Le Gabon face à la cybercriminalité: enjeux et défispar Larry Warren DIYEMBOU BOUMAM'HA Université Omar Bongo - Master Géosciences Politiques du Monde Contemporain 2019 |
3.1.4 - La CNPDCP et l'enjeu lié à sa vulgarisationAnciennement dénommées « données nominatives », les données à caractère personnel du fait de la création de bases de données destinées à les gérer et aux nombreux risques d'atteinte à la vie privée qui en découleraient, demeurent aujourd'hui au coeur des enjeux géopolitiques de maitrise de l'information entre acteurs aux projets divergents. Précisons qu'une donnée à caractère personnel fait référence à toute « information relative à une personne physique identifiée ou qui peut l'être, directement ou indirectement, par référence à un numéro d'identification ou à un ou plusieurs éléments qui lui sont propres »108(*). Par exemple, les adresses, noms, prénoms, e-mail, photos d'identité, numéro d'identification, plaques d'immatriculation et autres empreintes digitales, représentent des données à caractère personnel. Au Gabon, suite à la demande formulée avec insistance par l'ancien opposant politique Pierre Mamboundou au sujet de la biométrisation de la liste électorale, une loi109(*) sur la protection des données à caractère personnel a été promulguée. Et parallèlement à ladite loi, une Commission Nationale pour la Protection des Données à Caractère Personnel (CNPDCP) a été instaurée. Elle a pour objet de mettre en place un dispositif capable de lutter contre les atteintes à la vie privée, aux droits de l'homme, aux libertés individuelles ou publiques et susceptibles d'être engendrées par ces infrastructures (banques, opérateurs de téléphonie mobile, hôpitaux etc.) qui ont à charge la collecte, le traitement, la transmission, le stockage et l'usage des données à caractère personnel. A notre avis, les données les plus sensibles se trouvent être les données bancaires et sanitaires. L'une parce que le client d'une banque peut par exemple divulguer le numéro de sa carte bancaire lors d'une transaction commerciale en ligne. Et l'autre parce que la donnée sanitaire contient les informations vitales d'un individu. Cependant, bien que crée en 2011force est de constater que plusieurs personnes enquêtées,disent par exemple ignorer son existence ni même sa localisation (photo 1).
Cliché : DIYEMBOU BOUMAM'HA Larry Warren, 2018. Tel qu'illustrée par la photo 1, la CNPDCP est située au quartier Kalikak, dans le 1er arrondissement de la commune de Libreville. Plusieurs raisons expliquent le fait qu'elle soit peu connue des personnes dont elle a la charge de sécuriser les données personnelles. En effet, bien qu'ayant des locaux,la Commission brille par contre par une faiblesse en rapport avec sa vulgarisation et visibilité. En outre, après vérification et au moment où nous écrivons ces lignes, elle ne possède ni un site Internet, ni une page Facebook ou tout autre média en ligne, lui permettant de présenter ou relayer les missions qui sont les siennes. Une absence remarquée qui suscite de notre part plusieurs interrogations, surtout lorsqu'on sait que cybercriminalité et données personnelles sont fortement liées. En d'autres termes, avec l'avènement du commerce électronique et des transactions effectuées via Internet, les données personnelles des utilisateurs sont grandement exposées à un fléau de menaces dans le cyberespace. C'est le cas de cette vaste fraude sur les cartes Visa prépayées de BGFI Bank Gabon en 2017110(*). En effet, selon le service communication du groupe bancaire d'Afrique centrale, « Une enquête est ouverte au Gabon et à l'international pour déterminer l'origine et l'ampleur de la fraude. A cet effet, toutes les cartes Visa prépayées ont été immédiatement bloquées dans l'intérêt de nos clients. Nous demandons à nos clients détenteurs de ce produit d'être vigilants dans leurs transactions et de ne pas hésiter à transmettre à notre Service Clientèle toutes informations en cas de doute »111(*). A la lecture de cette communication et au regard des faits, il a été constaté que le fonctionnement régulier de cette banque a accusé un ralentissement qui a eu pour effet de porter préjudice aux clients.L'autre constat est qu'il n'y a pas eu de communiqué officiel de la CNPDCP car cette affaire de carte prépayées rentre bien en ligne de mire de ses prérogatives et surtout quand on sait qu'il s'agit de données bancaires,et donc de données sensibles. Au final, on retient que ces nombreux exemples pris sur l'ambition numérique du Gabon parce qu'ils laissent transparaître une numérisation tout azimut de l'espace sociétal gabonais, sont effectivement un curseur signifiant de la cybercriminalité au Gabon en ce sens qu'ils constituent en réalité une porte d'entrée pour l'apparition et la montée en puissance de ce fléau mondial. D'où la déclinaison de l'état général des menaces et des formes de manifestation de cette cybercriminalité proposée par la section suivante. * 108 Joël FERRY et Myriam, QUEMENER op.cit., p. 105. * 109 (Cf. annexe 6). * 110Selon les premiers éléments de l'enquête, les cartes rechargeables permettaient d'effectuer des retraits d'argent à l'étranger, plafonnés, sans qu'il ne soit nécessaire de détenir un compte à la banque émettrice de la carte. L'enquête porte sur 1,9 milliard de FCFA, près de trois millions d'euros détournés. Source : Gabon: neuf cadres de la BGFI Bank inculpés - BBC News Afrique * 111 Quotidien l'Union, n° 12337 du mardi 14 février 2017, p.4. |
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