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Le Gabon face à  la cybercriminalité: enjeux et défis


par Larry Warren DIYEMBOU BOUMAM'HA
Université Omar Bongo - Master Géosciences Politiques du Monde Contemporain 2019
  

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CONCLUSION GENERALE

La fulgurance de l'Internet a donné naissance à autant de promesses que de défis à l'échelle mondiale. Grâce à cet outil formidable, nous sommes dorénavant plongés dans une ère numérique où l'accès aux services en ligne, les avantages offerts en termes de temps dans le transfert d'informations et la communication, les gains générés par le commerce électronique mais aussi et surtout les facilités offertes pour les transactions bancaires, demeurent aujourd'hui au centre de notre quotidien. Néanmoins, toute cette évolution technologique de notre culture a ouvert la porte à de nouvelles formes de menaces comme la violation de la vie privée, le vol des données personnelles, le piratage des systèmes informatiques, l'escroquerie 2.0, les fraudes etc. Et nous assistons dès lors, à l'avènement de la cybercriminalité.

La présente étude s'est employée à analyser ce phénomène mondial sous l'angle de la géopolitique et à l'échelle du Gabon. L'objectif était de montrer que la présence du Gabon dans le cyberespace, résultat d'un long processus de pénétration et de sédimentation des TIC, s'est accompagnée d'un phénomène récent et nuisible : la cybercriminalité. Sur cette base, le faisceau de relations Gabon/cybercriminalité/enjeux/défis, a été minutieusement examiné, pour rendre compte de la diversité et la complexité des interrelations de ces différentes composantes. Face à la dynamique des TIC au Gabon, celle de la cybercriminalité se pose en termes de « complexe de parasites infectants » avec une dangerosité protéiforme et surtout les perspectives peu reluisantes d'une économie numérique.

Les développements menés tout au long de l'étude, vérifient les hypothèses indiquées. Qu'il s'agisse du cadre théorique TIC/cybercriminalité/enjeux/défis, avec le Gabon comme étude de cas, les articulations faites se tiennent. L'insertion des TIC en effet, a connu une évolution importante entre les années 1990 et nos jours, avec des politiques, des infrastructures des usages variés, une économie numérique en éclosion. Progressivement, cette présence significative du Gabon dans le nouvel espace cybernétique, a attiré une cybercriminalité florissante qui constitue une entrave. La prospérité de l'économie numérique, impliquant la réduction de la cybercriminalité, celle-ci comporte alors des enjeux et défis.

Dans cette optique, ce travail sur la cybercriminalité au Gabon nous a amené à le présenter sous deux principaux axes.

Dans la première partie, nous avons proposé une esquisse théorique de la cybercriminalité, c'est-à-dire, un cadrage avec des outils d'analyse permettant de rendre compte des traductions socio-spatiales de la cybercriminalité et des logiques d'acteurs qui les impriment. Ce quinous a permis de passer en revue quelques exemples sur l'ensemble de la planète. Il s'est agi dans un premier temps, de présenter les fondements géographique et géopolitique du phénomène de la cybercriminalité. Cela nous a conduits à démontrer que la cybercriminalité loin d'être un épiphénomène,est une trame de la géographie de la société de l'information. Elle s'appuie sur les TIC et l'Internet pour ainsi renouveler l'objet d'étude dela géographie. La dimension géopolitique de la cybercriminalité apparaît avec la considération de plusieurs éléments. En effet, de nombreux acteurs développent des actions constituant autant d'actes et infractions qui affectent gravement le cyberespace. C'est pourquoi, d'autres catégories d'acteurs en tête desquels l'Etat, multiplient les actions pour également développer des protocoles consacrés à la cybersécurité pour contenir, voire museler la progression de la cybercriminalité.

En ponctuant cette première partie, nous avons montré que la cybercriminalité est non seulement difficile à conceptualiser (tant les représentations diffèrent entre acteurs selon leurs cultures ou leurs approches du cyberespace), mais elle constitue aussi bien une menace hybride car renvoyant à une cosmogonie d'atteinteset infractions, spécifiques aux systèmes de traitement automatisé des données, ou directementfacilitées par les TIC et l'Internet.

Le monde étant désormais ancré dans un contexte de cyberguerre entre acteurs étatiques classiques et cesnouveaux acteurs de la conflictualité, il est évident que le continent Africain ne demeure pas en marge de cette dynamique mondiale du phénomène. Assurément, il est devenu en l'espace de quelques années, l'un des principaux (si ce n'est le principal) foyers de la cyberescroquerie.

Néanmoins,face à cette expansion des cybermenaces, le continent tente tant bien que mal de réagir, en mettant progressivement en place des législations cyber très contraignantes car, il ne faudrait surtout pas omettre qu'en face, lescybercriminels possèdent une intelligence au-dessus de la moyenne, doublée d'aptitudes techniques similaires dans l'usage et la manipulation de l'outil informatique. C'est pourquoi, souvent décriée par les experts en cybersécurité comme étant un "far west cybernétique", l'Afrique de l'Ouest (avec des pays tels que le Nigéria, la Côte d'Ivoire et le Bénin), demeure à ce jour l'épicentre du phénomène à l'échelle du continent tout entier.

La deuxième partie de cette recherche, nous a donné l'occasion d'étudier le phénomène de la cybercriminalité à l'échelle plus restreinte du Gabon. De cette façon, les enjeux politiques, territoriaux et sécuritaires, ont constitué la trame principale de notre argumentation. A cet effet, il est à noter que le pays a entamé de grandes initiatives visant à faire du numérique un secteur stratégique de son économie, avec pour objectif rappelons-le, de devenir un modèle dans le domaine, à l'échelle du continent. Cela se traduit dans les faits par les projets de fibre optique GAB-IXP et le CAB-4 par exemple, qui permettent paradoxalement au Gabon de faire une entrée renouvelée dans la SDI tout en constituant par la même occasion, un curseur signifiant de l'apparition et la montée des cybermenaces dans le pays.

Au sortir de cette analyse, on retient que ces dernières années ont été le témoin de l'essor au Gabon d'un panel de cyber-incidents mettant à mal et à divers degrés, toutes les composantes de la société. Assurément, qu'il s'agisse d'escroquerie, de fraude, de vol ou de destruction d'identité, d'hacktivisme ou de désinformation sur les réseaux sociaux, toutes ces formes de délits, de violence ou de conflictualité se matérialisent à travers l'Internet dans le pays.

Nous avons vu que la grande majorité des cybercriminels appréhendés (par exemple dans le cadre de la lutte contre la fraude aux télécommunications), sont généralement des ressortissants d'autres pays et qui sont parfois en complicité avec des nationaux. Même chose avec la cyberescroquerie dont la majorité des délinquants sont des ressortissants d'Afrique de l'Ouest, opérant par ailleurs, depuis leurs territoires d'origine.

En prenant le cas des fraudes sur les appels internationaux entrant au Gabon, il sembleraitque les personnes interpelléespar les forces de Police et Gendarmerie, soient principalement attirées par la bonne fluidité du réseau au Gabon, mais surtout par les opportunités d'affaires et donc d'enrichissement facile qu'elle offre.

Les pouvoirs publics gabonais qui ont fait du numérique un axe stratégique du développement économique, ne cessent d'afficher leur forte volonté d'engager le pays un peu plus dans la transition numérique tout en créant parallèlement un ensemble de mécanismes de défense contre la cybercriminalité.

A cet effet, une approche dite participative a été annoncée dans le but d'impliquer chacune des parties prenantes dans l'élaboration de la stratégie nationale de cyberdéfense. Pour lutter contre ce phénomène, nous avons modestement proposé au sein de cette étude des dispositifs de lutte.

Il s'agit notamment de : mettre en place une stratégie nationale de cybersécurité et cyberdéfense qui puisse s'inscrire dans le concept du continuum sécurité-défense, de manière à ce que tous les acteurs de la lutte contre la cybercriminalité au Gabon soient largement concernés ;restructurer les forces de sécurité intérieure autour d'un Pôle Central de Lutte Contre la Cybercriminalité, compris au sein du Laboratoire de Police Technique et Scientifique actuel ; d'insister sur la sensibilisation et la formation à grande échelle, car il va sans dire que les deux vont de pair ; adapter les contenus des formations numériques qui prolifèrent actuellement sur la toile en général et un peu partout dans la capitale et le pays, aux besoins en matière de cybercriminalité et cyberdéfense ; accélérer la mise en place des dispositifs règlementaires, car ces derniers vont permettre au Gabon de se doter d'un cadre juridique contraignant et adapté au défi de la cybercriminalité.

Au final, aux pouvoirs publics, législateurs, propriétaires et opérateurs d'infrastructures numériques, utilisateurs d'internet, fournisseurs de solutions informatiques, entreprises : il est du devoir de toutes ces parties prenantes de l'écosystème numérique gabonais, de contribuer à la sécurisation du cyberespace au bénéfice de la collectivité. Car la cybercriminalité au Gabon, ne doit plus être perçue comme une menace mais plutôtcomme une réalité. Elle est encore plus dangereuse en ce sens qu'elle pénètre désormais au sein des familles, et il appartient à l'Etat d'impulser la dynamique nécessaire pour inverser la progression actuelle observée.

Au regard de cette croissance remarquée à propos de la cybercriminalité à l'échelle de la capitale, à quoi pourrait bien correspondre une approche cybersécuritaire des réalités impliquant ce phénomène à l'échelle du territoire national et de la sous-région ?

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"Il ne faut pas de tout pour faire un monde. Il faut du bonheur et rien d'autre"   Paul Eluard