Quête bigmaniaque et légitimation politique locale des élites urbaines au Cameroun. Cas de l'arrondissement de Zoétélé.par Julio Herman Assomo Université de Yaoundé 2 - Master en Sciences politiques 2013 |
III-LA PROBLEMATIQUE DE L'ETUDELa problématique d'après Bernard Dionne est «la mise en perspective de l'ensemble des liens qui existent entre les faits, les acteurs et les composantes d'un problème donné».44(*) La construction de notre problématique suivra cette démarche Depuis la libéralisation politique des années 1990 au Cameroun, on constate que la compétition politique est une réalité. Cette compétition, à bien des égards, est encore plus relevée au niveau des localités de par les paramètres socioculturels propres à ces arènes politiques périphériques et le nombre de places, mieux de positions de pouvoir limitées auxquelles ont accès les candidats ; candidats qui pour la plupart sont des fils du terroir ayant fait fortune ailleurs (dans la haute administration ou dans les affaires, entre autres). Ces derniers se livrent une concurrence quasi incessante à travers divers domaines, donnant ainsi jour au phénomène de quête bigmaniaque. C'est à cet effet qu'on observe des grands hommes ou fils du terroir transformer leur capital social, économique et symbolique en capital politique. A titre d'exemple, citons le cas de l'entrepreneur Victor Fotso. Ce dernier, grâce à son évergétisme, notamment les différentes réalisations sociales et économiques contribuant au développement du terroir qu'il a faites, s'est imposé comme figure dominante dans la localité de Bandjoun, accédant par là même à la légitimité politique se matérialisant par son élection au poste de Maire de la commune de Bandjoun.45(*) Dans le cas de l'arrondissement de Zoétélé, on observe de part et d'autres un certain nombre d'investissements sociaux réalisés par des fils du terroir tels que la construction de centres de santé, des marchés et des salles de classe, entre autres. En contribuant ainsi au développement de la localité, ces fils du terroir gagnent en popularité ; popularité qu'ils mobilisent généralement dans le champ politique. Du point de vue compétitif, on observe entre les prétendants à l'élite politique locale ici, une concurrence très relevée dans la mesure où cet arrondissement se situe dans une aire socioculturelle particulière. En effet, il s'agit de la région du Sud Cameroun, constituée dans sa quasi-totalité de sociétés de type lignagère, c'est-à-dire, sans chef et sans une forme d'autorité centrale structurée et organisée de façon complexe. Ainsi, l'accès à l'autorité et à son exercice dans ces sociétés à fonction politique diffuse à l'origine se mérite entre autres par la démonstration de capacités « supérieures » ou particulières, notamment, un talent suscitant le respect et l'admiration de l'ensemble de la communauté et profitant éventuellement à cette dernière. Autrefois ce talent pouvait être celui de chasseur, de guérisseur ou de guerrier. De nos jours il s'agit de ceux-là ayant mobilisé une forte capacité de redistribution en terme de biens matériels et symboliques, en plus de diverses réalisations, tel que mentionné plus haut. Dans le cadre de notre étude, nous nous attarderons sur des entrepreneurs économiques tels que MengueNkili ; Bikié Rose; d'élites politico-administratives à l'instar de Rémy ZeMeka ; Jean Jacques Ndoudoumou ; Belinga Eboutou ; Polycarpe Abah ; Edgar Alain MebeNgo'o ; entre autres. Par ailleurs, Ces élites affirment leur appartenance à la communauté à travers leurs différentes réalisations et leur participation au développement de la localité. Cependant, ladite communauté exerce une certaine pression sur ses élites. Le digne fils du terroir est donc celui-là qui redistribue et dont on peut « palper » les fruits de la réussite. Peter Geschiere souligne à cet effet que « les villageois voient « leurs » élites urbaines comme des défenseurs attitrés de leurs intérêts à l'extérieur »46(*). De ce fait, les rapports élite-village deviennent des rapports clés, minés d'ambiguités mais d'une signification profonde pour les deux parties. L'observation des précédents cas de figures nous conduisent au questionnement suivant : Comment se manifeste le phénomène de quête bigmaniaque dans l'arrondissement de Zoétélé ? A cette question principale s'ajoutent d'autres, à savoir : Comment la quête bigmaniaque contribuet'elle à légitimer politiquement les élites urbaines dans l'arrondissement de Zoétélé ? La recherche bigmaniaque, au-delà du jeu politique, a-t-elle une influence sur le développement de cette localité? La quête bigmaniaque est-elle toujours bénéfique pour cet arrondissement, ou plutôt porteuse de dysfonctionnements ? * 44DIONNE B. 1998.Guide méthodologique pour les études et la recherche, 3è éd. Etudes vivantes, pp190-196. * 45 MOUICHE I.Op.cit. * 46GESCHIERE P., 1995, » Sorcellerie et politique en Afrique. La viande des autres », Paris, Karthala. |
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