UFR de Lettres et Philosophie : Université de
Bourgogne Master 2 Recherche didactique du
français 2013-2014
De la diversité culturelle, linguistique et
migratoire à l'établissement du locuteur en langue
française. Cas d'adultes migrants à Bruxelles.
Comment se réalise l'installation du sujet parlant
en langue française ?
Sous la direction de M. Samir Bajriæ
Stéphanie Nass
25/09/2014
1
TABLE DES MATIÈRES
REMERCIEMENTS 1
INTRODUCTION 2
PARTIE 1 : ÊTRE LOCUTEUR LANGUE(S) IN
POSSE EN BELGIQUE 13
Chapitre 1 : Situation actuelle des locuteurs migrants
en Belgique 14
1.1.Approche historique succincte 14
1.2.Une typologie des locuteurs migrants
16
1.3.Le cas de la région Bruxelles-Capitale
19
Chapitre 2 : L'appropriation du Français Langue
in posse : enjeux socioculturels et
psycholinguistiques 19
2.1. Les complexités de compréhension de
la langue française et les répertoires langagiers 23
2.2. Les traits d'union entre l'Être et l'Esprit
ou les représentations 28
2.3. Réflexion terminologique autour de la
linguistique-didactique 29
PARTIE 2 : DEVENIR ANONYME LANGUE(S) IN POSSE
A BRUXELLES 34
Chapitre 1 : Démarche et protocole
d'enquête auprès de locuteurs migrants 35
1.1. Problématique originelle 35
1.2. Cadre épistémologique
37
Chapitre 2 : Délimitations du terrain de
recherche 39
2.1. Sélection et introduction du contexte
39
2.2. La démarche de rencontre 44
2.3. Choix et développement de
l'échantillon 45
Chapitre 3 : La collecte des données
47
3.1. Le questionnaire exploratoire 48
2
3.2. L'échange « naturel »
48
3.3. Les sources écrites 53
3.4. Les entretiens 55
3.4.1. Les entretiens collectifs 56
3.4.2. Les entretiens individuels 57
Chapitre 4 : La transcription des données
59
PARTIE 3 : POUVOIR S'ETABLIR EN LANGUE FRANCAISE :
ANALYSES
QUALITATIVES ET PROPOSITIONS DIDACTIQUES 59
Chapitre 1 : Analyse détaillée des profils
des locuteurs ou le modus
operandi 60
1.1. Présentation des résultats issus des
questionnaires exploratoires .61
1.1.1. Les représentations « initiales »
64
1.1.2. Les représentations « médianes
» 66
1.2. Présentation des résultats issus des
entretiens collectifs 68
1.2.1. Les représentations « finales »
69
Chapitre 2 : Justification des données
d'intelligibilité des comportements
psycholinguistiques 74
2.1. Quand « la cartographie de l'intime » est
alternée 74
2.2. Les signes et les comportements linguistiques se
renouvellent 85
Chapitre 3 : Les catalyseurs pour une démarche
didactique au sein de l'association 90
Chapitre 4 : Retour sur la méthodologie et impact
sur la formation de l'apprentie-
chercheure . 92
CONCLUSION CIRCONSTANCIEE ET PERSPECTIVES DE RECHERCHE
..94
3
BIBLIOGRAPHIE
|
.99
|
TABLE DES ANNEXES
|
109
|
TABLE DES ILLUSTRATIONS
|
274
|
REMERCIEMENTS
Si ce travail est la moisson de rencontres et partages
semés, alors je ne vois pas d'autre façon, pour exprimer ma
gratitude, que de laisser parler la « mémoire de coeur
».
Je tiens à remercier Monsieur Samir
Bajriæ pour avoir été un directeur réfléchi
et sécurisant sur mon parcours vers la recherche initiale. Je remercie
également Monsieur Luca Nobile pour ses précieux conseils d'ordre
méthodologique. Je remercie Madame Goï pour me soutenir de
manière continue depuis le Master 1.
Je remercie chaleureusement la directrice de notre
terrain d'enquête, Madame D. ainsi que son assistante de direction Madame
M. pour leur présence, leur générosité ainsi que
pour cette transmission altruiste qui les caractérise tant. Je remercie
aussi les formatrices de l'association et particulièrement, tous les
apprenants pour leur philosophie humaniste de la vie en toute circonstance. Que
cet humble écrit vous rende hommage.
Bien entendu, je ne pourrais terminer cet
exposé de reconnaissance sans mentionner les Êtres qui composent
ma « mémoire affective ». Je remercie ma famille ainsi que
tous mes amis de France et d'ailleurs. Michelle, Marie, Flo, Alain, Marielle et
Martine, ce vadémécum est le nôtre, telle une pierre
blanche témoin de nos amitiés. Merci.
Enfin, je remercie Mattias: por ti, ese camino se
volvió en una superación de mi misma.
4
Bagnols-sur-Cèze, France, août
2014
5
INTRODUCTION
Dans une ville flamande de Belgique, une universitaire
française entreprend un module débutant de néerlandais
1 . La distance phonologique entre la langue française et
celle à comprendre la décourage tout à fait. La locutrice
n'y reconnait aucune sonorité familière. Néanmoins,
à la fin du niveau 1.2 2, pour des raisons professionnelles
et personnelles, l'universitaire projette de s'installer durablement dans le
pays. Pour ce faire, elle juge indispensable de s'établir
également dans cet idiome original. Studieuse et motivée, son
parcours d'accès à l'idiome germanique s'accomplit dans le temps.
Un temps, un peu trop infini à son goût. Les actes locutoires en
néerlandais lui semblent difficiles à gérer, notamment au
travers de la construction phrastique. La nouvelle reconfiguration des mots au
sein de l'énoncé exigée par la langue germanique, lui pose
problème. La professeure évoque alors sa situation avec un de ses
collègues néerlandophones :
- Hoe gaat het met het Nederlands?
- Pffffff....Pour l'écrire ça va. Mais
l'oral... Quand je veux faire une phrase, il faut que je
réfléchisse dix minutes. Et puis, j'ai des difficultés
pour comprendre. J'écoute le début de la phrase et quand on
arrive au verbe, j'ai oublié le début...
- (Rires). C'est normal. Alors avec ton copain, vous
parlez flamand et ça va t'aider.
- Ah non, on ne parle pas flamand entre nous. On s'est
rencontrés en Espagne, donc on parle en espagnol.
1 Le néerlandais est une langue germanique qui
est la langue officielle des Pays-Bas et l'une des trois langues parlées
en Belgique. En Flandre, on y parle aussi le flamand ou le Vlaams qui sont des
dialectes. Sources
électroniques : Page officielle du «
Trésor de la Langue Française » :
http://atilf.atilf.fr/dendien/scripts/tlfiv5/advanced.exe?8;s=3693290205,
page officielle de « l'Ethnologue » :
http://www.ethnologue.com/country/BE/languages
2 Niveau de langue pour un locuteur non
confirmé établi par le Cadre Européen Commun de
Référence (CECR). L'outil réalisé par le Conseil de
l'Europe en 2001, définit les compétences à atteindre dans
l'apprentissage d'une langue étrangère. On dénombre six
niveaux de compétences allant de A1 à . La durée moyenne
d'un module varie entre 8 et 12 semaines.
6
- Vraiment ! Quelle histoire ! Mais c'est vraiment
dommage... Tu as la chance d'être dans un environnement flamand
et...
- Oui je sais mais quand il me dit des mots... des
mots...bon ben en flamand, c'est bizarre. Je sais pas. Et puis, je ne veux pas
perdre l'espagnol3.
Cet échange, en État
fédéral belge, entre deux adultes aux répertoires
langagiers variés, révèle certains aspects linguistiques
intéressants. Tout d'abord, il pointe le concept large et complexe de
langue. Les idiomes employés par l'énonciateur néerlandais
surprennent par leurs idiotismes, mettant en exergue les valeurs qu'ils
véhiculent. En tant que locuteur confirmé de français,
l'étudiante a-t-elle identifié la portée symbolique du
français en Belgique4 ? Et comme énonciateur non
confirmée de néerlandais, prend-elle conscience de la
diversité linguistique et culturelle environnante ? Connaît-elle
le lien antagoniste entre langue et politique dans ce Royaume (Soutet, 2011:19)
? Les commentaires prononcés par l'universitaire au regard du
néerlandais expriment quelques représentations personnelles sur
la langue de Flandre. Tout comme, sans nul doute, sa vision cognitive, voire
psychique des situations dans cet idiome. En réalité, les
remarques de chacun des énonceurs5 nous amènent
à une réflexion sur la manière d'être dans une
nouvelle langue (Bajriæ, 2013: 44).
Dans le cadre du Master 2 Recherche Didactique du
Français, nous avons choisi de nous impliquer dans un travail
universitaire à l'intérieur de la filière Français
Langue Étrangère (FLE). Comme le note Dabène, les
méthodologies d'enseignement des langues demeurent de plus en plus
directives (Dabène, 1994 : 87). Ces difficultés s'expliquent dans
un premier temps, par les nombreuses structures langagières et
culturelles que l'on retrouve dans le contexte de la classe de langue. Les
profils de locuteurs se diversifiant, l'encadrement
3 Ce dialogue est extrait du journal de bord de
chercheure débutante que nous avons tenu entre le 29.10.13 et le
20.06.14. Il s'agit d'une véritable conversation avec un confrère
flamand (langue in esse : néerlandais ; langues in fieri
: français et anglais). L'échange, qui n'est pas cité
dans sa totalité, s'est déroulé le 23.04.14, dans les
locaux d'une école de langues pour adultes d'Anvers (Région
flamande).
4 État multiculturel depuis 1830, la Belgique
est le fruit de l'assemblage de deux communautés catholiques, les
Wallons francophones et les Flamands néerlandophones, contre la
suprématie hollandaise protestante (Delacroix, Bertaux, 2012 :
87).
5 Par l'emploi de cette expression, nous rejoignons la
thèse d'Hagège pour qui le locuteur est un « énonceur
psychosocial ». C'est-à-dire, qu'il est capable de
communiquer.
7
didactique reste malaisé à
établir. Et face à
l'hétérogénéité des publics, l'enseignant
demeure peu préparé à ces nouvelles situations
pédagogiques. Deuxièmement, les récentes réflexions
en didactique ont démontré, notamment au travers du
référentiel européen des langues (le CECR), que
l'appropriation des langues distingue deux compétences originales. L'une
praxéologique, qui regroupe des compétences
générales non inhérentes à la langue, soit des
habiletés d'ordre socio-culturel. Le locuteur devient un acteur capable
de questionnement, voire d'émettre des solutions adéquates aux
problèmes sociaux rencontrés. L'autre, à caractère
linguistique, qui se réfère à une compétence de
communication langagière. Cette dernière renvoie à des
capacités de type sociolinguistiques et pragmatiques certes, mais aussi
à une dextérité d'ordre linguistique. Tel le concept de
genre de discours qui inscrit dans la langue certaines formes
stabilisées d'action sociale.
De fait, lors de la rédaction du rapport de
stage correspondant au Master 1 Didactique des Langues,
spécialité FLE (DiL-FLE), nous nous sommes passionnément
référée 6 à la
sociolinguistique7. Compte tenu de son approche microlinguistique,
cette science humaine m'a paru la plus adéquate pour comprendre mes
situations de classe. En conséquence, nous avons établi le
diagnostic des structures sociales réelles au sein de notre groupe de
locuteurs non confirmés, étudié les facteurs
socio-historiques de leur immigration et réalisé un type de
planification linguistique. Évidemment, une telle démarche m'a
permis de mesurer l'évolution des répertoires langagiers des
énonciateurs et parallèlement, a contribué à
démontrer l'influence des représentations sociales sur la
compréhension d'une langue. En somme, les apports de la
sociolinguistique favorisent la prise de recul non seulement vis-à-vis
de sa propre méthodologie, mais également, vis-à-vis de la
progression des étudiants. Néanmoins, l'analyse
conversationnelle, qui en est la méthode d'investigation phare,
s'avère multiple et unique à la fois. Cela signifiant qu'elle
reflète une situation de classe particulière, prise sur le
moment. En cela, elle représente donc une interaction figée et
exemplaire. Rapidement, les actions psychologiques mises en jeu dans le «
parler une langue» (Tesnière, 1982 : 19)8
sont
6 Le participe passé prend la marque du
féminin singulier attendu que le « nous » se
réfère à l'auteure dudit mémoire.
7 Sur cette question, on lira avec profit les ouvrages
fondateurs de Vendryes (1923) et de Frei (1929).
8 Source électronique : Bajriæ S., 2005,
« Questions d'intuition », Persée revues
scientifiques,
http://persee.fr/web/revues/home/prescript/article/lfr_0023-8368_2005_num_147_1_6860,
visité le 23. 08. 2014.
8
apparues nécessaires. Me menant de
manière intéressée, vers l'étude
comportementale9, grâce à la sensibilité en
matière d'alternance linguistique. « Les situations n'ont pas le
monopole du sens. Ce qui fait également sens, c'est la construction
progressive de la personne en tant qu'être complexe» (Roegiers,
2010: 286).
C'est pourquoi, notre questionnement initial est
assurément associé à l'évolution des courants et
des idées en didactique des langues, avec comme valeur ajoutée,
l'ensemble des questions relatives au locuteur pleinement réalisé
linguistiquement. Les problématiques mouvantes et variées du
domaine cité marquent les perspectives sociales et humaines en devenir.
Pour Meillet, « [...] on ne peut rien comprendre aux faits de langue sans
faire référence au social et donc sans faire
référence à la diachronie, à l'histoire »
(Calvet, 2006: 7). On s'aperçoit donc qu'avec les colonisations, les
langues apparaissent tel un moyen favorisant l'acculturation, allant
jusqu'à marginaliser la civilisation des locuteurs indigènes.
Avec les régimes autoritaires (tels que l'Allemagne, la Russie) ou
à forte tradition centralisatrice (la France, la Belgique Flamande), les
langues ont unifié de manière politique les nations grâce
à leur caractère officiel. Aujourd'hui, les idiomes servent
l'intégration active et sociale des individus. Ainsi, la mobilité
géographique implique une réelle compétence d'adaptation
au travers de la maîtrise de la langue du pays d'accueil. La
restructuration incessante des frontières ainsi que la crise
financière actuelle génèrent des profils de locuteurs
inédits. Ces derniers pour être reconnus en tant que citoyens
doivent répondre de compétences langagières
avérées, autant dans le domaine public que privé puisque
les mariages mixtes n'ont de cesse de se multiplier. Indubitablement,
l'appropriation des langues participe à une nouvelle extension, voire un
réaménagement, des relations humaines. C'est pourquoi, les
concepts de diversité culturelle et comportementale d'une part, et de
locuteur en français d'autre part, ont constitué l'exorde de mes
réflexions. Les prospections réalisées autour de la «
panoplie personnelle de programmes mentaux » (Hofstede, 1994: 20) dont
dispose tout énonciateur, ajoutées aux lectures en
linguistique-didactique, m'ont permis de délimiter davantage notre champ
d'investigation. Cette science définie comme « l'étude
scientifique du lien entre le langage et l'acquisition des langues »
(Bajriæ, 2013: 25), nous supposons que l'apprentissage
9 Les termes de « comportemental » ainsi que
de « comportement » recouvrent, dans cet ouvrage, les
mécanismes cognitifs qui relèvent du processus d'appropriation
d'une langue nouvelle.
9
d'une langue relève d'un certain comportement
culturel, linguistique et cognitif. Qu'il soit forcé,
désiré, opportun ou naturel (telles les langues en contact), la
composition du répertoire langagier apparaît animé. Il
entraine en cela une restructuration de l'identité humaine : soit
l'expérience personnelle en tant qu'énonceur confirmé.
Avec la perte des valeurs familiales et historiques des langues ainsi que
l'émergence des politiques linguistiques, il paraît difficile,
pour les locuteurs en langue nouvelle, de se positionner linguistiquement.
D'autant plus que la diversité s'avère être autant une
composante intrinsèque des langues que des étapes de
vie.
En réalité, lors d'entretiens
exploratoires antérieurs, nous avons remarqué les
appréhensions de locuteurs immigrés à se repérer
langagièrement, notamment avec la peur d'oublier leur langue au profit
de la langue du pays d'accueil. On pressent un conflit interne entre
la culpabilité de parler un nouvel idiome et la volonté de
s'intégrer. Par ailleurs, le jugement de valeur accordé à
leur individualité semble déterminant dans l'amorce du
procédé identitaire. En outre, il ressort de ces
échantillons que le concept de diversité linguistico-culturelle
accentue les difficultés à affirmer son être en terme
d'héritage. Qui plus est dans une société moderne
où le concept de personnalité unique est prôné.
Pourtant, une première analyse des informations recueillies rend
manifeste que c'est dans l'émergence de la diversité culturelle,
linguistique et comportementale que réside une approche rationaliste du
locuteur confirmé. Autrement dit, un énonciateur qui emploie une
langue dans laquelle il existe véritablement et dont il maîtrise
l'intuition grammaticale correspondante.
Nous nous proposons de mieux comprendre ces
phénomènes par l'écriture du mémoire : « De la
diversité culturelle, linguistique et migratoire à
l'établissement du locuteur en langue française. Cas d'adultes
migrants à Bruxelles ».
Ce travail de recherche consiste par conséquent
à réfléchir sur les questions suivantes : quels
observables linguistico-didactiques, actes de langue et actes d'appropriation,
constituent des étapes dans la construction identitaire du locuteur
migrant en langue française ? Comment cette identité, culturelle,
discursive et comportementale s'établit-elle ? En termes didactiques,
quelles stratégies préférentielles privilégier pour
aider les migrants à accéder au statut de locuteur
confirmé ?
10
Afin d'apporter des éléments de
réponses complémentaires à ces problématiques, le
projet de recherche prend appui sur un contexte particulier : celui de migrants
de l'association de quartier Avenir, de la région Bruxelles-Capitale. La
méthode d'investigation reposera sur une approche anthropologique de
l'énonciateur. « L'identité d'un personnage est donc son
histoire, laquelle n'est accessible qu'à travers la médiation
d'un récit ».10 C'est pourquoi, les entretiens
collectifs et individuels autobiographiques semi-directifs, en idiome
français, nous semblent les plus pertinents. Nous souhaitons y relever
des entités syntaxiquement et sémantiquement
interprétables dans l'objectif de définir un ensemble de contenus
cognitifs caractérisant la vision du monde du locuteur. D'autre part,
étant dans une recherche sociologique, nous privilégions une
démarche qualitative par le biais de l'examen des sources écrites
des locuteurs migrants, ainsi que par l'observation de classe et l'apport des
« échanges naturels » avec les formateurs. Une place de choix
sera accordée à l'analyse de la gestion de
l'interculturalité des comportements linguistiques ainsi que des
significativités discursives par les principaux acteurs. In
fine, le tissu textuel du travail respectera, dans un souci de
cohérence épistémologique, la terminologie correspondant
à la linguistique-didactique de Bajriæ (2013 : 36).
« ancienne terminologie nouvelle
terminologie
apprenant ; étranger locuteur non
confirmé
Français ; locuteur natif locuteur
confirmé
langue cible ; langue étrangère langue
in posse
interlangue langue in fieri
langue source, (...) maternelle, (...) de départ
langue in esse »
Si l'on réalise un état des lieux
récent sur le sujet abordé, on se rend compte que le concept
d'identité reste un postulat. On le retrouve dans de nombreux ouvrages
de sciences humaines, influençant autant les politiques publiques que
les mutations sociales. Nous nous référons plus
particulièrement :
10 Blanchet P., 2004, « L'approche
interculturelle en didactique du FLE », Licence 3ème
année Didactique du Français Langue Étrangère,
service Universitaire d'Enseignement à Distance, Université
Rennes 2, p.9.
11
- aux identités nationales à
l'échelle continentale. Ainsi, la création d'une organisation
interétatique telle que la Commission Européenne démontre
la volonté de construire une particularité, voire une
communauté d'individus d'Europe,
- aux identités politiques attachées
à certaines idéologies : le système
fédéraliste de la Belgique par exemple,
- aux identités migrantes comme celles venues
du Maghreb, de Turquie ou d'Afrique subsaharienne, majeures au Royaume
belge,
- aux identités linguistiques, avec la gestion du
bilinguisme à l'intérieur du même pays.
Ces précisions nous semblent nécessaires
puisque notre recherche sera à l'intersection de ces différentes
définitions. En effet, que ce soit Brousseau, Vinsonneau ou Mucchielli
(2003 : 4), tous s'accordent sur ce point : « ce qui fixe les formes et
détermine le développement, ce sont les conditions sociales
où se trouvent les sujets parlant »11. En ce sens «
les appartenances sociales sous-tendent largement les identités
[...].» (Vinsonneau, 2012: 7). On pourrait donc penser que les actes de
langage facilitent la compréhension du phénomène
identitaire. Or, selon Brousseau, « La langue n'est pas un matériau
essentiel dans la construction identitaire » (ibid.). Pourtant, tel
Ricoeur, nous pensons que le meilleur moyen d'accéder à ces
phénomènes passe par la mise en récit. Les
identités qu'elles soient nationales, politiques, ethniques ou
linguistiques reposent sur des écrits, eux-mêmes issus de
l'observation compréhensive des individus, de leurs actions et
témoignages. De fait, l'étude scientifique, sous les angles
discursifs et anecdotiques, nous paraît la plus
appropriée.
Dans cette perspective, notre travail d'étude
se divise en trois parties. La première partie, comme son
intitulé l'indique, présente le cadre des investigations en
Belgique. Elle propose une vision générale des locuteurs migrants
ainsi que des enjeux socioculturels et psycholinguistiques du FLE.
La seconde partie met en exergue la problématique
de recherche ainsi que la démarche de constitution du recueil de
données. Elle brosse également, à partir d'observations
positives, un portrait particulier des informateurs, agents indispensables
à notre enquête.
11 Brousseau A.-M., mars 2011, « Identités
linguistiques, langues identitaires : synthèse », Arborescences
: revue d'études françaises, département
d'études françaises, n°1, Université de Toronto, pp.
1-33.
12
La troisième partie invite à une
réflexion linguistique à la fois comme une analyse
interprétative mais aussi comme une proposition de pistes didactiques
afin de mettre en relation notre mémoire avec les considérations
relatives à la recherche en science du langage.
13
PARTIE 1 : ÊTRE LOCUTEUR LANGUE(S) IN POSSE EN
BELGIQUE.
En classe, la maîtresse avait la voix douce, et
je comprenais presque tout. Quand je me trompais, elle disait : « Non, pas
comme ça », et je reprenais en langue du dehors, sans
difficulté. Mais mes condisciples ne faisaient aucun effort,
j'étais larguée. Ils parlaient à toute vitesse, savaient
des tas de chansons, de jeux, de comptines que moi j'entendais pour la
première fois. Je les admirais de connaître tant de choses,
surtout dans la langue de dehors. Les mots, de l'école, de la rue,
servaient à parler aux autres enfants, aux inconnus, à affronter
les difficultés de la vie. Une langue un peu sèche, presque
hostile, comme une arme pour se défendre.
(Alonso I., 2006, L'exil est mon pays, p.
84).
Ce projet de recherche a pour objet d'analyser les
processus cognitifs que les locuteurs migrants, en Belgique, entretiennent avec
la langue française. Préalablement, nous préciserons deux
points élémentaires. Tout d'abord, nous avons adopté la
dénomination de « locuteur » au lieu de celle d' «
apprenant ». Ce choix renvoie de façon cohérente, au
raisonnement du linguiste-didacticien. Il affirme l'idée selon laquelle
l'appropriation d'un idiome requiert une certaine intuition et maestria
linguistique. Nous croyons qu'il existe une forte corrélation entre le
discours des individus et leur intériorisation d'une langue. Les
énoncés, tel que l'extrait ci-dessus, suggèrent des
appartenances linguistiques en quête d'une entente culturelle au sein
d'un nouveau cadre de référence. D'autre part, lorsqu'on parle de
langue in posse, nous faisons allusion à la langue
française de la Communauté12 française de
Belgique. Sur le plan diatopique, cette dernière a évincé
les langues régionales (le wallon, le picard et le lorrain) en devenant
l'idiome fédérateur. La question du français à
Bruxelles est à concevoir dans une situation de bilinguisme,
généralement divergent, puisque la capitale représente un
espace francophone en territoire néerlandophone. Pareillement, en tant
que métropole européenne, Bruxelles relève d'un espace
riche des répertoires plurilingues de ses habitants.
12 « Les Communautés :
déterminées par un critère culturel et linguistique, elles
sont également au nombre de trois (flamande, française et
allemande) ». Cité dans Thibault A., 2013, « Francophonie et
variété des français », séminaire Master 1 et
2, Université de Paris-Sorbonne, p. 2.
14
Afin de mieux comprendre l'établissement du
locuteur en Français Langue in posse, nous présenterons
dans cette première partie, une vision générale des
locuteurs migrants ainsi que les enjeux socioculturels et politiques de
l'appropriation du français en Belgique.
Chapitre 1 : Situation actuelle des locuteurs migrants
en Belgique
Dans ce premier chapitre, nous aborderons le domaine
conceptuel de la migration. Cette dernière sera utilisée comme
l'un des outils d'analyse de nos entretiens autobiographiques. Il est bon de
rappeler que les processus linguistiques sont autant associés à
l'histoire qu'au phénomène de l'immigration. « Cette
exploration dans l'univers sensible des mondes de la diversité s'impose
aujourd'hui dans un contexte national [...] » (Bencharif, 2006: 63)
attendu que le flou référentiel identitaire est au coeur de notre
problématique.
1.1. Approche historique succincte
Depuis toujours, les individus ont tenté
d'accéder à un manifeste espoir de mieux-être. De la
préhistoire à aujourd'hui, par la primauté qu'ils ont
généralement octroyée à l'existence d'un ailleurs
prospère, les migrants se sont inscrits dans un paradigme nomadique
trans-situationnel. Ces formes de déplacement des pays d'origine au(x)
pays d'accueil dévoilent des réalités différentes
les unes des autres. Les déplacements dans l'espace public belge en
constituent un exemple digne d'intérêt. La genèse des
migrations en Belgique correspondant au « poids de l'histoire »
(Martiniello, Rea, 2012: 7), s'amorce dans l'après-guerre, avec le
recrutement de travailleurs venus de nations étrangères. Ces
derniers ont pour lourde mission de remporter « la bataille du charbon
» 13 au sein des charbonnages. Les conventions
13 La période qui succède
immédiatement à la Deuxième Guerre mondiale exige
une
reconstruction intensive ; en découle la
nécessité de renforcer les capacités industrielles et donc
énergétiques. Il s'agit de la «bataille du charbon» :
l'objectif consiste à produire, comme avant 1940, plus de 100.000 tonnes
de charbon par jour. Cité dans :
http://www.blegnymine.be/PDF/La%20Bataille%20du%20Charbon.pdf,
p.20, visité le 16.07.14.
15
bilatérales14 fixées entre
1956 et 1970, avec l'Espagne, le Maroc, la Turquie, la Tunisie et
l'Algérie accélèreront le mécanisme du
départ. Concomitamment une immigration pour nécessités
démographiques est organisée. « La population belge avait
tendance à décroître. Démographes et
économistes préconisent, pour faire face à cette
situation, l'évolution d'une politique d'immigration centrée sur
l'importation de main-d'oeuvre [...] » (ibid. : 15). D'un point de vue
social, cet intérêt s'est concrétisé par des
interventions étatiques variées : aides financières
à la migration familiale (allocations familiales, sécurité
sociale), respect de la liberté religieuse. La fin des années
soixante est marquée par l'émergence de l'Europe. « Une
nouvelle législation organisant l'attribution du permis de travail est
adoptée ; elle vise à mieux contrôler et à
réguler les flux d'entrées d'immigrés au regard des
besoins économiques » (ibid. : 18). Les migrants de Belgique seront
alors catégorisés de la façon suivante : ceux issus de
pays européens et ceux provenant d'états non-membres de l'Union
Européenne. Ces derniers ne bénéficieront donc pas des
droits occidentaux. En cela, « Ce changement juridique implique aussi une
modification de leur identité dans la mesure où [...] »
(ibid. : 20) les populations d'origine européenne sont assimilées
comme européennes et non comme italiennes par exemple. Contrairement aux
habitants des pays tiers15 qui se voient, à double titre,
enracinés dans une désignation de migrant. Aujourd'hui, et
même si la transplantation ethnique est inscrite dans l'espace commun
belge, les nouveaux arrivants ne s'avèrent pas considérés
mais plutôt affectés. Nous notons en effet que, au cours de
l'histoire, les discours médiatiques ou politiques les assignent
d'identités grammaticalement individuelles et
indéterminées : « autres de l'intérieur »,
« immigrés », « personnes d'origine
étrangère » (ibid. : 49). Pourtant selon
Xhardez16 la région de Bruxelles-Capitale a toujours
oeuvré pour une politique d'intégration universaliste. Elle se
concentrerait moins sur le public migrant que sur
14 Une convention
bilatérale est un contrat signé entre deux États et dans
lequel sont repris les fruits d'une négociation sur divers sujets. Les
conventions bilatérales des migrations portent par exemple sur la
durée après laquelle un travailleur peut faire venir son
épouse s'il est marié, le nombre de migrants accepté par
an, les modalités de recrutement de la main d'oeuvre. Cité dans
Martiniello et Rea, 2012: 62.
15 Les « pays tiers » regroupent tous les
autres pays du monde qui ne sont pas compris dans l'UE-27.
16 Présentation sur L'accueil des
primo-arrivants à Bruxelles : vers une politique régionale ?,
tenue le vendredi 28 mars 2014 à l'université Saint-Louis de
Bruxelles.
En partenariat avec les Midis de l'IRIB (Institut de
Recherches Interdisciplinaires sur Bruxelles). Animé par le directeur de
thèse de l'université Saint-Louis : Vanderborght Y. Intervenante
: Xhardez C., doctorante en sciences politiques à l'université
Saint-Louis.
16
la lutte contre le racisme et la langue. D'ailleurs le
phénomène le plus notable est incontestablement l'apparition,
dès 1966, des premières associations d'immigrés. Ces
dernières, conformément aux convergences politiques en vigueur,
sont financées pour les activités d'insertion sociale qu'elles
dispensent. Ainsi, les nouveaux arrivants se sentent moins isolés et se
fédèrent autour d'une identité commune. En
général, les associations de migrants reproduisent à
l'identique la structure des établissements de leur communauté.
Pensées comme provisoires, elles travaillent en relation avec le pays
d'origine.
Ce bref examen diachronique nous a permis
d'appréhender la structuration de l'immigration au sein de la zone
sociolinguistique de la capitale belge. Encore davantage, ce premier point
exprime aussi la dualité entre immigration choisie et immigration subie.
Les populations migrantes, sous l'effet des bouleversements modernes, oscillent
entre la notion de terre d'accueil, d'asile ou d'entraide. Mais qui sont-ils,
ces locuteurs du voyage ? En vue d'esquisser le visage multiculturel de la
Belgique, il faut avant toute chose, décrire la taxinomie récente
des sujets parlant17 qui la constituent.
1.2.Une typologie des locuteurs migrants
Au cours des dernières années, le
phénomène de la migration a été
caractérisé par différentes typologies. Ce qui rend compte
de la pluralité des contextes de mobilité. En nous
intéressant à cet aspect, notre objectif est de sortir du cadre
étroit de l'inventaire des migrations en termes d'espace, de milieu ou
de civilisation (Dumont, 1995).
Mais la meilleure typologie est sans doute celle qui,
loin d'être construite artificiellement autour de critères
abstraits, a une valeur explicative utilisable pour le contexte que l'on
étudie. À l'heure de la mondialisation, une typologie distinguant
les formes, les facteurs et les objectifs de la mobilité est
peut-être la plus pertinente (Wihtol de Wenden, 2001: 12).
Aborder le concept de locuteur non confirmé
depuis la perspective migratoire revient à s'interroger sur les agents
qui engendrent cette expérience, les desseins envisagés et la
nature des déplacements. Nous l'avons évoqué, la migration
« c'est une recherche d'équilibre, dans
17 Dans le sens où l'entend Benveniste
c'est-à-dire un sujet qui est conscient de la nature et de la
signification de son activité langagière.
17
un monde où le bien-être, la
sécurité, les ressources, les droits, sont inégalement
répartis » (CIRE, 2012: 4). Grâce aux lectures et aux
investigations de terrain réalisées, nous avons
repéré sept facteurs propices au voyage.
- économique : les migrations liées aux
usages du commerce et du tourisme, à la planification budgétaire
actuelle, aux situations d'indigence des pays tiers ;
- professionnel : les déplacements en vue de
l'obtention d'un emploi vital ou amélioré ; - familial : les
liens affectifs tels que le mariage exogame ou le rapprochement parental ; - de
genre : les mobilités qui sont les corollaires de la condition
féminine dans certains
pays du Maghreb ;
- de sécurité publique : les situations de
conflits ainsi que l'instabilité politique qui touchent plusieurs
nations ;
- de formation / apprentissage : les convictions des
migrants qui organisent leurs projets professionnels et humains à
l'horizon d'une migration de retour ;
- utopique : l'attrait culturel et linguistique qui
empaquette le pays d'accueil comme une référence à «
la volonté nue de l'homme » (Lacroix, 1994: 105).
En pratique, on constate que les multiples causes du
départ s'entrecroisent, avec une tendance à la superposition des
raisons qui conduit à ce choix. Vis-à-vis de cette étape
de vie, il y a à la fois une idéalisation incontestable et une
angoisse de la nouvelle société nourricière. Alors vers
quoi tendent les nouveaux nomades18 ? Telle est la question que pose
la récurrence des mouvements de populations.
Dans le rapport à autrui et pour l'estime de
soi, pour s'expatrier, il faut émettre des objectifs valables, ou
à défaut, être confiant en ses projets. Voilà donc
un élément qui pèse dans la balance : celui du projet en
tant qu'être social qui facilitera, ultérieurement, l'«
être » en langue in posse.
Si l'on reprend la logique précédente, nous
relevons sept intentions de mobilité :
- aspirer à une vie économiquement
décente ;
- acquérir des compétences
professionnelles, obtenir un ou plusieurs emplois ;
18 Dans la mesure où un groupe humain ne se
déplace plus au rythme des saisons, de façon permanente et
organisée, mais selon les aléas des conjonctures
modernes.
18
- retrouver l'unité avec ses proches au travers du
regroupement familial ;
- s'émanciper en tant que femme, en termes
d'indépendances sociale et affective ;
- vivre sans la peur du régime politique en
vigueur ;
- se préparer en terre d'accueil pour un retour
triomphant chez soi ;
- échapper à son identité et se
réinventer dans un espace physique où tout reste
encore
possible.
« Immigrer vers quoi ? » apparaît
comme une expression chargée d'émotions, de
déterminations, de croyances et d'espoirs. Elle s'inscrit dans un tissu
de représentations liées au vécu collectif et individuel.
Néanmoins, la décision de partir s'effectue envers cette
réalité, au motif qu'il n'y a plus d'autres options envisageables
et cela se décèle dans les diverses natures de migrations
rencontrées.
L'exode international va de pair avec les
évènements économiques, politiques, démographiques
et sociaux. Est-ce la structure des déplacements qui permet au locuteur
de s'intégrer ou est-ce que ce sont les intérêts du pays
amphitryon qui engendrent les troubles identitaires des nouveaux arrivants ? On
ne saurait le dire. Cependant il est certain que le mouvement des peuples ne
s'exprime pas de façon unilatérale en Belgique. En liaison avec
les besoins de main d'oeuvre, une migration comprenant surtout des travailleurs
s'est développée. Se déplaçant tout d'abord
isolément, les immigrés, après avoir stabilisé leur
situation, ont permis la venue en terre d'accueil de leur femme et de leurs
enfants. On parle alors de regroupement familial, la démarche la plus
notable en matière d'accès au Royaume. De nos jours, ce sont
majoritairement les Guinéens, les Camerounais et les Ougandais qui
sollicitent cette procédure. À présent, la loi s'est
durcie et de nouvelles conditions d'ordre économique et familial sont
entrées en vigueur19. Un autre aspect de la mobilité
se rapporte à la dualité voyage choisi/voyage subi. L'asile
politique est le second recours pour peu que l'on réponde aux
critères liés à cette situation particulière
c'est-à-dire craindre pour sa vie et celle de ses proches dans son pays
natal. Ainsi, en 2013, les demandeurs Russes étaient, en
général, déboutés du droit d'asile alors que les
Afghans, les Guinéens, les Congolais et les Syriens
19 International Organization for Migration (IOM) Country
Office for Belgium and Luxembourg, 2012: 14.
19
bénéficiaient du statut20.
Quant au visa de courte durée (de trois mois) dit « touristique
», il reste difficile à acquérir si l'on vient d'un pays de
l'hémisphère Sud. Enfin, la forte migration illicite actuelle
concerne des personnes qui ne possèdent pas de document de séjour
en règle (« les sans-papiers ») ainsi que des individus qui ne
remplissent pas les conditions nécessaires pour accéder au
territoire (« les irréguliers »). Les principaux citoyens
touchés sont ceux en provenance des continents d'Afrique subsaharienne,
d'Europe de l'est et d'Asie de l'ouest (Vause, 2014: 154).
Du reste, certains entretiens à réaliser
pour notre travail de recherche impliquaient des sujets parlant aux origines et
répertoires langagiers divers. Arrivés d'Algérie, du Liban
ou de Slovaquie, en situation irrégulière, ils furent
expulsés en novembre 2013 vers des hébergements d'urgence ou vers
l'Office des Étrangers 21. En effet, ils occupaient, avec
quelques deux cents personnes, un ancien couvent du quartier Saint-Josse. Ces
locuteurs « illicites » s'étaient inscrits dès
septembre, à l'association Avenir, avec le projet d'apprendre le
français.
Certes, le nombre de ressortissants étrangers
n'a de cesse de croître en Belgique mais force est de constater qu'il
s'accélère fermement à Bruxelles.
1.3. Le cas de la région Bruxelles-Capitale
La typologie explicative qui va être
exposée dresse le décor de notre milieu d'investigation. Elle est
destinée à ancrer les profils des locuteurs de la région
Bruxelles-Capitale, en les
20 Source électronique : page officielle du
« Commissariat Général aux Réfugiés et aux
Apatrides » :
http://www.cgra.be/fr/Actualites/bilan_des_statistiques_d_asile_2013.jsp,
visitée le 10.07.14.
21 L'Office des Étrangers est chargé de
la gestion de la population immigrée en Belgique. Il travaille en
étroite collaboration avec d'autres instances, telles que les ambassades
et consulats, les administrations communales, les services
fédéraux de police, l'inspection sociale, etc.
20
situant par rapport aux vecteurs, buts et aspects des
mouvements migratoires. Auparavant, il faut rappeler que le voyage est par
définition une épreuve initiatique même si parfois il ne
procure pas toutes les joies escomptées. En effet, l'itinérant
doit apprendre de l'autre, qu'il y soit préparé ou non.
Derrière le migrant qui s'éveille aux nouvelles terres, il y a la
famille mais aussi les autochtones. Ainsi, l'individu novice devient
l'émissaire de lui-même, de ses proches ainsi que de son
héritage culturel. Une situation complexe qui se joue au coeur de la
capitale européenne.
De prime abord, il faut constater que par son statut
de métropole cosmopolite, Bruxelles est le passage obligé de
l'immigration internationale dans le pays. Des études quantitatives
récentes (Hermia, mars 2014) démontrent que la concentration de
nouveaux arrivants est plus marquée dans cette Région du Royaume.
Selon Lucchini (2006 : 117-118), on dénombre trente-six
communautés migrantes dont le numéro de langues reste
indéterminé car l'évaluation linguistique est illicite en
Belgique depuis 196222. La ville telle que nous la connaissons
aujourd'hui est le résultat de toute une série de flux
migratoires historiques. La population de Bruxelles constitue dès lors
un paysage culturel et linguistique très hétéroclite. Elle
accueille, par ordre décroissant, des Français, des Marocains,
des Italiens, des Roumains et des Polonais. Au vu des analyses des trajectoires
et dynamiques migratoires, on se rend compte que la mobilité la plus
importante, en matière d'initiatives, demeure celle du peuple marocain
(Frennet-De-Keyser, 2004 : 329-354). Contrairement à ses voisins
européens, l'État Fédéral belge n'a jamais eu de
colonies au Maghreb. C'est par le biais des conventions bilatérales de
1964, corollaires aux besoins ouvriers, que se tissent des liens abscons entre
les deux pays. Pour ce faire, une brochure « Vivre et travailler en
Belgique »23, promettant une vie meilleure, est alors
répandue en Afrique du Nord. Graduellement, à partir des
années quatre-vingts, l'abandon du projet de retour vers le pays
d'origine a entraîné d'importantes modifications sociales. En
réalité, l'installation irréversible en terres belges
s'est accompagnée du désir d'une qualité de vie
supérieure. Les Marocains aspirent à une sécurité
financière, urbanistique
22 Le dénombrement des langues maternelles est
interdit dans un souci de prévention des antagonismes linguistiques. De
la même manière, la typologie des communautés linguistiques
est bannie depuis 1947. Cf. Boudreau, Dubois, Maurais, Mc Connel (2002 :
275).
23 Brochure « Bienvenue en Belgique », 1964,
Ministère de l'Emploi et du Travail, Bruxelles.
21
et relationnelle. Nonobstant, l'absence de politique
publique d'hospitalité envers les récents arrivants était
flagrante. Ce sont donc les syndicats ainsi que les associations qui
reprendront le rôle de l'État. De nombreuses initiatives voient le
jour et celle qui retiendra, dans le cadre de ce travail universitaire, toute
notre attention, est portée par un immigré marocain : Mohamed El
Baroudi.
Se décrivant tel un « exilé
politique », El Baroudi est un intellectuel maghrébin venu en
Belgique dès 1966. Très rapidement, il se sent le devoir de venir
en aide à ses compatriotes fraîchement débarqués en
« gare de l'espoir »24. Ces nouveaux voyageurs viennent en
général des campagnes ou des montagnes du Maroc. Là
où l'on vit aux rites musulmans, bercés par les arabes
littéraire et dialectal. Autant dire que leurs connaissances de la
citoyenneté belge et de la langue française étaient
inexistantes. Dans ce contexte, El Baroudi se livre à l'organisation des
travailleurs migrants au travers de structures syndicales. En outre, il
s'investira dans la création d'Écoles De Devoirs (EDD)
25 et d'alphabétisation « Lire et Écrire
»26. Parallèlement, il fondera, à la fin des
années soixante-dix, les Écoles de quartier l'Avenir
27 à Saint-Gilles, Schaerbeek, Molenbeek et Saint-Josse.
28 Encore une fois, El Baroudi croyait que les Associations Sans But
Lucratif (ASBL) seraient temporaires : la migration de retour vit dans tous les
esprits.
Tout travail de recherche exige l'explicitation, d'un
point de vue définitoire, de sa théorie contextuelle. C'est
pourquoi, une présentation historique des migrations en territoire belge
a été proposée afin de mieux appréhender le
parcours de vie des locuteurs. Et également,
24 La « gare de l'espoir » correspond
à la gare de Bruxelles-midi. Située sur la commune de
Saint-Gilles, c'est là qu'arrivait la plupart des immigrés.
L'expression entre guillemets est extraite d'un témoignage de migrant
marocain que nous évoquerons ultérieurement (cf. entretien
individuel 3).
25 Les EDD sont nées en Wallonie et à
Bruxelles dès 1973 suite à une expérience menée en
Italie. Elles ont pour missions d'aider les élèves
(généralement d'origine étrangère) dans leur
parcours scolaire mais aussi citoyen, afin de réduire les
inégalités sociales.
26
Spécificité belge en termes d'apprentissage du français,
l'association a été créée en 1983 à
Bruxelles. Unie avec le mouvement ouvrier, elle prône
l'égalité des chances au travers de
l'alphabétisation.
27 Avec le concours de l'Union Nationale des
Étudiants du Maroc (UNEM) et du Regroupement Démocratique
Marocain (RDM). Source : Khoojinian M., 2014, « Des Écoles de
l'Avenir au Centre Interculturel de Formation par l'Action (CIFA), un soutien
scolaire citoyen et participatif », Les Cahiers du Fil Rouge -
L'immigration marocaine, 50 ans d'histoire associative à Bruxelles,
n°20, Bruxelles, ASBL Collectif Formation Sociale, p.75.
28 Quartiers stratégiques où
étaient installés les travailleurs immigrés à leur
arrivée. En effet, ils se situent au carrefour du canal de Charleroi, de
la voie de chemin de fer et des industries.
22
d'observer que « la grande histoire est
reliée à la petite histoire »29. Par la suite,
nous avons privilégié une typologie illustrative des mouvements
migratoires, inspirée par C. Wihtol de Wenden pour son caractère
contemporain percevable par notre expérience. Enfin, nous avons
ciblé la Région de Bruxelles-Capitale en matière de
mobilité pour démontrer en quoi elle constituait le point
d'ancrage de notre étude.
Chapitre 2 : L'appropriation du Français Langue
in posse : enjeux socioculturels et psycholinguistiques30
Aussi vrai que nous ne choisissons pas nos langues
in esse et (souvent) in posse, il nous est malgré tout
possible (en tant qu'individu rationnel) de nous responsabiliser et « de
prendre en main » notre « destin linguistique » (Caron, 2005).
Cela suppose d'accepter que se modifie notre rapport au monde et à
nous-mêmes. La langue, en tant qu' « espace d'appropriation
symbolique » (Hagège, 1985: 386), implique aussi des
bouleversements qui rendent compte de l'intériorisation d'un nouvel
idiome. Par conséquent, dans ce deuxième chapitre, c'est
l'approche interdisciplinaire des langues qui sera
favorisée.
29 Thématique de la formation « Travailler
l'histoire et la mémoire de l'immigration » organisée les
24, 29 avril et 6 mai 2014, par l'ASBL Collectif Formation
Société (CFS) de Bruxelles. L'association organise des formations
continuées à l'intention des travailleurs du secteur associatif
bruxellois dans le cadre des décrets Cohésion sociale et
Éducation permanente.
30 Le terme fait référence à la
psycholinguistique cognitive issue de la théorie
générativiste de Chomsky.
23
2.1. Les complexités de compréhension de
la langue française et les répertoires langagiers
La langue française est
généralement dite « difficile » parce que «
incompréhensible » phonologiquement et scripturalement. Ce qui
frappe l'énonceur non spécialiste quand il tente de la comprendre
ou de la lire, c'est son herméticité. Cela va de soi, car
l'appropriation d'une nouvelle langue impose une certaine gestion mentale. Or,
peut-être qu'à examen langagier égal, la langue in
posse s'avère moins ou autant complexe que celle in esse.
Cette évaluation hésitante résulte de l'emploi
référentiel, par l'énonciateur expert, de
l'instantanéité de l'idiome. En effet, plus on comprend une
langue, plus elle apporte du sens à notre être et plus, on sait la
vivre. De plus, à l'oral, le locuteur français in esse
recourt à des discours moins spécialisés qu'à
l'écrit. Cela signifiant, qu'en général, il utilise peu de
longues phrases subordonnées. Par ailleurs, la méconnaissance du
système phonétique de quelque langue suscite bien des
vicissitudes et détresse linguistique. Par exemple, si l'on reprend la
citation d'Alonso, préambule à notre première partie, le
code langagier est éventuellement perçu comme virulent. En somme,
la complexité, entendue dans le sens extraordinaire ou curieux, n'est
pas une particularité qui caractérise tout idiome in
posse. Le tiraillement cognitif réside plus dans les
interdépendances que le nouvel arrivant entretient avec les langues qui
constituent son répertoire langagier que dans la structure de l'idiome
à acquérir. Entre les deux, nous supposons que l'on ait affaire
à une linguistique en gestation. Qui sont alors les locuteurs en langue
in fieri ?
En premier lieu, il convient de fournir quelques
précisions quant au syntagme clé de notre recherche, celui de
« locuteur ». Son éclaircissement nous facilitera grandement
la tâche lors de l'examen des développements oratoires. Selon
Soutet (2011 : 146), il définit l'individu qui produit un discours. Le
linguiste le rapproche du terme d' « énonciateur » en ce sens
où la personne garantit la littéralité de ses propos. Pour
Salcedo, le locuteur se définit conformément à sa «
langue initiale », à son système maternel de
lecture/écriture ainsi qu'à l'idiome utilisé lors des
échanges. Ailleurs, Courthiade ajoute qu'un locuteur pour
exister,
24
doit être rattaché à un territoire
31 . Le concept relève donc d'une question de liaisons
linguistiquement construites à l'écologie humaine. A priori pas
seulement, puisque Bajriæ (2013: 313) l'identifie à l'aide de
caractéristiques cognitives telles que « le sentiment linguistique
» ou « la maîtrise de la langue ». Les trois chercheurs
mettent ainsi en exergue le fait que le système locutoire repose sur un
code linguistique certes, mais aussi culturel et langagier. Le locuteur suit,
de ce fait, des règles renvoyant à des fonctions de communication
et de socialisation. Pourtant, sa portée langagière n'a pas de
limites naturelles (on peut dire des idiomes potentiels autant qu'on le
souhaite) et s'apprécie par l'indice linguistique. Seul le comportement
de l'énonciateur permet de déterminer quand et jusqu'où il
y a appropriation d'une langue. Un signe de cette manifestation se retrouve
dans l'utilisation correcte et réfléchie du répertoire
langagier. De fait, parler plusieurs idiomes et variétés de
langue constitue le « répertoire verbal » d'un locuteur si
l'on se réfère à une communauté linguistique
(Fishman, 1971:17). Dabène préfère le terme de «
répertoire communicatif » attendu qu'elle adjoint au «
répertoire verbal », les paramètres non verbaux de la
communication (1994: 153). Les langues qui composent le répertoire
langagier sont nommées, en sociolinguistique, langue maternelle, langue
seconde et langue étrangère.
Nous ne participerons pas au débat qui entoure
la dénomination de ces locutions nominales. Nous effectuerons
plutôt un nouveau cadrage sous l'angle du champ qui nous
intéresse, celui de la linguistique-didactique. Bajriæ met en
avant l'importance de parler comme « être, au sens le plus
philosophique du terme ». Lorsque nous possédons un «
degré très élevé de sentiment linguistique »,
nous possédons une réalité (2013: 61). En cela, la langue
maternelle ou langue in esse résulte de la nature même de
l'Être32 et non pas d'une action externe, tel que
l'enseignement par exemple. L'homme ayant le souci de « l'étant
», soit de son existence, c'est au travers des mots qu'il se
révèle au monde (Heidegger, 1927). Un macrocosme ontologique qui
nous invite à reprendre la théorie d'Aristote selon laquelle
« les sons émis par la voix sont les symboles des états de
l'âme » (Auroux, Deschamps, Kouloughli, 2004: 83).
31 Extraits du Colloque International sur les «
Gestions des minorités linguistiques dans l'Europe du XXI°
siècle », organisé par le laboratoire DIPRALANG, à
l'université Paul Valéry de Montpellier, les 10 et 11 janvier
2013.
32 Nous utilisons expressément la majuscule pour
souligner le sens philosophique du nom.
25
Au-delà de la relation idéologique dont
nous la revêtons, la langue in esse détient une
tangibilité organique qui se traduit par les figures symboliques de la
terre et de la mère. Cordon ombilical, tel un glottonyme du
répertoire langagier, l'idiome initial procure un sentiment
d'appartenance ainsi que d'auto-protection qui la rend légitime
(Puolato, 2013)33. Exemplairement, pour la communauté Rom,
« Celui qui a honte de la langue, a honte de sa mère »
(Karamagiola, 2013).34
Dans son ouvrage, Cuq exclut la langue
française du concept de langue seconde vu que la finalité du
locuteur migrant, en France, réside dans un monolinguisme comportemental
et linguistique (1991: 140) c'est-à-dire un individu capable de parler
une langue et d'utiliser un système de rationalisation35.
Toutefois, si l'on situe cette notion en Belgique, c'est-à-dire, en
contexte francophone36, d'autres paramètres d'ordre
relationnel et social sont à retenir. En soi, la langue seconde
s'établit comme un idiome « à valeur ajoutée »
(Cuq, 1991: 133) puisqu'elle favorise l'intégration professionnelle et
humaine en pays d'accueil. C'est pourquoi, en linguistique-didactique, on la
qualifie d'in posse. Cela signifiant une langue dans laquelle on ne
peut ni s'exprimer de manière phonologique ni « être »
mais qui sera susceptible de s'inscrire au sein du répertoire langagier.
Les énonciateurs francophones ont donc l'opportunité de jouir
d'une attitude psycholinguistique plurielle étant donné que la
langue française est composante du plurilinguisme belge.
Ce faisant, pour Dabène, l'idiome
étranger se définit comme « un objet potentiel
d'apprentissage » (1994: 29). Par conséquent, elle rejoint la
théorie de Bajriæ selon laquelle la langue in posse, tel
un élément brut, peut être éventuellement,
identifiable phonologiquement
33 Extraits du Colloque International sur les «
Gestions des minorités linguistiques dans l'Europe du XXI°
siècle », organisé par le laboratoire DIPRALANG, à
l'université Paul Valéry de Montpellier, les 10 et 11 janvier
2013.
34Ibid.
35 En France
métropolitaine, l'idéologie monolingue reste dominante et
pourtant, on dénombre dans le pays plus de quatre cent langues in
esse (Source : enquête famille de l'INSEE). En Guyane, par exemple,
département d'outre-mer français, prime la philosophie de la
mosaïque des langues. De fait, une langue officielle unique n'induit pas
l'existence d'un seul idiome in esse, ni même sa
popularité.
36« Se dit d'un pays où le français
est langue officielle, seule ou parmi d'autres, ou bien où il est l'une
des langues
parlées ». Source électronique :
page officielle de l'encyclopédie « Larousse » :
http://www.larousse.fr/dictionnaires/francais/francophone/35064?q=francophone#35034
26
par un individu. Sous-entendu que l'intuition
linguistique et comportementale est méconnue et qu'elle sera donc
comprise par le biais d'activités cognitives.
Finalement, n'est-ce pas rendre les locuteurs non
confirmés responsables de leur trajectoire linguistique que de leur
faire établir leur propre répertoire langagier ? D'une biographie
ordonnée, où chaque idiome s'exprime par un rang (langue
première, langue seconde), nous accédons à une composition
de ressources naturelles (soit innées : la ou les langue(s) in
esse) et idéales (telle l'appropriation parfaite de la langue
in posse : la langue in fieri). De ce fait, pour vivre un
état puis l'autre, l'énonciateur consent à dépasser
son « Être » sensible pour aller au-delà des
achoppements psychologiques.
D'ordinaire, les chocs initiaux face à une
nouvelle langue se rapportent à ses origines. Le français, par
exemple, est un idiome qui appartient à l'ensemble des langues
indo-européennes telles que l'albanais, le néerlandais ou
l'espagnol. Plus précisément, elle est une langue italique qui se
rattache aux langues d'oïl37, tels que le picard et le wallon.
Les idiomes indo-européens présentent des
spécificités structurelles et stylistiques comme la
déclinaison à six cas, deux formes du verbe communes, passives et
actives ou encore des analogies étymologiques. D'autres familles
linguistiques comme la chamito-sémitique 38 , d'où
proviennent les langues berbères39, possèdent un
système différent. On y dénombre vingt-sept
phonèmes consonantiques et seulement trois timbres vocaliques : a, i, u.
Son système verbal repose sur la notion immanente du temps et non sur sa
manifestation. La valeur chronologique y est secondaire (Cohen, 1968: 1307).
Mais voyons au-delà de la seule conception biologique.
37 « Ensemble des dialectes romans parlés
dans la moitié nord de la France. Le phénomène majeur
propre à cet ensemble linguistique (francien) est que, sur la base des
parlers de la région parisienne située au centre de la zone
d'oïl, s'est élaboré le français ». Source
électronique : Page officielle de l'encyclopédie « Larousse
» :
http://www.larousse.fr/encyclopedie/divers/langue_do%C3%AFl/74630
38 Dénommées également
afro-asiatiques ou afrasiennes, les langues dites «
chamito-sémitiques » n'ont pas été établies
par la linguistique historique tels que les idiomes indo-européens.
Source : Colloque International sur les « Gestions des minorités
linguistiques dans l'Europe du XXI° siècle », organisé
par le laboratoire DIPRALANG, à l'université Paul Valéry
de Montpellier, les 10 et 11 janvier 2013.
39 Langues arabes du Maroc fragmentées en une
trentaine de variétés. Les idiomes berbères sont reconnus
comme seconde langue officielle du pays. Source électronique : page
officielle de « l'Ethnologue » :
http://www.ethnologue.com/country/MA/status
, visitée le 23.07.14.
27
D'un point de vue descriptif, et pour reprendre la
classification typologique de Bajriæ 40, la langue
française est, dans son ensemble, tels l'anglais ou le chinois, une
langue analytique. C'est-à-dire qu'à l'aide de différents
mots (prépositions, pronoms, auxiliaires), elle organise les relations
grammaticales. L'analyse des procédés de construction mentale
sont donc indispensables. En revanche, une langue agglutinante reste
difficilement analysable. Comme le turc, les vocables se conglutinent (ainsi
dans un même mot peuvent se combiner le pronom et le verbe)
générant des structures phrastiques complexes (Saussure, 1960:
242).
A la pluralité des idiomes correspond une
variété de communautés linguistiques. Depuis que la langue
est devenue un moyen politique et idéologique de construction
identitaire, on est passé du spirituel au fait. Soit de l'étude
des processus mentaux à l'étude du langage. En Belgique,
État fédéral, trois langues officielles cohabitent :
l'allemand, le français et le néerlandais. Par opposition
à la France, les Belges se reconnaissent dans la richesse
véhiculaire de leur pays. Le concept d'union nationale reste quelque peu
éloigné de la pensée des autochtones ce qui illustre
l'hétérogénéité de groupes de langues au
coeur d'un même État, si petit soit-il.
Que penser alors de la mosaïque des langues qui
caractérisent le Maroc ? Le Royaume, comme d'autres pays ayant
enduré le protectorat français, connaît une politique
linguistique différentialiste. Constitutive des situations plurilingues,
le territoire demeure en mal identitaire sous le joug d'une langue
unificatrice, l'arabe classique, qui contraste avec la reconnaissance
récente par la Constitution, des langues berbères
(2011)41.
La pluralité originelle, taxinomique et
sociétale des idiomes met en évidence la richesse des rencontres
d'ordre langagier et comportemental qui se profilent dans la langue in
fieri. Cependant, ce chemin n'est pas sans obstacle, en ce sens où
il s'avère abondant en dispositions conscientisées. En effet,
comment sinon le locuteur non confirmé pourrait-il s'approprier une
langue in posse (si) éloignée de celle in esse
? Comment maintenir au mieux l'équilibre du maillage cognitif entre
deux idiomes porteurs d'histoire, d'hérédité et
de
40 Bajriæ S., 2012, « Plurilinguisme
», Master 2 Recherche Didactique du Français, C.F.O.A.D. « La
Passerelle », Université de Bourgogne, 16D593/3, p.66.
41 Source électronique : page officielle «
Le Figaro » :
http://www.lefigaro.fr/international/2011/06/30/01003-20110630ARTFIG00748-l-identite-berbere-enfin-pleinement-reconnue.php
, visitée le 23.07.14.
28
cultures particulières ? L'approche de la
langue française et de quelques migrantes, sous forme d'analyse, met en
relief les représentations linguistiques qui sous-tendent la
compréhension de tout nouvel idiome. Ces dernières sembleraient
également traverser le répertoire langagier du locuteur.
Difficile alors de ne pas glisser vers un « échiquier linguistique
» (Benzakour, 2012)42, source de véritables perceptions
paradoxales.
2.2. Les traits d'union entre l'Être et l'Esprit
ou les représentations
Qu'est-ce qu'une représentation ? Au fil de nos
lectures, nous avons remarqué qu'une terminologie étoffée,
polymorphe, voir philosophique est souvent assimilée à son
acception. Constituant un domaine important de la réflexion en
linguistique-didactique, il nous semble au préalable pertinent, de
colliger le concept de représentation à la discipline des
sciences du langage.
Les sciences du langage ont évolué au
cours des siècles, passant de l'étude du « langage naturel
» à « la nature et le rôle du locuteur dans l'expression
linguistique » (Auroux, Deschamps, Kouloughli, 2004: 237). Issue des
raisonnements de l'Antiquité, la discipline recherche à
décrire et comprendre la production du langage ainsi que la transition
d'un idiome à l'autre. On s'intéresse dès lors à la
référence triadique du signe linguistique, initiatrice de la
tripartition sémiotique (syntaxe/sémantique/pragmatique). Ce
théorème, plus souple que celui dichotomique de Saussure
43 , suppose un phénomène de commutation. Ladite
triadique aristotélicienne met en contraste la parole et
l'écriture (Signe) face aux concepts universaux de l'intellect et de
l'image (Concept) (Rastier, 2008)44. Rappelons le
modèle
42 Benzakour F., novembre 2012, « Le
français au Maroc. De la blessure identitaire à la langue du
multiple et de la copropriation », Repères-Dorif, autour du
français : langues, cultures et plurilinguisme,
http://www.dorif.it/ezine/ezine_articles.php?id=47
, visitée le 23.07.14.
43 Saussure privilégie une
schématisation dyadique linguistique qui distingue un « signifiant
» et un « signifié ». Le concept saussurien
synchronie-diachronie a largement participé aux théories
contemporaines du mouvement en linguistique.
44 Rastier F., 2008, «La triade
sémiotique, le trivium et la sémantique linguistique»,
Actes Sémiotiques,
http://epublications.unilim.fr/revues/as/1640,
visité le 24.07.2014.
29
Concept
Signe Chose
(Signifiant) (Référent)
FIGURE 1 : LA TRIADIQUE DU SIGNE LINGUISTIQUE SELON
ARISTOTE.
Au XIXème siècle, la triade sera
réutilisée par le logicien Peirce qui y apportera quelques
modifications (Rastier, 2008) :
Interprétant
Representamen Objet
FIGURE 2 : LA TRIADIQUE DU SIGNE LINGUISTIQUE SELON
PEIRCE.
Confirmant l'aspect transcendantal du langage, Peirce
propose une théorie sémiotique dont la construction
intellectuelle en base trois nous interpelle. Au cours de ses
réflexions, Peirce a donc considéré le signe linguistique
comme un élément « qui prend appui sur les trois
catégories du sentiment, de l'existence et de la médiation »
(Bourdin, 2005)45 explicitant, en conséquence, l'entendement
de l'individu dans son rapport au monde. En d'autres termes, Peirce
schématise la tri-unité du langage et des langues qui
résulte de la jonction de 1 et de 2, produit dans ce cas de
l'association du Representamen et de l'Objet, où l'Interprétant,
tel un
45 Bourdin D., 2005, « Logique,
sémiotique, pragmatisme et métaphysique »,
Cairn.info,
www.cairn.info/revue-francaise-de-psychanalyse-2005-3-page-733.htm,
visité le 25.07.14.
30
trait d'union, fournit au locuteur une
représentation du milieu environnant. Une
phénoménologie originale qui
prétend recouvrir l'ensemble des facultés psychiques de l'homme.
Nous réactualiserons donc le polygone comme suit (Everaert-Desmedt,
2011).
Tiercéité (médiation)
Priméité
Secondéité
(sentiment) (existence)
FIGURE 3 : ÉVOLUTION DE LA TRIADIQUE DU SIGNE
LINGUISTIQUE SELON PEIRCE.
Cette théorie de Peirce paraît
intéressante à éliciter ici, dans le sens où elle
fait ressortir le concept de représentation comme un signe cognitif
interne. De fait, le signe linguistique afin d'être
appréhendé par le locuteur détermine « un
interprétant, qui est un Representamen à son tour et renvoie, par
l'intermédiaire d'un autre Interprétant, au même objet que
le premier Representamen [...] » (ibid.). Un processus imparfait où
de nouveaux « Interprétants » et « Representamen »
servent d'intermédiaire entre l' « Interprétant » et l'
« Objet ». Nous le transposerions en linguistique-didactique en
termes de « méta-représentation » (Bajriæ, 2007:
22). Cependant, et pour revenir à l'intérêt intellectif des
sciences du langage, précisons que le nombre d'entremises reste
influencé par la subjectivité du locuteur confirmé. Car
c'est lui qui réinterprète et reconstruit l'idée de
l'Objet qui concomitamment entraîne sa propre
ré-interprétation et re-construction ontologique. Comme le
résument Auroux, Deschamps et Kouloughli dans leur thèse sur
Heidegger, en tant qu'usager du langage et des idiomes, le sujet parlant est
dans une « situation existentiale » (2004: 240). En cela,
les représentations du signe linguistique sont constitutives de la
structure ontologique de l'existence. Elles s'inscrivent dans
l'historialité du Dasein, de l'« être-là
» (Gelven, 1987: 224). C'est pourquoi,
31
reflet de notre méthodologie de recherche, le
point de vue définitoire des représentations se situe dans «
une logique de l'identité46 (très ancrée sur la
philosophie analytique du langage) et non une logique du signe » (Bourdin,
2005)47.
Pourquoi la linguistique-didactique qui se donne
d'abord, comme sujet de réflexion, la relation entre le langage et la
compréhension des langues porte-t-elle aussi de l'intérêt
aux représentations ? Tout d'abord, parce que d'après Castellotti
(2001: 23), les imaginaires instaurent « un élément
essentiel et structurant du processus d'appropriation langagière [...]
». Les particularités langagières et cognitives que doit
affronter le locuteur non confirmé interfèrent avec son soi
intime. L'accès à la nouvelle langue se réalise par
l'intériorisation de ces phénomènes subjectifs internes.
Par conséquent, « à la jonction du subjectif [...] et du
social [...] » (Maurer, 2013: 25), les représentations «
endoctrinent »48 les attitudes ainsi que les discours. Amont
des perceptions naïves de l'individu et du groupe, les imaginaires sociaux
favorisent le maintien fonctionnel du système cognitif lors de
l'interlocution en langue in fieri. Conception intellectuelle de
l'Être et du monde49, la représentation engage dans son
entièreté le locuteur, permettant à notre recherche
d'atteindre et discerner l'équilibre mis en jeu dans la construction
identitaire. D'ailleurs, le fait que le groupe d'énonciateurs migrants,
sur lequel porte nos travaux existe, pour des motifs d'appropriation du
français, confère à l'idiome une position symbolique
exclusive50.
En insistant sur la notion de représentation
linguistique et sociale, il nous semble que le processus psychique
d'établissement en idiome in posse n'est pas simplement
l'interprétation de deux univers sinon la perspective d'une
création de soi. L'imaginaire est porteur d'une influence dialectique
interne/externe du Dasein qui s'inscrit dans le cadre de la
linguistique-didactique.
46 Cf. Ricoeur (1990).
47 Bourdin D., 2005, « Logique,
sémiotique, pragmatisme et métaphysique »,
Cairn.info,
www.cairn.info/revue-francaise-de-psychanalyse-2005-3-page-733.htm,
visité le 25.07.14.
48 La « représentation » sociale chez
Moscovici est au demeurant qualifiée de « doctrine ». Cf.
Maurer (2013: 38).
49 Les représentations ne garantissent pas des
manières d'agir. En effet, « les locuteurs ne parlent pas toujours
comme ils disent qu'ils parlent », Morsly D., 2011, «
Sociolinguistique pour l'enseignement des langues », Master 1 Didactique
des Langues Français Langue Étrangère (FLE),
Université d'Angers, p.3.
50 Thèse de Moliner, Rateau, Cohen-Scali reprise
par Maurer (2013: 101).
32
2.3. Réflexion terminologique autour de la
linguistique-didactique
Voilà comment Soutet introduit la
linguistique-didactique dans la préface de l'ouvrage de Bajriæ :
[...] « ni une linguistique avec un appendice didactique, ni une
didactique des langues avec quelques miettes de linguistique », (2013: 8).
Cette discipline n'est effectivement pas une juxtaposition de théories
morcelées. En réalité, elle fait figure de
médiation entre les sciences humaines et cognitives.
Tout d'abord, de par ses considérations
lexicales vis-à-vis de la pluralité des langues. Nous retenons la
nouvelle terminologie, présentée en introduction, qui attribue
une certaine équité autant aux sujets parlant qu'aux idiomes. De
ce fait, le locuteur est défini tel « tout individu », la
langue, quant à elle, comme « naturelle » (Bajriæ, 2013:
313). Les verbes d'action en corrélation avec la didactique des langues
ne caractérisent plus l'énonceur. Sont apparues plus
précisément, des ressources ontologiques qui engagent
l'implication linguistique du locuteur : « sentiment linguistique »,
« maîtrise de la langue » (ibid.) reprenant de ce fait, les
bases de la sociolinguistique interne. Par ailleurs, les langues sont
considérées en tant que substances vivantes puisqu'elles sont
marquées par l' « être » (in esse), le «
devenir » (in fieri) et le « pouvoir » (in
posse). La portée de cette modification, en termes de
pensée, résulte de la conception psychomécanique de
Guillaume qui établit la théorie du mouvement des langues. Les
trois idiomes synchronisent alors avec la mouvance des images mentales du
locuteur, qui en parlant, les saisit (Boone, Joly, 2004: 99-101). C'est
pourquoi, l'énonciateur se décline sous la trichotomie suivante :
locuteur confirmé, non confirmé et naïf (Bajriæ, 2013:
313-314). En outre, ce dispositif interne appartient à la linguistique
humboldtienne car le langage est assimilable à une impulsion
génératrice (Chabrolle-Cerretini, 2007: 83), antinomique donc
avec une vision mécaniste de l'univers. Et partant, empreinte d'une
théorie saussurienne cinétique (Boone, Joly, 2004 : 99-101) la
linguistique-didactique s'enquiert sur la dynamique entre le langage et
l'installation dans un nouvel idiome. Pour comprendre cette énergie, une
des notions centrales de la discipline sont les schèmes
psycholinguistiques que met en place un individu dans sa vie de locuteur et qui
favorise, ou non, sa « création ». Dans l'appropriation d'une
langue, le comportement langagier ainsi que l'intellection expriment
les
33
changements mentaux qui y sont catalysés, nous
orientant, en tant qu'apprentie-chercheure, vers la causalisation. Attendu que,
selon Guillaume, « La langue, en soi, n'exprime rien : elle
représente, elle est représentation » (Wittwer, 1997:
10).
De ces prolégomènes à la
linguistique-didactique, nous attirons l'attention en premier lieu, sur les
concepts philosophiques et psychologiques sur lesquels repose notre
étude de cas. Au travers de la nature de cette discipline, nous
réalisons que la seule observation « externe » du corpus ne
saurait pleinement répondre à notre problématique. En
second lieu, nous avons remarqué qu'analyser les comportements
psycho-discursifs (mécanismes mentaux et faits de langue) du locuteur
permet l'accès à la manière ou aux manières
d'exister dans un idiome. Tout bien considéré, l'ambition de
« cette nouvelle branche de la linguistique » (Soutet, 2013: 8)
concerne une tangibilité psychosystématique des sciences du
langage.
34
PARTIE 2 : DEVENIR ANONYME LANGUE(S) IN POSSE À
BRUXELLES
FIGURE 4 : KAHLO F., 1932, AUTOPORTRAIT À LA
FRONTIÈRE ENTRE LE MEXIQUE ET LES ÉTATS-UNIS,
MEXIQUE.
Nous nous retrouvons à présent dans la
deuxième partie de ce mémoire, consacrée à la
problématique de recherche ainsi qu'à la méthodologie
utilisée pour réaliser nos investigations. L'autoportrait de
Frida Kahlo, ci-dessus, vient sustenter le titre de notre section puisqu'il
illustre la motilité statique du nouvel arrivant. Lorsque le «
devenir » n'est pas toujours synonyme d'évolution. Dans un premier
temps, nous attirerons l'attention sur la conception d'un objet de recherche
dont les objectifs et hypothèses tiennent d'un travail antérieur.
Ensuite, nous nous pencherons sur la « contextualisation
»51 institutionnelle avec les profils particuliers des
locuteurs migrants et des formatrices de français qui composent notre
terrain d'enquête. Enfin, nous examinerons les caractéristiques du
recueil de données en
51 La notion de « contextualisation » a
notre préférence par rapport à celle de contexte. La
première a l'avantage de s'entendre dans le sens de Rispail et Blanchet,
soit en tant que « processus » (2011: 68).
35
y précisant son importance comme outil dans
l'élaboration de notre corpus. Les questions méthodologiques et
techniques à résoudre tout au long dudit projet, et qui
compliquent, voire limitent notre travail, seront explicitées chemin
faisant.
Chapitre 1 : Démarche et protocole
d'enquête auprès de locuteurs migrants
Après avoir présenté la
genèse de notre projet de recherche, nous commenterons l'approche
sociologique privilégiée.
1.1. Problématique originelle
L'origine de la présente étude s'inscrit
dans une certaine cohérence avec un travail académique
précédent : un rapport de stage de Master 1 Didactique des
Langues FLE achevé en mai 2012. Ce dossier visait une réflexion
personnelle sur nos pratiques d'enseignement du français en contexte
scolaire52. Une expérience universitaire et professionnelle
qui nous a amenée à définir la matière de nos
investigations : comprendre, dans une perspective sociolinguistique, la
construction de soi en tant que locuteur de langue française. Pour
être tout à fait honnête, mes suppositions d'alors
relevaient de la didactique pure : (1) éventualité d'une
méthode pédagogique à visée communicative efficace,
(2) éventualité des effets facilitateurs du contact langagier et
culturel au sein de la classe. Les entretiens qui suivirent auprès des
jeunes locuteurs non confirmés étaient orientés par les
questions suivantes :
52 En l'occurrence, les travaux d'observations et de
réflexions de ce premier terrain étaient contextualisés
dans un collège public français du Vaucluse. Le stage a
été réalisé durant l'année scolaire
2011/2012, de novembre à mai, au sein d'une classe
d'élèves allophones en Dispositif d'Aide et d'Intégration
(DAI). Le corpus complet se composait d'environ quatre heures de situations de
classe dispensées par trois professeures (nous y compris) ainsi que de
deux heures environ d'entretiens semi-directifs auprès des
élèves.
36
- Quelles langues parles-tu ? Où, quand et
pourquoi ?
- Dans quelles disciplines te sens-tu à l'aise
?
- Comment comprends-tu le français à
l'école et à l'extérieur ?
- Comment vis-tu ton installation en France ?
- Qu'est-ce qu'il te manque ici ?
- Est-ce que tes parents parlent le français
?53
Les quatre conversations d'étude
effectuées concernaient un public d'adolescents pour qui la France
représentait le pays de la première migration. Qu'ils soient
d'origines arménienne, espagnole ou italienne, chacun exprimait un
sentiment d'insécurité linguistique en rapport notamment avec
l'image de la mère et du pays. En outre, lors d'une discussion
filmée entre trois locuteurs de langues in esse
différentes, les notions de construction identitaire et du rapport
à autrui en langue in posse se sont avérées
pertinentes à examiner. Enfin, la contextualisation de la migration,
nouvelle à nos yeux, a permis d'exécuter nos premiers pas dans le
domaine de la sociolinguistique.
C'est avec notre sujet actuel que nous sommes
entrée dans le processus de recherche afin de déterminer,
catégoriser et expliciter des phénomènes d'alternance
linguistique et produire de nouveaux acquis (Blanchet, Chardenet, 2011 : 63).
Dans la perspective d'une recherche orientée54, nous avons
observé et analysé des comportements de locuteur que nous
n'avions jusque-là pas exploré. Ces derniers suggèrent des
orientations vers des aspects impliquant le mouvement psychologique du
discours.
53 Les entretiens, facultatifs, ont été
réalisés durant le mois de février 2012. Les onze
élèves qui constituaient cette classe ont tous souhaité
participer.
54 « Terminologie récente, unissant
recherche fondamentale et recherche appliquée. C'est une recherche issue
des besoins sociaux, impliquant une orientation de la solution à
trouver, mais commandée par un problème concret à
résoudre ». Dans notre cas, l'établissement du locuteur
migrant en langue française. Cf. Université Coopérative de
Paris, Petit vocabulaire de recherche en sciences humaines et
sociales,
http://www.ucp-paris.org/ressources-recherche/petit-vocabulaire-de-recherche-en-sciences-humaines-et-sociales/,
visité le 03.07.14.
37
1.2. Cadre épistémologique
Notre étude ayant de l'intérêt
pour les rapports mentaux que maintiennent les énonciateurs migrants
avec la langue française, nous nous proposons de répondre aux
questions suivantes :
- (a) Quels signes linguistico-cognitifs marquent les
périodes temporelles de la construction identitaire du locuteur non
confirmé en langue française ?
- (b) Quel est le modus operandi qui
crée l'installation du sujet parlant en idiome in posse
?
- (c) Quelles techniques didactiques
privilégier dans le domaine des sciences du langage ?
Pour ce faire, nous avons mené notre
étude sur un terrain précis avec l'objectif d'observer et de
s'enquérir sur un groupement de personnes : les membres de l'association
dans laquelle nous sommes bénévoles. En cela, nous nous
prévalons d'une démarche ethnographique puisque notre tâche
consistait à écouter attentivement des récits de vie qui
dans leurs «dimensions référentielles » (Jeanneret,
Pahud, 2013 : 16) transforment le récit en un positif identitaire «
lui donnant de nouveaux contours » (Blanchet, Chardenet, 2011 : 460).
Parce que nous voulons comprendre le mouvement langagier du sujet parlant
« dans une perception du temps humain, et en construisant une
identité » (de Robillard, 2011 : 21), nous avons opté pour
l'étude et l'enregistrement des entretiens réalisés
auprès des informateurs. De même, les comportements étant
consubstantiels à l'instantanéité discursive, le groupe de
discussion-poste d'étude dialogique entre la langue et les attitudes
psychiques- nous a semblé une technique pertinente pour leurs
observations (Chardenet, 2011 : 77). La façon dont nous avons rendu
compte de cet « instant de conscience vive » 55 induit la
transcription des narrations selon des items précis (cf. Annexes 15-19)
qui relèvent de l'analyse linguistique et comportementale (a). Par
ailleurs, nous aspirons à une vision croisée des actes de langue
et des actes d'appropriation au travers des pratiques. En effet, afin de ne pas
dériver vers un portrait uniformisant de la réflexivité en
langue in fieri et conscient que la construction
55 Expression de Guillaume reprise par Soutet dans sa
préface à l'ouvrage de Bajriæ (2013 : 9).
38
identitaire reste indissociable de l'acte
d'écrire (Molinié, 2011 : 144), nous avons choisi de recourir
à l'assemblage des données provenant des groupes de discussion
ainsi que celles collectées auprès des sources écrites
produites par les informateurs eux-mêmes (b). D'un point de vue
didactique, afin de prendre en compte le versant culturel de la situation,
l'usage du journal de terrain ainsi que les échanges « naturels
» avec les formateurs de l'ASBL nous ont paru pleinement
complémentaires (c).
Certains ouvrages consultés nous ont
confortée dans l'approche ethnologique que nous avons choisie. De fait,
loin d'assouvir un simple appétit de notions en sciences du langage,
notre travail s'ancre dans un examen à visée humaine
(Société d'ethnographie, 1860 : 23) qui grâce aux apports
de la linguistique théorique tend à donner pour certains les
schèmes relationnels entre « le mental et le
vécu » (Monod Becquelin, Vapnarsky 2001 :155), dans la
compréhension d'un idiome in posse. Une telle position
épistémologique nous amène vers une reconnaissance de la
manière dont les discours et les interactions des nouveaux arrivants
sont parlés en rapport avec leur profil langagier. Ce que Dabène
nomme « la conscience ethnolinguistique » (1994 : 103).
Au-delà de l'aspect sémantique de la narration, Huver et Springer
(2011 : 244) présentent « la dimension ethnolinguistique »
comme un élément constitutif des habiletés culturelles qui
servent à s'approprier l'alternance intellective ainsi que la conduite
verbale des langues. C'est pourquoi, nous sommes convaincue que les entretiens
ainsi que les écrits biographiques d'adultes migrants, au
répertoire multilingue, sont à même de nous dévoiler
les transpositions cognitives qui déterminent les énoncés
des locuteurs non confirmés.
Jusqu'ici nous n'avons pas franchement défini
le concept de « transposition mentale », de « rapports mentaux
» ou encore de « processus cognitifs ». Or, il est une
idée-force sollicitée dans la compréhension des processus
identitaires en langue in posse. Parmi la grande diversité des
expériences auxquelles un sujet est exposé au fil de sa vie
sociale, notamment, au fil des migrations, se trouvent les variables des
langues. L'appropriation d'un idiome est un vécu unique qui se
matérialise dans une contextualisation spécifique : une
institution. Cette conjoncture implique des déterminants culturels,
temporels et cognitifs qui façonnent les identités au coeur des
discours. Digne héritière de la dichotomie structure
acquise/structure
39
apprise de Krashen (1981), la linguistique-didactique
distingue l'immanent du transcendant des langues, le locuteur confirmé
de l'énonciateur non confirmé. La langue in esse est le
résultat de procédés intériorisés en
situations naturelles. L'appropriation, quant à elle, relève d'un
mécanisme réfléchi sur l'idiome potentiel et qui se
contextualise géographiquement et temporellement. En cela, l'aporie
réside plus dans la cognition que dans le cadre contextuel. Selon le
linguiste américain, la principale action correspondant à la
compréhension d'une langue est le « monitor », en
d'autres termes la maîtrise, la régulation du discours.
L'intention arrêtée d'effectuer des modifications sur les
énoncés réalisés, en l'occurrence dans un
échange en langue in fieri, nous renvoie vers des processus
cognitifs conscients. C'est lorsqu'on utilise la régulation des
variations dans les output- compris comme le résultat d'une
production langagière- que l'on peut argumenter que tout individu
revêt le statut de locuteur non confirmé. Cela dit, si l'on
considère le mot « monitor » dans sa
définition stricto sensu, il est évident que la
théorie de Krashen ne peut s'apparenter à un mécanisme,
cela concerne plutôt une approche psycho-sociologique. Il nous semble
donc que les interfaces mentales sont des modérateurs qui permettent aux
locuteurs adultes de conscientiser leurs erreurs à l'intérieur de
leur production. En effet, qu'il soit acte ou état d'esprit, le fait de
se tromper occupe une place prépondérante dans
l'acceptabilité d'une langue. Qualifiée d'émancipation
linguistique dans le cas du locuteur confirmé, l'erreur devient le
symbole de l'insuffisance langagière du nouvel énonciateur
(Bajriæ, 2013 : 144-152). Pourtant il est une voix parmi les linguistes
qui se veut plus élémentaire (Frei, 1929 : 291-292) lorsqu'il
s'agit de caractériser la langue française, le concept
étant que cette dernière n'a aucune réalité. Frei
déclare que ce qui fait véritablement sens, ce sont les idiomes
français et leurs utilisations : la norme autant que la pratique
habituelle d'un groupe. La considération de l'erreur restera donc
à l'appréciation de chacun, en se rappelant néanmoins que,
par la présente étude, nous l'inscrivons dans la dynamique de
l'intellection. D'autre part, nous envisageons les relations cognitives comme
des indicateurs de l'interculturalité des comportements linguistiques,
notamment au travers des originalités du « vouloir-dire » des
langues, c'est-à-dire des idées psychiques qui
représentent les communautés langagières (Bajriæ,
2013 : 110-116). Enfin, comme nous l'avons noté
précédemment, le dire d'un idiome catalyse la
réciprocité entre des sujets parlant éventuels ainsi que
l'intériorisation respective de leur subjectivité. À notre
sens, cet angle définitoire a
40
permis de dessiner notre première
hypothèse concernant les éléments verbaux in fieri
comme facteurs de processus de reconfiguration identitaire.
La deuxième hypothèse postulée se
rapporte au concept pléomorphe et mouvant d'identité (Mucchielli,
2003 : 4). En la définissant tel un processus de sélection
à la fois intime et socio-collectif, Vinsonneau (2012 : 26) expose le
versant idiosyncrasique de cette notion. En effet, chaque individu
possède une lecture du « sentiment d'être », la
capacité que l'autre a à se détacher de soi pour
reconnaître socialement quelqu'un d'autre (Mucchielli, 2003 : 71-72). La
relation de contigüité constitue donc une entité
intégrée dans le système identitaire qui se distingue en
premier lieu par sa contextualisation, puis par les niveaux de valeurs
accordés à la personne. Elle se caractérise par ailleurs
dans son rapport à l'espace à travers le phénomène
de la migration où l'assimilation positive s'avère
encouragée par la légitimation de l'autre (Gohier, 2006 : 153).
Il n'est donc pas question d'évoquer le concept sans en mettre en avant
la nature « dynamique » (Vinsonneau, 2012 : 81). C'est ce que Baroni
et Jeanneret (2009 : 78) signalent vis-à-vis de l'incomplétude et
du renouvellement perpétuel de l'ego que les biographies
trahissent. Selon les didacticiens, les récits de vie revendiquent
d'abord la narration qui ensuite crée à nouveau le récit,
impliquant la distance métaphorique comme une structure
récurrente dans la démarche d'énonciation. En cela, le
mécanisme identitaire ne peut se comprendre en l'absence de
temporalité. Reste à considérer une troisième
remarque relative à un versant dissolutif de l'identité :
l'anomie. L'identité est ce qui permet à l'individu de se
reconnaître, d'accéder à son soi intime et donc à sa
liberté telle une médiation signifiante entre l'univers et
l'homme. C'est l'espace- entendu comme la distance entre deux objets ou deux
points- où toute personne se recompose et développe des
stratégies conformément aux situations vécues.
Compénétré par l'Histoire et la conjoncture sociale
actuelle, le concept d'identité, dans sa définition moderne,
serait dès lors, plus avant la référence ontologique qui
nous détermine, un mérite et une vertu essentiels56.
De ce fait, la « désertion » (Le Crest, 2013 : 60) de soi ne
saurait être sans danger car elle confronte l'individu à des
circonstances expérimentales anomiques. Comment atteindre, dans son
unité, l'être en situation de migration prolongée, lorsque
l'ordre environnant relève d'une
56 À ce sujet, Orsenna (2003 : 22-23) dans son
roman Madame Bâ, évoque l'identité comme
étant catégorisée et non prise dans sa
globalité.
compréhension non confirmée ? Là
réside toute la problématique qui convertit, par exemple, des
exilés espagnol et portugais tels Alvaro, en anonyme ouvrier ou Piedade,
en anonyme ibérique (Camilleri, 1990 : 155-160). L'individu est
ré-inventé au gré des désignations sociales- «
socionyme »- et ethniques- «ethnonyme »- (Bres, 1993 : 17)
conduisant à une dépersonnalisation où tout un chacun est
contraint de puiser dans sa « boîte à outil »57
(Camilleri, 1990 : 46) identitaire.
In fine et à la lumière de ces
deux postulats, nous envisageons des propositions didactiques adaptées
à condition donc, qu'elles valorisent et encouragent la création
linguistique du locuteur non confirmé. Il s'agit de penser, grâce
à notre « métaposition » (Blanchet, 2011 : 19) de
chercheure néophyte, à la façon de concrétiser cet
objectif sur le terrain afin d'obtenir une valeur ajoutée en termes
d'appropriation du français.
Ces remarques justifient l'importance
particulière que nous accordons aux signes et aux comportements
linguistiques dans l'examen du corpus. La caractérisation
antérieure des opérations mentales (le « monitor
», l'erreur et le « vouloir-dire ») ainsi que
l'articulation de trois des composantes de l'identité (l'ontologie, la
dynamique et l'anomie), nous servira pour l'analyse des entretiens
autobiographies des adultes migrants que nous dirigeons. Chaque
élément s'avère être en mesure d'offrir un poste
d'observation hautement intéressant. Notamment en ce qui concerne la
compréhension de la langue française grâce aux
témoignages des acteurs de l'ASBL.
Voyons à présent l'ensemble
circonstanciel qui nous a semblé particulièrement fécond
en vue de cette étude scientifique.
41
57 Expression de Devereux (1972) reprise par
Camilleri.
42
Chapitre 2 : Délimitations du terrain de
recherche
Le travail préalable à notre recherche,
nous a amenée à la constitution d'une bibliographie
représentative sur le propos concerné. Nous avons
considéré, à parité, des ouvrages issus des
domaines de la sociologie, de la psychologie sociale ainsi que de la
linguistique. Les tâtonnements autour de l'élaboration de cet
outil de référence nous a permis de mieux cibler notre zone
d'enquête. C'est pourquoi, de manière parallèle, nous avons
prospecté des terrains susceptibles de nous accueillir, telles les
différentes institutions dispensant des cours de français en
Flandre et en Région Bruxelles-capitale. Nous étions d'avis que
les associations, en tant que « lieux centraux de la sociabilité
immigrée » (Molina Màrmol, 2014 : 17), mettraient en
perspective les diversités culturelles, linguistiques et migratoires des
nouveaux arrivants de Belgique.
2.1. Sélection et introduction du contexte
La définition du paradigme ethnographique
présentée par Blanchet (2011 : 18) confirme la ligne de conduite
de notre méthode de recherche :
- une orientation constitutive du réel car nos
travaux s'appuient sur des questionnaires et enregistrements ordonnés
;
- une orientation empirique réflexive qui rend
compte, sous la forme d'un « corpus restitutif » (Blanchet, 2011 :
10-12) des phénomènes langagiers par les informateurs : journal
de terrain, sources écrites, échanges non
dirigés.
Pour ce faire, les prémices de notre
étude s'amorcent dès novembre 2013 auprès de l'ASBL
Avenir, domiciliée quartier Saint-Josse, au Nord-Est de Bruxelles.
Concomitamment, nous
43
étions entrée en contact avec une
école de langues publique pour adultes à Lierre 58 .
Nonobstant, le terrain à forte autorité scolaire, le profil
hagiographique stable des informateurs ainsi que notre condition de locutrice
non confirmée en néerlandais, nous fit privilégier le
cadre associatif de la Région Bruxelles-capitale. Comme nous l'avons
souligné précédemment, l'association Avenir est la juste
descendante des Écoles de quartier fondées par Mohamed El Baroudi
(Partie 1,§ 1.3). Devenue ASBL en novembre 1992, Avenir relève d'un
symbole migratoire structuré autour d'une identité marocaine
commune 59 . Elle correspond donc à une association dite de
migrants, cela signifiant qu'elle est établie et dirigée par les
immigrés eux-mêmes. Autant dire que l'identité ethnique
ainsi que la fidélité au groupe est un trait
élémentaire de l'existence de ce type d'institution (Lanly, 2001
: 5-7). Aujourd'hui, Avenir offre un visage différent puisqu'elle est
administrée par un personnel de direction non migrant et, qui plus est,
qui n'a aucune origine marocaine. Tout comme d'ailleurs, depuis 2009, le tiers
des immigrés inscrits désireux de suivre des cours de langue
française. En tant qu'offre de proximité, l'association propose
des activités d'aide aux devoirs et extra-scolaires pour les enfants
jusqu'au secondaire et bien entendu, des cours intensifs
d'alphabétisation ainsi que de FLE pour les adultes migrants, à
raison respectivement de neuf et quinze heures par
semaine60.
L'amplitude temporelle de notre recherche couvre la
période du 8 novembre 2013 au 20 juin 2014. A l'origine notre
assiduité était hebdomadaire : chaque vendredi matin, de 9h50
à 13h25, nous assistions en tant qu'observatrice au déroulement
des cours de FLE. C'est à partir du 10 janvier 2014 que nous
commençons l'observation participante en tant que formatrice
bénévole FLE, à raison d'une fois par semaine,
auprès de la même classe. Puis, durant le mois de mars, nous avons
eu l'opportunité d'alterner les deux modes d'investigation par le suivi
d'étudiants stagiaires61et la co-planification des modules
d'enseignement.
58 Ville néerlandophone située en
Région flamande dans la Province d'Anvers.
59 Saint-Josse était un des quartiers où
était installée une forte population de travailleurs
immigrés marocains.
60 Pour plus d'informations, consulter la page du
« Portail de l'Alpha » :
http://bruxelles.alphabetisation.be/article58.html.
61Étudiants stagiaires
FLE de 1ère et de 3ème année de la Haute École de
Bruxelles Defré.
44
2.2. La démarche de rencontre
Au dire d'Agier (2004 : 35-36), « Pas de
connaissance intime du sujet sans connaissances dans le milieu. Pas de savoir
sans relations donc »62. L'organisation du travail de recherche
de Master en sciences du langage implique certaines déterminations
d'ordre personnel, situationnel et éthique qui concourent à
l'accomplissement de procédures codifiées. Ainsi, ce sont nos
tâtonnements d'apprentie-chercheure, jalonnés de rencontres, qui
ont ouvert ce parcours scientifique. Il nous semble donc judicieux de
l'incorporer au corps de l'actuelle étude.
Après des échanges fructueux par mail
fin octobre 2013, nous rencontrons début novembre Madame
D63., directrice de l'ASBL Avenir au sein même de
l'association. Nous avons aussitôt la possibilité d'observer son
cours de FLE et d'être présentée- dans un premier temps, en
tant qu'éventuelle formatrice bénévole - aux locuteurs
adultes en présence. Déontologiquement parlant, nous avons
apprécié le fait que Madame D. légitime de manière
formelle et adaptée notre présence, ce qui, pensons-nous à
ce moment-là, favorisera notre intégration graduelle (Blanchet,
2011 : 73-74). Le premier contact, somme toute conciliant avec la
directrice-formatrice, nous permet de lui décrire notre situation de
chercheuse débutante sous tutelle française. Nous lui
présentons également les particularités des observables
que nous pensons mettre en place, soit des enregistrements de classe, des
dispositifs de production d'écrit ainsi que des entretiens auprès
d'elle, des formatrices et du public de l'ASBL. Favorable au projet, Madame D.
nous donne son accord et nous suggère la mise en place d'une
planification ce qui nous laisse supposer qu'elle reçoit
régulièrement des observateurs extérieurs. Nos
perspectives d'approches n'étant pas encore suffisamment claires et la
méconnaissance des énonciateurs adultes évidente, nous
nous mettons d'accord sur une période transitoire d'observation et de
rencontre de novembre à décembre 2013. Ce temps
décéléré - que nous estimons plus que
nécessaire - nous permet de nous immerger confortablement dans ce
nouveau terrain, d'en appréhender les différents acteurs et,
en
62 Cité par Lambert (2011 : 368).
63 Dans un souci du respect de leur volonté,
nous n'avons pas mentionné les identités des informateurs. Elles
sont par conséquent remplacées par la première lettre, et
parfois la seconde, de leur nom ou de leur prénom.
45
conséquence, de clarifier le cheminement de nos
recherches (Lambert, 2011 : 370-371). Quant à l'ensemble de
l'équipe éducative, les prises de contact ainsi que
l'exposé du projet ont été facilités par
l'introduction de Madame la directrice. De fait, dans le cadre de ses
fonctions, cette dernière a organisé, début
décembre, une manifestation de loisir64 qui a permis de
confirmer, aux yeux de tous, ma position en tant qu'enseignante
bénévole de français. Par cette admission officielle
débutait notre entrée dans les aléas du processus de
recherche : hypothèses, négociations et documentations des
circonstances linguistico-didactiques.
Maintenant que nous avons contextualisé notre
travail d'étude à l'aide des quatre paramètres social,
situationnel, temporel (Blanchet, 2011 : 18) et relationnel (Lambert, 2011 :
367), nous sommes en mesure de dresser le profil des informateurs
enquêtés.
2.3. Choix et développement de
l'échantillon
Si tant est que « le vrai territoire d'une langue
est le cerveau de ceux qui la parlent » (Cerquiglini, 1999), nos choix
heuristiques se doivent d'être pragmatiques et donc, concerner les
énonciateurs non confirmés de l'association. En outre, ayant
inscrit notre problématique au coeur des sciences du langage, nous
conserverons encore une cohérence relative en nous intéressant
aux formateurs de français.
Les étapes de la constitution de notre
échantillon se sont réalisées dans les locaux de
l'association même et ont intégré deux types d'informateurs
: les énonciateurs migrants et les formateurs de l'ASBL. En ce qui
concerne les locuteurs non confirmés, nous avons commencé par la
consultation des dossiers d'inscription en FLE des adultes, en janvier 2014,
afin d'obtenir a minima les critères suivants :
- des origines géographiques variées ; - un
répertoire langagier varié ;
64 Chaque premier dimanche du mois, l'ASBL organise un
petit-déjeuner où sont conviés tous les membres de
l'association ainsi que leur famille.
46
- une connaissance suffisante du français oral
et écrit pour comprendre et interagir en situation d'entretien
semi-directif et produire des traces écrites qui font sens.
Ce premier travail sélectif, à partir
d'une base de données de quarante-cinq personnes
répertoriées, déboucha sur l'élaboration d'une
liste de treize informateurs éventuels, répartis dans deux
classes. Les treize locuteurs ont reçu positivement l'intention
d'entretien mais pour autant ils n'ont pas été tous retenus. En
effet, certains n'ont pas donné suite, soit pour cause d'absences
répétées aux cours, soit pour motif
d'abandon65. Il est à rappeler ici que le statut des
énonciateurs migrants est varié : bénéficiaire
social du Centre Public d'Action Sociale CPAS66 (50%), mère
au foyer (20%) sans emploi (10%), réfugié (10%)67. Au
total, cinq locuteurs non confirmés adultes ont participé aux
enquêtes semi-directives et aux activités de composition
écrites, quinze au groupe de discussion. Du côté des
informateurs « passeurs d'informations », le profil des trois
éducatrices qui composent l'équipe de l'ASBL nous
intéressait de manière analogue, attendu que nos critères
relevaient de l'objectivité :
- l'âge,
- le sexe,
- la formation initiale et continue,
- le répertoire langagier,
- les locuteurs que la professionnelle a en
charge.
Toutes ont, à l'unanimité,
répondu positivement à nos observations de classe ainsi
qu'à la participation au questionnaire d'enquête.
Néanmoins, seule une formatrice nous a retournée le formulaire
complété. En terrain associatif, il faut veiller à prendre
en compte les deux catégories de la population éducative : les
formatrices qui ont un contrat de travail et celles
65 Nombreux sont les
migrants qui viennent s'inscrire seulement pour obtenir une attestation de
formation qui leur facilite l'accès aux aides sociales : selon Madame D.
entre 25 et 30%. En général, cette typologie de migrants est peu
ou pas assidue aux cours.
66 « Un CPAS, ou "Centre Public d'Action
Sociale", assure la prestation d'un certain nombre de services sociaux et
veille au bien-être de chaque citoyen. Chaque commune ou ville a son
propre CPAS offrant un large éventail de services ». Source
électronique : page officielle du « Portail Belgium »,
Informations et services officiels :
http://www.belgium.be/fr/famille/aide_sociale/cpas/,
visitée le 19.08.14.
67 Les 10% restant ne jouissant d'aucun statut
particulier.
47
qui ont un contrat de bénévole. Dans
cette deuxième catégorie, les exigences de formation
socio-culturelle sont moins exigées que dans la
première.
En définitive, l'échantillon
d'informateurs au moment du recueil des données, est composé de
huit personnes dont les variantes stables sont la migration et la profession.
Ils sont âgés de 23 à 61 ans et le groupe des 33-47 ans est
le mieux représenté. La majorité des informateurs sont des
femmes : 6 femmes pour 2 hommes. Si l'on regarde de plus près le tableau
en Annexe 1, on remarque que certains informateurs ont contribué
à la collecte de divers éléments, ce qui offre une analyse
plus large.
Lié à l'exil et donc à une
compréhension de recherche singulière, le terrain associatif de
migrants requiert une expérimentation nouvelle de notre part. Aussi,
avec l'objectif d'encourager la polyphonie des discours, nous avons opté
pour une diversité des procédés dans le recueil des
données.
Chapitre 3 : La collecte des données
L'étude ethnologique et psychosociologique du
sujet parlant dont se revendique notre méthode de recherche, justifie
notre appréhension de l'installation du locuteur en langue in
posse. À notre sens, et pour reprendre l'idée de
Hagège (1998 : 26), l'énonciateur est la manifestation
concrète, historiquement située et socialement
déterminée de la compréhension d'un idiome. Voici le
concept véhiculaire suivant lequel nous construisons notre corpus et
à partir duquel nous donnons du sens à nos résultats. Dans
cette perspective, nous examinerons l'intérêt relationnel du
questionnement préliminaire tout comme l'angle
épistémologique original généré par les
échanges naturels. Puis, nous définirons les deux outils
essentiels de notre étude : les sources écrites ainsi que les
entretiens individuels et collectifs.
48
3.1. Le questionnaire exploratoire
Outil servant « de guide et d'orientation dans
une enquête »68, le questionnaire exploratoire a
été créé spécifiquement pour les locuteurs
migrants et délivré durant la phase d'observation participante.
Inspiré du formulaire réalisé lors de notre
première mission, il contient des items d'ordre langagier,
sociolinguistique et psycholinguistique de la compréhension du
français (cf. Annexe 4) : le répertoire langagier du locuteur
(les idiomes qui le composent), les méta-représentations
(relatives à la langue française et à ses locuteurs
belges), la situation de bilinguisme (individuelle, à l'âge
adulte). Quatre autres paramètres en fin de questionnaire ont pour
objectif de documenter l'âge, le sexe, la durée de formation en
langue française ainsi que les éventuelles migrations. Le
questionnaire ad hoc a été proposé aux neufs
informateurs locuteurs répondant aux critères explicités
précédemment. Quant au questionnement pour les informateurs
« passeurs d'informations », il s'articule autour des domaines du
langage et de la linguistique-didactique des langues : le répertoire
langagier du formateur (les idiomes qui le composent), les
représentations (inhérentes à l'appropriation d'une langue
in posse), les réflexions didactiques (par rapport aux
locuteurs de leur classe). Quatre variables distinctes en fin de questionnaire
s'intéressent également à l'âge, au sexe, aux
migrations potentielles et à la formation professionnelle.
En tant que « questionnaire
pré-codé » (Mucchielli, 1993 : 23), notre enquête
initiale s'avère un instrument de première utilité pour
qui veut instaurer des relations de confiance avec les individus qui
constituent le terrain. Effectivement, les caractéristiques objectives
sélectionnées pour élaborer notre questionnaire ne sont ni
quantitatives, ni qualitatives mais plutôt corrélatives à
la prise de contact. C'est pourquoi le formulaire se revendique anonyme et
accessible d'accès en termes de remplissage69, afin de
prédisposer les informateurs à notre recherche (ibid.). En outre,
la référence large aux langues dans le questionnaire pour les
éducateurs traduit notre prudence quant aux idéologies
didactiques de chacun. Le questionnaire a été soumis à
l'attention des trois formatrices. Pour l'ensemble des
68 Source électronique : Page officielle du «
Trésor de la Langue Française » :
http://atilf.atilf.fr/dendien/scripts/tlfiv5/saveregass.exe?122;s=2456656995
; r=1 ;
69 Pour rappel nous avons affaire, pour les informateurs
migrants, à des locuteurs non confirmés de
français.
49
informateurs (hormis Madame D.), le formulaire
correspondait à notre première approche en tant que professeure
FLE bénévole.
Les réponses recensées nous ont
donné la possibilité de dresser un bref portrait introductif des
locuteurs non confirmés, que nous esquisserons, de façon plus
précise, ultérieurement (cf. Partie 3, Ch. 1) :
- l'ensemble du groupe informateur possède un
idiome in esse différent du français ;
- sept d'entre eux disposent d'une langue in esse
en commun (le turc et l'arabe dialectal) ;
- leur durée de formation en français au
sein de l'ASBL s'avère variable, entre six mois et deux ans
;
- le français est qualifié par tous
comme langue « importante/ efficace » nommément, cinq le
motive comme langue du pays d'accueil, quatre le justifient encore par le
travail et quatre par les interactions quotidiennes. L'un reconnait le
français comme un idiome qu'il ne « connait » pas. En
conséquence, il souhaite « comprendre ce qu'on dit »
;
- le français est considéré, par
ordre croissant, comme un idiome : beau pour six d'entre eux, utile pour cinq,
facile pour deux et un à valeur sociale ;
- chacun s'accorde sur les « efforts » et le
« temps » nécessaire à l'appropriation de l'idiome,
deux élicitent le facteur de « l'âge » ;
- à l'unanimité s'établir en
langue in posse revient à maîtriser la
lecture-écriture, une place prépondérante est
donnée aux fautes de langue 70, l'un insiste sur
l'écrit, un second sur « la connaissance de la culture de l'autre
» ;
70 Nous observons un décalage avec notre
première enquête de terrain. Là, les informateurs
âgés entre 11 et 17 ans ne stigmatisaient pas autant les erreurs
de langue qu'ils qualifiaient de « normales ».
- à mi-chemin, quatre locuteurs adultes
considèrent que l'appropriation préalable d'une autre langue
in esse ou fieri, facilitent la compréhension du
français, quatre le contraire. L'un d'entre eux s'est abstenu sur le
sujet ;
- une partie des énonciateurs se sent
également «exister » en idiome français, l'autre en
idiomes français et arabe. Parmi eux, un sujet parlant déclare
« être » en langue turque.
Informateurs
|
Langues du répertoire
|
AL
|
gula, français
|
E
|
albanais, français
|
I
|
arabe dialectal, français, anglais
|
J
|
arabe dialectal, français,
espagnol, néerlandais
|
M
|
arabe dialectal, français, espagnol
|
50
TABLEAU 1 : LANGUES DES REPERTOIRES LANGAGIERS DES
LOCUTEURS MIGRANTS
51
Informateurs
|
Langues du répertoire
|
L
|
français, néerlandais, anglais,
catalan
|
M-L
|
français, anglais, arabe dialectal
|
W
|
arabe, français
|
TABLEAU 2 : LANGUES DES REPERTOIRES LANGAGIERS DES
FORMATRICES71
L'attention portée aux échanges
ponctuels de la journée s'est présentée à nous
telle une continuité. Nous nous sommes rendue compte que, par ce biais,
nos relations gagnaient en caractère, le questionnaire strictement
individuel rendant la proximité insuffisante, voire impossible. D'un
point de vue humain, cet outil a développé le tissage de liens
plus sincères.
3.2. L'échange « naturel »
L'étude des actes illocutoires (dans le sens de
l'analyse en linguistique-didactique) porte à la fois sur les narrations
stimulées (les entretiens autobiographiques) et sur les narrations
libres (procédé autonymique). Si le premier genre de discours
nous permet de comprendre les rapports mentaux subordonnés au locuteur
et son appropriation de la langue in fieri, le second nous autorise
des entrées affranchies de contraintes dans l'espace discussif des
informateurs (Traverso, 1996 : 131-132).
Concept (ibid.) ou corpus (Morel, 2004)72,
la conversation ou l'échange peu dirigé présente des
caractéristiques spécifiques qui complètent notre
interprétation des questionnaires
71 Les informations concernant M-L et W ont
été recueillies à l'occasion des observations de classe et
des échanges « naturels » (cf. Partie 2, §
3.2.).
72Morel M.-A., 2004,
« Intonation et regard dans la structuration du dialogue oral », in
Interactions orales en contexte didactique, Lyon, PUL, pp.
335-348.
52
exploratoires. D'un point de vue définitoire
73 , nous sommes face à une situation de communication
équilibrée et mutuelle, inscrite dans le réel qui, en
transcendant le sensible, laisse place à la subjectivité de
l'énonciateur. Contrairement aux variables de Cosnier et
Kerbrat-Orecchioni (1991 : 7-8), les échanges naturels que nous visons
demeurent indépendants de tout appareillage thématique, spatial,
temporel ou relationnel. Seule la chercheure débutante assure une praxis
interlocutive circonspecte et se garde bien d'effectuer des coupures «
ex abrupto » (ibid.), laissant ainsi la matière locutoire
s'établir par paliers (Traverso, 1996 : 131).
Bon nombre d'échanges ont été
consignés dans notre journal de chercheure débutante, de
manière régulière, sous forme de bribes ou de dialogues
partiels. Après les avoir organisés par objet, nous avons
relevé quelques observations liminaires. Voici celles relatives aux
locuteurs de langue in fieri :
- les échanges se réalisent en
début, en fin de cours et à la pause, à l'occasion des
manifestations de loisir ;
- dès le mois de novembre, les informateurs en
sont les initiateurs. Par la suite, les prises d'initiative sont plus
spontanées et s'équilibrent mieux entre les informateurs et
l'apprentie-chercheure ;
- les thèmes récurrents sont par ordre
croissant : la famille, les communautés, l'apprentissage du
français, la connaissance de l'autre, des questionnements sur la
construction des énoncés en langue in fieri pour un
usage externe.
Et pour ce qui est des formatrices :
- les échanges se réalisent en
début, en fin de cours et à la pause, à l'occasion des
repas du midi, lors des réunions pédagogiques ;
- les conversations sont équilibrées
avec la directrice, plus sporadiques avec les éducatrices, et ce
jusqu'à fin mai74 ;
73 Source électronique : Page officielle du «
Trésor de la Langue Française » :
http://atilf.atilf.fr/dendien/scripts/tlfiv5/visusel.exe?27;s=2506786680;r=2;nat=;sol=1
;
74 Des relations « compliquées »
lient les éducateurs de l'ASBL. En tant que nouvelle venue, il n'a pas
toujours été simple d'entrer en contact franc avec les deux
formatrices de français.
53
- les thèmes récurrents sont par ordre
croissant : les vicissitudes de la profession (en l'occurrence les
planifications des cours et le calendrier des stagiaires), ses aspects
pédagogiques et didactiques, le manque d'assiduité et le niveau
en français des apprenants, la connaissance de l'autre.
En nous appuyant sur le questionnaire et
l'échange naturel auprès des informateurs de l'association
Avenir, nous envisageons le terrain au travers de représentations
émiques. En effet, nous avons constaté des rapports
co-mobilisateurs dans lesquels éducateurs et énonciateurs non
confirmés tendent à un résultat commun qui est
l'appropriation de la langue française. Cependant, les relations entre
locuteurs et formateurs se révèlent dissymétriques, ces
derniers revêtant une position institutionnelle supérieure
à celles des énonciateurs. De plus, entre les migrants, on
perçoit une asymétrie culturelle due aux origines communautaires
de chacun75.
Au vu de ce bilan et comme nous étions dans une
perspective de collecte d'éléments écrits, une
séquence sur la « relativisation culturelle » (Blanchet,
Chardenet, 2011 : 461) nous a paru congruente.
3.3. Les sources écrites
Les sources écrites en ont fait l'objet de
nombreuses études, notamment chez les chercheurs français,
québécois et suisses. Récemment Molinié (2011 :
144), comme nous l'avons signalé plus haut, a pensé le processus
identitaire comme consubstantiel de l'acte d'écrire. Précisons :
Blanchard (2006 : 201) fournit des éléments de réponse en
attestant que la production écrite se réalise en fonction «
des connaissances, des usages et des représentations »,
c'est-à-dire selon les particularismes individuels. Ce qui, mis en
relation avec notre première partie (cf. § 2.2), renvoie aux
phénomènes intériorisés de la compréhension
d'un idiome in posse. Alors, si la réflexivité est le
« Potentiel que le sujet développe et qui fait partie de son
identité »
75 Les deux communautés les plus
représentées au sein de l'association sont les marocaine et
turque.
54
(Desmarais, 2006 : 137), l'écriture
expressive76 en langue in fieri apparaît comme un
moyen légitime de repérage des organisations mentales
sous-jacentes. Nous adhérons donc à une certaine
transférabilité des recherches sur les corpus oraux aux corpus
écrits, aux niveaux :
- notionnel du syntagme d'identité, le locuteur
/ scripteur estime les compositions linguistiques et crée une figure de
soi (Onillon, 2008 : 142) ;
- psycholinguistique, la quintessence de l'acte
d'écrire pénètre la conscience individuelle de tout
énonciateur (Capdevielle-Hounieu, 2011 : 27) et sert
l'interprétation des mondes de la réalité et de
l'imaginaire (Sartre, 1964 : 117).
Du reste, le moment avéré de
bilinguisme77 ne renferme pas les mêmes habiletés
à travers la langue orale et écrite (Paulin, 1994: 125), ce qui
nous permet d'appréhender un éventail additionnel de
schémas intellectifs. À notre sens, la « conquête
» de l'intuition grammaticale par le locuteur non confirmé
relève de rapports mentaux d'ordre qualitatif. Continuum de
notre postulat, le projet interculturel, mené d'avril à juin
2014, auprès des locuteurs FLE a pour but d'éliciter « [...]
l'identité mouvante, susceptible de métamorphoses »
(Capdevielle-Hounieu, 2011 : 27).
Nous concluons l'exposition et la justification d'un
de nos deux outils de recherche essentiels, par la présentation
même des sources écrites. Ces dernières se
révèlent de trois sortes et sont issues de l'ouvrage
pédagogique réalisé par l'ASBL Alpha de
Bruxelles78 (2010 :15-28) :
- une description de soi et une description d'une
autre personne de la classe, qui sont la première étape dans
l'item du livre « moi et moi-même » ;
- un calligramme, qui correspond à la seconde
étape du même item ;
- un schéma commenté, qui relève du
deuxième item « moi et mon environnement ».
L'ensemble de ces productions, réalisé
en classe de FLE, a donné lieu à la création d'un livret
sur l'identité qui, après nos prises de notes, ont
été remis à leur créateur.
76 Par opposition à l'écriture
graphique.
77 L'expression est à concevoir selon la
théorie de Bajriæ « pour désigner tout locuteur qui
[...] entame un apprentissage quelconque de deux langues [...]» (2013 :
160).
78 Centre de documentation du Collectif Alpha ASBL,
2010, Identité culturelle. Se connaître soi pour comprendre
l'autre, Bruxelles.
55
Nous sommes d'avis que ces travaux écrits sont
une passerelle transitoire vers les entretiens collectifs et individuels. Ce
franchissement recueille la façon originale dont les locuteurs se
figurent le moment au cours duquel, a priori, se débat, se
co-définit et définit l'identité en langue in
posse.
3.4. Les entretiens
En matière d'entretien il importe de souligner
que des qualités de description, de fonctionnalité et de
compréhension scientifiques (Blanchet, 2011 : 74) sont requises.
L'entretien se détermine autant par sa propriété d'outil
méthodologique des identifiables que par sa faculté à
soumettre et proposer des thèmes d'étude. En ce sens, il souscrit
à la mise sur pied d'une démarche efficace dont l'objectif est
d'acquérir une certaine représentativité du sujet
traité. Pour parvenir à sa réalisation, le chercheur doit
au préalable se représenter intelligiblement la situation de
terrain et prendre connaissance des possibilités offertes en termes
d'enquête. C'est ce que nous avons modestement tenté de
réaliser.
Nous sommes en février 2014 - date à
laquelle débutent nos entretiens généraux- et il va de soi
qu'à ce stade de notre recherche, notre statut de chercheure
débutante est explicité de manière honnête. Nous
adhérons à la théorie de Blanchet (2011 : 73-74) qui nous
fait reconnaître les agents de terrain non pas tels « des cobayes
» mais tels des « producteurs de savoirs ».
56
3.4.1. Les entretiens collectifs
Après avoir défini le déroulement
succinct des entretiens collectifs, nous expliciterons les techniques
d'élaboration des identifiables choisies ainsi que nos prudences quant
à la préparation. Enfin, nous commenterons la part
apportée de pareils entretiens à notre travail
d'étude.
Les entretiens collectifs se sont
déroulés sur une période de deux mois, entre les mois de
mars et avril 2014 dans les locaux mêmes de l'association Avenir, avec
une fréquence mensuelle. En effet, nous avons dû tenir compte des
contraintes institutionnelles comme la venue de stagiaires FLE79 ou
le calendrier scolaires des vacances de Pâques80.
L'activité catalyseur reposait sur le concept d'identité
culturelle tiré de l'ouvrage de l'association Collectif Alpha vu plus
haut. Le groupe classe que nous avons animé se compose officiellement de
vingt-huit adultes inscrits. En constatant le nombre élevé et
dans un souci d'exemplarité optimale de notre cas d'étude, nous
avons spontanément pensé à une réorganisation
groupale planifiée. En réalité, lors de la mise en place
des groupes de discussion nous n'avons recensé que quinze participants
au total. Ce nombre n'évoluera pas durant cette période de
l'année, nous l'avons signalé, les absences sont
fréquentes. À la suite de cette première phase de travail,
nous avons préparé nos deux questions ouvertes : « Comment
est-ce que vous vous voyez ? À votre avis, comment vous voient vos
camarades ? ». Ces dernières répondent aux exigences
formulées par la recherche sur les connaissances du locuteur, favorisant
le jaillissement des imaginaires en langue in fieri. Les discussions
enregistrées n'ont pas dépassé trente minutes et se sont
déroulées en plusieurs étapes : la présentation
d'un camarade, la présentation de soi avec un espace de parole pour les
questions relatives au regard des autres. En effet, en conclusion de la
discussion, il faut veiller à mener un débriefing intelligent
où l'apprentie-chercheure doit relever en priorité les
différenciations entre les faits, les opinions et les sentiments de
chacun, sous peine de dériver vers un conflit de groupe.
79 Les étudiants FLE que l'ASBL reçoit
doivent, pour valider leur année, exercer en tant qu'enseignant
stagiaire pour une durée globale de quinze heures de cours.
80 L'association Avenir, comme la plupart des
associations de migrants de Bruxelles, calquent ses vacances sur celles des
enfants de l'école primaire et secondaire afin d'encourager la
fréquentation régulière des locuteurs.
57
L'objet précis de cet outil réside dans
le développement spontané des interactions verbales au travers
d'un thème psychosocial pour observer et relever les
représentations in esse dans un autre cadre que celui du
récit de vie. Un tel poste d'étude autorise un regard nouveau sur
les comportements qui constituent le terrain.
Informateurs
|
Date
|
Lieu
|
Durée
|
A , AI, AS, E, EL M, F, FB, I, J, R
|
28 mars 2014
|
Local de l'ASBL Avenir
|
29 min 02 s
|
A, AL, E, G, IM, J, JU, M, R
|
4 avril 2014
|
28 min 40 s
|
Total : 57 min 42 s
|
TABLEAU 3 : DEROULEMENT DES ENTRETIENS
COLLECTIFS.
3.4.2. Les entretiens individuels
De la même manière, après avoir
défini le déroulement succinct des entretiens individuels, nous
expliciterons les techniques d'élaboration des identifiables choisies
ainsi que nos prudences quant à la préparation. Enfin, nous
commenterons la part apportée de pareils entretiens à notre
travail d'étude.
Les entretiens individuels se sont
déroulés sur une période de trois mois, de février
à fin avril 2014 dans les locaux mêmes de l'association Avenir,
à raison de une à deux fois par mois, les
58
contraintes institutionnelles restant identiques
à celles des entretiens collectifs. Les rendezvous avec les six
informateurs ont été fixés le matin, dans une petite salle
de cours adjacente à la salle de classe FLE. Aucun
réaménagement de l'espace n'a été nécessaire
attendu que le locuteur pouvait s'accommoder à son aise. À chaque
fois, l'interviewé(e) s'asseyait face à la chercheure
débutante. À la suite de cette première phase de travail,
une grille d'entretien semi-directif a été élaborée
répondant aux exigences formulées par la recherche mais cette
fois orientée sur l'expérience du locuteur, encourageant ainsi
l'émergence de la « trajectoire d'appropriation » (Jeanneret,
Pahud, 2013 : 14) identitaire en langue in posse. Ainsi les
récits de vie mettent en exergue les étapes nodales du parcours
identitaire de chacun. Les entretiens enregistrés n'ont pas
dépassé une heure et se sont déroulés en plusieurs
étapes : la description succincte du narrateur, sa situation avant la
migration, son installation en Belgique, son apprentissage du français.
Aussi après chaque interview, une fiche de synthèse a
été complétée, tenant compte des conditions
techniques, des temps forts et de l'intérêt
linguistico-didactique. Ici, l'objet rigoureux de cet outil réside dans
la cartographie des transpositions intellectives possibles effectuées
par l'énonciateur adulte en idiome in fieri (Partie 2
§1.2.).
Par la suite, nous avons procédé
à la retranscription des entretiens, et collectifs et individuels,
étape essentielle à la pérennité de notre
travail.
59
Informateurs
|
Date
|
Lieu
|
Durée
|
AL
|
11 février 2014
|
Local de l'ASBL Avenir
|
42 min 03 s
|
E
|
25 avril 2014
|
1 h 04 min
|
I
|
25 mars 2014
|
32 min
|
J
|
4 février 2014
|
47 min 55 s
|
M
|
11 mars 2014
|
35 min 22 s
|
Total : 3 h 41 min 20 s
|
TABLEAU 3 : DEROULEMENT DES ENTRETIENS
INDIVIDUELS.
Chapitre 4 : La transcription des données
La première direction analytique de cette
étude s'établit en rapport avec les activités
écrites et orales des énonciateurs non confirmés. De fait,
nous avons considéré les productions écrites comme les
échanges naturels. Les données obtenues à partir des
textes et des notes consignés dans notre journal de bord.
Après quoi, la seconde direction analytique de
la recherche s'est ajustée aux énoncés des
énonciateurs migrants. Voilà pourquoi, nous avons envisagé
les interactions de classe comme les récits de vie personnels. Les
données obtenues à partir d'enregistrements audio ont
été converties en transcriptions. Celles-ci s'avèrent
être de deux natures :
- les entretiens collectifs ont été
transposés, pour des raisons de clarté au niveau du
décodage, à la manière de l'analyse conversationnelle (Ten
Have, 2007) (cf. Annexe 7) ;
- les entretiens individuels antithétiques aux
premiers, ont été traités de façon dialogique, sous
forme de conversation accompagnée des signes typographiques de norme
française.
60
L'ensemble hétéroclite des documents
relatifs à notre étude explique que nous n'ayons pas
été assistée par des logiciels de traitement de texte.
Grâce à ce dispositif de transcription, l'articulation entre
s'écrire et se dire en langue in fieri a été
réalisable. En continuité avec notre problématique, notre
proposition cherche à rendre plus large le modus operandi de
l'appropriation du français.
Dans cette seconde partie nous avons vu la
procédure par laquelle nous avons élaboré la
méthodologie de notre enquête. Ceci a donné lieu à
des rétrospectives universitaires générant la
présentation de notre problématique actuelle et de son cadre
épistémologique. Par ailleurs, nous avons orienté notre
terrain de recherche en précisant le début et la fin de l'espace
physique et temporel ainsi que les informateurs visés. Enfin, nous avons
explicité le recueil des données et justifié leur
conversion en corpus.
Analyse
Compréhension
Enquête
Méthodologie
Phénomène langagier d'étude
:
les rapports mentaux en langue in
fieri
Observation
Terrain d'étude propice au recueil
d'identifiables
Résultat
61
FIGURE 5 : LES ETAPES DE NOTRE METHODOLOGIE DE
RECHERCHE.
Nous voilà à présent
disposée à aborder le coeur de notre étude : l'analyse
linguistique et comportementale des locuteurs adultes non confirmés,
accompagnée de propositions didactiques subordonnées.
62
PARTIE 3 : POUVOIR S'ÉTABLIR EN LANGUE
FRANÇAISE : ANALYSES QUALITATIVES ET PROPOSITIONS DIDACTIQUES
FIGURE 6 : TITIEN, 1548-1549, SISYPHE,
MADRID.
Alors que l'apophtegme de Bajriæ (2013 : 40)
concernant la langue in fieri suppose « une concordance mentale
entre le code linguistique et le code cognitif », on y pressent,
dissimulée, l'essence même de la nature humaine. En effet, tel un
locuteur imparfait attendu qu'il s'avère inhibé face au
génie de l'idiome potentiel, le nouvel arrivant se retrouve
confronté à sa « défaillance » (Levivier, 2011
:77) intellective, « privé des spécialisations qui
permettent à chaque espèce de survivre » (ibid.). Ce que le
linguiste-didacticien nomme la « néoténie linguistique
»81, n'est autre que la caractérisation de
l'évolution langagière de l'Être au travers d'une
trajectoire temporelle. En cela, tout énonciateur paraît passer
d'une situation in esse à une situation in fieri via
un état ralenti dit « foetal » (Bolk, 1961 : 248) : la
condition in posse. En conséquence, l'aspect fragmentaire des
langues, dû à une matrice linguistique embryonnaire, catalyse des
représentations ainsi que des attitudes fondatrices
81 Cf. Bajriæ, 2013 : 36-44.
63
d'identité (Mudry, 2005 : 34), relevant du
problématique phénomène de Sisyphe (Baroni, Jeanneret,
2009 : 8)82.
Chapitre 1 : Analyse détaillée des
profils des locuteurs ou le modus operandi
Avec ce premier chapitre, nous ouvrons la partie
« concrète » de notre travail c'est-à-dire que nous
nous immergeons dans la réalité physique, et bien entendu
linguistique, de notre cas d'étude. Notre dessein consiste donc à
parcourir les données matérielles provenant de nos outils
méthodologiques afin de rendre compte de l'orientation cognitive des
énonciateurs. Ce cheminement s'efforcera de démontrer la «
trajectoire » temporelle et linguistique mis en jeu. Néanmoins il
nous faut signaler que notre analyse n'a finalement pas pu inclure les
éléments provenant des sources écrites. La principale
raison implique la tangibilité restreinte des signes produits par les
locuteurs. A l'heure de l'analyse proprement dite, nous nous sommes rendue
compte que les sources écrites n'étaient pas exploitables. En
réalité, cela s'explique par le statut de scripteur
débutant des sujets. C'est pourquoi, nous avons décidé de
les écarter sous leur forme matérielle et avons opté pour
une « retranscription », par le biais de l'examen des entretiens
collectifs. De fait, ces derniers à thématique interculturelle
concernaient les activités autour de ces écrits.
L'analyse du recueil de données est soumise
à une méthode tripartite qui rappelle nos objectifs de recherche
(cf. Partie 2, § 1.2.) :
- (b) le modus operandi de
l'établissement du sujet en langue in posse, qui a pour point
de départ les questionnaires à l'attention des locuteurs, et qui
est déterminé par le biais des entretiens collectifs
;
- (a) la désignation des signes
linguistico-cognitifs, qui sera définie, en conséquence, par le
contenu des entretiens individuels ;
82 « Les mythes sont faits pour que l'imagination
les anime. Pour celui-ci, on voit l'effort d'un corps tendu pour soulever
l'énorme pierre, la rouler et l'aider à gravir une pente cent
fois recommencée ; on voit le visage crispé, la joue
collée contre la pierre, le secours d'une épaule qui
reçoit la masse couverte de glaise, d'un pied qui la cale, la reprise
à bout de bras, la sûreté tout humaine de deux mains
pleines de terre. Tout au bout de ce long effort mesuré par l'espace
sans ciel et le temps sans profondeur, le but est atteint. Sisyphe regarde
alors la pierre dévaler en quelques instants vers ce monde
inférieur d'où il faudra la remonter vers les sommets." (Camus,
1942 : 165).
64
- (c) les actions didactiques orientées, qui
seront précisées grâce au bilan des analyses des deux
objectifs antérieurs ainsi qu'aux observations de classe et aux
échanges naturels avec les formatrices.
Compte tenu de l'ampleur de notre exemplier
d'observables, intimement lié à l'investigation sociologique,
nous avons souhaité mener un travail d'herméneute basé sur
« l'expérience humaine » et « le savoir produit par ces
enquêtes » (Paillé, Mucchielli, 2012 : 86). En
témoigne, en Annexe 6, notre « canevas investigatif » (ibid. :
207-229)83. En outre, l'examen des questionnaires initiaux ainsi que
des groupes de discussion nous a amenée naturellement vers l'analyse
thématique, déterminante et comparative, qui nous permet
très justement de « dégager un portrait d'ensemble »
(ibid. : 17) du corpus.
1.1. Présentation des résultats issus des
questionnaires exploratoires
Outil de «guide et d'orientation
»84 dans notre recherche, le questionnaire exploratoire nous a
procurée, dans un premier temps, la possibilité de dresser un
portrait introductif des locuteurs non confirmés (cf. Partie 2, §
3.1.). Il est donc tout à fait à propos dans notre
démarche qualitative, en tant que soubassement, pour éprouver
notre seconde hypothèse (b). Notre objectif est de mettre à jour,
pour notre cas d'étude, le processus d'appropriation de la nouvelle
langue. Notre dessein reste également à identifier les rapports
manifestes entre les représentations du sujet parlant et la
compréhension de l'idiome français. Pour mémoire, notre
échantillon se constitue d'éléments relatifs à neuf
énonciateurs adultes, relevés entre les mois de novembre et
décembre 2013.
D'une manière globale, les réponses au
questionnaire sont toutes chargées de représentations de sens
langagier (in posse), de compréhension de l'idiome (in
fieri), ou de symbolisme
83 Cf. Annexe 4.
84 Source électronique : Page officielle du
« Trésor de la Langue Française » :
http://atilf.atilf.fr/dendien/scripts/tlfiv5/saveregass.exe?122;s=2456656995
; r=1 ;
65
identitaire (in esse). Ainsi, nous avons
identifié les imaginaires par un diagramme à thématique
temporelle85.
85 Le diagramme est organisé selon la
genèse de l'image mentale du temps, en langue française, du
linguiste Guillaume. Les nominations des trois images font
référence au cours de Bajriæ (2012, 16D593/4 : 79). Ces
dernières font référence à l'oeuvre picturale de
Kahlo.
"INITIALES"
"MEDIANES"
"FINALES"
0
FIGURE 7 : LES REPRÉSENTATIONS DES LOCUTEURS NON
CONFIRMÉS.
1
1.1.1. Les représentations « initiales
»
Dans une empreinte de langue nouvelle, la connaissance
sociolinguistique échappe et le locuteur ne voit rien du lien logique
qui pourrait le colliger à certains signes. Si nous examinons le
diagramme précédent bas en haut, nous discernons trois moments.
Pour le premier relatif aux représentations « initiales »,
nous le rapprochons des explications comme suit :
- « Importance/efficacité dans le travail
et la vie quotidienne ». Élément cité à
l'unanimité par les neuf informateurs migrants sondés, nous y
reconnaissons la marque de la richesse, voire de la production appliquée
au concept de langue française. Nous constatons donc une parenté
frappante entre l'idiome in posse et les activités humaines
susceptibles de parvenir à l'appropriation et/ou à la
satisfaction d'un objet. En outre, le nom porteur de qualité, «
efficacité », mérite une attention spéciale, qui
entendu dans le sens d'accroissement, participe à l'action d'exister, de
générer ;
- « Beauté, utilité,
facilité, à valeur sociale ». Autres substantifs abstraits,
ces derniers étaient proposés sous forme d'adjectifs
qualificatifs à la carte et, par conséquent, sont le
résultat d'un choix pondéré 86 . Cette
sélection spontanée repose sur un code personnel qui assigne ou
non une propriété à une chose, ici l'idiome
français, sans que nous puissions saisir la loi de son processus. Il
semble qu'elle appartienne à l'identité de l'énonciateur
;
- « Appartenance du territoire belge ». La
locution renvoie aux phrases des sujets parlant telles que : « J'habite
en/à Belgique » « Je suis de/de la Belgique ».
D'après ces signes phrastiques constatés dans les
réponses, nous voyons que la langue française renvoie aussi
à un objet « ayant une existence propre » (Grevisse, 2009 :
86). Qui plus est, qui ne convient qu'à un seul espace
géographique restreint, en témoigne
86 Les expressions envisageables comme complexes dans
le questionnaire, ont été, à la demande de
l'apprentie-chercheure, reformulées par les locuteurs adultes
eux-mêmes.
2
l'emploi du nom propre « Belgique ». Nous y
retrouvons la théorie de Courthiade selon laquelle un locuteur pour
exister doit être rattaché à un territoire (Partie 1,
§ 2.1.) ;
- « Incompréhension : volonté de
maîtrise » ou « Je (ne) connais pas », « Je (ne)
comprends pas », « Je (ne) sais pas ». À
côté des déterminations de l'idiome nouveau, nous percevons
une nuance d'évolution dans la représentation langagière.
Avec la question 2 de la première partie du questionnaire, les locuteurs
se précisent comme des individus à l'aide du pronom personnel
« je » à déclinaison nominative. En ce sens, les
imaginaires deviennent mieux contextualisés et les actions
subordonnées les caractérisent davantage. Aussi, cette
quatrième catégorie recouvre-t-elle des verbes dans ce cas
intransitifs, attendu que le sujet de l'action est signalé par la
situation : « connaître », « comprendre » et «
savoir » pourvoient à la compréhension des
énoncés. Il est dans notre Partie 1, § 2.1., une
théorie selon laquelle la pluralité originelle, taxinomique et
sociétale des idiomes met en évidence la richesse des rencontres
d'ordre langagier et comportemental. En l'occurrence, l'aspect
définitoire des verbes laisse se profiler des sentiments tels que la
peur, l'incapacité ou le refus.
Par un premier relevé de ces
représentations in posse, nous devinons leur influence quant
à la compréhension de la langue française. Dès que
le locuteur n'a plus la capacité à percevoir les choses, à
construire du sens, à exprimer sa façon d'être, à se
rappeler son soi intime, il offre des schémas naïfs à son
intellect. Après tout, peut-être que cette «
catégorisation » qui « met donc de l'ordre [...] en permettant
de nous orienter » (Azzi Assad, Klein, 2013 : 13) favorise
l'établissement de l'adulte migrant en français.
3
1.1.2. Les représentations « médianes
»
Toute appropriation d'un idiome non naturel se
ramène à une remise en question cognitive. Même si les
comportements n'en sont que des signes psycholinguistiques, ils n'en
présentent pas moins les embryons de l' « Être » en
français. Les catégories relatives aux représentations
in fieri suggèrent une certaine suite d'idées
précises :
- « Efforts/temps ». À cette
première question de la deuxième partie du questionnaire, les
neuf informateurs ont répondu à l'unisson : « tout à
fait d'accord ». Les « efforts » tout comme le « temps
» sont mesurables et fractionnables. Néanmoins les deux notions ne
doivent pas être confondues. « L'effort » nécessite un
prime actant tandis que le « temps » rituel, cyclique et
nécessaire suit sa propre « espiral torcida »
(Gonzàlez, 2011 : capítulo 9). La dichotomie
contrôlable/incontrôlable rappelle à l'énonciateur sa
lutte psychologique contre soi-même et ses représentations
langagières ainsi que l'ascendant temporel de l'âge sur le
phénomène de compréhension ;
- L' « emprise de l'âge » renvoie au
concept de Bajriæ (2013 : 143) selon lequel l'énonciateur adulte
est un sujet arrivé au terme de son anthropogénie, contrairement
au sujet enfant. Avec cette remarque de deux individus « accomplis »
migrants, on a là encore cette conception du temps qui, malgré
l'âge du locuteur en formation, démontre le besoin d'une
permanence- soit continuité et stabilité - au coeur de
l'établissement en langue in posse. Âgés de 23
à 61 ans, les informateurs paraissent voir le temps comme un obstacle
à leur condition actuelle ;
- «Maîtrise
lecture-écriture-expression/Fautes de langue ». À en juger
par ces réponses majoritaires aux questions 3 et 4 de la deuxième
partie du formulaire, le choix des expressions fait écho à notre
discours antérieur (Partie 2, §1.2.) sur l'erreur
langagière, comme le symbole de l'insuffisance énonciative
(Bajriæ, 2013 : 144-152). Le souhait commun du contrôle de la
transmission vocale et de la représentation graphique en
français, sous-tend la volonté de vaincre l'erreur en langue
in fieri. Cette dernière est
très souvent vécue comme une
dissimulation de l'idiome à comprendre, une imperfection, voire une
contrevérité87 ;
- « Connaitre et comprendre la culture de l'autre
». La locution appartient à l'informateur AL, il est le seul
à cocher cette case. Nous avons ici, croyons-nous, la
schématisation de la découverte de l'autre par le biais de
l'intelligence et de la bienveillance. Ceci se verra confirmé par
l'entretien individuel et les échanges naturels où AL aboutit
à des désirs d'expérimentation des caractères d'un
groupe linguistique original ;
- « Aisance ou non (en français) due
à l'appropriation d'un autre idiome ». Le manque d'agilité
linguistique est signifié par les énoncés : « Parce
que la langue est différente », « Parce que c'est pas la
même phonétique ». A l'inverse, la commodité
langagière revêt les formes phrastiques : « Parce que je l'ai
connu/ je la connais », « Parce que ce sont presque pareilles »,
« Par exemple, je sais espagnol et le français il été
plus facile », « Parce que ça ressemble ». Les cinq
phrases ne livrent pas tout à fait les mêmes appréhensions,
notamment à cause de la dénomination du sujet même si quel
que soit le contexte, l'énonciateur se focalise sur l'objet langue. Ce
point de vue est dû à l'usage des pronoms démonstratifs
« ce » ou « ça » ainsi qu'à
l'indépendance psycholinguistique du pronom personnel « je».
Encore une fois, la charge en subjectivité est
différenciée selon que l'on ait affaire à l'un ou à
l'autre. Ce qui leur est commun, c'est le procès des verbes («
connaître »/ « savoir », « être », «
ressembler ») qui dénote un état : une description de la
condition actuelle du locuteur non confirmé. En d'autres termes, nous
possédons alors une transposition directe de la vision du monde que
l'idiome occasionne à l'énonciateur migrant. Nous la gloserons
ainsi : dans la compréhension d'une langue nouvelle, aucun signe
assimilé et exécuté ne se produit ex-nihilo. La
thématique de la comparaison entre les idiomes in esse et/ou
in fieri et ceux in posse signalée ici, renvoie
à la souvenance linguistique c'est-à-dire à la
mémoire du propre répertoire langagier en association avec
l'appropriation en cours.
4
87 Idée qui repose sur les échanges
naturels avec E, J et F, durant les mois de mars à mai 2014.
5
À l'examen des représentations in
posse et in fieri issues des questionnaires exploratoires, nous
considérons comme indéniable leur contribution à notre
recherche. De fait, la construction du locuteur non confirmé
s'expliquerait mal sans leur observation. En ce sens, les deux types
d'imaginaires se distinguent de façon réciproque. D'un
côté, par des variables dirigeant le comportement
sociolinguistique et, plus communément le déséquilibre
identitaire (in posse), d'un autre côté, par des
attitudes psycholinguistiques qui recouvrent des réalités
d'adaptation intellective (in fieri).
Qu'en est-il alors des perceptions in esse ?
Le questionnaire nous en procure une première vision d'ensemble par le
biais de la nomination de la langue naturelle, du sentiment d'exister en tel ou
tel idiome ainsi que par le parcours motile de chacun. Toutefois, force est de
constater que ces appréciations demeurent incomplètes dans la
mesure où l'on ne peut dire quels facteurs déterminent le
comportement ontologique du sujet parlant. Nous tenterons donc de le
définir par le biais des groupes de discussion, grâce à une
deuxième fonction de l'analyse thématique : la perspective
comparative (Paillé, Mucchielli, 2012 : 232).
1.2.Présentation des résultats issus des
entretiens collectifs
Pour rappel, l'objet précis de l'outil qu'est
l'entretien collectif, réside dans le développement
spontané des interactions verbales au travers d'un thème
psychosocial : celui du concept d'identité culturelle. En cela, il
permet d'observer et de relever les représentations in esse
dans un autre cadre que celui du récit de vie (Partie 2,
§3.4.1.). Il faut dire que les pensées idiosyncrasiques
exprimées sont susceptibles d'alimenter l'articulation
linguistico-didactique de notre étude. Le code utilisé pour la
transcription des échanges observés est en accord avec les
conventions exposées en Annexe 7. Nous avons mis en gras certains
éléments des discours qui nous paraissent importants pour notre
analyse.
6
1.2.1. Les représentations « finales »
Une autre source de malaise, ou du moins d'influence,
au coeur de l'établissement en langue nouvelle reste manifeste car
intrinsèquement liée à la nature de tout individu. Nous
faisons bien entendu référence aux imaginaires brutes de l'
« être », soit les valeurs et les attitudes
élaborées après la naissance, par le bain
linguistico-culturel environnant. Dévouées et constitutives des
multiples façons d'exister en ce monde, les représentations
in esse sont porteuses d'une forte dimension philosophique qui
justifie les perpétuations des comportements cognitifs
ancestraux.
Qu'ils soient monolingues ou plurilingues, les quinze
locuteurs adultes non confirmés de l'ASBL, présents lors des
entretiens collectifs, se définissent comme des personnes uniques et
indivisibles. En utilisant l'explétif « vous » dans nos deux
questions ouvertes (cf. Partie 2, §3.4.1.), nous avons souhaité
solliciter l'attention de l'énonciateur sur l'existence des individus de
la classe pour faire émerger, en langue française, le concept de
l' « Être ».
I : Curieux il est gentil un peu curieux ce que j'aime
chez lui heu ::: il respecte tout le monde. Et ::: il est
généreux et sociable j'aimerais savoir s'il a une femme ++ et si
++ il a ++ des enfants...
J : C'est R.
I : Je crois que c'est R.
[...]
E : (Rires) un peu curieux ! C'est R !
I : Non elle est pas curieux, elle est
généreux elle est respectueux. Je crois c'est R.
Dans cet extrait provenant de l'entretien collectif 1,
nous trouvons le fondement de la représentativité individuelle
qui se décide et, par la subjectivité de chacun et, par la
position linguistique des locuteurs. En accédant à l'espace de
l'autre c'est-à-dire au sujet grammatical et idéologique, les
discours produits relèvent de l'idiosyncrasie. Dans ce cas
illustré, R acquiert une intériorité inédite par
l'idiome français ainsi que par les croyances dûes à
sa
7
personne et à son rapport à
l'écologie humaine. À notre sens, les propriétés
psychologiques de I affichent toute une série d'entités lexicales
pour déterminer la personnalité de R. Les éléments
« curieux », « généreux », « sociable
» sont des attributs qui participent à la construction identitaire
de R en français. Ces syntagmes véhiculent la part d'imaginaire
de I, soit son aspect intime de la langue. En outre, les échanges
générés par la discussion accentuent la pluralité
des attitudes des sujets parlant en rapport avec la compréhension du
français. De fait, la reprise de E permet à I d'affiner sa
recherche en termes de formes linguistiques : l'énoncé « il
respecte tout le monde » a alors évolué vers l'attribut
« respectueux ». Nous passons de l'expression d'un état
à l'expression d'une nature. Il est évident que face à
« la langue de dehors » (Alonso, 2006 : 84), le locuteur mette du
temps à traduire sa pensée profonde. Comment dire alors ce que
l'on est sans être trahi par l'idiome français ?
S : Oui ? Tu veux que je lise celui-là ? Alors
on lit celui d'El M. On va essayer de voir qui est-ce. Alors, je je suis euh
::: alors ++ +++ euh ::: je crois que c'est je suis dynamique, sociable et
volontaire. Dynamique parce que je suis toujours prêt à faire tout
ce qu'il faut dans la vie quotidienne. J'espère non j'enseigne non
j'essaye d'être bien avec tout le monde. J'aime j'aime bien euh :::
être ++ euh ::: ++ +++ alors oui du coup j'aime bien être je ne
sais pas. Une personne sociable ce que j'aime chez moi euh :: c'est ++ mes
cheveux et ma volonté pour aider les autres. Ce que je donne aux autres
++ c'est ::aider tout le monde ? Vous savez qui c'est ? Donc qui est-ce
?
L'établissement dans une langue s'avère
capitale lorsqu'il s'agit de parler de soi. Se dire, se raconter, s'affirmer
sont les aspirations essentielles de tout migrant en pays d'accueil. Si nous la
transposons en termes intellectifs, cette finalité mire, à
travers le français, en direction du langage intérieur.
Énonciateur « médian », E utilise le pronom personnel
« je » car on suppose qu'elle souscrit naturellement à
être un sujet parlant par le biais de cette personne grammaticale.
Néanmoins, E demeure soumise à une acceptabilité
linguistique française qui, nécessairement, dénature sa
subjectivité. Traduttore, traditore, voilà comment nous
pourrions résumer le phénomène. Le proverbe italien met en
lumière les données exclusives et, par extension partiales, que
le locuteur doit introduire pour marquer son discours. La présence des
paires adjectifs/pronom-nom, « ma/mes »/ « autres »-«
le monde », n'est pas sans intérêt. A l'aide d'une valeur
ajoutée ontologique, l'énoncé de E distingue son «
moi » des « autres ». On assiste à une interaction
psycholinguistique entre les pronoms « je »/ « moi », les
adjectifs possessifs « ma »/« mes » et le pronom
indéfini et le nom « les autres »-« le monde » :
E
8
concentre ses propos sur son « être ».
Seulement voilà, l'informateur nous traduit un message à nous
apprentie-chercheure, qui sommes une interlocutrice « initiale » pour
la langue in esse de E. Par conséquent, le français
peut-il exprimer ses représentations « finales », sans les
tronquer ? En tant que locuteur non confirmé de français, E
a-t-elle tous les outils pour réaliser une traduction convenable ?
Peut-être que ces suppléments langagiers d'appréciation
dont E fait usage, révèlent la manière de concevoir le
monde dans son propre idiome.
Le langage est assimilable à une impulsion
génératrice (Chabrolle-Cerretini, 2007: 83), c'est pourquoi nous
envisageons les relations cognitives comme des indicateurs de
l'interculturalité des comportements linguistiques, notamment au travers
des originalités du « vouloir-dire » (Bajriæ, 2013 :
110-116).
A : Euh ::: cette photo-là ça attends
explique xx xxx
S : C'est toi A ?
AL : C'est toi ?
E : T'as fait ça parce que c'est TOI. Moi je vous
l'ai dit : il a pas compris.
A : Eh ben, c'est ::::: xx xxx c'est Monsieur A ! J'ai
mis mes chaussures eh ::: femme. Une sac pour femme et ::: je en bas une
bouche, femme aussi. Moi je pense c'est un travesti.
S : Donc c'est pas toi A ?
A : Euh :::: si te plaît tu diras pas à ma
femme ! S : Tu as dessiné un personnage alors ? A : Oui. Moi j'ai
dessiné un personnage.
Avec l'analyse précédente, nous avons
admis que les visions du monde portées par les différentes
langues du répertoire langagier de l'énonceur a des
résultantes sur la grammaticalité in fieri. Ainsi, le
morceau choisi ici, extrait des entretiens collectifs 2, est régi par
une acceptabilité linguistique extra-discursive, entendue comme
atypique. L'emploi du dipôle nom/pronom- (« Monsieur A »/«
Moi » /« je ») présentatif (« c'est un travesti
»-« c'est un personnage ») démontre les choix langagiers
opérés par A ainsi que l'énonciation
privilégiée au vu de la situation de classe. Il semblerait que
notre énonceur ait voulu « brouiller » les pistes de
l'affabilité ontologique en sélectionnant des syntagmes de la
langue
9
française dotés d'un sens particulier
à ses yeux88. L'usage du doublet « Moi »-« je
» affiche une emphase pronominale qui densifiée par la
subjectivité traduit une focalisation précoce,
pré-phrastique et pré-explicative du portrait de A : « Moi
je pense que c'est un travesti ». En outre, on suppose à la
position syntaxique du dipôle « Je »-« c'est.... »
que A expose non pas son identité psycholinguistique mais plutôt,
son avatar langagier de sujet parlant non confirmé :
S : Tu as dessiné un personnage alors
?
A : Oui. Moi j'ai dessiné un
personnage.
Assiste-t-on à un changement existentiel :
lorsque les représentations « finales » sont introduites dans
l'idiome in fieri et se changent en imaginaires « médians
» ? Est-ce une exemplarité du comportement intuitif humain face
à l'appropriation d'une langue différente ?
Aussi vrai qu'en linguistique, « La conscience de
soi n'est possible que si elle s'éprouve par contraste »
(Benveniste, 1966 : 260), les intersubjectivités exolingues
développent les facultés du locuteur à s'affirmer comme
sujet en langue nouvelle, et conséquemment, laissent éclore
l'alter et le nobis.
E : Euh ::: ben, tout ce que moi je peux voir, ce
qu'elle a dit, ce que j'ai compris, ce qu'elle présente c'est la
sourire, ça je sais par exemple. Ça on peut le voir. Et si xx xxx
les voyages, je peux pas savoir si elle aime. Et qu'elle aime bien ::: euh :::
la nature. C'est vrai plus ou moins on l'aime tous, c'est tout. Et si qu'est-ce
que t'as présenté ? Les oreilles ?
Nous sommes encline à observer dans le discours
de E, des énoncés à l'agrammaticalité
illégitime jalonnés d'hésitations et de mots
incompréhensibles. Malgré tout, nous comprenons, en tant que
chercheure débutante, qu'elle s'exerce à fournir une
identité (en l'occurrence ici) à J. Pour ce faire, E introduit
dans ses phrases sa part de représentations langagières en
articulant la paire pronominale « je »-« elle », ce qui
fait naître de cette congruence linguistique les dissemblances entre
l'ego et l'alter. Une inimitié thétique qui
entraîne l'expansibilité de tout énonceur en tant que
modèle original, indépendamment du fait que dans notre cas
d'étude, c'est la langue française qui réunit les
informateurs. Toutefois, dans une même production, les
interprétations peuvent prendre des formes variables. Dans
88 Pour avoir reformulé avec lui la consigne de
l'activité, nous sommes convaincue que A avait compris ce qui lui
était demandé c'est-à-dire se présenter à
l'aide d'un schéma commenté.
10
ledit passage, E crée un jeu de communication
entre elle et les personnes présentes lors des entretiens. Le
phénomène est permis grâce à la cohésion
qu'elle établit entre les formes et les comportements linguistiques.
Cela signifiant que E en plus de sa propre subjectivité, approvisionne
celle des locuteurs de la classe de français. En choisissant de
l'exprimer par le dipôle pronominal personnel et représentant
« je »-« on »/« tous », E concourt à la
production d'une connexité forte entre sa propre « conscience
» d'exister et celle du nobis subordonnée à la
discussion en cours. En d'autres termes, E procure une «
intersubjectivité totale » à un observable à l'
« intersubjectivité partielle » (Bajriæ, 2013 :
104-106).
Cerner et comprendre le modus operandi de
l'établissement en langue française n'est pas chose simple. La
nature de son objet- l'individu - étant incomplète, la
capacité d'observation de l'apprentie-chercheure demeure limitée
par les frontières linguistiques relatives aux langues in esse
des informateurs. Adhérant à l'idéologie
humboldtienne selon laquelle chaque idiome implique une représentation
particulière du monde, nous réalisons que l'interprétation
des résultats demeure imparfaite. Voilà pourquoi, il nous a
été nécessaire de puiser au coeur de champs disciplinaires
variés telle que la philosophie du langage. Néanmoins, loin de
remettre en cause le bien-fondé de notre analyse, nous pensons que les
apports de données issues des questionnaires exploratoires ainsi que des
entretiens collectifs ont conduit à l'élaboration de notions
judicieuses. De fait, l'appropriation de la langue française a
été définie comme une trajectoire temporelle régie
par les images mentales de l'espace dans lequel s'entremêlent les
évènements et se vivent les existences : le temps. Grâce
à l'analyse détaillée des profils des énonceurs de
l'ASBL, nous avons dégagé trois types de représentations
en accord avec le processus exposé ci-dessus et avons retracé
l'influence des imaginaires ontologiques et langagiers comme des
éventuelles ressources de compréhension du français.
Enfin, l'établissement en idiome in fieri a été
assimilé à un ensemble d'éléments d'ordre mental
qui relève de la subjectivité du locuteur ainsi que de toute
langue naturelle.
11
Chapitre 2 : Justification des données
d'intelligibilité des comportements psycholinguistiques
«L'intérieur de l'homme est un cadenas
dont la langue est la clé », c'est avec cet adage malien que
s'ouvre le livret linguistico-ludique francophone « Dis-moi dix mots
» de l'année 201289. Au travers des discours de nos
informateurs migrants, nous allons tenter de saisir des « clés
» c'est-à-dire des positions essentielles complémentaires
dans la mise en mots du soi in fieri. Par souci de recevabilité
des résultats, nous procéderons à une analyse par
confrontation thématique des cinq « portraits » disponibles.
Leur examen individuel a été réalisé grâce
à notre outil ethnologique, ledit « canevas investigatif »
(cf. Annexe 6). Quant à l'ordre de leur présentation dans le
texte, il est conforme à la succession temporelle des
entrevues.
2.1. Quand « la cartographie de l'intime »90
est alternée
Dans les pages qui suivent nous présenterons
des échanges exolingues duels dans lesquels les informateurs souscrivent
à une narration de leur « Être » sans se
préoccuper, croyons-nous, de la construction des unités de
communication. Du moins, c'est ce vers quoi nous avons essayé
d'accéder par le biais des entretiens individuels qui nous semble-t-il,
favorisent particulièrement la compréhension de notre objet de
recherche. Leur examen confirme et affine les idées du paragraphe 1.1.2.
précédant : les déséquilibres sociologiques et
identitaires autour du nouvel idiome se relayent, quel que soit
l'énonciateur du discours.
89 "Dis-moi dix mots" est une opération
internationale francophone de sensibilisation à la langue
française qui se déroule tout au long de l'année scolaire.
Elle est organisée par les ministères de la culture et de la
communication de la Fédération Wallonie-Bruxelles, de France, du
Québec et de la Suisse romande. Dans ce cadre, les ministères de
l'éducation organisent des concours de création littéraire
ouvert aux collégiens et aux lycéens. Les élèves
sont invités à jouer avec dix mots et à les mettre en
scène sur tous les modes d'expression possibles. Ledit livret est
conçu avec la collaboration de l'Organisation internationale de la
Francophonie, par le réseau des Organismes francophones de Politique et
d'Aménagement Linguistiques (OPALE).
90 Délégation générale
à la langue française et aux langues de France, 2012, Dis-moi
dix mots qui te racontent, Paris, Ministère de la Culture et de la
Communication, p. 2.
12
Nous débuterons notre parcours analytique par
l'étude du « portrait » de J, la première informatrice
enquêtée au sein de l'ASBL. Face à notre question
«est-ce que tu pouvais communiquer avec les gens en français ?
», J déploie une attitude subjective à petit format
discursif qui laisse entendre une adéquation sémantique entre
institution collective, contrôle de connaissances et le statut de
locuteur confirmé :
103. J : Première fois j'ai essayé, oui
j'ai essayé euh j'ai été ici vingt jours et je suis venue
toute seule ici à l'école, je cherche mon mari il m'a dit ici
à l'école, je cherche avec ma grand, la grand-mère de mon
mari, je cherche et L... euh :: pas L, W il a donné un rendez-vous, il a
dit deux jours tu peux venir, je suis venue j'ai fait exam.
En tant que sujet pensant de cette interview, J se
place dans l'espace matériel de l'association mais aussi dans l'espace
mental de l'énonciation. L'usage de l'adverbe « ici » semble
être de type réflexif, en ce sens où l'informatrice est
alors identifiée comme locutrice grâce à un endroit et ses
cours de langue : l'ASBL Avenir. Toutefois, la compréhension de son
énoncé reste difficile dans le sens où la chaîne
parlée n'est pas coordonnée par des prépositions logiques
telles que « après », « ensuite». Seul l'ordinal
« première fois » en début de séquence cadre
chronologiquement la narration, même si l'on s'attendrait à ce
qu'il soit accompagné d'un article comme « la », qui le
définirait nominalement. Une autre difficulté linguistique de la
langue française n'est pas surmontée par J, celle du rapport
d'antériorité dans le temps qu'atteste la préposition
« dans » dans l'expression « il a dit deux jours
».
Plus tard, lorsque nous lui demandons si elle «
aime bien le français », J décrit son « penchant »
en rapport avec un projet extra-scolaire :
203. J : Depuis que je quitter l'école,
toujours j'ai dit dans ma tête il faut que je prends le français,
ça fait quinze ans, et voilà, je prends le français, Dieu
est grand.
On constate de prime abord, que son intention est
reliée à son passé soit à son identité
in esse. Puis, en précisant à l'aide du verbe
impersonnel « falloir », que suivrait selon le canon linguistique
français un subjonctif, J se place tel un sujet parlant en devenir,
orienté vers l'accomplissement langagier. En conséquence, sa
position maintient une harmonie de pensée avec la notion de
genèse de l'image mentale du temps selon Guillaume. D'ailleurs, nous
retrouvons, un peu plus tard dans la narration, la même occurrence
à chronothèse virtuelle :
13
205. J : Oui xx xxx la vérité, ça
fait quinze ans, que j'ai quitté l'école, toujours j'ai dit il
faut que j'apprends le français et j'apprends le français
*inchallah* et c'est grâce à Dieu.
Nous remarquons que les termes lexicaux
employés par J offre un aperçu de son état
intermédiaire, où se répartissent de manière
déséquilibrée les idiomes in esse et in
fieri. La transition linguistique de J ne semble pas
réalisée attendu que se succèdent dans un même
mouvement cognitif situé (« avec lui ») des conditions de
locuteur confirmé et de locuteur non confirmé. Par ailleurs, les
tournures « ça fait quinze ans » et « toujours »
manifestent davantage la position statique des potentielles de la locutrice en
français. Elle ne peut se situer matériellement dans la dynamique
in fieri et omet, ou méconnaît alors, le point de
référence initial temporel induit par la préposition
« depuis ».
251. S : Tu trouves que c'est bien de parler arabe avec
lui ? Pour toi c'est bien ?
252. J : Pour prendre le français c'est pas
bien d'un autre côté mais pour bien expliquer, bien comprendre
aussi, je trouve ça c'est facile pour moi.
En réalité, J reprend la
réflexion de la conformité intellectuelle en français que
trahit notre question, et l'évalue selon ses propres
appréciations. À notre estimation langagière traduite par
l'adverbe « bien », J fait concorder les verbes transitifs «
expliquer » et « comprendre ». En tant que locuteur francophone,
nous croyons que J suggère ses propres comportements in esse :
d'une part, son habileté à développer et à
démontrer des notions (« expliquer »), d'autre part son
état linguistique accompli qui se compose d'un nombre infini de
schémas cognitifs (« comprendre »). C'est pourquoi, ces actes
rendus proches dans le discours, voire peut-être familiers dans l'espace
de vie, par le pronom démonstratif « ça », rendent
compte des contraintes intellectives qu'implique l'établissement dans un
autre idiome. De fait, une première conclusion sur ces extraits, nous
laisse penser que J évolue de façon alternée entre son soi
in esse et une identité in fieri qui a du mal, en
situation, à trouver un équilibre.
A l'inverse, AL se trouve dans l'espace et dans le
temps de la langue française : son appropriation a des
caractéristiques communes avec la pétrification in
esse.
186. AL : C'est la même langue. Par exemple si
tu parles en allemand, c'est... pour aller il faut recommencer à
zéro, parce que pour être à l'aise dans un pays, il faut
parler la langue, ça c'est obligé. Tu tu tu.. moi, moi je ne peux
pas quitter la Côte d'Ivoire pour aller parler les gens.. Les allemands,
le français, ils vont pas, ils vont même pas me regarder, parce
que la langue dont je parle il ne sait pas c'est quoi ,alors là c'est
à moi de me concentrer, connaître leur langue, parce que ça
va m'aider à m'intégrer, mais je peux pas quitter de la
Côte
14
d'Ivoire pour venir imposer ma langue en allemand,
c'est impossible, c'est pourquoi j'ai vu que en Belgique on parle le
français et néerlandais, et comme je suis francophone, je me suis
dit que je suis bien ici.
Selon nous, trois éléments nodaux
traduisent la subjectivité du locuteur : les dipôles pronominaux
« j'/je »/ »moi/me »-« ils » et adjectivaux
« ma »-« leur », l'emploi des expressions impersonnelles
« il faut parler »/« ça c'est obligé » et la
présence du verbe attributif « être ». La construction
binaire pourvoit au tour de parole une valeur identitaire constructive. La
position syntaxique du pronom personnel tonique « moi »,
antérieure à celle de l'adjectif possessif pluriel « leur
», exprime la responsabilité personnelle de AL vis-à-vis de
la situation extralinguistique. En outre, le signe grammatical « moi
» dans la proposition infinitive « c'est à moi » accentue
l'implication du sujet parlant, en décrivant une situation
d'énonciation rattachée à l'idée d'appartenance. La
seconde donnée procure au discours un effet emphatique qui paraît
en appeler à la subjectivité de l'interlocuteur. AL
déclare une opinion engagé par le biais de formes neutres, «
ça c'est obligé », comme pour atténuer son statut de
sujet dans l'énonciation. Au regard des tours de parole
précédents, on peut supposer que l'informateur démontre
une relative dépossession de soi en raison de son histoire politique
personnelle. Enfin, un dernier paramètre concerne le choix de l'adjectif
attribut usité par l'énonciateur dans « je suis francophone
». Privé de son terrain contextualisé, le syntagme serait
rendu semblable à l'identification d'un locuteur de français
confirmé tel un Canadien, un Suisse ou un Belge. Dans notre cas
d'étude, la construction phrastique énonce une pensée de
AL qui le conforte et l'assoit, peut-être aussi aux yeux des autres, en
tant qu'ayant droit linguistique. Cette subtile variation langagière se
voit renforcée dans l'énoncé par l'adverbe « bien
», garant de la conformité situationnelle de notre
énonceur.
164. AL : Non je me sens bien parce que dans
l'association y a du monde et tout un chacun a son comportement donc il faut,
il faut, il faut t'adopter, il faut pas faire comme tu es chez toi, tout un
chacun a son comportement donc c'est à toi de connaître les gens
à qui il faut, tu peux faire quelque chose avec lui, à qui tu
dois te méfier, donc dans la société c'est toujours comme
ça, mais... d'abord il faut te respecter, si tu te respectes tout le
monde je pense que tout le monde peut te respecter aussi. Je me sens à
l'aise ici, malgré que je suis le seul peau noire ici mais je me sens
à l'aise.
Dans cet extrait, on retrouve les
éléments relevants cités auparavant, notamment les
récurrences emphatiques ainsi que la notion d'appartenance et de
responsabilité : « il faut »,
15
« c'est à toi ». Par ailleurs, la
finalité de l'adverbe « toujours » correspond parfaitement
à sa sémantèse originelle qui marque la durée sans
discontinuité, vu qu'il est combiné avec le verbe «
être » au présent. Affecté de l'idiolecte, la sentence
fait connaitre les certitudes de AL quant au respect linguistique et
comportemental dû au pays d'accueil.
162. AL : Métier... parce que tu peux pas avoir
de l'argent sans travail et le travail aussi il faut apprendre le métier
donc euh... et si tu veux voir aujourd'hui je viens le cours du français
ici c'est par rapport à un métier que je voulais faire, pour
faire ça, il faut être... il faut être compétent je
crois dans... c'est pourquoi je suis là.
Ce passage nous interpelle pour une raison
précise qui intéresse, encore une fois, la subjectivité du
sujet parlant. La tournure impersonnelle persistante « il faut »
s'accompagne d'un adjectif qui donne à la lexie une importance
pragmatique. Dans un tout autre cadre que celui de l'association, le vocable
« compétent » concerne la formulation d'aptitudes ou
d'habiletés dans un domaine précis. Contextualisé dans
notre cas d'étude, le même syntagme explique les savoirs
linguistiques que connait tout individu en langue. En ce sens, AL offre un
degré de performance tel qu'il l'entend en matière
d'appropriation d'idiome.
Au vu de l'analyse de ces tours de parole, on se rend
à l'évidence : AL se considère et se parle en tant que
locuteur confirmé de langue française. Par conséquent,
nous ne sommes point surprise de transcrire les propos suivants :
208. AL : Ben je peux dire que avec mes amis on parle
le français de la rue hein, ah oui ! Si c'est sérieux maintenant
on parle le français de l'école mais avec les amis, ça
ça est dans notre sang.
A l'image de toute langue, le français est
nanti de nombreux sens métaphorique et il en joue. En d'autres termes,
la voix humaine, soit l'énonciateur confirmé, s'en
délecte. D'un point de vue définitoire, la rhétorique
consiste à établir une ou des analogies entre deux entités
qui disparates, sont alors confondues. Une éloquence langagière
qui n'est attribuée en général qu'au sujet parlant
confirmé et, qui plus est, talentueux ou... compétent. En
utilisant cette figure de style, AL satisfait à sa propre
subjectivité dans la mesure où « ça est dans notre
sang » remplit la fonction d'attestation, d'authentification de sa
qualité de locuteur francophone. Concomitamment, l'énoncé
extériorise le lien ontologique qui habite AL comme s'il émanait
de son idiome in esse c'est-à-dire de son être
transcendantal héritier d'une
16
lignée. Par la même, cet exemple regagne
la thèse d'Humboldt selon laquelle l'idiome est une energeia,
tout comme ici elle représente par le « sang », une
vitalité. Par conséquent :
175. S. : Qu'est-ce qu'il te manque alors pour bien bien
bien parler français ?
176. AL : Bon.... euh... je pense que l'article me
manque en français.
À l'aide d'une proposition complétive
positive, AL formule ses carences linguistiques générant une
certaine influence sur les pensées exprimées. De fait, le
locuteur par le choix de cette tournure discursive, pose sa personnalité
dans le temps mental de la compréhension in fieri. À
première vue et au terme de cet examen, le changement virtuel dudit
locuteur nous semble plus qu'opératif.
Avec M, nous assistons, comme pour J
précédemment, à une division idéologique. Le
passage qui suit contient des éléments pertinents dont un doublet
pronominal « je »/ »moi »« ils »/ »elles
» ainsi que la locution verbale « je suis pas d'accord ». Les
deux données s'en rapportent à la subjectivité de
l'énonceur.
26. M : Non.... Moi je veux pas des histoires alors tu
obéis à Maroc et voilà c'est ça. Après, je
viens à l'ASBL pour apprendre français et pas arabe. Je veux
vivre à Belgique Saint-Josse. Tu comprends ? C'est bien oui. L'arabe moi
je le sais déjà. C'est pour ça.... Quand.... Mardi.... Euh
::: ils se disputent pour pour l'arabe, je suis pas d'accord. À l'ASBL,
c'est parler le français pas l'arabe. Madame L. elle a raison. Xx xxx je
reste chez moi alors. Je comprends pas ça. Je crois c'est la la la
chance de parler français et avoir des professeurs pour ça. Mais
... y a des personnes qui ne... mmm savent pas. Elles sont pas contentes et
veulent arabe. Pourquoi ?... euh ::: je je sais pas.
Le dipôle souligné supra
fonctionne en langue française comme une marque de distinction
syntaxique fréquente se référant, dans le temps de
l'énonciation, à la présence de tiers. En
conséquence, ledit ensemble binaire peut manifester toute sorte de
sentiments allant du constat à l'émotion. En outre, en son
absence, l'énoncé français se réduit à une
chaine parlée incompréhensible pour et par tous. Par nature, le
système linguistique francophone se caractérise par ses
référenciations personnelles et interpersonnelles qui traduisent
une individualisation de soi. A l'instar de AL, l'énonceur produit un
discours comme une objectivation dialogique du monde de l'association : «
moi »/ « les autres » à laquelle il participe. On peut en
effet concevoir que l'usage de la locution verbale d'état « je suis
pas d'accord » veuille transmettre expressément une idée de
rupture. Plus qu'une description, cette lexie reflète un trouble
affectif personnel au locuteur. En réalité, le tour de parole
n'est
17
pas insignifiant en ce sens où il signe une
séparation d'avec quelqu'un ou quelque chose. Ici, l'énonciateur
non confirmé omet l'usage de la préposition relationnelle, ce qui
rend la préhension de ses sentiments incomplète. En adoptant une
telle expression d'opinion, M devient apte à donner son avis, à
s'affirmer ontologiquement dans ce cas, au travers de la négation d'une
situation : celle de l'irrespect linguistique.
Issu du même passage, les sentences suivantes
:
26. M : Non.... Moi je veux pas des histoires alors tu
obéis à Maroc et voilà c'est ça. Après, je
viens à l'ASBL pour apprendre français et pas arabe. Je veux
vivre à Belgique Saint-Josse. Tu comprends ? C'est bien
Là encore, la sémantique
contextualisée fait foi pour une bonne compréhension du
monologue. Le substantif « histoires » définit
l'acceptabilité de l'examen de la subjectivité discursive. Le
locuteur confirmé devinera le sens figuré de cet
énoncé c'est-à-dire, le refus de soucis ou de
problèmes quelconques. La phrase demeure alors coercible à une
volonté comportementale introduite et, par les emplois habiles du verbe
transitif « vouloir » et, par la négation orale « pas
». D'autre part, la réitération de ce même verbe
quelques vocables plus tard, conforte l'intention ferme du sujet parlant en
termes d'opinion. « Je veux vivre à Belgique Saint-Josse » met
en exergue non seulement le sentiment vital d'être pour M, grâce
à la forme nominale du verbe à l'infinitif mais également,
la vision spatiale limitée que la locution nominale suppose. Deux
possibilités peuvent être déclinées : ou
l'énonceur a omis la préposition « à »
après l'idiolecte « Belgique », ce qui rendrait cette portion
de phrase syntaxiquement correcte, ou bien M souhaite explicitement
préciser son lieu de vie comme celui du pays-quartier « Belgique
Saint-Josse ». Enfin, la présence du pronom personnel sujet «
je » paraît attester le statut de locuteur transcendantal de
M.
Au fil de l'entretien, notre informateur passe de la
paire pronominale « je »-« ils »/ « elles » au
doublet du même type « je »-« eux ».
18
62. M : Non. Oui.... Non, non. Pas de soleil mais le
le le contact avec les gens vraiment difficile pour moi. Je ne sais pas faire
comme eux euh ::: pas dehors, pas le bruit, pas la famille. Je comprends pas
quand j'arrive... Mmm maintenant ça va, ça va. Un petit mieux
hum.
Les entités sémantiques ont
évolué vers le pronom personnel sujet de la troisième
personne du pluriel. On y discerne une suite d'idées qui pourrait
être honorablement endossée par un locuteur confirmé. Ici
la maîtrise de la syntaxe est nécessaire. La place du pronom
personnel de la troisième personne du pluriel « eux » oriente
le sens du tour de parole. L'unique chose présumable est que M ait voulu
se référer aux « gens » par l'utilisation de la
proposition comparative « Je ne sais pas faire comme eux ». «
Eux » se voit coordonné au substantif sujet « les gens ».
De fait, la phrase procure à l'énonciation un renseignement
inhérent aux capacités et/ou aux connaissances du locuteur
concernant, supposons-nous, la langue et la culture des autochtones. De prime
abord, M paraît en être au stade de représentation des
éléments environnants : la langue française, la langue
arabe, les apprenants de l'ASBL, les Belges. Selon Bajriæ
l'énonceur en serait à la première étape sur son
chemin linguistique in fieri (2013 : 128), ce qui implique qu'il lui
resterait deux phases nodales à acquérir : l' « être
» et le « vouloir-dire » en français.
Avant de poursuivre plus en avant notre analyse, nous
souhaiterions préciser que nos commentaires émis sur les
principes de la linguistique-didactique s'inscrivent dans une démarche
de « cohérence du dire de la langue » (Bajriæ, 2013 :
135). Cela signifiant que notre tâche ne consiste pas à annihiler
et critiquer les énoncés proposés par les locuteurs, au
contraire nous nous efforçons de saisir cette energeia vers une
meilleure approche de la compréhension du français. Observons
à présent la narration de I.
73. S : Pourquoi tu es venue à l'ASBL
?
74. I : D'abord pour améliorer mon
français parce que moi j'ai appris toute seule le français mais
voilà c'est pas un jo- joli français je crois....
[...]
La sentence présente une construction
syntaxiquement simple qui est considérée comme cohérente
dans la mesure où la locution conjonctive « parce que »
répond à notre question explicite « Pourquoi tu es venue
à l'ASBL ? ». Pourtant la lexie nous met en présence
d'une
19
construction antithétique pronominale /
adjectivale « moi je »/ « toute seule ». Elle invite
à se questionner sur sa raison d'être dans la production de I. Si
l'on prend en compte le vouloir-dire de la langue française, nous
entendons que notre énonciatrice marque la distinction entre elle et les
autres grâce à l'introduction du « moi » apposé
à « je » et de l'expression « toute seule » qui
insiste sur l'idée d'isolement dans un espace. Un tel idiotisme
déterminant le dire du français tend à asseoir la position
d'autodidacte accomplie dont se revendique I. De fait, en début
d'énoncé l'informatrice use du substantif « d'abord »,
ce qui ajoute davantage au vouloir-dire de son discours en langue in
fieri. Elle exprime un fait bien précis : la hiérarchisation
de ses priorités en termes d'appropriation de l'idiome. La narration
tout à fait adaptée aux circonstances de l'énonciation
entraîne pourtant I vers ces propos :
74. [...] euh je voudrais parler mieux.... plus....
Plus je sais pas plus comme toi et L tu vois ce que je veux dire hé.
[...]
L'énoncé est toujours censé
répondre à notre question de départ. À
présent, la locutrice avance des raisons formulées de
façon un peu inattendue. La première de la phrase s'avère
correcte attendu que l'adverbe d'appréciation « mieux » se
positionne syntaxiquement ou après ou avant le verbe qu'il modifie.
Quant à l'usage du mode conditionnel, il est conforme avec les canons
linguistiques français si I demeure consciente qu'elle nous fait une
demande, voire une exhortation vers une recherche de solutions. En ce sens, la
valeur modale et donc imaginaire du conditionnel est respectée.
Toutefois, l'assemblage du comparatif de supériorité « plus
» et de l'adverbe de comparaison « comme » semble fortuit. Le
vouloir-dire de la langue impose une sélection tranchée entre
« plus que toi » ou « comme toi ». L'idiotisme de I
s'avère défaillant mais interpelle puisqu'il indique la
qualité supérieure linguistique que l'informatrice accorde
à S et à L. En cela, nous suggérons que I parle du
français tel un possible accès vers le mode in esse.
Cela signifiant, qu'elle désire s'approprier la langue nouvelle autant
qu'un locuteur confirmé. En réalité, cela reste de
l'interprétation linguistique car l'énonceur « avoue »
elle-même qu'elle demeure incapable de ce qu'exprimer plus clairement :
« tu vois ce que je veux dire ? ». C'est pourquoi, elle en appelle
à l'intersubjectivité de la situation
extralinguistique.
20
46. [...] ouais je parle français et j'aime
vraiment c'est intéressant mais... mais c'est c'est pas langue en
réalité. Tu vois ce que je veux dire ? C'est pas méchant
ce que je dis c'est juste que c'est pas ma langue c'est tout.
À sa lecture, on observe encore un
énoncé désordonné, accentué ici par le
complément circonstanciel « en réalité » qui
vient s'opposer canoniquement à « en principe » (l'expression
ne figure pas dans l'entrevue). À cela s'intercale l'alternative
catégorique construite avec l'adverbe « tout », « c'est
tout », qui manifeste explicitement l'arrêt de paroles de I sur le
sujet. La production de la locutrice correspond à notre interrogation
concernant son bilinguisme en français : a priori il s'agit
vraisemblablement d'une thématique épineuse, peut-être
même douloureuse. En tout cas, cela nous fait percevoir la
subjectivité de l'informatrice, notamment par le biais de la locution
verbale « juste que » qui achève de légitimer sa prise
de conscience langagière in esse.
Elliptiquement, la majorité des entités
relevées dans le discours de I se révèlent ontologiquement
interprétables, de ce fait nous estimons par extension que la locutrice
appartient au temps virtuel. En effet, on la devine dans la langue par ses
connaissances langagières, bien qu'on la sente nettement en prise avec
l'idiome in esse.
L'ancrage dans une langue alterne entre des
temporalités d'entêtement et de velléité : comme
l'illustre Camus, il faut « dévaler » la pente pour pouvoir la
« remonter » (1942 : 165). Tout au long de cette trajectoire
verticale, l'énonciateur va être confronté autant à
l'écrit qu'à l'oral d'un idiome peu ou prou
incompréhensible. Et là, commence la véritable
entrée dans le monde subjectif de la langue différente.
Voilà en quelques mots ce que traduit l'interview de E.
231. E : [...] je sais lire et je sais écrire
mais j'ai jamais eu le temps d'apprendre à écrire le
français. Parce que j'ai toujours travaillé [...]
Ce fragment contient une forte conscience de soi que
l'on pourrait assimiler à un comportement de locuteur confirmé en
français. Ainsi, le verbe « savoir » employé avec la
dextérité qu'il se doit, est un verbe de sens entier qui dote son
énonciateur d'intuition
21
personnelle. Il en résulte que les
connaissances linguistiques de l'informatrice génère des phrases
syntaxiquement correctes, pour preuve l'usage de l'adverbe « jamais »
auquel aucune particule négative n'est ajoutée. E démontre
une subjectivité face à la langue ainsi qu'une maîtrise du
vouloir-dire tout à fait remarquable. Néanmoins, d'un point de vu
sémantique le sens de la tournure dérange un peu. On s'interroge
: dans quelle(s) langue(s) E sait-elle « lire et écrire » ?
Dans sa langue d'origine et en français ? Ou fait-elle plutôt
allusion au geste graphique de l'acte d'écrire ? Sur ce point,
l'énonceur francophone a besoin d'éclaircissements mais E, en
tant que sujet parlant non confirmé, n'a pas encore atteint ce moment
réflexif.
159. E : [...] Ben moi (main sur le coeur), je dis que je
peux écrire un livre à mon histoire. Tous les parcours que j'ai
fait ici en Belgique si si si et je saurais faire étapes par
étapes oh.
De nouveau E s'inscrit tel un individu transcendant
dans l'absolu, avec l'apparition du « je peux » qui par la locution
verbale apposée « je dis », rend compte de
l'établissement de sa pensée en français. L'informatrice
semble exister dans la langue in fieri d'autant plus qu'elle se
propose un but, un projet, traduit par le mode conditionnel : « je saurais
». À présent, douée de sa pleine conscience de
locutrice non confirmée, voilà qu'elle adhère à un
éventuel défi : celui d' « écrire un livre à
son histoire ». Certes, l'unité de discours surprend en ce sens
où l'on s'attend à la préposition « sur »
plutôt qu'à la préposition « à » puisque
le substantif « histoire » est un inanimé.
153. E : [...] Je ne sais pas rester sans parler,
c'est ma nature, je dois parler avec les gens et c'est comme ça que je
suis rentrée en contact [...]
Avec ce passage, on reste encore agréablement
surpris. E est au demeurant un sujet puissant et déterminé, en
témoigne les verbes transitifs « savoir » et « devoir
». Ayant acquis simultanément et, le vouloir-dire et, la syntaxe de
la langue, on l'observe employer magistralement et, qui plus est à
l'oral, la négation complète « ne pas ». Elle
crée l'affirmation de soi et c'est donc tout naturellement qu'elle
écarte les circonstances situationnelles qui ne lui correspondent pas,
à l'aide de la structure infinitive « je ne sais pas rester sans
parler ». Pour finir, sa lexie comporte un belgicisme on ne peut plus
habituel, celui de la traduction du verbe « pouvoir » par le verbe
« savoir ». On pressent chez E une maîtrise
22
et une intériorisation des formes
langagières françaises vraiment admirables. Cet outil lui offre
apparemment une plus large part de conscientisation de soi qui,
réciproquement, favorise le génie de l'idiome.
207. E : Pour tout, c'est bizarre xx xxx non, mais les
mots viennent plus facilement, tu vois quand tu veux expliquer un truc, machin,
je ne sais pas moi le français vient directement et je va chercher
maintenant pour l'albanais.
Bien entendu, l'appropriation d'une langue nouvelles
n'est pas sans embûche linguistique, cela signifiant sans faute ni
erreur, ni sans méconnaissance lexicale. Dans cet extrait E ne parvient
pas à nommer la locution qui convient soit « quelque chose ».
Pour pallier son insuffisance linguistique du moment, elle se rapproche d'un
autre registre du français, le langage familier : « truc »,
« machin ». Il est communément reconnu que le locuteur
francophone ait une capacité à passer d'un registre à
l'autre, quoique de façon variable selon les sujets parlant, et que
cette activité s'introduise dans les énoncés. Or,
l'énonciateur non confirmé enclin à la traduction in
esse au moindre obstacle rencontré, ne s'aventure pas
spontanément vers cette stratégie énonciative.
Peut-être est-ce l'idiome d'origine, ici l'albanais, qui encourage ce
comportement ? On ne saurait l'affirmer. Quoi qu'il en soit, l'informatrice se
sent tellement « confirmée » qu'elle se retrouve à
essuyer des tentatives, parfois vaines, de se « dire » en idiome
in esse : « je va chercher maintenant pour l'albanais ».
Ajouté à l'adverbe « maintenant », l'idée
développée relève d'un présent linguistique
énonciatif c'est-à-dire que E nous explique sa nouvelle vie
langagière depuis sa compréhension du
français.
2.2. Les signes et les comportements linguistiques se
renouvellent
[a pratique des langues en situation de plurilinguisme
implique la construction d'une ou d'identités linguistiques, en
l'occurrence des personnalités qui se façonnent au gré des
dynamiques interculturelles environnantes. [a composante ontologique faite
d'idiomes et de morceaux de soi, favorise l'intégration sociale du
locuteur non confirmé. Dans le champ de la
23
linguistique-didactique, on parle d'assimilation
linguistique comportementale (Bajriæ, 2013 : 63). Nous tenterons donc de
l'identifier dans les fragments issus des entretiens individuels.
Revenons à l'informatrice J qui n'apparaissait
pas capable de nommer les choses dans leur temporalité et qui par
conséquent, ne parvenait pas à s'établir dans la langue
in fieri.
279. J : Non, sinon je commence à pleurer je parle
pas (rires).
L'énoncé correspond à un
thème cher à J, celui des échanges qu'elle entretient avec
un migrant de même origine. Sur le plan syntaxique la construction reste
simple et correcte si l'on prend en compte la dominante orale dont est
dotée la production. Ainsi, l'absence de la particule négative
« ne » finalisant le refus pourrait être recevable, autant de
la part d'un locuteur francophone que de J. Ce qui nous interpelle ici c'est
plutôt la polysémie du verbe « parler », qui signifie
prononcer des sons, des paroles, exprimer sa pensée, communiquer.
Comment l'interpréter dans son cas ? A notre sens et au vu des exemples
développés auparavant, nous pensons que l'informatrice n'exprime
pas sa pensée face à son interlocuteur de même langue
in esse. Certes, J a ses raisons qu'elle expose, cependant
d'après son entretien individuel, nous estimons que la locutrice
présente une inertie identitaire qui s'introduit dans ses idiomes. On
l'a observé dans le précédent paragraphe 2.1.,
l'énonceur réitère les mêmes constructions
phrastiques aux tournures neutres : « c'est », « ça
». Son actuelle maladresse linguistique nous pousse à opiner que J
est un « moi » élément de l'écologie humaine
(cf. Annexe 15). En cela, nous entendons que l'énonciateur ne
réussit pas à entrer dans une dynamique linguistique in
fieri.
A contrario AL met en exergue un comportement
de locuteur accompli, allant même jusqu'à différencier les
langues françaises de son pays :
204. AL : Non non non je parle euh... tu sais en
Côte d'Ivoire y a le français de la rue et y a le français
de l'école... et le français de la rue voilà ils parlent
entre eux, toi t'y es là [...]
Dans cette phrase AL distingue les deux types de
français qu'il connait à l'aide du morphème de
présentation « y a ». Une fois encore, c'est un clin d'oeil
à l'usage oral de l'idiome et nous ne pouvons le reprocher à un
énonciateur non confirmé. Ici l'énonceur opère un
choix
24
linguistique entre la variété des
langues possibles en Côte d'Ivoire c'est-à-dire qu'il
établit une sélection au niveau de son répertoire
langagier. C'est ainsi que s'explique tout locuteur affirmé qui opte,
qui fait des choix en connaissance des choses, de son « être »
et du vouloir-dire de la langue. À notre sens, AL relève d'un
« moi » conscientiel bien dans ses langues (cf. Annexe
16).
Confronté à une dichotomie langue in
esse/ langue in fieri au sein même de l'association, M
expose un comportement d'un tout autre registre.
2. M : Bien (silence)... Je suis parti du Maroc pour
la Belgique car j'a ::: j'avais besoin de l'argent. L'économie
était difficile là-bas à xx xxx je pensais beaucoup et
après beaucoup de solutions, je je trouvais : traverser la
Méditerranée !
3. S : Traverser la Méditerranée
?
4. M : Je ..... je vois pas autre solution, tu
vois.... Je suis ma- je pars par la Méditerranée 1968. Et
là j'arrive gare du Midi (sourire)... la gare de l'espoir on appelle
(silence) avant. Je sais pas qui qui.... dit ça... mmm
ça.
5. S : Ah c'est joli la gare de l'espoir
6. M : euh ::: je sais pas. On croit du bonheur, pour
la famille, les enfants. On était beaucoup beaucoup beaucoup pas savoir
quoi faire ou ou quelqu'un mmm mais bon.... Mon père a fait avant et je
sais là là on savait trouver du travail vite.
Nous assistons ici à une interférence
comportementale sachant que le discours émis par M procède d'une
attitude linguistique à la française : la figure
rhétorique. De manière générale, on trouve ce genre
de constructions métaphoriques dans les propos d'un locuteur
confirmé. Pourtant, M est le second après AL, à faire
usage de ce genre de processus. Que peut-on objecter ? Selon nous la
présence de substantifs au contexte métaphysique tels que «
la gare de l'espoir » s'inscrit dans une certaine idéologie
corrélée aux origines. En effet, il semblerait que l'informateur
adhère au canon historique de la migration et en conséquence, au
canon linguistique de la langue française. Soyons prudents
néanmoins, supra nous avons pu constater que M n'est pas au
bout de son appropriation de l'idiome in fieri. En d'autres termes,
son comportement linguistique s'avère nettement modifié hors de
toute interférence comportementale maîtrisée. En
définitive, il nous a paru judicieux de dénommer M comme
un
25
« moi » perpétué (cf. Annexe
17). Son parcours linguistique est intrinsèquement corroboré
à celui du voyage migratoire. Les représentations sociales sont
largement véhiculées par l'usage qu'il fait de la
langue.
46. I : Oui non bilingue. Non non je suis pas bilingue
en français. Français je parle seulement ici en cours ou bien
dans la rue ou non ben quand c'est pas Saint-Josse ou que je connais pas les
gens.... (silence). Tu vois c'est... c'est un peu un peu... [...]
D'un point de vue sémantique, on saisit
parfaitement l'idée générale de I qui consiste à
s'affirmer en tant qu'individu appartenant à une communauté
linguistique. En réalité, le pronom personnel non
prédicatif « je » se rattache à des situations qui ne
lui sont pas familières, dans le sens où elles concernent le
domaine public : « en cours », « dans la rue », «
quand c'est pas Saint-Josse ». Ces détails comportementaux
au-delà de l'aspect interculturel, renseignent sur l'état
langagier de l'énonceur et transforme le discours en une communication
porteuse de message identitaire. « Être dans une langue » c'est
aussi contrôler nos attitudes mentales, voilà pourquoi nous
choisissons de définir I comme un « moi » adapté
fidèle (Annexe 18).
Pour ce qui de E, il convient d'orienter l'analyse
vers la théorie de l'expansibilité du temps.
Imprégnés par les moeurs actuelles qui nous poussent dans la
course folle contre la satisfaction, on utilise sans modération les
termes « je n'ai pas le temps », « oui mais très
rapidement alors», « oui mais je pourrai pas rester tard ». Ces
vocables renvoient à un paradoxe humain où l'on croit à la
maîtrise des durées, bien que nous soyons inaptes
psycholinguistiquement à exister parmi la succession des
évènements. On retrouve dans ce phénomène la
problématique contemporaine de l'anomie. Cela dit, des sujets parlant
telle que E, nous rappelle que le temps est cyclique et que, pour sûr,
nous ne le dominons pas.
297. E : Je te dis : je peux écrire un livre.
T'auras jamais fini avec moi, je te jure t'auras jamais fini. Parce que si je
dois raconter, oh yayaille. [...]
26
En ce qui concerne la syntaxe, la positon de l'adverbe
« jamais » entre l'auxiliaire et le participe passé, donne un
sentiment confirmé de l'usage de la langue. La maîtrise de ces
entités favorise grandement l'appropriation in fieri et, de
fait, participe à la construction identitaire de son énonciateur.
E se retrouve en langue nouvelle puisqu'elle va même jusqu'à
caractériser notre travail d'enquêtrice comme une tâche
stérile, voire interminable : « « t'auras jamais fini avec moi
». Sa réflexion n'est pas sans nous évoquer le mythe de
Sisyphe (cf. introduction, Partie 3) et l'absurdité de son
activité. En cela, l'énonceur extériorise ici l'ensemble
des contenus cognitifs caractérisant sa vision du monde, tout comme elle
le ferait sans nul doute dans son idiome originel. Pour nous, après la
prise en compte des fragments examinés dans cette partie, E s'assimile
à un « moi » hypertrophié qui se pense dans le temps
(cf. Annexe 19).
Si les échanges en communication
possèdent une portée symbolique, il nous faut veiller en tant que
professeure FLE à nos attitudes linguistiques et comportementales comme
à celles des locuteurs non confirmés. Dans le contexte
plurilingue de l'association Avenir de Saint-Josse, il est nécessaire de
prendre conscience de la diversité linguistique et comportementale
environnante. Ainsi, nous avons pu dresser le portrait, somme toute
inachevé, de cinq énonciateurs bien distincts,
indépendamment de la comparabilité de leurs langues in
esse. « Mois » élément de l'écologie
humaine, perpétué, adapté fidèle ou
hypertrophié dans le temps, nous constatons que leur identité
linguistique repose, en premier lieu, sur la connaissance et l'acceptation de
leur propre culture humaine. Par-là, nous nous référons
à l'expérience ontologique de l'énonceur en tant que sujet
parlant in esse. Nous en revenons au concept d'anomie qui, à
défaut de temps, entrave l'élaboration de toute histoire
identitaire. Par la suite, une dynamique langagière doit se mettre en
place, passant par les aléa s des erreurs, du contrôle(le «
monitor ») et de la subjectivité ou du vouloir-dire de l'idiome.
L'objectif réside, en évitant le « ne plus en pouvoir
»91, dans la reconnaissance sociale d'une communauté de
langue et de culture différente : l'altérité.
91 Nous faisons allusion à la
chronogénèse de Guillaume et plus spécialement, à
l'image-temps in posse telle une étape potentiellement
harassante.
27
Chapitre 3 : Les catalyseurs pour une démarche
didactique au sein de l'association
L'association de migrants de Saint-Josse
s'avère être un acteur incontournable dans l'appropriation de la
langue française à Bruxelles. Si sa mission principale reste la
coordination des actions de terrain, la définition des objectifs et des
contenus ainsi que la formation complétée des éducateurs,
l'ASBL n'en demeure pas moins un lieu de vie « à forte connexion
sociale »92. Soucieuse de faire accéder les
énonciateurs « en mal de français »93
à la compréhension de l'idiome, la directrice d'Avenir ne cesse
de (re)canaliser les besoins des locuteurs. C'est pourquoi, elle n'a pas
hésité à suivre et à accompagner notre parcours
d'apprentie-chercheure pour que nous colligions, lors d'échanges
naturels, nos réflexions didactiques.
Comme le démontre notre travail de recherche,
nous concevons l'établissement en idiome in fieri en trois
« actions » (Tesnière, 1982) :
- Pouvoir communiquer (dynamique) ;
- Pouvoir déterminer des valeurs
(expérience ontologique) ; - Pouvoir se pluraliser
(l'altérité).
S'inspirant des travaux de Pelfrène (1977 :
40-50), voici ce que Madame D et nous-même avons jugé bon
d'envisager :
- une compréhension linguistique et
sociolinguistique comprise, pour pouvoir communiquer en français. Cette
remédiation vise des énonceurs tels que J ou M. Les faits de
langue concernent les opérations mentales mises en jeu lors des
activités de correspondance phonie-graphie ainsi que celles
subordonnées à l'espace graphique. En
92 Nous citons les propos de l'informatrice Madame D,
directrice de l'association.
93 Ibid.
28
cela, nous nous en rapportons à la description
de E qui évoquait cette problématique. Par ailleurs, nous
suggérons le développement d'activités
générées par les groupes de discussion, dans la
perspective de pointer les erreurs, contrôles et vouloir-dire de la
langue ;
- une appropriation psycholinguistique qui
adhère à une certaine idée de la confiance en soi, telle
que nous avons pu l'observer dans le discours de E. D'un point de vue
ontologique, nous tendons vers la gestion du sentiment d'échec langagier
et identitaire par un travail conjoint des énonciateurs autour du
sentiment de perte de soi. . La reprise de l'ouvrage interculturel du Collectif
ASBL Alpha nous paraît une bonne approche vers l'épanouissement du
comportement linguistique (cf. Partie 2, §3.4.1.) ;
- un établissement idéologique en
français pour pouvoir être un acteur investi, autant dans le
domaine public que privé. Une perspective didactique qui a jailli des
énoncés antithétiques de AL et de I. En effet, il nous
semble que pour retrouver son équilibre identitaire, le locuteur a
besoin de se repérer dans le « processus éminemment temporel
qui se réfère au vécu, à la durée comme
à l'histoire » (Ardoino, 2001 : 14) et prétendre ainsi
à une energeia locutoire. En outre, toujours d'après
l'analyse de l'entretien de AL, il nous a paru pertinent de familiariser les
sujets parlant avec le système éducatif belge et sa politique de
formation continuée, par le biais de modules sur la
citoyenneté94.
In fine, et d'un point de vue personnelle,
nous y rajouterions une piste langagière issue de La grammaire des
fautes de Frei (1929) : l'accès au langage historique
c'est-à-dire la maitrise de l'idiome sous sa forme
diachronique.
94 Le parlement wallon a approuvé en mars
dernier, la création d'un parcours d'intégration visant les
nouveaux arrivants sur le territoire. Sa mise en pratique est prévue
dès cette rentrée.
29
Chapitre 4 : Retour sur la méthodologie et
impact sur la formation de l'apprentie-chercheure
Comme nous l'avons fait lors de la délimitation
de notre terrain de recherche (cf. Ch.2), nous tenons à contextualiser
notre travail dans une perspective sociale. En réalité, nous
croyons que les avancements technologiques récents, qui
génèrent un trafic actif de locuteurs, ont exercé un
ascendant sur notre organisation suivie. Qu'on le veuille ou non, notre
étude de cas appartient à un cadre économique, politique
et social altéré qui nous a, très souvent,
embarrassée en termes de questionnement. Quelle place octroyer aux
langues du répertoire langagier des adultes migrants :
hiérarchiser ou associer ? Comment penser des dispositifs didactiques
adéquats pour les énonciateurs in posse : dompter et
capitaliser ou se trouver au contact de l'autre et donner ? Du
côté méthodologique, quelles dispositions favorisent le
développement d'un maillage scientifique : la structuration ou la
distribution ?
En somme, ces réflexions ajoutées
à la maïeutique de nos représentations historiques et
sociétales ont largement contribué au passage du statut
d'étudiante au statut d'apprentie-chercheure, ce que Gérard
décrit comme un processus en trois temps : «
Déstabilisation-Adaptation- Familiarisation » (2009 : 122). Nous
évoquions déjà, en 2012, dans notre rapport de stage de
Master 1 DiL-FLE, nos tâtonnements quant aux relations de confiance
à établir avec les infomateurs, autant que nos difficultés
à planifier et réaliser des entretiens. Aujourd'hui, les
gênes que nous avons relevées au cours de notre travail,
présentaient des similitudes certes, mais à des degrés
distincts. De fait, nous sommes dans une position universitaire de «
formation à la recherche par la recherche » (ibid. : 192) qui nous
fait en permanence, examiner un objet subjectif par nos yeux, vers l'avenir.
Dès lors, la pratique d'« expériencer » (Robillard,
2011 : 21-29) au quotidien, nous a donné l'accès à une
première « familiarisation réelle » (Gérard,
2009 : 193) avec l'univers de la recherche, par le bénéfice de
connaissances et de compétences nouvelles. Selon nous, ces
dernières concernent des habiletés d'ordre :
30
- méthodologique, par la démarcation du
champ d'investigation et le suivi rigoureux d'une démarche rationnelle
;
- analytique, par l'articulation des identifiables
(expériences et résultats) avec les ouvrages bibliographiques
subordonnés ;
- comportemental, par le travail d'équipe, le
respect de la confidentialité, de l'anonymisation et la poursuite
constante de solutions.
Bien entendu, nous avons conscience que nous sommes face
à des prémices scientifiques à affiner et, surtout,
à confirmer, ce qui rejoint l'humilité cognitive dont nous
faisons preuve au regard de notre travail.
Comprendre et justifier
Être flexible
· "Déstabilisation
· Adaptation
· Familiarisation"
Situation d'apprentie- chercheure
Être autonome
Être rigoureux
Interagir
FIGURE 8 : REPRÉSENTATION PERSONNELLE DU STATUT
D'APPRENTI-CHERCHEUR.
31
CONCLUSION CIRCONSTANCIÉE ET PERSPECTIVES DE
RECHERCHE
Nous avons tenté, au travers de ce
mémoire de Master 2 Recherche, de caractériser les rapports
mentaux que cinq locuteurs adultes migrants de Saint-Josse entretiennent avec
la langue française. Pour cela, notre travail s'est souscrit à
une dualité logique reposant sur les paradigmes de la
linguistique-didactique et de la socio-ethnographie. Nous avons proposé,
en premier lieu, une vision générale des énonciateurs non
confirmés du terrain bruxellois au travers notamment de l'Histoire
contemporaine et de ses mouvements migratoires. Puis, nous avons ciblé
la Région de Bruxelles-Capitale en matière de mobilité,
pour démontrer en quoi elle constituait le point d'ancrage de notre
étude. En second lieu, nous avons attiré l'attention sur les
concepts philosophiques et psychologiques sur lesquels repose notre
étude de cas. Au travers de la nature de la linguistique-didactique,
nous avons réalisé que la seule observation « externe »
du corpus ne pouvait répondre à notre problématique :
c'est pourquoi, les comportements psycho-discursifs nous ont largement
orienté (Partie 1). Par ailleurs, nous avons mis en perspective la
conception d'un objet de recherche dont les objectifs et les hypothèses
sont hérités d'une étude antérieure
subordonnée au rapport de stage de Master 1 DiL-FLE. Puis, nous nous
sommes penchée sur la « contextualisation »
institutionnelle avec les profils particuliers des locuteurs migrants qui
composent notre terrain d'enquête au coeur de l'ASBL Avenir. Enfin, nous
avons explicité le recueil de données hétéroclites
formées et justifié leur conversion en corpus (Partie
2).
La première partie consacrée au cadre de
nos investigations ainsi qu'aux enjeux socioculturels et psycholinguistiques de
l'idiome français, a favorisé la compréhension de
l'établissement du locuteur en langue in posse grâce en
l'occurrence, à la connaissance de la structuration de l'immigration au
sein de la zone sociolinguistique bruxelloise. Les sujets parlant migrants sont
apparus comme tout individu : de petites histoires personnifiées
attachées à la grande Histoire (Ch.1). Si l'idiome est un «
espace d'appropriation symbolique » (Hagège, 1985 : 386), son
intériorisation rend compte également des bouleversements
identitaires. La pluralité
32
originelle, taxinomique et sociétale des
idiomes met en évidence la richesse des rencontres d'ordre langagier et
comportemental qui se profilent dans la langue in fieri. Voilà
pourquoi, il nous a semblé opportun d'insister sur la notion de
représentation linguistique et sociale. Il nous semble que le processus
psychique in posse ne relève pas aisément de
l'interprétation de deux univers sinon de la perspective d'une
création de soi (Ch.2). En conséquence, l'analyse des
comportements psycho-discursifs du locuteur adulte a favorisé
l'accès aux manières d'exister en français. Finalement, la
première partie de notre mémoire s'est dédiée, de
prime abord, à esquisser un cadre ethnologique précieux pour
l'intelligibilité de l'établissement en langue in fieri
des sujets parlant de Saint-Josse. Ensuite, elle a éprouvé
de mettre en lumière, les tiraillements cognitifs qui résident
entre les langues qui constituent le répertoire langagier et la
structure de l'idiome à acquérir.
Quant à la seconde partie de l'étude,
elle s'est focalisée sur la problématique de recherche et la
méthodologie employée pour réaliser nos investigations.
Nous y admettons que la genèse de notre projet de recherche est due
à un travail universitaire précédent, qui nous a
amenée à définir la matière de nos investigations.
Soit, comprendre, dans une perspective sociolinguistique, la construction de
soi en tant que locuteur de langue française. Cependant, c'est avec
notre sujet actuel que nous affirmons être entrée dans une
détermination, catégorisation et explicitation des
phénomènes d'alternance linguistique. De fait, nous nous sommes
proposée de répondre aux questions suivantes :
- Quels signes linguistico-cognitifs marquent les
périodes temporelles de la construction identitaire du locuteur non
confirmé en langue française ?
- Quel est le modus operandi qui crée
l'installation du sujet parlant en idiome in posse ? - Quelles
techniques didactiques privilégier dans le domaine des sciences du
langage ?
Pour ce faire, nous avons justifié l'importance
particulière accordée aux signes et aux comportements
linguistiques dans l'examen du corpus. Nous avons déclaré que les
opérations mentales telles que le « monitor », l'erreur et le
« vouloir-dire » ainsi que les composantes de l'identité
(l'ontologie, la dynamique et l'anomie) ont servi à l'analyse des
entretiens (Ch. 1).
33
En outre, nous avons contextualisé notre
travail d'étude à l'aide de trois paramètres essentiels :
social, situationnel, temporel (Blanchet, 2011 : 18) et relationnel. La
définition du paradigme ethnographique de Blanchet (2011 : 18) est venue
confirmer notre ligne de conduite heuristique :
- une orientation constitutive du réel car nos
travaux s'appuient sur des questionnaires et enregistrements ordonnés
;
- une orientation empirique réflexive qui rend
compte, sous la forme d'un « corpus restitutif » (Blanchet, 2011 :
10-12) des phénomènes langagiers par les informateurs : journal
de terrain, sources écrites et échanges non
dirigés.
Par ailleurs, l'organisation du travail de recherche
de Master en sciences du langage impliquant certaines déterminations
d'ordre personnel, situationnel et éthique, il nous a semblé
judicieux d'incorporer au corps de l'actuelle étude la démarche
de rencontre. Cette dernière a concerné les premiers contacts
établis avec Madame D., directrice de l'association (Ch. 2). In
fine, nous avons justifié la collecte des données par le
concept de l'association, qui comme symbole de l'exil, requiert une
expérimentation nouvelle de notre part. Aussi, avec l'objectif
d'encourager la polyphonie des discours, nous avons opté pour une
diversité de procédés dans la collecte des données
:
- le questionnaire exploratoire, qui se veut instaurer
des relations de confiance avec les acteurs du terrain ;
- l'échange « naturel », qui telle
une narration libre, autorise des entrées affranchies de contrainte dans
l'espace discursif des informateurs (Traverso, 1996 : 131-132) ;
- les sources écrites, qui représentent
une passerelle transitoire vers les entretiens. En cela, ils recueillent la
façon originale dont les énonciateurs se figurent le moment
in posse ;
les entretiens qui permettent d'acquérir une
certaine représentativité du sujet traité, ont
été de deux sortes : collectifs et individuels. Les premiers ont
facilité le développement spontané des interactions
verbales au travers d'un thème psychosocial, pour observer et relever
les énoncés in fieri dans un autre cadre que celui du
récit de vie. Les seconds relèvent eux, de la
34
cartographie des transpositions intellectives
possibles effectuées par l'énonciateur adulte en idiome in
fieri (Ch.3). En définitive, cette deuxième partie de
mémoire a fait preuve de clarté méthodologique face au
terrain sociolinguistique ciblé tout en explicitant et justifiant
l'élaboration du corpus (Ch. 4).
Alors même que les deux approches sont, dans le
corps de notre travail, distinctes, il n'en demeure pas moins qu'elles
s'avèrent étroitement liées. De fait, le parcours de
recherche réalisé a démontré le relevant d'une
méthodologie dirigée par la sociologie et la linguistique. Ceci
apparaît comme une démarche encourageante pour nos futures
recherches éventuelles autant en Belgique qu'ailleurs. Le premier
chapitre de notre ultime partie a laissé place à la dimension
« concrète » de notre travail. Nous nous sommes
immergée dans la réalité physique, et bien entendu
linguistique, de notre cas d'étude. Notre dessein a consisté
à parcourir les données matérielles provenant de nos
outils méthodologiques afin de rendre compte de l'orientation cognitive
des énonciateurs. Ce cheminement s'est efforcé de
démontrer la « trajectoire » temporelle et linguistique mis en
jeu. Là, nous avons reconnu le caractère inexploitable des
sources écrites prélevées. Nous avons alors
expliqué les avoir écarté sous leur forme
matérielle pour les retranscrire par le biais des entretiens collectifs.
De fait, ces derniers à thématique interculturelle concernaient
les activités autour de ces écrits. Outil de «guide et
d'orientation »95 dans notre recherche, le questionnaire
exploratoire nous a procurée, dans un premier temps, la
possibilité de dresser un portrait introductif des locuteurs non
confirmés (cf. § 1.1.). Ensuite, la présentation des
résultats provenant des entretiens collectifs a permis d'observer et de
relever les représentations in esse dans un autre cadre que
celui du récit de vie (§1. 2.). Enfin, c'est au travers des
discours de nos informateurs migrants que nous avons tenté de saisir des
« clés » c'est-à-dire des positions essentielles
complémentaires dans la mise en mots du soi in fieri. Par souci
de recevabilité des résultats, nous avons procédé
à une analyse par confrontation thématique des cinq «
portraits » disponibles. Leur examen individuel a été
réalisé grâce à notre outil ethnologique, ledit
« canevas investigatif » (cf. Ch. 2). Le troisième chapitre
invite à une réflexion linguistique
95 Source électronique : Page officielle du «
Trésor de la Langue Française » :
http://atilf.atilf.fr/dendien/scripts/tlfiv5/saveregass.exe?122;s=2456656995
; r=1 ;
35
autour de propositions didactiques qui vise une
certaine homogénéité entre les considérations
relatives à la recherche en science du langage et le terrain
contextualisé de l'association Avenir. En dernier lieu, nous avons tenu
à contextualiser notre travail dans une perspective sociale (cf. Ch.
4).
Au terme de ce travail d'étude, nous
réalisons que le terrain associatif bruxellois nous a aidée
à positionner la société linguistique belge grâce
à un répertoire d'évènements et d'individus
historiques. Réfléchir au modus operandi in langagier
in fieri à partir des productions de sujets anonymes, a
élargi notre conception de l'identité. Le quartier actuel de
Saint-Josse est constitué de cultures et d'idiomes hybrides, fils
à la fois des traditions et de la globalisation. De la même
manière, les sujets parlant évoluent à travers une
constante bipolarité linguistique, comme si celle-ci était partie
intégrante de leur « Être » immanent.
Cette expérience de recherche, aux
côtés de l'Histoire et des histoires quotidiennes, s'est convertie
en un voyage entre les paradoxes vécus sur la trajectoire de
l'établissement en langue nouvelle. Nous pensons y avoir reconnu le
maintien d'une frontière linguistique engendrée par le statut
fédérateur de l'idiome in esse. Voilà pourquoi,
nous envisageons un prochain objet d'enquête autour de l'appropriation du
français en contexte communautaire.
Pour soulever un poids si lourd,
Sisyphe, il faudrait ton courage !
Bien qu'on ait du coeur à l'ouvrage,
L'Art et long et le Temps est court.
[...] Baudelaire C., 2010, Las flores del mal,
«Le Guignon» p. 116.
« Sauf à parfaire »96
96 « Quel être humain raisonnable peut
prétendre à la perfection ? » (Orsenna, 2003
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46
TABLE DES ANNEXES
Annexe 1 : Tableau récapitulatif concernant les
informateurs
Annexe 2 : Synthèse tabulaire des questionnaires
exploratoires et échanges naturels des
formatrices de l'ASBL
Annexe 3 : Questionnaire exploratoire à
l'attention des formatrices
Annexe 4 : Questionnaire exploratoire à
l'attention des locuteurs de langue(s) in posse
Annexe 5 : Grille d'entretien destinée aux
locuteurs de langue(s) in posse
Annexe 6 : « Canevas investigatif » ou grille
de questionnement analytique pour les entretiens
individuels
Annexe 7 : Conventions de transcription des entretiens
collectifs et individuels
Annexe 8 : Transcription entretien collectif 1
Annexe 9 : Transcription entretien collectif 2
Annexe 10 : Transcription entretien individuel 1
Annexe 11 : Transcription entretien individuel 2
Annexe 12 : Transcription entretien individuel 3
Annexe 13 : Transcription entretien individuel 4
Annexe 14 : Transcription entretien individuel 5
Annexe 15 : « Canevas investigatif » ou
grille de questionnement analytique pour J
Un « moi » élément de
l'écologie humaine
Annexe 16 : « Canevas investigatif » ou
grille de questionnement analytique pour AL
47
Un « moi » conscientiel bien dans ses
langues
Annexe 17 : « Canevas investigatif » ou grille
de questionnement analytique pour M Un « moi »
perpétué
Annexe 18 : « Canevas investigatif » ou grille
de questionnement analytique pour I Un « moi » adapté
fidèle
Annexe 19 : « Canevas investigatif » ou grille
de questionnement analytique pour E Un « moi » hypertrophié
qui se pense dans le temps
48
Annexe 1 : Tableau récapitulatif concernant les
informateurs
Identifiant
|
Informations sur les informateurs
|
Type de données recueillies
|
|
Année de naissance
|
Sexe
|
Pays d'origine
|
Questionnaire
|
Échange naturel
|
Entretiens collectifs
|
Entretien individuel
|
Sources écrites
|
A
|
1965
|
M
|
Turquie
|
X
|
|
X
|
|
X
|
AL
|
1979
|
M
|
Côte d'Ivoire
|
X
|
X
|
X
|
X
|
X
|
E
|
1967
|
F
|
Kosovo
|
X
|
X
|
X
|
X
|
X
|
G
|
1980
|
F
|
Turquie
|
X
|
|
|
|
X
|
I
|
1991
|
M
|
Maroc
|
X
|
|
X
|
X
|
X
|
J
|
1981
|
F
|
Maroc
|
X
|
|
X
|
X
|
X
|
L
|
1970
|
F
|
Belgique
|
X
|
X
|
|
|
|
M
|
1953
|
M
|
Maroc
|
X
|
|
X
|
X
|
X
|
MR
|
Non renseigné
|
F
|
Belgique
|
|
X
|
|
|
|
R
|
1963
|
M
|
Turquie
|
X
|
|
X
|
|
X
|
49
SE
|
1980
|
F
|
Turquie
|
X
|
|
|
|
X
|
W
|
Non renseigné
|
F
|
Maroc
|
|
X
|
|
|
|
Annexe 2 : Synthèse tabulaire des questionnaires
exploratoires et échanges naturels des formatrices de
l'ASBL
Identifiant
|
Formation
|
Expérience professionnelle
|
Théorie vis-à- vis
de l'appropriation de la langue française
|
Classe En charge
|
Les méthodes d'apprentissage
|
L
|
Licence de mathématiques, Didactique
du français, Graduat (bachelier) en informatique
|
Professeure de math, Agent
de sécurité système informatique, Professeure
en alpha/FLE
|
|
FLE
|
|
M-L
|
Non renseigné
|
Non renseigné
|
Non renseigné
|
Alpha
|
|
W
|
Non renseigné
|
Non renseigné
|
Non renseigné
|
Alpha
|
|
1
Annexe 3 : Questionnaire exploratoire à
l'attention des formatrices
Pour faire connaissance, j'ai pensé vous poser
quelques questions... Première partie : les langues
1. Quelle(s) langue(s) parlez-vous ?
|
|
|
1ère langue : . 2ème langue :
Autres :
2. Selon vous quelle(s) langue(s) est (sont) la (les)
plus belles ?
|
n turc
|
n japonais
|
n russe
|
n français
|
n italien
|
n espagnol
|
n albanais
|
n allemand
|
n anglais
|
n portugais
|
n arabe
|
aucune
|
Selon vous quelle(s) langue(s) est (sont) la (les) plus
utile(s) ?
n turc
|
n japonais
|
n russe
|
n français
|
n italien
|
n espagnol
|
n albanais
|
n allemand
|
n anglais
|
n portugais
|
n arabe
|
aucune
|
Selon vous quelle(s) langue(s) est (sont) la (les) plus
facile(s) ?
n turc n japonais n russe n français
n italien n espagnol n albanais n allemand
2
n anglais n portugais n arabe aucune
Selon vous quelle(s) langue(s) a (ont) un grand prestige
social ?
n turc
|
n japonais
|
n russe
|
n français
|
n italien
|
n espagnol
|
n albanais
|
n allemand
|
n anglais
|
n portugais
|
n arabe
|
n aucune
|
Selon vous quelle(s) langue(s) a (ont) une culture riche
?
n turc
|
n japonais
|
n russe
|
n français
|
n italien
|
n espagnol
|
n albanais
|
n allemand
|
n anglais
|
n portugais
|
n arabe
|
n aucune
|
Deuxième partie : les compétences
langagières
1. « L'apprentissage d'une langue demande beaucoup
d'efforts et de temps ». Par rapport à cette affirmation vous
êtes :
n tout à fait d'accord n plutôt
d'accord
n plutôt pas d'accord n pas d'accord du
tout
2. Est-ce que selon vous, en apprenant une langue on
apprend la culture de l'autre ?
n oui n non
3
Pourquoi ?
3. Cochez (maximum deux cases) ce qui vous paraît
le plus important dans la
connaissance d'une langue :
n comprendre et parler à des degrés
divers
n lire et écrire à des degrés
divers
n prendre part à une conversation avec
aisance
n connaître et comprendre la culture de
l'autre
4. « Bien connaître une langue signifie que
l'on ne commet pas de fautes ». Où vous situez-vous par rapport
à cette affirmation (cochez une seule case) :
n tout à fait d'accord n plutôt
d'accord
n plutôt pas d'accord n pas d'accord du
tout
5. Croyez-vous que l'apprentissage - ou la connaissance-
d'une autre langue facilite l'appropriation d'une nouvelle ?
n oui n non
Pourquoi ?
Troisième partie : quelques informations sur
vous
Prénom :
Année de naissance : Sexe : n F n M
Formation :
Expérience professionnelle :
Avez-vous visité d'autres pays ?: oui
non
Avez-vous vécu durablement dans un autre pays ?:
oui non
4
Annexe 4 : Questionnaire exploratoire à
l'attention des locuteurs de langue(s) in posse
5
Pour faire connaissance, j'ai pensé vous poser
quelques questions...
Première partie : les langues
1.
Quelle(s) langue(s) parlez-vous ?
1ère langue : . 2ème langue
:
Autres : ..
2. Depuis combien de temps est-ce que vous
apprenez le français ?
6 mois 1 an plus autre :
Pourquoi ?:
3. Quel niveau pensez-vous avoir à la fin de
l'année scolaire ?
Très bon bon moyen autre
: Commentaire(s) :
4. Si vous avez la possibilité d'apprendre une
autre langue, laquelle choisissez-vous ?
n gula
n turc
|
n japonais
|
n russe
|
n français
|
n italien
|
n espagnol
|
n albanais
|
n allemand
|
n anglais
|
n portugais
|
n arabe
|
n aucune
|
5. À votre avis quelle(s) langue(s) est (sont)
la (les) plus belles ?
|
|
n turc n japonais n russe n français
n italien n espagnol n albanais n allemand
n anglais n portugais n arabe n aucune
|
n gula
|
À votre avis quelle(s) langue(s) est (sont) la
(les) plus utile(s) ?
n gula
n turc
|
n japonais
|
n russe
|
n français
|
n italien
|
n espagnol
|
n albanais
|
n allemand
|
n anglais
|
n portugais
|
n arabe
|
n aucune
|
6
À votre avis quelle(s) langue(s) est (sont)
la (les) plus facile(s) ?
|
|
n turc n japonais n russe n français
n italien n espagnol n albanais n allemand
|
n gula
|
n anglais n portugais n arabe n aucune
À votre avis quelle(s) langue(s) a (ont) une
grande valeur sociale ?
|
|
n gula
n turc
|
n japonais
|
n russe
|
n français
|
n italien
|
n espagnol
|
n albanais
|
n allemand
|
n anglais
|
n portugais
|
n arabe
|
n aucune
|
7
À votre avis quelle(s) langue(s) a (ont) une
culture « incroyable » ?
|
|
n turc n japonais n russe n français
|
n gula
|
n italien n espagnol n albanais n allemand
n anglais n portugais n arabe n aucune
6. Dans quelle(s) langue (s) vous vous sentez
être/ exister ?
|
|
n turc n japonais n russe n français
n italien n espagnol n albanais n allemand
n anglais n portugais n arabe n aucune
|
n gula
|
8
Deuxième partie : les compétences
langagières
1. « L'apprentissage d'une langue demande
beaucoup d'efforts et de temps ». Êtes-vous :
n tout à fait d'accord n plutôt
d'accord
n plutôt pas d'accord n pas d'accord du
tout
2. À votre avis, en apprenant une langue on
apprend la culture de l'autre ?
n oui n non
3. Cochez (maximum deux cases) ce qui vous
paraît le plus important dans la connaissance d'une langue
:
n comprendre et parler
n lire et écrire
n prendre part à une conversation avec
facilité n connaître et comprendre la culture de
l'autre
4. « Bien connaître une langue signifie
que l'on ne fait pas de fautes ». Êtes-vous (cochez une seule case)
:
9
n tout à fait d'accord n plutôt
d'accord
n plutôt pas d'accord n pas d'accord du
tout
5. Croyez-vous que l'apprentissage - ou la
connaissance- d'une autre langue rend facile l'apprentissage du français
?
n oui n non
Pourquoi ?:
Troisième partie : quelques informations sur
vous
Prénom :
Année de naissance : Sexe : n F n
M
Avez-vous visité des pays autres que la
Belgique ? n oui n non
Avez-vous vécu, pendant des mois ou des
années, dans un pays autre que la Belgique ?:
n oui n non
10
Annexe 5 : Grille d'entretien destinée aux
locuteurs de langue(s) in posse
Question de lancement (histoire libre) : «
Comment vivez-vous votre installation à Bruxelles ?
»
? Thème 1 : La vie dans le pays
d'origine
- Lieu
- École
- Métier
- Famille
? Thème 2 : La vie en Belgique
- Raisons/ motivations de l'installation
- Valorisation des répertoires langagiers :
quelles incidences sur la construction identitaire du locuteur ? Comment
êtes-vous bilingue ?
- Expression des difficultés, des opinions (la
relation aux autres, la relation à soi)
- Les représentations du pays d'accueil et de son
mode de vie : expressions des attentes (professionnelles, personnelles) et des
besoins
? Thème 2 : L'apprentissage du français -
Fréquence et durée des cours
11
- Type et forme d'apprentissage (en ASBL, à
l'extérieur...)
- Orientation vers des partenaires extérieurs
(établissement public chargé de l'emploi, bureaux d'aide social,
etc.)
- Les ressentis de l'apprentissage : expression des
attentes et des besoins
Annexe 6 : « Canevas investigatif » ou grille
de questionnement analytique pour les entretiens individuels 97
(a)
- Quels signes linguistiques les locuteurs emploient-ils
?
- Quelle importance les signes linguistiques ont-ils par
rapport à l'appropriation du français ?
- Quels comportements les sujets parlant ont-ils face
à l'idiome in posse ?
- Quels sont les éléments qui distinguent
les locuteurs qui affirment « parler » la langue et ceux qui
affirment « ne pas la maîtriser » ?
(b)
- Comment les énonciateurs parlent-ils de
l'apprentissage en langue française ? (termes, format du discours)
?
- Quels changements sont associés à la
compréhension de la nouvelle langue ? (comportement cognitif, lexique,
construction des unités de communication, représentations)
?
- Est-ce que les énonciateurs font le lien entre
idiome et identité ?
(c)
- Quels autres comportements sont relevés
?
- Quelles techniques didactiques privilégier dans
le domaine des sciences du langage ?
12
97 Notre grille de questionnement analytique est en
accord avec nos trois objectifs de recherche (a), (b), (c) (cf. Partie 2,
§ 1.2.).
13
Annexe 7 : Conventions de transcription98 des
entretiens collectifs et individuels
Transposition
|
Correspondance sémiotique
|
Incompréhensible
|
xx xxx xxxx
|
Pauses plus ou moins longues
|
+ ++ +++
|
Allongements vocaliques ou redoublement
consonantique
|
: :: :::
|
Mots en langue in esse
|
*nnn*
|
Transcription phonétique
|
[nnnn]
|
Commentaires
|
(nnnn)
|
Chevauchement
|
{nnnn
|
Chevauchement
|
{nnnn
|
Amorce de mot
|
nnn-
|
Passage omis
|
(...)
|
Accent d'intensité
|
NNN
|
Hétéro-interruption
|
\
|
Auto-interruption
|
/
|
Les locuteurs sont identifiés en début de
ligne par la première lettre de leur prénom. L'ajout de la lettre
suivante est parfois nécessaire pour les
différencier.
Annexe 8 : Entretien collectif 1
Informateurs : A, AI, AS, E, EL M, F, FB, I, J,
R
Date : 28 mars 2014 Durée : 29 min 02
s
98 Les choix opérés et les symboles
retenus sont empruntés à notre premier travail de terrain. Les
règles de transcription du français parlé sont issues du
cours de Master 1 Dil-FLE de l'université d'Angers, plus
précisément de l'UE « Interaction et acquisition des langues
» dirigée par M. Vasseur.
14
Lieu : Classe FLE de l'ASBL Avenir
I : Hum ::::: il est gentil et un peu sérieux
qu'est ce... E : Curieux.
I : Curieux il est gentil un peu curieux ce que j'aime
chez lui heu ::: il respecte tout le monde. Et ::: il est
généreux et sociable j'aimerais savoir s'il a une femme ++ et si
++ il a ++ des enfants...
J : C'est R.
I : Je crois que c'est R.
S : Alors donne-lui.
E : (Rires) un peu curieux ! C'est R !
I : Non elle est pas curieux, elle est
généreux elle est respectueux. Je crois c'est R.
R : (R lit) sérieux ce que j'aime xx xxx E : xx
xxx xx
S : Alors on va voir donc T elle pense que c'est R xx xxx
bien qui veut continuer A ? Tu veux nous lire ta description ?
A : Il est sympathique est ce que euh :: est ce que xx
xxx il y a de xx
S :{Il E : {Il
A : Il était sérieux ++++ euh ::: est ::::
ja :: gentil euh ::: un peu trop amus/ c'est pour moi je crois.
15
S : Il parle un peu trop ?
A : Oui surtout moi !
(Rires)
S : Il pense que c'est lui d'accord. Qui veut continuer
?
E : Moi !
S : E
E : Je vais dire bon ++
S : Oui
E : Elle est calme et souriante. C'est que j'aime chez
elle c'est la ++ sé ::rio ::si ::té et la +
générosité. J'aime savoir si elle est nerveuse un peu+
c'est moi. (Rires de la classe)
S : Alors tu penses que c'est qui E ? Tu penses que c'est
qui ? Que c'est toi ?++++ à toi de choisir.
E : C'est une femme en tout cas.
S : Oui c'est une femme +++++ alors on dit pas sa
sériosité je suis en train de penser I, on dit son sérieux
son sérieux.
I : Son sérieux ?
S : Ouais c'est son sé :rieux.
E : C'est comme ça qu'on dit ?
S : Sériosité c'est une traduction de ::
l'espagnol ++ son sérieux.
E : C'est vrai c'est comme ça qu'on dit
?
S : xx xxx
16
E : Je croyais que c'était qu'que chose
que\
S : Non ça n'existe pas. Seriedad seriedad oui
mais en espagnol en esp\
E : C'est AI alors ?
S : C'est à toi de décider c'est qui pour
toi ?
E : ++ +++ ++ Humm c'est allez voilà.
S : Pour AI d'accord++ +++ euh :::::: qui continue ?
AI.
AI : Il est calme ilé...
S : Il
AI : Il il est. Calme et gentil. Ce que j'aime chez cette
personne cé ces personne parce qu'ils
parce qu'il est sérieux et tranquille elle parle
pas beaucoup et il est bien habillé. E : Ça c'est R.
AI : J'aimerais++ connaître ses enfants et sa
famille. Ça c'est R.
S : R. Bon on a deux papiers chez R xx xxx xx y en a deux
pour toi.
I : Alors que moi je vais changer.
S : Non non xx xxx lui nous dira après qui il est
alors deux pour toi bon euh ::::: à qui J ?
J : xx xxx Parce que moi j'ai rien compris calme
sérieux.
S : Alors il ou elle ?
J : xx xxx
S : D'accord oui sérieux ++ +++ euh ::::: ++ +++
sérieux euh :::::gentil y parle pas
beaucoup++
E : Il ?
17
S : Et ça je ne sais pas et il a un xx xxx
gentil calme sérieux y parle pas beaucoup xx xxx
J : Cette femme dont je pense trop fermée je
pas bien connaître je crois c'est E.
S : On va voir.
E : J'ai déjà fait moi il est là
mon papier y a R qui a pas encore fait hein.
S : El M non plus.
E : Ah :::: El M n'a pas encore fait.
S : El M non plus alors El M c'est à toi ++ +++
elle est fougueuse alors fougueuse ça veut
dire euh ::::: ++ +++ elle est pleine de
vie.
E : C'est ça fougueuse ?
S : Voilà fougueuse elle crée elle prend
des risques euh :::::
E : Ah :::::
S : Voilà elle est très très
très dynamique pleine de vie prend des risques euh ::: euh :::
voilà
elle relève tous les défis.
E : Moi ça j'avais pas compris.
El M :{xx xxx très très elle j'aime j'ai
assez cette euh ::: passé ::::
S : {Personne gentille.
El M : Cette personne j'en pelle c'est
gelé.
S : {Elle rigole tout le temps.
El M : {Elle rigole toute le temps xx xxx
xx
S : {Et ne se fâche pas.
El M : {Ne se fâche pas. Du toute j'ai
aimeraisse conn-{connaître sa pays{
18
S : {Connaître
S : {Son pays. Alors elle est fougeuse elle est
gentille ::: elle rigole tout le temps{ attends c'est à El M de le dire
El M.
J : {xx xxx xx
S : Elle rigole tout le temps ne se fâche pas et et
la personne qui voudrait connaître son pays. Alors c'est qui El M ?
à ton avis + +++ dans la classe euh :::: qu'est-ce qui manque R ? Alors
à toi.
R : Elle est sérieux.
S : Il ou elle ?
R : Elle
S : Elle
S : Elle est sérieux euh ::: ce que j'aime euh :::
chez chez ce camarade euh ::: + ++ c'est le connaissance ?
E : Non curiosité sa cu ::rio ::si :::té
:::
R : Sa curieuse
S : Curiosité{
R : {Sa curiosité + +++ je voudrais savoir de son
pays + +++
S : Qui est-ce R ? À ton avis ?
R : euh :::: euh ::: AI E : J'ai donné à
AI.
R : Vous avez donné à AI ?
19
S : xx xxx xx parce que toi R tu en as eu deux dis ce
que tu penses pour toi qui est cette personne ?
R : euh :::: + +++ J : Peut-être AI.
S : Chut ! Laisse-le réfléchir
!
R : euh ::::::::: F ? E : Elle a déjà
eu.
S : C'est pas grave xx xxx tu le donnes à F.
C'est tout + +++ bon. Alors maintenant ne touchez rien++ +++ aïe qui c'est
qui n'a pas ::: eu de papier ?
E : Moi !
S : E n'a pas eu de papier R en a deux + +++ bon. J : El
M il l'a pas.
E : El M il l'a pas non plus.
S : El M ne l'a pas non plus hum hum bon. Alors
maintenant vous allez me donner vos papiers avec votre description alors il
faut que tu l'enlèves de ton cahier s'il te plaît.
E : J'ai écrit des choses dans l'autre
côté.
S : Ah mais c'est pas grave.
E : C'est juste pour moi le papier voyez ce que je veux
dire ?
S : E., A., ok + +++ alors là on va faire
pareil : je vais mettre il reste un quart d'heure++ je vais mettre votre propre
description sur la table vous allez en choisir une qui n'est pas la vôtre
d'accord ? On va revenir là et on va faire pareil d'accord ? ++ +++ ++
Alors qui c'est qui veut commencer ?
20
AI : Moi ! S : AI !
AI : C'est une femme très gentille très
calme fragile et j'ai je me nerve vite je pense qu'on me voit comme timide ce
que j'aime chez moi calme et sincère et bien mes yeux xx xxx
S : Alors qui est-ce ?
AI : C'est J.
E : C'est J.
S : C'est J ? Alors oui oui on verra + ++ alors J, c'est
toi ?
J : Oui.
S : Alors tu peux le lire ?
J : Ze euh :: je suis une femme calme et ::: fragile.{Je
pleure vite (rires) et ::: je m'énerve vite c'est vrai ! Et ::: je pense
qu'on me voit comme euh :: timide et tranquille ce :: que j'aime chez moi calme
euh ::: sérieux et j'aime mes yeux.
S : {Hum hum
S : D'accord. Est-ce que tu peux lire donc ça
c'est toi qui l'a écrit est ce que tu peux lire le papier que quelqu'un
a écrit sur toi ?
J : Euh ::: ça c'est pas sur moi.
S : C'est pas sur toi ? Tu avais lequel toi ?
J : L'autre comme ça.
S : Oui. Il est où ? Alors qu'est-ce qu'elle
disait cette personne ?
J : C'est trop calme sérieux euh :: + ++ euh :: je
sais je sais pas c'est quoi + ++
21
S : Personne sérieuse, gentille
J : Gentille
S : Un bon caractère
J : Oh + +++
S : Alors qui est ce qui a écrit ça ? +
+++ + c'est toi El M qui a écrit ? Oui ? C'était pour qui
?
El M : ça ? Pour AI.
S : Ah :::: c'était pour AI{pas pour J.
D'accord alors AI tu peux lire ta propre description ?
AI :{ Merci
E : Qu'est-ce que tu as dit pour toi ?
AI : Pour moi ?{
S : {Qu'est-ce que t'as dit pour toi oui toi qu'est-ce
que t'as dit ? Tu t'en rappelles ?
AI : Euh :: oui
S : Sur toi qu'est ce que tu as dit.
AI : Euh :: je suis fidèle ++ euh :: +
+++{
E : Est-ce que tu {x xxx x xxx x xxx x
S : Alors vas-y je suis fidèle.
AI : Je suis fidèle je pense qu'on me voit
comme une femme courageuse en même temps
timide ce que j'aime chez moi la tolérance et
la comédienne.
E :{[a comédie.
S :{[a tolérance et : la comédie.{
L'humour alors peut être l'humour{
22
E : {La comédienne elle préfère
::\
AI : {Ce que je donne aux autres je crois le courage le
sourire et aussi l'amour.
S : D'accord+ ++ alors est ce que El M toi tu as dit
qu'elle était CALME sérieuse gentille un
bon caractère.
El M : Oui c'est AI, c'est très calme
l'école c'est très calme bon caractère.
S : Hum hum d'accord+ +++{
AI : {Merci
S : {Bon euh :: alors qui continue F on
t'écoute.
F : Euh ::: je suis calme je suis autre de respecter et
je aime xx xxx à la maison et journal.
Et ::: j'habite l'aider aux autres personnes. S : J'aime
aider autr/les autres personnes.
R : xx Aider des autres personnes.
F : J'ai adore aider les autres autres
personnes.
FB : J'aime{ ça c'est pas xx xxx
F : {Ah j'aime aider autres personnes.
S : Alors qui est-ce ?
F : C'est R.
S : {R\
F: {Je le connais parce que::: comme x xx parce que :: x
xxx xx
S : (Rires) d'accord c'est pour le papier que vous vous
êtes reconnus.
F : En fait les traits x xxx xx seulement n'a rien
effacé.
23
S : Ah :: d'accord bon alors donc donc c'est bien toi R
alors donc R quel xxx est ce que tu as est ce que tu peux nous lire ce qu'avait
dit les deux autres personnes {tu peux nous les lire + +++ R ?
R : {Les deux autres personnes. F : Il est calme.
{
R : Il est{calme gen\il est gentil et :: c'est que j'aime
chez moi cette personne parce que + +++ { parce que il est sérieux{ et
tranquille et il parle pas beaucoup + +++{ il est bien il est bien bien bien
habillé euh :: j'aime savoir sa femme et{ses{enfants et sa
femme.
I : {Il est sérieux {tranquille {il est bien. E :
{J'aime.
S : {Connaître E : {Ses enfants
S : D'accord et l'autre :: alors qui c'est qui avait
écrit ça.
J : C'est moi.
S : C'est toi ? C'était pour qui ?
J : Pour R (rires).
S : R d'accord celui-là tu peux le lire
?
R : + ++{Il est gentil il a l'air sérieux {curieux
{sérieux, sérieux et j'aime chez lui respecter {sérieux
généreux sociable et social les :::: j'aimerais savoir si une
famille et si est ce que il a des enfants.
I : {Il est gentil.
E : {CURIEUX {curieux
24
S : Curieux
E : {Respecte tout le monde.
E : Ça c'est moi qui l'a écrit.
S : Alors ça ce qui a d'écrit, c'est pour
qui que tu l'as écrit ?
E : Pour El M.
S : Ah ::: c'était pas pour R !
El M : Merci
S : Je me suis trompée.
E : C'est pas grave.
S : C'est pour El M. Alors xx xxx que tu es gentil,
curieux {
E : {C'est vrai qu'il est un peu curieux. Fin j'ai
pensé...
S : {xx xxx que tu respectes tout le monde, que tu es
sociable et il aimerait savoir si tu as une famille et des enfants. Ça
c'est le tien. ++++ D'accord. Bon. Euh :::: qui veut continuer ?
E : Je vais ::: dire.... S : E ? Ouais.
E : Ce papier que je parle xx xxx je suis gentille,
innocente, une fille innocente peut-être elle a voulu dire. Je pense
qu'on me voit comme une charmante... fille. Aussi. Je suis aimé je je
qu'est-ce que j'ai chez moi c'est mes yeux. Ce que je donne oui ce que que je
donne aux autres mes yeux oui et vos coeurs peut-être. Un bon coeur. En
fin c'est pas grave on y est. Ce que je donne euh ::: aux autres la gentillesse
et ma... savoir, c'est ça ? ++ +++ Je sais pas... La
gentillesse...
I : Attends. Ce que je donne aux autres : la
désinvolture, la gentillesse et ma sourire.
25
E : Ma sourire, ah, désin- désinvolture,
c'est I hein !
S : Oui ? Tu le savais avant de\ ?
E : Non. Non. Non mais si si je le savais. Parce que elle
a parlé de ses yeux.
S : Oui.
E : Oui. Et puis qu'elle est un peu innocente ben c'est
un truc c'est innocent (rires).
S : Donc, alors attends qu'est-ce que tu avais comme
papier toi I ? Qu'est-ce qu'on t'avait écrit ?
I : Euh ::::euh ::: elle est curieuse, fougueuse. Ce que
j'aime chez cette personne, c'est euh ::: la gen- la gentillesse euh :::
rigoler. Tout le temps, elle ne fâche elle ne fâche pas du tout.
J'aimerais connaître son xx xxx. Je sais pas c'est qui qui m'a
écrit.
S : Qui c'est qui a écrit ça ?
AS : C'est moi. C'est pour I.
S : Donc c'était bien ça, hein ? D'accord.
A tu peux continuer ?
A : xx xxx
S : Alors donc, je suis
réservé\
E : Encore une fois fougueuse.
S : Fougueuse ça veut dire : dynamique euh ::: qui
prend des risques... voilà. Quelqu'un qui est plein de vie.
E : Parce que fougueuse j'avais pas compris comme
ça. S : On relève des défis hein ?
E : Oui. Ouais, voilà.
26
S : Alors donc pour le suivant : je suis
réservé. Je pense qu'on me voit comme une personne
méchante. J'aime ma taille, ma pointure et mon caractère. J'aide
les gens et surtout les personnes âgées. Et je donne des conseils
aux personnes qui sont proches de moi. Alors c'est qui ça ?
(Silence)
S : Réservé :::, elle pense qu'on la
voit ou il pense qu'on la voit comme une personne
méchante...
A : Madame E possible ! (Rires)
E : Je suis méchante A ?
S : Elle pense qu'on la voit d'une façon
méchante. Elle aime sa taille, sa pointure et son
caractère.
(Silence)
A : C'est qui ?
F : Moi, moi. C'est moi qui ai écrit
ça.
S : Alors F qu'est-ce qu'on a écrit sur toi
?
F : Cette femme euh ::: de penser trop, fermée de
pas euh :::
S : Alors cette femme trop fermée.... Et
après on sait pas. Cette femme trop fermée. Alors qui a
écrit ça ?
A : Moi !
S : Qu'est-ce que tu as voulu dire A ? Trop
fermée, qu'est-ce que tu as voulu dire ? A : Cette femme de pense, moi
je pense trop elle est fermée.
27
S : Elle ne parle avec personne ? (Silence)
A : Euh ::: oui, oui. Cette femme.... Moi je pense cette
femme trop fermée ++ +++ moi jusqu'après j'ai pas bien compris
cette femme. C'est Madame F.
S : Tu as pas bien compris F ?
A : Oui. J'ai pas bien compris.
S : Ah ::: d'accord.
E : Il comprend pas bien F.
A : Je connais pas bien.
S : Bon. On demandera à F. Qui n'a pas lu ? I
?
I : Je suis une personne pas raciste, je respecte les
gens, les femmes. Je aime pas les conflits. Je pense qu'on me voit comme une
personne gentille. Euh :::: j'aide les personnes. J'aide les personnes de mon
amour pour les autres.
(Silence)
S : Qui est-ce ?
I : Ça c'est un homme p'ce que... S : C'est un
homme ?
I : Oui. Parce que je suis gentil, il a parlé de
elle. Ça peut être euh ::::: On dirait c'est un homme qui l'a
écrit ça.
E : En tout cas c'est pas moi.
S : C'est pas E. Alors qui est-ce ?
28
I : Il écrit bien. C'est El M. S a écrit
pour lui. S : C'est toi El M ?
El M : Oui.
S : Oui ? Tu veux que je lise celui-là ? Alors
on lit celui d'El M. On va essayer de voir qui est-ce. Alors, je je suis euh
::: alors ++ +++ euh ::: je crois que c'est je suis dynamique, sociable et
volontaire. Dynamique parce que je suis toujours prêt à faire tout
ce qu'il faut dans la vie quotidienne. J'espère non j'enseigne non
j'essaye d'être bien avec tout le monde. J'aime j'aime bien euh :::
être ++ euh ::: ++ +++ alors oui du coup j'aime bien être je ne
sais pas. Une personne sociable ce que j'aime chez moi euh :: c'est ++ mes
cheveux et ma volonté pour aider les autres. Ce que je donne aux autres
++ c'est ::aider tout le monde ? Vous savez qui c'est ? Donc qui est-ce
?
F : C'est E.
S : C'est E. Alors E, qu'est-ce qu'on avait écrit
sur toi ?
A : Elle est calme, souriante. Elle est calme,
souriante. Euh ::: ce que j'aime chez elle c'est son c'est son sérieux.
J'aimerais j'aimerais savoir si elle est nerveuse ou non.
S : Alors qui a écrit ce papier ?
I : Euh ::: moi.
S : I. Et c'était pour qui ?
I : C'est pour J.
S : Pour J. D'accord. Alors euh ::::
29
Annexe 9 : Entretien collectif 2
Informateurs : A, AL, E, G, IM, J, JU, M, R
Date : 4 avril 2014 Durée : 28 min 40
s
Lieu : Classe FLE de l'ASBL Avenir
S : Allez. Qui veut venir présenter son travail
?
A : Oui, moi.
S : A ?
A : xx xxx
S : Alors. On va écouter A. Il va nous
présenter son portrait. Tu vas donc te présenter. Qui
tu
es A ? On t'écoute.
(Silence)
A : Euh ::: cette photo-là ça attends
explique. Xx xxx
S : C'est toi A ?
AL : C'est toi ?
E : T'as fait ça parce que c'est TOI. Moi je vous
l'ai dit : il a pas compris.
A : Eh ben, c'est ::::: xx xxx c'est Monsieur A ! J'ai
mis mes chaussures eh ::: femme. Une
sac pour femme et ::: je en bas une bouche, femme aussi.
Moi je pense c'est un travesti.
30
S : Donc c'est pas toi A ?
A : Euh :::: si te plaît tu diras pas à ma
femme ! S : Tu as dessiné un personnage alors ? A : Oui. Moi j'ai
dessiné un personnage.
S : D'accord. Bon. Ok. D'accord. Du coup pour te poser
des questions c'est pas évident. Bon. Ok. Des questions ?
E : Et non. Ben si c'est pas lui.
S : C'est pas lui mais on peut lui poser des questions.
Bon. Ok. Merci A.
A : Oui.
S : J ?
J : (Rires)
S : Allez, viens présenter. Qui tu es J ? Alors ce
qu'on va faire, c'est que vous allez regarder le portrait de J et vous allez
lui poser des questions. Par rapport aux images qu'elle a collées. J va
vous répondre. Qu'est-ce que vous pensez de J ? Qui elle est J
?
IM : J c'est une femme souriante. Sur cette photo, je
vois les yeux d'une femme. C'est une femme qui est souriante. Qui est heureuse.
Qui aime bien la nature parce y a beaucoup de nature.
E : Elle aime la mer et pis ça c'est quoi ? ++
++++ Elle aime la fête.
J : Oui.
E : C'est ça en fait ? C'est ça que tu
voulais dire ?
J : Oui : le feu d'artifice, le plage ici\
E : Tu aimes voyager ?
31
J : Oui, voyager j'aime bien. Ouais.
S : Qu'est-ce que vous voyez d'autre ?
(Silence)
S : Essaie de faire des phrases en disant je suis
quelqu'un qui aime ça, ce que je n'aime pas....
Parle-nous de toi avec ces images. Commence par la
tête.
J : Euh :::: moi\ (sonnerie de téléphone
portable) j'aime bien la nature, j'aime bien les
montagnes.
S : C'est les montagnes que tu as mis là-bas
?
J : Oui. Y a de la neige.
S : D'accord.
J : Et j'aime bien euh ::::: voyages.
S : Oui. Alors c'est quelle image ?
J : Ici. Au coeur.
S : D'accord.
J : Je suis toujours rigoler {
E : {souriante
J : J'aime tout le temps
S : Souriante
J : Souriante
S : Oui. Et un peu plus bas, à
côté du coeur ?
J : xx xxx les pieds. Aux pieds les
montagnes.
32
S : Pourquoi tu les as mises aux pieds ?
J : On va on va marcher avec les pieds.
E : Ça dépend où tu vas. Il n'y a
pas beaucoup de moyens de transport.
S : Est-ce que vous avez des questions pour J
?
A : Très bien !
S : Non. Des questions. Est-ce que le portrait que
vous voyez de J, correspond à ce que vous voyez d'elle, tous les jours
ici ?
E : Déjà, elle est souriante, très
souriante.
A : Oui. Oui très souriante. Elle est gentille.
Toujours très souriante, oui. J : Toujours souriante, toujours pleurer !
(rires) Toujours !
E : Elle a présenté, elle aime bien
voyager. Ça c'est c'est xx xxx on peut pas tout savoir, tous ses
goûts qu'elle a aussi. Voyez ce que je veux dire ? On voit une personne,
on peut pas tout savoir ce qu'elle a et ce qu'elle pense. Bon qu'elle est
souriante, qu'elle aime bien voyage, qu'elle aime bien aller en montagne, on
peut comprendre. On peut toujours savoir de la personne non plus
hein.
S : Ce que tu sais, ça se trouve sur quelle partie
du corps ?
E : Euh ::: ben, tout ce que moi je peux voir, ce
qu'elle a dit, ce que j'ai compris, ce qu'elle présente c'est la
sourire, ça je sais par exemple. Ça on peut le voir. Et si xx xxx
les voyages, je peux pas savoir si elle aime. Et qu'elle aime bien ::: euh :::
la nature. C'est vrai plus ou moins on l'aime tous, c'est tout. Et si qu'est-ce
que t'as présenté ? Les oreilles ?
J : (Rires) Du manger ! Des boucles d'oreilles
!
E : C'est des pommes de terre ! C'est comme G qui a
présenté ses yeux au chocolat !
33
S : Alors, qui veut venir présenter son image ?
Alors ne dis rien. On va essayer de savoir qui tu es. Alors JU, qui est G selon
son portrait ?
JU : Alors, selon son portrait ::: elle a mis son
buste xx xxx elle a mis la fête, on voit une image de fête. Donc
apparemment, elle aime bien faire la fête. Et euh ::: et ses yeux sont en
chocolat. Donc elle doit bien aimer le chocolat aussi. Et puis xx xxx Je
suppose qu'elle aime bien prendre des photos ++ +++ bouche souriante++ +++
voilà, c'est à peu près tous les détails que je
vois du portrait.
S : Alors quoi d'autre ?
A : Je pense comme JU. Euh ::: oui elle aime bien le
chocolat, en bas de faire de fête. Avec euh ::: elle elle est souriante.
Alors y a y a .... L'appareil photo c'est ça ? Donc faire je crois
beaucoup photos.
S : C'est une personne comment ? Qu'est-ce qu'on pourrait
dire ? Avec ces éléments ? A : Euh ::: une personne comme on
dit.....
AL : C'est une personne qui.... aime ses souvenirs de
son passé. Pour moi avec l'appareil photo, le passé on oublie
pas. Moi j'ai mis l'appareil photo.
A : Elle est contente.
E : Elle est contente de sa vie.
S : Alors est-ce que toi, tu peux te présenter G ?
Dis-nous qui tu es.
G : Voilà. Toujours très contente. Je
sourire. Oui j'aime bien chocolat mais maintenant pas beaucoup. Euh ::: j'aime
bien les parfums. Appareil photo : oui. J'adore ! Faire des photos j'adore
!
S : C'est pour ce qu'a dit AL ?
G : Oui. Si je veux aller euh ::: le parc, euh ::: la
plage, le jeu, c'est partout, je fais les photos. Après je fais parfois
albums ou je fais sms. Voilà.
34
S : Et tu prends qui en photo ?
G : Les enfants. Toujours mes enfants.
S : Est-ce qu'en voyant ce portrait, vous avez appris des
choses sur G ?
AL : Oui.
E : Ben je savais qu'elle aime bien faire des photos.
Elle nous a dit.
AL : Pourquoi l'appareil photo ? Pourquoi tu aimes faire
les photos ?
G : Parce que j'ai travaillé euh ::: le
caméraman ++ dans télévision. J'ai travaillé j'ai
fait caméraman et photos aussi de mariage... J'aime bien. Je sais
pas.
JU : Tu étais caméraman ?
G : Oui.
E : Dans son pays\
G : Non ici.
E : Ah je savais/ je croyais que c'était en
Turquie.
G : J'ai appris beaucoup. J'ai été au
mariage....
S : Donc c'était professionnel ?
G : Non c'est pas professionnel. Pour les amis, je fais
les photos, les caméras c'est moi que je fais. Voilà. C'est mon
papa il adore comme ça. Moi j'ai habité avec mon papa. Toujours.
Voilà. C'est tout.
S : Une dernière personne ? E : IM elle voulait
se.....
35
S : IM ? Allez on dit rien. Alors M est-ce que tu veux
nous présenter IM à partir des photos
qu'elle a mises ?
M : IM je la vois, c'est bien je je des fleurs...
c'est jolie.
IM : Merci
(Rires)
R : Montagnes.
E : Elle aime bien les montagnes.
R : Elle aime bien les montagnes, de l'argent. Elle
aime bien la mer. Elle aime bien les
ch'vaux.
E : Mais je ne comprends pas le dessin qu'elle a mis
au milieu : y a trois têtes.
J : C'est elle, sa fille et son mari.
IM : Non, non.
J : Non ?
E : Non. C'est des têtes :::: c'est au
milieu.
J : C'est les yeux.
E : Elle veut dire des choses avec cette image. Vous
voyez ce que je veux dire ?
R : C'est personnel, non ?
IM : Oui.
E : IM c'est une personne joyeux quand
même.
(...)
A : Mon avis IM comme elle mis, elle est
écolo.
36
S : Pourquoi tu dis ça ?
A : Parce que elle a mis beaucoup photos avec la :::::
nature. Je sais pas. Moi je pense comme ça.
R : La photo de la femme, je pense qu'elle est fort
attachée avec la photo de cette femme. G : Elle aime bien manger. Euh
::: non : voyager.
IM : Oui j'aime bien voyager mais c'est pas qu'est-ce que
je veux dire.
S : Alors est-ce que tu peux nous dire qui tu es IM
?
IM : Oui. Euh ::: xx xxx cette photo pour moi, c'est
la nature de mon pays : le Maroc. Et la plage, cette maison près de la
plage parce que c'est ma ville. Ma ville s'appelle Tanger. Parce que je fais
des photos. Euh :: des fleurs parce que y a beaucoup de fleurs dans ma ville.
Le cheval blanc parce que j'aime bien el cheval blanc. Euh ::: la
mosquée, c'est mon pays encore et j'ai fait xx xxx ça c'est mon
papa et ma mère parce que je je aime beaucoup. Et ça c'est une
jeune fille c'est pas moi. Jeune, jeune. C'est ma grande soeur encore au Maroc.
C'est tout. Et ça c'est mon pays, les maisons de mon pays.
E : Elle présente en fait ::: son pays natal. IM :
Parce que je me manque beaucoup.
E : moi je savais pas ces personnages qui sont au
milieu qui ferment les yeux. T'vois je savais pas.
IM : Ca présente mes parents.
S : Est-ce que vous saviez tout ça d'IM avant ce
portrait ?
AL : Non. Je la voyais timide. Euh ::: elle sourit tout
le temps. Et.....
E : Et ::: ben le pays c'est parce que ça
manque aussi. C'est parce que quand tu viens aujourd'hui, faut s'habituer,
ça je sais (rires).
37
S : Autre chose à dire IM ?
IM : Non.
E : Sont ces sentiments quoi.
S : Allez AL. Alors tu ne dis rien, on va essayer de
savoir qui tu es.
IM : Je vois qui y a euh ::: une femme. Je pense qui y a
une couple. C'est je pense c'est euh ::: ta femme et AL. Et je vois que y a des
photos... et je vois le fleuve parce qu'y a.... C'est ça...
E : La nostalgie de son pays. Et il aime la nature. Et
par contre, il est la photo, il aime tout ce qui est la planète, fin les
xx xxx et tout ça. Il aime bien la technologie.
S : Qui est AL d'après ce portrait ?
IM : Très familial.
A : J'ai une question AL. T'as quel âge
?
(Rires)
AL : Je suis de septante-neuf.
A : C'est-à-dire ? Trente-trois ans ? C'est ....
Rien dit. Gentil. Jamais mauvais avec moi. Je sais pas.
S : Bon AL, est-ce que tu peux te présenter ?
Dis-nous qui tu es ? AL : Oui. Ici, je suis avec ma femme que j'aime beaucoup.
IM : Ta femme elle est pas là ?
AL : Non elle n'est pas là. Ça c'est le
coeur. Et pour moi y a deux sortes de coeur. Y a le coeur vaillant, faut avoir
un bon coeur pour être en couple.
E : Non j'ai pas compris AL.
38
AL : Y a le bon et le mauvais coeur. Et pour moi, faut
un bon coeur pour être coupler. Moi j'ai un bon coeur. Et là euh
:: y a l'appareil photo, la télévision parce que je sais que pour
connaître les choses, le journal et l'appareil photo pour des souvenirs
dans le passé. Et euh :: ça c'est l'information que je trouve
partout où je suis. Pour savoir partout ce qui se passe dans le monde.
Ça c'est la voiture xx xxx
A : Très bien AL (applaudit), très
très bien.
39
Annexe 10 : Transcription entretien individuel 1
Informateur : J
Date : 4 février 2014
Durée : 47 min 55 s
Lieu : Local de l'ASBL Avenir
1. S : Alors (silence, bruit de cahier, de stylo)... J.
Tu l'écris avec un J c'est ça ?
2. J : Oui, oui. Mon prénom ça veut dire
jolie, belle en arabe.
3. S : Ah oui ?
4. J : Oui, oui c'est.... Voilà, c'est joli
(Rires).
5. S : Tu le portes bien en tout cas !
6. J : Oui (Rires), hum...
7. S : Ma question générale est la
suivante : comment est-ce que tu vis ton installation à
Bruxelles ?
8. J : La première fois euh ::: c'est
difficile.
9. S : Tu es arrivée quand toi J. ?
10. J : Euh 2009 septembre vingt-huit 2009,
c'était un mardi ou mercredi je pense.
11. S : Ah tu te rappelles du jour ?
12.
40
J : Oui oui oui même l'heure.
13. S : C'est vrai ?
14. J : Oui j'ai... à dix heures à
Charleroi et je suis mariée xx xxx pardon avec mon mari.
15. S : Donc tu es arrivée avec ton mari
?
16. J : Oui.
17. S : Est-ce que tu avais de la famille ici
?
18. J : Euh :: oui j'ai mon frère à Knokke
c'est loin.
19. S : Ah c'est pour ça que tu vas à
Knokke pendant les vacances ?
20. J : Oui mon oncle à Anvers.
21. S : Ah oui c'est loin, c'est loin d'ici.
22. J : C'est tout. J'ai plusieurs fam-... plus de
famille à la Hollande la famille c'est tout
que j'ai ici.
21. S : Et tu vas les voir parfois ?
22. J : Une fois.
23. S : Une fois par mois ?
24. J : Euh :: non (rires) une fois pour cinq ans, je
suis invitée à un mariage là-bas, la
première
fois et une dernière fois.
25. S : Et tes parents ils sont où alors J.
?
26. J : xx xxx je pense, je sais pas.
27. S : Tes parents, ton papa et ta maman,
28.
41
J : Ah mes parents ? J'ai pas compris. Mon père il
est mourir, mour-, ça fait dix ans, oui, mon mère il est au
Maroc.
29. S : Donc parfois tu vas au Maroc ?
30. J : Oui j'étais deux fois cinq ans
j'étais deux fois.
31. S : Et ça va, c'est pas trop dur
?
32. J : Si c'est dur (pleurs).
33. S : Elle peut pas venir ta maman ?
34. J : Oui (pleurs).
35. S : Pardon J., excuse-moi.
36. J : (pleurs) C'est rien c'est rien. (Silence,
mouchoirs)
37. J : Ma maman il est venu chez moi l'année
passée, restée avec moi quinze jours et il est parti.
38. S : Tu peux l'appeler un petit peu ou... ? Tu
l'appelles ?
39. J : Presque tous les semaines tous les ... une fois
par semaine.
40. S : Excuse-moi J., je voulais pas.
41. J : Non je sais je suis comme ça.
42. S : C'est ce que tu disais dans le portrait, je suis
fragile, tu n'as pas menti.
41. J : (rires)
42. S : Mais c'est une grande qualité
d'être fragile J., ça veut dire que quand tu aimes les gens, tu
aimes les gens.
43.
42
J : Comme j'ai dit à quelqu'un ou il vient
quelqu'un chez moi pour dès qu'on voit xx xxx,
c'est difficile, je pleure, difficile, c'est comme
ça.
44. S : Pourquoi est- ce que tu es partie du Maroc
pour venir en Belgique ?
45. J : J'ai suivi mon mar-
46. S : Pardon ?
47. J : J'ai suivi mon mar-
48. S : Ah tu as suivi ton mari.
49. J : Oui.
50. S : Pourquoi ton mari voulait venir à
Bruxelles ?
51. J : Il était là ça fait
longtemps.
52. S : Donc lui est belge ?
53. J : Oui.
54. S : Mais sa famille était au
Maroc.
55. J : Ma famille mais sa famille il était
ici lui, belle-mère et son oncle.
56. S : Toute la famille de ton mari est ici
?
57. J : Oui.
58. S : Donc lui il n'a pas d'origines marocaines
?
59. J : Non il est marocain mais il a
nationalité belge.
60. S : Et au Maroc lui n'y va pas ?
61. J : Pas toujours non sa maman il a deux soeurs
ils sont ici.
62.
43
S : D'accord, tout le monde est ici. Et ça va,
tu t'entends bien avec ta belle-famille ?
63. J : Ça va, ça va, que des
problèmes c'est pas facile.
64. S : Quand c'est pas ta famille c'est vrai que
c'est différent.
65. J : Oui, c'est pas facile.
66. S : Et tu as des enfants ?
67. J : Non j'aimerais bien mais pas
encore.
68. S : Tu es jeune toi J. !
69. J : Trente et un.
70. S : Ça va, d'ici quatre cinq ans et
voilà !
71. J : Oui c'est bon ça passe
vite.
72. S : Oui parce que tu es arrivée il y a
quatre ans ?
73. J : Cinq, presque six ans.
74. S : Presque six ans.
75. J : Oui.
76. S : Parce que donc toi tu es du Maroc, tu parles
l'arabe dialectal ou l'arabe littéral ? C'est-
à-dire l'arabe de l'école ou
?
77. J : Non normal, pas d'école mais presque
la même chose.
78. S : D'accord, parce qu'au Maroc, alors attends,
moi j'avais des élèves, des petits
élèves...
79. J : Des berbères ?
80. S : Voilà ils étaient
berbères, ils avaient des drapeaux, ils étaient de...
81.
44
J : Agadir ?
82. S : Non, attends...
83. J : Rif ?
84. S : Du Rif.
85. J : Moi aussi je suis du Rif, Nador, à
côté il y a l'Espagne et tout mais je parle l'arabe je
comprends le Rif mais je parle pas le Rif.
86. S : Parce que eux ils étaient très
fiers, le Rif, le Rif.
87. J : Moi je suis née au Rif mais je suis
grandie à côté de Rabat, Meknès,
Fès.
88. S : Tu as appris le français au Maroc
?
89. J : Oui j'ai un peu pas beaucoup.
90. S : À l'école ?
91. J : À l'école oui à
l'école. (Silence)
92. S : Donc quand tu es arrivée en Belgique,
vous êtes arrivés directement à Bruxelles ?
93. J : Oui.
94. S : Donc ici à Saint-Josse.
95. J : À Saint-Josse oui, juste ici à xx
xxx
96. S : Ah tu habites dans la rue Moulin ?
97. J : Maintenant non j'ai le très loin à
xx xxx
98. S : Tu prends le bus là pour venir
?
99.
45
J : Euh :: le tram et après le bus.
100. S : Ah oui ça te fait quoi, une heure
?
101. J : Non non, une demi-heure.
102. S : Et donc tu es arrivée ici, et est-ce
que tu pouvais communiquer avec les gens en français ?
103. J : Première fois j'ai essayé, oui
j'ai essayé euh j'ai été ici vingt jours et je suis venue
toute seule ici à l'école, je cherche mon mari il m'a dit ici
à l'école, je cherche avec ma grand, la grand-mère de mon
mari, je cherche et L... euh :: pas L, W il a donné un rendez-vous, il a
dit deux jours tu peux venir, je suis venue j'ai fait exam.
104. S : L'évaluation ?
105. J : Examen avec les autres, il a dit oui
ça va tu peux venir avec eux, j'ai été avec
eux.
106. S : Et comment tu te sentais quand tu es
arrivée à Bruxelles, quand tu ne pouvais pas parler ? Parce que
tu ne connaissais personne ici ?
107. J : Je comprends mais par parler c'est pas
facile, c'est vrai oui, la première fois toujours j'ai toujours toujours
toujours c'est pas facile xx xxx j'ai l'habitude, c'est pas facile.
108. S : Donc maintenant tu as des contacts ici, tu
as des amis ?
109. J : Des amis ? Mais j'ai mon frère c'est
tout. Je connais une dame au Maroc, il était ici à Bruxelles,
parfois je il a un magasin j'y allais je veux.
110. S : Tu vas au magasin ?
111. J : Oui, j'y vais il parle le français,
comme ça moi aussi pour parler français. C'est tout j'ai pas des
amis sinon.
112. S : Et pourquoi, parce que tu ne sors pas trop
ou parce que... ?
113.
46
J : Non c'est pas question de ça il y a pas de
confiance, je pense pas, c'est pas facile les gens ils sont difficiles pour ...
tu viens, tu parles comme ça, ils sont comme ça, c'est pas facile
non non non.
114. S : Et les gens c'est qui ce sont les belges
?
115. J : Non je connais pas des belges (silence) des
marocains je connais une dame italienne il a déménagé il
est très très gentil il est parti en Italie il a laissé
les clés pour moi pour les rideaux.
116. S : Ah ? Pour que tu t'occupes de la maison
?
117. J : Pour vérifier les arbres, comment on
dit ?
118. S : Les plantes ?
119. J : Pour les plantes pour arroser les plantes
une semaine Il est très gentil avec moi c'est ce que je connais c'est
une amie à moi, moi aussi j'aime bien la dame.
120. S : Et tu parles en français avec elle
?
121. J : Avec elle, elle comprend bien, c'est pas...
je comprends bien et elle aussi, c'est ça. (Rires puis
silence)
122. S : Est-ce que par exemple quand tu étais
au Maroc c'était plus facile d'avoir des amis qu'ici ?
123. J : Même au Maroc j'ai pas beaucoup des
amis, j'ai deux amies ils sont déménagées à l'autre
ville, juste par téléphone parfois.
124. S : Donc au Maroc elles ont
déménagé.
125. J : Oui mes amies ils sont
déménagé oui une autre ville. Je suis... mais j'ai pas
d'amis beaucoup, on dit en arabe beaucoup d'amis et une fois tu as jamais
d'amis, quand tu cherches une amie, tu as pas.
47
(Rires)
126. J : Et tu trouves pas, ça c'est la
vérité ou c'est vrai.
127. S : Qu'est-ce que ça veut dire ?
128. J : J'ai beaucoup d'amies mais quand j'ai besoin
de quelque chose, je demande à une amie de quelque chose elle dit ah non
je sais pas, tu trouves rien, beaucoup d'amis tu trouves rien.
(Rires)
129. J : Ça c'est le problème c'est
vrai.
130. S : Tu l'as vécu ?
131. J : Hum..... hum..... hum
132. S : Ça c'est vrai que les relations humaines
c'est difficile.
133. J : Ouais.
134. S : C'est TRES TRES difficile.
135. J : J'aime les gens, j'aime parler avec eux j'aime
mais juste ici après au revoir au revoir.
136. S : D'accord. Ils ne viennent pas chez toi, tu ne
vas pas chez eux.
137. J : NON NON NON NON. Comme ça c'est
mieux.
138. S : Pourquoi ?
139. J : Parce que comme ça pour expliquer
c'est pas facile j'ai déjà essayé, mais j'ai trouvé
une fille, Maroc l'année passée, au mois d'août, le 13
août, xx xxx il était assis à côté comme
ça avec moi et il commence à parler avec moi, il a dit j'ai des
problèmes avec mon mari il pleurait j'ai dit moi donnez-moi votre
numéro comme ça je parfois je téléphoner à
toi pour
48
demander est-ce que ça va. Une fois il vient chez
moi avec son mari. Mais moi aussi je suis mariée j'ai mon mari j'ai mes
problèmes je sais pas c'est pas comme ça.
140. S : Elle est venue ?
141. J : Oui il dit il parle une fois il est venu il
parlait il m'a téléphoné à minuit.
142. S : Minuit ?
143. J : Minuit mais c'est pas possible, j'ai dit non
c'est pas possible.
144. S : Et quand elle est venue avec son mari,
ça s'est bien passé, chez toi ?
145. J : Euh, j'ai dit je sais pas, mon mari il est pas
là, je sais pas je, il faut pas euh c'est pas facile, pour rentrer sans
mon mari c'est pas xx xxx oui mon mari il est pas là, xx xxx cherche,
toute seule.
146. S : Ah ils te cherchaient ?
147. J : Oui, j'ai dit c'est pas possible comme
ça. Mais plusieurs fois il a téléphoné à
minuit et le dernière fois j'ai pas... raccroché le
téléphone, j'ai laissé comme ça. C'est pas facile
pour trouver quelqu'un de...
148. S : Correct ?
149. J : Oui, correct.
150. S : Et tu sais pourquoi elle t'appelait à
minuit ?
151. J : Je sais pas, pour parler mais pas à
minuit. (Rires)
152. S : Peut-être qu'elle s'était
disputée avec son mari ?
153. J : Peut-être mais il faut respecter les
autres aussi, moi aussi j'ai des problèmes avec mon mari c'est pas
facile oui, problème sur problème, non.
154.
49
S : Est-ce que tu vas venir au cours de zumba J.
?
155. J : Je veux bien oui.
156. S : Oui ?
157. J : Oui je veux bien.
158. S : Ça sera, tu as vu on a mis une
affiche, ce sera le vendredi.
159. J : À quelle heure ?
160. S : A deux heures et demie.
161. J : C'est pas sûr l'heure mais je vais
essayer.
162. S : Ce qu'on peut faire, on termine à une
heure et demi la classe, après on mange, on amène quelque chose,
on mange là et après on descend et on peut faire la zumba.
Peut-être pas tous les vendredis, enfin, moi je serai là tous les
vendredis mais si tu veux venir un vendredi oui un vendredi non ou tous les
vendredis.
163. J : Je vais essayer, je sais pas.
164. S : Au moins une fois que tu voies comment
c'est.
165. J : Et voilà (soupir).
(Rires)
166. S : Qu'est-ce que je voulais te demander ? Oui,
par rapport à la Belgique, quand tu es arrivée ici, qu'est-ce que
tu as pensé de la culture, des gens, qu'est-ce que tu as pensé
?
167. J : La première fois il fait gris, il
fait vite noir j'ai pensé que pleurer (rires) mais ça va avec les
gens, les belges, je trouve ils sont pas racistes non.
168. S : Pas racistes ?
169. 50
J : Non euh plus moi xx xxx flash mais pas le premier ou
l'agent de quartier parle xx xxx
sont gentils, oui. Et ça marche comme ça,
ça va, on continue ça va.
170. S : Donc tu aimes bien la Belgique ou...
?
171. J : Oui j'aime bien, c'est triste mais j'aime
bien.
172. S : Pourquoi c'est triste ?
173. J : Euh le temps parfois.
174. S : Hum c'est vrai.
175. J : Quand on arrive à l'aéroport il
fait triste. (Rires)
176. S : C'est vrai, quand il pleut.
177. J : Oui. (Rires)
178. J : J'étais au Maroc il fait clair, le
soleil quand je suis arrivée ici, il fait cinq degrés.
(Rires)
179. J : Mais ça va.
180. S : Au Maroc il fait combien de degrés
?
181. J : Euh ::: ça dépend vingt-deux,
trente, trente-cinq, à Marrakech. Agadir parfois
cinquante, quarante, quarante-cinq. Euh :::
182. S : Ah oui d'accord.
183. J : A Agadir Marrakech oui mais Nador vingt deux,
vingt sept à trente maximum trente.
184. S : Oui c'est pas pareil.
185.
51
J : Non c'est pas pareil mais ça va, c'est
comme ça c'est pas toujours bien, non, quelque chose de bien, quelque
chose de pas bien, c'est comme ça la vie, mélange
(sourire).
186. S : Et qu'est-ce que tu fais quand tu dis
(soupir) moi aussi ça m'arrive souvent, hein tu sais j'habite en France
tu sais je ne suis pas loin mais bon la Flandre ça nous plaît pas,
la langue hein, il faut parler néerlandais, je ne parle pas
néerlandais moi, c'est une langue difficile...
187. J : C'est difficile.
188. S : C'est une langue TRES TRES dure.
189. J : Moi j'aime bien, quand j'entends, j'aime
bien.
190. S : Le néerlandais ?
191. S : Oui j'aime bien.
192. S : Et tu comprends ?
193. J : Oui je comprends.
194. S : Oh t'as de la chance J. !
195. J : (Rires) Je comprends plusieurs mots juste
comme ça dans la rue. (Échanges de mots en
néerlandais)
196. S : Mais où est-ce que tu l'as appris
?
197. J : Juste dans la rue, comme
ça.
198. S : Dis donc mais c'est génial
!
199. J : J'aime bien, j'adore la Fla... le
néerlandais. Néerlandais espagnol j'adore les deux, je comprends
le néerlandais la première fois.
200. S : Ah oui si tu le comprends tu vas vite
apprendre.
201.
52
J : J'aime bien.
202. S : Et le français tu aimes bien
?
203. J : Depuis que je quitter l'école,
toujours j'ai dit dans ma tête il faut que je prends le français,
ça fait quinze ans, et voilà, je prends le français, Dieu
est grand.
204. S : Donc tu es contente d'apprendre le
français ici ?
205. J : Oui xx xxx la vérité,
ça fait quinze ans, que j'ai quitté l'école, toujours j'ai
dit il faut que j'apprends le français et j'apprends le français
*inchallah* et c'est grâce à Dieu.
206. S : Tu pensais ça ?
207. J : C'est comme ça, quelque chose est
bien, quand je parle le français plusieurs langues tu trompais xx xxx
quand tu parles avec les gens ou bien les gens ils parlent de quelque chose, tu
fais comme... plusieurs fois tu comprends quelque chose.
208. S : Donc après tu aimerais apprendre le
néerlandais ?
209. J : Oui, j'aime bien bien bien.
210. S : Est-ce que tu parles néerlandais avec
quelqu'un ?
211. J : Non jamais.
212. S : Tu regardes la télé
peut-être ?
213. J : Non, non juste comme ça dans la rue
ou bien parfois chez les enfants de mon oncle, à Anvers ils parlent
néerlandais mais, les enfants de mon frère aussi ils parlent
néerlandais, à Knokke, mais ça fait très, trois,
deux ans et quelque que j'ai pas parti chez mon frère, j'ai des
problèmes avec mon mari, je partais pas chez eux, chez mon frère
mais... j'aime bien... quelque chose... j'aime bien.
214. S : Et avec ton frère tu parles
néerlandais ?
215. J : Non que l'arabe.
216. S : Et avec les enfants de ton frère
?
217. J : Euh... parfois il joue avec eux oui mais moi je
parle, mais j'aime bien c'est ça que... j'ai envie
d'apprendre.
218. S : Ah c'est bien, c'est très bien parce que
c'est une langue difficile, c'est très bien, si tu
comprends.
219. J : Mais je comprends pas toujours.
220. S : Oui mais tu reconnais les sons.
221. J : Oui oui, quand quelqu'un parle, je sais qu'il
parle néerlandais.
222. S : Et l'espagnol, pourquoi ?
223. J : J'aime bien, c'est comme ça, quand
j'étais petit, je lis le journal en espagnol et fais comme ça
dans la télé, et parler je fais comme ça, je comprends
rien mais je vois le... il bouge la bouche je fais comme ça (mimes et
rires) c'est comme ça.
224. S : Tu comprends un petit peu ?
225. J : Non, juste un peu la casa, euh.... Ils sont
partis (rires), non, ils sont partis tout !
226. S : Avec Fatima tu pourrais parler en espagnol
?
227. J : Oui, Fatima parle espagnol oui.
228. S : Elle serait contente de te parler en espagnol
!
229. J : Oui, elle parle bien Fatima, oui, elle parle
bien. Ça c'est ma histoire (rires).
230. S : Alors ton histoire c'est pas que ça,
parce que toi, comme tu me disais tu fais partie du projet Home99,
tu peux m'expliquer ce que c'est ?
231. J : Oui c'est euh ::: une grand maison, euh :::
sont deux, les gens qui sont malades.
53
99 Centre gériatrique de Saint-Josse.
54
232. S : Ah il y a deux personnes ?
233. J : Non plusieurs... mais moi com-... euh ::: il
y a trois gens marocains qui sont pas, ils ont pas de famille ici, ils ont des
familles mais ils ont pas de contacts avec eux ou bien des problèmes je
sais pas exact mais moi je... j'ai visité un monsieur marocain qu'il
était cinq ans, il est... il a tombé malade au Maroc, il a venu
directement ici à xx xxx ou bien je pense qu'à... à
l'hôpital. Après il a ... il a...
234. S : Il a déménagé
?
235. J. : Non il a pas déménagé,
il a...
236. S : Il a changé de... ?
237. J : Il a changé à l'Home, à
l'Home xx xxx il est, le première fois qu'il est tombé, il sait
pas parler, il bouge pas, même une signature il sait pas faire parce que
il a, il boit il boit beaucoup de l'alcool c'est ça qu'il a
tombé, une fois, mais maintenant il ça va il est content ici, il
a dit j'ai parlé avec euh ::: deux fois, il est content il a dit ici je
sens comme chez moi, qu'il est... oui, il a dit je suis bien mais... il est...,
il est propre, pour manger, pour les vêtements là tout, oui, tout
tout tout, il a dit je suis je sens ici, je suis très bien, maintenant
il part xx xxx il bouge, il euh... pour...
238. S : Il se déplace ?
239. J : Il s'est déplacé toute seule
à son... de son chaise roulée, fauteuil roulé.
240. S : Oui chaise roulante.
241. J : Sur chaise roulante, oui, c'est bien,
voilà monsieur.
242. S : Donc toi quel est ton rôle
auprès de ce monsieur ? Quelle est ta fonction auprès de ce
monsieur ?
234. J : Juste pour parler avec eux.
235. S : Tu traduis aux infirmiers ou...
?
236.
55
J : Euh quand il a quelque chose, mais il a toujours
ça va, il a oui, la dame il a demandé est-ce qu'il a quelque
chose de nouveau rien, j'ai dit non, xx xxx il a pas de problèmes, non,
il a dit je suis bien ici.
237. S : Et toi tu parles de quoi avec lui
?
238. J : Il raconte sa vie, quand il est jeune avec
sa femme, il a deux enfants, une ici une autre il est au Maroc, ils sont
mariés, c'est tout, il a des amis belges et il les connait depuis
l'année septante il a venu ici.
239. S : Soixante-dix ?
240. J : Septante, soixante-dix, il a venu ici comme
touriste, il a prend taxi avec eux, au Maroc la première fois xx xxx et
il a venu ici chez eux, il a toujours les.. même s'il vient en Belgique,
les Belges il vient est parti au Maroc, ils restent des amis, depuis septante,
les parents sont mourir.
241. S : Sont morts
242. J : Sont morts mais il a contact avec les
petits-fils, troisième génération.
243. S : Mais ils parlent français
?
244. J : Oui le monsieur il parle français
bien parce qu'il est... travail de ingénieur ou bien quelque chose...
oui, c'est pas...
245. S : Pourquoi est-ce que tu penses qu'il a besoin
de parler arabe avec toi ?
246. J : C'est la dame qu'il a demandé
ça.
247. S : C'est qui la dame ?
248. J : Euh... Caroline, Karine, non Karine qu'il
est responsable de l'Home... c'est elle qu'il a demandé, est ce que vous
pouvez venir pour visiter des gens qui sont malades et ils sont par exemple pas
de.. tout de... famille ici.
249.
56
S : Donc tu ne parles jamais français avec lui
?
250. J : Non que l'arabe (rires) je sais pas
si...
251. S : Tu trouves que c'est bien de parler arabe
avec lui ? Pour toi c'est bien ?
252. J : Pour prendre le français c'est pas
bien d'un autre côté mais pour bien expliquer, bien comprendre
aussi, je trouve ça c'est facile pour moi.
253. S : Pourquoi tu as accepté de faire
ça ?
254. J : J'aime bien aider les gens, j'aime bien
montrer quelque chose de bien pour les gens, moi je suis comme ça,
peut-être deux fois chez monsieur je suis, je dis je peux rester avec toi
(rires) je suis comme ça (rires).
255. S : Tu y vas toujours ?
256. J : Non, tous les quinze jours, tout mercredi,
oui mercredi, peut-être je vais ramasser mes affaires xx xxx (rires) je
suis comme ça.
257. S : Tu aimes aller là-bas ?
258. J : Oui j'aimerai bien, ça fait plaisir,
moi aussi quand quelqu'un est malade, quand moi je suis malade, j'aime les gens
ils téléphonent à moi, il vient chez moi, c'est ça
que je fais, je sens, il faut quelqu'un malade, quelqu'un il est malade il faut
demander, est ce que ça va, est-ce que tu veux quelque chose, est-ce
que... c'est ça. Tu comprends ?
259. S : Oui je comprends, oui je comprends J., oui,
c'est vrai que tu apprends à être tout seul, c'est dur
d'être tout seul. C'est bien que tu aides quelqu'un.
260. J : J'aime bien.
261. S : Parce que lui quand il te voit il est
content ?
262. J : Oui, aussi il est content, il pleure avec
moi, il est très content, il est avec un monsieur belge, il est
très très content, le monsieur.
263.
57
S : Et tu restes combien de temps avec lui ?
264. J : Même pas une heure, c'est juste
ça, après on entre à midi quart et midi euh, une
heure,
une heure vingt on part.
265. S : Oui parce que vous êtes trois c'est
ça ?
266. J : Oui moi, F et I, IM. Il va chez une dame et F
avec un monsieur aussi.
267. S : Et jusqu'à quand vous allez faire
ça ?
268. J : Madame K a dit deux mois.
269. S : Donc là c'est bientôt fini non ?
23. 270. J : Oui presque... deux trois semaines.
271. S : Et après tu n'iras plus ?
272. J : Je sais pas, il faut que je demande à la
dame, s'il a dit oui oui.
273. S : Oui c'est difficile pour toi et puis pour ce
monsieur si tu n'y vas plus.
274. J : C'est rien (émue).
275. S : En tout cas c'est une très belle action
de ta part, tu penses aux autres alors que toi tu
as aussi des problèmes et que tu n'es pas chez
toi.
276. S : Tu lui en parles de ça à ce
monsieur ?
277. J : Non ! De ma vie ?
278. S : Oui.
279. J : Non, sinon je commence à pleurer je
parle pas (rires).
280. S : Et il a quel âge ce monsieur
?
281. J : Presque septante, je pense, septante
huit.
282.
58
S : Ça pourrait être ton
grand-père.
283. J : Oui oui il est grand oui.
284. S : Dans la classe tu te sens bien J. ?
285. J : Oui oui.
286. S : Tu aimes bien venir à l'association
?
287. J : Oui j'aime bien, j'ai l'habitude maintenant.
(...)
59
Annexe 11 : Transcription entretien individuel 2
Informateur : AL
Date : 11 février 2014
Durée : 42 min 03 s
Lieu : Local de l'ASBL Avenir
1. S : Quand est-ce que tu es arrivé, depuis
combien de temps tu es ici ?
2. AL : Ça va. Je suis arrivé le :::
c'était le trente septembre... 2002.
3. S : Tu te rappelles exactement du jour ?
4. AL : Oui oui parce que j'ai été
à l'office le trente septembre 2002. Alors j'ai demandé l'asile,
on m'a envoyé dans une centre de Croix Rouge à Aincourt j'ai fait
normalement deux mois là-bas et après on m'a autorisé de
chercher une maison.
5. S : C'était en Wallonie ?
6. AL : Oui. Ma première maison que j'ai eue
c'était à Anderlecht rue du Smith numéro deux, dix
septante Bruxelles. Et j'ai fait ::: quelques années là... non
j'ai fait neuf mois là-bas, neuf mois\
7. S : Tout seul ? Tu es venu tout seul ?
8. AL : Oui ! Je suis venu tout seul. J'ai fait neuf
mois là-bas, de là, je suis parti à Mid-Bruxelles
boulevard Maurice Lemonnier numéro trente-six. J'ai fait euh :: quelques
temps là-bas aussi, de là je suis parti à xx xxx douze
mille Bruxelles... xx xxx numéro un et ::: j'ai fait quelques
années là-bas.
9.
60
S : Et tu arrivais d'où ?
10. AL: De la Côte d'Ivoire, Abidjan. Et
maintenant de là-bas aussi je suis parti euh..., tout près de la
gare du Nord commune Saint-Josse. J'ai fait une année là-bas, rue
de la prairie numéro huit, c'était là-bas maintenant j'ai
une maison sociale, où j'habite actuellement rue du Grands Serment
numéro vingt-deux voie rue vingt-sept mille Bruxelles.
11. S : Et ça te plaît cette maison
?
12. AL : Oui elle me plaît beaucoup, oui. C'est
une chambre salon toilettes à part, douche à part, cuisine et un
petit xx xxx et un balcon aussi.
13. S : Ah c'est bien. Tu as le soleil ?
14. AL : Oui, le soleil des fois, dans le jardin
oui.
15. S : Ah ça c'est chouette ! (Silence) Et
pourquoi tu es parti de :: d»Abidjan ?
16. AL : Bon je suis euh... je suis quitté
Abidjan à cause de mon idéologie politique, parce que
j'étais membre du parti d'Alassane.
17. S : Parti d'Alassane ? Alassane c'est un homme...
C'est un politique de...?
18. AL : Alassane Dramane Ouattara, c'est celui qui
est le président actuellement. Et j'ai fait même la prison
à cause de lui mais je rentre pas dans les détails, je me suis
retrouvé xx xxx. En 2003, j'ai suivi une formation dans le
bâtiment, coffrage et après j'ai fait mon stage deux mois chez
l'entreprise Tirat, et quand j'ai fini mon stage ils m'ont dit qu'ils vont
m'appeler et entretemps, y a un ami qui m'a appelé pour le travail au
restaurant, François à Sainte Catherine, toujours Mid-Bruxelles
alors j'ai été là-bas, j'ai travaillé là-bas
euh... le jour qu'on m'a appelé et le lendemain ; trois jours
après, la patronne elle a vu que je travaille bien, elle m'a
proposé le contrat.
19. S : Ah c'est chouette !
20.
61
AL : Alors j'ai signé mon contrat
là-bas, à ce moment j'avais la carte orange et j'ai
travaillé de 2003 maintenant jusqu'à 2007, le mois de mars. Le
restaurant il marchait pas beaucoup et il y avait trop de personnel et
j'étais le dernier euh... le dernier euh...
21. S : Embauché ?
22. AL : Embauché, alors là c'est la
raison pour laquelle j'ai arrêté le travail là-bas, le
patron m'a appelé pour me dire que... franchement... j'ai même la
lettre qu'elle m'a donnée, j'ai ça, la lettre là aussi
m'accompagne beaucoup de choses parce qu'elle a fait des
commentaires.
23. S : De bons commentaires ?
24. AL : De bons commentaires, je l'ai ici
peut-être, je vais te montrer après et de là maintenant de
2007 je me suis inscrit à... chez l'intérim Asap. Maintenant j'ai
travaillé avec l'Asap jusqu'à 2012, 2012 à maintenant,
comment on appelle.... je voulais... je voulais faire une formation pour
conduire le tram.
25. S : Ah oui c'est chouette ça !
26. AL : Maintenant le test que j'ai fait, j'ai
raté le test et ils m'ont dit maintenant d'aller m'inscrire à
l'école pour avoir le niveau et après que... on va voir ce que je
peux faire.
27. S : Donc tu vas aller t'inscrire à
l'école ?
28. AL : Oui c'est là maintenant ils m'ont
donné euh...plusieurs plusieurs noms de l'école et c'est ici que
j'ai eu.
29. S : Ah c'est ici, d'accord.
30. AL : C'est ici à l'école Avenir
ASBL rue du Moulin numéro 150. Et je suis là je crois depuis
2012.
31. S : Et donc ta formation de gardien de
sécurité, comment tu as eu l'idée ?
32. AL : Alors là quand je suis quitté
Saint-Josse ici, je suis, je me suis, je suis parti m'inscrire à la
mission locale de Mid-Bruxelles. Alors là on a fait une séance et
c'est ceux-là
maintenant qui m'ont proposé. Ils ont
parlé beaucoup des formations et c'est maintenant j'ai choisi pour...
pour la sécurité.
33. S : Parce que quand tu étais à Abidjan
donc tu allais à l'école ?
34. AL : Oui.
35. S : Et tu avais un travail ?
36. AL : Oui, j'étais chauffeur de
taxi.
37. S : Ah ! C'est ton travail à Abidjan,
chauffeur de taxi ?
38. AL : Non xx xxx
39. S : Donc tu n'avais jamais travaillé dans les
bâtiments ?
40. AL : Non.
41. S : Jamais dans les restaurants ?
42. AL : Non. C'est ici que j'ai fait. J'ai fait une
formation de trois mois dans le bâtiment et après j'ai fait mon
stage chez l'entreprise Tirat et ils m'ont donné cette attestation,
ça aussi je l'ai à la maison. Celui-là ils m'ont dit
qu'ils vont m'appeler, mais entretemps j'ai été appelé
euh... comment on appelle euh... comment on appelle...
restauration.
43. S : Par le... ?
44. AL : Restauration
45. S : Restauration ? Par le restaurant.
46. AL : Oui par le restaurant, maintenant quand je
suis parti là-bas, j'ai travaillé trois jours comme ça, le
patron m'a proposé le contrat et j'ai signé le contrat jusqu'en
2007, j'ai travaillé là-bas.
62
47. S : Mais alors tu parlais français quand tu
es arrivé ?
48.
63
AL : Oui je parlais le français.
49. S : Et pourquoi tu parlais français
?
50. AL : Pardon ?
51. S : Pourquoi est-ce que tu parlais français
déjà ?
52. AL : Parce que la Côte d'Ivoire ça
c'est un pays francophone.
53. S : Donc à l'école tu apprenais le
français ?
54. AL : Oui mais j'ai pas été au... J'ai
été à l'école mais pas euh... parce que en Afrique
si tes parents n'ont pas de moyens, c'est pas facile de continuer. J'ai fait
l'école jusqu'à sixième. Pas plus.
55. S : Donc sixième, c'est-à-dire
jusqu'à onze ans ?
56. AL : Non, six ans. Maintenant je fais les cours du
soir.
57. S : Ici ou là-bas ?
58. AL : Au pays, parce que comme mon papa n'avait pas
assez de moyens, directement j'ai commencé à rouler le taxi pour
lui donner un coup de main.
59. S : Donc tu as commencé à quel
âge le taxi ?
60. AL : Bon je peux dire euh... dix-sept, dix-huit
ans.
61. S : Donc tu parles français mais tu parles
peut-être aussi d'autres langues ?
62. AL : Oui ça c'est notre langue maternelle
gula. Gula en Afrique de l'ouest au Mali, gula on dit là-bas
bambara.
63. S : Bambara, c'est le nom de la langue ?
64.
64
AL : De la langue. En Guinée on dit malinké
euh... au Burkina aussi on dit gula. Parce qu'en Afrique de l'ouest, on parle
ces langues en Guinée, la Côte d'ivoire, le Mali, le
Sénégal et la Gambie.
65. S : Donc tu peux parler avec des gens du
Sénégal, de Gambie... ?
66. AL : Oui, c'est le wolof qu'on parle au
Sénégal mais y a des gens qui parlent le gula aussi.
67. S : Ici tu parles gula avec des gens ?
68. AL : Oui, il y a plein d'ivoiriens ici, y a des
maliens aussi, y a des guinéens et les gambiens, qui parlent aussi
même langue mais mots différents. Parce que je peux dire que les
pays que je viens de citer là, cela fait partie de Union
Mandingue.
69. S : Mandingue ?
70. AL : Mandingue, ça veut dire que...
mandé, c'est la langue n'ko. Les gens qui parlent n'ko, si je me trompe
même pas, j'ai une carte de...
71. S : Tu as la carte des...
72. AL: Union mandingue
73. S : Ah, union mandingue
74. AL : Voilà, on a une association ici qu'on...
voilà... les pays qui sont là là, ça veut dire
qu'ici ils font... il fait partie de mandingue.
75. S : Ah et donc il y a une association à
Bruxelles ?
76. AL : Oui
77. S : Et donc toi tu y vas à cette association
?
78. AL : Tu vois, y a le Mali, Libéria,
Guinée Bissao, Gambie, Sénégal, Sierra Léone,
Guinée, Burkina et la Côte d'Ivoire, ça c'est mon pays
qu'il y a là.
79.
65
S : Donc il y a des manifestations, vous faites des
activités ?
80. AL : Oui on fait des activités mais pas les
manifestations, non, c'est pas possible. Moi ce que moi je comprends,
manifestation pour sortir, manifester.
81. S : Ah non !
82. AL : On fait des activités xx xxx
83. S : Et vous parlez français là-bas
?
84. AL : Si, on parle le français comme notre
langue ?
85. S : Vous parlez les deux ?
86. AL : Les deux
87. S : Et quand tu es parti d'Abidjan pour venir en
Belgique, comment tu t'imaginais la Belgique ?
88. AL : Bon. La Belgique moi je peux dire que ça
a été bien pour moi, parce que quand j'ai demandé d'asile,
j'ai fait que dix mois au centre, parce que j'ai rencontré des gens ici
qui ont fait deux ans, trois ans, au centre. Moi j'ai eu ma carte orange au
bout de deux mois.
89. S : Qu'est-ce que c'est la carte orange
?
90. AL : La carte orange, euh... en 2002, ça
c'était une carte provisoire.
91. S : De nationalité ?
92. AL : Non non non, pas nationalité. Une carte
provisoire pour les gens qui demandent asile, qui te permette de te promener en
Belgique, mais pas dehors de la Belgique.
93. S. : Donc tu peux travailler avec cette carte
?
94. AL : Oui, tu pouvais travailler avec ça si
t'avais le permis de travail. C'est une carte aussi. Voilà. Après
carte orange on m'a donné la carte blanche, c'était un
an.
95.
66
S. : Ça c'est définitif, carte blanche
?
96. AL : Oui, ça c'était parce que j'ai
demandé la régularisation et ils m'ont donné euh... ils
m'ont et j'ai été régularisé, ils m'ont
donné une carte illimitée. Alors là, c'est ça
maintenant (incompréhensible) pour faire cinq ans. Et cinq ans j'ai
aussi demandé ma nationalité. Actuellement, j'ai eu ma
nationalité.
97. S. : Au bout de cinq ans tu l'as eue
?
98. AL : J'ai eu ma nationalité ça fait
je crois en 2012.
99. S. : Y a pas longtemps, ça fait deux ans
que tu l'as eue.
100. AL : En 2012 six septembre
101. S. : Et quand tu es arrivé ici, comment
tu as trouvé les gens, le paysage ?
102. AL : J'ai trouvé euh... les gens sont
sympas, ils sont tolérants et ... ils... franchement ils sont sociables
euh... ils se demandent toujours pardon parce que même si quelqu'un toi
tu viens tu marches sur le pied de quelqu'un, c'est la personne-là qui
te demande pardon ; ok en Afrique on te pousse et tu m'as pas vu ? , alors ici
j'ai trouvé que la Belgique franchement c'est super, oui, j'ai vu des
mentalités différents, des êtres humains, entre la Belgique
et la Côte d'Ivoire.
103. S. : Et est-ce que pour toi ça a
été difficile la culture d'ici et la culture de ton pays
?
104. AL : Non, pour moi non, parce que quand je suis
venu je parlais le français et dans un pays si tu parles leur langue, je
crois que ça ne sera pas difficile pour toi, comme les gens qui ne
parlent pas leur langue, parce qu'il y a... y a plusieurs langues qu'on parle
ici mais la langue qu'on parle ici normalement c'est le français et le
flamand. Le flamand je comprends pas mais le français je me
débrouille, donc ça n'a pas été difficile pour
moi.
105. S. : Et toi tu te sens ou tu t'es senti
différent ici ? Tu étais AL comme tu étais en Afrique ou
tu es quelqu'un d'autre ?
106.
67
AL : Waouaih euh... tu sais en Afrique on vit toujours
avec la famille et les amis et quand j'étais là-bas on dormait
à quatre à la maison hein. Mais ici quand je suis venu on m'a dit
de chercher une maison et je dormais sur xx xxx donc ... (rires)
107. S. : C'était dur pour toi ?
108. AL : (Rires) Tu vois ? Ça a
été normal pour moi parce que tout ça c'est pour ne pas
déranger les autres et... pour être libre et... faire ce que tu as
envie de faire, à l'aise.
109. S. : Quand tu es tout seul, dans une
maison
110. AL : Quand tu es tout seul, pour ne pas te
déranger, j'ai trouvé ça normal même si tu as
quelque chose à apprendre si tu es seul, tu vas te concentrer pour
faire... par exemple pour avoir mon permis, j'étais seul, j'ai
acheté le CD, CD-Rom, j'avais l'ordinateur chez moi, j'ai appris
à la maison hein.
111. S. : Ah tu n'es pas allé à
l'école ?
112. AL : non, j'ai pas été à
l'auto-école, et j'ai appris ça à la maison et je suis
parti pour faire la théorie, j'ai raté première fois,
deuxième fois j'ai eu. Pour la pratique aussi j'ai raté
première fois deuxième j'ai eu parce que je conduisais à
Abidjan, mais malheureusement ils n'ont pas accepté de changer mon
permis ici.
113. S. : Oui tu étais taxi, tu avais le
permis.
114. AL : Oui oui oui, donc directement je me suis
engagé pour faire mon permis, et Dieu m'a aidé, j'ai eu mon
permis depuis 2006.
115. S. : Et au niveau de la nourriture, les odeurs
?
116. AL : Bon, ça, ça va parce que tu
vois, avec euh... j'sais pas, les commerçants ou quoi, tout ce qu'on a
en Afrique on trouve ici aussi, y a le magasin africain surtout à
côté de l'abattoir si tu pars là-bas, tous les magasins qui
fait face à l'abattoir ça ce sont des magasins africains,
ça c'est des produits d'Afrique qu'on vend là-bas donc euh... moi
aussi je ne mange pas presque au restaurant, je prépare toujours chez
moi.
117.
68
S. : Tu cuisines ?
118. AL : Ouais... et je mange... rarement que je
mange au restaurant.
119. S. : Pourquoi ?
120. AL : Parce que, d'un, ça coûte
cher, de deux, j'ai pas habitué de... manger les trucs
européens.
121. S. : Tu manges pas les frites ?
122. AL : Je mange les frites, au snack je mange les
frites... légumes.
123. S. : Et avec ta famille tu communiques souvent
?
124. AL : Oui, je communique souvent, presque tous
les jours.
125. S. : Tu parles en français avec eux
?
126. AL : Ouais ouais ouais, français ou
langue maternelle.
127. S. : Avec tes enfants ?
128. AL : Ah surtout j'ai acheté un
téléphone pour ma fille, ma fille que je l'adore
beaucoup
(rires) donc on parle tout le temps au
téléphone.
129. S. : Et quand tu... pardon excuse-moi,
vas-y
130. AL : Non, je... je voulais te dire que ma fille
je l'aime beaucoup, elle me plaît.
131. S. : Tu vas aller la voir bientôt
?
132. AL : Ouais, si Dieu le veut.
133. S. : Peut-être cet été
?
134. AL : En tout cas, je pense, si Dieu le veut, ce
sera avant 2015.
135. S. : D'accord. Donc c'est dans six
mois...
136. AL : Si tout va bien.
137. S. : Tu aimerais retourner vivre à
Abidjan si tu pouvais ?
138. AL : Bon, ça dépend, ça
dépend, parce que l'Afrique d'avant et l'Afrique d'aujourd'hui c'est pas
la même chose. Avant, y avait des dirigeants, franchement qui ne me
plaisent pas, qui devant le malheur... et je crois bien que maintenant les
dirigeants qui sont venus là ils ont beaucoup vécu en Europe ici
et ils ont espérance d'Europe et je pense bien avec ceux-là les
Africains comptent rentrer mais moi pas maintenant.
139. S. : Qu'est-ce que tu veux faire avant de
rentrer ?
140. AL : Ben moi je suis là encore parce
qu'il faut pas rentrer pour aller traîner à la maison hein.
Après je veux dire après dix ans, onze ans d'absence, en
rentrant, il faut rentrer avec quelque chose.
141. S. : De l'argent ?
142. AL : Bon, ça dépend... le
métier ou de l'argent pour aller faire quelque chose, de ne pas aller
croiser tes bras, c'est ça quoi, parce que tu peux pas venir faire onze
ans ici, après tu rentres... Après tu croises tes bras et regarde
ta femme part au marché ou... ta femme te nourrit.
143. S. : Ta femme travaille AL ?
144. AL : Euh... pour... elle ne travaille
pas.
145. S. : Qu'est-ce que tu attends alors de la
Belgique ?
146. AL : La Belgique... hum, en tout cas moi je peux
dire que la Belgique est bien pour moi, c'est un pays qui m'a fait
découvrir le monde.
147. S. : Le monde ?
69
148. AL : Le monde, parce que de là, on sait
apprendre beaucoup de choses.
149.
70
S. : Tu n'étais jamais allé en Europe
avant AL ?
150. AL : Ça c'était ma première
fois de quitter la Côte d'Ivoire, de venir en Europe en 2002,
c'était ma première fois.
151. S. : Tu es venu en avion ?
152. AL : Oui en avion
153. S. : Première fois que tu prenais l'avion
?
154. AL : C'était ma première fois
aussi de prendre l'avion.
155. S. : Et comment tu étais quand tu es
monté dans l'avion ?
156. AL : Bon c'était euh... je voyageais dans
la voiture mais dans l'avion c'était ma première fois mais
ça m'a... ça ne m'a pas trop impressionné parce que je
voyais tout le temps j'accompagne les amis qui prenaient les vols.
157. S. : Oui tu avais déjà vu des
avions décoller.
158. AL : Oui l'avion décolle et descendre
donc ça ne m'a pas beaucoup étonné aussi, parce que dans
l'avion aussi tu es tranquille comme t'es chez toi à la maison, ah si
j'ai trouvé qu'il y avait... qu'il était en haut, ça
c'était un peu... mais de là-bas d`ici c'est comme tu es assise
sur...
159. S. : Donc tu penses que la Belgique ça va
t'aider à rentrer au pays AL ?
160. AL : La Belgique je pense qu'elle va m'aider de
faire ce que j'ai envie de faire.
161. S. : Avoir un métier...
162. AL : Métier... parce que tu peux pas
avoir de l'argent sans travail et le travail aussi il faut apprendre le
métier donc euh... et si tu veux voir aujourd'hui je viens le cours du
français ici c'est par rapport à un métier que je voulais
faire, pour faire ça, il faut être... il faut être
compétent je crois dans... c'est pourquoi je suis là.
163.
71
S. : Tu es à l'école depuis 2012 et
qu'est-ce que, toi dans la classe tu te sens bien, tu te sens AL ou parfois
c'est difficile ?
164. AL : Non je me sens bien parce que dans
l'association y a du monde et tout un chacun a son comportement donc il faut,
il faut, il faut t'adopter, il faut pas faire comme tu es chez toi, tout un
chacun a son comportement donc c'est à toi de connaître les gens
à qui il faut, tu peux faire quelque chose avec lui, à qui tu
dois te méfier, donc dans la société c'est toujours comme
ça, mais... d'abord il faut te respecter, si tu te respectes tout le
monde je pense que tout le monde peut te respecter aussi. Je me sens à
l'aise ici, malgré que je suis le seul peau noire ici mais je me sens
à l'aise.
165. S. : Ah oui c'est vrai, y a que toi AL ? Il y a
que toi dans la classe ?
166. AL : Oui (rires) oui il y a que moi
167. S. : Tu es le représentant de l'Afrique
(rires)
168. AL : Ah oui, donc je me sens à l'aise,
parce que euh... ça va. Moi je... pour euh... pour connaître
quelque chose ou bien pour quelqu'un qui veut savoir quelque chose, lui ne doit
pas être trop mesquin.
169. S. : Trop ?
170. AL : Trop mesquin. En disant que ouais je suis
mal ici, quand je parle tout le monde est contre moi ou bien... non. Soit tu
fais soit tu ne fais pas, tu ne peux pas t'en sortir, il faut être
sociable, faut être au clair. Y a des gens ici quand je viens ils sont
contents, moi aussi y a des gens qui... si ils sont là je suis content.
M, c'est un marocain, ben une fois qu'il me voit il est content hein, moi
aussi. Donc euh... c'est ça.
171. S. : Est-ce que tu penses que tu es bilingue en
français ?
172. AL : Bilingue... bilingue ça veut dire
euh...
173. S. : Bilingue ça veut dire que tu parles
aussi bien le français que ta langue maternelle.
174.
72
AL : Ah non, je parle bien ma langue maternelle que le
français, ça c'est clair.
175. S. : Qu'est-ce qu'il te manque alors pour bien
bien bien parler français ?
176. AL : Bon.... euh... je pense que l'article me
manque en français.
177. S. : Féminin ou masculin c'est ça
?
178. AL : Oui, par exemple même moi ici j'ai
posé la question à L pourquoi on dit une ou un, du ou des, tan
tan tan... elle m'a expliqué, en disant que tout ce que tu vois du,
ça doit être le nom d'une personne, parce ce que j'ai même
prendre l'exemple rue des xx xxx à côté de la gare de Midi
et rue du Moulin ici et elle m'a bien expliqué, comme ça j'ai
compris.
179. S. : Est-ce que tu penses que pour toi la langue
française c'est un problème en Belgique ?
180. AL : Moi quant à moi je vais dire non...
quant à moi je vais dire non.
181. S. : Ça ne t'a jamais
empêché de trouver un travail ?
182. AL : Depuis que je suis là, je n'ai
jamais lu de ma lettre, de montrer à quelqu'un c'est quoi ça,
ça veut dire quoi, c'est moi-même qui lis tout et je sais la
lettre là ça signifie quoi, le mot là ça signifie
quoi, je n'ai jamais lu de ma lettre pour donner à quelqu'un. Tout...
c'est moi-même qui fais tout.
183. S. : Tu écris, tu
téléphones...
184. AL : C'est moi qui fais tout, donc euh je ne
vois pas... je peux dire que le français ne me complique pas
d'être en Belgique, je me sens à l'aise, et pour moi je parle pour
faire ce que j'ai envie de faire.
185. S. : C'est pour ça que tu as choisi la
Belgique, parce que c'est la même langue ?
186. AL : C'est la même langue. Par exemple si
tu parles en allemand, c'est... pour aller il faut recommencer à
zéro, parce que pour être à l'aise dans un pays, il faut
parler la langue, ça c'est obligé. Tu tu tu.. moi, moi je ne peux
pas quitter la Côte d'Ivoire pour aller parler les gens.. Les allemands,
le français, ils vont pas, ils vont même pas me regarder, parce
que la
73
langue dont je parle il ne sait pas c'est quoi ,alors
là c'est à moi de me concentrer, connaître leur langue,
parce que ça va m'aider à m'intégrer, mais je peux pas
quitter de la Côte d'Ivoire pour venir imposer ma langue en allemand,
c'est impossible, c'est pourquoi j'ai vu que en Belgique on parle le
français et néerlandais, et comme je suis francophone, je me suis
dit que je suis bien ici.
187. S. : Et tu avais regardé un petit peu des
photos de la Belgique avant ?
188. AL : Euh bon... oui, j'entendais le nom de la
Belgique, la France, Hollande, Allemagne quand j'étais en Afrique mais
je ne regardais pas, c'est à cause de mon problème qui m'a fait
venir en Europe sinon je l'avais pas en tête.
189. S. : Oui tu serais resté à
Abidjan.
190. AL : Oui, comme je te l'ai dit à cause de
mon problème j'ai parti, c'est pourquoi tantôt ils ont
demandé qui aime faire de la politique ici, j'ai pas... parce que je ne
vais plus faire la politique.
191. S. : Même en Belgique
192. AL : Même en Belgique, ici c'est aller
voter je vais aller voter point. Mais pour dire euh... je vais faire campagne
pour lui tan tan tan tan tan...ça c'est fini.
193. S. : Tu crois que cette expérience en
Belgique ça t'a changé ?
194. AL : Ça m'a changé, ça m'a
donné beaucoup d'idées, ça m'a... parce que dans la vie il
faut réfléchir, de faire quelque chose, il faut
réfléchir avant de faire, en Afrique on pouvait supporter
quelqu'un comme ça parce que ...mais tu dois savoir.
195. S. : Supporter c'est encourager ?
196. AL : Encourager, supporter, faire le... faire
euh... la campagne sans connaître de parties des faits, mais maintenant
moi je sais plus faire ça, je veux connaître d'abord qu'est-ce que
la personne va faire au pays, maintenant je vais le supporter... mais pour
supporter comme ça parce qu'il faut supporter... mais moi xx xxx je peux
dire que c'est fini, je vais voter pour
74
voter ça c'est un xx xxx on met l'article dans
l'enveloppe sans dire pour qui tu as voté ça moi je peux le faire
mais le reste, sortir sur la voie en disant que « vive tan tan tan tan tan
tan.... » pour quelqu'un, ça je ne le ferai plus.
197. S. : Qu'est-ce que tu changerais en retournant
à Abidjan ?
198. AL : Pardon ?
199. S. : Qu'est-ce que tu changerais dans ton... ta
façon d'être ou ta façon de faire les choses ou de penser
quand tu vas retourner à Abidjan ?
200. AL : Bon j'ai été là-bas je
crois trois fois, euh... toujours je me méfie, parce que quand tu
quittes ici pour aller, y a des gens qui peut te dire que ouais parce que lui
il vit en Europe, c'est comme ça, il fait ça, il se comporte
comme ça et... moi je refuse toujours.
201. S. : Il y a des jalousies ?
202. AL : Il y a des jalousies, il y a des gens
même si tu t'habilles juste sortir bien, ils sont contre ça, donc
euh... l'Afrique a tout tenté, y a pas trop de sécurité
hein... pour être à l'aise là-bas, je peux dire il faut te
comporter comme eux, il faut pas... ne fais pas la
différence.
203. S. : Donc tu redeviens... comment dire ? Tu mets
peut-être d'autres habits, tu parles ta langue maternelle, comment tu
fais ?
204. AL : Non non non je parle euh... tu sais en
Côte d'Ivoire y a le français de la rue et y a le français
de l'école... et le français de la rue voilà ils parlent
entre eux, toi t'y es là, ils parlent le français, mais toi tu
comprends rien... donc c'est ce qu'on appelle le français de la rue
parce que ils te parlent le français en même temps la langue
maternelle.
205. S. : C'est un mélange
206. AL : Mélanger les deux et toi tu...tu
vois ce que xx xxx de parler.
207. S. : Et toi tu parles quoi, le français
de la rue ou le français de l'école ?
208.
75
AL : Ben je peux dire que avec mes amis on parle le
français de la rue hein, ah oui ! Si c'est sérieux maintenant on
parle le français de l'école mais avec les amis, ça
ça est dans notre sang.
209. S. : Depuis tout petit ?
210. AL : Comme ça, on parle comme ça
comme ça on se sent à l'aise... parce que on mélange les
deux pour parler.
211. S. : Pour terminer AL, après je te laisse
car le cours a l'air intéressant avec N, si tu devais te définir,
AL avant et AL maintenant, qu'est-ce que tu dirais, ta personnalité
?
212. AL : Ma personnalité, je dirais que AL
avant et AL d'aujourd'hui, c'est pas la même chose. Parce que non
seulement chez nous nos grands-pères disaient tout le temps si tu n'as
pas été à l'école mais si tu te déplaces de
ton pays, à autre pays, c'est comme quelqu'un qui a été
à l'école, c'est pour avoir l'idée, tu vois, alors
là j'ai eu la chance d'aller à l'école un peu et j'ai eu
la chance de quitter mon pays pour l'autre pays, alors là c'est pourquoi
je dis AL avant et AL aujourd'hui, c'est pas la même chose.
Mentalité ça a changé, mon comportement, et avant, y a
beaucoup de choses qu'on me faisait je n'acceptais pas, et aujourd'hui je peux
accepter.
213. S. : Tu es plus tolérant ?
214. AL : Oui, maintenant je suis plus
tolérant que avant, parce que avant si tu me faisais quelque chose xx
xxx ou... maintenant même si tu me fais ça c'est sûr que...
ma première, ce groupe que j'ai dit tantôt que quand je suis venu
en Europe ici, tu montes le pied de quelqu'un, c'est la personne qui te dit
pardon porque... Avant si c'était moi avant, même au centre, j'ai
frappé quelqu'un au centre hein.
215. S. : Ici ?
216. AL : Ici, mais le gars était tellement
impoli que tout le monde avait peur de lui, au centre, il y avait deux frigos,
tous les gens qui se trouvaient là-bas, et ils utilisaient un frigo et
tellement qu'ils ont peur de lui, lui seul il utilisait un frigo.
217.
76
S. : Que pour lui ?
218. AL : Que pour lui. L'assistante, les assistantes
sociales qui étaient là-bas juste avaient peur de lui,
c'était un iranien, maintenant moi je suis venu parce que chaque jeudi
on donnait cinquante euros, on est partis au marché pour acheter les
trucs pour venir mettre dans le frigo, on achetait la viande tout et tout...
quand je suis venu je vois que le frigo l'autre frigo là c'est plein,
c'est rien maintenant et l'autre là c'est vide, moi j'ai mis ma viande
chez lui et quand il est venu, il n'a même pas demandé hein, il a
pris la viande il a jeté ça dehors, moi aussi j'avais la
mentalité africaine, j'ai corrigé le type et finalement on
était comme ça, j'ai frappé, j'ai frappé le gars,
j'ai appelé la police et quand la police elle est venue, ils se sont
rencontrés avec l'assistante sociale, ceux-là ils m'ont dit ils
ont dit non c'est bon c'est bon et ils m'ont félicité
même.
219. S. : Oui, parce que toi tu as réussi
à faire stopper ça.
220. AL : Oui, j'ai frappé le gars et pis
alors maintenant, tout le monde me dit tu viens, tu viens et directement il a
changé.
221. S. : Maintenant il y a les deux frigos
?
222. AL : Deux frigos pour tout le monde, donc
j'avais la mentalité africaine mais maintenant si tout le monde se
méfie comme ça, moi aussi. Je vais essayer de lui parler, s'il
comprend, ok, s'il comprend pas je vais faire comme les autres parce que les
assistantes qui sont là, c'est à eux de lui dire le frigo ne
t'appartient pas c'est pour vous tous, mais si ils n'arrivent pas à
dire, c'est là, pourquoi moi je vais m'imposer ? Maintenant... mais
avant j'allais faire ce que je veux... voilà... donc c'est pourquoi je
te dis que AL d'avant et AL d'aujourd'hui c'est pas la même
chose.
223. S. : C'est mieux ou c'est moins bien
?
224. AL : C'est mieux (rires)
225. S. : C'est mieux ?
226.
77
AL : C'est mieux (rires)
227. S : C'est bon AL je te laisse
tranquille.
228. A. : Merci beaucoup
78
Annexe 12 : Transcription entretien individuel 3
Informateur : M
Date : 11 mars 2014
Durée : 35 min 22 s
Lieu : Local de l'ASBL Avenir
1. S : On va commencer comme ça : peux-tu me
dire comment tu vis ton installation à
Bruxelles ?
2. M : Bien (silence)... Je suis parti du Maroc pour la
Belgique car j'a ::: j'avais besoin de l'argent. L'économie était
difficile là-bas à xx xxx je pensais beaucoup et après
beaucoup de solutions, je je trouvais : traverser la Méditerranée
!
3. S : Traverser la Méditerranée
?
4. M : Je ..... je vois pas autre solution, tu vois....
Je suis ma- je pars par la Méditerranée 1968. Et là
j'arrive gare du Midi (sourire)... la gare de l'espoir on appelle (silence)
avant. Je sais pas qui qui.... dit ça... mmm ça.
5. S : Ah c'est joli la gare de l'espoir
6. M : euh ::: je sais pas. On croit du bonheur, pour
la famille, les enfants. On était beaucoup beaucoup beaucoup pas savoir
quoi faire ou ou quelqu'un mmm mais bon.... Mon père a fait avant et je
sais là là on savait trouver du travail vite.
7. S : Ah bon ?
8. M : Oui, oui. Mon père trouve dans le xx
xxx là-bas. C'est ça. Mmmm.
9. S : Est-ce que tu as trouvé vite
?
10. M : Euh :: oui... on demande à nous, aux
amis de mon père et tout et on dit ah là-bas va et il te donne
bon travail et tout ça/ je fais beaucoup de travail : un peu
79
construction, dans le charbonnage et fabrique de
chimique. Un peu de tout oui (sourire).
11. S : Ah oui en effet ! Comment tu as vécu
ça ?
12. M : Pour moi :::, pas un travail pour l'homme tu
comprends ? Travail TRES TRES difficile oui, comme les animaux (soupir). C'est
ça, c'est c'est la vie eh oui... Mais mon père fait aussi c'est
pas grave mais bon.... C'est pas facile. Non.
13. S : Hum.
14. M : C'est tout.
15. S : Et comment tu es arrivé à
l'association ?
16. M : Ça c'est le travail oui. Quand tu arrives
c'est trop vite, tu comprends pas et après je voulais comprendre. Pour
moi :::: ça c'est pas juste. Mmmm.... Je dis ah peut-être je peux
suivre du cours pour le soir. Et c'est ça. Mon ami a fait le même
et alors je dis moi aussi je veux faire. Et lui aussi m'a dit ça c'est
mieux pour toi, ta famille. Voilà.
17. S : Très bonne idée !
18. M : (Rires) Merci S, t'es gentille (sourire). Mais
::: c'est pas facile.
19. S : Quand tu es arrivé à l'association
?
20. M : xx xxx peut-être deux ans maintenant, je
je sais pas, oui oui peut-être ça. Quand on habite le quartier.
Euh ::: oui quelque chose. Hum...
21. S : Ah c'est récent alors.
22. M : Mmm non pas longtemps je crois mais Madame L.
très gentille et avec toi aussi maintenant. Moi je suis content. L'ASBL
je viens tous les jours, toujours. Je.... Mmm j'aime l'école oui. On
parle, on voit du monde... oui, on reste pas toujours à la
maison.
23.
80
S : Hum. Donc ça ne fait pas longtemps que tu es
à l'ASBL ?
24. M : Oui pas longtemps... euh::: pour le travail et
euh::: le Maroc contrôle tout, c'est pas pour moi ça, non. Alors
j'attends.... et maintenant ça va. Je viens, c'est à moi et je
suis content, comment on dit.... Euh :::: pfff content. C'est bien,
voilà.
25. S : Je ne comprends pas.
26. M : Non.... Moi je veux pas des histoires alors tu
obéis à Maroc et voilà c'est ça. Après, je
viens à l'ASBL pour apprendre français et pas arabe. Je veux
vivre à Belgique Saint-Josse. Tu comprends? C'est bien oui. L'arabe moi
je le sais déjà. C'est pour ça.... Quand.... Mardi.... Euh
::: ils se disputent pour pour l'arabe, je suis pas d'accord. À l'ASBL,
c'est parler le français pas l'arabe. Madame L. elle a raison. Xx xxx je
reste chez moi alors. Je comprends pas ça. Je crois c'est la la la
chance de parler français et avoir des professeurs pour ça.
Mais... y a des personnes qui ne... mmm savent pas. Elles sont pas contentes et
veulent arabe. Pourquoi ?... euh ::: je je sais pas.
27. S : Tu en as parlé avec I. ?
28. M : Non, non. Moi je veux pas d'histoires. Non,
non.
29. S: Hum... humm.. euh::: bon. Comment s'est
passé le contact avec les Belges ?
30. M : Facile, facile. EXTRAORDINAIRE oui. Des gens qui
te donnent beaucoup tu vois mmm xx xxx aider toujours, toujours. Moi pas des
des problèmes avec les Belges. Je parle avec eux oui oui. Je
préfère les gens belges oui. Que marocains.... Pfff c'est
toujours le même, tu vois. Je je veux parler français.
31. S : Tu as des amis belges ?
32. M : (Sourire, silence) Mmm.... Euh::: un peu comme
ça mais on va pas à la maison, on dit bonjour ça va la
famille, les enfants et::: voilà mais des personnes très
gentilles mmm. C'est pas amis comme ça mais beaucoup de sourires, de
parler avec eux...
mmm
33.
81
S : Tu rentres souvent au Maroc ?
34. M: Un petit. Ça dépend. Je suis
allé pour ma mère qui meurt tu sais...deux mois, quand je pars
Maroc, je pars aux montagnes. Oui, oui, je nais aux montagnes. Tu connais Maroc
? C'est très joli. J'ai pas pris les photos mais demain je t'apporte les
photos et tu vois.
35. S : Ah super ! J'y suis pas encore allée donc
je vais découvrir !
36. M : C'est joli::: Et bon là-bas aussi y a les
riches et et les pauvres... Ça c'est pas bien tu vois. Mais b-.... C'est
comme ça maintenant là-bas. Moi, je suis très triste pour
ça. Oui. Pour ça, le travail c'est important pour moi à
Belgique tu vois. C'est.... Ce- je suis content avec mon travail. Tu fais fais
quelque chose. Oui. C'est important pour moi toujours.
37. S : Tu te sens bien à l'association
?
38. M : Mmm... oui, oui, ça va bien merci. Je
t'ai dit je viens tous les jours.
39. S : Tu aimes les cours de français
?
40. M : (Silence) L'école c'est une chance tu
vois. Moi au Maroc, je suis pas allé longtemps à l'école.
Pas facile. La vie est dehors. Alors maintenant à Saint-Josse, j'aime
bien oui. Eh ::: mon français c'est difficile tu sais (Rires). Mais je
suis content, El M. aussi, A. aussi, tous sont contents avec vous.
41. S : C'est utile le français dans ta vie
?
42. M : OUI bien sûr ! C'est sûr ça !
Tu vois, autre jour... euh ::: attends, di- dimanche je crois, oui, oui mmm
dimanche, je je suis allé marcher au parc de Cinquantenaire,
là-bas à côté à côté... tu
connais ?
43. S : Oui, oui.
44. M : Voilà. Bon. Euh :::Je marche\
45.
82
S : Tu étais avec El M. ?
46. M : Non, non, tout seul. Euh ::: Je marche alors
tranquille, tranquille, doucement. Et là... la police... mais moi je
vois pas eux... et demande mes papiers (Rires). Mais moi j'ai pas mes
papiers!
47. 5 : Tu n'as pas de papiers belges ?
48. M : Oui, oui j'ai la nationalité belge.....
mmm j'ai la carte du belge tu vois. Mais oui, non, mes papiers sont à
à à la maison. Toujours c'est ça.
49. S : Ah tu les avais oubliés ?
50. M : Non, non. Pas oublié. C'est pour les
voleurs ça. Je pense attention aux voleurs.
51. S : Je comprends pas.
52. M : Euh:::: si j'ai mes papiers quand je
marche....si tombent euh ::: les voleurs prendre mes papiers tu comprends ?
Après, moi j'ai plus de papiers et *xx xxx* beaucoup de problèmes
avec Belgique. Comme ça, c'est facile je pense.
53. 5 : Et tu l'as expliqué à la police ?
En français ?
54. M : Oui, oui. Bien, ils ont dit que ah non ça
::: c'est pas comme ça :::, que les papiers c'est avec moi, pas à
la maison... Et tout ça ::: c'est obligatoire tu vois. Ils ont compris
mais il faut les papiers quand tu marches au parc. C'est comme ça oui.
Je sais mais mais... hum.
55. S : Tu les prendras alors quand tu sors
?
56. M : (Rires) Eh:::: n :::- non. On verra.... On
verra.... La police est pas toujours là-bas tu sais *xx xxx*
(sourire).
57. 166. S : Quand tu es arrivée ici, qu'est-ce
que tu as pensé de la culture, des gens ? Avant de leur parler en
français je veux dire.
58.
83
167. M : Pfff... Hum... Je pense ils sont tous seuls.
Personne dans la rue, on écoute pas de bruit ou ou les enfants dehors...
je sais pas. Comme euh ::: c'est différent de Maroc tu vois. Nous on est
dehors et on va là ou là ou... là-bas. Toujours avec la
famille, les... hum... comment se dit.... Les les personnes à
côté de la maison...
59. S : Les voisins ?
60. M : Les voisins.... Euh ::: manger, parler avec les
voi- euh ::: et tout. Alors Bruxelles, c'est différent oui. Pour moi, un
petit triste oui.
61. S : Pas de soleil ?
62. M : Non. Oui.... Non, non. Pas de soleil mais le le
le contact avec les gens vraiment difficile pour moi. Je ne sais pas faire
comme eux euh ::: pas dehors, pas le bruit, pas la famille. Je comprends pas
quand j'arrive... Mmm maintenant ça va, ça va. Un petit mieux
hum.
63. S : Tu aimes la Belgique comme ça
?
64. M : Oui ::: j'aime. J'ai l'habitude maintenant,
c'est ça. Avant je veux rentrer au Maroc tous les jours mais... je peux
pas sans l'argent. Et là-bas on fait quoi ? Je raconte quelque chose
?.... Pfffffff, ça ne va pas. Non, non, non.
65. S : Tu retourneras définitivement au Maroc
?
66. M : Non, non (soupirs).
67. S : Hum. Bon.
68. (Silence)
69. S : Ça va M. ? Tu veux qu'on arrête
?
70. M : Non, non ça va merci. T'es gentille.
Ah ::: la tête, la tête... ça fait mal (sourire). Toi, tu
manques à ton pays ?
71.
84
S : Euh ::: ben mmm oui, oui. Mon pays me manque. Mais
bon, ça va, je ne suis pas loin. Et puis je je rentre à chaque
vacance.
72. M : C'est ça.
73. S : (Sourire) mmm. Bon. Est-ce que tu vas
à une autre ASBL pour apprendre le français ?
74. M : Non, non. Avant j'étais une fois un petit
à une ASBL de Saint-Gilles. Mais après on est changé de
maison tout ça et.... C'est ça xx xxx. Mais l'ASBL c'est pas
pareil.... Je sais pas.... Je.... Mmm je me sens pas comme ici. Tu vois y a
Madame D. elle demande des nouvelles des enfants tout ça et- :::: mais
là-bas.... Non. Pas comme ça. Toujours les cahiers, le
français. J'aime pas.
75. S : Tu y es allé combien de fois
?
76. M : Une fois c'est tout. Un ami, tu vois. Un ami m'a
dit ah ::: viens avec moi. Je vais des cours de français à
Saint-Gilles.... Euh :::: c'est bon pour toi. Après tu parles comme un
Belge il dit (Rires). Mais bon.... (Rires).
77. S : Il continue là-bas ?
78. M : Euh :::: je sais pas, je crois pas.... J'ai plus
trop contact avec lui maintenant.
Hum.
79. S : Tu sais pourquoi il dit parler comme un Belge
?
80. M : (Sourire) Je sais pas. Peut-être il
pense que c'est bien ou.... Comment on dit..... euh ::: meilleur. Moi je sais
pas. Je parle un petit français mais je suis de Maroc, pas belge....mmm.
C'est ça, c'est différent de lui. C'est comme ça
oui.
81. S : Tu ne te sens pas belge ?
82. M : Belge ? (sourire) pourquoi ?.... Je suis
marocain (silence). C'est tout.
83. S : Combien de langues tu parles M ?
85
84. . M : L'arabe c'est tout.
85. S : Et le français aussi !
86. M : (Rires). Oui... un petit. Mmm. Euh ::: je
comprends un petit aussi l'espagnol... avec avec El M., eh ::: je parle
(sourire) un peu... comme ci, comme ça.... Tu vois
(sourire).
87. S : Dis donc tu en parles des langues M
!
88. M : (Rires) Oui, oui ! C'est ça.
89. S : Tu penses bien parler le français
?
90. M : Moi ? euh ::: non, non, non. Je... je je parle
avec les gens et dans dans la rue xx xxx je sais pas écrire bien.
Lire... pfff... difficile toujours. Et ::: tout à l'heure t'as vu je pas
bien compris la question hum. Mais ::: ça va, ça va. Je
débrouille comme tu dis (sourire).
91. S : Tu as beaucoup progressé M ! C'est vrai
!
92. M : Merci. T'es gentille (sourire). Je pense il faut
étudier toujours. Mais moi j'ai pas de l'école comme toi.... Et
pis je suis vieux moi (Rires).... C'est pas facile là (en touchant sa
tête)..... ça marche pas tous les jours maintenant mmm. Et :::
ça va, ça va. J'ai la santé *xx xxx*. Et bientôt
l'exam. C'est facile ou ou difficile tu dis ?
93. S : Non. Ne t'inquiète pas M. C'est comme on
a fait hier. Tu sais la présentation en groupe que tu as faite avec M ?
C'est pareil.
94. M : Hum
95. S : Ça t'inquiète ?
96. M : Non, non.... Un petit oui. J'étudie un un
peu à la maison alors.... Et si j'ai pas l'exam, j'ai pas l'attestation
?
97.
86
S : Ca je ne sais pas. Il faut que tu vois avec L, d'accord ?
98. M : Ah ça va.... Merci S.
87
Annexe 13 : Transcription entretien individuel 4
Informateur : I
Date : 25 mars 2014
Durée : 32 min
Lieu : Local de l'ASBL Avenir
1. S : Alors donc I (bruit de chaise) ... ça va ?
Ouais ? Bon. Euh ::: donc je voulais savoir comment s'est passée ou se
passe ton installation à Bruxelles.
2. I : D'accord. Euh ::: par où je commence.....
euh ::: oui. Ben en fait je suis venue en Belgique pour mon mari. Euh ::: on on
voulait avoir une vie mieux que au pays.... alors comme des cousins ont fait
aussi en Belgique.... Mmm, on a pensé c'est mieux de partir. Avec les
cousins là ben c'est plus facile et ça rassure, tu vois ce que je
veux dire ? Voilà. Donc on va et et euh ::: voilà. Un peu
l'aventure mmm...J'étais contente oui c'est vrai.... Non, un peu
contente et un peu un peu triste aussi. Triste/pour ma famille de
là-bas... ma m-..... euh ::: mes *xx xxx*. Et content- contente pour
venir en Belgique. Ah ::: mon rêve, et c'est vrai (rires), c'était
de faire des études (silence). Mais.... je.....je..... Un rêve mmm
(rires).
3. S : C'est peut-être toujours possible
?
4. I : Oh :::: je crois pas non. Si je réussis
l'examen de français....là ::: c'est bien déjà !
Non, non mais c'était un rêve, j'étais jeune encore
(rires). Et :::: donc voilà euh ::: on part et :::: on on nous arrivons
à Bruxelles. Parce que ::: les cousins de mon mari sont là et
donc on pouvait habiter dans quelque endroit. On était content....
Hum.
5. S : Vous avez vécu longtemps avec eux
?
6. I : Euh ::: attends hé : hum... quelque chose
comme trois ou quatre mois... oui je crois que c'est trois ou quatre mois avec
eux. Mais c'était bien ! Je m'entends bien avec la famille de mon mari
et c'est comme être à la maison en Belgique ! Euh ::: tu vois
la
88
cuisine, la langue, euh ::: tous les jours, les trucs de
de la maison... on était bien. Avec les enfants...aller à
l'école ou au au parc hé ou.... je sais pas. Plein de choses,
plein de choses
7. S : Pourquoi vous êtes partis ?
8. I : Ben en fait... mon mari a trouvé un
travail de de de.... euh ::: pour faire les maisons... j'sais pas comment on
dit... comme A. ....
9. S : Un maçon ?
10. I : Qui fait les maisons.... les
immeubles...
11. S : Un maçon oui.
12. I : ... Euh oui c'est ça je crois, un
maçon. Et en fait on a décidé de trouver une maison pour
nous. Et on a trouvé ici dans le quartier.
13. S : Tu étais contente ?
14. I : Hum... oui, oui. Ben... oui et non en fait.
J'étais contente parce que ::: la famille de mon mari c'était
trop. Ah ::: ben ::: c'est pas ma famille en fait et.... et je sais pas mais
moi je sentais que c'était pas ma famille. Je sais pas expliquer.... mmm
c'est bizarre mais je voulais partir en fait. Trouver ici, c'était bien.
Voilà. C'est vrai, c'est petit et... pas très nou- ::: pas
très nouvelle mais voilà c'est... c'est chez nous.
15. S : Hum
16. I : Oui.
17. S : C'était quand ça ?
18. I : Quand ? ben... j'sais pas. Attends... parce que
moi les dates.... Pfff... Ben ça fait xx xxx que je suis mariée
hum hum ouais comme deux ou trois ans à peu près voilà
vite fait. Mais je je regarde mieux à la maison et je te dis vendredi/
ah non pas vendredi... euh ::: je te le dis oui oui.
89
(...)
19. S : D'accord. Sinon, c'est pas grave. Donc, vous
vous installez dans votre maison et\
20. I : Euh non pas une maison un
appartement.
21. S : Ok en appartement. Ton mari est toujours
maçon... Et toi tu travailles ou... ?
22. I : Je travaille pas en fait. Euh je cherche mais
je travaille pas. Mais je veux faire une formation pour pour travailler avec
les enfants. J'aime ça, travailler avec les enfants.
23. S : Et où tu fais cette formation
?
24. I : Non, non pas encore. Je je regarde mais c'est
pas c'est pas facile de trouver à côté de la maison. Euh
::: je veux essayer de pas prendre le métro ou le bus, tu vois ce que je
veux dire. En fait j'avais trouvé sur xx xxx mais je savais trop tard et
j'ai j'ai perdr-non j'ai per... ah ::: c'est comment déjà ? J'ai
perdre ::: non, le participe passé.
25. S : Perdu, j'ai perdu. Il est un peu spécial
celui-là !
26. I : Ouais ! Euh ::: oui. Donc j'ai perdu la la place
de la formation et... voilà. C'est dommage hé.
27. S : Ce sera pour la rentrée.
28. I : Pour la rentrée ?... Ah ::: oui oui pour
la rentrée, en septembre pfff ouais.
29. S : Tu parles combien de langues I ?
30. I : Avec ou sans le français ?
31. S : Tu parles français là
?
32. I : (Rires) ok. Euh::: ben je parle arabe, c'est ma
langue maternelle de mon pays, le français alors.... mmm je je.... Ben
je comprends un peu l'anglais mais ça compte ça ou pas ?
Ça compte que je comprends les chansons de Rihanna (Rires) ? Non,
non
90
pardon, je rigole. Non mais c'est vrai. Je crois je
comprends mais je sais pas si je parle en fait.
33. S: *How are you I?
34. I: Quoi?
35. S: Je dis: *how are you*?
36. I: (Rires) Ah:::: euh::: *how are you* euh:::
*good*, *ok*, *yes*.
37. S : Ben tu vois : tu parles anglais !
38. I : Pfff ouais.... anglais.... (silence). Je crois
je vais dire arabe parce que c'est ma langue maternelle, français parce
que je l'apprends ici et... voilà c'est tout. Parce que l'anglais....
c'est pas trop ça en réalité.
39. S : D'accord. Donc tu penses être bilingue en
français ?
40. I : Bilingue ? Qu'est-ce que tu veux dire bilingue ?
Comme.... Euh::: je sais pas.
41. S : Si tu parles aussi bien l'arabe que le
français.
42. I : Mmm. Ben... je sais pas. Toi tu me peux me dire
non ? Non, attends je réfléchis.
43. S : Vas y prends ton temps.
44. I : Je crois que non. Parce que l'arabe je le parle
tout le temps à la maison, avec mes copines, au téléphone
avec ma mère euh ::: voilà en fait. Ici aussi à
l'association, je parle avec W en arabe ou ou avec I mmm oui non je je crois
pas être euh ::: bi- bi quoi déjà ? Je sais
plus.
45. S: Bilingue en français.
46. I : Oui non bilingue. Non non je suis pas bilingue
en français. Français je parle seulement ici en cours ou bien
dans la rue ou non ben quand c'est pas Saint-Josse ou que je connais pas les
gens.... (silence). Tu vois c'est... c'est un peu un peu... ouais
je
91
parle français et j'aime vraiment c'est
intéressant mais... mais c'est c'est pas langue en
réalité. Tu vois ce que je veux dire ? C'est pas méchant
ce que je dis c'est juste que c'est pas ma langue c'est tout.
47. S : Oui oui je comprends I.
48. I : Ah::: merci parce que je veux pas que vous
pensez que j'aime pas le français ou ou que... que je défends
l'arabe et que je cherche les histoires comme.... le dit l'autre là...
S. Moi c'est pas ça. C'est juste que c'est ma langue donc j'ai le droit
de la parler. C'était trente secondes, juste pour expliquer quelque
chose ça va c'est bon *xx xxx*.
49. S : D'accord calme toi I. Mais bon hum::: tu peux
comprendre qu'ici, à l'ASBL, on est là pour apprendre le
français.
50. I : Oui je suis d'accord et et c'est pour ça
que je viens mais elle elle a pas à parler comme ça là.
Pour qui elle se prend celle-là ?... pour la petite chef là xx
xxx
51. S : Mais pourquoi tu t'es mise à parler en
arabe ce jour-là ?
52. I : Je vous l'ai dit : je voulais juste expliquer un
truc à J et je parlais qu'à J moi pas à l'autre là.
C'est pas grave non pour expliquer j'ai pas insulté j'ai pas rien dit
sur personne. Juste expliquer voilà c'est tout (silence). De toute
façon c'est ma culture, ma langue, je parle quand j'ai
envie.
53. S : Bien. Tu veux un verre d'eau ou.... un
thé ? Quelle heure il est ?.... Ah ::: ben y en a peut-être encore
en cuisine ? Je v\
54. I : Non non c'est bon merci. C'est gentil ça
va. Je me calme. C'est juste.... Pfffffffff voilà (soupir).
55. S : Allez parlons de quelque chose un peu plus
amusant : comment tu trouves les Belges ? Attention je veux dire en
général (rires) ?
56. I : (Sourire) les Belges je les trouve blancs,
fades\
57.
92
S : Quoi ?
58. I : Ouais c'est vrai quoi... les filles elles sont
blondes blanches, elles ont pas de sourcils, la peau toute transparente...
j'sais pas c'est bizarre.
59. S : T'exagères pas un peu I ?
60. I : Non non c'est vrai demandez même à
I l'autre jour on est allé au magasin à xx xxx et on a vu une une
femme ouais une femme mais vraiment TRES TRES blanche tellement qu'on a cru
qu'elle était malade la femme. Mais je crois elle était pas
malade.... Enfin je sais pas en fait. Mais non elle est pas malade, elle est
comme ça. C'est le soleil ça, c'est c'est normal ici
aussi.
61. S : Je crois que tu es pire que moi avec l'histoire
du soleil !
62. I : Non mais c'est vrai ! La vérité
!
63. S : Et comment tu trouves le caractère des
belges ? Tu en connais ?
64. I : Ben non pas trop : toi, L, euh ::: les
stagiaires... ils sont gentils euh ::: après y a des gentils et d'autres
méchants ça c'est partout même chez les arabes ou les turcs
ou quoi mmm je me rappelle que avec A tu sais la stagiaire on a fait une
activité sur ce que mangent les Belges et c'était bizarre
(grimace). C'est vrai euh ben ils mangent des trucs, des gâteaux tout
secs avec des petits pains et du *xx xxx* parce qu'ils sont pas musulmans tu
vois.... et et aussi ils font je crois attends.... un repas chaud je crois
ouais c'est ça. Euh ben ça moi j'ai pas compris. Je te jure j'ai
pas compris. J'ai demandé à.... à A et c'est comme
ça c'est la culture de chez eux. Je respecte hé mais pour moi
pour moi c'est bizarre. Nous on adore manger, manger et manger..... et
hum.
65. S : Est-ce que tu te sens bien à Bruxelles
?
66. I : À Saint-Josse oui je me sens bien
ça va ouais. Je suis pas toute seule : j'ai I et J on se voit souvent.
On va au marché ensemble et... on fait la cuisine ou des trucs
comme
93
ça. C'est bien ici j'aime bien c'est c'est comme
une famille en fait euh. Je crois je pourrais plus partir (silence) ouais non
ça ça je ça me manquerait je crois hum...
67. S : Et à l'association tu te sens comment
?
68. I : Pfffff ça dépend des jours des
fois ça va je parle à personne et fais le travail et ça
passe vite. Mais y a des fois ça me saoule parce que les autres
t'écoutent parler ou font des remarques.... Et moi j'aime pas ça
tu vois. Si tu as à dire quelque chose tu le dis en face pas comme
ça à moitié à quelqu'un d'autre c'est pas comme
ça. Ça s'appelle du respect moi je je respecte les les autres
alors c'est pareil. Je crois c'est aussi un respect pour vous les profs si tout
le monde est gentil et pas méchant ou hypocrite avec les autres. Mais
beaucoup ne pensent pas comme ça dans la classe de français. Moi
je suis là pour apprendre parce que ça m'intéresse et que
je peux bien parler français, je sais.
69. S : Quels sont tes points forts et tes points
faibles en français ? À ton avis ?
70. I : La grammaire c'est pas mon truc je comprends pas
la grammaire c'est c'est difficile pour moi et.... c'est tout je
crois.
71. S : Mais tu écris bien pourtant ?
72. I : Ah non non, je fais beaucoup de fautes dans les
phrases pour me comprendre je réfléchis longtemps on dirait un
enfant (rires) mmm non je je ben oui j'écris tout le temps ici à
la maison mais avec des fautes c'est sûr. Et je sais pas si je fais mieux
ou pas maintenant.... euh.
73. S : Pourquoi tu es venue à l'ASBL
?
74. I : D'abord pour améliorer mon
français parce que moi j'ai appris toute seule le français mais
voilà c'est pas un jo- joli français je crois.... euh je voudrais
parler mieux.... plus.... Plus je sais pas plus comme toi et L tu vois ce que
je veux dire hé. Et aussi je suis venue pour avoir des contacts avec des
personnes tu vois mon mari travaille toute la journée et moi je fais
quoi ah fais le ménage, ah fais le linge, ah fais
94
le manger, fais les courses pfff non non c'est bon je
suis pas une xx xxx j'aime sortir me faire jolie me préparer pour sortir
mais pas sortir dans les cafés ou ou quelque chose comme ça non
non. Sortir pour aller à la classe ou au au marché voilà.
Ben je suis jeune je veux un peu un peu.... comment on dit euh comme pri- pas
privée vivre quoi pas la folle mais juste vivre (silence). À
l'association je vois des gens et je parle avec tout le monde et ça me
plait oui.
75. S : Ok. Parlons de ton pays. Tu y retournes souvent
?
76. I : Au Maroc j'ai ma famille : ma mère, mon
père, mes soeurs, mes cousins et non je peux pas y retourner quand je
veux c'est pas possible on peut pas mais ma mère va venir là
pendant un peu de temps.
77. S : Ah c'est bien !
78. I : Oui oui je suis contente je lui ai dit de
m'emmener du manger de là-bas que j'aime (sourire) et des parfums et des
habits traditionnels du Maroc comme ça pour la maison et les fêtes
hum.
79. S : Tu es d'où exactement ?
80. I : De Tanger. C'est très joli vraiment c'est
pas parce que c'est ma ville (main sur le coeur) mais la mer, la plage et le
souk c'est c'est la liberté, la nature y a du vent.... J'sais pas c'est
là-bas c'est chez moi c'est comme ça en fait.
81. S : Tu retournerais y vivre ?
82. I : Ben ::: je sais pas des fois je me dis que oui
des fois je me dis que non (rires). C'est entre les deux le mieux c'est d'avoir
un peu des deux : six mois en Belgique et six mois au Maroc. Non non je sais
pas. Mais moi là-bas je veux être libre à la
européenne et ça ça marcherait pas non alors comme
ça je peux pas tourner retourner c'est le problème au Maroc
l'image de la femme c'est c'est pfff c'est trop voilà.
83. S : Tu restes ici alors ? Tu vas fonder une famille
ici ?
84. I : Des enfants pas encore ! Non non d'abord je
vis, je travaille et après les enfants je suis jeune.
85. S : Tu as quel âge ?
86. I : Vingt-trois ans.
87. S : Oui en effet t'es toute jeune.
88. I : C'est pour ça moi je veux attendre et
voir après je je fais pour moi, mon mari et la suite je sais pas
ça dépend de beaucoup de choses moi je pense pas comme A que sa
femme reste enfermée pour lui préparer le repas, fait le
ménage et même pas il lui parle non j'suis pas d'accord avec
ça ça ça m'énerve en réalité quand A
parle comme ça. Moi sa femme ça me fait de la peine pour elle en
fait je comprends pas j'ai vu ma mère comme ça et et.... non non
moi je veux pas. Après je sais ce que les autres y pensent je suis pas
stupide je sais ce qu'elles disent dans la classe les F, S et tout mais moi je
m'en fous je fais comme je veux. Ça ne les regarde pas. Tu vois par
exemple moi je voulais participer au projet du Home100 mais on m'a
dit non c'est F, J et S qui y vont moi non.
89. S : Tu sais pourquoi ?
90. I : Pfff je sais pas parce que je suis absente
parfois au cours je sais pas.... J'ai
demandé à L mais voilà.... non en
fait c'est comme ça S fait partie du CA alors voilà elle va au
Home c'est pas normal c'est pas normal je dis mais c'est toujours comme
ça en fait.... mmm. Bon c'est rien ça va c'est pas
grave...
91. S : Mais oui, il y aura bien un autre projet pour
toi à la rentrée.
92. I : Hum... on verra j'espère *inchallah* si
Dieu le veut.
95
100 Centre gériatrique de Saint-Josse.
96
Annexe 14 : Transcription entretien individuel 5
Informateur : E
Date : 25 avril 2014
Durée : 1 h 04 min
Lieu : Local de l'ASBL Avenir
1. S : Alors donc E (silence) donc en fait, je voulais
savoir comment, euh : se passe ou s'est passée ton installation en
Belgique.
2. E : Hum alors bon en fait, quand je voulais venir ici
en fait, je voulais venir pour rencontrer ma famille. Enfin surtout mon
frère. Ben oui, parce que j'étais étudiante à mon
pays et puisque mon frère n'a pas encore de papiers à ce
moment-là, alors il avait déjà cinq ans qu'il
n'était pas venu. Fin, il était avec ses enfants, sa femme.
J'avais déjà ma soeur ici tu vois, j'ai beaucoup de femmes ici.
Mais surtout lui, il n'avait pas encore de papiers et puis, c'est moi (main sur
le coeur) je n'avais pas de parents. Fin mes parents ils étaient
déjà décédés. J'avais dix-huit ans quand
j'ai perdu mes parents en fait.
3. S : Donc tu étais seule au Kosovo
?
4. E : Non non, nous on vit toujours avec un
frère ou quelqu'un de la famille tu sais. Si tu n'es pas mariée,
tu ne vis pas toute seule. On avait la maison au village, y avait mon
frère qui l'habitait parce qu'il, enfin ils sont enseignant avec sa
femme. Et ben, quand j'ai perdu ma mère, y avait encore mon père
mais tout le monde était déjà marié en fait. Je
suis la dernière de la famille, mais puisque moi je faisais les
études alors je vivais avec mon père. Mais mon père il est
mort directement un an après ma mère. Fin
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c'est incroyable. C'est comme ça, alors j'suis
allée chez mon frère. Je vivais chez mon frère, je faisais
des études en même temps.
5. S : Donc, des études de math !
6. E : Oui, mais j'habitais après chez mon
frère. Fin, tu ne peux pas rester toute seule chez nous. Une fille
qu'elle n'est pas mariée, elle ne vit pas toute seule et même
quand je suis venue ici hein, j'ai vécu chez mon frère trois ans.
Je ne pouvais pas vivre toute seule si je n'étais pas mariée. Fin
j'suis musulmane, mais enfin j'suis très ouvert. C'est comme ça
on est élevé. Comme ça, ce n'est pas que moi je veux.
Quand mais tu es élevée comme ça c'est dans les coutumes,
les machins. J'suis très très ouvert, je fais ce que je veux et
tout. Je veux dire on garde toujours des trucs de chez nous quand même.
Du moins au début hein, alors j'suis y avait la fille de ma soeur qui
était venue. Elle est restée deux mois à ce
moment-là, mais parce que moi, il fallait accompagner la fille de ma
soeur.
7. S : C'est pour ça que t'es venue ?
8. E : Oui, à ce moment-là, tu venais avec
un passeport. Je fais mon passeport et c'est tout. Et je venais pour rendre
visite, accompagner ma nièce qu'elle avait seize ans. J'suis venue avec
le bus pas avec l'avion.
9. S : Avec le bus ?
10. E : Oui !
11. S : Mais y a combien d'heures, de jours
?
12. E : Deux jours et un nuit, mais y avait deux
chauffeurs quand même.
13. S : D'accord.
14. E : Et c'est comme ça, que je suis venue
en Belgique tu vois. Y avait la période des vacances hein, moi
j'étais venue pour les vacances ici en fait. Juste après, nous
on
98
commence attends septembre, octobre. Je commençais
à aller à l'école au mois de octobre tu sais, pour
écouter la deuxième année.
15. S : Donc, tu étais à
l'université ?
16. E : Non, de l'école
supérieure.
17. S : De l'école supérieure
deuxième année ?
18. E : Oui.
19. S : Mais c'était en quelle année
ça ?
20. E : C'est nonante deux. Je suis venue ici le mois
d'octobre nonante deux et j'suis venue pas pour rester hein. Moi (main sur le
coeur) j'étais venue .... Et je vois parce que euh :::, mon frère
vivait là-bas en fait et moi allez. J'ai grandi avec les enfants de mon
frère parce que j'avais six ans et demi quand mon grand frère est
marié. J'étais très jeune et lui il a eu des enfants assez
vite. Ça veut dire que j'ai grandi avec les enfants de mon frère
et nous on vivait tous ensemble. Mes parents, mes frères, les soeurs qui
étaient pas mariées tout ça, on vivait ensemble.
L'âge, en fait, dans une maison mais ce n'est pas une petite maison comme
ici hein. T'as plein de, euh :::, bon y avait le salon qui est pour les
invités. Y avait la partie où l'on faisait à manger tu
vois, comme une cuisine. Mais c'était un grand espace qui faisait
à manger et qu'on mangeait aussi et le grand salon c'est juste pour les
invités. Fallait pas manger là-bas là, c'était
juste une partie. Une grande chambre six avec huit, je ne sais pas, enfin de
mètres. C'était très grand. C'est un village tu appartiens
à toi. Toi tu ne payes pas chez nous. Tu parterre et tu construis quand
tu as envie quoi. Tu payes une petite taxe maintenant la loi mais c'est
différent en fait. Mais on vivait tellement bien et heureux et on
n'avait pas arrière-pensée comme maintenant. Y avait pas
d'arrière tu vois, des trucs comme dis maintenant tu sais. On a toujours
une arrière-pensée tu vois, on pense toujours pour après.
Avant on ne pensait pas comme ça, on vivait et voilà comme
ça on ne vivait pas. Spécialement ici, faut toujours dire ouais
qu'est-ce que je dois faire demain ou après une semaine tu vois. C'est
stressant stressant stressant. La vie, elle
99
était meilleure. En tout cas moi, j'étais
content. Parce que moi, je faisais ce que je voulais. Je faisais quelque chose
que j'aimais bien de faire. Mes études parce que bon, sinon on fait
c'était chez nous. C'était un truc après la
quatrième secondaire. Parce que nous, tu fais huit ans en primaire et
quatre ans, mais ça revient la même chose tu dois quand même
faire tes douze ans d'études pour aller en fac. Alors à ce
moment-là, quand tu es en quatrième année, les parents ou
les grands frères, les machins, ils disent toujours tu veux continuer
tes études ? Ça veut dire aller en fac ou ce que tu veux, comme
ici des grandes études, ou tu veux rester à la maison ? Mais tu
dois quand même faire le secondaire hein. Tu vois si tu veux plus
continuer, si tu trouves difficile et tout ça, alors tu trouves
quelqu'un tu vois, pour qui la famille comme par exemple chez les marocains qui
t'épouse, te marie et qui te fait les choses quoi. Voilà chez
nous c'était comme ça.
21. S : Ah on te trouvait ton mari ?
22. E : Non, si tu ne trouves pas ben, c'est avec tes
connaissances après voyez. Alors si tu es en dernière
année ben, voilà tu connaissais les gens, tu étais
toujours à l'école et t'avais la possibilité d'avoir
quelqu'un que tu aimes. Ben dans ma famille c'était comme
ça.
23. S : Tu pouvais choisir toi quand même
?
24. E : Oui bien sûr, moi (main sur le coeur)
j'étais libre de faire ce que je voulais mais alors si tu trouvais
quelqu'un c'était toujours un peu plus difficile. Bon parce
qu'après un an, il voulait se marier avec toi et c'était fini les
études quoi tu vois. Ça ne pouvait pas durer comme ici tu vois.
Tu es avec la personne, tu vis comme elle un an ou deux ans ou trois ans tu
vois. Tu sors avec la personne mais, tu es sûr que c'est lui, ça
marche pas comme chez nous. Ça va pas durer voilà et alors tu as
été décidée ben, après fallait que tu te
maries et ça ce n'était pas mon ma personne moi, je voulais que
l'école pour moi. Ce n'était pas important de trouver quelqu'un,
se marier, d'avoir des gosses, des machins. Pourtant j'adore les enfants,
j'adore, j'ai toujours dit d'avoir beaucoup d'enfants. Pourtant, j'en ai
quelques-uns mais bon, ça c'est la vie et quand
100
j'suis venue ici voilà, je suis venue mais tout de
suite après avec tout ce qu'on n'a pas fait, d'ailleurs moi, je ne
pouvais plus retourner dans mon pays parce qu'on avait fait, tu vois des
démonstrations tous les étudiants on faisait ça en fait.
Avant la guerre pour ce qu'on n'était pas d'accord, on n'était
pas content. Ça c'était ma déclaration en fait. Quand je
suis venue ici moi, je ne suis pas partie six ans à mon pays moi hein,
je pouvais plus retourner.
25. S : Quand t'es venue en octobre tu pouvais plus
retourner ?
26. E : Si si, il fallait que je retourne après
un mois. Ça c'est tu vois, quand j'ai eu mon passeport, ça veut
dire je venais en visite. Je venais voir ma famille, mais alors fallait que je
retourne à ces délais-là. Mais j'suis pas
retournée, parce que avec tout ce que j'avais fait avant la
première année avec les jeunes et tout ça, les
démonstrations et tout ça en fait.
27. S : Démonstrations c'est manifestations
?
28. E : Oui, dans manifestations les jeunes avec les
pancartes, on veut ça, on veut ça parce que c'est la seule vie
qu'on voulait prendre au Kosovo. Mais alors c'est souvent les jeunes qui
commencent contre en fait chez nous. C'était comme ça ça a
commencé et puis l'école était fermée. Alors il
fallait aller dans y avait des gens riches comme partout qui laissent leurs
maison pour les étudiants pour aller étudier.
29. S : Ah d'accord.
30. E : Ça a duré quelques années
comme ça chez nous.
31. S : Comment ça ? C'est-à-dire que tu
pouvais aller à la fac et ensuite tu allais étudier dans la
maison ?
32. E : Ben c'était fini la fac, tout
était détruit !
33. S : Ok, tout était détruit, plus de
bâtiments ?
34.
101
E : N'y avait plus rien pendant la guerre chez nous.
Où y avait tu vois, où on faisait les journaux tout ça,
tout tout ce qui est en construction, qui était connu et tout ce qui
était les bâtiments qu'on faisait des choses, tout était
fini en fait. Il fallait reconstruire en fait maisons et tout hein.
35. S : Mais toi tu l'a vu ça ?
36. E : Non, j'étais déjà venue
ici. je n'ai pas connu la guerre. C'est pour ça en fait, puisque mes
parents vivaient pas. Alors puisque l'école était fermée
un moment donné, parce qu'il disait oui ça va fermer pour un
moment ! C'était fini, c'était pour des années en fait.
C'est ça, même les enfants en primaires, en secondaire tout c'est
dans les maisons hein ils ont continué après la guerre quelques
années, y avait plus d'écoles.
37. S : D'accord. C'est les personnes riches qui
donnaient des leçons ?
38. E : Non, les profs. Non, non, c'était des
profs. Mais par exemple, c'est comme cette maison, alors les personnes ils
laissaient leur maison et faisaient des classes.
39. S : D'accord, je comprends. Donc, c'était
caché enfin c'était clandestin ?
40. E : Pour ce n'était pas tout à fait
fini l'école en fait. Pour ne pas tout à fait arrêter,
parce que ça a duré quand même des années. Moi je
n'étais pas là, mais c'est pour ça mon frère il m'a
dit après trois mois, il a dit pourquoi tu veux retourner ? Mais moi je
ne voulais pas rester ici, ça me plaisait pas du tout.
Déjà la maison qui sont collées l'un à l'autre,
mais non ce n'est pas une vie. Tu sors, tu vois que la rue et tous les
bâtiments sur les côtés et tu vois que le ciel. Je
n'étais pas habituée comme ça. Je ne sortais plus, car je
me sentais, on dirait que je ne sais pas respirer hein. C'était
très difficile au début hein, avec pas moyens et ma soeur mes
soupirs, enfin si les parents vivaient, j'suis d'accord tu pouvais y aller.
Mais on a plus de parents, tout le monde déjà marié.
Qu'est-ce que tu vas faire, qu'est-ce que tu vas faire là-bas et pis y a
la guerre et y a pas, tu peux plus y aller à l'école. C'est plus
comme avant quoi. C'est vrai, fallait beaucoup de temps que j'accepte
déjà aller me présenter ici comme
102
réfugiée. Bon avant, nous on ne comprenait
pas le mot réfugiée politique hein, parce que moi j'suis
déclarée comme réfugiée politique.
41. S : D'accord, parce que ta soeur t'a dit de te
déclarer comme ça ou c'est toi qui... ?
42. E : Oh ben, mon frère, ma soeur, ils disent
il faut que tu ailles présenter comme tu vois xx xxx. Tu vois à
ce moment-là, c'était juste le château près de xx
xxx. Y avait des réfugiés en fait. Ça n'existait pas les
bâtiments tout près de coin du nord. Moi je n'ai pas connu
ça. Moi j'ai eu mes papiers après un an et demi j'ai
été reconnue
directement. Ben j'ai raconté ce que je vous dis
hein, moi je ne sais pas dire autre chose.
43. S : Mais tu l'as dit en français
?
44. E : Non, j'avais une traductrice en albanais. Ah
oui, au début moi je ne connaissais pas mais après non je te
jure. J'ai commencé à travailler et c'est venu toute seule comme
ça. Mais moi (main sur le coeur), c'est avec la télé. J'ai
regardé beaucoup la télé, mais je ne savais pas quoi faire
d'autre. J'ai nettoyé chez mon frère, j'ai nettoyé la
maison de ma soeur parce que mon frère avait une maison, ma soeur aussi
et alors comme ça j'allais chez l'un chez l'autre et j'aidais. Je
faisais la cuisine, j'adore faire la cuisine et alors avant que j'ai eu mes
papier, j'avais travaillé dans un restaurant gréco-italien.
C'était juste au coin de xx xxx.
45. S : Ah, c'est ce que tu disais une fois.
46. E : Oui oui, c'est la vérité. J'ai
fait ça un an et demi. Mais quand j'ai eu mes papiers, je pouvais
travailler. Ben j'ai eu mon travail, mais c'est comme ça que j'ai
commencé. Mais depuis que je suis en Belgique, j'ai toujours
travaillé au noir ou et après toujours déclarée tu
vois. C'est au coin chez ma soeur, y avait une connaissance et dit : oui on a
besoin de quelqu'un pour couper la salade, pour nettoyer par exemple, tu vois
les scampis. Tu vois des trucs durs tout tout. Voilà, je ne sais pas
comme on dit ça, mais bon moi j'avais compris et enlever tu vois, les
assiettes et tout ça de la machine. Bien y avait des trucs comme
ça tu vois, ce n'était pas des, c'est juste des planches que
tu
103
mets dans les restaurants. C'est comme ça moi je
travaillais, c'était comme ça et voilà. Je n'avais pas
encore les papiers quand j'ai commencé à travailler comme
ça.
47. S : Et comment tu communiquais avec les gens quand
tu es arrivée ?
48. E : Et alors ils étaient gentil avec
moi.
49. S : Les Belges, ils étaient gentils
?
50. E : Oui, y avait une Algérienne et un Belge
qui faisaient la cuisine, mais le patron c'était un Italien et sa
femme c'était une Grecque ou c'est lui grec et sa femme
italienne fin. C'est pour ça qu'il faisait la
cuisine italienne, euh :::, gréco-italien s'appelait. C'est comme
ça je me suis présentée et en fait y avait beaucoup de
monde à ce moment-là. Y avait beaucoup d'albanais en fait,
justement c'est parce que la guerre venait et y avait beaucoup à ce
moment-là. Quand t'allais au commissariat, ben tout autour de toi il ne
parlait que les albanais. Alors tu ne te sentais pas toute seule, parce qui tu
dis bon j'suis pas la seule que je fais ça. Allez tu es un petit plus
assurée comme on dit et alors quand je commençais, mais moi
j'avais des larmes tu vois, j'ai des frissons quand je raconte ça, parce
que déjà quitter mes études je n'arrivais pas à
comprendre que je dois plus le faire ça, ça c'est...
51. S : Parce que tu étais jeune là, E
?
52. E : Vingt ans, pour moi (main sur le coeur)
c'était des études qui comptaient à ce moment-là. Y
avait rien d'autres dans mes yeux hein et alors cette personne fin, je la
voyais souvent. Maintenant quand j'y vais en ville, elle s'appelait xx xxx.
Elle venait de l'Albanie, la traductrice, oui et tu sais elle a tout de suite
compris. Parce qu'elle dit : on sent les gens qui sont sincères, on le
sent parce qu'ils ont, tu vois une sincérité et moi je n'arrive
pas à mentir. Y a rien à faire. Ça sort je ne sais pas, tu
vois je dis toujours si tu donnes une éducation à ton enfant
comme ça, c'est il va partir comme ça. Tu ne peux pas la faire
autrement. Moi (main sur le coeur), je donne une éducation à mes
enfants, j'suis pas stricte, je donne une bonne éducation. Qu'ils ont
une bonne base et qui sont des gens biens. Si va pas faire de grands
études et alors, s'il est bon
dans son coeur, s'il va faire du bien et s'il est bien
avec les gens, s'il respecte les gens pour moi c'est la première chose
pour moi. Pour nous c'est comme ça et moi je le sens
comme ça et c'est vrai ce que je fais avec mes
enfants. Ils ont une bonne éducation.
53. S : Mais à tes enfants, tu leurs a appris
l'albanais ?
54. E : Ils connaissent l'albanais et le
français.
55. S : Ils le parlent et l'écrivent
?
56. E : Mon grand oui. Le petit, c'est pareil en fait,
il va apprendre parce que bon, c'est tous les étrangers qui font
ça. Tu vois, qui avoir peur comme mon frère. Il a fait par
exemple les anciens comme on dit parce que mon frère il n'a pas fait des
études ni ma soeur. Ils sont venus ici, vous voyez, c'est des gens
simples.
57. S : Ils parlaient français ton frère
et ta soeur ?
58. E : Quand ils sont venus non. Ici pas du tout, ils
sont venus avant moi et je parle mieux que tout le monde dans ma famille. Fin
pas ceux qui sont nés ici je veux dire, mais ceux qui sont venus de chez
nous, ils ont tous un accent très allez assez fort comme on dit. J'suis
la seule que je parle mieux que de tout le monde et je suis la dernière
en tout cas.
59. S : Et comment tu expliques ça ?
60. E : Euh :::, souvent quand je suis avec les gens,
ils disent c'est parce que tu avais déjà une base des
études. Ils pensent enfin, j'en sais rien, tu parlais déjà
même à ma langue par exemple, si tu demandes à mon
frère de faire de belles phrases, il a difficile parce qu'il a fini que
la huitième. Il n'a fait que les premières. Il a soixante-cinq
ans mon frère.
104
61. S : D'accord.
62.
105
E : Il a fait les primaires et ma soeur aussi et ma soeur
mariée à dix-huit ans. Toute façon elle n'avait pas son
mot à dire ma soeur. Par exemple, les trois premiers dans ma famille on
leur a pas demandé leurs avis en fait.
63. S : Vous êtes combien de fils ?
64. E : Six, on a quatre filles et deux frères.
Un frère ici, un frère là-bas mais les trois derniers ma
soeur qui est deux ans de plus que moi, elle a fait l'anglais. Elle enseigne
l'anglais comme prof.
65. S : Ici ?
66. E : Non non, au pays. On est trois ici, moi je suis
avec les plus âgés. Mon frère âgé et ma soeur
âgée et parce qu'ils sont venus euh :::, ben, je ne sais pas y a
quarante ans. Je n'en sais rien, ils sont venus comme ça, comme tout le
monde pour avoir du travail.
67. S : Pour travailler à la mine ou quelque
chose comme ça ?
68. E : Ici non non. A ce moment-là, ce
n'était pas la mine en fait. Quand mon frère il est venu ici, il
a d'abord travaillé. Nettoyer les trains, dans les hôtels, les
machins et pis après il a commencé à travailler dans la
société ISS je ne sais pas enfin.
69. S : Ah oui (...) c'est pour faire du
ménage.
70. E : Oui.
71. E : Tu sais, lui il est devenu chef d'équipe.
Quand il est sorti, il était chef d'équipe. Mon frère
maintenant il a soixante-cinq ans. Il est pensionné en fait. Non, c'est
parce qu'on vient d'une famille, allez on aime bien avancer malgré qu'il
n'a pas fait des études. Il a bien réussi. Il a six maisons en
Belgique, ici en fait.
72. S : Six ?
73. E : Oui.
74. S : Donc, il les loue ?
106
75. E : Oui.
76. S : Ah oui, c'est bien parce que ça te
fait...
77. E : Il a bien réussi, c'est ça que je
veux dire. Il a vraiment beaucoup travaillé. Il a travaillé dans
une fabrique où on fait des fromages. Moi je n'étais pas encore
là, ici hein. Ma soeur, c'est dans le nettoyage.
78. S : Mais du coup, ils parlaient bien le
français quand même ?
79. E : Ils parlent mais ils ont un fort
accent.
80. S : Ses phrases sont correctes tu veux dire
?
81. E : Oui oui, chez mon frère. Mais tu vois,
quand tu vois mon mari. Si tu parles avec mon mari, ben tu tu dis comment
ça se fait. Pourtant, on est même temps ici il sait pas parler le
français.
82. S : Et toi combien de temps à peu près
tu as mis ?
83. E : Moi à peu près deux ans, quand
j'ai commencé à travailler, dans mon travail
déclaré. Quand j'étais dans cet restaurant en fait,
j'apprenais les fourchettes, la cuillère tu vois. Le chef le grand
cuisinier comme on dit, alors il me disait, il prenait des fourchettes. Il me
disait, moi j'ai appris avec mon travail. C'est ce que je dis à tout le
monde parce que les gens ils voyaient que j'ai envie et alors, c'est parce que
s'ils te voient que tu mets ta tête comme ça et que t'as pas
envie. Il ne sait pas t'aider, moi je voulais apprendre. Alors, il disait
donne-moi une fourchette et je savais parce qu'il mettait sa fourchette.
Donne-moi une cuillère et c'est comme ça, alors moi j'arrive
enfin. J'ai une bonne mémoire aussi je suppose. Parce que je ne sais pas
alors j'étais xx xxx. C'est pour ça que je te dis : quand tu vois
ici dans la classe, quand on parle on ne s'écoute pas.
84.
107
S : Hum hum oui, là tu ne t'écoutais pas
tout à l'heure par exemple. M n'a pas compris je pense, parce qu'ils ont
l'habitude de parler avec un accent comme tu dis donc, toi tu en a beaucoup
moins. Il ne t'a pas compris.
85. E : Voilà (rires), moi c'est difficile pour
faire comprendre El M.
86. S : Oui.
87. E : Moi El M., c'est il coupe les mots. Tu vois la
plupart du temps des étrangers par exemple, il coupe le mot alors c'est
comme le mien par exemple. Comme tu fais une phrase, il ne dit pas bien les
choses. Moi je comprends mon mari en français. C'est vrai quand il parle
avec quelqu'un, ils ont difficile à rentrer donc ça fait dix-huit
ans qu'il est ici. Moi j'suis venue avant lui en fait, lui était en
Allemagne.
88. S : Mais toi comment tu donc, tu as appris le
français par ton travail et ensuite en cours ?
89. E : Jamais, j'suis jamais. c'est la
première année que je viens à l'école en
français. J'ai travaillé toute ma vie. Moi j'ai travaillé
et pis un an avant toi j'ai commencé. Je
n'avais pas encore mon permis de travail à ce
moment-là, car je n'étais pas mariée. J'étais
jeune, alors il fallait que tu commandes le permis de travail.
90. S : D'accord.
91. E : Parce que je me suis inscrite ici, ben bon tu
dois t'inscrire oui. Moi c'est à Jette de toute ma vie je suis
présentée à Jette et, j'ai jamais changé de commune
jamais jamais et, c'est ça que j'ai tout là en fait et, j'ai
été fort aidée C'est ça en fait, j'suis tellement
content pour ce qu'ils ont fait pour moi. Moi j'étais aidée mais
déjà la commune. Ici moi j'ai été aidée, je
trouve on m'a aidée. J'étais allez appuyée parce que
chaque fois qu'on allait quelque part ou parce que j'étais tellement
honnête, il voulait bien m'aider. Quand je me suis inscrit à CPAS,
tu sais je me suis présentée. Il faut attendre tu sais, ton
démarche puis j'ai été convoquée trois fois au
commissariat.
92. S : Donc, tu y allais avec ta traductrice ou tu y
allais toute seule ?
93.
108
E : J'allais avec ma soeur.
94. S : Ah, donc ta soeur traduisait ?
95. E : Oui non. Au commissariat, t'avais toujours une
traductrice hein. Chaque fois que tu étais convoquée et moi c'est
trois fois, j'étais convoquée la première fois et pis il
t'appelle après quelques temps. J'ai tout dans une papier hein, je
voulais la trouver mais je n'arrivais pas. Si un jour je les trouve, je
t'apporterai enfin en quelques mots ce n'est pas toute mon histoire, parce que
tout ce que je vous dis, c'est comme quoi toi par exemple tu vas
écouter, tu vas faire une résumé.
96. S : Oui il faut que je l'écrive. Non je vais
tout écrire, il faut tout écrire et après...
97. E : Oui mais voilà. Mais alors, tu fais une
résumé. Ce qui est euh :::, ce que moi je fais. Oui pour toi ce
qui est bien pour toi pour ton travail. Alors c'est comme ça, tu
étais convoquée encore une fois, mais alors moi j'étais en
larmes à ce moment-là hein je pleurais.
98. S : T'avais peur ?
99. E : Non, j'étais triste pourquoi je dois
rester ici.
100. S : Ah tu ne voulais pas rester en Belgique
?
101. E : Non n'y avait rien à faire. J'allais
présenter et j'étais encore convoquée et je n'arrivais pas
à gérer pour rester ici. Je ne sais pas au début, c'est
vrai difficile comme moi je dis maintenant. La nouvelle I qu'est venue ici
ça fait cinq mois, quand tu viens pour la première fois c'est
très très difficile. Malgré que j'avais toute ma famille
ici. J'ai mes cousins, mes tantes, mes oncles, mes....
102. S : Mais qu'est ce qui te manquait ?
103. E : Je ne sais pas, je ne sais pas. T'as la
nostalgie. Ça vient toute seule, je ne sais pas expliquer. Je vous
assure, mais tu es fort nostalgique. Tu vois, tu penses qu'est-ce que t'aurais
pu faire au début parce que quand tu ne travailles pas, tu
fais
109
rien. Alors tu penses à des tas de choses en fait.
Tu penses vraiment qu'à ça et ça ne collait pas avec ce
que je voulais faire moi et, bon c'est comme ça et alors pour la
troisième fois, j'étais convoquée. Mais à l'endroit
pour et j'avais fait tout en albanais. Tout écrit mon histoire, alors il
fallait se présenter et tout traduire. Y avait un traducteur Albanais,
un vrai pas celui qui traduire au commissariat.
104. S : D'accord un qui était
assermenté.
105. E : Mais avec une cachette, il est connu ici en
Belgique et le machin et c'était une connaissance. Quelqu'un que nous on
connaissait en fait, qui fait beaucoup pour les Albanais ici et alors quand
j'ai présenté mon travail moi j'ai écrit tout en albanais
j'aime bien écrire.
106. S : L'alphabet c'est comment, c'est cyrillique
ton alphabet ?
107. E : C'est comme ici, c'est comme vous je pense.
Mais on a trente-six, ici c'est vingt-six. On a dix lettres en plus
voilà et j'avais écrit tout en albanais. Tout ce que j'avais dit,
tout mon histoire et lui il a traduit quand je présentais au grand truc
pour la dernière fois. Fin qui décide pour moi ce qui vont faire
en fait et là, j'avais un autre traducteur parce que c'est ailleurs.
C'est pas dans le château, mais c'était je ne sais plus où
je suis allée, vous savez avant, ça n'existait pas tout
çà. C'était comme une maison en fait, tu rentrais, y avait
rien marqué. T'avais que l'adresse et c'est à toi maintenant. Tu
vas en ville, tout est là pour les étrangers. Avant ça
n'existait pas tout ça en fait, parce qu'il n'y avait pas autant
d'étrangers quoi. Maintenant, ils viennent de toutes les pays.
Maintenant ils viennent de Roumanie, machin, mais en fait c'est plein. C'est
plein à Jette, tu entends que ça t'entendais pas.
108. S : Qu'est-ce que tu entends ?
109. E : Maintenant que des Polonais, parce qu'ils
parlent comme les Serbes alors moi je choisir la langue qui parle, encore je ne
connais pas tous les mots. C'est des langues slaves, ils parlent comme les
Russes, les Serbes tout ça.
110.
110
S : Albanie ce n'est pas slave ?
111. E : Albanais c'est une langue à part. C'est
ancien, je ne sais pas si tu connais l'histoire les Balkans. Avant c'est
Ilyria, ça c'est la première origine Albanais. Y avait xx xxx...
tu ne connais pas l'histoire ? Moi (main sur le coeur) je connais l'histoire de
mon pays en fait, je connais par coeur et c'est xx xxx.... C'est la Turquie
maintenant, avant c'était des sultans machin, il a pris la partie mais
en fait ici, on faisait des colonies comme maintenant la Belgique, machin, tu
vois, il prenait un pays, c'était une colonie mais à ce
moment-là on ne disait pas une colonie. On ne connaissait pas ce
mot-là.
112. S : On ne disait pas colonie ?
113. E : Non, ce n'était pas colonie à ce
moment-là, alors euh :::, y avait beaucoup plus des catholiques
Albanais, mais puisqu'en fait on t'obligeait à devenir musulman, parce
que les turcs, les sultans c'étaient des musulmans et c'est comme
ça que eux prennent des jolies filles et alors, ils étaient dans
l'harem des sultans comme on dit. Alors cette femme, elle était à
mon avis, elle était très belle puisque c'est le sultan qui l'a
pris. Ben, elle a eu un guerrier, nous on appelle des guerriers ici aussi. Hein
non, c'est des guerriers qui plus se battre tu vois xx xxx... C'était un
Albanais, mais puisqu'elle était dans l'harem, on a jamais connu son
père, mais c'est lui qui est devenu très fort xx xxx. Comment
c'est qu'on dit ça ?
114. S : Sa statue ?
115. E : Oui ben bien sûr, c'était un
Albanais, sa mère venait de chez nous mais était dans l'harem du
sultan.
116. S : Ok, il est métis.
117. E : En fait c'est-à-dire, il est
élevé dans une richesse comme on dit. C'est lui en fait à
ce moment-là et à ce moment-là, y avait
l'impératrice xx xxx. Y a beaucoup de
111
filles maintenant en Albanie. Oui ma traductrice, elle
s'appelle xx xxx, mais à ce moment-là, ça existait en
Balkans Ilyria ouais.
118. S : C'est joli Ilyria !
119. E : C'est une perle d'orient. C'était une
reine comme on dit et c'était une femme et puisque c'était une
femme, ça n'a pas duré longtemps évidement. C'était
comme ça. Ça doit ici aussi, y a la femme, y avait pas beaucoup
mais bon, c'était une femme. Tout ce que je sais vous dire et c'est
comme ça en fait. Bon alors, c'était fini cette partie-là
parce qu'elle avait la plus grande partie des Balkans Ilyria.
120. S : Donc l'Albanais, euh :::, c'est une langue qui
a du turc aussi ou pas ?
121. E : Non, oui, peut-être quelques mots parce
qu'ils sont restés. Parce que tu vois, quand un pays comme ici, elle
devient, je veux dire afin qu'elle est occupée du autre pays comme
avant. c'est lui qui était plus fort et ben tu prenais les autres. Ben y
a des mots qui restent c'est obligé. Les vieux y vont toujours
l'utiliser, mais moi par exemple je n'utilise pas. Moi je vais à
l'école quoi, c'est les vieux qui utilisaient et c'est ça en
fait. Y a beaucoup moins de catholiques chez moi et des orthodoxes parce qu'on
les a obligés. Mais si tu dis ça à A, il est furieux hein.
Je lui ai dit hein, y va jamais accepter. J'ai dit A c'est toi maintenant, ce
n'est pas maintenant, c'était avant parce qu'y l'histoire on ne peut pas
mentir. Y a des films tiens qu'on a fait, y a des choses qui est, tu sais des
Albanais qui voulaient le drapeau à ce moment-là, on ne voulait
pas laisser le drapeau des albanais rouge et avec ce que je t'ai dit
(silence)...
122. S : Avec un oiseau ?
123. E : Oui, avec un oiseau avec un bec comme ça
et il est rouge et au milieu noir avec un bec comme ça. Ce n'est pas un
corbeau c'est pffff comment on dit en français, nous ont dit *xx xxx*
mais comment on dit en français ? Je ne sais pas qu'elle est traduire
pour nous. C'est important quand on faisait des guerres et tout ça
contre la Turquie et tout ça des gens de ::: du :::. Albanie ils sont
allés aux pieds jusqu'à l'Angleterre parce qu'à ce
moment-là y avait des tables, des grands qui faisaient entre
112
douze et treize personnes. Ils sont allés vraiment
demander la libération et être libres pour mettre le drapeau. Ils
pouvaient même ne pas mettre le drapeau.
124. S : Mais maintenant ce drapeau il est toujours le
même ?
125. E : Oui si y a des gens qui se sont tués
juste pour avoir le droit de mettre ces drapeaux. Mais avant c'était
comme ça, je ne comprends pas pourquoi ils ont fait tout ça. Mais
avant la liberté comme on dit, c'est pour ça maintenant y a plus
de musulmans. Mais ça n'a rien à voir par exemple comme les
Marocains qui font ici.
126. S : Tu n'as pas le voile toi par exemple
?
127. E : Ben je n'ai pas la voile. Je ne sais pas parce
qu'ils disent oui c'est obligé. Ça c'est obligé, mais non
ce n'est pas obligé. Si on met quelque chose dans le coran dans une
livre c'est ta volonté. On peut pas dire que t'es pas obligée, tu
ne fais pas ça t'es pas un bon musulman. Mais tout ce qu'il y a dans les
trucs catholiques, les gens ils vont ne jamais faire tout ça. Alors tu
n'es pas un catholique, on ne peut pas dire ça, on ne peut pas
influencer quelqu'un pour être un bon. D'abord mon coeur et la
difficulté avec les locataires c'est ça en fait, parce que
j'avais eu une en fait qui faisait ça. T'es pas une musulmane, t'es pas
une bonne musulmane. C'était à chaque fois qu'on se rencontrait,
c'est la même chose. Ouais tu ne fais pas le ramadan, tu ne fais pas si,
tu ne fais pas ça. Oui j'ai dit, j'ai eu bon coeur, j'aime tout le
monde. Pour moi, c'est ça pour moi, ça n'a pas d'importance
quelle religion tu as. Comme toi, tu es qu'est ce tu fais, est ce que tu fais
du bien, est-ce que vous êtes gentils, parce que tu viens dans ma rue moi
je ne sais pas marcher hein. Je dois m'arrêter avec tout le monde et je
m'arrête.
128. S : Avec tes voisins ?
129. E : Toute la rue.
130. S : Pour, pour dire bonjour ?
131. E : Je :::, oui. Il faut que je dise un mot, parce
qu'ils ont l'habitude. Moi j'ai des... Je ne sais pas, c'est c'est c'est moi et
ça me dérange pas du tout. Parce que dire un mot gentil à
quelqu'un ou des personnes âgées et ça fait plaisir. Ils
sont gentils et tout ça et je vais jamais dire oh je n'ai pas le temps,
je n'ai pas le temps. Je dis jamais ça même si je suis
allée tout juste, je ne vais pas à dire à une personne
âgée je n'ai pas le temps et je ne peux pas parler. Je ne dis
jamais ça et c'est ça que mes enfants apprennent. Ils vont jamais
dans la rue, ils vont jamais parler méchamment parce que si mon enfant
il parle méchamment au prof ou dans la rue à quelqu'un je serais
malheureuse, je serais malheureuse pour ça et ils le savent. Des bonnes
manières de vie ça fait beaucoup et c'est comme ça en
fait, je j'arrive à obtenir ce que je veux
132. S : De tes enfants ou de :::....
133. E : Non de tout de, tout le monde de la vie, parce
que quand je commençais au mois de novembre nonante trois à
travailler pour ma première patronne en déclarée comme on
dit, parce que moi je me suis inscrite à la CPAS de Jette y avait pas
beaucoup de gens qui demandaient la CPAS hein et alors je dis : ah non moi
madame je ne veux pas de CPAS. J'ai dit pourquoi ? Parce que j'avais le droit
de chez ma soeur ou chez mon frère avant six cent francs belges. C'est
plus, c'était comme je me souviens pas des francs belges en fait.
Maintenant te vois parce que t'avais le logement, mais ça c'est quelque
chose pour toi tu sais. Pour t'habiller pour x xxx.
134. S : Ça fait quoi, ça fait
soixante-dix, quatre-vingts euros peut-être ?
135. E : Non non plus.
136. S : Six cents francs belges c'était plus
?
137. E : Non non, ce n'est pas six cents francs belges
oh ::: non ce n'était pas six cents francs belges. C'est comme si je
disais maintenant trois cents euros.
138. S : Ah oui d'accord.
113
139. E : Oui oui, c'est trois cents euros
maintenant.
140.
114
S : D'accord c'est bien.
141. E : Si.
142. S : C'était bien à cette
époque peut-être ?
143. E : Mais dis moi je n'ai pas été
payée à vingt et un ans hein !
144. S : Trois cents euros c'est pour être chez
ton frère ou chez ta soeur ?
145. E : Oui, mais je m'inscrivais parce que tu dois
avoir une adresse. Alors moi je m'inscrivais là, c'était
très très bien, c'était comme ça. Elle m'inscrit
madame je dis moi je ne veux pas avoir la CPAS. J'ai à manger tout
ça, je veux travailler, moi je veux travailler. Attends, tu n'as pas
encore les papiers tout ça. Oui je le savais, c'est comme ça.
C'est pour ça que je travaillais à côté, mais
ça je n'avais pas dit en fait. On ne veut pas que je travaille au noir,
ça c'est quelque chose xx xxx et alors au coin où moi je
travaillais y avait le CPAS, ici rue l'Église où ma soeur elle
habitait ici la CPAS. Ma soeur, elle habitait au milieu du restaurant la CPAS
et au coin de la rue y avait une société de sérigraphie et
machin, tu vois c'était des bureaux et alors en passant par-là
moi, tu sais le patron il était là avec une personne vieille
qu'elle habitait à côté du.... Enfin face à face du
travail que moi j'avais eu et alors même moi cette personne elle
était toujours tu vois près de la fenêtre la fenêtre
ici, elle était toujours là avec son chien et moi je
m'arrêtais et je parlais avec elle avec les mains.
146. S : Ah oui tu ne savais pas encore
bien.....
147. E : Non.
148. S : Tu ne savais pas ?
149. E : Et alors tu sais et c'est comme ça que
je rentrais. En voilà parce que le parc euh :::, roi Baudoin
c'était tout près de ma soeur quoi. Tu sais ma soeur, elle habite
ici. Mon frère pas loin, alors le parc, il est au milieu. Je vais chez
mon frère, j'allais en xx
115
xxx. Je ne savais pas passer ma journée autrement,
j'étais à la maison et pis de ma soeur j'allais toujours avec les
enfants.
150. S : Tu parlais toujours avec les gens ?
151. E : Avec les mains.
152. S : Avec les mains, comment tu... ?
153. E : Comme ça, je ne sais pas. Quand je
voulais quelque chose, ils arrivaient à me comprendre. Je ne sais pas,
je sais ne pas expliquer. Mais y y, j'avais besoin de parler moi. Je ne sais
pas rester sans parler, c'est ma nature, je dois parler avec les gens et c'est
comme ça que je suis rentrée en contact et elle sort la personne
âgée et elle parle avec la patronne de la société
comme on dit et fin parce qu'ils étaient avec son mari et elle savait
après ma soeur, la personne âgée que moi j'avais besoin de
travail et raconte je ne sais pas. Elle raconte mon histoire à ses
patrons. Eux, ils partaient et moi c'était à six heures je
prenais les enfants de ma soeur. J'avais un peu, ben je sortais je savais pas
quoi faire et alors elle a dit quelque chose, alors m'a dit : demain toc toc
toc ta soeur venir ici, elle me dit chez elle, chez la vieille hein et alors
c'est ce qu'on a fait avec ma soeur et j'suis allée chez ma soeur.
Comprenez parce que déjà, elle a presque quarante ans et lui a
racontée comme ça, comme ça elle peut commencer
malgré qu'elle n'a pas son permis. Pour moi, je n'avais pas mon permis
de travail et je n'avais pas encore les papiers tiens, parce que j'avais
déjà donné tous les papiers, il fallait
attendre.
154. S : Oui oui.
155. E : Et alors, elle a dit oui. Tu sais ce qu'on va
faire ? Alors avec la personne âgée, avec ma soeur en rendant les
clés, on dit notre xx xxx.... Mon histoire comme on dit et la patronne a
bien écouté, parce qu'elle avait une dame, c'était des
Belges. Avant y y avait pas beaucoup d'étrangers qui qui nettoyaient et
alors elle dit la femme, elle a accouché. La fille qui travaillait pour
elle, elle avait eu le troisième enfant. Elle avait personne pour
nettoyer dans les bureaux, elle voulait bien que moi je commence.
156.
116
S : D'accord.
157. E : C'est comme ça que j'ai
commencé.
158. S : C'est une chance dis donc !
159. E : Et alors ben, c'était un peu avec la
CPAS aussi mais c'est ça en fait, moi c'est, c'est l'envie. Tu dois
montrer que t'as envie de faire quelque chose, sinon ça ne marchera
jamais et c'est comme ça que ça a commencé mon histoire.
Ben moi (main sur le coeur), je dis que je peux écrire un livre à
mon histoire. Tous les parcours que j'ai fait ici en Belgique si si si et je
saurais faire étapes par étapes oh.
160. S : Ah oui tu vas l'écrire, tu vas
écrire ?
161. E : Je saurais faire ça parce que c'est vrai
y a personne qui pense beaucoup comme moi en fait et voilà.
162. S : Tu sens que tu as besoin d'écrire
ça ?
163. E : Je ne sais pas, peut-être. J'adore
écrire moi. Moi, j'écris tout et il faut que ça
écrive bien en fait.
164. S : T'écris en quoi, en français ou
en albanais ?
165. S : Les mots en français et
l'écriture en albanais. Quand je fais résumer pour les enfants du
livre c'est comme ça et alors je traduis.
166. S : Alors attends les mots c'est je ne comprends
pas les mots.
167. E : Les mots par exemple, tu me dis : E est ce que
tu veux venir chez moi ? Moi, j'écris les mots en français mais
l'écriture en albanais. Quand je vous dis, quand je vous dis je peux
écrire à ma façon ? Je vous demande souvent.
168. S : Tu veux dire la phonétique ?
169.
117
E : Oui, à ma façon, ça veut dire tu
vas comprendre que c'est en français mais c'est vrai, ce n'est pas
difficile à lire toujours mais le sens c'est en albanais, tu vois
?
170. S : Ok d'accord.
171. E : Je veux venir chez toi par exemple.
172. S : Tu peux l'écrire si tu veux, je ne sais
pas s'il marche bien, mais essaye.
173. E : C'est pour t'expliquer. Voilà comme
ça tu vas comprendre ce que je veux dire, sinon tu ne vas jamais
comprendre. Je veux venir ça s'écrit tout ce que tu entends je
veux venir chez ça se dit chez toi tu vas comprendre ce que je veux
dire.
174. S : Je veux venir chez toi, ok.
175. E : Je veux venir mais tu vois, le mot ça
mit en français mais moi j'ai écrit comme j'entends. Tout ce
que j'entends, je veux venir chez toi, j'écris tout ce que je n'entends
pas le français ça ce n'est pas le français, ça
c'est à ma façon.
176. S : Et quand tu as humm, est ce que tu penses
d'abord, non je ne vais pas demander comme ça. Comment tu es bilingue
? tu comprends le mot bilingue, E ?
177. E : Oui, c'est tu parles deux langues ou trois ou
quatre enfin.
178. S : Comment tu..... ?
179. E : Comment j'suis devenue, comment je me
sens.
180. S : Voilà, comment tu te sens bilingue, est
ce que tu es bilingue et comment tu vois que t'es bilingue ?
181. E : J'adore la langue française, je
l'adore.
182. S : Et pourtant, tu ne voulais pas rester ici
?
183. E : Mais au début, c'est ce que je me dis
c'est quelque chose que tu ne comprends pas ce qui t'arrive non plus. La
moitié des gens, ils n'arrivent pas à
118
expliquer par exemple et ils ne veulent pas et ils
tiennent. Mais moi pourquoi je dois tenir ça pour moi. Bin ce n'est pas
grave ce que je raconte. En fait, que t'as pas envie de rester ici parce que
parce que parce que j'étais jamais sortie de mon pays. Je n'étais
jamais allée ailleurs et moi je voulais finir mes études. Je
voulais travailler avec les enfants. Comme je me sens bilingue, je me sens
très bien. Je te dis, j'adore la langue française. Je connais
tous les artistes, toutes les chansons françaises, presque, pas les
nouvelles. J'adore Hélène Ségara, j'adore Garou, tous les
chanteurs, mais tu vois la musique populaire comme ça qu'on comprend ce
qu'on raconte.
184. S : Et ça te touche le français
autant que l'albanais ?
185. E : Oui, non parce que le français, tu
vois y a des chansons d'amour, tu tombes parterre.
186. S : Ça te touche vraiment ?
187. E : Oui oui, tu vois, je suis faux romantique, au
fond j'suis très romantique. Fin mon mariage, ce n'est pas romantique du
tout. Ça n'a rien à voir mais bon on n'a pas toujours ce qu'on
veut non plus. Hein, ne faut pas raconter. Tu vois, on ne peut pas tout avoir
dans la vie, parce que j'ai tout à fait. Tu vois, c'est un Albanais
comme moi mais il a tout à fait une autre éducation, une autre,
le caractère ça n'a rien à voir. On est tous
différents en fait, je ne sais pas, on dirait qu'il est
élevé ce n'est pas où et moi je ne sais pas
où.
188. S : Donc, tu l'as pas connu avant, tu l'as connu
ici ?
189. E : Non non, moi je l'ai connu ici. Il était
déjà en Allemagne lui et une connaissance, bon voilà, il
m'a dit : voilà parce que mon frère, il voulait quelqu'un qui
vient de chez nous, enfin c'est le rituel comme on dit.
190. S : D'accord, mais toi tu aurais
préféré un Belge ou .... ?
191. E : Mais oui, mais à ce moment-là,
à ce moment-là c'était, mais je ne dis pas à mon
fils que tu ne peux pas voir un Belge. Hein par exemple, la
génération
119
maintenant, c'est que nous notre génération
est venue de notre pays. C'est un peu plus difficile parce que ton
éducation, il est comme ça. Mais tu viens chez moi autant que tu
veux, tu m'entends jamais dire à mon fils tu dois prendre une Albanaise
y a rien à faire non je dis jamais.
192. S : Ton mari peut-être oui ?
193. E : Non, tu vois une bonne éducation, ce
n'est pas imposer les choses aux gosses. Il faut parler avec eux c'est tout.
Moi je n'impose pas à mon fils, je ne voudrais pas une noire mais bon
une négresse ça va encore.
194. S : Ouais, c'est compliqué ça.
Après ouais chacun fait comme il veut, mais bon.
195. E : Là c'est une grande différence
comme on dit, je ne sais pas comment ça va être accepté par
tout le monde, de machin sinon je préfère qu'il a une Belge par
exemple que une noire ou une Marocaine.
196. S : C'est par rapport xx xxx ?
197. E : Non, le genre qui t'impose et tu te dis c'est
comme ça pour moi non je n'aime pas. On vient par exemple dans un
pays, c'est ce que je dis à ma commune en fait. C'est pour ça en
fait, tout le monde me connaissait à la commune de Jette. Tout le monde
me connaissait et j'étais toujours servie comme il faut. On m'a
aidée pour les papiers et les papiers c'est les papiers ! Pour moi, ils
faisaient tout mais tout parce que les enfants de mon frère et de ma
soeur à ce moment-là ils n'étaient pas forts et puis ils
étaient encore en primaire et c'était pour les papiers à
ce moment-là. Ce n'était pas et ma soeur et mon frère ils
savaient pas écrire et rien du tout.
198. S : Donc c'est toi qui les aidais pour les papiers
non, on t'aidait ?
199. E : On aidait tout tout il faisait
tout.
200. S : Parce qu'à la maison vous parlez quelle
langue ?
201.
120
E : Moi je parlais le français enfin, fin
ça c'est mon mari il est contre.
202. S : Tu parles français avec tes enfants
?
203. E : J'ai plus facile à parler en
français tu veux vas pas me croire.
204. S : Ah bon ?
205. E : Oui.
206. S : Mais pour parler de toi ou pour...
?
207. E : Pour tout, c'est bizarre xx xxx non, mais les
mots viennent plus facilement, tu vois quand tu veux expliquer un truc, machin,
je ne sais pas moi le français vient directement et je va chercher
maintenant pour l'albanais.
208. S : Et tu rêves en albanais ?
209. E : Oui mais je ne sais pas, c'est des choses comme
elle dit ma soeur qui est tellement avancée plus vite que nous, je ne
sais pas, je ne sais pas.
210. S : Donc tu rêves en français
peut-être parfois ?
211. E : J'aime tout moi. J'adore le français je
vous dis et tout le monde le sais comme il dit mon frère. Enfin ce n'est
pas méchant qu'y dit, t'es devenue comme les Belges.
212. S : Qu'est- ce qu'il veut dire ?
213. E : Il veut dire parce que bon je fais tous les
choses comme ici, tout, enfin je me suis adaptée, j'ai difficile et
peut-être c'est ça en fait j'ai eu très difficile mais
après c'est allé toute seule après j'ai trouvé mon
rythme hein.
214. S : Et ta culture tu la gardes, je veux dire tu
n'as pas... ?
215.
121
E : Je fais tout comme en mon pays, mais moi je ne mens
jamais. C'est pour ça, ils savent même je dis des dizaines de fois
que je m'exprime mal ici et ils disent tu viens de Russie.
216. S : Pourquoi ils disent ça ?
217. E : J'en sais rien, je sais pas peut-être
à la façon de je fais, rien de bizarre quand même
bon.
218. S : Ici ils t'ont dit ça ?
219. E : Oui oui, Mohamed la semaine passée, il
savait même pas que j'étais musulmane. Vous voyez, c'est comme je
vous dis, ils ne sont pas à l'écoute. Tu peux raconter ce que tu
veux, je ne sais pas s'ils restent euh ::: un mot dans leur tête et
pourtant je me suis baissée à leur niveau et je dis jamais
quelque chose. Vous voyez bien je me montre jamais et quand tu veux donner la
parole, tu donnes aux autres et je donne même quand on est en groupe. Je
prends jamais la parole, je dis tu veux le faire, fais-le alors, fais-le
malgré que je sais le faire. Mais enfin je respecte l'autre
personne.
220. S : Et tu penses que tu as plus d'affinité
avec quelques-uns dans le groupe plus de liens avec d'autre que
.....
221. E : Je parle avec tout le monde, je ne fais pas la
différence depuis le début, tu vois je me mets avec J. Je parle
avec A, je parle mais quand tu es avec le groupe par exemple, je sais que quand
t'es avec S et F tu n'as pas un mot à dire ouais. Tu veux faire une
histoire par exemple, tu dis ce que tu veux ils vont dirent ce qu'ils
veulent.
222. S : D'accord, elles ne vont pas mettre tes
idées.
223. E : Non malgré, par exemple quand je dis une
phrase, je le dis correct. Ça sert à rien, elle dit non non non,
ce n'est pas comme ça, il faut le dire comme ça.
224. S : Et pourquoi à ton avis ?
225.
122
E : Je n'en sais rien, je ne sais pas. Mais moi je ne
discute pas pour ça, moi je ne veux pas être remarquée et
du coup et après comme pour s'habiller, tu vois elles se montrent et
alors tu vois ils sont tous y allés.
226. S : Ils ont peur non ?
227. E : Je ne sais pas. Ils sont au repas avec elle et
je lui ai dit l'autre fois à S, tu vois aujourd'hui mais quand elle
vient, elle se met avec son truc là. Elle s'assit mais dis : on n'est
pas prisonnier ici, hein on est quand même, y a personne qui va nous tuer
quand même ici. On vient moi je me fais plaisir à venir ici.
Pourquoi, pourquoi je vais être stressée quand je viens ici ? Non
pas du tout .
228. S : Et toi justement, pourquoi tu viens E
?
229. E : Je viens pour apprendre à
écrire.
230. S : Et pourquoi, parce que c'est vrai que tu le dis
tout le temps pourquoi écrire ?
231. E : Parce que j'ai dit, j'ai un niveau. Je ne dis
pas que je parle parfaitement, je voulais avoir l'écriture aussi un
petit peu. Puisque bon, je sais lire et je sais écrire mais j'ai jamais
eu le temps d'apprendre à écrire le français. Parce que
j'ai toujours travaillé et ce que je faisais on ne me demandait pas
d'écrire, on m'a jamais demandée c'est ça en fait. J'ai
appris avec les gens, j'étais tout le temps corrigée parce qu'ils
savaient que j'aime bien. C'était tout le temps mes clientes. Je
travaillais neuf ans dans la société que je te dis. Que bon je
commençais, je travaillais six mois. Je n'avais pas encore mon permis
hein et je travaillais déjà six mois hein et j'étais
payée et tout et alors elle a demandé un papier au CPAS. Parce
que je lui dis : moi j'suis inscrit à la CPAS, moi je ne veux pas
travailler au noir donc en fait c'était comme ça. Je n'ai jamais
travaillé au noir et c'est comme ça que ça marche dans la
vie hein.
232. S : Oui. Quand tu as décidé
?
233. E : Parce que travailler au noir tu n'as rien au
fond.
234.
123
S : Ben disons que tu ne cotises pas pour la
retraite.
235. E : xx xxx L'argent que tu gagnes, je vous assure,
au noir tu ne le vois pas. Ils partent, tu les gaspilles et tu ne vois pas
et tu fais rien avec. Mais les gens n'y se rendent pas compte.
236. S : Hum
237. E : Et je sais, parce que je vécu tout hein.
J'ai fait quatre boulots la journée moi mais que j'étais
déclarée hein. Je peux le dire hein fin, tu ne vas pas le dire xx
xxx. Je faisais cinq heures, j'avais deux jours sept heures et trois jours cinq
heures fin dans la semaine hein et c'est elle qui a fait les démarches
pour mon permis après hein, ma patronne.
238. S : D'accord.
239. E : J'étais tellement aimée, j'allais
chez eux, j'allais chez les enfants, j'allais chez la fille, chez les
garçons. Je connaissais tous les autres les enfants, les petits enfants
de ma patronne. Je ne sais pas t'expliquer, j'étais tellement bien
accueillie que je ne dis jamais assez merci et ils ont fait tout pour moi hein.
Moi je te dis tout mais bon et c'est ça que je dis et alors quand je dis
à la dame, Madame D car je n'oublie jamais son nom. Elle est encore
vivante, elle habite tout près de la police de Jette même, avant
même, après que je la voyais, elle me disait toujours bonjour.
Elle est retraitée maintenant.
240. S : Et eux, ils te disent maintenant, quand tu les
vois oh lala votre français E ?
241. E : Oui oui, je suis toujours et je reçois
toujours des bons compliments et ma patronne elle est
décédée à soixante-deux ans.
242. S : Oh ! Elle est décédée
jeune !
243. E : Elle est décédée
très jeune. Enfin son mari vit encore et je vois les enfants, les petits
enfants qui ont grandi et qui ont fait des études et j'ai fait du
baby-sitting
pour eux. J'ai fait tout en Belgique moi, du nettoyage du
oh ::: je ne sais pas, repasser chez les gens. Tout tout ce qui rentre euh :::
la cuisine pour des personnes âgées, tout. Je ne sais pas ce qui y
a que je n'ai pas fait en Belgique. C'est pour ça je te dis que je vais
faire un livre.
244. S : Mais après quand tu sauras écrire
euh :::
245. E : Si j'écris en albanais, y a pas de mal
à ça. Moi (main sur le coeur) je t'ai dit tout est dans ma
tête et je n'oublie jamais rien. J'ai tout çà dans ma
tête en fait depuis le début. Quand je suis venue, comme quand je
suis descendu du bus euh ::: à la place xx xxx. Tu vois on fait toujours
le marché dans cette place-là hein. J'oublie jamais hein et quand
j'ai descendu xx xxx tout le tour y avait que des maisons et pour aller chez
mon frère toutes les rues se ressemblaient pour moi et tout que les rues
et les maisons xx xxx. Et je disais, c'est des maisons vieilles, moches,
j'aimais pas du tout les maisons. Nous on avait des maisons au pays c'est comme
une villa ici chez nous c'est la maison.
246. S: D'accord ah oui.
247. E : Parce que si tu construis depuis le
début toi, tu fais les plans comme tu veux, machin. Tu fais des chambres
comme tu veux, deux étages trois étages mais tu fais comme toi tu
veux, y a pas de maisons chez nous comme ça.
248. S : Mais ta maison, elle est toujours au pays
?
249. E : Elle était détruite en fait et on
la reconstruite après la guerre.
250. S : D'accord.
251. E : Mais dans ma famille non, elle existe plus dans
mon côté, parce que mon frère il est venu ici et l'autre il
est parti dans une grande ville. Parce qu'il travaille avec sa femme
maintenant, tu vois ils ont ils ont un château !
124
252. S : Un château, ah !
253.
125
E : Euh ::: oui, c'est comme un château, parce
qu'il y a six chambres à coucher. Hein je sais pas comment
décrire, une maison de deux étages avec six chambres à
coucher et y a des salles de bain, des grandes entrées comme ça
et mon frère qu'il est ici en fait, il a reconstruit encore une maison
dans une villa un petit peu plus fin. Moi enfin, j'ai acheté un
appartement, j'ai construit la maison pour la belle-famille. J'ai vécu
enfin...
254. S : Pour ta belle-famille, ici alors ?
255. E : Non là-bas, moi je n'ai pas de
belle-famille ici.
256. S : Ah ta belle-famille est
là-bas.
257. E : Oui, mon mari il n'a personne ici.
258. S : D'accord. Donc parfois vous y allez
?
259. E : Tous les ans.
260. S : Avec les enfants ?
261. E : Avec mes enfants tous les ans. J'ai jamais
allé ailleurs, j'suis jamais allée ailleurs.
262. S : D'accord, tu vas chez qui, chez ton
frère ?
263. E : Non non, je vais dans ma belle-famille. Chez
nous, tu vas dans ta belle-famille.
264. S : Ton frère, tu ne le vois pas, qui est
là-bas ?
265. E : Bien sûr, ils ne sont pas loin. J'y vais
chez mon frère mais enfin quand tu vas, tu descends donc la
belle-famille. Chez nous la femme est là vers l'homme parce que la fille
elle est mariée mais elle va chez l'homme. Mes soeurs doivent y aller
dans la belle-famille. C'est mes belles soeurs, la femme de mon frère, y
vont chez nous (rires) ils ont de la chance.
126
266. S : Même si ta maman était en vie
?
267. E : Oui, je dois y aller. Je dois d'abord descendre
chez ma belle-famille. C'est bizarre hein, c'est la coutume je te dis. C'est
une chose que c'est, c'est comme ça. C'est l'homme d'abord puis bon moi
j'ai beaucoup de liberté hein. Quand j'ai vu mon mari la première
fois, je n'ai vraiment pas aimé du tout et il le sait hein. Tu vois,
j'étais jamais été amoureuse de lui et il le sait hein et
je lui ai dit hein. On se marie, on va apprendre à s'aimer mais je ne
suis pas amoureuse de toi du tout. Tu viens de mon pays.
268. S : Et lui il était amoureux de toi
?
269. E : Lui il est plus attaché à moi. Je
fais ce que je veux S, moi je fais ce que je veux, mais bon la maintenant c'est
ma santé qui permet pas de faire grand-chose, parce que j'étais
mince avant, bon y a quatre ans que je suis devenue comme ça.
J'étais mince mais j'avais quarante quarante-deux en taille, c'est pour
ça je n'arrive pas à m'accepter.
270. S : Mais qu'est-ce qui s'est passé alors
?
271. E : Le stress, ma glande thyroïde et puis les
médicaments que je prends je prends cinq médicaments tous les
matins.
272. S : Pour ta glande thyroïde ?
273. E : Oui, pour mon estomac, pour mes jambes, plein
de choses quoi. La glande thyroïde en fait, elle était grossie
parce que chez moi elle ne travaille pas du tout.
274. S : Mais c'est récent parce
qu'avant...
275. E : Ça fait quatre ans oui oui oui elle dit
: elle se fixe avec le stress parce que je travaillais tout le temps moi, tout
le temps. J'avais les enfants, j'avais mon ménage, mes papiers et la
maison à gérer. Parce que bon, y avait les locataires et chaque
fois qu'y a un truc, ils viennent chez moi. Ce n'est pas mon mari ben, il
disent rien quoi.
127
Enfin je dois tout gérer quoi. Mais moi pour les
papiers, parce que tout le monde y en fait c'est ça, que j'appris
à faire tout. Tout ce que je dois faire pour ma maison, les locataires
tout parce que j'ai dit si j'attends toujours quelqu'un pour faire un papier je
vais jamais apprendre et je fais tout moi-même et j'appris. Maintenant je
sais tout faire. Si tu n'essayes pas, tu sauras jamais et c'est pour ça
moi je dis : il faut essayer. Tu ne dois pas avoir peur, y a personne qui va te
manger. C'est pour ça le français je disais mal, je m'en fichais
alors, ils me disaient : non madame, ce n'est pas comme ça, tu dois dire
comme ça et ben ils le disaient quelques fois et je retenais dans ma
tête. Mais ma patronne, elle était géniale en fait, son
mari parce qu'elle travaillait avec son fils, son mari, puis y avait encore
deux. On était treize en fait. C'était une petite
société. Ce n'était pas beaucoup en fait hein. Alors moi
quand je rentrais, ils n'étaient pas habitués eux comme
ça. Moi je suis, je rentrais, je prenais tous les tasses oups bien
nettoyer d'abord le lavabo. J'suis très maniaque pour ça,
maintenant ça va mieux. Mais j'étais malade dans ma tête,
la propreté.
276. 5 : Mais même en Albanie ?
277. E : Oui.
278. 5 : D'accord.
279. E : C'était comme ça, tu vois. tu es
comme ça, tu restes comme ça. Maintenant en plus, c'est ma
doctoresse qui me dit : ta santé elle est vraiment importante. Mais tu
viens chez moi le matin, tout est à sa place. Tu ne peux pas mettre
ailleurs, pourquoi tu xx xxx. Il faut que ce soit à sa place, elle a sa
place. Si on a un truc, c'est parce que j'avais la place pour le faire. Alors
tu le mets et ils savent mes enfants, tout le monde sait, mais il fallait rien
avoir sur les tapis. Y a rien qui traine et je fais toujours l'aspirateur tous
les jours. Tous les jours je dois passer l'aspirateur et toujours un truc. La
table devant le fauteuil doivent être nettoyée, y a plusieurs
choses qui doivent être faites tous les jours.
280. 5 : Disons que tu t'épuises alors
hein.
281.
128
E : C'est ça en fait et j'avais mon travail tous
les jours et j'avais plein de choses à faire en fait. C'est pour
ça bon, je ne sais pas. Je fais, je m'arrête pas toute la
journée. C'est ce qui disent dans ma famille hein. Ils disent c'est toi
que fin, c'est toi qui a fait et tout le monde dit en fait d'abord tout ce que
toi tu fais. Tu commences par toi si tu fais quelque chose de pas bien.
Ça veut dire que c'est toi-même que tu détruis. Ce n'est
pas quelqu'un autre. C'est ce que dit le coach hein, tu vois que je vais une
fois par mois.
282. S : Oui c'est vrai tu vas voir ton
coach.
283. E : Voilà et il dit : tu ne peux pas mettre
la faute à quelqu'un d'autre parce qu'on a tellement l'habitude de
faire oui parce que l'autre a dit comme ça na na tu commences par chez
toi. Il faut que tu t'écoutes pourquoi tu essayes toujours parce que si
tu fais beaucoup d'efforts pour les autres, c'est parce que toi tu veux mais ce
n'est pas pour ça qu'ils vont t'aimer moins si tu t'arrêtes un
peu.
284. S : Oui, ou qu'ils vont t'aimer plus
hein.
285. E : Oui mais on a tellement dans la tête que
oui je sais plus. C'est ce que je faisais pour mon bureau. Je croyais que je
mettrais xx xxx, mais non ça n'a rien à voir. Ils ne vont pas
faire quelque chose de plus pour toi et c'est vrai je sais maintenant. Je me
rends compte depuis que je ne travaille pas.
286. S : D'accord.
287. E : Mais oui, je vous assure, ils ne vont pas
mourir parce que moi je pouvais plus faire ce travail hein. Ça
continue chez eux, mais dans ma tête, je ne sais pas pourquoi, je pensais
comme ça moi. Ça m'a aidée hein, parce que moi, y a des
filles qui disent ou bien elles n'écoutent pas ce qu'ils
racontent.
288. S : Hum de ta coach ?
289.
129
E : Oui ou je sais pas pourquoi, ils disent que non. Mais
non je comprends tout ce qu'elle me raconte. C'est vrai ce qu'elle raconte mais
ils ne sont pas contents la moitié des personnes qui viennent là.
Oh je viens parce que je suis obligée.
290. S : Parce que peut-être aussi la
vérité ça fait mal hein.
291. E : Ça m'a fait mal, je pleurais quand je
parlais avec elle. Quand j'avais des rendez-vous individuels, elle voyait, elle
disait : mais c'est impossible, c'est grave, mais tu peux mourir quand
ça t'arrive xx xxx. J'allais en dépression. Je croyais que je
dois toujours le faire comme ça mais on s'en rend pas
compte.
292. S : Quand tu es dedans, on s'en rend pas
compte.
293. E : Et c'est ce que je voulais dire. Une fois que
dans ta tête t'as un truc, si tu t'arrêtes pas une fois pour dire
mais enfin je dois m'arrêter xx xxx. Tu ne sais pas et tu continues comme
ça sur ton chemin. Oui je fais comme ça je dois le
faire.
294. S : Oui, parce que tu penses que si y a que cette
voie xx xxx.
295. E : Non non, ce n'est pas vrai. Je sais mais ce
qu'elle dit. Par exemple quand les gens ils vont t'aimer moins si tu fais moins
c'est la vérité.
296. S : Oui.
297. E : Je te dis : je peux écrire un livre.
T'auras jamais fini avec moi, je te jure t'auras jamais fini. Parce que si je
dois raconter, oh yayaille. Je travaillais neuf ans, c'est vrai pour eux puis
j'ai eu le deuxième la patronne est
décédée.
298. S : Ah oui c'est ce que tu me disais.
299. E : xx xxx Tu vois la société, elle
n'a pas continué et moi j'ai eu mes papiers. J'suis allée au
chômage. Je restais quand même un peu avec mon fils pour qu'il
grandisse et puis que bon je n'avais pas travail. J'ai dit : je ne vais pas
trouver toute suite fin je vais afin parce que mon grand il est à la
crèche.
130
300. S : D'accord.
301. E : Oui je travaillais. Il était un petit
peu dans la famille quatre mois avec moi puis un petit peu dans la famille.
Parce que n'y avait pas de petits dans ma famille. Il était un peu chez
ma belle-soeur, ma soeur, mon frère. Il venait tout le monde garder mon
gars. Il était le seul petit dans la famille.
302. S : Ah oui, donc du coup il pouvait se
partager.
303. E : Partager tous les jours. J'avais de la famille
chez moi pour venir la voir. J'en avais marre xx xxx. Tous les jours, il
faillait qu'ils viennent la voir mon fils. A ce moment-là, il
était fort gâté mon grand. Y avait de petit dans la
famille, il était le seul, il a vraiment profité. Alors si tu
disais à quelqu'un tu veux bien garder ? Voui voui voui. Les enfants de
mon frère, de ma soeur, tout le monde le gardait et moi je pouvais
travailler et alors quand il a eu un an je l'ai mis à la crèche.
Mais le petit je l'ai gardé jusqu'à qu'il est allé
à l'école. Non d'abord, je travaillais un petit peu mais quand
elle est décédée, mais fallait que ça
s'arrête en fait et pis j'ai commencé les petits services hein.
Quand le petit il est allé à l'école, alors j'avais
trouvé du travail des services. mais moi les petits services, tu vois le
système euh ::: mon travail. C'est dire avec la commune ce n'est pas
indépendant comme y a beaucoup de sociétés machin xx xxx.
Je veux quelque chose de stable et quand j'avais commencé c'était
comme ça, moi je n'aime pas la xx xxx. Je ne prends pas ton travail mais
quand je me suis mariée...
304. S : Je pense qu'on peut s'arrêter là
et
305. E : Je n'aurai(s) jamais fini !
306. S : Non parce que.....
307. E : Qu'est-ce que tu veux savoir ?
131
Annexe 15 : « Canevas investigatif » ou
grille de questionnement analytique pour J Un « moi »
élément de l'écologie humaine
(a)
- Quels signes linguistiques les locuteurs emploient-ils
?
Les dipôles
Pronominaux
«c'est »-« je » « je
»-« moi »
États
|
Existence
|
Actions
|
Comprendre
|
Avoir
|
Dire
|
Ne pas comprendre
|
Avoir l'habitude
|
Suivre
|
Être
|
Avoir besoin
|
Essayer
|
Savoir
|
Avoir envie
|
Faire
|
Ne pas savoir
|
Aimer
|
Aller
|
Sentir
|
Adorer
|
Laisser
|
|
|
Raccrocher
|
|
|
Penser
|
|
|
Entendre
|
|
|
Quitter
|
|
|
Apprendre
|
|
|
Partir
|
|
|
Visiter
|
|
|
Parler
|
|
|
Ne pas parler
|
|
|
Demander
|
|
|
Vouloir
|
132
|
|
Pleurer
|
|
|
Grandir
|
|
|
Venir
|
|
|
Chercher
|
|
|
Connaitre
|
|
|
Lire
|
|
|
Voir
|
|
|
Trouver
|
|
|
Pouvoir
|
|
|
Commencer
|
? « je sais pas »
Impossible à expliquer
|
Ignorance
|
Incompréhension
|
Tr 139, 250
|
Tr 151, 163, 233, 272 (par rapport à la
situation)
|
Tr 26, 145 (par rapport à la
situation)
|
- Quelle importance les signes linguistiques ont-ils par
rapport à l'appropriation du français ?
? Temporelle : J est dans un temps « initial »
: « c'est » ? sujet neutre, verbe impersonnel
·
133
Situationnelle et évènementielle :
construction du « je » par similitude avec les circonstances, les
lieux
· Idiosyncrasique : absence de conscience de
soi
- Quels comportements les sujets parlant ont-ils face
à l'idiome in posse ?
· Sujet neutre : dipôle « je »/
« c'est »
· Représentations transcendantales, tp
203-205
· Représentations logiques/
évidentes, tp 213
· La motivation : tp 217, pr le
néerlandais
· Le français correspond à
l'apprentissage
- Quels sont les éléments qui
distinguent les locuteurs qui affirment « parler » la langue et ceux
qui affirment « ne pas la maîtriser » ?
Pas questionnée à ce sujet (b)
- Comment les énonciateurs parlent-ils de
l'apprentissage en langue française ? (termes, format du discours)
?
· Petit format
· « école », « examen »,
« les autres », tp 103-105
· Projet extrascolaire, tp 203
134
- Quels changements sont associés à la
compréhension de la nouvelle langue ? (comportement cognitif, lexique,
construction des unités de communication, représentations)
?
? La langue maternelle « explique » et «
comprend », tp 252
- Est-ce que les énonciateurs font le lien entre
idiome et identité ? ? « je parle pas », tp 279
- Quels autres comportements sont relevés
?
? Inertie linguistique : construction phrastique
répétée, pauvre
Annexe 16 : « Canevas investigatif » ou
grille de questionnement analytique pour AL Un « moi »
conscientiel bien dans ses langues
(a)
- Quels signes linguistiques les locuteurs emploient-ils
?
Les dipôles
|
Pronominaux
|
Pronominaux/nominaux
|
« je »-« on»-« ils
»-« tu »-« tout un chacun »- « eux
»
|
« je »-« les gens »
|
« je »- « moi »-«
moi-même »
|
|
|
135
|
|
|
Arriver
|
Venir
|
Aimer
|
Avoir
|
Partir
|
|
Avoir envie
|
Quitter
|
|
Pouvoir
|
Retrouver
|
|
Vouloir
|
Rentrer
|
|
Être
|
Travailler
|
|
Comprendre
|
Montrer
|
|
Adorer
|
S'inscrire
|
|
Se sentir
|
Parler
|
|
Savoir
|
Faire
|
|
Habiter
|
Citer
|
|
Être appelé
|
Se tromper
|
|
Être régularisé
|
Lire
|
|
|
Trouver
|
|
|
Rencontrer
|
|
|
Croire
|
|
|
Se débrouiller
|
|
|
Dormir
|
|
|
Conduire
|
|
|
S'engager
|
|
|
Manger
|
|
|
Préparer
|
|
|
Communiquer
|
|
|
Penser
|
|
|
Voyager
|
|
|
Voir
|
|
|
Regarder
|
|
|
Dire
|
|
|
136
|
Voter
|
|
|
Supporter
|
|
|
Connaitre
|
|
|
Se méfier
|
|
|
Refuser
|
|
|
Accepter
|
|
|
Demander
|
|
|
Finir
|
|
|
Suivre
|
|
|
Signer
|
|
|
Arrêter
|
|
|
Rater
|
|
|
Acheter
|
|
|
Accompagner
|
|
|
Poser
|
|
|
Entendre
|
|
|
Frapper
|
|
|
Corriger
|
|
|
? « je sais »
Connaitre
|
Capacité (belgicisme)
|
'Fp 182
|
'Fp 196
|
|
137
- Quelle importance les signes linguistiques ont-ils par
rapport à l'appropriation du français ?
· Démontrent une appropriation «
réelle » dans le sens où le locuteur développe des
compétences linguistiques attendues
· Traduisent les aspects ontologiques : a
conscience de lui-même : « pour moi » (x6)
· Traduisent la capacité de
l'énonciateur à se désigner comme sujet : « moi
»-« je »
- Quels comportements les sujets parlant ont-ils face
à l'idiome in posse ?
· Compréhension/acceptation du propos :
« ça va », « oui », « bon »
· Va-et-vient entre deux territoires : «
là-bas »-« ici », la langue différente
désigne le « connu »
· Représentations liées à
l'école, à l'apprentissage d'enfant et d'adulte, à la
formation professionnelle, au territoire linguistique de son pays, aux amis
(« la rue »)
· Représentations « réelles
» du français : « je parlais le français », tp 48
avec la possession, au préalable, d'une identité linguistique
« francophone », tp 52/186
· A l'aise parce qu'il « parle la langue
», tp 104, 164
· Sait que le français est une des langues
in posse de la Belgique
· Représentation linguistique du
français et non pas physique, tp104/ 164, il nomme les signes à
corriger tp 176/178
· Continuité avec la langue in fieri
du pays d'origine
138
- Quels sont les éléments qui distinguent
les locuteurs qui affirment « parler » la langue et ceux qui
affirment « ne pas la maîtriser » ?
· Homme
· Langue maternelle nilo-saharienne
· Apprentissage du français en Côte
d'ivoire
· Identité en langue in esse, tp
174
· Identité linguistique
francophone
· Conscience du répertoire langagier belge :
choix de la langue tp 186
·
(b)
« pour avoir le niveau », tp 26
- Comment les énonciateurs parlent-ils de
l'apprentissage en langue française ? (termes, format du discours)
?
· L'école, « les cours du soir »,
tp 56
· Avec un projet professionnel
· Format développé
· Comme une « compétence », tp
162
· Respect linguistique et adaptation
comportementale au pays d'accueil, tp 164
· Responsabilité personnelle du locuteur, tp
186
· Trois types de français : de
l'école, de la rue en Afrique, de la formation professionnelle en
Belgique
· 139
L'interaction avec les autres, tp 84
- Quels changements sont associés à la
compréhension de la nouvelle langue ? (comportement cognitif, lexique,
construction des unités de communication, représentations)
?
· Changement de statut de la langue : langue
professionnelle
· Comportement ludique/ grave, in esse,
« dans le sang », tp 208/ « on se sent à l'aise » tp
210 ? comportement intellectif in fieri, tp 176
· Lexique temporel : « ici », «
maintenant », « après »
- Est-ce que les énonciateurs font le lien entre
idiome et identité ?
· Identité liée au territoire, tp 52,
64 mais aussi aux personnes tp 68
· Se sent à l'aise avec le français
en Belgique, tp 184
· Idiome/identité : migration, école,
transmission ancestrale, tp 212 - Quels autres comportements sont
relevés ?
· Comportement accompli et sélectif dans
une langue à trois registres : école, rue, profession
· Comportement linguistique philosophique/
idéologique sur l'appréhension des langues de terres d'accueil,
sur les attitudes des nouveaux arrivants, sur lui-même, son
répertoire langagier
· Le pays éloigné qui n'est
pratiquement jamais désigné : déictiques « ici
»-« là-bas ». On identifie l'inconnu par l'interlocuteur
par l'inconnu
140
Annexe 17 : « Canevas investigatif » ou
grille de questionnement analytique pour M Un « moi »
perpétué
(a)
- Quels signes linguistiques les locuteurs emploient-ils
?
Les dipôles
|
Pronominaux
|
Pronominaux/nominaux
|
« je »-« on»-« nous
»-« tu »
|
« je »-« les gens belges »-«
des gens »-« des/les personnes »-
|
« je »- « moi »-« eux
»-« lui »
|
|
|
État
|
Action
|
Existence
|
Savoir
|
Partir
|
Naître
|
Vouloir
|
Penser
|
|
Pouvoir
|
Trouver
|
|
Être
|
Voir
|
|
Croire
|
Dire
|
|
Comprendre
|
Venir
|
|
Se sentir
|
Rester
|
|
Avoir besoin
|
Parler
|
|
Aimer
|
Préférer
|
|
Ne plus aimer
|
Partir
|
|
|
Apporter
|
|
|
Aller
|
|
|
Marcher
|
|
|
|
Voir
|
|
|
Penser
|
|
|
Raconter
|
|
|
Se débrouiller
|
|
|
Arriver
|
|
|
Attendre
|
|
|
Étudier
|
|
|
Habiter
|
|
|
· « je sais pas »
Ignorance
|
Incapacité (belgicisme)
|
Tp 4
|
Tp 90
|
|
- Quelle importance les signes linguistiques ont-ils par
rapport à l'appropriation du français ?
· Traduisent la capacité de
l'énonciateur à se désigner comme sujet : « moi
»-« je »
· Un sujet qui passe du « tu » au «
je », tp 16
· Temporalité : « toujours » est
le leitmotiv
· Idéologique : canon linguistique au
travers du récit de migrant, tp2, 4,
6, 30
· 141
Appropriation liée à un état :
« content »
142
- Quels comportements les sujets parlant ont-ils face
à l'idiome in posse ?
· Compréhension/acceptation ou non du propos
: « ça va », « oui », « non », « bien
», « voilà », « c'est tout »
· Va-et-vient entre deux territoires : «
là-bas »-« ici », la langue différente
désigne le « connu »
· Représentations liées à
l'école, à l'apprentissage d'adulte « difficile », tp
92, au travail
· Représentation physique : « la
tête », tp 92
· Rupture avec la langue in esse du pays
d'origine tp 26
- Quels sont les éléments qui distinguent
les locuteurs qui affirment « parler » la langue et ceux qui
affirment « ne pas la maîtriser » ?
· Homme
· Langue maternelle sémitique
· Apprentissage du français en
Belgique
· Identité en langue in esse, tp
80
· (b)
« pour comprendre », tp 16
143
- Comment les énonciateurs parlent-ils de
l'apprentissage en langue française ? (termes, format du discours)
?
· « les cours du soir », tp
16
· Avec un projet professionnel, tp 16
· Format développé
· Comme une « chance », tp 26
· Respect linguistique et adaptation
comportementale au pays d'accueil, tp 26
· Problématique émique, tp
28
· De manière situationnelle limitée :
« Belgique Saint-Josse », tp 26
· Comme une interaction familiale, tp
74
· Notion d'intériorité, tp
40
- Quels changements sont associés à la
compréhension de la nouvelle langue ? (comportement cognitif, lexique,
construction des unités de communication, représentations)
?
· Changement de dipôle : « je
»-« eux »-« lui »
· Lexique temporel : « ici », «
maintenant », « après »
· Continuité temporelle : « toujours
»
· Antithèse : « pas arabe »,
« pas d'accord », tp 26
· L'âge, tp 92
144
- Est-ce que les énonciateurs font le lien entre
idiome et identité ?
· Distinction langue/ nationalité tp
80
· Le français ne fait pas parti de son
répertoire langagier, tp 84
· La trahison, tp 78/80
- Quels autres comportements sont relevés
?
· Comportement in fieri à la
demande : travail, ASBL
· Comportement linguistique idéologique sur
l'appréhension des langues de terres d'accueil, sur les attitudes des
nouveaux arrivants, sur lui-même, son répertoire
langagier
· Le pays éloigné qui n'est
pratiquement jamais désigné : déictiques « ici
»-« là-bas ». On identifie l'inconnu par l'interlocuteur
par l'inconnu
145
Annexe 18 : « Canevas investigatif » ou
grille de questionnement analytique pour I Un « moi »
adapté fidèle
(a)
- Quels signes linguistiques les locuteurs emploient-ils
?
Les dipôles
|
|
Pronominaux
|
Pronominaux/nominaux
|
« je »-« on»-« nous
»-« tu »
|
« je »-« des gens »
« je »-« A », « F »,
«
|
S »
|
« je »- « moi »
|
|
|
|
État
|
Action
|
Existence
|
Réussir
|
Venir
|
Aimer
|
Avoir
|
Commencer
|
Vivre
|
Vouloir
|
Croire
|
|
Être
|
S'entendre
|
|
Savoir
|
Parler
|
|
(se) Sentir
|
Dire
|
|
Se calmer
|
Regarder
|
|
Pouvoir
|
Travailler
|
|
S'en foutre
|
Chercher
|
|
Avoir envie
|
Essayer
|
|
Avoir le droit
|
Parler
|
|
Être d'accord
|
Comprendre
|
|
Espérer
|
Rigoler
|
|
|
146
|
Apprendre
|
|
|
Réfléchir
|
|
|
Connaitre
|
|
|
Venir
|
|
|
Trouver
|
|
|
Se rappeler
|
|
|
Jurer
|
|
|
Respecter
|
|
|
Manquer
|
|
|
Faire
|
|
|
Voir
|
|
|
Penser
|
|
|
Perdre
|
|
|
Insulter
|
|
|
Demander
|
|
|
Écrire
|
|
|
Impossible à expliquer
|
Ignorance
|
Incompréhension
|
Tr 6, 14, 44, 52,
|
Tr 2, 10, 12,
|
Tr 58, 60
|
|
147
28, 50
- Quelle importance les signes linguistiques ont-ils par
rapport à l'appropriation du français ?
· Traduisent la capacité de
l'énonciateur à se désigner comme sujet : « moi
»-« je » philosophique mais pas linguistique, tr 32,
42
- Quels comportements les sujets parlant ont-ils face
à l'idiome in posse ?
· Va-et-vient entre deux territoires : «
là-bas »-« ici », la langue différente
désigne le « connu »
· Représentations liées à
l'apprentissage (l'ASBL), à l'écoute tp 32, à la
fréquence en terme de communication tp 44/ 46
· Représentation linguistique du
français et non pas physique, tp 70
· Distinction avec la langue in esse du
pays d'origine : « c'est pas ma langue », tp 46. Elle est une langue
virtuelle : « c'est pas ma langue en réalité », tp
46
- Quels sont les éléments qui distinguent
les locuteurs qui affirment « parler » la langue et ceux qui
affirment « ne pas la maîtriser » ?
· Femme
· Langue maternelle sémitique
· Apprentissage du français en
Belgique
·
148
Identité revendicatrice, permissive en langue
in esse, tp 48
· Identité linguistique arabophone, tp
92
· « pour m'améliorer », tp
74
(b)
- Comment les énonciateurs parlent-ils de
l'apprentissage en langue française ? (termes, format du discours)
?
· Comme un accomplissement autodidactique, tp
74
· Avec un projet linguistique, tp 72,
74
· Format concis
· Comme un possible accès vers la langue
française in esse, tp 74
· L'interaction humaine, tp 74 : « voir
», « parler »
- Quels changements sont associés à la
compréhension de la nouvelle langue ? (comportement cognitif, lexique,
construction des unités de communication, représentations)
?
· Prise de conscience de sa langue in
esse, tp 46
· Revendication identitaire, tp 48, 52
· 149
Lexique temporel et situationnel limité : «
ici », « la rue », gens inconnus, tp 46
- Est-ce que les énonciateurs font le lien entre
idiome et identité ?
· Identité liée à la langue
in esse, tp 32
· Pas de sens intime avec le français, tp
46
· Idiome/identité : le foyer, la
mère, les proches, tp 44
- Quels autres comportements sont relevés
?
· Comportement « médian » et
situé : « Saint-Josse », tp 66 dans une langue non
intériorisée
· Préservation linguistique vis-à-vis
de la langue in esse
· Le pays éloigné qui n'est
pratiquement jamais désigné : déictiques « ici
»-« là-bas ». On identifie l'inconnu par l'interlocuteur
par l'inconnu
150
Annexe 19 : « Canevas investigatif » ou
grille de questionnement analytique pour E Un « moi »
hypertrophié qui se pense dans le temps
(a)
- Quels signes linguistiques les locuteurs emploient-ils
?
Les dipôles
|
Pronominaux
|
Pronominaux/substantifs
|
« je »-« il »-« ils
»-« tu »-« vous »-« elle »- « ceux qui
sont venus »,
|
« je »-« tout le monde »-« les
étrangers »«les Albanais »-« les gens
»
|
« je »-« moi »-« nous
»
|
|
|
État
|
Action
|
Existence
|
Être
|
Perdre
|
Être
|
Avoir
|
Venir
|
Avoir des larmes
|
Habiter
|
Grandir
|
Avoir des frissons
|
Comprendre
|
Dire
|
Avoir envie
|
Être stricte
|
Ne jamais dire
|
Aimer
|
Savoir
|
Écrire
|
Ne pas aimer
|
Apprendre
|
Faire
|
Adorer
|
Trouver
|
Se déclarer
|
Être déclarée
|
Se sentir
|
Accepter
|
Être reconnue
|
Préférer
|
Raconter
|
Avoir une bonne mémoire
|
Être obligée
|
Commencer
|
Être aidée
|
|
Regarder
|
Être appuyée
|
|
Nettoyer
|
Être convoquée
|
|
Aider
|
Être triste
|
|
Aller
|
Être contente
|
|
Travailler
Arriver
Changer
(se) Présenter
Entendre
Pleurer
Devenir
Ne pas oublier
Descendre
Ne pas mentir
Construire
Acheter
Voir
Prendre
Ne jamais prendre
Attendre
Vouloir
Vivre
Pouvoir
Devoir
Retourner
Connaitre
Respirer
Sentir
Jurer
Donner
Parler
Supposer
Penser
Être inscrite
Être malade
Être maniaque
Aller en dépression
En avoir marre
Être habituée
Être stressée
Se faire plaisir
Se marier
|
|
S'inscrire Apporter Assurer Ne pas utiliser
S'arrêter Chercher S'adapter
Mal s'exprimer Se baisser
Ne pas discuter Recevoir Retenir Rentrer
Rester
|
|
152
? « je ne sais pas » / « je sais pas
»
Impossible à expliquer
|
Ignorance
|
Connaitre
|
Incapacité (belgicisme)
|
Manque de mots
|
Tp 20, 52, 83,
|
Tp 66, 68,
|
Tp 42, 243,
|
Tp 40, 42, 127,
|
Tp 46, 103 ?,
|
101, 103, 127,
|
111, 153, 289
|
|
153,
|
123, 253 ?,
|
131, 153, 217,
|
|
|
|
|
281, 287
|
|
|
|
|
|
153
- Quelle importance les signes linguistiques ont-ils par
rapport à l'appropriation du français ?
· Démontrent des étapes
· Démontrent une appropriation «
simulée » dans le sens où le locuteur colle au plus
près des attentes de la chercheure débutante
· Traduisent les aspects ontologiques
· Traduisent la subjectivité de
l'énonciateur : les dipôles sémantiques
récurrents
- Quels comportements les sujets parlant ont-ils face
à l'idiome in posse ?
· L'authenticité de la langue est importante
chez E
· Comportement expressif mais pas scriptural, tp
176
· Représentations liées à la
migration, au voyage (les chanteurs francophones Tp 184) : approche
phonétique/discursive du français (les airs à
écouter se répètent) ? l'oreille comme le symbole du sens
au niveau de la tête, quelqu'un qui écoute
· Représentations affectives : tp
186/188
· Représentations liées au travail :
la main, tp 152 : symbole de l'effort, de l'action, de l'aide, de la
détermination, de l'habileté, de la force
- Quels sont les éléments qui distinguent
les locuteurs qui affirment « parler » la langue et ceux qui
affirment « ne pas la maîtriser » ?
· Femme
· Langue maternelle slave
·
154
Pas d'apprentissage du français au
Kosovo
· « toute seule comme ça », tp
44
· La main, les oreilles
· « j'ai un niveau »
(b)
- Comment les énonciateurs parlent-ils de
l'apprentissage en langue française ? (termes, format du discours)
?
· Tp 44
· Lié au travail
· Durée courte
· Format du discours ; long, descriptif,
comparatif, situé (le travail, la classe, son foyer,
· Parler : une nature tp 154
· L'écriture d'un livre, tp
159
· L'interaction avec les autres, tp
84
· Avec sa « nature », tp 154, sa
« façon », tp 176
· « j'ai jamais eu le temps d'apprendre le
français », tp 232 : le projet d'écriture
- Quels changements sont associés à la
compréhension de la nouvelle langue ? (comportement cognitif, lexique,
construction des unités de communication, représentations)
?
·
155
Le travail
· L'authenticité de ses propos
· Lexique temporel : « au début »,
« après », « commencer », « venir »,
« regarder », tp 44,
· « deux ans », « commencer »,
« me dire », « avoir envie », « te voir », «
ta tête », « vouloir apprendre », « donner »
à l'impératif, « alors », « enfin », «
arriver », « bonne mémoire », « parler/
s'écouter » tp 84
« les étrangers », « faire une
phrase », « dit pas bien les choses », tp 88
· « jamais », « première
année », le travail, évènements de vie (mariage,
permis de travail)
· Des mains, nous passons à
l'écriture en français (une de ses natures), tp 176
· « écrire », « ma
façon », « vouloir dire », « entendre », «
se sentir bien », « connaitre », « adorer », «
comprendre », « raconter », tp184
· Facilité à parler la langue, «
les mots viennent », « c'est bizarre », « un truc machin
», tp 208
· « comme les belges », « ici
», « je me suis adaptée », « j'ai trouvé mon
rythme », tp 212/214
· « je me suis baissée à leur
niveau », tp 220, « j'ai un niveau », tp 232
· Expansibilité du temps : « je te dis
je peux écrire un livre t'auras jamais fini avec toi je te jure t'auras
jamais fini », tp 298
156
- Est-ce que les énonciateurs font le lien entre
idiome et identité ?
· Le français est la langue du
travail
· Tp 184 : « vouloir », la
négation
· Idiome/identité : lien avec la
migration
· Langue in esse et histoire - Quels
autres comportements sont relevés ?
· Comportement accompli dans une langue à
reconstruire/ porter/ pousser sans cesse, tp 306-308
· Comportement linguistique illustratif,
détailliste (le pourquoi du comment : au début et à la fin
de l'entrevue)
· Le pays éloigné qui n'est
pratiquement jamais désigné : déictiques « ici
»-« là-bas ». On identifie l'inconnu par l'interlocuteur
par l'inconnu
(c)
- Quelles techniques didactiques privilégier dans
le domaine des sciences du langage ?
157
TABLE DES ILLUSTRATIONS
FIGURE 1 : LA TRIADIQUE DU SIGNE LINGUISTIQUE SELON
ARISTOTE.
FIGURE 2 : LA TRIADIQUE DU SIGNE LINGUISTIQUE SELON
PEIRCE.
FIGURE 3 : ÉVOLUTION DE LA TRIADIQUE DU SIGNE
LINGUISTIQUE SELON
PEIRCE.
FIGURE 4 : KAHLO F., 1932, AUTOPORTRAIT A LA FRONTIERE
ENTRE LE MEXIQUE ET LES ÉTATS-UNIS, MEXIQUE.
FIGURE 5 : LES ETAPES DE NOTRE METHODOLOGIE DE RECHERCHE.
FIGURE 6 : TITIEN, 1548-1549, SISYPHE, MADRID.
FIGURE 7 : LES REPRESENTATIONS DES LOCUTEURS NON
CONFIRMES.
FIGURE 8 : REPRESENTATION PERSONNELLE DU STATUT
D'APPRENTI-CHERCHEUR.
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