CONCLUSION GENERALE
La fulgurance de l'Internet a donné naissance à
autant de promesses que de défis à l'échelle mondiale.
Grâce à cet outil formidable, nous sommes dorénavant
plongés dans une ère numérique où l'accès
aux services en ligne, les avantages offerts en termes de temps dans le
transfert d'informations et la communication, les gains
générés par le commerce électronique mais aussi et
surtout les facilités offertes pour les transactions bancaires,
demeurent aujourd'hui au centre de notre quotidien. Néanmoins, toute
cette évolution technologique de notre culture a ouvert la porte
à de nouvelles formes de menaces comme la violation de la vie
privée, le vol des données personnelles, le piratage des
systèmes informatiques, l'escroquerie 2.0, les fraudes etc. Et nous
assistons dès lors, à l'avènement de la
cybercriminalité.
La présente étude s'est employée à
analyser ce phénomène mondial sous l'angle de la
géopolitique et à l'échelle du Gabon. L'objectif
était de montrer que la présence du Gabon dans le cyberespace,
résultat d'un long processus de pénétration et de
sédimentation des TIC, s'est accompagnée d'un
phénomène récent et nuisible : la
cybercriminalité. Sur cette base, le faisceau de relations
Gabon/cybercriminalité/enjeux/défis, a été
minutieusement examiné, pour rendre compte de la diversité et la
complexité des interrelations de ces différentes composantes.
Face à la dynamique des TIC au Gabon, celle de la
cybercriminalité se pose en termes de « complexe de parasites
infectants » avec une dangerosité protéiforme et
surtout les perspectives peu reluisantes d'une économie
numérique.
Les développements menés tout au long de
l'étude, vérifient les hypothèses indiquées. Qu'il
s'agisse du cadre théorique
TIC/cybercriminalité/enjeux/défis, avec le Gabon comme
étude de cas, les articulations faites se tiennent. L'insertion des TIC
en effet, a connu une évolution importante entre les années 1990
et nos jours, avec des politiques, des infrastructures des usages
variés, une économie numérique en éclosion.
Progressivement, cette présence significative du Gabon dans le nouvel
espace cybernétique, a attiré une cybercriminalité
florissante qui constitue une entrave. La prospérité de
l'économie numérique, impliquant la réduction de la
cybercriminalité, celle-ci comporte alors des enjeux et défis.
Dans cette optique, ce travail sur la cybercriminalité
au Gabon nous a amené à le présenter sous deux principaux
axes.
Dans la première partie, nous avons proposé une
esquisse théorique de la cybercriminalité, c'est-à-dire,
un cadrage avec des outils d'analyse permettant de rendre compte des
traductions socio-spatiales de la cybercriminalité et des logiques
d'acteurs qui les impriment. Ce quinous a permis de passer en revue quelques
exemples sur l'ensemble de la planète. Il s'est agi dans un premier
temps, de présenter les fondements géographique et
géopolitique du phénomène de la cybercriminalité.
Cela nous a conduits à démontrer que la cybercriminalité
loin d'être un épiphénomène,est une trame de la
géographie de la société de l'information. Elle s'appuie
sur les TIC et l'Internet pour ainsi renouveler l'objet d'étude dela
géographie. La dimension géopolitique de la
cybercriminalité apparaît avec la considération de
plusieurs éléments. En effet, de nombreux acteurs
développent des actions constituant autant d'actes et infractions qui
affectent gravement le cyberespace. C'est pourquoi, d'autres catégories
d'acteurs en tête desquels l'Etat, multiplient les actions pour
également développer des protocoles consacrés à la
cybersécurité pour contenir, voire museler la progression de la
cybercriminalité.
En ponctuant cette première partie, nous avons
montré que la cybercriminalité est non seulement difficile
à conceptualiser (tant les représentations diffèrent entre
acteurs selon leurs cultures ou leurs approches du cyberespace), mais elle
constitue aussi bien une menace hybride car renvoyant à une cosmogonie
d'atteinteset infractions, spécifiques aux systèmes de traitement
automatisé des données, ou directementfacilitées par les
TIC et l'Internet.
Le monde étant désormais ancré dans un
contexte de cyberguerre entre acteurs étatiques classiques et
cesnouveaux acteurs de la conflictualité, il est évident que le
continent Africain ne demeure pas en marge de cette dynamique mondiale du
phénomène. Assurément, il est devenu en l'espace de
quelques années, l'un des principaux (si ce n'est le principal) foyers
de la cyberescroquerie.
Néanmoins,face à cette expansion des
cybermenaces, le continent tente tant bien que mal de réagir, en mettant
progressivement en place des législations cyber très
contraignantes car, il ne faudrait surtout pas omettre qu'en face,
lescybercriminels possèdent une intelligence au-dessus de la moyenne,
doublée d'aptitudes techniques similaires dans l'usage et la
manipulation de l'outil informatique. C'est pourquoi, souvent
décriée par les experts en cybersécurité comme
étant un "far west cybernétique", l'Afrique de l'Ouest
(avec des pays tels que le Nigéria, la Côte d'Ivoire et le
Bénin), demeure à ce jour l'épicentre du
phénomène à l'échelle du continent tout entier.
La deuxième partie de cette recherche, nous a
donné l'occasion d'étudier le phénomène de la
cybercriminalité à l'échelle plus restreinte du Gabon. De
cette façon, les enjeux politiques, territoriaux et sécuritaires,
ont constitué la trame principale de notre argumentation. A cet effet,
il est à noter que le pays a entamé de grandes initiatives visant
à faire du numérique un secteur stratégique de son
économie, avec pour objectif rappelons-le, de devenir un modèle
dans le domaine, à l'échelle du continent. Cela se traduit dans
les faits par les projets de fibre optique GAB-IXP et le CAB-4 par exemple, qui
permettent paradoxalement au Gabon de faire une entrée renouvelée
dans la SDI tout en constituant par la même occasion, un curseur
signifiant de l'apparition et la montée des cybermenaces dans le pays.
Au sortir de cette analyse, on retient que ces
dernières années ont été le témoin de
l'essor au Gabon d'un panel de cyber-incidents mettant à mal et à
divers degrés, toutes les composantes de la société.
Assurément, qu'il s'agisse d'escroquerie, de fraude, de vol ou de
destruction d'identité, d'hacktivisme ou de désinformation sur
les réseaux sociaux, toutes ces formes de délits, de violence ou
de conflictualité se matérialisent à travers l'Internet
dans le pays.
Nous avons vu que la grande majorité des cybercriminels
appréhendés (par exemple dans le cadre de la lutte contre la
fraude aux télécommunications), sont généralement
des ressortissants d'autres pays et qui sont parfois en complicité avec
des nationaux. Même chose avec la cyberescroquerie dont la
majorité des délinquants sont des ressortissants d'Afrique de
l'Ouest, opérant par ailleurs, depuis leurs territoires d'origine.
En prenant le cas des fraudes sur les appels internationaux
entrant au Gabon, il sembleraitque les personnes interpelléespar les
forces de Police et Gendarmerie, soient principalement attirées par la
bonne fluidité du réseau au Gabon, mais surtout par les
opportunités d'affaires et donc d'enrichissement facile qu'elle
offre.
Les pouvoirs publics gabonais qui ont fait du numérique
un axe stratégique du développement économique, ne cessent
d'afficher leur forte volonté d'engager le pays un peu plus dans la
transition numérique tout en créant parallèlement un
ensemble de mécanismes de défense contre la
cybercriminalité.
A cet effet, une approche dite participative a
été annoncée dans le but d'impliquer chacune des parties
prenantes dans l'élaboration de la stratégie nationale de
cyberdéfense. Pour lutter contre ce phénomène, nous avons
modestement proposé au sein de cette étude des dispositifs de
lutte.
Il s'agit notamment de : mettre en place une
stratégie nationale de cybersécurité et
cyberdéfense qui puisse s'inscrire dans le concept du continuum
sécurité-défense, de manière à ce que tous
les acteurs de la lutte contre la cybercriminalité au Gabon soient
largement concernés ;restructurer les forces de
sécurité intérieure autour d'un Pôle Central de
Lutte Contre la Cybercriminalité, compris au sein du Laboratoire de
Police Technique et Scientifique actuel ; d'insister sur la
sensibilisation et la formation à grande échelle, car il va sans
dire que les deux vont de pair ; adapter les contenus des formations
numériques qui prolifèrent actuellement sur la toile en
général et un peu partout dans la capitale et le pays, aux
besoins en matière de cybercriminalité et
cyberdéfense ; accélérer la mise en place des
dispositifs règlementaires, car ces derniers vont permettre au Gabon de
se doter d'un cadre juridique contraignant et adapté au défi de
la cybercriminalité.
Au final, aux pouvoirs publics, législateurs,
propriétaires et opérateurs d'infrastructures numériques,
utilisateurs d'internet, fournisseurs de solutions informatiques,
entreprises : il est du devoir de toutes ces parties prenantes de
l'écosystème numérique gabonais, de contribuer à la
sécurisation du cyberespace au bénéfice de la
collectivité. Car la cybercriminalité au Gabon, ne doit plus
être perçue comme une menace mais plutôtcomme une
réalité. Elle est encore plus dangereuse en ce sens qu'elle
pénètre désormais au sein des familles, et il appartient
à l'Etat d'impulser la dynamique nécessaire pour inverser la
progression actuelle observée.
Au regard de cette croissance remarquée à propos
de la cybercriminalité à l'échelle de la capitale,
à quoi pourrait bien correspondre une approche cybersécuritaire
des réalités impliquant ce phénomène à
l'échelle du territoire national et de la sous-région ?
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