Le Gabon face à la cybercriminalité: enjeux et défispar Larry Warren DIYEMBOU BOUMAM'HA Université Omar Bongo - Master Géosciences Politiques du Monde Contemporain 2019 |
I.2 - Objet et champ de l'étudeNotre travail de recherche traite des enjeux et défis de la cybercriminalité au Gabon et s'articule pour ce faire, autour des principaux concepts que sont : la cybercriminalité et enjeu. De prime abord, il faudrait faire remarquer qu'à travers sa définition, la cybercriminalité revêt un caractère polysémique. Cependant, avant de définir la cybercriminalité, il serait tout à fait normal de définir d'abord la notion de criminalité. Du point de vue de la sociologie criminelle, la criminalité peut se définir comme un « ensemble de comportements qualifiés de délictueux par la société et qui portent atteinte aux valeurs du groupe »4(*). Dans le Robert de Poche 2018, la cybercriminalité, désigne tout un ensemble d'activités périphériques à la norme et qui s'effectuent par l'intermédiaire de l'Internet. Bertrand BOYER précise que la cybercriminalité fait référence à des «actes contrevenants aux traités internationaux ou aux lois nationales, utilisant les réseaux ou les systèmes d'information comme moyen de réalisation d'un délit ou d'un crime, ou les ayant pour cible »5(*). Sandrine GHERNAOUTI-HELIE quant à elle, définit la cybercriminalité comme étant « toute activité criminelle réalisée par le biais d'Internet et des technologies du numérique. Elle englobe toute forme de malveillance effectuée à l'aide de l'informatique, d'équipements électroniques et des réseaux de communication »6(*). A travers ces définitions, il en ressort que la cybercriminalité est intrinsèquement liée à l'essor fulgurant des TIC. La notion d'enjeu estaussi complexe que celle de la cybercriminalité. Etymologiquement, elle renvoie en premier lieu à ce qu'un joueur gagne ou perd. En d'autres mots, elle désigne un ensemble de biens, activités ou services qui sont exposés et susceptibles d'être affectés par un phénomène naturel ou non. Et « dans la géographie contemporaine, et particulièrement en géographie politique, la notion d'enjeu implique tout d'abord l'existence d'acteurs. Il n'est en effet d'enjeu qu'entre au moins deux acteurs concurrents. En géopolitique, les acteurs sont motivés par trois types principaux d'enjeux : le contrôle du territoire, domination sur un territoire, puissance sinon hégémonie »7(*). Parmi ces acteurs dans le cadre de notre étude, nous pouvons en citer plusieurs : l'Etat gabonais qui s'emploie à circonscrire et sécuriser sa partie du cyberespace tout en favorisant une structuration de l'écosystème numérique ; les acteurs du cyberespace tels que ces opérateurs économiques (start-ups etc.) qui contribuent à la structuration de cet écosystème, mais surtout les acteurs aux intentions criminelles, qui s'organisent pour tirer parti des actes malveillants qu'ils posent car pour eux, le cyberespace constitue une nouvelle ressource économique. Notre thème de recherche s'inscrit dans le giron des géosciences politiques8(*), et notamment la géopolitique de l'insertion des TIC car celle-ci est une indication qui aura pour rôle, d'identifier l'ensemble des processus qui gravitent autour de la consécration de la cybercriminalité au Gabon et par la suite, de démontrer comment lesdits processus sont « antinomiques » par rapport à la quiétude ou aux perspectives de stabilité et de développement économique de l'Etat Gabonais. La présente recherche a pour objectif principal de démontrer quels sont les enjeux et autres défis auxquels fait face le Gabon par rapport au phénomène grandissant de la cybercriminalité. Il faut dire ici que l'étude intègre un profil géopolitique en ce qu'elle procède par une analyse diatopique de la cybercriminalité d'abord du point de vue mondial et ensuite, à l'échelle plus séquencée du Gabon (carte 1). Cette trame géopolitique s'appuiera sur les deux versants que sont : - La mise en relief des fondements géographiques liés au cyberespace, à la cybersécurité et à la cybercriminalité ; - L'inventaire et analyse des formes de cybercriminalité rencontrées au Gabon et leurs implications. Carte 1 : Localisation de la zone d'étude et territoire de l'enquête Comme le montre la carte 1, cette étude s'est principalement basée sur des enquêtes de terrain localisées dans la province de l'Estuaire (les communes de Libreville et ses six arrondissements, Owendo et Akanda), pour des raisons scientifiques et logistiques notamment. Sur le plan scientifique, une telle étude nécessitait d'avoir suffisamment de données sur les manifestations de la cybercriminalité au plan national. Ce qui n'a pas été le cas malheureusement. D'un point de vue logistique et financier, il nous était impossible de mener ces enquêtes de façon minutieuse sur toute l'étendue du territoire national. C'est pourquoi, non seulement avec plus de 895.689 habitants9(*) et concentrant la majorité des services et infrastructures numériques du pays, l'Estuaire à travers Libreville, semblait être à notre humble avis, le meilleur cadre d'observation des tendances de la cybercriminalité au Gabon. * 4 Papa GUEYE, Criminalité organisée, terrorisme et cybercriminalité : Réponses de politiques criminelles, Dakar, L'Harmattan-Sénégal, 2018, p. 22. * 5 Bertrand BOYER, Dictionnaire de la cybersécurité et des réseaux, Paris, Nuvis, (Coll. « Economie et prospective numériques »), 2015, p. 96. * 6 Sandrine GHERNAOUTI-HELIE, La cybercriminalité. Le visible et l'invisible, Lausanne, Presses polytechniques et universitaires romandes, (Coll. « Le savoir Suisse »), 2009, p.14. * 7 Stéphane ROSIERE, (s, dir.), Dictionnaire de l'espace politique. Géographie politique et géopolitique, Paris, Armand Colin, 2008, p. 90. * 8 Concept développé par l'école gabonaise de géographie et singulièrement de géographie politique à travers Marc-Louis ROPIVIA dans l'ouvrage collectif : Serge LOUNGOU (dir.), Les Enjeux et les défis du Gabon au XXIe siècle : Réflexions critiques et prospectives des géographes, Paris, Connaissances et Savoirs, 2014, pp. 9-17. Cette notion de géosciences politiques est mobilisée par nous dans le cadre de cette recherche car en tant qu'« expression englobante désignant tous les domaines de l'analyse politique qui prennent pour racine la géographie, qui se structurent à partir du tronc commun de la géographie politique et qui fondent leur explication à partir du déterminisme géographique », elle nous servira de support d'analyse. * 9 Direction Générale de la Statistique : Résultats globaux du Recensement Général de la Population et des Logements de 2013 du Gabon (RGPL-2013), Libreville, 2015, p. 43. |
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