Annexe 11 : Transcription entretien individuel 2
Informateur : AL
Date : 11 février 2014
Durée : 42 min 03 s
Lieu : Local de l'ASBL Avenir
1. S : Quand est-ce que tu es arrivé, depuis
combien de temps tu es ici ?
2. AL : Ça va. Je suis arrivé le :::
c'était le trente septembre... 2002.
3. S : Tu te rappelles exactement du jour ?
4. AL : Oui oui parce que j'ai été
à l'office le trente septembre 2002. Alors j'ai demandé l'asile,
on m'a envoyé dans une centre de Croix Rouge à Aincourt j'ai fait
normalement deux mois là-bas et après on m'a autorisé de
chercher une maison.
5. S : C'était en Wallonie ?
6. AL : Oui. Ma première maison que j'ai eue
c'était à Anderlecht rue du Smith numéro deux, dix
septante Bruxelles. Et j'ai fait ::: quelques années là... non
j'ai fait neuf mois là-bas, neuf mois\
7. S : Tout seul ? Tu es venu tout seul ?
8. AL : Oui ! Je suis venu tout seul. J'ai fait neuf
mois là-bas, de là, je suis parti à Mid-Bruxelles
boulevard Maurice Lemonnier numéro trente-six. J'ai fait euh :: quelques
temps là-bas aussi, de là je suis parti à xx xxx douze
mille Bruxelles... xx xxx numéro un et ::: j'ai fait quelques
années là-bas.
9.
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S : Et tu arrivais d'où ?
10. AL: De la Côte d'Ivoire, Abidjan. Et
maintenant de là-bas aussi je suis parti euh..., tout près de la
gare du Nord commune Saint-Josse. J'ai fait une année là-bas, rue
de la prairie numéro huit, c'était là-bas maintenant j'ai
une maison sociale, où j'habite actuellement rue du Grands Serment
numéro vingt-deux voie rue vingt-sept mille Bruxelles.
11. S : Et ça te plaît cette maison
?
12. AL : Oui elle me plaît beaucoup, oui. C'est
une chambre salon toilettes à part, douche à part, cuisine et un
petit xx xxx et un balcon aussi.
13. S : Ah c'est bien. Tu as le soleil ?
14. AL : Oui, le soleil des fois, dans le jardin
oui.
15. S : Ah ça c'est chouette ! (Silence) Et
pourquoi tu es parti de :: d»Abidjan ?
16. AL : Bon je suis euh... je suis quitté
Abidjan à cause de mon idéologie politique, parce que
j'étais membre du parti d'Alassane.
17. S : Parti d'Alassane ? Alassane c'est un homme...
C'est un politique de...?
18. AL : Alassane Dramane Ouattara, c'est celui qui
est le président actuellement. Et j'ai fait même la prison
à cause de lui mais je rentre pas dans les détails, je me suis
retrouvé xx xxx. En 2003, j'ai suivi une formation dans le
bâtiment, coffrage et après j'ai fait mon stage deux mois chez
l'entreprise Tirat, et quand j'ai fini mon stage ils m'ont dit qu'ils vont
m'appeler et entretemps, y a un ami qui m'a appelé pour le travail au
restaurant, François à Sainte Catherine, toujours Mid-Bruxelles
alors j'ai été là-bas, j'ai travaillé là-bas
euh... le jour qu'on m'a appelé et le lendemain ; trois jours
après, la patronne elle a vu que je travaille bien, elle m'a
proposé le contrat.
19. S : Ah c'est chouette !
20.
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AL : Alors j'ai signé mon contrat
là-bas, à ce moment j'avais la carte orange et j'ai
travaillé de 2003 maintenant jusqu'à 2007, le mois de mars. Le
restaurant il marchait pas beaucoup et il y avait trop de personnel et
j'étais le dernier euh... le dernier euh...
21. S : Embauché ?
22. AL : Embauché, alors là c'est la
raison pour laquelle j'ai arrêté le travail là-bas, le
patron m'a appelé pour me dire que... franchement... j'ai même la
lettre qu'elle m'a donnée, j'ai ça, la lettre là aussi
m'accompagne beaucoup de choses parce qu'elle a fait des
commentaires.
23. S : De bons commentaires ?
24. AL : De bons commentaires, je l'ai ici
peut-être, je vais te montrer après et de là maintenant de
2007 je me suis inscrit à... chez l'intérim Asap. Maintenant j'ai
travaillé avec l'Asap jusqu'à 2012, 2012 à maintenant,
comment on appelle.... je voulais... je voulais faire une formation pour
conduire le tram.
25. S : Ah oui c'est chouette ça !
26. AL : Maintenant le test que j'ai fait, j'ai
raté le test et ils m'ont dit maintenant d'aller m'inscrire à
l'école pour avoir le niveau et après que... on va voir ce que je
peux faire.
27. S : Donc tu vas aller t'inscrire à
l'école ?
28. AL : Oui c'est là maintenant ils m'ont
donné euh...plusieurs plusieurs noms de l'école et c'est ici que
j'ai eu.
29. S : Ah c'est ici, d'accord.
30. AL : C'est ici à l'école Avenir
ASBL rue du Moulin numéro 150. Et je suis là je crois depuis
2012.
31. S : Et donc ta formation de gardien de
sécurité, comment tu as eu l'idée ?
32. AL : Alors là quand je suis quitté
Saint-Josse ici, je suis, je me suis, je suis parti m'inscrire à la
mission locale de Mid-Bruxelles. Alors là on a fait une séance et
c'est ceux-là
maintenant qui m'ont proposé. Ils ont
parlé beaucoup des formations et c'est maintenant j'ai choisi pour...
pour la sécurité.
33. S : Parce que quand tu étais à Abidjan
donc tu allais à l'école ?
34. AL : Oui.
35. S : Et tu avais un travail ?
36. AL : Oui, j'étais chauffeur de
taxi.
37. S : Ah ! C'est ton travail à Abidjan,
chauffeur de taxi ?
38. AL : Non xx xxx
39. S : Donc tu n'avais jamais travaillé dans les
bâtiments ?
40. AL : Non.
41. S : Jamais dans les restaurants ?
42. AL : Non. C'est ici que j'ai fait. J'ai fait une
formation de trois mois dans le bâtiment et après j'ai fait mon
stage chez l'entreprise Tirat et ils m'ont donné cette attestation,
ça aussi je l'ai à la maison. Celui-là ils m'ont dit
qu'ils vont m'appeler, mais entretemps j'ai été appelé
euh... comment on appelle euh... comment on appelle...
restauration.
43. S : Par le... ?
44. AL : Restauration
45. S : Restauration ? Par le restaurant.
46. AL : Oui par le restaurant, maintenant quand je
suis parti là-bas, j'ai travaillé trois jours comme ça, le
patron m'a proposé le contrat et j'ai signé le contrat jusqu'en
2007, j'ai travaillé là-bas.
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47. S : Mais alors tu parlais français quand tu
es arrivé ?
48.
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AL : Oui je parlais le français.
49. S : Et pourquoi tu parlais français
?
50. AL : Pardon ?
51. S : Pourquoi est-ce que tu parlais français
déjà ?
52. AL : Parce que la Côte d'Ivoire ça
c'est un pays francophone.
53. S : Donc à l'école tu apprenais le
français ?
54. AL : Oui mais j'ai pas été au... J'ai
été à l'école mais pas euh... parce que en Afrique
si tes parents n'ont pas de moyens, c'est pas facile de continuer. J'ai fait
l'école jusqu'à sixième. Pas plus.
55. S : Donc sixième, c'est-à-dire
jusqu'à onze ans ?
56. AL : Non, six ans. Maintenant je fais les cours du
soir.
57. S : Ici ou là-bas ?
58. AL : Au pays, parce que comme mon papa n'avait pas
assez de moyens, directement j'ai commencé à rouler le taxi pour
lui donner un coup de main.
59. S : Donc tu as commencé à quel
âge le taxi ?
60. AL : Bon je peux dire euh... dix-sept, dix-huit
ans.
61. S : Donc tu parles français mais tu parles
peut-être aussi d'autres langues ?
62. AL : Oui ça c'est notre langue maternelle
gula. Gula en Afrique de l'ouest au Mali, gula on dit là-bas
bambara.
63. S : Bambara, c'est le nom de la langue ?
64.
64
AL : De la langue. En Guinée on dit malinké
euh... au Burkina aussi on dit gula. Parce qu'en Afrique de l'ouest, on parle
ces langues en Guinée, la Côte d'ivoire, le Mali, le
Sénégal et la Gambie.
65. S : Donc tu peux parler avec des gens du
Sénégal, de Gambie... ?
66. AL : Oui, c'est le wolof qu'on parle au
Sénégal mais y a des gens qui parlent le gula aussi.
67. S : Ici tu parles gula avec des gens ?
68. AL : Oui, il y a plein d'ivoiriens ici, y a des
maliens aussi, y a des guinéens et les gambiens, qui parlent aussi
même langue mais mots différents. Parce que je peux dire que les
pays que je viens de citer là, cela fait partie de Union
Mandingue.
69. S : Mandingue ?
70. AL : Mandingue, ça veut dire que...
mandé, c'est la langue n'ko. Les gens qui parlent n'ko, si je me trompe
même pas, j'ai une carte de...
71. S : Tu as la carte des...
72. AL: Union mandingue
73. S : Ah, union mandingue
74. AL : Voilà, on a une association ici qu'on...
voilà... les pays qui sont là là, ça veut dire
qu'ici ils font... il fait partie de mandingue.
75. S : Ah et donc il y a une association à
Bruxelles ?
76. AL : Oui
77. S : Et donc toi tu y vas à cette association
?
78. AL : Tu vois, y a le Mali, Libéria,
Guinée Bissao, Gambie, Sénégal, Sierra Léone,
Guinée, Burkina et la Côte d'Ivoire, ça c'est mon pays
qu'il y a là.
79.
65
S : Donc il y a des manifestations, vous faites des
activités ?
80. AL : Oui on fait des activités mais pas les
manifestations, non, c'est pas possible. Moi ce que moi je comprends,
manifestation pour sortir, manifester.
81. S : Ah non !
82. AL : On fait des activités xx xxx
83. S : Et vous parlez français là-bas
?
84. AL : Si, on parle le français comme notre
langue ?
85. S : Vous parlez les deux ?
86. AL : Les deux
87. S : Et quand tu es parti d'Abidjan pour venir en
Belgique, comment tu t'imaginais la Belgique ?
88. AL : Bon. La Belgique moi je peux dire que ça
a été bien pour moi, parce que quand j'ai demandé d'asile,
j'ai fait que dix mois au centre, parce que j'ai rencontré des gens ici
qui ont fait deux ans, trois ans, au centre. Moi j'ai eu ma carte orange au
bout de deux mois.
89. S : Qu'est-ce que c'est la carte orange
?
90. AL : La carte orange, euh... en 2002, ça
c'était une carte provisoire.
91. S : De nationalité ?
92. AL : Non non non, pas nationalité. Une carte
provisoire pour les gens qui demandent asile, qui te permette de te promener en
Belgique, mais pas dehors de la Belgique.
93. S. : Donc tu peux travailler avec cette carte
?
94. AL : Oui, tu pouvais travailler avec ça si
t'avais le permis de travail. C'est une carte aussi. Voilà. Après
carte orange on m'a donné la carte blanche, c'était un
an.
95.
66
S. : Ça c'est définitif, carte blanche
?
96. AL : Oui, ça c'était parce que j'ai
demandé la régularisation et ils m'ont donné euh... ils
m'ont et j'ai été régularisé, ils m'ont
donné une carte illimitée. Alors là, c'est ça
maintenant (incompréhensible) pour faire cinq ans. Et cinq ans j'ai
aussi demandé ma nationalité. Actuellement, j'ai eu ma
nationalité.
97. S. : Au bout de cinq ans tu l'as eue
?
98. AL : J'ai eu ma nationalité ça fait
je crois en 2012.
99. S. : Y a pas longtemps, ça fait deux ans
que tu l'as eue.
100. AL : En 2012 six septembre
101. S. : Et quand tu es arrivé ici, comment
tu as trouvé les gens, le paysage ?
102. AL : J'ai trouvé euh... les gens sont
sympas, ils sont tolérants et ... ils... franchement ils sont sociables
euh... ils se demandent toujours pardon parce que même si quelqu'un toi
tu viens tu marches sur le pied de quelqu'un, c'est la personne-là qui
te demande pardon ; ok en Afrique on te pousse et tu m'as pas vu ? , alors ici
j'ai trouvé que la Belgique franchement c'est super, oui, j'ai vu des
mentalités différents, des êtres humains, entre la Belgique
et la Côte d'Ivoire.
103. S. : Et est-ce que pour toi ça a
été difficile la culture d'ici et la culture de ton pays
?
104. AL : Non, pour moi non, parce que quand je suis
venu je parlais le français et dans un pays si tu parles leur langue, je
crois que ça ne sera pas difficile pour toi, comme les gens qui ne
parlent pas leur langue, parce qu'il y a... y a plusieurs langues qu'on parle
ici mais la langue qu'on parle ici normalement c'est le français et le
flamand. Le flamand je comprends pas mais le français je me
débrouille, donc ça n'a pas été difficile pour
moi.
105. S. : Et toi tu te sens ou tu t'es senti
différent ici ? Tu étais AL comme tu étais en Afrique ou
tu es quelqu'un d'autre ?
106.
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AL : Waouaih euh... tu sais en Afrique on vit toujours
avec la famille et les amis et quand j'étais là-bas on dormait
à quatre à la maison hein. Mais ici quand je suis venu on m'a dit
de chercher une maison et je dormais sur xx xxx donc ... (rires)
107. S. : C'était dur pour toi ?
108. AL : (Rires) Tu vois ? Ça a
été normal pour moi parce que tout ça c'est pour ne pas
déranger les autres et... pour être libre et... faire ce que tu as
envie de faire, à l'aise.
109. S. : Quand tu es tout seul, dans une
maison
110. AL : Quand tu es tout seul, pour ne pas te
déranger, j'ai trouvé ça normal même si tu as
quelque chose à apprendre si tu es seul, tu vas te concentrer pour
faire... par exemple pour avoir mon permis, j'étais seul, j'ai
acheté le CD, CD-Rom, j'avais l'ordinateur chez moi, j'ai appris
à la maison hein.
111. S. : Ah tu n'es pas allé à
l'école ?
112. AL : non, j'ai pas été à
l'auto-école, et j'ai appris ça à la maison et je suis
parti pour faire la théorie, j'ai raté première fois,
deuxième fois j'ai eu. Pour la pratique aussi j'ai raté
première fois deuxième j'ai eu parce que je conduisais à
Abidjan, mais malheureusement ils n'ont pas accepté de changer mon
permis ici.
113. S. : Oui tu étais taxi, tu avais le
permis.
114. AL : Oui oui oui, donc directement je me suis
engagé pour faire mon permis, et Dieu m'a aidé, j'ai eu mon
permis depuis 2006.
115. S. : Et au niveau de la nourriture, les odeurs
?
116. AL : Bon, ça, ça va parce que tu
vois, avec euh... j'sais pas, les commerçants ou quoi, tout ce qu'on a
en Afrique on trouve ici aussi, y a le magasin africain surtout à
côté de l'abattoir si tu pars là-bas, tous les magasins qui
fait face à l'abattoir ça ce sont des magasins africains,
ça c'est des produits d'Afrique qu'on vend là-bas donc euh... moi
aussi je ne mange pas presque au restaurant, je prépare toujours chez
moi.
117.
68
S. : Tu cuisines ?
118. AL : Ouais... et je mange... rarement que je
mange au restaurant.
119. S. : Pourquoi ?
120. AL : Parce que, d'un, ça coûte
cher, de deux, j'ai pas habitué de... manger les trucs
européens.
121. S. : Tu manges pas les frites ?
122. AL : Je mange les frites, au snack je mange les
frites... légumes.
123. S. : Et avec ta famille tu communiques souvent
?
124. AL : Oui, je communique souvent, presque tous
les jours.
125. S. : Tu parles en français avec eux
?
126. AL : Ouais ouais ouais, français ou
langue maternelle.
127. S. : Avec tes enfants ?
128. AL : Ah surtout j'ai acheté un
téléphone pour ma fille, ma fille que je l'adore
beaucoup
(rires) donc on parle tout le temps au
téléphone.
129. S. : Et quand tu... pardon excuse-moi,
vas-y
130. AL : Non, je... je voulais te dire que ma fille
je l'aime beaucoup, elle me plaît.
131. S. : Tu vas aller la voir bientôt
?
132. AL : Ouais, si Dieu le veut.
133. S. : Peut-être cet été
?
134. AL : En tout cas, je pense, si Dieu le veut, ce
sera avant 2015.
135. S. : D'accord. Donc c'est dans six
mois...
136. AL : Si tout va bien.
137. S. : Tu aimerais retourner vivre à
Abidjan si tu pouvais ?
138. AL : Bon, ça dépend, ça
dépend, parce que l'Afrique d'avant et l'Afrique d'aujourd'hui c'est pas
la même chose. Avant, y avait des dirigeants, franchement qui ne me
plaisent pas, qui devant le malheur... et je crois bien que maintenant les
dirigeants qui sont venus là ils ont beaucoup vécu en Europe ici
et ils ont espérance d'Europe et je pense bien avec ceux-là les
Africains comptent rentrer mais moi pas maintenant.
139. S. : Qu'est-ce que tu veux faire avant de
rentrer ?
140. AL : Ben moi je suis là encore parce
qu'il faut pas rentrer pour aller traîner à la maison hein.
Après je veux dire après dix ans, onze ans d'absence, en
rentrant, il faut rentrer avec quelque chose.
141. S. : De l'argent ?
142. AL : Bon, ça dépend... le
métier ou de l'argent pour aller faire quelque chose, de ne pas aller
croiser tes bras, c'est ça quoi, parce que tu peux pas venir faire onze
ans ici, après tu rentres... Après tu croises tes bras et regarde
ta femme part au marché ou... ta femme te nourrit.
143. S. : Ta femme travaille AL ?
144. AL : Euh... pour... elle ne travaille
pas.
145. S. : Qu'est-ce que tu attends alors de la
Belgique ?
146. AL : La Belgique... hum, en tout cas moi je peux
dire que la Belgique est bien pour moi, c'est un pays qui m'a fait
découvrir le monde.
147. S. : Le monde ?
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148. AL : Le monde, parce que de là, on sait
apprendre beaucoup de choses.
149.
70
S. : Tu n'étais jamais allé en Europe
avant AL ?
150. AL : Ça c'était ma première
fois de quitter la Côte d'Ivoire, de venir en Europe en 2002,
c'était ma première fois.
151. S. : Tu es venu en avion ?
152. AL : Oui en avion
153. S. : Première fois que tu prenais l'avion
?
154. AL : C'était ma première fois
aussi de prendre l'avion.
155. S. : Et comment tu étais quand tu es
monté dans l'avion ?
156. AL : Bon c'était euh... je voyageais dans
la voiture mais dans l'avion c'était ma première fois mais
ça m'a... ça ne m'a pas trop impressionné parce que je
voyais tout le temps j'accompagne les amis qui prenaient les vols.
157. S. : Oui tu avais déjà vu des
avions décoller.
158. AL : Oui l'avion décolle et descendre
donc ça ne m'a pas beaucoup étonné aussi, parce que dans
l'avion aussi tu es tranquille comme t'es chez toi à la maison, ah si
j'ai trouvé qu'il y avait... qu'il était en haut, ça
c'était un peu... mais de là-bas d`ici c'est comme tu es assise
sur...
159. S. : Donc tu penses que la Belgique ça va
t'aider à rentrer au pays AL ?
160. AL : La Belgique je pense qu'elle va m'aider de
faire ce que j'ai envie de faire.
161. S. : Avoir un métier...
162. AL : Métier... parce que tu peux pas
avoir de l'argent sans travail et le travail aussi il faut apprendre le
métier donc euh... et si tu veux voir aujourd'hui je viens le cours du
français ici c'est par rapport à un métier que je voulais
faire, pour faire ça, il faut être... il faut être
compétent je crois dans... c'est pourquoi je suis là.
163.
71
S. : Tu es à l'école depuis 2012 et
qu'est-ce que, toi dans la classe tu te sens bien, tu te sens AL ou parfois
c'est difficile ?
164. AL : Non je me sens bien parce que dans
l'association y a du monde et tout un chacun a son comportement donc il faut,
il faut, il faut t'adopter, il faut pas faire comme tu es chez toi, tout un
chacun a son comportement donc c'est à toi de connaître les gens
à qui il faut, tu peux faire quelque chose avec lui, à qui tu
dois te méfier, donc dans la société c'est toujours comme
ça, mais... d'abord il faut te respecter, si tu te respectes tout le
monde je pense que tout le monde peut te respecter aussi. Je me sens à
l'aise ici, malgré que je suis le seul peau noire ici mais je me sens
à l'aise.
165. S. : Ah oui c'est vrai, y a que toi AL ? Il y a
que toi dans la classe ?
166. AL : Oui (rires) oui il y a que moi
167. S. : Tu es le représentant de l'Afrique
(rires)
168. AL : Ah oui, donc je me sens à l'aise,
parce que euh... ça va. Moi je... pour euh... pour connaître
quelque chose ou bien pour quelqu'un qui veut savoir quelque chose, lui ne doit
pas être trop mesquin.
169. S. : Trop ?
170. AL : Trop mesquin. En disant que ouais je suis
mal ici, quand je parle tout le monde est contre moi ou bien... non. Soit tu
fais soit tu ne fais pas, tu ne peux pas t'en sortir, il faut être
sociable, faut être au clair. Y a des gens ici quand je viens ils sont
contents, moi aussi y a des gens qui... si ils sont là je suis content.
M, c'est un marocain, ben une fois qu'il me voit il est content hein, moi
aussi. Donc euh... c'est ça.
171. S. : Est-ce que tu penses que tu es bilingue en
français ?
172. AL : Bilingue... bilingue ça veut dire
euh...
173. S. : Bilingue ça veut dire que tu parles
aussi bien le français que ta langue maternelle.
174.
72
AL : Ah non, je parle bien ma langue maternelle que le
français, ça c'est clair.
175. S. : Qu'est-ce qu'il te manque alors pour bien
bien bien parler français ?
176. AL : Bon.... euh... je pense que l'article me
manque en français.
177. S. : Féminin ou masculin c'est ça
?
178. AL : Oui, par exemple même moi ici j'ai
posé la question à L pourquoi on dit une ou un, du ou des, tan
tan tan... elle m'a expliqué, en disant que tout ce que tu vois du,
ça doit être le nom d'une personne, parce ce que j'ai même
prendre l'exemple rue des xx xxx à côté de la gare de Midi
et rue du Moulin ici et elle m'a bien expliqué, comme ça j'ai
compris.
179. S. : Est-ce que tu penses que pour toi la langue
française c'est un problème en Belgique ?
180. AL : Moi quant à moi je vais dire non...
quant à moi je vais dire non.
181. S. : Ça ne t'a jamais
empêché de trouver un travail ?
182. AL : Depuis que je suis là, je n'ai
jamais lu de ma lettre, de montrer à quelqu'un c'est quoi ça,
ça veut dire quoi, c'est moi-même qui lis tout et je sais la
lettre là ça signifie quoi, le mot là ça signifie
quoi, je n'ai jamais lu de ma lettre pour donner à quelqu'un. Tout...
c'est moi-même qui fais tout.
183. S. : Tu écris, tu
téléphones...
184. AL : C'est moi qui fais tout, donc euh je ne
vois pas... je peux dire que le français ne me complique pas
d'être en Belgique, je me sens à l'aise, et pour moi je parle pour
faire ce que j'ai envie de faire.
185. S. : C'est pour ça que tu as choisi la
Belgique, parce que c'est la même langue ?
186. AL : C'est la même langue. Par exemple si
tu parles en allemand, c'est... pour aller il faut recommencer à
zéro, parce que pour être à l'aise dans un pays, il faut
parler la langue, ça c'est obligé. Tu tu tu.. moi, moi je ne peux
pas quitter la Côte d'Ivoire pour aller parler les gens.. Les allemands,
le français, ils vont pas, ils vont même pas me regarder, parce
que la
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langue dont je parle il ne sait pas c'est quoi ,alors
là c'est à moi de me concentrer, connaître leur langue,
parce que ça va m'aider à m'intégrer, mais je peux pas
quitter de la Côte d'Ivoire pour venir imposer ma langue en allemand,
c'est impossible, c'est pourquoi j'ai vu que en Belgique on parle le
français et néerlandais, et comme je suis francophone, je me suis
dit que je suis bien ici.
187. S. : Et tu avais regardé un petit peu des
photos de la Belgique avant ?
188. AL : Euh bon... oui, j'entendais le nom de la
Belgique, la France, Hollande, Allemagne quand j'étais en Afrique mais
je ne regardais pas, c'est à cause de mon problème qui m'a fait
venir en Europe sinon je l'avais pas en tête.
189. S. : Oui tu serais resté à
Abidjan.
190. AL : Oui, comme je te l'ai dit à cause de
mon problème j'ai parti, c'est pourquoi tantôt ils ont
demandé qui aime faire de la politique ici, j'ai pas... parce que je ne
vais plus faire la politique.
191. S. : Même en Belgique
192. AL : Même en Belgique, ici c'est aller
voter je vais aller voter point. Mais pour dire euh... je vais faire campagne
pour lui tan tan tan tan tan...ça c'est fini.
193. S. : Tu crois que cette expérience en
Belgique ça t'a changé ?
194. AL : Ça m'a changé, ça m'a
donné beaucoup d'idées, ça m'a... parce que dans la vie il
faut réfléchir, de faire quelque chose, il faut
réfléchir avant de faire, en Afrique on pouvait supporter
quelqu'un comme ça parce que ...mais tu dois savoir.
195. S. : Supporter c'est encourager ?
196. AL : Encourager, supporter, faire le... faire
euh... la campagne sans connaître de parties des faits, mais maintenant
moi je sais plus faire ça, je veux connaître d'abord qu'est-ce que
la personne va faire au pays, maintenant je vais le supporter... mais pour
supporter comme ça parce qu'il faut supporter... mais moi xx xxx je peux
dire que c'est fini, je vais voter pour
74
voter ça c'est un xx xxx on met l'article dans
l'enveloppe sans dire pour qui tu as voté ça moi je peux le faire
mais le reste, sortir sur la voie en disant que « vive tan tan tan tan tan
tan.... » pour quelqu'un, ça je ne le ferai plus.
197. S. : Qu'est-ce que tu changerais en retournant
à Abidjan ?
198. AL : Pardon ?
199. S. : Qu'est-ce que tu changerais dans ton... ta
façon d'être ou ta façon de faire les choses ou de penser
quand tu vas retourner à Abidjan ?
200. AL : Bon j'ai été là-bas je
crois trois fois, euh... toujours je me méfie, parce que quand tu
quittes ici pour aller, y a des gens qui peut te dire que ouais parce que lui
il vit en Europe, c'est comme ça, il fait ça, il se comporte
comme ça et... moi je refuse toujours.
201. S. : Il y a des jalousies ?
202. AL : Il y a des jalousies, il y a des gens
même si tu t'habilles juste sortir bien, ils sont contre ça, donc
euh... l'Afrique a tout tenté, y a pas trop de sécurité
hein... pour être à l'aise là-bas, je peux dire il faut te
comporter comme eux, il faut pas... ne fais pas la
différence.
203. S. : Donc tu redeviens... comment dire ? Tu mets
peut-être d'autres habits, tu parles ta langue maternelle, comment tu
fais ?
204. AL : Non non non je parle euh... tu sais en
Côte d'Ivoire y a le français de la rue et y a le français
de l'école... et le français de la rue voilà ils parlent
entre eux, toi t'y es là, ils parlent le français, mais toi tu
comprends rien... donc c'est ce qu'on appelle le français de la rue
parce que ils te parlent le français en même temps la langue
maternelle.
205. S. : C'est un mélange
206. AL : Mélanger les deux et toi tu...tu
vois ce que xx xxx de parler.
207. S. : Et toi tu parles quoi, le français
de la rue ou le français de l'école ?
208.
75
AL : Ben je peux dire que avec mes amis on parle le
français de la rue hein, ah oui ! Si c'est sérieux maintenant on
parle le français de l'école mais avec les amis, ça
ça est dans notre sang.
209. S. : Depuis tout petit ?
210. AL : Comme ça, on parle comme ça
comme ça on se sent à l'aise... parce que on mélange les
deux pour parler.
211. S. : Pour terminer AL, après je te laisse
car le cours a l'air intéressant avec N, si tu devais te définir,
AL avant et AL maintenant, qu'est-ce que tu dirais, ta personnalité
?
212. AL : Ma personnalité, je dirais que AL
avant et AL d'aujourd'hui, c'est pas la même chose. Parce que non
seulement chez nous nos grands-pères disaient tout le temps si tu n'as
pas été à l'école mais si tu te déplaces de
ton pays, à autre pays, c'est comme quelqu'un qui a été
à l'école, c'est pour avoir l'idée, tu vois, alors
là j'ai eu la chance d'aller à l'école un peu et j'ai eu
la chance de quitter mon pays pour l'autre pays, alors là c'est pourquoi
je dis AL avant et AL aujourd'hui, c'est pas la même chose.
Mentalité ça a changé, mon comportement, et avant, y a
beaucoup de choses qu'on me faisait je n'acceptais pas, et aujourd'hui je peux
accepter.
213. S. : Tu es plus tolérant ?
214. AL : Oui, maintenant je suis plus
tolérant que avant, parce que avant si tu me faisais quelque chose xx
xxx ou... maintenant même si tu me fais ça c'est sûr que...
ma première, ce groupe que j'ai dit tantôt que quand je suis venu
en Europe ici, tu montes le pied de quelqu'un, c'est la personne qui te dit
pardon porque... Avant si c'était moi avant, même au centre, j'ai
frappé quelqu'un au centre hein.
215. S. : Ici ?
216. AL : Ici, mais le gars était tellement
impoli que tout le monde avait peur de lui, au centre, il y avait deux frigos,
tous les gens qui se trouvaient là-bas, et ils utilisaient un frigo et
tellement qu'ils ont peur de lui, lui seul il utilisait un frigo.
217.
76
S. : Que pour lui ?
218. AL : Que pour lui. L'assistante, les assistantes
sociales qui étaient là-bas juste avaient peur de lui,
c'était un iranien, maintenant moi je suis venu parce que chaque jeudi
on donnait cinquante euros, on est partis au marché pour acheter les
trucs pour venir mettre dans le frigo, on achetait la viande tout et tout...
quand je suis venu je vois que le frigo l'autre frigo là c'est plein,
c'est rien maintenant et l'autre là c'est vide, moi j'ai mis ma viande
chez lui et quand il est venu, il n'a même pas demandé hein, il a
pris la viande il a jeté ça dehors, moi aussi j'avais la
mentalité africaine, j'ai corrigé le type et finalement on
était comme ça, j'ai frappé, j'ai frappé le gars,
j'ai appelé la police et quand la police elle est venue, ils se sont
rencontrés avec l'assistante sociale, ceux-là ils m'ont dit ils
ont dit non c'est bon c'est bon et ils m'ont félicité
même.
219. S. : Oui, parce que toi tu as réussi
à faire stopper ça.
220. AL : Oui, j'ai frappé le gars et pis
alors maintenant, tout le monde me dit tu viens, tu viens et directement il a
changé.
221. S. : Maintenant il y a les deux frigos
?
222. AL : Deux frigos pour tout le monde, donc
j'avais la mentalité africaine mais maintenant si tout le monde se
méfie comme ça, moi aussi. Je vais essayer de lui parler, s'il
comprend, ok, s'il comprend pas je vais faire comme les autres parce que les
assistantes qui sont là, c'est à eux de lui dire le frigo ne
t'appartient pas c'est pour vous tous, mais si ils n'arrivent pas à
dire, c'est là, pourquoi moi je vais m'imposer ? Maintenant... mais
avant j'allais faire ce que je veux... voilà... donc c'est pourquoi je
te dis que AL d'avant et AL d'aujourd'hui c'est pas la même
chose.
223. S. : C'est mieux ou c'est moins bien
?
224. AL : C'est mieux (rires)
225. S. : C'est mieux ?
226.
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AL : C'est mieux (rires)
227. S : C'est bon AL je te laisse
tranquille.
228. A. : Merci beaucoup
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