CHAPITRE 3 : RESULTATS ET DISCUSSIONS
3.1. Perception des changements climatiques par les
paysans et des personnes ressources
En général, les populations paysannes
définissent le climat en se référant à leur
environnement et surtout à leurs activités agricoles. Pour elles,
le climat s'identifie aux paramètres météorologiques
courants à savoir la pluie, la température et, dans une moindre
mesure, le vent. La perception paysanne du changement climatique est
appréhendée dans cette étude à travers l'analyse de
ces trois facteurs comparativement à la situation qu'il y avait 25
à 30 ans auparavant dans la sous-préfecture de Nassian.
3.1.1. Perception paysanne des changements
pluviométriques
La pluie est un facteur important du climat qui conditionne
l'exercice de la profession agricole des agriculteurs en Côte d'Ivoire
notamment ceux de la région du Nord-Est. En effet, les conditions
climatiques déterminent celles de l'agriculture, principale
activité des populations.
Les populations paysannes entretenant des liens étroits
avec leur milieu environnant possèdent une parfaite connaissance du
climat, de ses manifestations et des modifications intervenues. De ce fait, il
existe de nombreux concepts relatifs au climat en général et
à la pluie en particulier pour désigner les différentes
manifestations pluvieuses clés dont les survenances déterminent
des périodes spécifiques dans l'année. Ces
déviances de la normale, des manifestations pluvieuses obtenues lors de
la séance de clarification conceptuelle sont exprimées par les
agriculteurs de l'échantillon de recherche dans la perception qu'ils ont
des changements et variabilités climatiques. Cette perception se traduit
par des péjorations pluviométriques telles que
résumées :
Pour 54,28% des paysans, la saison des pluies démarrait
au mois d'Avril, il y a trente ans alors que 32,14% pensent que c'est au mois
de Mars (Figure 7a). Seuls 3,57% situent ce démarrage beaucoup plus
précoce, au mois de Mai tandis que 10% d'entre eux disent ne pas savoir
dans quel mois ces pluies démarraient à cette période.
Actuellement, plus de la moitié (58,57%) des paysans interrogés
affirment que le démarrage de la saison des pluies a lieu en Mai alors
que 22,14% le situe en Juin et seulement 8,57% en Avril (Figure 7c). Aussi,
10,71% de ces agriculteurs affirment également ne pas savoir quand elle
commence actuellement.
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En ce qui concerne la fin de la saison des pluies il y a 30
ans, plus des 2/3 des agriculteurs enquêtés (67,14%) indiquent
qu'elle intervenait en Novembre, 17,85% en Décembre, 10,71% en Octobre
et 4,28% disent qu'ils ne savent pas quand elle prenait fin (Figure 7b).
Pratiquement les mêmes proportions d'agriculteurs affirment que cette fin
de saison intervient actuellement mais de façon plus précoce,
avec un mois d'avance : Octobre (62,14%), Novembre (7,14%) et Septembre (25%)
(Figure 7d). A cette proportion s'ajoute, celle n'ayant aucune idée de
la fin actuelle de la saison des pluies (5,71%). Cette situation entraine la
non-opérationnalisation du calendrier agricole empirique.
Aussi, pour la quasi-totalité des enquêtés
(89,3%), la saison pluvieuse est devenue plus courte (3 mois de pluies au lieu
de 4 ou 5 mois comme auparavant). Selon eux, les pluies démarrent
tardivement. Ce qui conduit à l'abandon de certaines
variétés de cultures à cycle long comme l'igname N'za et
Bertai-bertai.
Par ailleurs, 87,9% des enquêtés affirment que
ces trente dernières années, les hauteurs pluviométriques
sont en baisse comparativement aux trente années
précédentes. Pour eux, cette baisse s'observe au fil des ans
notamment pendant la période de la saison des pluies. La plupart des
agriculteurs (70,7%) affirment même que, le nombre de jours de pluies au
cours des trente dernières années est en diminution.
Les pluies se concentrent sur un temps court et du coup, les
cultures ne tirent pas profit de toutes les quantités d'eau
tombées au cours de la saison pluvieuse. Ceci, pressent
énormément les agriculteurs quant à l'installation des
cultures.
De même, on assiste une rupture de pluie de 1 à 2
mois après le démarrage au cours de la saison d'une année
à l'autre pour 69,3% d'entre eux. Ceux-ci perturbent la bonne
installation des cultures et induit des pertes de récolte selon les
personnes enquêtées.
Au niveau de la répartition des pluies au cours de la
saison, 82,9% des enquêtés estiment qu'elle est devenue plus
variable. Quant aux poches de sécheresse, 97,2% des paysans sont
unanimes qu'elles sont de plus en plus fréquentes. Pour les 2/3 des
paysans, il y a une occurrence des pluies qui sont très fortes et
violentes ces dernières années accompagnées de grands
vents ayant pour conséquence le démolissage des maisons et la
destruction des plantes de maïs.
a
4%
Mars Avril Mai Ne sais pas
54%
10%
32%
b
Octobre Novembre Décembre Ne sais pas
18%
4%
67%
11%
50
a. Début de la saison il y a 30 ans b. Fin de la saison il
y a 30 ans
C
avril Mai Juin Ne sais pas
11%
22%
9%
58%
d
Septembre octobre Novembre Ne sais pas
7%
62%
6%
25%
c. Début actuel de la saison d. Fin actuel de la saison
Figure 7 : Perception paysanne de la date de
début et de fin de la saison des pluies (enquête de
terrain KOBENAN K. Raphaël, septembre 2018)
Les agriculteurs se sont également prononcés sur
la longueur de la saison sèche. Pour 85,6%, elles deviennent de plus en
plus longues avec de fortes chaleurs dans la journée. Aussi, les
agriculteurs montrent clairement que l'eau dans les marigots débordait
pendant la période de pluies (juin-août). Ainsi, l'eau restait
jusqu'en saison sèche pour abreuver les animaux. Ce qui n'est plus le
cas à cause du tarissement des marigots selon les paysans.
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