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Quête bigmaniaque et légitimation politique locale des élites urbaines au Cameroun. Cas de l'arrondissement de Zoétélé.


par Julio Herman Assomo
Université de Yaoundé 2 - Master en Sciences politiques 2013
  

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Paragraphe 2 : Quête bigmaniaque et dysfonctionnement des factions et du RDPC à Zoétélé : l'éveil d'une nouvelle génération d'entrepreneurs politiques

L'environnement sociopolitique dans l'arrondissement de Zoétélé se caractérise par un monopole quasi systématique des élites urbaines. Leur hégémonie est incontestable. Cependant ladite hégémonie ne fait pas toujours l'objet de toutes les sympathies. En effet, les élites urbaines chapeautent et mènent, souvent à leur rythme, la vie politique dans la localité, laissant ainsi peu de place et moins de visibilité à une certaine catégorie d'entrepreneurs politiques, jeune en général. Cette catégorie de « cadet politiques », ou « sous-élite »146(*)se compose d'individus de professions diverses, d'enseignants, de jeunes entrepreneurs, de « petits » agriculteurs, etc. Bien que n'ayant pas les moyens et le charisme des élites urbaines, ceux qui constituent cette catégorie que nous qualifierons de nouvelle génération d'entrepreneurs politiques, s'activent au niveau de la base au sein des partis politiques présent dans la localité, dont le RDPC. Ces derniers sont des ouvriers d'un militantisme très porteur en termes de résultats et sont souvent au coeur des luttes factionnelles comme ouvriers. Ils se chargent de la propagande et de la mobilisation des populations quelques fois hésitantes ou boudeuses. Ces militants sont en quelque sorte les gardiens de la popularité des élites urbaines et du parti qu'ils soutiennent. Cependant, ces militants rencontrent de nombreuses difficultés à se faire une place de choix au sein de l'élite politique locale.

Les militants de la base éprouvent des difficultés à s'imposer dans la sphère politique locale pour plusieurs raisons dont entre autres, l'asymétrie des moyens de concurrence, ne possédant souvent que des idées, dans un contexte où la politique se résume encore « au manger » et au « boire », soit, à des élément de conviction plutôt matériels qu'idéologiques.147(*) Ensuite, leur statut de suiveurs semble les réduire indéfiniment à jouer les seconds rôles. Tantôt courtiers chez les élites urbaines et les big men, tantôt animateurs lors des meetings politiques. Frustrée par son incapacité à sortir de la domination bigmaniaque des meneurs du jeu politique local qui tendent « à pérenniser leur positionnement et dans une certaine mesure, leur sédentarité »148(*) , incapable de tenir face à la concurrence, lorsqu'elle ose s'y engager, ne pouvant ni redistribuer à grande échelle, ni tutoyer véritablement les élites urbaines dont la renommée précède souvent l'entrée en politique pour la plupart ; cette catégorie de politiciens de « second rang » cherche sa voie à travers d'autres stratégies.

Cette nouvelle génération d'entrepreneurs politiques149(*) a pour principale démarche politique la revendication. En effet, dans l'environnement politique de l'arrondissement de Zoétélé, il règne depuis un certain nombre d'années, une atmosphère de revendications doublée de dénonciations. Les entrepreneurs politiques de la base se sentent exploités, cependant écartés au moment du profit, ou encore au moment d'accéder à des sphères porteuses de ce dernier150(*). C'est à cet effet que de plus en plus, entend on relever, notamment dans les rangs du RDPC, un certain nombre d'injustices. Du manque d'impartialité dans la redistribution des avantages politiques et autres prébendes issus du militantisme, à la non prise en compte des avis et doléances de tous, notamment de la base. Ces militants prétendent à un meilleur traitement et à plus d'estime, rebutent ainsi ce qu'ils qualifient d'abus des meneurs du parti qui ne sont autres que les élites urbaines. C'est à cet effet, que nous avons constaté de nombreuses agitations lors du dernier renouvellement des organes de base du RDPC dans la localité en décembre 2015. De nombreuses velléités d'émancipation de la base militante, en manque de visibilité et fatiguée d'évoluer à l'ombre des puissantes élites urbaines mais aussi et surtout, soucieuse de rompre avec les pratiques politiques qu'elle considère comme étant peu orthodoxes, comme le souligne si bien Jean-Marie Nkoussa : « Le département d'origine du chef de l'Etat et président national du RDPC n'est pas épargné par [les] contestations qui ont accompagné le renouvellement des organes de base du parti au pouvoirà travers le triangle national ».151(*)  « La ville de Zoétélé, arrondissement de ce département, [Dja et Lobo], est toujours empreinte à d'incessantes jérémiades et cris stridents des militants frustrés par les dysfonctionnements qui ont émaillé les élections dans leur circonscription, en dépit des plaintes et complaintes portées à l'attention de la commission départementale de supervisiondes élections [mais] sans issue. Au centre, des accusations de tripatouillages combinés au népotisme ».152(*) Ce mouvement de contestations fut créé par des disparitions mystérieuses de noms de certains militants tels que Mme Ebanga (OFRDPC), entre autres, en faveur d'une militante appartenant à l'une des factions dominantes et menée par une élite urbaine de l'arrondissement. Quelle que fut l'issue de cet épisode, il est avéré, au demeurant que les entrepreneurs politiques constituants la base émettent au fil du temps davantage de volonté de sortir de leur passivité servile pour se positionner en tant qu'acteurs politiques à part entières dans la localité. Et ce, malgré leur incapacité à mobiliser des logiques bigmaniaques ou encore à faire valoir des lauriers d'un quelconque capital social et symbolique.

CONCLUSION

Notons en guise de conclusion que la quête bigmaniaque est en effet porteuse d'effets politiques dans l'arrondissement de Zoétélé, tant en ce qui concerne la consécration, à plusieurs niveaux des différents acteurs impliqués dans le jeu politique ici, les élites, leur parti (RDPC) et leurs factions. Cependant, cette quête bigmaniaque suscite quelques dysfonctionnements, notamment à cause de l'hégémonie qu'elle consacre à une certaine catégorie d'entrepreneurs politiques, toutes choses qui implique des contestations de militants de la base constituant souvent la main d'oeuvre de ces élites urbaines et de leurs différentes factions.

* 146 BLANCHET Gilles. 1969. Réflexions sur les élites et le développement en Afrique noire. Paris. ORSTROM.

* 147BAYART J.F. ; 1989, L'État en Afrique. La politique du ventre, Paris Fayard, 439p. Op.cit.

* 148 KAPTCHOUANG, TCHEJIP, Célestin, Les partis politiques et démocratie locale au Cameroun : une analyse de la compétition politique locale, Thèse de Doctorat en science politique, Université de Yaoundé II, 2006

* 149 Nouvelle parce qu'elle tend à rompre avec l'étiquette de militantisme de rang, ou de factions soutenant plus des individus que la construction de leur propre carrière ou bien la recherches personnelle de prébendes politiques.

* 150Mouiche Ibrahim. 1996 « Mutations socio-politiques et replis identitaires en Afrique : Le cas du Cameroun ». In Revue Africaine de Science Politique. Vol 1 N° 2, pp 17-201.

* 151 NKOUSSA J.M. « Cameroun- Elections RDPC : Risques d'implosion chez Paul Biya ». www.cameroon-info.net (visité le 10 février 2016).

* 152Ibid. (citant le journal « La nouvelle expression »).

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