas, tu trouves rien, beaucoup d'amis tu trouves rien.
(Rires)
129. J : Ça c'est le problème c'est vrai.
130. S : Tu l'as vécu ?
131. J : Hum..... hum..... hum
132. S : Ça c'est vrai que les relations humaines c'est
difficile.
133. J : Ouais.
134. S : C'est TRES TRES difficile.
135. J : J'aime les gens, j'aime parler avec eux j'aime mais
juste ici après au revoir au revoir.
136. S : D'accord. Ils ne viennent pas chez toi, tu ne vas pas
chez eux.
137. J : NON NON NON NON. Comme ça c'est
mieux.
138. S : Pourquoi ?
139. J : Parce que comme ça pour expliquer c'est pas
facile j'ai déjà essayé, mais j'ai trouvé une
fille, Maroc l'année passée, au mois d'août, le 13
août, xx xxx il était assis à côté comme
ça avec moi et il commence à parler avec moi, il a dit j'ai des
problèmes avec mon mari il pleurait j'ai dit moi donnez-moi votre
numéro comme ça je parfois je téléphoner à
toi pour
48
demander est-ce que ça va. Une fois il vient chez moi avec
son mari. Mais moi aussi je suis mariée j'ai mon mari j'ai mes
problèmes je sais pas c'est pas comme ça.
140. S : Elle est venue ?
141. J : Oui il dit il parle une fois il est venu il parlait il
m'a téléphoné à minuit.
142. S : Minuit ?
143. J : Minuit mais c'est pas possible, j'ai dit non c'est pas
possible.
144. S : Et quand elle est venue avec son mari, ça s'est
bien passé, chez toi ?
145. J : Euh, j'ai dit je sais pas, mon mari il est pas
là, je sais pas je, il faut pas euh c'est pas facile, pour rentrer sans
mon mari c'est pas xx xxx oui mon mari il est pas là, xx xxx cherche,
toute seule.
146. S : Ah ils te cherchaient ?
147. J : Oui, j'ai dit c'est pas possible comme ça. Mais
plusieurs fois il a téléphoné à minuit et le
dernière fois j'ai pas... raccroché le téléphone,
j'ai laissé comme ça. C'est pas facile pour trouver quelqu'un
de...
148. S : Correct ?
149. J : Oui, correct.
150. S : Et tu sais pourquoi elle t'appelait à minuit
?
151. J : Je sais pas, pour parler mais pas à minuit.
(Rires)
152. S : Peut-être qu'elle s'était disputée
avec son mari ?
153. J : Peut-être mais il faut respecter les autres
aussi, moi aussi j'ai des problèmes avec mon mari c'est pas facile oui,
problème sur problème, non.
154.
49
S : Est-ce que tu vas venir au cours de zumba J. ?
155. J : Je veux bien oui.
156. S : Oui ?
157. J : Oui je veux bien.
158. S : Ça sera, tu as vu on a mis une affiche, ce
sera le vendredi.
159. J : À quelle heure ?
160. S : A deux heures et demie.
161. J : C'est pas sûr l'heure mais je vais essayer.
162. S : Ce qu'on peut faire, on termine à une heure
et demi la classe, après on mange, on amène quelque chose, on
mange là et après on descend et on peut faire la zumba.
Peut-être pas tous les vendredis, enfin, moi je serai là tous les
vendredis mais si tu veux venir un vendredi oui un vendredi non ou tous les
vendredis.
163. J : Je vais essayer, je sais pas.
164. S : Au moins une fois que tu voies comment c'est.
165. J : Et voilà (soupir). (Rires)
166. S : Qu'est-ce que je voulais te demander ? Oui, par
rapport à la Belgique, quand tu es arrivée ici, qu'est-ce que tu
as pensé de la culture, des gens, qu'est-ce que tu as pensé ?
167. J : La première fois il fait gris, il fait vite
noir j'ai pensé que pleurer (rires) mais ça va avec les gens, les
belges, je trouve ils sont pas racistes non.
168. S : Pas racistes ?
169. 50
J : Non euh plus moi xx xxx flash mais pas le premier ou l'agent
de quartier parle xx xxx
sont gentils, oui. Et ça marche comme ça,
ça va, on continue ça va.
170. S : Donc tu aimes bien la Belgique ou... ?
171. J : Oui j'aime bien, c'est triste mais j'aime bien.
172. S : Pourquoi c'est triste ?
173. J : Euh le temps parfois.
174. S : Hum c'est vrai.
175. J : Quand on arrive à l'aéroport il fait
triste. (Rires)
176. S : C'est vrai, quand il pleut.
177. J : Oui. (Rires)
178. J : J'étais au Maroc il fait clair, le soleil quand
je suis arrivée ici, il fait cinq degrés. (Rires)
179. J : Mais ça va.
180. S : Au Maroc il fait combien de degrés ?
181. J : Euh ::: ça dépend vingt-deux, trente,
trente-cinq, à Marrakech. Agadir parfois
cinquante, quarante, quarante-cinq. Euh :::
182. S : Ah oui d'accord.
183. J : A Agadir Marrakech oui mais Nador vingt deux, vingt
sept à trente maximum trente.
184. S : Oui c'est pas pareil.
185.
51
J : Non c'est pas pareil mais ça va, c'est comme
ça c'est pas toujours bien, non, quelque chose de bien, quelque chose de
pas bien, c'est comme ça la vie, mélange (sourire).
186. S : Et qu'est-ce que tu fais quand tu dis (soupir) moi
aussi ça m'arrive souvent, hein tu sais j'habite en France tu sais je ne
suis pas loin mais bon la Flandre ça nous plaît pas, la langue
hein, il faut parler néerlandais, je ne parle pas néerlandais
moi, c'est une langue difficile...
187. J : C'est difficile.
188. S : C'est une langue TRES TRES dure.
189. J : Moi j'aime bien, quand j'entends, j'aime bien.
190. S : Le néerlandais ?
191. S : Oui j'aime bien.
192. S : Et tu comprends ?
193. J : Oui je comprends.
194. S : Oh t'as de la chance J. !
195. J : (Rires) Je comprends plusieurs mots juste comme
ça dans la rue. (Échanges de mots en néerlandais)
196. S : Mais où est-ce que tu l'as appris ?
197. J : Juste dans la rue, comme ça.
198. S : Dis donc mais c'est génial !
199. J : J'aime bien, j'adore la Fla... le
néerlandais. Néerlandais espagnol j'adore les deux, je comprends
le néerlandais la première fois.
200. S : Ah oui si tu le comprends tu vas vite apprendre.
201.
52
J : J'aime bien.
202. S : Et le français tu aimes bien ?
203. J : Depuis que je quitter l'école, toujours j'ai
dit dans ma tête il faut que je prends le français, ça fait
quinze ans, et voilà, je prends le français, Dieu est grand.
204. S : Donc tu es contente d'apprendre le français
ici ?
205. J : Oui xx xxx la vérité, ça fait
quinze ans, que j'ai quitté l'école, toujours j'ai dit il faut
que j'apprends le français et j'apprends le français *inchallah*
et c'est grâce à Dieu.
206. S : Tu pensais ça ?
207. J : C'est comme ça, quelque chose est bien, quand
je parle le français plusieurs langues tu trompais xx xxx quand tu
parles avec les gens ou bien les gens ils parlent de quelque chose, tu fais
comme... plusieurs fois tu comprends quelque chose.
208. S : Donc après tu aimerais apprendre le
néerlandais ?
209. J : Oui, j'aime bien bien bien.
210. S : Est-ce que tu parles néerlandais avec
quelqu'un ?
211. J : Non jamais.
212. S : Tu regardes la télé peut-être
?
213. J : Non, non juste comme ça dans la rue ou bien
parfois chez les enfants de mon oncle, à Anvers ils parlent
néerlandais mais, les enfants de mon frère aussi ils parlent
néerlandais, à Knokke, mais ça fait très, trois,
deux ans et quelque que j'ai pas parti chez mon frère, j'ai des
problèmes avec mon mari, je partais pas chez eux, chez mon frère
mais... j'aime bien... quelque chose... j'aime bien.
214. S : Et avec ton frère tu parles
néerlandais ?
215. J : Non que l'arabe.
216. S : Et avec les enfants de ton frère ?
217. J : Euh... parfois il joue avec eux oui mais moi je parle,
mais j'aime bien c'est ça que... j'ai envie d'apprendre.
218. S : Ah c'est bien, c'est très bien parce que c'est
une langue difficile, c'est très bien, si tu comprends.
219. J : Mais je comprends pas toujours.
220. S : Oui mais tu reconnais les sons.
221. J : Oui oui, quand quelqu'un parle, je sais qu'il parle
néerlandais.
222. S : Et l'espagnol, pourquoi ?
223. J : J'aime bien, c'est comme ça, quand
j'étais petit, je lis le journal en espagnol et fais comme ça
dans la télé, et parler je fais comme ça, je comprends
rien mais je vois le... il bouge la bouche je fais comme ça (mimes et
rires) c'est comme ça.
224. S : Tu comprends un petit peu ?
225. J : Non, juste un peu la casa, euh.... Ils sont partis
(rires), non, ils sont partis tout !
226. S : Avec Fatima tu pourrais parler en espagnol ?
227. J : Oui, Fatima parle espagnol oui.
228. S : Elle serait contente de te parler en espagnol !
229. J : Oui, elle parle bien Fatima, oui, elle parle bien.
Ça c'est ma histoire (rires).
230. S : Alors ton histoire c'est pas que ça, parce que
toi, comme tu me disais tu fais partie du projet Home99, tu peux
m'expliquer ce que c'est ?
231. J : Oui c'est euh ::: une grand maison, euh ::: sont deux,
les gens qui sont malades.
53
99 Centre gériatrique de Saint-Josse.
232.
54
S : Ah il y a deux personnes ?
233. J : Non plusieurs... mais moi com-... euh ::: il y a
trois gens marocains qui sont pas, ils ont pas de famille ici, ils ont des
familles mais ils ont pas de contacts avec eux ou bien des problèmes je
sais pas exact mais moi je... j'ai visité un monsieur marocain qu'il
était cinq ans, il est... il a tombé malade au Maroc, il a venu
directement ici à xx xxx ou bien je pense qu'à... à
l'hôpital. Après il a ... il a...
234. S : Il a déménagé ?
235. J. : Non il a pas déménagé, il
a...
236. S : Il a changé de... ?
237. J : Il a changé à l'Home, à l'Home
xx xxx il est, le première fois qu'il est tombé, il sait pas
parler, il bouge pas, même une signature il sait pas faire parce que il
a, il boit il boit beaucoup de l'alcool c'est ça qu'il a tombé,
une fois, mais maintenant il ça va il est content ici, il a dit j'ai
parlé avec euh ::: deux fois, il est content il a dit ici je sens comme
chez moi, qu'il est... oui, il a dit je suis bien mais... il est..., il est
propre, pour manger, pour les vêtements là tout, oui, tout tout
tout, il a dit je suis je sens ici, je suis très bien, maintenant il
part xx xxx il bouge, il euh... pour...
238. S : Il se déplace ?
239. J : Il s'est déplacé toute seule à
son... de son chaise roulée, fauteuil roulé.
240. S : Oui chaise roulante.
241. J : Sur chaise roulante, oui, c'est bien, voilà
monsieur.
242. S : Donc toi quel est ton rôle auprès de ce
monsieur ? Quelle est ta fonction auprès de ce monsieur ?
234. J : Juste pour parler avec eux.
235. S : Tu traduis aux infirmiers ou... ?
236.
55
J : Euh quand il a quelque chose, mais il a toujours ça
va, il a oui, la dame il a demandé est-ce qu'il a quelque chose de
nouveau rien, j'ai dit non, xx xxx il a pas de problèmes, non, il a dit
je suis bien ici.
237. S : Et toi tu parles de quoi avec lui ?
238. J : Il raconte sa vie, quand il est jeune avec sa femme,
il a deux enfants, une ici une autre il est au Maroc, ils sont mariés,
c'est tout, il a des amis belges et il les connait depuis l'année
septante il a venu ici.
239. S : Soixante-dix ?
240. J : Septante, soixante-dix, il a venu ici comme
touriste, il a prend taxi avec eux, au Maroc la première fois xx xxx et
il a venu ici chez eux, il a toujours les.. même s'il vient en Belgique,
les Belges il vient est parti au Maroc, ils restent des amis, depuis septante,
les parents sont mourir.
241. S : Sont morts
242. J : Sont morts mais il a contact avec les petits-fils,
troisième génération.
243. S : Mais ils parlent français ?
244. J : Oui le monsieur il parle français bien parce
qu'il est... travail de ingénieur ou bien quelque chose... oui, c'est
pas...
245. S : Pourquoi est-ce que tu penses qu'il a besoin de
parler arabe avec toi ?
246. J : C'est la dame qu'il a demandé ça.
247. S : C'est qui la dame ?
248. J : Euh... Caroline, Karine, non Karine qu'il est
responsable de l'Home... c'est elle qu'il a demandé, est ce que vous
pouvez venir pour visiter des gens qui sont malades et ils sont par exemple pas
de.. tout de... famille ici.
249.
56
S : Donc tu ne parles jamais français avec lui ?
250. J : Non que l'arabe (rires) je sais pas si...
251. S : Tu trouves que c'est bien de parler arabe avec lui ?
Pour toi c'est bien ?
252. J : Pour prendre le français c'est pas bien d'un
autre côté mais pour bien expliquer, bien comprendre aussi, je
trouve ça c'est facile pour moi.
253. S : Pourquoi tu as accepté de faire ça
?
254. J : J'aime bien aider les gens, j'aime bien montrer
quelque chose de bien pour les gens, moi je suis comme ça,
peut-être deux fois chez monsieur je suis, je dis je peux rester avec toi
(rires) je suis comme ça (rires).
255. S : Tu y vas toujours ?
256. J : Non, tous les quinze jours, tout mercredi, oui
mercredi, peut-être je vais ramasser mes affaires xx xxx (rires) je suis
comme ça.
257. S : Tu aimes aller là-bas ?
258. J : Oui j'aimerai bien, ça fait plaisir, moi
aussi quand quelqu'un est malade, quand moi je suis malade, j'aime les gens ils
téléphonent à moi, il vient chez moi, c'est ça que
je fais, je sens, il faut quelqu'un malade, quelqu'un il est malade il faut
demander, est ce que ça va, est-ce que tu veux quelque chose, est-ce
que... c'est ça. Tu comprends ?
259. S : Oui je comprends, oui je comprends J., oui, c'est
vrai que tu apprends à être tout seul, c'est dur d'être tout
seul. C'est bien que tu aides quelqu'un.
260. J : J'aime bien.
261. S : Parce que lui quand il te voit il est content ?
262. J : Oui, aussi il est content, il pleure avec moi, il
est très content, il est avec un monsieur belge, il est très
très content, le monsieur.
263.
57
S : Et tu restes combien de temps avec lui ?
264. J : Même pas une heure, c'est juste ça,
après on entre à midi quart et midi euh, une heure,
une heure vingt on part.
265. S : Oui parce que vous êtes trois c'est ça
?
266. J : Oui moi, F et I, IM. Il va chez une dame et F avec un
monsieur aussi.
267. S : Et jusqu'à quand vous allez faire ça ?
268. J : Madame K a dit deux mois.
269. S : Donc là c'est bientôt fini non ? 23. 270.
J : Oui presque... deux trois semaines.
271. S : Et après tu n'iras plus ?
272. J : Je sais pas, il faut que je demande à la dame,
s'il a dit oui oui.
273. S : Oui c'est difficile pour toi et puis pour ce monsieur
si tu n'y vas plus.
274. J : C'est rien (émue).
275. S : En tout cas c'est une très belle action de ta
part, tu penses aux autres alors que toi tu
as aussi des problèmes et que tu n'es pas chez toi.
276. S : Tu lui en parles de ça à ce monsieur ?
277. J : Non ! De ma vie ?
278. S : Oui.
279. J : Non, sinon je commence à pleurer je parle pas
(rires).
280. S : Et il a quel âge ce monsieur ?
281. J : Presque septante, je pense, septante huit.
282.
58
S : Ça pourrait être ton grand-père.
283. J : Oui oui il est grand oui.
284. S : Dans la classe tu te sens bien J. ?
285. J : Oui oui.
286. S : Tu aimes bien venir à l'association ?
287. J : Oui j'aime bien, j'ai l'habitude maintenant.
(...)
59
Annexe 11 : Transcription entretien individuel 2
Informateur : AL
Date : 11 février 2014
Durée : 42 min 03 s
Lieu : Local de l'ASBL Avenir
1. S : Quand est-ce que tu es arrivé, depuis combien de
temps tu es ici ?
2. AL : Ça va. Je suis arrivé le :::
c'était le trente septembre... 2002.
3. S : Tu te rappelles exactement du jour ?
4. AL : Oui oui parce que j'ai été à
l'office le trente septembre 2002. Alors j'ai demandé l'asile, on m'a
envoyé dans une centre de Croix Rouge à Aincourt j'ai fait
normalement deux mois là-bas et après on m'a autorisé de
chercher une maison.
5. S : C'était en Wallonie ?
6. AL : Oui. Ma première maison que j'ai eue
c'était à Anderlecht rue du Smith numéro deux, dix
septante Bruxelles. Et j'ai fait ::: quelques années là... non
j'ai fait neuf mois là-bas, neuf mois\
7. S : Tout seul ? Tu es venu tout seul ?
8. AL : Oui ! Je suis venu tout seul. J'ai fait neuf mois
là-bas, de là, je suis parti à Mid-Bruxelles boulevard
Maurice Lemonnier numéro trente-six. J'ai fait euh :: quelques temps
là-bas aussi, de là je suis parti à xx xxx douze mille
Bruxelles... xx xxx numéro un et ::: j'ai fait quelques années
là-bas.
9.
60
S : Et tu arrivais d'où ?
10. AL: De la Côte d'Ivoire, Abidjan. Et maintenant de
là-bas aussi je suis parti euh..., tout près de la gare du Nord
commune Saint-Josse. J'ai fait une année là-bas, rue de la
prairie numéro huit, c'était là-bas maintenant j'ai une
maison sociale, où j'habite actuellement rue du Grands Serment
numéro vingt-deux voie rue vingt-sept mille Bruxelles.
11. S : Et ça te plaît cette maison ?
12. AL : Oui elle me plaît beaucoup, oui. C'est une
chambre salon toilettes à part, douche à part, cuisine et un
petit xx xxx et un balcon aussi.
13. S : Ah c'est bien. Tu as le soleil ?
14. AL : Oui, le soleil des fois, dans le jardin oui.
15. S : Ah ça c'est chouette ! (Silence) Et pourquoi
tu es parti de :: d»Abidjan ?
16. AL : Bon je suis euh... je suis quitté Abidjan
à cause de mon idéologie politique, parce que j'étais
membre du parti d'Alassane.
17. S : Parti d'Alassane ? Alassane c'est un homme... C'est
un politique de...?
18. AL : Alassane Dramane Ouattara, c'est celui qui est le
président actuellement. Et j'ai fait même la prison à cause
de lui mais je rentre pas dans les détails, je me suis retrouvé
xx xxx. En 2003, j'ai suivi une formation dans le bâtiment, coffrage et
après j'ai fait mon stage deux mois chez l'entreprise Tirat, et quand
j'ai fini mon stage ils m'ont dit qu'ils vont m'appeler et entretemps, y a un
ami qui m'a appelé pour le travail au restaurant, François
à Sainte Catherine, toujours Mid-Bruxelles alors j'ai été
là-bas, j'ai travaillé là-bas euh... le jour qu'on m'a
appelé et le lendemain ; trois jours après, la patronne elle a vu
que je travaille bien, elle m'a proposé le contrat.
19. S : Ah c'est chouette !
20.
61
AL : Alors j'ai signé mon contrat là-bas,
à ce moment j'avais la carte orange et j'ai travaillé de 2003
maintenant jusqu'à 2007, le mois de mars. Le restaurant il marchait pas
beaucoup et il y avait trop de personnel et j'étais le dernier euh... le
dernier euh...
21. S : Embauché ?
22. AL : Embauché, alors là c'est la raison
pour laquelle j'ai arrêté le travail là-bas, le patron m'a
appelé pour me dire que... franchement... j'ai même la lettre
qu'elle m'a donnée, j'ai ça, la lettre là aussi
m'accompagne beaucoup de choses parce qu'elle a fait des commentaires.
23. S : De bons commentaires ?
24. AL : De bons commentaires, je l'ai ici peut-être,
je vais te montrer après et de là maintenant de 2007 je me suis
inscrit à... chez l'intérim Asap. Maintenant j'ai
travaillé avec l'Asap jusqu'à 2012, 2012 à maintenant,
comment on appelle.... je voulais... je voulais faire une formation pour
conduire le tram.
25. S : Ah oui c'est chouette ça !
26. AL : Maintenant le test que j'ai fait, j'ai raté
le test et ils m'ont dit maintenant d'aller m'inscrire à l'école
pour avoir le niveau et après que... on va voir ce que je peux faire.
27. S : Donc tu vas aller t'inscrire à l'école
?
28. AL : Oui c'est là maintenant ils m'ont
donné euh...plusieurs plusieurs noms de l'école et c'est ici que
j'ai eu.
29. S : Ah c'est ici, d'accord.
30. AL : C'est ici à l'école Avenir ASBL rue du
Moulin numéro 150. Et je suis là je crois depuis 2012.
31. S : Et donc ta formation de gardien de
sécurité, comment tu as eu l'idée ?
32. AL : Alors là quand je suis quitté
Saint-Josse ici, je suis, je me suis, je suis parti m'inscrire à la
mission locale de Mid-Bruxelles. Alors là on a fait une séance et
c'est ceux-là
maintenant qui m'ont proposé. Ils ont parlé
beaucoup des formations et c'est maintenant j'ai choisi pour... pour la
sécurité.
33. S : Parce que quand tu étais à Abidjan donc tu
allais à l'école ?
34. AL : Oui.
35. S : Et tu avais un travail ?
36. AL : Oui, j'étais chauffeur de taxi.
37. S : Ah ! C'est ton travail à Abidjan, chauffeur de
taxi ?
38. AL : Non xx xxx
39. S : Donc tu n'avais jamais travaillé dans les
bâtiments ?
40. AL : Non.
41. S : Jamais dans les restaurants ?
42. AL : Non. C'est ici que j'ai fait. J'ai fait une
formation de trois mois dans le bâtiment et après j'ai fait mon
stage chez l'entreprise Tirat et ils m'ont donné cette attestation,
ça aussi je l'ai à la maison. Celui-là ils m'ont dit
qu'ils vont m'appeler, mais entretemps j'ai été appelé
euh... comment on appelle euh... comment on appelle... restauration.
43. S : Par le... ?
44. AL : Restauration
45. S : Restauration ? Par le restaurant.
46. AL : Oui par le restaurant, maintenant quand je suis
parti là-bas, j'ai travaillé trois jours comme ça, le
patron m'a proposé le contrat et j'ai signé le contrat jusqu'en
2007, j'ai travaillé là-bas.
62
47. S : Mais alors tu parlais français quand tu es
arrivé ?
48.
63
AL : Oui je parlais le français.
49. S : Et pourquoi tu parlais français ?
50. AL : Pardon ?
51. S : Pourquoi est-ce que tu parlais français
déjà ?
52. AL : Parce que la Côte d'Ivoire ça c'est un
pays francophone.
53. S : Donc à l'école tu apprenais le
français ?
54. AL : Oui mais j'ai pas été au... J'ai
été à l'école mais pas euh... parce que en Afrique
si tes parents n'ont pas de moyens, c'est pas facile de continuer. J'ai fait
l'école jusqu'à sixième. Pas plus.
55. S : Donc sixième, c'est-à-dire jusqu'à
onze ans ?
56. AL : Non, six ans. Maintenant je fais les cours du soir.
57. S : Ici ou là-bas ?
58. AL : Au pays, parce que comme mon papa n'avait pas assez de
moyens, directement j'ai commencé à rouler le taxi pour lui
donner un coup de main.
59. S : Donc tu as commencé à quel âge le
taxi ?
60. AL : Bon je peux dire euh... dix-sept, dix-huit ans.
61. S : Donc tu parles français mais tu parles
peut-être aussi d'autres langues ?
62. AL : Oui ça c'est notre langue maternelle gula. Gula
en Afrique de l'ouest au Mali, gula on dit là-bas bambara.
63. S : Bambara, c'est le nom de la langue ?
64.
64
AL : De la langue. En Guinée on dit malinké
euh... au Burkina aussi on dit gula. Parce qu'en Afrique de l'ouest, on parle
ces langues en Guinée, la Côte d'ivoire, le Mali, le
Sénégal et la Gambie.
65. S : Donc tu peux parler avec des gens du
Sénégal, de Gambie... ?
66. AL : Oui, c'est le wolof qu'on parle au
Sénégal mais y a des gens qui parlent le gula aussi.
67. S : Ici tu parles gula avec des gens ?
68. AL : Oui, il y a plein d'ivoiriens ici, y a des maliens
aussi, y a des guinéens et les gambiens, qui parlent aussi même
langue mais mots différents. Parce que je peux dire que les pays que je
viens de citer là, cela fait partie de Union Mandingue.
69. S : Mandingue ?
70. AL : Mandingue, ça veut dire que... mandé,
c'est la langue n'ko. Les gens qui parlent n'ko, si je me trompe même
pas, j'ai une carte de...
71. S : Tu as la carte des...
72. AL: Union mandingue
73. S : Ah, union mandingue
74. AL : Voilà, on a une association ici qu'on...
voilà... les pays qui sont là là, ça veut dire
qu'ici ils font... il fait partie de mandingue.
75. S : Ah et donc il y a une association à Bruxelles
?
76. AL : Oui
77. S : Et donc toi tu y vas à cette association ?
78. AL : Tu vois, y a le Mali, Libéria, Guinée
Bissao, Gambie, Sénégal, Sierra Léone, Guinée,
Burkina et la Côte d'Ivoire, ça c'est mon pays qu'il y a
là.
79.
65
S : Donc il y a des manifestations, vous faites des
activités ?
80. AL : Oui on fait des activités mais pas les
manifestations, non, c'est pas possible. Moi ce que moi je comprends,
manifestation pour sortir, manifester.
81. S : Ah non !
82. AL : On fait des activités xx xxx
83. S : Et vous parlez français là-bas ?
84. AL : Si, on parle le français comme notre langue ?
85. S : Vous parlez les deux ?
86. AL : Les deux
87. S : Et quand tu es parti d'Abidjan pour venir en Belgique,
comment tu t'imaginais la Belgique ?
88. AL : Bon. La Belgique moi je peux dire que ça a
été bien pour moi, parce que quand j'ai demandé d'asile,
j'ai fait que dix mois au centre, parce que j'ai rencontré des gens ici
qui ont fait deux ans, trois ans, au centre. Moi j'ai eu ma carte orange au
bout de deux mois.
89. S : Qu'est-ce que c'est la carte orange ?
90. AL : La carte orange, euh... en 2002, ça
c'était une carte provisoire.
91. S : De nationalité ?
92. AL : Non non non, pas nationalité. Une carte
provisoire pour les gens qui demandent asile, qui te permette de te promener en
Belgique, mais pas dehors de la Belgique.
93. S. : Donc tu peux travailler avec cette carte ?
94. AL : Oui, tu pouvais travailler avec ça si t'avais le
permis de travail. C'est une carte aussi. Voilà. Après carte
orange on m'a donné la carte blanche, c'était un an.
95.
66
S. : Ça c'est définitif, carte blanche ?
96. AL : Oui, ça c'était parce que j'ai
demandé la régularisation et ils m'ont donné euh... ils
m'ont et j'ai été régularisé, ils m'ont
donné une carte illimitée. Alors là, c'est ça
maintenant (incompréhensible) pour faire cinq ans. Et cinq ans j'ai
aussi demandé ma nationalité. Actuellement, j'ai eu ma
nationalité.
97. S. : Au bout de cinq ans tu l'as eue ?
98. AL : J'ai eu ma nationalité ça fait je
crois en 2012.
99. S. : Y a pas longtemps, ça fait deux ans que tu
l'as eue.
100. AL : En 2012 six septembre
101. S. : Et quand tu es arrivé ici, comment tu as
trouvé les gens, le paysage ?
102. AL : J'ai trouvé euh... les gens sont sympas, ils
sont tolérants et ... ils... franchement ils sont sociables euh... ils
se demandent toujours pardon parce que même si quelqu'un toi tu viens tu
marches sur le pied de quelqu'un, c'est la personne-là qui te demande
pardon ; ok en Afrique on te pousse et tu m'as pas vu ? , alors ici j'ai
trouvé que la Belgique franchement c'est super, oui, j'ai vu des
mentalités différents, des êtres humains, entre la Belgique
et la Côte d'Ivoire.
103. S. : Et est-ce que pour toi ça a
été difficile la culture d'ici et la culture de ton pays ?
104. AL : Non, pour moi non, parce que quand je suis venu je
parlais le français et dans un pays si tu parles leur langue, je crois
que ça ne sera pas difficile pour toi, comme les gens qui ne parlent pas
leur langue, parce qu'il y a... y a plusieurs langues qu'on parle ici mais la
langue qu'on parle ici normalement c'est le français et le flamand. Le
flamand je comprends pas mais le français je me débrouille, donc
ça n'a pas été difficile pour moi.
105. S. : Et toi tu te sens ou tu t'es senti différent
ici ? Tu étais AL comme tu étais en Afrique ou tu es quelqu'un
d'autre ?
106.
67
AL : Waouaih euh... tu sais en Afrique on vit toujours avec la
famille et les amis et quand j'étais là-bas on dormait à
quatre à la maison hein. Mais ici quand je suis venu on m'a dit de
chercher une maison et je dormais sur xx xxx donc ... (rires)
107. S. : C'était dur pour toi ?
108. AL : (Rires) Tu vois ? Ça a été
normal pour moi parce que tout ça c'est pour ne pas déranger les
autres et... pour être libre et... faire ce que tu as envie de faire,
à l'aise.
109. S. : Quand tu es tout seul, dans une maison
110. AL : Quand tu es tout seul, pour ne pas te
déranger, j'ai trouvé ça normal même si tu as
quelque chose à apprendre si tu es seul, tu vas te concentrer pour
faire... par exemple pour avoir mon permis, j'étais seul, j'ai
acheté le CD, CD-Rom, j'avais l'ordinateur chez moi, j'ai appris
à la maison hein.
111. S. : Ah tu n'es pas allé à l'école
?
112. AL : non, j'ai pas été à
l'auto-école, et j'ai appris ça à la maison et je suis
parti pour faire la théorie, j'ai raté première fois,
deuxième fois j'ai eu. Pour la pratique aussi j'ai raté
première fois deuxième j'ai eu parce que je conduisais à
Abidjan, mais malheureusement ils n'ont pas accepté de changer mon
permis ici.
113. S. : Oui tu étais taxi, tu avais le permis.
114. AL : Oui oui oui, donc directement je me suis
engagé pour faire mon permis, et Dieu m'a aidé, j'ai eu mon
permis depuis 2006.
115. S. : Et au niveau de la nourriture, les odeurs ?
116. AL : Bon, ça, ça va parce que tu vois,
avec euh... j'sais pas, les commerçants ou quoi, tout ce qu'on a en
Afrique on trouve ici aussi, y a le magasin africain surtout à
côté de l'abattoir si tu pars là-bas, tous les magasins qui
fait face à l'abattoir ça ce sont des magasins africains,
ça c'est des produits d'Afrique qu'on vend là-bas donc euh... moi
aussi je ne mange pas presque au restaurant, je prépare toujours chez
moi.
117.
68
S. : Tu cuisines ?
118. AL : Ouais... et je mange... rarement que je mange au
restaurant.
119. S. : Pourquoi ?
120. AL : Parce que, d'un, ça coûte cher, de
deux, j'ai pas habitué de... manger les trucs
européens.
121. S. : Tu manges pas les frites ?
122. AL : Je mange les frites, au snack je mange les
frites... légumes.
123. S. : Et avec ta famille tu communiques souvent ?
124. AL : Oui, je communique souvent, presque tous les
jours.
125. S. : Tu parles en français avec eux ?
126. AL : Ouais ouais ouais, français ou langue
maternelle.
127. S. : Avec tes enfants ?
128. AL : Ah surtout j'ai acheté un
téléphone pour ma fille, ma fille que je l'adore beaucoup
(rires) donc on parle tout le temps au
téléphone.
129. S. : Et quand tu... pardon excuse-moi, vas-y
130. AL : Non, je... je voulais te dire que ma fille je
l'aime beaucoup, elle me plaît.
131. S. : Tu vas aller la voir bientôt ?
132. AL : Ouais, si Dieu le veut.
133. S. : Peut-être cet été ?
134. AL : En tout cas, je pense, si Dieu le veut, ce sera
avant 2015.
135. S. : D'accord. Donc c'est dans six mois...
136. AL : Si tout va bien.
137. S. : Tu aimerais retourner vivre à Abidjan si tu
pouvais ?
138. AL : Bon, ça dépend, ça
dépend, parce que l'Afrique d'avant et l'Afrique d'aujourd'hui c'est pas
la même chose. Avant, y avait des dirigeants, franchement qui ne me
plaisent pas, qui devant le malheur... et je crois bien que maintenant les
dirigeants qui sont venus là ils ont beaucoup vécu en Europe ici
et ils ont espérance d'Europe et je pense bien avec ceux-là les
Africains comptent rentrer mais moi pas maintenant.
139. S. : Qu'est-ce que tu veux faire avant de rentrer ?
140. AL : Ben moi je suis là encore parce qu'il faut
pas rentrer pour aller traîner à la maison hein. Après je
veux dire après dix ans, onze ans d'absence, en rentrant, il faut
rentrer avec quelque chose.
141. S. : De l'argent ?
142. AL : Bon, ça dépend... le métier ou
de l'argent pour aller faire quelque chose, de ne pas aller croiser tes bras,
c'est ça quoi, parce que tu peux pas venir faire onze ans ici,
après tu rentres... Après tu croises tes bras et regarde ta femme
part au marché ou... ta femme te nourrit.
143. S. : Ta femme travaille AL ?
144. AL : Euh... pour... elle ne travaille pas.
145. S. : Qu'est-ce que tu attends alors de la Belgique ?
146. AL : La Belgique... hum, en tout cas moi je peux dire
que la Belgique est bien pour moi, c'est un pays qui m'a fait découvrir
le monde.
147. S. : Le monde ?
69
148. AL : Le monde, parce que de là, on sait apprendre
beaucoup de choses.
149.
70
S. : Tu n'étais jamais allé en Europe avant AL
?
150. AL : Ça c'était ma première fois de
quitter la Côte d'Ivoire, de venir en Europe en 2002, c'était ma
première fois.
151. S. : Tu es venu en avion ?
152. AL : Oui en avion
153. S. : Première fois que tu prenais l'avion ?
154. AL : C'était ma première fois aussi de
prendre l'avion.
155. S. : Et comment tu étais quand tu es monté
dans l'avion ?
156. AL : Bon c'était euh... je voyageais dans la
voiture mais dans l'avion c'était ma première fois mais ça
m'a... ça ne m'a pas trop impressionné parce que je voyais tout
le temps j'accompagne les amis qui prenaient les vols.
157. S. : Oui tu avais déjà vu des avions
décoller.
158. AL : Oui l'avion décolle et descendre donc
ça ne m'a pas beaucoup étonné aussi, parce que dans
l'avion aussi tu es tranquille comme t'es chez toi à la maison, ah si
j'ai trouvé qu'il y avait... qu'il était en haut, ça
c'était un peu... mais de là-bas d`ici c'est comme tu es assise
sur...
159. S. : Donc tu penses que la Belgique ça va t'aider
à rentrer au pays AL ?
160. AL : La Belgique je pense qu'elle va m'aider de faire ce
que j'ai envie de faire.
161. S. : Avoir un métier...
162. AL : Métier... parce que tu peux pas avoir de
l'argent sans travail et le travail aussi il faut apprendre le métier
donc euh... et si tu veux voir aujourd'hui je viens le cours du français
ici c'est par rapport à un métier que je voulais faire, pour
faire ça, il faut être... il faut être compétent je
crois dans... c'est pourquoi je suis là.
163.
71
S. : Tu es à l'école depuis 2012 et qu'est-ce
que, toi dans la classe tu te sens bien, tu te sens AL ou parfois c'est
difficile ?
164. AL : Non je me sens bien parce que dans l'association y
a du monde et tout un chacun a son comportement donc il faut, il faut, il faut
t'adopter, il faut pas faire comme tu es chez toi, tout un chacun a son
comportement donc c'est à toi de connaître les gens à qui
il faut, tu peux faire quelque chose avec lui, à qui tu dois te
méfier, donc dans la société c'est toujours comme
ça, mais... d'abord il faut te respecter, si tu te respectes tout le
monde je pense que tout le monde peut te respecter aussi. Je me sens à
l'aise ici, malgré que je suis le seul peau noire ici mais je me sens
à l'aise.
165. S. : Ah oui c'est vrai, y a que toi AL ? Il y a que toi
dans la classe ?
166. AL : Oui (rires) oui il y a que moi
167. S. : Tu es le représentant de l'Afrique
(rires)
168. AL : Ah oui, donc je me sens à l'aise, parce que
euh... ça va. Moi je... pour euh... pour connaître quelque chose
ou bien pour quelqu'un qui veut savoir quelque chose, lui ne doit pas
être trop mesquin.
169. S. : Trop ?
170. AL : Trop mesquin. En disant que ouais je suis mal ici,
quand je parle tout le monde est contre moi ou bien... non. Soit tu fais soit
tu ne fais pas, tu ne peux pas t'en sortir, il faut être sociable, faut
être au clair. Y a des gens ici quand je viens ils sont contents, moi
aussi y a des gens qui... si ils sont là je suis content. M, c'est un
marocain, ben une fois qu'il me voit il est content hein, moi aussi. Donc
euh... c'est ça.
171. S. : Est-ce que tu penses que tu es bilingue en
français ?
172. AL : Bilingue... bilingue ça veut dire euh...
173. S. : Bilingue ça veut dire que tu parles aussi
bien le français que ta langue maternelle.
174.
72
AL : Ah non, je parle bien ma langue maternelle que le
français, ça c'est clair.
175. S. : Qu'est-ce qu'il te manque alors pour bien bien bien
parler français ?
176. AL : Bon.... euh... je pense que l'article me manque en
français.
177. S. : Féminin ou masculin c'est ça ?
178. AL : Oui, par exemple même moi ici j'ai
posé la question à L pourquoi on dit une ou un, du ou des, tan
tan tan... elle m'a expliqué, en disant que tout ce que tu vois du,
ça doit être le nom d'une personne, parce ce que j'ai même
prendre l'exemple rue des xx xxx à côté de la gare de Midi
et rue du Moulin ici et elle m'a bien expliqué, comme ça j'ai
compris.
179. S. : Est-ce que tu penses que pour toi la langue
française c'est un problème en Belgique ?
180. AL : Moi quant à moi je vais dire non... quant
à moi je vais dire non.
181. S. : Ça ne t'a jamais empêché de
trouver un travail ?
182. AL : Depuis que je suis là, je n'ai jamais lu de
ma lettre, de montrer à quelqu'un c'est quoi ça, ça veut
dire quoi, c'est moi-même qui lis tout et je sais la lettre là
ça signifie quoi, le mot là ça signifie quoi, je n'ai
jamais lu de ma lettre pour donner à quelqu'un. Tout... c'est
moi-même qui fais tout.
183. S. : Tu écris, tu téléphones...
184. AL : C'est moi qui fais tout, donc euh je ne vois pas...
je peux dire que le français ne me complique pas d'être en
Belgique, je me sens à l'aise, et pour moi je parle pour faire ce que
j'ai envie de faire.
185. S. : C'est pour ça que tu as choisi la Belgique,
parce que c'est la même langue ?
186. AL : C'est la même langue. Par exemple si tu
parles en allemand, c'est... pour aller il faut recommencer à
zéro, parce que pour être à l'aise dans un pays, il faut
parler la langue, ça c'est obligé. Tu tu tu.. moi, moi je ne peux
pas quitter la Côte d'Ivoire pour aller parler les gens.. Les allemands,
le français, ils vont pas, ils vont même pas me regarder, parce
que la
73
langue dont je parle il ne sait pas c'est quoi ,alors
là c'est à moi de me concentrer, connaître leur langue,
parce que ça va m'aider à m'intégrer, mais je peux pas
quitter de la Côte d'Ivoire pour venir imposer ma langue en allemand,
c'est impossible, c'est pourquoi j'ai vu que en Belgique on parle le
français et néerlandais, et comme je suis francophone, je me suis
dit que je suis bien ici.
187. S. : Et tu avais regardé un petit peu des photos de
la Belgique avant ?
188. AL : Euh bon... oui, j'entendais le nom de la Belgique,
la France, Hollande, Allemagne quand j'étais en Afrique mais je ne
regardais pas, c'est à cause de mon problème qui m'a fait venir
en Europe sinon je l'avais pas en tête.
189. S. : Oui tu serais resté à Abidjan.
190. AL : Oui, comme je te l'ai dit à cause de mon
problème j'ai parti, c'est pourquoi tantôt ils ont demandé
qui aime faire de la politique ici, j'ai pas... parce que je ne vais plus faire
la politique.
191. S. : Même en Belgique
192. AL : Même en Belgique, ici c'est aller voter je
vais aller voter point. Mais pour dire euh... je vais faire campagne pour lui
tan tan tan tan tan...ça c'est fini.
193. S. : Tu crois que cette expérience en Belgique
ça t'a changé ?
194. AL : Ça m'a changé, ça m'a
donné beaucoup d'idées, ça m'a... parce que dans la vie il
faut réfléchir, de faire quelque chose, il faut
réfléchir avant de faire, en Afrique on pouvait supporter
quelqu'un comme ça parce que ...mais tu dois savoir.
195. S. : Supporter c'est encourager ?
196. AL : Encourager, supporter, faire le... faire euh... la
campagne sans connaître de parties des faits, mais maintenant moi je sais
plus faire ça, je veux connaître d'abord qu'est-ce que la personne
va faire au pays, maintenant je vais le supporter... mais pour supporter comme
ça parce qu'il faut supporter... mais moi xx xxx je peux dire que c'est
fini, je vais voter pour
74
voter ça c'est un xx xxx on met l'article dans l'enveloppe
sans dire pour qui tu as voté ça moi je peux le faire mais le
reste, sortir sur la voie en disant que « vive tan tan tan tan tan tan....
» pour quelqu'un, ça je ne le ferai plus.
197. S. : Qu'est-ce que tu changerais en retournant à
Abidjan ?
198. AL : Pardon ?
199. S. : Qu'est-ce que tu changerais dans ton... ta
façon d'être ou ta façon de faire les choses ou de penser
quand tu vas retourner à Abidjan ?
200. AL : Bon j'ai été là-bas je crois
trois fois, euh... toujours je me méfie, parce que quand tu quittes ici
pour aller, y a des gens qui peut te dire que ouais parce que lui il vit en
Europe, c'est comme ça, il fait ça, il se comporte comme
ça et... moi je refuse toujours.
201. S. : Il y a des jalousies ?
202. AL : Il y a des jalousies, il y a des gens même si
tu t'habilles juste sortir bien, ils sont contre ça, donc euh...
l'Afrique a tout tenté, y a pas trop de sécurité hein...
pour être à l'aise là-bas, je peux dire il faut te
comporter comme eux, il faut pas... ne fais pas la différence.
203. S. : Donc tu redeviens... comment dire ? Tu mets
peut-être d'autres habits, tu parles ta langue maternelle, comment tu
fais ?
204. AL : Non non non je parle euh... tu sais en Côte
d'Ivoire y a le français de la rue et y a le français de
l'école... et le français de la rue voilà ils parlent
entre eux, toi t'y es là, ils parlent le français, mais toi tu
comprends rien... donc c'est ce qu'on appelle le français de la rue
parce que ils te parlent le français en même temps la langue
maternelle.
205. S. : C'est un mélange
206. AL : Mélanger les deux et toi tu...tu vois ce que
xx xxx de parler.
207. S. : Et toi tu parles quoi, le français de la rue
ou le français de l'école ?
208.
75
AL : Ben je peux dire que avec mes amis on parle le
français de la rue hein, ah oui ! Si c'est sérieux maintenant on
parle le français de l'école mais avec les amis, ça
ça est dans notre sang.
209. S. : Depuis tout petit ?
210. AL : Comme ça, on parle comme ça comme
ça on se sent à l'aise... parce que on mélange les deux
pour parler.
211. S. : Pour terminer AL, après je te laisse car le
cours a l'air intéressant avec N, si tu devais te définir, AL
avant et AL maintenant, qu'est-ce que tu dirais, ta personnalité ?
212. AL : Ma personnalité, je dirais que AL avant et
AL d'aujourd'hui, c'est pas la même chose. Parce que non seulement chez
nous nos grands-pères disaient tout le temps si tu n'as pas
été à l'école mais si tu te déplaces de ton
pays, à autre pays, c'est comme quelqu'un qui a été
à l'école, c'est pour avoir l'idée, tu vois, alors
là j'ai eu la chance d'aller à l'école un peu et j'ai eu
la chance de quitter mon pays pour l'autre pays, alors là c'est pourquoi
je dis AL avant et AL aujourd'hui, c'est pas la même chose.
Mentalité ça a changé, mon comportement, et avant, y a
beaucoup de choses qu'on me faisait je n'acceptais pas, et aujourd'hui je peux
accepter.
213. S. : Tu es plus tolérant ?
214. AL : Oui, maintenant je suis plus tolérant que
avant, parce que avant si tu me faisais quelque chose xx xxx ou... maintenant
même si tu me fais ça c'est sûr que... ma première,
ce groupe que j'ai dit tantôt que quand je suis venu en Europe ici, tu
montes le pied de quelqu'un, c'est la personne qui te dit pardon porque...
Avant si c'était moi avant, même au centre, j'ai frappé
quelqu'un au centre hein.
215. S. : Ici ?
216. AL : Ici, mais le gars était tellement impoli que
tout le monde avait peur de lui, au centre, il y avait deux frigos, tous les
gens qui se trouvaient là-bas, et ils utilisaient un frigo et tellement
qu'ils ont peur de lui, lui seul il utilisait un frigo.
217.
76
S. : Que pour lui ?
218. AL : Que pour lui. L'assistante, les assistantes
sociales qui étaient là-bas juste avaient peur de lui,
c'était un iranien, maintenant moi je suis venu parce que chaque jeudi
on donnait cinquante euros, on est partis au marché pour acheter les
trucs pour venir mettre dans le frigo, on achetait la viande tout et tout...
quand je suis venu je vois que le frigo l'autre frigo là c'est plein,
c'est rien maintenant et l'autre là c'est vide, moi j'ai mis ma viande
chez lui et quand il est venu, il n'a même pas demandé hein, il a
pris la viande il a jeté ça dehors, moi aussi j'avais la
mentalité africaine, j'ai corrigé le type et finalement on
était comme ça, j'ai frappé, j'ai frappé le gars,
j'ai appelé la police et quand la police elle est venue, ils se sont
rencontrés avec l'assistante sociale, ceux-là ils m'ont dit ils
ont dit non c'est bon c'est bon et ils m'ont félicité
même.
219. S. : Oui, parce que toi tu as réussi à
faire stopper ça.
220. AL : Oui, j'ai frappé le gars et pis alors
maintenant, tout le monde me dit tu viens, tu viens et directement il a
changé.
221. S. : Maintenant il y a les deux frigos ?
222. AL : Deux frigos pour tout le monde, donc j'avais la
mentalité africaine mais maintenant si tout le monde se méfie
comme ça, moi aussi. Je vais essayer de lui parler, s'il comprend, ok,
s'il comprend pas je vais faire comme les autres parce que les assistantes qui
sont là, c'est à eux de lui dire le frigo ne t'appartient pas
c'est pour vous tous, mais si ils n'arrivent pas à dire, c'est
là, pourquoi moi je vais m'imposer ? Maintenant... mais avant j'allais
faire ce que je veux... voilà... donc c'est pourquoi je te dis que AL
d'avant et AL d'aujourd'hui c'est pas la même chose.
223. S. : C'est mieux ou c'est moins bien ?
224. AL : C'est mieux (rires)
225. S. : C'est mieux ?
226.
77
AL : C'est mieux (rires)
227. S : C'est bon AL je te laisse tranquille.
228. A. : Merci beaucoup
78
Annexe 12 : Transcription entretien individuel 3
Informateur : M
Date : 11 mars 2014
Durée : 35 min 22 s
Lieu : Local de l'ASBL Avenir
1. S : On va commencer comme ça : peux-tu me dire
comment tu vis ton installation à
Bruxelles ?
2. M : Bien (silence)... Je suis parti du Maroc pour la Belgique
car j'a ::: j'avais besoin de l'argent. L'économie était
difficile là-bas à xx xxx je pensais beaucoup et après
beaucoup de solutions, je je trouvais : traverser la Méditerranée
!
3. S : Traverser la Méditerranée ?
4. M : Je ..... je vois pas autre solution, tu vois.... Je suis
ma- je pars par la Méditerranée 1968. Et là j'arrive gare
du Midi (sourire)... la gare de l'espoir on appelle (silence) avant. Je sais
pas qui qui.... dit ça... mmm ça.
5. S : Ah c'est joli la gare de l'espoir
6. M : euh ::: je sais pas. On croit du bonheur, pour la
famille, les enfants. On était beaucoup beaucoup beaucoup pas savoir
quoi faire ou ou quelqu'un mmm mais bon.... Mon père a fait avant et je
sais là là on savait trouver du travail vite.
7. S : Ah bon ?
8. M : Oui, oui. Mon père trouve dans le xx xxx
là-bas. C'est ça. Mmmm.
9. S : Est-ce que tu as trouvé vite ?
10. M : Euh :: oui... on demande à nous, aux amis de
mon père et tout et on dit ah là-bas va et il te donne bon
travail et tout ça/ je fais beaucoup de travail : un peu
79
construction, dans le charbonnage et fabrique de chimique. Un peu
de tout oui (sourire).
11. S : Ah oui en effet ! Comment tu as vécu ça
?
12. M : Pour moi :::, pas un travail pour l'homme tu comprends ?
Travail TRES TRES difficile oui, comme les animaux (soupir).
C'est ça, c'est c'est la vie eh oui... Mais mon père fait aussi
c'est pas grave mais bon.... C'est pas facile. Non.
13. S : Hum.
14. M : C'est tout.
15. S : Et comment tu es arrivé à l'association
?
16. M : Ça c'est le travail oui. Quand tu arrives c'est
trop vite, tu comprends pas et après je voulais comprendre. Pour moi
:::: ça c'est pas juste. Mmmm.... Je dis ah peut-être je peux
suivre du cours pour le soir. Et c'est ça. Mon ami a fait le même
et alors je dis moi aussi je veux faire. Et lui aussi m'a dit ça c'est
mieux pour toi, ta famille. Voilà.
17. S : Très bonne idée !
18. M : (Rires) Merci S, t'es gentille (sourire). Mais ::: c'est
pas facile.
19. S : Quand tu es arrivé à l'association ?
20. M : xx xxx peut-être deux ans maintenant, je je sais
pas, oui oui peut-être ça. Quand on habite le quartier. Euh :::
oui quelque chose. Hum...
21. S : Ah c'est récent alors.
22. M : Mmm non pas longtemps je crois mais Madame L.
très gentille et avec toi aussi maintenant. Moi je suis content. L'ASBL
je viens tous les jours, toujours. Je.... Mmm j'aime l'école oui. On
parle, on voit du monde... oui, on reste pas toujours à la maison.
23.
80
S : Hum. Donc ça ne fait pas longtemps que tu es à
l'ASBL ?
24. M : Oui pas longtemps... euh::: pour le travail et euh::: le
Maroc contrôle tout, c'est pas pour moi ça, non. Alors
j'attends.... et maintenant ça va. Je viens, c'est à moi et je
suis content, comment on dit.... Euh :::: pfff content. C'est bien,
voilà.
25. S : Je ne comprends pas.
26. M : Non.... Moi je veux pas des histoires alors tu
obéis à Maroc et voilà c'est ça. Après, je
viens à l'ASBL pour apprendre français et pas arabe. Je veux
vivre à Belgique Saint-Josse. Tu comprends? C'est bien oui. L'arabe moi
je le sais déjà. C'est pour ça.... Quand.... Mardi.... Euh
::: ils se disputent pour pour l'arabe, je suis pas d'accord. À l'ASBL,
c'est parler le français pas l'arabe. Madame L. elle a raison. Xx xxx je
reste chez moi alors. Je comprends pas ça. Je crois c'est la la la
chance de parler français et avoir des professeurs pour ça.
Mais... y a des personnes qui ne... mmm savent pas. Elles sont pas contentes et
veulent arabe. Pourquoi ?... euh ::: je je sais pas.
27. S : Tu en as parlé avec I. ?
28. M : Non, non. Moi je veux pas d'histoires. Non, non.
29. S: Hum... humm.. euh::: bon. Comment s'est passé le
contact avec les Belges ?
30. M : Facile, facile. EXTRAORDINAIRE oui. Des
gens qui te donnent beaucoup tu vois mmm xx xxx aider toujours, toujours. Moi
pas des des problèmes avec les Belges. Je parle avec eux oui oui. Je
préfère les gens belges oui. Que marocains.... Pfff c'est
toujours le même, tu vois. Je je veux parler français.
31. S : Tu as des amis belges ?
32. M : (Sourire, silence) Mmm.... Euh::: un peu comme ça
mais on va pas à la maison, on dit bonjour ça va la famille, les
enfants et::: voilà mais des personnes très gentilles mmm. C'est
pas amis comme ça mais beaucoup de sourires, de parler avec eux...
mmm
33.
81
S : Tu rentres souvent au Maroc ?
34. M: Un petit. Ça dépend. Je suis allé
pour ma mère qui meurt tu sais...deux mois, quand je pars Maroc, je pars
aux montagnes. Oui, oui, je nais aux montagnes. Tu connais Maroc ? C'est
très joli. J'ai pas pris les photos mais demain je t'apporte les photos
et tu vois.
35. S : Ah super ! J'y suis pas encore allée donc je vais
découvrir !
36. M : C'est joli::: Et bon là-bas aussi y a les riches
et et les pauvres... Ça c'est pas bien tu vois. Mais b-.... C'est comme
ça maintenant là-bas. Moi, je suis très triste pour
ça. Oui. Pour ça, le travail c'est important pour moi à
Belgique tu vois. C'est.... Ce- je suis content avec mon travail. Tu fais fais
quelque chose. Oui. C'est important pour moi toujours.
37. S : Tu te sens bien à l'association ?
38. M : Mmm... oui, oui, ça va bien merci. Je t'ai dit je
viens tous les jours.
39. S : Tu aimes les cours de français ?
40. M : (Silence) L'école c'est une chance tu vois. Moi
au Maroc, je suis pas allé longtemps à l'école. Pas
facile. La vie est dehors. Alors maintenant à Saint-Josse, j'aime bien
oui. Eh ::: mon français c'est difficile tu sais (Rires). Mais je suis
content, El M. aussi, A. aussi, tous sont contents avec vous.
41. S : C'est utile le français dans ta vie ?
42. M : OUI bien sûr ! C'est sûr
ça ! Tu vois, autre jour... euh ::: attends, di- dimanche je crois, oui,
oui mmm dimanche, je je suis allé marcher au parc de Cinquantenaire,
là-bas à côté à côté... tu
connais ?
43. S : Oui, oui.
44. M : Voilà. Bon. Euh :::Je marche\
45.
82
S : Tu étais avec El M. ?
46. M : Non, non, tout seul. Euh ::: Je marche alors tranquille,
tranquille, doucement. Et là... la police... mais moi je vois pas eux...
et demande mes papiers (Rires). Mais moi j'ai pas mes papiers!
47. S : Tu n'as pas de papiers belges ?
48. M : Oui, oui j'ai la nationalité belge..... mmm j'ai
la carte du belge tu vois. Mais oui, non, mes papiers sont à à
à la maison. Toujours c'est ça.
49. S : Ah tu les avais oubliés ?
50. M : Non, non. Pas oublié. C'est pour les voleurs
ça. Je pense attention aux voleurs.
51. S : Je comprends pas.
52. M : Euh:::: si j'ai mes papiers quand je marche....si
tombent euh ::: les voleurs prendre mes papiers tu comprends ? Après,
moi j'ai plus de papiers et *xx xxx* beaucoup de problèmes avec
Belgique. Comme ça, c'est facile je pense.
53. S : Et tu l'as expliqué à la police ? En
français ?
54. M : Oui, oui. Bien, ils ont dit que ah non ça :::
c'est pas comme ça :::, que les papiers c'est avec moi, pas à la
maison... Et tout ça ::: c'est obligatoire tu vois. Ils ont compris mais
il faut les papiers quand tu marches au parc. C'est comme ça oui. Je
sais mais mais... hum.
55. S : Tu les prendras alors quand tu sors ?
56. M : (Rires) Eh:::: n :::- non. On verra.... On verra.... La
police est pas toujours là-bas tu sais *xx xxx* (sourire).
57. 166. S : Quand tu es arrivée ici, qu'est-ce que tu as
pensé de la culture, des gens ? Avant de leur parler en français
je veux dire.
58.
83
167. M : Pfff... Hum... Je pense ils sont tous seuls. Personne
dans la rue, on écoute pas de bruit ou ou les enfants dehors... je sais
pas. Comme euh ::: c'est différent de Maroc tu vois. Nous on est dehors
et on va là ou là ou... là-bas. Toujours avec la famille,
les... hum... comment se dit.... Les les personnes à côté
de la maison...
59. S : Les voisins ?
60. M : Les voisins.... Euh ::: manger, parler avec les voi- euh
::: et tout. Alors Bruxelles, c'est différent oui. Pour moi, un petit
triste oui.
61. S : Pas de soleil ?
62. M : Non. Oui.... Non, non. Pas de soleil mais le le le
contact avec les gens vraiment difficile pour moi. Je ne sais pas faire comme
eux euh ::: pas dehors, pas le bruit, pas la famille. Je comprends pas quand
j'arrive... Mmm maintenant ça va, ça va. Un petit mieux hum.
63. S : Tu aimes la Belgique comme ça ?
64. M : Oui ::: j'aime. J'ai l'habitude maintenant, c'est
ça. Avant je veux rentrer au Maroc tous les jours mais... je peux pas
sans l'argent. Et là-bas on fait quoi ? Je raconte quelque chose ?....
Pfffffff, ça ne va pas. Non, non, non.
65. S : Tu retourneras définitivement au Maroc ?
66. M : Non, non (soupirs).
67. S : Hum. Bon.
68. (Silence)
69. S : Ça va M. ? Tu veux qu'on arrête ?
70. M : Non, non ça va merci. T'es gentille. Ah ::: la
tête, la tête... ça fait mal (sourire). Toi, tu manques
à ton pays ?
71.
84
S : Euh ::: ben mmm oui, oui. Mon pays me manque. Mais bon,
ça va, je ne suis pas loin. Et puis je je rentre à chaque
vacance.
72. M : C'est ça.
73. S : (Sourire) mmm. Bon. Est-ce que tu vas à une
autre ASBL pour apprendre le français ?
74. M : Non, non. Avant j'étais une fois un petit
à une ASBL de Saint-Gilles. Mais après on est changé de
maison tout ça et.... C'est ça xx xxx. Mais l'ASBL c'est pas
pareil.... Je sais pas.... Je.... Mmm je me sens pas comme ici. Tu vois y a
Madame D. elle demande des nouvelles des enfants tout ça et- :::: mais
là-bas.... Non. Pas comme ça. Toujours les cahiers, le
français. J'aime pas.
75. S : Tu y es allé combien de fois ?
76. M : Une fois c'est tout. Un ami, tu vois. Un ami m'a dit ah
::: viens avec moi. Je vais des cours de français à
Saint-Gilles.... Euh :::: c'est bon pour toi. Après tu parles comme un
Belge il dit (Rires). Mais bon.... (Rires).
77. S : Il continue là-bas ?
78. M : Euh :::: je sais pas, je crois pas.... J'ai plus trop
contact avec lui maintenant. Hum.
79. S : Tu sais pourquoi il dit parler comme un Belge ?
80. M : (Sourire) Je sais pas. Peut-être il pense que
c'est bien ou.... Comment on dit..... euh ::: meilleur. Moi je sais pas. Je
parle un petit français mais je suis de Maroc, pas belge....mmm. C'est
ça, c'est différent de lui. C'est comme ça oui.
81. S : Tu ne te sens pas belge ?
82. M : Belge ? (sourire) pourquoi ?.... Je suis marocain
(silence). C'est tout.
83. S : Combien de langues tu parles M ?
85
84. . M : L'arabe c'est tout.
85. S : Et le français aussi !
86. M : (Rires). Oui... un petit. Mmm. Euh ::: je comprends un
petit aussi l'espagnol... avec avec El M., eh ::: je parle (sourire) un peu...
comme ci, comme ça.... Tu vois (sourire).
87. S : Dis donc tu en parles des langues M !
88. M : (Rires) Oui, oui ! C'est ça.
89. S : Tu penses bien parler le français ?
90. M : Moi ? euh ::: non, non, non. Je... je je parle avec les
gens et dans dans la rue xx xxx je sais pas écrire bien. Lire...
pfff... difficile toujours. Et ::: tout à l'heure t'as vu je pas bien
compris la question hum. Mais ::: ça va, ça va. Je
débrouille comme tu dis (sourire).
91. S : Tu as beaucoup progressé M ! C'est vrai !
92. M : Merci. T'es gentille (sourire). Je pense il faut
étudier toujours. Mais moi j'ai pas de l'école comme toi.... Et
pis je suis vieux moi (Rires).... C'est pas facile là (en touchant sa
tête)..... ça marche pas tous les jours maintenant mmm. Et :::
ça va, ça va. J'ai la santé *xx xxx*. Et bientôt
l'exam. C'est facile ou ou difficile tu dis ?
93. S : Non. Ne t'inquiète pas M. C'est comme on a fait
hier. Tu sais la présentation en groupe que tu as faite avec M ? C'est
pareil.
94. M : Hum
95. S : Ça t'inquiète ?
96. M : Non, non.... Un petit oui. J'étudie un un peu
à la maison alors.... Et si j'ai pas l'exam, j'ai pas l'attestation ?
97.
86
S : Ca je ne sais pas. Il faut que tu vois avec L, d'accord ?
98. M : Ah ça va.... Merci S.
87
Annexe 13 : Transcription entretien individuel 4
Informateur : I
Date : 25 mars 2014
Durée : 32 min
Lieu : Local de l'ASBL Avenir
1. S : Alors donc I (bruit de chaise) ... ça va ? Ouais ?
Bon. Euh ::: donc je voulais savoir comment s'est passée ou se passe ton
installation à Bruxelles.
2. I : D'accord. Euh ::: par où je commence..... euh :::
oui. Ben en fait je suis venue en Belgique pour mon mari. Euh ::: on on voulait
avoir une vie mieux que au pays.... alors comme des cousins ont fait aussi en
Belgique.... Mmm, on a pensé c'est mieux de partir. Avec les cousins
là ben c'est plus facile et ça rassure, tu vois ce que je veux
dire ? Voilà. Donc on va et et euh ::: voilà. Un peu l'aventure
mmm...J'étais contente oui c'est vrai.... Non, un peu contente et un peu
un peu triste aussi. Triste/pour ma famille de là-bas... ma m-..... euh
::: mes *xx xxx*. Et content- contente pour venir en Belgique. Ah ::: mon
rêve, et c'est vrai (rires), c'était de faire des études
(silence). Mais.... je.....je..... Un rêve mmm (rires).
3. S : C'est peut-être toujours possible ?
4. I : Oh :::: je crois pas non. Si je réussis l'examen
de français....là ::: c'est bien déjà ! Non, non
mais c'était un rêve, j'étais jeune encore (rires). Et ::::
donc voilà euh ::: on part et :::: on on nous arrivons à
Bruxelles. Parce que ::: les cousins de mon mari sont là et donc on
pouvait habiter dans quelque endroit. On était content.... Hum.
5. S : Vous avez vécu longtemps avec eux ?
6. I : Euh ::: attends hé : hum... quelque chose comme
trois ou quatre mois... oui je crois que c'est trois ou quatre mois avec eux.
Mais c'était bien ! Je m'entends bien avec la famille de mon mari et
c'est comme être à la maison en Belgique ! Euh ::: tu vois la
88
cuisine, la langue, euh ::: tous les jours, les trucs de de la
maison... on était bien. Avec les enfants...aller à
l'école ou au au parc hé ou.... je sais pas. Plein de choses,
plein de choses
7. S : Pourquoi vous êtes partis ?
8. I : Ben en fait... mon mari a trouvé un travail de de
de.... euh ::: pour faire les maisons... j'sais pas comment on dit... comme A.
....
9. S : Un maçon ?
10. I : Qui fait les maisons.... les immeubles...
11. S : Un maçon oui.
12. I : ... Euh oui c'est ça je crois, un maçon.
Et en fait on a décidé de trouver une maison pour nous. Et on a
trouvé ici dans le quartier.
13. S : Tu étais contente ?
14. I : Hum... oui, oui. Ben... oui et non en fait.
J'étais contente parce que ::: la famille de mon mari c'était
trop. Ah ::: ben ::: c'est pas ma famille en fait et.... et je sais pas mais
moi je sentais que c'était pas ma famille. Je sais pas expliquer.... mmm
c'est bizarre mais je voulais partir en fait. Trouver ici, c'était bien.
Voilà. C'est vrai, c'est petit et... pas très nou- ::: pas
très nouvelle mais voilà c'est... c'est chez nous.
15. S : Hum
16. I : Oui.
17. S : C'était quand ça ?
18. I : Quand ? ben... j'sais pas. Attends... parce que moi les
dates.... Pfff... Ben ça fait xx xxx que je suis mariée hum hum
ouais comme deux ou trois ans à peu près voilà vite fait.
Mais je je regarde mieux à la maison et je te dis vendredi/ ah non pas
vendredi... euh ::: je te le dis oui oui.
89
(...)
19. S : D'accord. Sinon, c'est pas grave. Donc, vous vous
installez dans votre maison et\
20. I : Euh non pas une maison un appartement.
21. S : Ok en appartement. Ton mari est toujours maçon...
Et toi tu travailles ou... ?
22. I : Je travaille pas en fait. Euh je cherche mais je
travaille pas. Mais je veux faire une formation pour pour travailler avec les
enfants. J'aime ça, travailler avec les enfants.
23. S : Et où tu fais cette formation ?
24. I : Non, non pas encore. Je je regarde mais c'est pas c'est
pas facile de trouver à côté de la maison. Euh ::: je veux
essayer de pas prendre le métro ou le bus, tu vois ce que je veux dire.
En fait j'avais trouvé sur xx xxx mais je savais trop tard et j'ai j'ai
perdr-non j'ai per... ah ::: c'est comment déjà ? J'ai perdre :::
non, le participe passé.
25. S : Perdu, j'ai perdu. Il est un peu spécial
celui-là !
26. I : Ouais ! Euh ::: oui. Donc j'ai perdu la la place de
la formation et... voilà. C'est dommage hé.
27. S : Ce sera pour la rentrée.
28. I : Pour la rentrée ?... Ah ::: oui oui pour la
rentrée, en septembre pfff ouais.
29. S : Tu parles combien de langues I ?
30. I : Avec ou sans le français ?
31. S : Tu parles français là ?
32. I : (Rires) ok. Euh::: ben je parle arabe, c'est ma langue
maternelle de mon pays, le français alors.... mmm je je.... Ben je
comprends un peu l'anglais mais ça compte ça ou pas ? Ça
compte que je comprends les chansons de Rihanna (Rires) ? Non, non
90
pardon, je rigole. Non mais c'est vrai. Je crois je comprends
mais je sais pas si je parle en fait.
33. S: *How are you I?
34. I: Quoi?
35. S: Je dis: *how are you*?
36. I: (Rires) Ah:::: euh::: *how are you* euh::: *good*, *ok*,
*yes*.
37. S : Ben tu vois : tu parles anglais !
38. I : Pfff ouais.... anglais.... (silence). Je crois je vais
dire arabe parce que c'est ma langue maternelle, français parce que je
l'apprends ici et... voilà c'est tout. Parce que l'anglais.... c'est pas
trop ça en réalité.
39. S : D'accord. Donc tu penses être bilingue en
français ?
40. I : Bilingue ? Qu'est-ce que tu veux dire bilingue ?
Comme.... Euh::: je sais pas.
41. S : Si tu parles aussi bien l'arabe que le
français.
42. I : Mmm. Ben... je sais pas. Toi tu me peux me dire non ?
Non, attends je réfléchis.
43. S : Vas y prends ton temps.
44. I : Je crois que non. Parce que l'arabe je le parle tout le
temps à la maison, avec mes copines, au téléphone avec ma
mère euh ::: voilà en fait. Ici aussi à l'association, je
parle avec W en arabe ou ou avec I mmm oui non je je crois pas être euh
::: bi- bi quoi déjà ? Je sais plus.
45. S: Bilingue en français.
46. I : Oui non bilingue. Non non je suis pas bilingue en
français. Français je parle seulement ici en cours ou bien dans
la rue ou non ben quand c'est pas Saint-Josse ou que je connais pas les
gens.... (silence). Tu vois c'est... c'est un peu un peu... ouais je
91
parle français et j'aime vraiment c'est intéressant
mais... mais c'est c'est pas langue en réalité. Tu vois ce que je
veux dire ? C'est pas méchant ce que je dis c'est juste que c'est pas ma
langue c'est tout.
47. S : Oui oui je comprends I.
48. I : Ah::: merci parce que je veux pas que vous pensez que
j'aime pas le français ou ou que... que je défends l'arabe et que
je cherche les histoires comme.... le dit l'autre là... S. Moi c'est pas
ça. C'est juste que c'est ma langue donc j'ai le droit de la parler.
C'était trente secondes, juste pour expliquer quelque chose ça va
c'est bon *xx xxx*.
49. S : D'accord calme toi I. Mais bon hum::: tu peux comprendre
qu'ici, à l'ASBL, on est là pour apprendre le français.
50. I : Oui je suis d'accord et et c'est pour ça que je
viens mais elle elle a pas à parler comme ça là. Pour qui
elle se prend celle-là ?... pour la petite chef là xx xxx
51. S : Mais pourquoi tu t'es mise à parler en arabe ce
jour-là ?
52. I : Je vous l'ai dit : je voulais juste expliquer un truc
à J et je parlais qu'à J moi pas à l'autre là.
C'est pas grave non pour expliquer j'ai pas insulté j'ai pas rien dit
sur personne. Juste expliquer voilà c'est tout (silence). De toute
façon c'est ma culture, ma langue, je parle quand j'ai envie.
53. S : Bien. Tu veux un verre d'eau ou.... un thé ?
Quelle heure il est ?.... Ah ::: ben y en a peut-être encore en cuisine ?
Je v\
54. I : Non non c'est bon merci. C'est gentil ça va. Je
me calme. C'est juste.... Pfffffffff voilà (soupir).
55. S : Allez parlons de quelque chose un peu plus amusant :
comment tu trouves les Belges ? Attention je veux dire en général
(rires) ?
56. I : (Sourire) les Belges je les trouve blancs, fades\
57.
92
S : Quoi ?
58. I : Ouais c'est vrai quoi... les filles elles sont blondes
blanches, elles ont pas de sourcils, la peau toute transparente... j'sais pas
c'est bizarre.
59. S : T'exagères pas un peu I ?
60. I : Non non c'est vrai demandez même à I
l'autre jour on est allé au magasin à xx xxx et on a vu une une
femme ouais une femme mais vraiment TRES TRES blanche
tellement qu'on a cru qu'elle était malade la femme. Mais je crois elle
était pas malade.... Enfin je sais pas en fait. Mais non elle est pas
malade, elle est comme ça. C'est le soleil ça, c'est c'est normal
ici aussi.
61. S : Je crois que tu es pire que moi avec l'histoire du
soleil !
62. I : Non mais c'est vrai ! La vérité !
63. S : Et comment tu trouves le caractère des belges ?
Tu en connais ?
64. I : Ben non pas trop : toi, L, euh ::: les stagiaires... ils
sont gentils euh ::: après y a des gentils et d'autres méchants
ça c'est partout même chez les arabes ou les turcs ou quoi mmm je
me rappelle que avec A tu sais la stagiaire on a fait une activité sur
ce que mangent les Belges et c'était bizarre (grimace). C'est vrai euh
ben ils mangent des trucs, des gâteaux tout secs avec des petits pains et
du *xx xxx* parce qu'ils sont pas musulmans tu vois.... et et aussi ils font je
crois attends.... un repas chaud je crois ouais c'est ça. Euh ben
ça moi j'ai pas compris. Je te jure j'ai pas compris. J'ai
demandé à.... à A et c'est comme ça c'est la
culture de chez eux. Je respecte hé mais pour moi pour moi c'est
bizarre. Nous on adore manger, manger et manger..... et hum.
65. S : Est-ce que tu te sens bien à Bruxelles ?
66. I : À Saint-Josse oui je me sens bien ça va
ouais. Je suis pas toute seule : j'ai I et J on se voit souvent. On va au
marché ensemble et... on fait la cuisine ou des trucs comme
93
ça. C'est bien ici j'aime bien c'est c'est comme une
famille en fait euh. Je crois je pourrais plus partir (silence) ouais non
ça ça je ça me manquerait je crois hum...
67. S : Et à l'association tu te sens comment ?
68. I : Pfffff ça dépend des jours des fois
ça va je parle à personne et fais le travail et ça passe
vite. Mais y a des fois ça me saoule parce que les autres
t'écoutent parler ou font des remarques.... Et moi j'aime pas ça
tu vois. Si tu as à dire quelque chose tu le dis en face pas comme
ça à moitié à quelqu'un d'autre c'est pas comme
ça. Ça s'appelle du respect moi je je respecte les les autres
alors c'est pareil. Je crois c'est aussi un respect pour vous les profs si tout
le monde est gentil et pas méchant ou hypocrite avec les autres. Mais
beaucoup ne pensent pas comme ça dans la classe de français. Moi
je suis là pour apprendre parce que ça m'intéresse et que
je peux bien parler français, je sais.
69. S : Quels sont tes points forts et tes points faibles en
français ? À ton avis ?
70. I : La grammaire c'est pas mon truc je comprends pas la
grammaire c'est c'est difficile pour moi et.... c'est tout je crois.
71. S : Mais tu écris bien pourtant ?
72. I : Ah non non, je fais beaucoup de fautes dans les phrases
pour me comprendre je réfléchis longtemps on dirait un enfant
(rires) mmm non je je ben oui j'écris tout le temps ici à la
maison mais avec des fautes c'est sûr. Et je sais pas si je fais mieux ou
pas maintenant.... euh.
73. S : Pourquoi tu es venue à l'ASBL ?
74. I : D'abord pour améliorer mon français parce
que moi j'ai appris toute seule le français mais voilà c'est pas
un jo- joli français je crois.... euh je voudrais parler mieux....
plus.... Plus je sais pas plus comme toi et L tu vois ce que je veux dire
hé. Et aussi je suis venue pour avoir des contacts avec des personnes tu
vois mon mari travaille toute la journée et moi je fais quoi ah fais le
ménage, ah fais le linge, ah fais
94
le manger, fais les courses pfff non non c'est bon je suis pas
une xx xxx j'aime sortir me faire jolie me préparer pour sortir mais pas
sortir dans les cafés ou ou quelque chose comme ça non non.
Sortir pour aller à la classe ou au au marché voilà. Ben
je suis jeune je veux un peu un peu.... comment on dit euh comme pri- pas
privée vivre quoi pas la folle mais juste vivre (silence). À
l'association je vois des gens et je parle avec tout le monde et ça me
plait oui.
75. S : Ok. Parlons de ton pays. Tu y retournes souvent ?
76. I : Au Maroc j'ai ma famille : ma mère, mon
père, mes soeurs, mes cousins et non je peux pas y retourner quand je
veux c'est pas possible on peut pas mais ma mère va venir là
pendant un peu de temps.
77. S : Ah c'est bien !
78. I : Oui oui je suis contente je lui ai dit de m'emmener du
manger de là-bas que j'aime (sourire) et des parfums et des habits
traditionnels du Maroc comme ça pour la maison et les fêtes
hum.
79. S : Tu es d'où exactement ?
80. I : De Tanger. C'est très joli vraiment c'est pas
parce que c'est ma ville (main sur le coeur) mais la mer, la plage et le souk
c'est c'est la liberté, la nature y a du vent.... J'sais pas c'est
là-bas c'est chez moi c'est comme ça en fait.
81. S : Tu retournerais y vivre ?
82. I : Ben ::: je sais pas des fois je me dis que oui des fois
je me dis que non (rires). C'est entre les deux le mieux c'est d'avoir un peu
des deux : six mois en Belgique et six mois au Maroc. Non non je sais pas. Mais
moi là-bas je veux être libre à la européenne et
ça ça marcherait pas non alors comme ça je peux pas
tourner retourner c'est le problème au Maroc l'image de la femme c'est
c'est pfff c'est trop voilà.
83. S : Tu restes ici alors ? Tu vas fonder une famille ici ?
84. I : Des enfants pas encore ! Non non d'abord je vis, je
travaille et après les enfants je suis jeune.
85. S : Tu as quel âge ?
86. I : Vingt-trois ans.
87. S : Oui en effet t'es toute jeune.
88. I : C'est pour ça moi je veux attendre et voir
après je je fais pour moi, mon mari et la suite je sais pas ça
dépend de beaucoup de choses moi je pense pas comme A que sa femme reste
enfermée pour lui préparer le repas, fait le ménage et
même pas il lui parle non j'suis pas d'accord avec ça ça
ça m'énerve en réalité quand A parle comme
ça. Moi sa femme ça me fait de la peine pour elle en fait je
comprends pas j'ai vu ma mère comme ça et et.... non non moi je
veux pas. Après je sais ce que les autres y pensent je suis pas stupide
je sais ce qu'elles disent dans la classe les F, S et tout mais moi je m'en
fous je fais comme je veux. Ça ne les regarde pas. Tu vois par exemple
moi je voulais participer au projet du Home100 mais on m'a dit non
c'est F, J et S qui y vont moi non.
89. S : Tu sais pourquoi ?
90. I : Pfff je sais pas parce que je suis absente parfois au
cours je sais pas.... J'ai
demandé à L mais voilà.... non en fait
c'est comme ça S fait partie du CA alors voilà elle va au Home
c'est pas normal c'est pas normal je dis mais c'est toujours comme ça en
fait.... mmm. Bon c'est rien ça va c'est pas grave...
91. S : Mais oui, il y aura bien un autre projet pour toi
à la rentrée.
92. I : Hum... on verra j'espère *inchallah* si Dieu le
veut.
95
100 Centre gériatrique de Saint-Josse.
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Annexe 14 : Transcription entretien individuel 5
Informateur : E
Date : 25 avril 2014
Durée : 1 h 04 min
Lieu : Local de l'ASBL Avenir
1. S : Alors donc E (silence) donc en fait, je voulais savoir
comment, euh : se passe ou s'est passée ton installation en Belgique.
2. E : Hum alors bon en fait, quand je voulais venir ici en
fait, je voulais venir pour rencontrer ma famille. Enfin surtout mon
frère. Ben oui, parce que j'étais étudiante à mon
pays et puisque mon frère n'a pas encore de papiers à ce
moment-là, alors il avait déjà cinq ans qu'il
n'était pas venu. Fin, il était avec ses enfants, sa femme.
J'avais déjà ma soeur ici tu vois, j'ai beaucoup de femmes ici.
Mais surtout lui, il n'avait pas encore de papiers et puis, c'est moi (main sur
le coeur) je n'avais pas de parents. Fin mes parents ils étaient
déjà décédés. J'avais dix-huit ans quand
j'ai perdu mes parents en fait.
3. S : Donc tu étais seule au Kosovo ?
4. E : Non non, nous on vit toujours avec un frère ou
quelqu'un de la famille tu sais. Si tu n'es pas mariée, tu ne vis pas
toute seule. On avait la maison au village, y avait mon frère qui
l'habitait parce qu'il, enfin ils sont enseignant avec sa femme. Et ben, quand
j'ai perdu ma mère, y avait encore mon père mais tout le monde
était déjà marié en fait. Je suis la
dernière de la famille, mais puisque moi je faisais les études
alors je vivais avec mon père. Mais mon père il est mort
directement un an après ma mère. Fin
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c'est incroyable. C'est comme ça, alors j'suis
allée chez mon frère. Je vivais chez mon frère, je faisais
des études en même temps.
5. S : Donc, des études de math !
6. E : Oui, mais j'habitais après chez mon frère.
Fin, tu ne peux pas rester toute seule chez nous. Une fille qu'elle n'est pas
mariée, elle ne vit pas toute seule et même quand je suis venue
ici hein, j'ai vécu chez mon frère trois ans. Je ne pouvais pas
vivre toute seule si je n'étais pas mariée. Fin j'suis musulmane,
mais enfin j'suis très ouvert. C'est comme ça on est
élevé. Comme ça, ce n'est pas que moi je veux. Quand mais
tu es élevée comme ça c'est dans les coutumes, les
machins. J'suis très très ouvert, je fais ce que je veux et tout.
Je veux dire on garde toujours des trucs de chez nous quand même. Du
moins au début hein, alors j'suis y avait la fille de ma soeur qui
était venue. Elle est restée deux mois à ce
moment-là, mais parce que moi, il fallait accompagner la fille de ma
soeur.
7. S : C'est pour ça que t'es venue ?
8. E : Oui, à ce moment-là, tu venais avec un
passeport. Je fais mon passeport et c'est tout. Et je venais pour rendre
visite, accompagner ma nièce qu'elle avait seize ans. J'suis venue avec
le bus pas avec l'avion.
9. S : Avec le bus ?
10. E : Oui !
11. S : Mais y a combien d'heures, de jours ?
12. E : Deux jours et un nuit, mais y avait deux chauffeurs
quand même.
13. S : D'accord.
14. E : Et c'est comme ça, que je suis venue en
Belgique tu vois. Y avait la période des vacances hein, moi
j'étais venue pour les vacances ici en fait. Juste après, nous
on
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commence attends septembre, octobre. Je commençais
à aller à l'école au mois de octobre tu sais, pour
écouter la deuxième année.
15. S : Donc, tu étais à l'université ?
16. E : Non, de l'école supérieure.
17. S : De l'école supérieure deuxième
année ?
18. E : Oui.
19. S : Mais c'était en quelle année ça
?
20. E : C'est nonante deux. Je suis venue ici le mois d'octobre
nonante deux et j'suis venue pas pour rester hein. Moi (main sur le coeur)
j'étais venue .... Et je vois parce que euh :::, mon frère vivait
là-bas en fait et moi allez. J'ai grandi avec les enfants de mon
frère parce que j'avais six ans et demi quand mon grand frère est
marié. J'étais très jeune et lui il a eu des enfants assez
vite. Ça veut dire que j'ai grandi avec les enfants de mon frère
et nous on vivait tous ensemble. Mes parents, mes frères, les soeurs qui
étaient pas mariées tout ça, on vivait ensemble.
L'âge, en fait, dans une maison mais ce n'est pas une petite maison comme
ici hein. T'as plein de, euh :::, bon y avait le salon qui est pour les
invités. Y avait la partie où l'on faisait à manger tu
vois, comme une cuisine. Mais c'était un grand espace qui faisait
à manger et qu'on mangeait aussi et le grand salon c'est juste pour les
invités. Fallait pas manger là-bas là, c'était
juste une partie. Une grande chambre six avec huit, je ne sais pas, enfin de
mètres. C'était très grand. C'est un village tu appartiens
à toi. Toi tu ne payes pas chez nous. Tu parterre et tu construis quand
tu as envie quoi. Tu payes une petite taxe maintenant la loi mais c'est
différent en fait. Mais on vivait tellement bien et heureux et on
n'avait pas arrière-pensée comme maintenant. Y avait pas
d'arrière tu vois, des trucs comme dis maintenant tu sais. On a toujours
une arrière-pensée tu vois, on pense toujours pour après.
Avant on ne pensait pas comme ça, on vivait et voilà comme
ça on ne vivait pas. Spécialement ici, faut toujours dire ouais
qu'est-ce que je dois faire demain ou après une semaine tu vois. C'est
stressant stressant stressant. La vie, elle
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était meilleure. En tout cas moi, j'étais content.
Parce que moi, je faisais ce que je voulais. Je faisais quelque chose que
j'aimais bien de faire. Mes études parce que bon, sinon on fait
c'était chez nous. C'était un truc après la
quatrième secondaire. Parce que nous, tu fais huit ans en primaire et
quatre ans, mais ça revient la même chose tu dois quand même
faire tes douze ans d'études pour aller en fac. Alors à ce
moment-là, quand tu es en quatrième année, les parents ou
les grands frères, les machins, ils disent toujours tu veux continuer
tes études ? Ça veut dire aller en fac ou ce que tu veux, comme
ici des grandes études, ou tu veux rester à la maison ? Mais tu
dois quand même faire le secondaire hein. Tu vois si tu veux plus
continuer, si tu trouves difficile et tout ça, alors tu trouves
quelqu'un tu vois, pour qui la famille comme par exemple chez les marocains qui
t'épouse, te marie et qui te fait les choses quoi. Voilà chez
nous c'était comme ça.
21. S : Ah on te trouvait ton mari ?
22. E : Non, si tu ne trouves pas ben, c'est avec tes
connaissances après voyez. Alors si tu es en dernière
année ben, voilà tu connaissais les gens, tu étais
toujours à l'école et t'avais la possibilité d'avoir
quelqu'un que tu aimes. Ben dans ma famille c'était comme ça.
23. S : Tu pouvais choisir toi quand même ?
24. E : Oui bien sûr, moi (main sur le coeur)
j'étais libre de faire ce que je voulais mais alors si tu trouvais
quelqu'un c'était toujours un peu plus difficile. Bon parce
qu'après un an, il voulait se marier avec toi et c'était fini les
études quoi tu vois. Ça ne pouvait pas durer comme ici tu vois.
Tu es avec la personne, tu vis comme elle un an ou deux ans ou trois ans tu
vois. Tu sors avec la personne mais, tu es sûr que c'est lui, ça
marche pas comme chez nous. Ça va pas durer voilà et alors tu as
été décidée ben, après fallait que tu te
maries et ça ce n'était pas mon ma personne moi, je voulais que
l'école pour moi. Ce n'était pas important de trouver quelqu'un,
se marier, d'avoir des gosses, des machins. Pourtant j'adore les enfants,
j'adore, j'ai toujours dit d'avoir beaucoup d'enfants. Pourtant, j'en ai
quelques-uns mais bon, ça c'est la vie et quand
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j'suis venue ici voilà, je suis venue mais tout de suite
après avec tout ce qu'on n'a pas fait, d'ailleurs moi, je ne pouvais
plus retourner dans mon pays parce qu'on avait fait, tu vois des
démonstrations tous les étudiants on faisait ça en fait.
Avant la guerre pour ce qu'on n'était pas d'accord, on n'était
pas content. Ça c'était ma déclaration en fait. Quand je
suis venue ici moi, je ne suis pas partie six ans à mon pays moi hein,
je pouvais plus retourner.
25. S : Quand t'es venue en octobre tu pouvais plus retourner
?
26. E : Si si, il fallait que je retourne après un mois.
Ça c'est tu vois, quand j'ai eu mon passeport, ça veut dire je
venais en visite. Je venais voir ma famille, mais alors fallait que je retourne
à ces délais-là. Mais j'suis pas retournée, parce
que avec tout ce que j'avais fait avant la première année avec
les jeunes et tout ça, les démonstrations et tout ça en
fait.
27. S : Démonstrations c'est manifestations ?
28. E : Oui, dans manifestations les jeunes avec les pancartes,
on veut ça, on veut ça parce que c'est la seule vie qu'on voulait
prendre au Kosovo. Mais alors c'est souvent les jeunes qui commencent contre en
fait chez nous. C'était comme ça ça a commencé et
puis l'école était fermée. Alors il fallait aller dans y
avait des gens riches comme partout qui laissent leurs maison pour les
étudiants pour aller étudier.
29. S : Ah d'accord.
30. E : Ça a duré quelques années comme
ça chez nous.
31. S : Comment ça ? C'est-à-dire que tu pouvais
aller à la fac et ensuite tu allais étudier dans la maison ?
32. E : Ben c'était fini la fac, tout était
détruit !
33. S : Ok, tout était détruit, plus de
bâtiments ?
34.
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E : N'y avait plus rien pendant la guerre chez nous. Où y
avait tu vois, où on faisait les journaux tout ça, tout tout ce
qui est en construction, qui était connu et tout ce qui était les
bâtiments qu'on faisait des choses, tout était fini en fait. Il
fallait reconstruire en fait maisons et tout hein.
35. S : Mais toi tu l'a vu ça ?
36. E : Non, j'étais déjà venue ici. je
n'ai pas connu la guerre. C'est pour ça en fait, puisque mes parents
vivaient pas. Alors puisque l'école était fermée un moment
donné, parce qu'il disait oui ça va fermer pour un moment !
C'était fini, c'était pour des années en fait. C'est
ça, même les enfants en primaires, en secondaire tout c'est dans
les maisons hein ils ont continué après la guerre quelques
années, y avait plus d'écoles.
37. S : D'accord. C'est les personnes riches qui donnaient des
leçons ?
38. E : Non, les profs. Non, non, c'était des profs. Mais
par exemple, c'est comme cette maison, alors les personnes ils laissaient leur
maison et faisaient des classes.
39. S : D'accord, je comprends. Donc, c'était
caché enfin c'était clandestin ?
40. E : Pour ce n'était pas tout à fait fini
l'école en fait. Pour ne pas tout à fait arrêter, parce que
ça a duré quand même des années. Moi je
n'étais pas là, mais c'est pour ça mon frère il m'a
dit après trois mois, il a dit pourquoi tu veux retourner ? Mais moi je
ne voulais pas rester ici, ça me plaisait pas du tout.
Déjà la maison qui sont collées l'un à l'autre,
mais non ce n'est pas une vie. Tu sors, tu vois que la rue et tous les
bâtiments sur les côtés et tu vois que le ciel. Je
n'étais pas habituée comme ça. Je ne sortais plus, car je
me sentais, on dirait que je ne sais pas respirer hein. C'était
très difficile au début hein, avec pas moyens et ma soeur mes
soupirs, enfin si les parents vivaient, j'suis d'accord tu pouvais y aller.
Mais on a plus de parents, tout le monde déjà marié.
Qu'est-ce que tu vas faire, qu'est-ce que tu vas faire là-bas et pis y a
la guerre et y a pas, tu peux plus y aller à l'école. C'est plus
comme avant quoi. C'est vrai, fallait beaucoup de temps que j'accepte
déjà aller me présenter ici comme
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réfugiée. Bon avant, nous on ne comprenait pas le
mot réfugiée politique hein, parce que moi j'suis
déclarée comme réfugiée politique.
41. S : D'accord, parce que ta soeur t'a dit de te
déclarer comme ça ou c'est toi qui... ?
42. E : Oh ben, mon frère, ma soeur, ils disent il faut
que tu ailles présenter comme tu vois xx xxx. Tu vois à ce
moment-là, c'était juste le château près de xx xxx.
Y avait des réfugiés en fait. Ça n'existait pas les
bâtiments tout près de coin du nord. Moi je n'ai pas connu
ça. Moi j'ai eu mes papiers après un an et demi j'ai
été reconnue directement. Ben j'ai raconté ce que je vous
dis hein, moi je ne sais pas dire autre chose.
43. S : Mais tu l'as dit en français ?
44. E : Non, j'avais une traductrice en albanais. Ah oui, au
début moi je ne connaissais pas mais après non je te jure. J'ai
commencé à travailler et c'est venu toute seule comme ça.
Mais moi (main sur le coeur), c'est avec la télé. J'ai
regardé beaucoup la télé, mais je ne savais pas quoi faire
d'autre. J'ai nettoyé chez mon frère, j'ai nettoyé la
maison de ma soeur parce que mon frère avait une maison, ma soeur aussi
et alors comme ça j'allais chez l'un chez l'autre et j'aidais. Je
faisais la cuisine, j'adore faire la cuisine et alors avant que j'ai eu mes
papier, j'avais travaillé dans un restaurant gréco-italien.
C'était juste au coin de xx xxx.
45. S : Ah, c'est ce que tu disais une fois.
46. E : Oui oui, c'est la vérité. J'ai fait
ça un an et demi. Mais quand j'ai eu mes papiers, je pouvais travailler.
Ben j'ai eu mon travail, mais c'est comme ça que j'ai commencé.
Mais depuis que je suis en Belgique, j'ai toujours travaillé au noir ou
et après toujours déclarée tu vois. C'est au coin chez ma
soeur, y avait une connaissance et dit : oui on a besoin de quelqu'un pour
couper la salade, pour nettoyer par exemple, tu vois les scampis. Tu vois des
trucs durs tout tout. Voilà, je ne sais pas comme on dit ça, mais
bon moi j'avais compris et enlever tu vois, les assiettes et tout ça de
la machine. Bien y avait des trucs comme ça tu vois, ce n'était
pas des, c'est juste des planches que tu
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mets dans les restaurants. C'est comme ça moi je
travaillais, c'était comme ça et voilà. Je n'avais pas
encore les papiers quand j'ai commencé à travailler comme
ça.
47. S : Et comment tu communiquais avec les gens quand tu es
arrivée ?
48. E : Et alors ils étaient gentil avec moi.
49. S : Les Belges, ils étaient gentils ?
50. E : Oui, y avait une Algérienne et un Belge qui
faisaient la cuisine, mais le patron c'était un Italien et sa femme
c'était une Grecque ou c'est lui grec et sa femme italienne fin. C'est
pour ça qu'il faisait la cuisine italienne, euh :::,
gréco-italien s'appelait. C'est comme ça je me suis
présentée et en fait y avait beaucoup de monde à ce
moment-là. Y avait beaucoup d'albanais en fait, justement c'est parce
que la guerre venait et y avait beaucoup à ce moment-là. Quand
t'allais au commissariat, ben tout autour de toi il ne parlait que les
albanais. Alors tu ne te sentais pas toute seule, parce qui tu dis bon j'suis
pas la seule que je fais ça. Allez tu es un petit plus assurée
comme on dit et alors quand je commençais, mais moi j'avais des larmes
tu vois, j'ai des frissons quand je raconte ça, parce que
déjà quitter mes études je n'arrivais pas à
comprendre que je dois plus le faire ça, ça c'est...
51. S : Parce que tu étais jeune là, E ?
52. E : Vingt ans, pour moi (main sur le coeur) c'était
des études qui comptaient à ce moment-là. Y avait rien
d'autres dans mes yeux hein et alors cette personne fin, je la voyais souvent.
Maintenant quand j'y vais en ville, elle s'appelait xx xxx. Elle venait de
l'Albanie, la traductrice, oui et tu sais elle a tout de suite compris. Parce
qu'elle dit : on sent les gens qui sont sincères, on le sent parce
qu'ils ont, tu vois une sincérité et moi je n'arrive pas à
mentir. Y a rien à faire. Ça sort je ne sais pas, tu vois je dis
toujours si tu donnes une éducation à ton enfant comme ça,
c'est il va partir comme ça. Tu ne peux pas la faire autrement. Moi
(main sur le coeur), je donne une éducation à mes enfants, j'suis
pas stricte, je donne une bonne éducation. Qu'ils ont une bonne base et
qui sont des gens biens. Si va pas faire de grands études et alors, s'il
est bon
dans son coeur, s'il va faire du bien et s'il est bien avec les
gens, s'il respecte les gens pour moi c'est la première chose pour moi.
Pour nous c'est comme ça et moi je le sens
comme ça et c'est vrai ce que je fais avec mes enfants.
Ils ont une bonne éducation.
53. S : Mais à tes enfants, tu leurs a appris l'albanais
?
54. E : Ils connaissent l'albanais et le français.
55. S : Ils le parlent et l'écrivent ?
56. E : Mon grand oui. Le petit, c'est pareil en fait, il va
apprendre parce que bon, c'est tous les étrangers qui font ça. Tu
vois, qui avoir peur comme mon frère. Il a fait par exemple les anciens
comme on dit parce que mon frère il n'a pas fait des études ni ma
soeur. Ils sont venus ici, vous voyez, c'est des gens simples.
57. S : Ils parlaient français ton frère et ta
soeur ?
58. E : Quand ils sont venus non. Ici pas du tout, ils sont
venus avant moi et je parle mieux que tout le monde dans ma famille. Fin pas
ceux qui sont nés ici je veux dire, mais ceux qui sont venus de chez
nous, ils ont tous un accent très allez assez fort comme on dit. J'suis
la seule que je parle mieux que de tout le monde et je suis la dernière
en tout cas.
59. S : Et comment tu expliques ça ?
60. E : Euh :::, souvent quand je suis avec les gens, ils disent
c'est parce que tu avais déjà une base des études. Ils
pensent enfin, j'en sais rien, tu parlais déjà même
à ma langue par exemple, si tu demandes à mon frère de
faire de belles phrases, il a difficile parce qu'il a fini que la
huitième. Il n'a fait que les premières. Il a soixante-cinq ans
mon frère.
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61. S : D'accord.
62.
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E : Il a fait les primaires et ma soeur aussi et ma soeur
mariée à dix-huit ans. Toute façon elle n'avait pas son
mot à dire ma soeur. Par exemple, les trois premiers dans ma famille on
leur a pas demandé leurs avis en fait.
63. S : Vous êtes combien de fils ?
64. E : Six, on a quatre filles et deux frères. Un
frère ici, un frère là-bas mais les trois derniers ma
soeur qui est deux ans de plus que moi, elle a fait l'anglais. Elle enseigne
l'anglais comme prof.
65. S : Ici ?
66. E : Non non, au pays. On est trois ici, moi je suis avec les
plus âgés. Mon frère âgé et ma soeur
âgée et parce qu'ils sont venus euh :::, ben, je ne sais pas y a
quarante ans. Je n'en sais rien, ils sont venus comme ça, comme tout le
monde pour avoir du travail.
67. S : Pour travailler à la mine ou quelque chose comme
ça ?
68. E : Ici non non. A ce moment-là, ce n'était
pas la mine en fait. Quand mon frère il est venu ici, il a d'abord
travaillé. Nettoyer les trains, dans les hôtels, les machins et
pis après il a commencé à travailler dans la
société ISS je ne sais pas enfin.
69. S : Ah oui (...) c'est pour faire du ménage.
70. E : Oui.
71. E : Tu sais, lui il est devenu chef d'équipe. Quand
il est sorti, il était chef d'équipe. Mon frère maintenant
il a soixante-cinq ans. Il est pensionné en fait. Non, c'est parce qu'on
vient d'une famille, allez on aime bien avancer malgré qu'il n'a pas
fait des études. Il a bien réussi. Il a six maisons en Belgique,
ici en fait.
72. S : Six ?
73. E : Oui.
74. S : Donc, il les loue ?
75.
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E : Oui.
76. S : Ah oui, c'est bien parce que ça te fait...
77. E : Il a bien réussi, c'est ça que je veux
dire. Il a vraiment beaucoup travaillé. Il a travaillé dans une
fabrique où on fait des fromages. Moi je n'étais pas encore
là, ici hein. Ma soeur, c'est dans le nettoyage.
78. S : Mais du coup, ils parlaient bien le français
quand même ?
79. E : Ils parlent mais ils ont un fort accent.
80. S : Ses phrases sont correctes tu veux dire ?
81. E : Oui oui, chez mon frère. Mais tu vois, quand tu
vois mon mari. Si tu parles avec mon mari, ben tu tu dis comment ça se
fait. Pourtant, on est même temps ici il sait pas parler le
français.
82. S : Et toi combien de temps à peu près tu as
mis ?
83. E : Moi à peu près deux ans, quand j'ai
commencé à travailler, dans mon travail déclaré.
Quand j'étais dans cet restaurant en fait, j'apprenais les fourchettes,
la cuillère tu vois. Le chef le grand cuisinier comme on dit, alors il
me disait, il prenait des fourchettes. Il me disait, moi j'ai appris avec mon
travail. C'est ce que je dis à tout le monde parce que les gens ils
voyaient que j'ai envie et alors, c'est parce que s'ils te voient que tu mets
ta tête comme ça et que t'as pas envie. Il ne sait pas t'aider,
moi je voulais apprendre. Alors, il disait donne-moi une fourchette et je
savais parce qu'il mettait sa fourchette. Donne-moi une cuillère et
c'est comme ça, alors moi j'arrive enfin. J'ai une bonne mémoire
aussi je suppose. Parce que je ne sais pas alors j'étais xx xxx. C'est
pour ça que je te dis : quand tu vois ici dans la classe, quand on parle
on ne s'écoute pas.
84.
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S : Hum hum oui, là tu ne t'écoutais pas tout
à l'heure par exemple. M n'a pas compris je pense, parce qu'ils ont
l'habitude de parler avec un accent comme tu dis donc, toi tu en a beaucoup
moins. Il ne t'a pas compris.
85. E : Voilà (rires), moi c'est difficile pour faire
comprendre El M.
86. S : Oui.
87. E : Moi El M., c'est il coupe les mots. Tu vois la plupart
du temps des étrangers par exemple, il coupe le mot alors c'est comme le
mien par exemple. Comme tu fais une phrase, il ne dit pas bien les choses. Moi
je comprends mon mari en français. C'est vrai quand il parle avec
quelqu'un, ils ont difficile à rentrer donc ça fait dix-huit ans
qu'il est ici. Moi j'suis venue avant lui en fait, lui était en
Allemagne.
88. S : Mais toi comment tu donc, tu as appris le
français par ton travail et ensuite en cours ?
89. E : Jamais, j'suis jamais. c'est la première
année que je viens à l'école en français. J'ai
travaillé toute ma vie. Moi j'ai travaillé et pis un an avant toi
j'ai commencé. Je n'avais pas encore mon permis de travail à ce
moment-là, car je n'étais pas mariée. J'étais
jeune, alors il fallait que tu commandes le permis de travail.
90. S : D'accord.
91. E : Parce que je me suis inscrite ici, ben bon tu dois
t'inscrire oui. Moi c'est à Jette de toute ma vie je suis
présentée à Jette et, j'ai jamais changé de commune
jamais jamais et, c'est ça que j'ai tout là en fait et, j'ai
été fort aidée C'est ça en fait, j'suis tellement
content pour ce qu'ils ont fait pour moi. Moi j'étais aidée mais
déjà la commune. Ici moi j'ai été aidée, je
trouve on m'a aidée. J'étais allez appuyée parce que
chaque fois qu'on allait quelque part ou parce que j'étais tellement
honnête, il voulait bien m'aider. Quand je me suis inscrit à CPAS,
tu sais je me suis présentée. Il faut attendre tu sais, ton
démarche puis j'ai été convoquée trois fois au
commissariat.
92. S : Donc, tu y allais avec ta traductrice ou tu y allais
toute seule ?
93.
108
E : J'allais avec ma soeur.
94. S : Ah, donc ta soeur traduisait ?
95. E : Oui non. Au commissariat, t'avais toujours une
traductrice hein. Chaque fois que tu étais convoquée et moi c'est
trois fois, j'étais convoquée la première fois et pis il
t'appelle après quelques temps. J'ai tout dans une papier hein, je
voulais la trouver mais je n'arrivais pas. Si un jour je les trouve, je
t'apporterai enfin en quelques mots ce n'est pas toute mon histoire, parce que
tout ce que je vous dis, c'est comme quoi toi par exemple tu vas
écouter, tu vas faire une résumé.
96. S : Oui il faut que je l'écrive. Non je vais tout
écrire, il faut tout écrire et après...
97. E : Oui mais voilà. Mais alors, tu fais une
résumé. Ce qui est euh :::, ce que moi je fais. Oui pour toi ce
qui est bien pour toi pour ton travail. Alors c'est comme ça, tu
étais convoquée encore une fois, mais alors moi j'étais en
larmes à ce moment-là hein je pleurais.
98. S : T'avais peur ?
99. E : Non, j'étais triste pourquoi je dois rester
ici.
100. S : Ah tu ne voulais pas rester en Belgique ?
101. E : Non n'y avait rien à faire. J'allais
présenter et j'étais encore convoquée et je n'arrivais pas
à gérer pour rester ici. Je ne sais pas au début, c'est
vrai difficile comme moi je dis maintenant. La nouvelle I qu'est venue ici
ça fait cinq mois, quand tu viens pour la première fois c'est
très très difficile. Malgré que j'avais toute ma famille
ici. J'ai mes cousins, mes tantes, mes oncles, mes....
102. S : Mais qu'est ce qui te manquait ?
103. E : Je ne sais pas, je ne sais pas. T'as la nostalgie.
Ça vient toute seule, je ne sais pas expliquer. Je vous assure, mais tu
es fort nostalgique. Tu vois, tu penses qu'est-ce que t'aurais pu faire au
début parce que quand tu ne travailles pas, tu fais
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rien. Alors tu penses à des tas de choses en fait. Tu
penses vraiment qu'à ça et ça ne collait pas avec ce que
je voulais faire moi et, bon c'est comme ça et alors pour la
troisième fois, j'étais convoquée. Mais à l'endroit
pour et j'avais fait tout en albanais. Tout écrit mon histoire, alors il
fallait se présenter et tout traduire. Y avait un traducteur Albanais,
un vrai pas celui qui traduire au commissariat.
104. S : D'accord un qui était assermenté.
105. E : Mais avec une cachette, il est connu ici en Belgique et
le machin et c'était une connaissance. Quelqu'un que nous on connaissait
en fait, qui fait beaucoup pour les Albanais ici et alors quand j'ai
présenté mon travail moi j'ai écrit tout en albanais
j'aime bien écrire.
106. S : L'alphabet c'est comment, c'est cyrillique ton alphabet
?
107. E : C'est comme ici, c'est comme vous je pense. Mais on a
trente-six, ici c'est vingt-six. On a dix lettres en plus voilà et
j'avais écrit tout en albanais. Tout ce que j'avais dit, tout mon
histoire et lui il a traduit quand je présentais au grand truc pour la
dernière fois. Fin qui décide pour moi ce qui vont faire en fait
et là, j'avais un autre traducteur parce que c'est ailleurs. C'est pas
dans le château, mais c'était je ne sais plus où je suis
allée, vous savez avant, ça n'existait pas tout çà.
C'était comme une maison en fait, tu rentrais, y avait rien
marqué. T'avais que l'adresse et c'est à toi maintenant. Tu vas
en ville, tout est là pour les étrangers. Avant ça
n'existait pas tout ça en fait, parce qu'il n'y avait pas autant
d'étrangers quoi. Maintenant, ils viennent de toutes les pays.
Maintenant ils viennent de Roumanie, machin, mais en fait c'est plein. C'est
plein à Jette, tu entends que ça t'entendais pas.
108. S : Qu'est-ce que tu entends ?
109. E : Maintenant que des Polonais, parce qu'ils parlent comme
les Serbes alors moi je choisir la langue qui parle, encore je ne connais pas
tous les mots. C'est des langues slaves, ils parlent comme les Russes, les
Serbes tout ça.
110.
110
S : Albanie ce n'est pas slave ?
111. E : Albanais c'est une langue à part. C'est ancien,
je ne sais pas si tu connais l'histoire les Balkans. Avant c'est Ilyria,
ça c'est la première origine Albanais. Y avait xx xxx... tu ne
connais pas l'histoire ? Moi (main sur le coeur) je connais l'histoire de mon
pays en fait, je connais par coeur et c'est xx xxx.... C'est la Turquie
maintenant, avant c'était des sultans machin, il a pris la partie mais
en fait ici, on faisait des colonies comme maintenant la Belgique, machin, tu
vois, il prenait un pays, c'était une colonie mais à ce
moment-là on ne disait pas une colonie. On ne connaissait pas ce
mot-là.
112. S : On ne disait pas colonie ?
113. E : Non, ce n'était pas colonie à ce
moment-là, alors euh :::, y avait beaucoup plus des catholiques
Albanais, mais puisqu'en fait on t'obligeait à devenir musulman, parce
que les turcs, les sultans c'étaient des musulmans et c'est comme
ça que eux prennent des jolies filles et alors, ils étaient dans
l'harem des sultans comme on dit. Alors cette femme, elle était à
mon avis, elle était très belle puisque c'est le sultan qui l'a
pris. Ben, elle a eu un guerrier, nous on appelle des guerriers ici aussi. Hein
non, c'est des guerriers qui plus se battre tu vois xx xxx... C'était un
Albanais, mais puisqu'elle était dans l'harem, on a jamais connu son
père, mais c'est lui qui est devenu très fort xx xxx. Comment
c'est qu'on dit ça ?
114. S : Sa statue ?
115. E : Oui ben bien sûr, c'était un Albanais,
sa mère venait de chez nous mais était dans l'harem du sultan.
116. S : Ok, il est métis.
117. E : En fait c'est-à-dire, il est
élevé dans une richesse comme on dit. C'est lui en fait à
ce moment-là et à ce moment-là, y avait
l'impératrice xx xxx. Y a beaucoup de
111
filles maintenant en Albanie. Oui ma traductrice, elle s'appelle
xx xxx, mais à ce moment-là, ça existait en Balkans Ilyria
ouais.
118. S : C'est joli Ilyria !
119. E : C'est une perle d'orient. C'était une reine
comme on dit et c'était une femme et puisque c'était une femme,
ça n'a pas duré longtemps évidement. C'était comme
ça. Ça doit ici aussi, y a la femme, y avait pas beaucoup mais
bon, c'était une femme. Tout ce que je sais vous dire et c'est comme
ça en fait. Bon alors, c'était fini cette partie-là parce
qu'elle avait la plus grande partie des Balkans Ilyria.
120. S : Donc l'Albanais, euh :::, c'est une langue qui a du
turc aussi ou pas ?
121. E : Non, oui, peut-être quelques mots parce qu'ils
sont restés. Parce que tu vois, quand un pays comme ici, elle devient,
je veux dire afin qu'elle est occupée du autre pays comme avant. c'est
lui qui était plus fort et ben tu prenais les autres. Ben y a des mots
qui restent c'est obligé. Les vieux y vont toujours l'utiliser, mais moi
par exemple je n'utilise pas. Moi je vais à l'école quoi, c'est
les vieux qui utilisaient et c'est ça en fait. Y a beaucoup moins de
catholiques chez moi et des orthodoxes parce qu'on les a obligés. Mais
si tu dis ça à A, il est furieux hein. Je lui ai dit hein, y va
jamais accepter. J'ai dit A c'est toi maintenant, ce n'est pas maintenant,
c'était avant parce qu'y l'histoire on ne peut pas mentir. Y a des films
tiens qu'on a fait, y a des choses qui est, tu sais des Albanais qui voulaient
le drapeau à ce moment-là, on ne voulait pas laisser le drapeau
des albanais rouge et avec ce que je t'ai dit (silence)...
122. S : Avec un oiseau ?
123. E : Oui, avec un oiseau avec un bec comme ça et il
est rouge et au milieu noir avec un bec comme ça. Ce n'est pas un
corbeau c'est pffff comment on dit en français, nous ont dit *xx xxx*
mais comment on dit en français ? Je ne sais pas qu'elle est traduire
pour nous. C'est important quand on faisait des guerres et tout ça
contre la Turquie et tout ça des gens de ::: du :::. Albanie ils sont
allés aux pieds jusqu'à l'Angleterre parce qu'à ce
moment-là y avait des tables, des grands qui faisaient entre
112
douze et treize personnes. Ils sont allés vraiment
demander la libération et être libres pour mettre le drapeau. Ils
pouvaient même ne pas mettre le drapeau.
124. S : Mais maintenant ce drapeau il est toujours le
même ?
125. E : Oui si y a des gens qui se sont tués juste pour
avoir le droit de mettre ces drapeaux. Mais avant c'était comme
ça, je ne comprends pas pourquoi ils ont fait tout ça. Mais avant
la liberté comme on dit, c'est pour ça maintenant y a plus de
musulmans. Mais ça n'a rien à voir par exemple comme les
Marocains qui font ici.
126. S : Tu n'as pas le voile toi par exemple ?
127. E : Ben je n'ai pas la voile. Je ne sais pas parce qu'ils
disent oui c'est obligé. Ça c'est obligé, mais non ce
n'est pas obligé. Si on met quelque chose dans le coran dans une livre
c'est ta volonté. On peut pas dire que t'es pas obligée, tu ne
fais pas ça t'es pas un bon musulman. Mais tout ce qu'il y a dans les
trucs catholiques, les gens ils vont ne jamais faire tout ça. Alors tu
n'es pas un catholique, on ne peut pas dire ça, on ne peut pas
influencer quelqu'un pour être un bon. D'abord mon coeur et la
difficulté avec les locataires c'est ça en fait, parce que
j'avais eu une en fait qui faisait ça. T'es pas une musulmane, t'es pas
une bonne musulmane. C'était à chaque fois qu'on se rencontrait,
c'est la même chose. Ouais tu ne fais pas le ramadan, tu ne fais pas si,
tu ne fais pas ça. Oui j'ai dit, j'ai eu bon coeur, j'aime tout le
monde. Pour moi, c'est ça pour moi, ça n'a pas d'importance
quelle religion tu as. Comme toi, tu es qu'est ce tu fais, est ce que tu fais
du bien, est-ce que vous êtes gentils, parce que tu viens dans ma rue moi
je ne sais pas marcher hein. Je dois m'arrêter avec tout le monde et je
m'arrête.
128. S : Avec tes voisins ?
129. E : Toute la rue.
130. S : Pour, pour dire bonjour ?
131. E : Je :::, oui. Il faut que je dise un mot, parce qu'ils
ont l'habitude. Moi j'ai des... Je ne sais pas, c'est c'est c'est moi et
ça me dérange pas du tout. Parce que dire un mot gentil à
quelqu'un ou des personnes âgées et ça fait plaisir. Ils
sont gentils et tout ça et je vais jamais dire oh je n'ai pas le temps,
je n'ai pas le temps. Je dis jamais ça même si je suis
allée tout juste, je ne vais pas à dire à une personne
âgée je n'ai pas le temps et je ne peux pas parler. Je ne dis
jamais ça et c'est ça que mes enfants apprennent. Ils vont jamais
dans la rue, ils vont jamais parler méchamment parce que si mon enfant
il parle méchamment au prof ou dans la rue à quelqu'un je serais
malheureuse, je serais malheureuse pour ça et ils le savent. Des bonnes
manières de vie ça fait beaucoup et c'est comme ça en
fait, je j'arrive à obtenir ce que je veux
132. S : De tes enfants ou de :::
133. E : Non de tout de, tout le monde de la vie, parce que
quand je commençais au mois de novembre nonante trois à
travailler pour ma première patronne en déclarée comme on
dit, parce que moi je me suis inscrite à la CPAS de Jette y avait pas
beaucoup de gens qui demandaient la CPAS hein et alors je dis : ah non moi
madame je ne veux pas de CPAS. J'ai dit pourquoi ? Parce que j'avais le droit
de chez ma soeur ou chez mon frère avant six cent francs belges. C'est
plus, c'était comme je me souviens pas des francs belges en fait.
Maintenant te vois parce que t'avais le logement, mais ça c'est quelque
chose pour toi tu sais. Pour t'habiller pour x xxx.
134. S : Ça fait quoi, ça fait soixante-dix,
quatre-vingts euros peut-être ?
135. E : Non non plus.
136. S : Six cents francs belges c'était plus ?
137. E : Non non, ce n'est pas six cents francs belges oh :::
non ce n'était pas six cents francs belges. C'est comme si je disais
maintenant trois cents euros.
138. S : Ah oui d'accord.
113
139. E : Oui oui, c'est trois cents euros maintenant.
140.
114
S : D'accord c'est bien.
141. E : Si.
142. S : C'était bien à cette époque
peut-être ?
143. E : Mais dis moi je n'ai pas été payée
à vingt et un ans hein !
144. S : Trois cents euros c'est pour être chez ton
frère ou chez ta soeur ?
145. E : Oui, mais je m'inscrivais parce que tu dois avoir une
adresse. Alors moi je m'inscrivais là, c'était très
très bien, c'était comme ça. Elle m'inscrit madame je dis
moi je ne veux pas avoir la CPAS. J'ai à manger tout ça, je veux
travailler, moi je veux travailler. Attends, tu n'as pas encore les papiers
tout ça. Oui je le savais, c'est comme ça. C'est pour ça
que je travaillais à côté, mais ça je n'avais pas
dit en fait. On ne veut pas que je travaille au noir, ça c'est quelque
chose xx xxx et alors au coin où moi je travaillais y avait le CPAS, ici
rue l'Église où ma soeur elle habitait ici la CPAS. Ma soeur,
elle habitait au milieu du restaurant la CPAS et au coin de la rue y avait une
société de sérigraphie et machin, tu vois c'était
des bureaux et alors en passant par-là moi, tu sais le patron il
était là avec une personne vieille qu'elle habitait à
côté du.... Enfin face à face du travail que moi j'avais eu
et alors même moi cette personne elle était toujours tu vois
près de la fenêtre la fenêtre ici, elle était
toujours là avec son chien et moi je m'arrêtais et je parlais avec
elle avec les mains.
146. S : Ah oui tu ne savais pas encore bien.....
147. E : Non.
148. S : Tu ne savais pas ?
149. E : Et alors tu sais et c'est comme ça que je
rentrais. En voilà parce que le parc euh :::, roi Baudoin c'était
tout près de ma soeur quoi. Tu sais ma soeur, elle habite ici. Mon
frère pas loin, alors le parc, il est au milieu. Je vais chez mon
frère, j'allais en xx
115
xxx. Je ne savais pas passer ma journée autrement,
j'étais à la maison et pis de ma soeur j'allais toujours avec les
enfants.
150. S : Tu parlais toujours avec les gens ?
151. E : Avec les mains.
152. S : Avec les mains, comment tu... ?
153. E : Comme ça, je ne sais pas. Quand je voulais
quelque chose, ils arrivaient à me comprendre. Je ne sais pas, je sais
ne pas expliquer. Mais y y, j'avais besoin de parler moi. Je ne sais pas rester
sans parler, c'est ma nature, je dois parler avec les gens et c'est comme
ça que je suis rentrée en contact et elle sort la personne
âgée et elle parle avec la patronne de la société
comme on dit et fin parce qu'ils étaient avec son mari et elle savait
après ma soeur, la personne âgée que moi j'avais besoin de
travail et raconte je ne sais pas. Elle raconte mon histoire à ses
patrons. Eux, ils partaient et moi c'était à six heures je
prenais les enfants de ma soeur. J'avais un peu, ben je sortais je savais pas
quoi faire et alors elle a dit quelque chose, alors m'a dit : demain toc toc
toc ta soeur venir ici, elle me dit chez elle, chez la vieille hein et alors
c'est ce qu'on a fait avec ma soeur et j'suis allée chez ma soeur.
Comprenez parce que déjà, elle a presque quarante ans et lui a
racontée comme ça, comme ça elle peut commencer
malgré qu'elle n'a pas son permis. Pour moi, je n'avais pas mon permis
de travail et je n'avais pas encore les papiers tiens, parce que j'avais
déjà donné tous les papiers, il fallait attendre.
154. S : Oui oui.
155. E : Et alors, elle a dit oui. Tu sais ce qu'on va faire ?
Alors avec la personne âgée, avec ma soeur en rendant les
clés, on dit notre xx xxx.... Mon histoire comme on dit et la patronne a
bien écouté, parce qu'elle avait une dame, c'était des
Belges. Avant y y avait pas beaucoup d'étrangers qui qui nettoyaient et
alors elle dit la femme, elle a accouché. La fille qui travaillait pour
elle, elle avait eu le troisième enfant. Elle avait personne pour
nettoyer dans les bureaux, elle voulait bien que moi je commence.
156.
116
S : D'accord.
157. E : C'est comme ça que j'ai commencé.
158. S : C'est une chance dis donc !
159. E : Et alors ben, c'était un peu avec la CPAS aussi
mais c'est ça en fait, moi c'est, c'est l'envie. Tu dois montrer que
t'as envie de faire quelque chose, sinon ça ne marchera jamais et c'est
comme ça que ça a commencé mon histoire. Ben moi (main sur
le coeur), je dis que je peux écrire un livre à mon histoire.
Tous les parcours que j'ai fait ici en Belgique si si si et je saurais faire
étapes par étapes oh.
160. S : Ah oui tu vas l'écrire, tu vas écrire
?
161. E : Je saurais faire ça parce que c'est vrai y a
personne qui pense beaucoup comme moi en fait et voilà.
162. S : Tu sens que tu as besoin d'écrire ça ?
163. E : Je ne sais pas, peut-être. J'adore écrire
moi. Moi, j'écris tout et il faut que ça écrive bien en
fait.
164. S : T'écris en quoi, en français ou en
albanais ?
165. S : Les mots en français et l'écriture en
albanais. Quand je fais résumer pour les enfants du livre c'est comme
ça et alors je traduis.
166. S : Alors attends les mots c'est je ne comprends pas les
mots.
167. E : Les mots par exemple, tu me dis : E est ce que tu veux
venir chez moi ? Moi, j'écris les mots en français mais
l'écriture en albanais. Quand je vous dis, quand je vous dis je peux
écrire à ma façon ? Je vous demande souvent.
168. S : Tu veux dire la phonétique ?
169.
117
E : Oui, à ma façon, ça veut dire tu vas
comprendre que c'est en français mais c'est vrai, ce n'est pas difficile
à lire toujours mais le sens c'est en albanais, tu vois ?
170. S : Ok d'accord.
171. E : Je veux venir chez toi par exemple.
172. S : Tu peux l'écrire si tu veux, je ne sais pas s'il
marche bien, mais essaye.
173. E : C'est pour t'expliquer. Voilà comme ça tu
vas comprendre ce que je veux dire, sinon tu ne vas jamais comprendre. Je veux
venir ça s'écrit tout ce que tu entends je veux venir chez
ça se dit chez toi tu vas comprendre ce que je veux dire.
174. S : Je veux venir chez toi, ok.
175. E : Je veux venir mais tu vois, le mot ça mit en
français mais moi j'ai écrit comme j'entends. Tout ce que
j'entends, je veux venir chez toi, j'écris tout ce que je n'entends pas
le français ça ce n'est pas le français, ça c'est
à ma façon.
176. S : Et quand tu as humm, est ce que tu penses d'abord, non
je ne vais pas demander comme ça. Comment tu es bilingue ? tu comprends
le mot bilingue, E ?
177. E : Oui, c'est tu parles deux langues ou trois ou quatre
enfin.
178. S : Comment tu..... ?
179. E : Comment j'suis devenue, comment je me sens.
180. S : Voilà, comment tu te sens bilingue, est ce que
tu es bilingue et comment tu vois que t'es bilingue ?
181. E : J'adore la langue française, je l'adore.
182. S : Et pourtant, tu ne voulais pas rester ici ?
183. E : Mais au début, c'est ce que je me dis c'est
quelque chose que tu ne comprends pas ce qui t'arrive non plus. La
moitié des gens, ils n'arrivent pas à
118
expliquer par exemple et ils ne veulent pas et ils tiennent. Mais
moi pourquoi je dois tenir ça pour moi. Bin ce n'est pas grave ce que je
raconte. En fait, que t'as pas envie de rester ici parce que parce que parce
que j'étais jamais sortie de mon pays. Je n'étais jamais
allée ailleurs et moi je voulais finir mes études. Je voulais
travailler avec les enfants. Comme je me sens bilingue, je me sens très
bien. Je te dis, j'adore la langue française. Je connais tous les
artistes, toutes les chansons françaises, presque, pas les nouvelles.
J'adore Hélène Ségara, j'adore Garou, tous les chanteurs,
mais tu vois la musique populaire comme ça qu'on comprend ce qu'on
raconte.
184. S : Et ça te touche le français autant que
l'albanais ?
185. E : Oui, non parce que le français, tu vois y a
des chansons d'amour, tu tombes parterre.
186. S : Ça te touche vraiment ?
187. E : Oui oui, tu vois, je suis faux romantique, au fond
j'suis très romantique. Fin mon mariage, ce n'est pas romantique du
tout. Ça n'a rien à voir mais bon on n'a pas toujours ce qu'on
veut non plus. Hein, ne faut pas raconter. Tu vois, on ne peut pas tout avoir
dans la vie, parce que j'ai tout à fait. Tu vois, c'est un Albanais
comme moi mais il a tout à fait une autre éducation, une autre,
le caractère ça n'a rien à voir. On est tous
différents en fait, je ne sais pas, on dirait qu'il est
élevé ce n'est pas où et moi je ne sais pas où.
188. S : Donc, tu l'as pas connu avant, tu l'as connu ici ?
189. E : Non non, moi je l'ai connu ici. Il était
déjà en Allemagne lui et une connaissance, bon voilà, il
m'a dit : voilà parce que mon frère, il voulait quelqu'un qui
vient de chez nous, enfin c'est le rituel comme on dit.
190. S : D'accord, mais toi tu aurais
préféré un Belge ou .... ?
191. E : Mais oui, mais à ce moment-là,
à ce moment-là c'était, mais je ne dis pas à mon
fils que tu ne peux pas voir un Belge. Hein par exemple, la
génération
119
maintenant, c'est que nous notre génération est
venue de notre pays. C'est un peu plus difficile parce que ton
éducation, il est comme ça. Mais tu viens chez moi autant que tu
veux, tu m'entends jamais dire à mon fils tu dois prendre une Albanaise
y a rien à faire non je dis jamais.
192. S : Ton mari peut-être oui ?
193. E : Non, tu vois une bonne éducation, ce n'est pas
imposer les choses aux gosses. Il faut parler avec eux c'est tout. Moi je
n'impose pas à mon fils, je ne voudrais pas une noire mais bon une
négresse ça va encore.
194. S : Ouais, c'est compliqué ça. Après
ouais chacun fait comme il veut, mais bon.
195. E : Là c'est une grande différence comme on
dit, je ne sais pas comment ça va être accepté par tout le
monde, de machin sinon je préfère qu'il a une Belge par exemple
que une noire ou une Marocaine.
196. S : C'est par rapport xx xxx ?
197. E : Non, le genre qui t'impose et tu te dis c'est comme
ça pour moi non je n'aime pas. On vient par exemple dans un pays, c'est
ce que je dis à ma commune en fait. C'est pour ça en fait, tout
le monde me connaissait à la commune de Jette. Tout le monde me
connaissait et j'étais toujours servie comme il faut. On m'a
aidée pour les papiers et les papiers c'est les papiers ! Pour moi, ils
faisaient tout mais tout parce que les enfants de mon frère et de ma
soeur à ce moment-là ils n'étaient pas forts et puis ils
étaient encore en primaire et c'était pour les papiers à
ce moment-là. Ce n'était pas et ma soeur et mon frère ils
savaient pas écrire et rien du tout.
198. S : Donc c'est toi qui les aidais pour les papiers non, on
t'aidait ?
199. E : On aidait tout tout il faisait tout.
200. S : Parce qu'à la maison vous parlez quelle langue
?
201.
120
E : Moi je parlais le français enfin, fin ça c'est
mon mari il est contre.
202. S : Tu parles français avec tes enfants ?
203. E : J'ai plus facile à parler en français tu
veux vas pas me croire.
204. S : Ah bon ?
205. E : Oui.
206. S : Mais pour parler de toi ou pour... ?
207. E : Pour tout, c'est bizarre xx xxx non, mais les mots
viennent plus facilement, tu vois quand tu veux expliquer un truc, machin, je
ne sais pas moi le français vient directement et je va chercher
maintenant pour l'albanais.
208. S : Et tu rêves en albanais ?
209. E : Oui mais je ne sais pas, c'est des choses comme elle
dit ma soeur qui est tellement avancée plus vite que nous, je ne sais
pas, je ne sais pas.
210. S : Donc tu rêves en français peut-être
parfois ?
211. E : J'aime tout moi. J'adore le français je vous dis
et tout le monde le sais comme il dit mon frère. Enfin ce n'est pas
méchant qu'y dit, t'es devenue comme les Belges.
212. S : Qu'est- ce qu'il veut dire ?
213. E : Il veut dire parce que bon je fais tous les choses
comme ici, tout, enfin je me suis adaptée, j'ai difficile et
peut-être c'est ça en fait j'ai eu très difficile mais
après c'est allé toute seule après j'ai trouvé mon
rythme hein.
214. S : Et ta culture tu la gardes, je veux dire tu n'as pas...
?
215.
121
E : Je fais tout comme en mon pays, mais moi je ne mens jamais.
C'est pour ça, ils savent même je dis des dizaines de fois que je
m'exprime mal ici et ils disent tu viens de Russie.
216. S : Pourquoi ils disent ça ?
217. E : J'en sais rien, je sais pas peut-être à la
façon de je fais, rien de bizarre quand même bon.
218. S : Ici ils t'ont dit ça ?
219. E : Oui oui, Mohamed la semaine passée, il savait
même pas que j'étais musulmane. Vous voyez, c'est comme je vous
dis, ils ne sont pas à l'écoute. Tu peux raconter ce que tu veux,
je ne sais pas s'ils restent euh ::: un mot dans leur tête et pourtant je
me suis baissée à leur niveau et je dis jamais quelque chose.
Vous voyez bien je me montre jamais et quand tu veux donner la parole, tu
donnes aux autres et je donne même quand on est en groupe. Je prends
jamais la parole, je dis tu veux le faire, fais-le alors, fais-le malgré
que je sais le faire. Mais enfin je respecte l'autre personne.
220. S : Et tu penses que tu as plus d'affinité avec
quelques-uns dans le groupe plus de liens avec d'autre que .....
221. E : Je parle avec tout le monde, je ne fais pas la
différence depuis le début, tu vois je me mets avec J. Je parle
avec A, je parle mais quand tu es avec le groupe par exemple, je sais que quand
t'es avec S et F tu n'as pas un mot à dire ouais. Tu veux faire une
histoire par exemple, tu dis ce que tu veux ils vont dirent ce qu'ils
veulent.
222. S : D'accord, elles ne vont pas mettre tes idées.
223. E : Non malgré, par exemple quand je dis une phrase,
je le dis correct. Ça sert à rien, elle dit non non non, ce n'est
pas comme ça, il faut le dire comme ça.
224. S : Et pourquoi à ton avis ?
225.
122
E : Je n'en sais rien, je ne sais pas. Mais moi je ne discute pas
pour ça, moi je ne veux pas être remarquée et du coup et
après comme pour s'habiller, tu vois elles se montrent et alors tu vois
ils sont tous y allés.
226. S : Ils ont peur non ?
227. E : Je ne sais pas. Ils sont au repas avec elle et je lui
ai dit l'autre fois à S, tu vois aujourd'hui mais quand elle vient, elle
se met avec son truc là. Elle s'assit mais dis : on n'est pas prisonnier
ici, hein on est quand même, y a personne qui va nous tuer quand
même ici. On vient moi je me fais plaisir à venir ici. Pourquoi,
pourquoi je vais être stressée quand je viens ici ? Non pas du
tout .
228. S : Et toi justement, pourquoi tu viens E ?
229. E : Je viens pour apprendre à écrire.
230. S : Et pourquoi, parce que c'est vrai que tu le dis tout le
temps pourquoi écrire ?
231. E : Parce que j'ai dit, j'ai un niveau. Je ne dis pas que
je parle parfaitement, je voulais avoir l'écriture aussi un petit peu.
Puisque bon, je sais lire et je sais écrire mais j'ai jamais eu le temps
d'apprendre à écrire le français. Parce que j'ai toujours
travaillé et ce que je faisais on ne me demandait pas d'écrire,
on m'a jamais demandée c'est ça en fait. J'ai appris avec les
gens, j'étais tout le temps corrigée parce qu'ils savaient que
j'aime bien. C'était tout le temps mes clientes. Je travaillais neuf ans
dans la société que je te dis. Que bon je commençais, je
travaillais six mois. Je n'avais pas encore mon permis hein et je travaillais
déjà six mois hein et j'étais payée et tout et
alors elle a demandé un papier au CPAS. Parce que je lui dis : moi
j'suis inscrit à la CPAS, moi je ne veux pas travailler au noir donc en
fait c'était comme ça. Je n'ai jamais travaillé au noir et
c'est comme ça que ça marche dans la vie hein.
232. S : Oui. Quand tu as décidé ?
233. E : Parce que travailler au noir tu n'as rien au fond.
234.
123
S : Ben disons que tu ne cotises pas pour la retraite.
235. E : xx xxx L'argent que tu gagnes, je vous assure, au noir
tu ne le vois pas. Ils partent, tu les gaspilles et tu ne vois pas et tu
fais rien avec. Mais les gens n'y se rendent pas compte.
236. S : Hum
237. E : Et je sais, parce que je vécu tout hein. J'ai
fait quatre boulots la journée moi mais que j'étais
déclarée hein. Je peux le dire hein fin, tu ne vas pas le dire xx
xxx. Je faisais cinq heures, j'avais deux jours sept heures et trois jours cinq
heures fin dans la semaine hein et c'est elle qui a fait les démarches
pour mon permis après hein, ma patronne.
238. S : D'accord.
239. E : J'étais tellement aimée, j'allais chez
eux, j'allais chez les enfants, j'allais chez la fille, chez les
garçons. Je connaissais tous les autres les enfants, les petits enfants
de ma patronne. Je ne sais pas t'expliquer, j'étais tellement bien
accueillie que je ne dis jamais assez merci et ils ont fait tout pour moi hein.
Moi je te dis tout mais bon et c'est ça que je dis et alors quand je dis
à la dame, Madame D car je n'oublie jamais son nom. Elle est encore
vivante, elle habite tout près de la police de Jette même, avant
même, après que je la voyais, elle me disait toujours bonjour.
Elle est retraitée maintenant.
240. S : Et eux, ils te disent maintenant, quand tu les vois oh
lala votre français E ?
241. E : Oui oui, je suis toujours et je reçois
toujours des bons compliments et ma patronne elle est
décédée à soixante-deux ans.
242. S : Oh ! Elle est décédée jeune
!
243. E : Elle est décédée très
jeune. Enfin son mari vit encore et je vois les enfants, les petits enfants qui
ont grandi et qui ont fait des études et j'ai fait du baby-sitting
124
pour eux. J'ai fait tout en Belgique moi, du nettoyage du oh :::
je ne sais pas, repasser chez les gens. Tout tout ce qui rentre euh ::: la
cuisine pour des personnes âgées, tout. Je ne sais pas ce qui y a
que je n'ai pas fait en Belgique. C'est pour ça je te dis que je vais
faire un livre.
244. S : Mais après quand tu sauras écrire euh
:::
245. E : Si j'écris en albanais, y a pas de mal à
ça. Moi (main sur le coeur) je t'ai dit tout est dans ma tête et
je n'oublie jamais rien. J'ai tout çà dans ma tête en fait
depuis le début. Quand je suis venue, comme quand je suis descendu du
bus euh ::: à la place xx xxx. Tu vois on fait toujours le marché
dans cette place-là hein. J'oublie jamais hein et quand j'ai descendu xx
xxx tout le tour y avait que des maisons et pour aller chez mon frère
toutes les rues se ressemblaient pour moi et tout que les rues et les maisons
xx xxx. Et je disais, c'est des maisons vieilles, moches, j'aimais pas du tout
les maisons. Nous on avait des maisons au pays c'est comme une villa ici chez
nous c'est la maison.
246. S: D'accord ah oui.
247. E : Parce que si tu construis depuis le début toi,
tu fais les plans comme tu veux, machin. Tu fais des chambres comme tu veux,
deux étages trois étages mais tu fais comme toi tu veux, y a pas
de maisons chez nous comme ça.
248. S : Mais ta maison, elle est toujours au pays ?
249. E : Elle était détruite en fait et on la
reconstruite après la guerre.
250. S : D'accord.
251. E : Mais dans ma famille non, elle existe plus dans mon
côté, parce que mon frère il est venu ici et l'autre il est
parti dans une grande ville. Parce qu'il travaille avec sa femme maintenant, tu
vois ils ont ils ont un château !
252. S : Un château, ah !
253.
125
E : Euh ::: oui, c'est comme un château, parce qu'il y a
six chambres à coucher. Hein je sais pas comment décrire, une
maison de deux étages avec six chambres à coucher et y a des
salles de bain, des grandes entrées comme ça et mon frère
qu'il est ici en fait, il a reconstruit encore une maison dans une villa un
petit peu plus fin. Moi enfin, j'ai acheté un appartement, j'ai
construit la maison pour la belle-famille. J'ai vécu enfin...
254. S : Pour ta belle-famille, ici alors ?
255. E : Non là-bas, moi je n'ai pas de belle-famille
ici.
256. S : Ah ta belle-famille est là-bas.
257. E : Oui, mon mari il n'a personne ici.
258. S : D'accord. Donc parfois vous y allez ?
259. E : Tous les ans.
260. S : Avec les enfants ?
261. E : Avec mes enfants tous les ans. J'ai jamais allé
ailleurs, j'suis jamais allée ailleurs.
262. S : D'accord, tu vas chez qui, chez ton frère ?
263. E : Non non, je vais dans ma belle-famille. Chez nous, tu
vas dans ta belle-famille.
264. S : Ton frère, tu ne le vois pas, qui est
là-bas ?
265. E : Bien sûr, ils ne sont pas loin. J'y vais chez mon
frère mais enfin quand tu vas, tu descends donc la belle-famille. Chez
nous la femme est là vers l'homme parce que la fille elle est
mariée mais elle va chez l'homme. Mes soeurs doivent y aller dans la
belle-famille. C'est mes belles soeurs, la femme de mon frère, y vont
chez nous (rires) ils ont de la chance.
266.
126
S : Même si ta maman était en vie ?
267. E : Oui, je dois y aller. Je dois d'abord descendre chez ma
belle-famille. C'est bizarre hein, c'est la coutume je te dis. C'est une chose
que c'est, c'est comme ça. C'est l'homme d'abord puis bon moi j'ai
beaucoup de liberté hein. Quand j'ai vu mon mari la première
fois, je n'ai vraiment pas aimé du tout et il le sait hein. Tu vois,
j'étais jamais été amoureuse de lui et il le sait hein et
je lui ai dit hein. On se marie, on va apprendre à s'aimer mais je ne
suis pas amoureuse de toi du tout. Tu viens de mon pays.
268. S : Et lui il était amoureux de toi ?
269. E : Lui il est plus attaché à moi. Je fais ce
que je veux S, moi je fais ce que je veux, mais bon la maintenant c'est ma
santé qui permet pas de faire grand-chose, parce que j'étais
mince avant, bon y a quatre ans que je suis devenue comme ça.
J'étais mince mais j'avais quarante quarante-deux en taille, c'est pour
ça je n'arrive pas à m'accepter.
270. S : Mais qu'est-ce qui s'est passé alors ?
271. E : Le stress, ma glande thyroïde et puis les
médicaments que je prends je prends cinq médicaments tous les
matins.
272. S : Pour ta glande thyroïde ?
273. E : Oui, pour mon estomac, pour mes jambes, plein de choses
quoi. La glande thyroïde en fait, elle était grossie parce que chez
moi elle ne travaille pas du tout.
274. S : Mais c'est récent parce qu'avant...
275. E : Ça fait quatre ans oui oui oui elle dit : elle
se fixe avec le stress parce que je travaillais tout le temps moi, tout le
temps. J'avais les enfants, j'avais mon ménage, mes papiers et la maison
à gérer. Parce que bon, y avait les locataires et chaque fois
qu'y a un truc, ils viennent chez moi. Ce n'est pas mon mari ben, il disent
rien quoi.
127
Enfin je dois tout gérer quoi. Mais moi pour les papiers,
parce que tout le monde y en fait c'est ça, que j'appris à faire
tout. Tout ce que je dois faire pour ma maison, les locataires tout parce que
j'ai dit si j'attends toujours quelqu'un pour faire un papier je vais jamais
apprendre et je fais tout moi-même et j'appris. Maintenant je sais tout
faire. Si tu n'essayes pas, tu sauras jamais et c'est pour ça moi je dis
: il faut essayer. Tu ne dois pas avoir peur, y a personne qui va te manger.
C'est pour ça le français je disais mal, je m'en fichais alors,
ils me disaient : non madame, ce n'est pas comme ça, tu dois dire comme
ça et ben ils le disaient quelques fois et je retenais dans ma
tête. Mais ma patronne, elle était géniale en fait, son
mari parce qu'elle travaillait avec son fils, son mari, puis y avait encore
deux. On était treize en fait. C'était une petite
société. Ce n'était pas beaucoup en fait hein. Alors moi
quand je rentrais, ils n'étaient pas habitués eux comme
ça. Moi je suis, je rentrais, je prenais tous les tasses oups bien
nettoyer d'abord le lavabo. J'suis très maniaque pour ça,
maintenant ça va mieux. Mais j'étais malade dans ma tête,
la propreté.
276. S : Mais même en Albanie ?
277. E : Oui.
278. S : D'accord.
279. E : C'était comme ça, tu vois. tu es comme
ça, tu restes comme ça. Maintenant en plus, c'est ma doctoresse
qui me dit : ta santé elle est vraiment importante. Mais tu viens chez
moi le matin, tout est à sa place. Tu ne peux pas mettre ailleurs,
pourquoi tu xx xxx. Il faut que ce soit à sa place, elle a sa place. Si
on a un truc, c'est parce que j'avais la place pour le faire. Alors tu le mets
et ils savent mes enfants, tout le monde sait, mais il fallait rien avoir sur
les tapis. Y a rien qui traine et je fais toujours l'aspirateur tous les jours.
Tous les jours je dois passer l'aspirateur et toujours un truc. La table devant
le fauteuil doivent être nettoyée, y a plusieurs choses qui
doivent être faites tous les jours.
280. S : Disons que tu t'épuises alors hein.
281.
128
E : C'est ça en fait et j'avais mon travail tous les jours
et j'avais plein de choses à faire en fait. C'est pour ça bon, je
ne sais pas. Je fais, je m'arrête pas toute la journée. C'est ce
qui disent dans ma famille hein. Ils disent c'est toi que fin, c'est toi qui a
fait et tout le monde dit en fait d'abord tout ce que toi tu fais. Tu commences
par toi si tu fais quelque chose de pas bien. Ça veut dire que c'est
toi-même que tu détruis. Ce n'est pas quelqu'un autre. C'est ce
que dit le coach hein, tu vois que je vais une fois par mois.
282. S : Oui c'est vrai tu vas voir ton coach.
283. E : Voilà et il dit : tu ne peux pas mettre la faute
à quelqu'un d'autre parce qu'on a tellement l'habitude de faire oui
parce que l'autre a dit comme ça na na tu commences par chez toi. Il
faut que tu t'écoutes pourquoi tu essayes toujours parce que si tu fais
beaucoup d'efforts pour les autres, c'est parce que toi tu veux mais ce n'est
pas pour ça qu'ils vont t'aimer moins si tu t'arrêtes un peu.
284. S : Oui, ou qu'ils vont t'aimer plus hein.
285. E : Oui mais on a tellement dans la tête que oui je
sais plus. C'est ce que je faisais pour mon bureau. Je croyais que je mettrais
xx xxx, mais non ça n'a rien à voir. Ils ne vont pas faire
quelque chose de plus pour toi et c'est vrai je sais maintenant. Je me rends
compte depuis que je ne travaille pas.
286. S : D'accord.
287. E : Mais oui, je vous assure, ils ne vont pas mourir parce
que moi je pouvais plus faire ce travail hein. Ça continue chez eux,
mais dans ma tête, je ne sais pas pourquoi, je pensais comme ça
moi. Ça m'a aidée hein, parce que moi, y a des filles qui disent
ou bien elles n'écoutent pas ce qu'ils racontent.
288. S : Hum de ta coach ?
289.
129
E : Oui ou je sais pas pourquoi, ils disent que non. Mais non je
comprends tout ce qu'elle me raconte. C'est vrai ce qu'elle raconte mais ils ne
sont pas contents la moitié des personnes qui viennent là. Oh je
viens parce que je suis obligée.
290. S : Parce que peut-être aussi la vérité
ça fait mal hein.
291. E : Ça m'a fait mal, je pleurais quand je parlais
avec elle. Quand j'avais des rendez-vous individuels, elle voyait, elle disait
: mais c'est impossible, c'est grave, mais tu peux mourir quand ça
t'arrive xx xxx. J'allais en dépression. Je croyais que je dois toujours
le faire comme ça mais on s'en rend pas compte.
292. S : Quand tu es dedans, on s'en rend pas compte.
293. E : Et c'est ce que je voulais dire. Une fois que dans ta
tête t'as un truc, si tu t'arrêtes pas une fois pour dire mais
enfin je dois m'arrêter xx xxx. Tu ne sais pas et tu continues comme
ça sur ton chemin. Oui je fais comme ça je dois le faire.
294. S : Oui, parce que tu penses que si y a que cette voie xx
xxx.
295. E : Non non, ce n'est pas vrai. Je sais mais ce qu'elle
dit. Par exemple quand les gens ils vont t'aimer moins si tu fais moins c'est
la vérité.
296. S : Oui.
297. E : Je te dis : je peux écrire un livre. T'auras
jamais fini avec moi, je te jure t'auras jamais fini. Parce que si je dois
raconter, oh yayaille. Je travaillais neuf ans, c'est vrai pour eux puis j'ai
eu le deuxième la patronne est décédée.
298. S : Ah oui c'est ce que tu me disais.
299. E : xx xxx Tu vois la société, elle n'a pas
continué et moi j'ai eu mes papiers. J'suis allée au
chômage. Je restais quand même un peu avec mon fils pour qu'il
grandisse et puis que bon je n'avais pas travail. J'ai dit : je ne vais pas
trouver toute suite fin je vais afin parce que mon grand il est à la
crèche.
130
300. S : D'accord.
301. E : Oui je travaillais. Il était un petit peu dans
la famille quatre mois avec moi puis un petit peu dans la famille. Parce que
n'y avait pas de petits dans ma famille. Il était un peu chez ma
belle-soeur, ma soeur, mon frère. Il venait tout le monde garder mon
gars. Il était le seul petit dans la famille.
302. S : Ah oui, donc du coup il pouvait se partager.
303. E : Partager tous les jours. J'avais de la famille chez moi
pour venir la voir. J'en avais marre xx xxx. Tous les jours, il faillait qu'ils
viennent la voir mon fils. A ce moment-là, il était fort
gâté mon grand. Y avait de petit dans la famille, il était
le seul, il a vraiment profité. Alors si tu disais à quelqu'un tu
veux bien garder ? Voui voui voui. Les enfants de mon frère, de ma
soeur, tout le monde le gardait et moi je pouvais travailler et alors quand il
a eu un an je l'ai mis à la crèche. Mais le petit je l'ai
gardé jusqu'à qu'il est allé à l'école. Non
d'abord, je travaillais un petit peu mais quand elle est
décédée, mais fallait que ça s'arrête en fait
et pis j'ai commencé les petits services hein. Quand le petit il est
allé à l'école, alors j'avais trouvé du travail des
services. mais moi les petits services, tu vois le système euh ::: mon
travail. C'est dire avec la commune ce n'est pas indépendant comme y a
beaucoup de sociétés machin xx xxx. Je veux quelque chose de
stable et quand j'avais commencé c'était comme ça, moi je
n'aime pas la xx xxx. Je ne prends pas ton travail mais quand je me suis
mariée...
304. S : Je pense qu'on peut s'arrêter là et
305. E : Je n'aurai(s) jamais fini !
306. S : Non parce que.....
307. E : Qu'est-ce que tu veux savoir ?
131
Annexe 15 : « Canevas investigatif » ou
grille de questionnement analytique pour J Un « moi »
élément de l'écologie humaine
(a)
- Quels signes linguistiques les locuteurs emploient-ils ?
Les dipôles
Pronominaux
«c'est »-« je » « je »-«
moi »
États
|
Existence
|
Actions
|
Comprendre
|
Avoir
|
Dire
|
Ne pas comprendre
|
Avoir l'habitude
|
Suivre
|
Être
|
Avoir besoin
|
Essayer
|
Savoir
|
Avoir envie
|
Faire
|
Ne pas savoir
|
Aimer
|
Aller
|
Sentir
|
Adorer
|
Laisser
|
|
|
Raccrocher
|
|
|
Penser
|
|
|
Entendre
|
|
|
Quitter
|
|
|
Apprendre
|
|
|
Partir
|
|
|
Visiter
|
|
|
Parler
|
|
|
Ne pas parler
|
|
|
Demander
|
|
|
Vouloir
|
132
|
|
Pleurer
|
|
|
Grandir
|
|
|
Venir
|
|
|
Chercher
|
|
|
Connaitre
|
|
|
Lire
|
|
|
Voir
|
|
|
Trouver
|
|
|
Pouvoir
|
|
|
Commencer
|
· « je sais pas »
Impossible à expliquer
|
Ignorance
|
Incompréhension
|
Tr 139, 250
|
Tr 151, 163, 233, 272 (par rapport à la situation)
|
Tr 26, 145 (par rapport à la situation)
|
|
- Quelle importance les signes linguistiques ont-ils par rapport
à l'appropriation du français ?
· Temporelle : J est dans un temps « initial » :
« c'est » ? sujet neutre, verbe impersonnel
·
133
Situationnelle et évènementielle : construction du
« je » par similitude avec les circonstances, les lieux
· Idiosyncrasique : absence de conscience de soi
- Quels comportements les sujets parlant ont-ils face à
l'idiome in posse ?
· Sujet neutre : dipôle « je »/ «
c'est »
· Représentations transcendantales, tp 203-205
· Représentations logiques/ évidentes, tp
213
· La motivation : tp 217, pr le néerlandais
· Le français correspond à l'apprentissage
- Quels sont les éléments qui distinguent les
locuteurs qui affirment « parler » la langue et ceux qui affirment
« ne pas la maîtriser » ?
Pas questionnée à ce sujet (b)
- Comment les énonciateurs parlent-ils de
l'apprentissage en langue française ? (termes, format du discours) ?
· Petit format
· « école », « examen », «
les autres », tp 103-105
· Projet extrascolaire, tp 203
134
- Quels changements sont associés à la
compréhension de la nouvelle langue ? (comportement cognitif, lexique,
construction des unités de communication, représentations) ?
· La langue maternelle « explique » et «
comprend », tp 252
- Est-ce que les énonciateurs font le lien entre idiome
et identité ?
· « je parle pas », tp 279
- Quels autres comportements sont relevés ?
· Inertie linguistique : construction phrastique
répétée, pauvre
Annexe 16 : « Canevas investigatif » ou
grille de questionnement analytique pour AL Un « moi »
conscientiel bien dans ses langues
(a)
- Quels signes linguistiques les locuteurs emploient-ils ?
Les dipôles
|
Pronominaux
|
Pronominaux/nominaux
|
« je »-« on»-« ils »-« tu
»-« tout un chacun »- « eux »
|
« je »-« les gens »
|
« je »- « moi »-« moi-même
»
|
|
|
135
|
|
|
Arriver
|
Venir
|
Aimer
|
Avoir
|
Partir
|
|
Avoir envie
|
Quitter
|
|
Pouvoir
|
Retrouver
|
|
Vouloir
|
Rentrer
|
|
Être
|
Travailler
|
|
Comprendre
|
Montrer
|
|
Adorer
|
S'inscrire
|
|
Se sentir
|
Parler
|
|
Savoir
|
Faire
|
|
Habiter
|
Citer
|
|
Être appelé
|
Se tromper
|
|
Être régularisé
|
Lire
|
|
|
Trouver
|
|
|
Rencontrer
|
|
|
Croire
|
|
|
Se débrouiller
|
|
|
Dormir
|
|
|
Conduire
|
|
|
S'engager
|
|
|
Manger
|
|
|
Préparer
|
|
|
Communiquer
|
|
|
Penser
|
|
|
Voyager
|
|
|
Voir
|
|
|
Regarder
|
|
|
Dire
|
|
|
136
|
Voter
|
|
|
Supporter
|
|
|
Connaitre
|
|
|
Se méfier
|
|
|
Refuser
|
|
|
Accepter
|
|
|
Demander
|
|
|
Finir
|
|
|
Suivre
|
|
|
Signer
|
|
|
Arrêter
|
|
|
Rater
|
|
|
Acheter
|
|
|
Accompagner
|
|
|
Poser
|
|
|
Entendre
|
|
|
Frapper
|
|
|
Corriger
|
|
|
· « je sais »
Connaitre
|
Capacité (belgicisme)
|
Tp 182
|
Tp 196
|
|
137
- Quelle importance les signes linguistiques ont-ils par rapport
à l'appropriation du français ?
· Démontrent une appropriation « réelle
» dans le sens où le locuteur développe des
compétences linguistiques attendues
· Traduisent les aspects ontologiques : a conscience de
lui-même : « pour moi » (x6)
· Traduisent la capacité de l'énonciateur
à se désigner comme sujet : « moi »-« je »
- Quels comportements les sujets parlant ont-ils face à
l'idiome in posse ?
· Compréhension/acceptation du propos : «
ça va », « oui », « bon »
· Va-et-vient entre deux territoires : « là-bas
»-« ici », la langue différente désigne le «
connu »
· Représentations liées à
l'école, à l'apprentissage d'enfant et d'adulte, à la
formation professionnelle, au territoire linguistique de son pays, aux amis
(« la rue »)
· Représentations « réelles » du
français : « je parlais le français », tp 48 avec la
possession, au préalable, d'une identité linguistique «
francophone », tp 52/186
· A l'aise parce qu'il « parle la langue », tp
104, 164
· Sait que le français est une des langues in
posse de la Belgique
· Représentation linguistique du français
et non pas physique, tp104/ 164, il nomme les signes à corriger tp
176/178
· Continuité avec la langue in fieri du
pays d'origine
138
- Quels sont les éléments qui distinguent les
locuteurs qui affirment « parler » la langue et ceux qui affirment
« ne pas la maîtriser » ?
· Homme
· Langue maternelle nilo-saharienne
· Apprentissage du français en Côte
d'ivoire
· Identité en langue in esse, tp 174
· Identité linguistique francophone
· Conscience du répertoire langagier belge : choix
de la langue tp 186
·
(b)
« pour avoir le niveau », tp 26
- Comment les énonciateurs parlent-ils de l'apprentissage
en langue française ? (termes, format du discours) ?
· L'école, « les cours du soir », tp 56
· Avec un projet professionnel
· Format développé
· Comme une « compétence », tp 162
· Respect linguistique et adaptation comportementale au
pays d'accueil, tp 164
· Responsabilité personnelle du locuteur, tp 186
· Trois types de français : de l'école, de la
rue en Afrique, de la formation professionnelle en Belgique
· 139
L'interaction avec les autres, tp 84
- Quels changements sont associés à la
compréhension de la nouvelle langue ? (comportement cognitif, lexique,
construction des unités de communication, représentations) ?
· Changement de statut de la langue : langue
professionnelle
· Comportement ludique/ grave, in esse, «
dans le sang », tp 208/ « on se sent à l'aise » tp 210
? comportement intellectif in fieri, tp 176
· Lexique temporel : « ici », « maintenant
», « après »
- Est-ce que les énonciateurs font le lien entre idiome
et identité ?
· Identité liée au territoire, tp 52, 64 mais
aussi aux personnes tp 68
· Se sent à l'aise avec le français en
Belgique, tp 184
· Idiome/identité : migration, école,
transmission ancestrale, tp 212 - Quels autres comportements sont
relevés ?
· Comportement accompli et sélectif dans une
langue à trois registres : école, rue, profession
· Comportement linguistique philosophique/
idéologique sur l'appréhension des langues de terres d'accueil,
sur les attitudes des nouveaux arrivants, sur lui-même, son
répertoire langagier
· Le pays éloigné qui n'est pratiquement
jamais désigné : déictiques « ici »-«
là-bas ». On identifie l'inconnu par l'interlocuteur par
l'inconnu
140
Annexe 17 : « Canevas investigatif » ou
grille de questionnement analytique pour M Un « moi »
perpétué
(a)
- Quels signes linguistiques les locuteurs emploient-ils ?
Les dipôles
|
Pronominaux
|
Pronominaux/nominaux
|
« je »-« on»-« nous »-« tu
»
|
« je »-« les gens belges »-« des gens
»-« des/les personnes »-
|
« je »- « moi »-« eux »-«
lui »
|
|
|
État
|
Action
|
Existence
|
Savoir
|
Partir
|
Naître
|
Vouloir
|
Penser
|
|
Pouvoir
|
Trouver
|
|
Être
|
Voir
|
|
Croire
|
Dire
|
|
Comprendre
|
Venir
|
|
Se sentir
|
Rester
|
|
Avoir besoin
|
Parler
|
|
Aimer
|
Préférer
|
|
Ne plus aimer
|
Partir
|
|
|
Apporter
|
|
|
Aller
|
|
|
Marcher
|
|
|
141
|
Voir
|
|
|
Penser
|
|
|
Raconter
|
|
|
Se débrouiller
|
|
|
Arriver
|
|
|
Attendre
|
|
|
Étudier
|
|
|
Habiter
|
|
|
· « je sais pas »
Ignorance
|
Incapacité (belgicisme)
|
Tp 4
|
Tp 90
|
|
- Quelle importance les signes linguistiques ont-ils par rapport
à l'appropriation du français ?
· Traduisent la capacité de l'énonciateur
à se désigner comme sujet : « moi »-« je »
· Un sujet qui passe du « tu » au « je
», tp 16
· Temporalité : « toujours » est le
leitmotiv
· Idéologique : canon linguistique au travers du
récit de migrant, tp2, 4, 6, 30
· Appropriation liée à un état :
« content »
142
- Quels comportements les sujets parlant ont-ils face à
l'idiome in posse ?
· Compréhension/acceptation ou non du propos :
« ça va », « oui », « non », « bien
», « voilà », « c'est tout »
· Va-et-vient entre deux territoires : « là-bas
»-« ici », la langue différente désigne le «
connu »
· Représentations liées à
l'école, à l'apprentissage d'adulte « difficile », tp
92, au travail
· Représentation physique : « la tête
», tp 92
· Rupture avec la langue in esse du pays d'origine
tp 26
- Quels sont les éléments qui distinguent les
locuteurs qui affirment « parler » la langue et ceux qui affirment
« ne pas la maîtriser » ?
· Homme
· Langue maternelle sémitique
· Apprentissage du français en Belgique
· Identité en langue in esse, tp 80
· (b)
« pour comprendre », tp 16
143
- Comment les énonciateurs parlent-ils de l'apprentissage
en langue française ? (termes, format du discours) ?
· « les cours du soir », tp 16
· Avec un projet professionnel, tp 16
· Format développé
· Comme une « chance », tp 26
· Respect linguistique et adaptation comportementale au
pays d'accueil, tp 26
· Problématique émique, tp 28
· De manière situationnelle limitée : «
Belgique Saint-Josse », tp 26
· Comme une interaction familiale, tp 74
· Notion d'intériorité, tp 40
- Quels changements sont associés à la
compréhension de la nouvelle langue ? (comportement cognitif, lexique,
construction des unités de communication, représentations) ?
· Changement de dipôle : « je »-« eux
»-« lui »
· Lexique temporel : « ici », « maintenant
», « après »
· Continuité temporelle : « toujours »
· Antithèse : « pas arabe », « pas
d'accord », tp 26
· L'âge, tp 92
144
- Est-ce que les énonciateurs font le lien entre idiome et
identité ?
· Distinction langue/ nationalité tp 80
· Le français ne fait pas parti de son
répertoire langagier, tp 84
· La trahison, tp 78/80
- Quels autres comportements sont relevés ?
· Comportement in fieri à la demande :
travail, ASBL
· Comportement linguistique idéologique sur
l'appréhension des langues de terres d'accueil, sur les attitudes des
nouveaux arrivants, sur lui-même, son répertoire langagier
· Le pays éloigné qui n'est pratiquement
jamais désigné : déictiques « ici »-«
là-bas ». On identifie l'inconnu par l'interlocuteur par
l'inconnu
145
Annexe 18 : « Canevas investigatif » ou
grille de questionnement analytique pour I Un « moi »
adapté fidèle
(a)
- Quels signes linguistiques les locuteurs emploient-ils ?
Les dipôles
|
|
Pronominaux
|
Pronominaux/nominaux
|
« je »-« on»-« nous »-« tu
»
|
« je »-« des gens »
« je »-« A », « F », «
|
S »
|
« je »- « moi »
|
|
|
|
État
|
Action
|
Existence
|
Réussir
|
Venir
|
Aimer
|
Avoir
|
Commencer
|
Vivre
|
Vouloir
|
Croire
|
|
Être
|
S'entendre
|
|
Savoir
|
Parler
|
|
(se) Sentir
|
Dire
|
|
Se calmer
|
Regarder
|
|
Pouvoir
|
Travailler
|
|
S'en foutre
|
Chercher
|
|
Avoir envie
|
Essayer
|
|
Avoir le droit
|
Parler
|
|
Être d'accord
|
Comprendre
|
|
Espérer
|
Rigoler
|
|
|
146
|
Apprendre
|
|
|
Réfléchir
|
|
|
Connaitre
|
|
|
Venir
|
|
|
Trouver
|
|
|
Se rappeler
|
|
|
Jurer
|
|
|
Respecter
|
|
|
Manquer
|
|
|
Faire
|
|
|
Voir
|
|
|
Penser
|
|
|
Perdre
|
|
|
Insulter
|
|
|
Demander
|
|
|
Écrire
|
|
|
Impossible à expliquer
|
Ignorance
|
Incompréhension
|
Tr 6, 14, 44, 52,
|
Tr 2, 10, 12,
|
Tr 58, 60
|
|
147
28, 50
- Quelle importance les signes linguistiques ont-ils par rapport
à l'appropriation du français ?
· Traduisent la capacité de l'énonciateur
à se désigner comme sujet : « moi »-« je »
philosophique mais pas linguistique, tr 32, 42
- Quels comportements les sujets parlant ont-ils face à
l'idiome in posse ?
· Va-et-vient entre deux territoires : « là-bas
»-« ici », la langue différente désigne le «
connu »
· Représentations liées à
l'apprentissage (l'ASBL), à l'écoute tp 32, à la
fréquence en terme de communication tp 44/ 46
· Représentation linguistique du français et
non pas physique, tp 70
· Distinction avec la langue in esse du pays
d'origine : « c'est pas ma langue », tp 46. Elle est une langue
virtuelle : « c'est pas ma langue en réalité », tp
46
- Quels sont les éléments qui distinguent les
locuteurs qui affirment « parler » la langue et ceux qui affirment
« ne pas la maîtriser » ?
· Femme
· Langue maternelle sémitique
· Apprentissage du français en Belgique
·
148
Identité revendicatrice, permissive en langue in
esse, tp 48
· Identité linguistique arabophone, tp 92
· « pour m'améliorer », tp 74
(b)
- Comment les énonciateurs parlent-ils de l'apprentissage
en langue française ? (termes, format du discours) ?
· Comme un accomplissement autodidactique, tp 74
· Avec un projet linguistique, tp 72, 74
· Format concis
· Comme un possible accès vers la langue
française in esse, tp 74
· L'interaction humaine, tp 74 : « voir », «
parler »
- Quels changements sont associés à la
compréhension de la nouvelle langue ? (comportement cognitif, lexique,
construction des unités de communication, représentations) ?
· Prise de conscience de sa langue in esse, tp
46
· Revendication identitaire, tp 48, 52
· 149
Lexique temporel et situationnel limité : « ici
», « la rue », gens inconnus, tp 46
- Est-ce que les énonciateurs font le lien entre idiome
et identité ?
· Identité liée à la langue in
esse, tp 32
· Pas de sens intime avec le français, tp 46
· Idiome/identité : le foyer, la mère, les
proches, tp 44
- Quels autres comportements sont relevés ?
· Comportement « médian » et situé
: « Saint-Josse », tp 66 dans une langue non
intériorisée
· Préservation linguistique vis-à-vis de la
langue in esse
· Le pays éloigné qui n'est pratiquement
jamais désigné : déictiques « ici »-«
là-bas ». On identifie l'inconnu par l'interlocuteur par
l'inconnu
150
Annexe 19 : « Canevas investigatif » ou
grille de questionnement analytique pour E Un « moi »
hypertrophié qui se pense dans le temps
(a)
- Quels signes linguistiques les locuteurs emploient-ils ?
Les dipôles
|
Pronominaux
|
Pronominaux/substantifs
|
« je »-« il »-« ils »-« tu
»-« vous »-« elle »- « ceux qui sont venus
»,
|
« je »-« tout le monde »-« les
étrangers »«les Albanais »-« les gens »
|
« je »-« moi »-« nous »
|
|
|
État
|
Action
|
Existence
|
Être
|
Perdre
|
Être
|
Avoir
|
Venir
|
Avoir des larmes
|
Habiter
|
Grandir
|
Avoir des frissons
|
Comprendre
|
Dire
|
Avoir envie
|
Être stricte
|
Ne jamais dire
|
Aimer
|
Savoir
|
Écrire
|
Ne pas aimer
|
Apprendre
|
Faire
|
Adorer
|
Trouver
|
Se déclarer
|
Être déclarée
|
Se sentir
|
Accepter
|
Être reconnue
|
Préférer
|
Raconter
|
Avoir une bonne mémoire
|
Être obligée
|
Commencer
|
Être aidée
|
|
Regarder
|
Être appuyée
|
|
Nettoyer
|
Être convoquée
|
|
Aider
|
Être triste
|
|
Aller
|
Être contente
|
|
Travailler
Arriver
Changer
(se) Présenter
Entendre
Pleurer
Devenir
Ne pas oublier
Descendre
Ne pas mentir
Construire
Acheter
Voir
Prendre
Ne jamais prendre
Attendre
Vouloir
Vivre
Pouvoir
Devoir
Retourner
Connaitre
Respirer
Sentir
Jurer
Donner
Parler
Supposer
Penser
Être inscrite
Être malade
Être maniaque
Aller en dépression
En avoir marre
Être habituée
Être stressée
Se faire plaisir
Se marier
|
|
S'inscrire Apporter Assurer Ne pas utiliser S'arrêter
Chercher S'adapter Mal s'exprimer Se baisser Ne pas discuter Recevoir Retenir
Rentrer Rester
|
|
·
152
« je ne sais pas » / « je sais pas »
Impossible à expliquer
|
Ignorance
|
Connaitre
|
Incapacité (belgicisme)
|
Manque de mots
|
Tp 20, 52, 83,
|
Tp 66, 68,
|
Tp 42, 243,
|
Tp 40, 42, 127,
|
Tp 46, 103 ?,
|
101, 103, 127,
|
111, 153, 289
|
|
153,
|
123, 253 ?,
|
131, 153, 217,
|
|
|
|
|
281, 287
|
|
|
|
|
|
153
- Quelle importance les signes linguistiques ont-ils par rapport
à l'appropriation du français ?
· Démontrent des étapes
· Démontrent une appropriation « simulée
» dans le sens où le locuteur colle au plus près des
attentes de la chercheure débutante
· Traduisent les aspects ontologiques
· Traduisent la subjectivité de l'énonciateur
: les dipôles sémantiques récurrents
- Quels comportements les sujets parlant ont-ils face à
l'idiome in posse ?
· L'authenticité de la langue est importante chez
E
· Comportement expressif mais pas scriptural, tp 176
· Représentations liées à la
migration, au voyage (les chanteurs francophones Tp 184) : approche
phonétique/discursive du français (les airs à
écouter se répètent) ? l'oreille comme le
symbole du sens au niveau de la tête, quelqu'un qui écoute
· Représentations affectives : tp 186/188
· Représentations liées au travail : la main,
tp 152 : symbole de l'effort, de l'action, de l'aide, de la
détermination, de l'habileté, de la force
- Quels sont les éléments qui distinguent les
locuteurs qui affirment « parler » la langue et ceux
qui affirment « ne pas la maîtriser » ?
· Femme
· Langue maternelle slave
·
154
Pas d'apprentissage du français au Kosovo
· « toute seule comme ça », tp 44
· La main, les oreilles
· « j'ai un niveau »
(b)
- Comment les énonciateurs parlent-ils de l'apprentissage
en langue française ? (termes, format du discours) ?
· Tp 44
· Lié au travail
· Durée courte
· Format du discours ; long, descriptif, comparatif,
situé (le travail, la classe, son foyer,
· Parler : une nature tp 154
· L'écriture d'un livre, tp 159
· L'interaction avec les autres, tp 84
· Avec sa « nature », tp 154, sa «
façon », tp 176
· « j'ai jamais eu le temps d'apprendre le
français », tp 232 : le projet d'écriture
- Quels changements sont associés à la
compréhension de la nouvelle langue ? (comportement cognitif, lexique,
construction des unités de communication, représentations) ?
·
155
Le travail
· L'authenticité de ses propos
· Lexique temporel : « au début », «
après », « commencer », « venir », «
regarder », tp 44,
· « deux ans », « commencer », «
me dire », « avoir envie », « te voir », « ta
tête », « vouloir apprendre », « donner »
à l'impératif, « alors », « enfin », «
arriver », « bonne mémoire », « parler/
s'écouter » tp 84
« les étrangers », « faire une phrase
», « dit pas bien les choses », tp 88
· « jamais », « première année
», le travail, évènements de vie (mariage, permis de
travail)
· Des mains, nous passons à l'écriture en
français (une de ses natures), tp 176
· « écrire », « ma façon
», « vouloir dire », « entendre », « se sentir
bien », « connaitre », « adorer », « comprendre
», « raconter », tp184
· Facilité à parler la langue, « les
mots viennent », « c'est bizarre », « un truc machin
», tp 208
· « comme les belges », « ici », «
je me suis adaptée », « j'ai trouvé mon rythme »,
tp 212/214
· « je me suis baissée à leur niveau
», tp 220, « j'ai un niveau », tp 232
· Expansibilité du temps : « je te dis je peux
écrire un livre t'auras jamais fini avec toi je te jure t'auras jamais
fini », tp 298
156
- Est-ce que les énonciateurs font le lien entre idiome et
identité ?
· Le français est la langue du travail
· Tp 184 : « vouloir », la négation
· Idiome/identité : lien avec la migration
· Langue in esse et histoire - Quels autres
comportements sont relevés ?
· Comportement accompli dans une langue à
reconstruire/ porter/ pousser sans cesse, tp 306-308
· Comportement linguistique illustratif, détailliste
(le pourquoi du comment : au début et à la fin de l'entrevue)
· Le pays éloigné qui n'est pratiquement
jamais désigné : déictiques « ici »-«
là-bas ». On identifie l'inconnu par l'interlocuteur par
l'inconnu
(c)
- Quelles techniques didactiques privilégier dans le
domaine des sciences du langage ?
157
TABLE DES ILLUSTRATIONS
FIGURE 1 : LA TRIADIQUE DU SIGNE LINGUISTIQUE SELON ARISTOTE.
FIGURE 2 : LA TRIADIQUE DU SIGNE LINGUISTIQUE SELON PEIRCE.
FIGURE 3 : ÉVOLUTION DE LA TRIADIQUE DU SIGNE LINGUISTIQUE
SELON
PEIRCE.
FIGURE 4 : KAHLO F., 1932, AUTOPORTRAIT A LA FRONTIERE ENTRE LE
MEXIQUE ET LES ÉTATS-UNIS, MEXIQUE.
FIGURE 5 : LES ETAPES DE NOTRE METHODOLOGIE DE RECHERCHE. FIGURE
6 : TITIEN, 1548-1549, SISYPHE, MADRID.
FIGURE 7 : LES REPRESENTATIONS DES LOCUTEURS NON CONFIRMES.
FIGURE 8 : REPRESENTATION PERSONNELLE DU STATUT
D'APPRENTI-CHERCHEUR.
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