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Gouvernance des institutions d'intégration économique de l'Afrique centrale. Le cas de la CEMAC.

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par Idrissa OUEDRAOGO
Institut Gouvernance, Humanités et Sciences Sociales de l'Université Panafricaine - Master II 2015
  

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INTRODUCTION GENERALE

1. Le Contexte et la justification

La Communauté Économique et Monétaire de l'Afrique Centrale (CEMAC)1, institution d'intégration économique sous régionale et de développement de la zone Afrique Centrale est née des cendres de l'Union Douanière et Économique de l'Afrique Centrale(UDEAC).L'UEDAC a été mise en place par le Traité de Brazzaville du 08 décembre 1964 révisé en 1966 et 1974 et comprenant au début le Cameroun, le Congo, le Gabon, la République Centrafricaine et le Tchad rejoint par la Guinée Équatoriale en 1984. Elle avait pour objectif la création d'un marché commun, la coordination des programmes sectoriels de développement, l'harmonisation des politiques industrielles et économiques et la coopération monétaire. Les difficultés d'ordre économique, organisationnel et fonctionnel ont eu raison de cette institution. Les institutions de l'UDEAC étaient totalement dépassées et paralysées, et ne pouvaient par conséquent plus répondre aux exigences qu'imposait le contexte de la globalisation (Avom, 2007). Selon Oyaya (2001) les structures institutionnelles de l'UDEAC n'auraient pas dans leur élaboration pris en compte les réalités régionales sur le plan culturel, géographique, etc. C'est ainsi que la CEMAC, créée par le Traité de Ndjamena du 16 mars 1994 prit la relève à l'UDEAC par l'acte n°6/98-UDEAC-CEMAC-CE-33 du 05 février 1997 fixant les modalités de démarrage de ses activités. La « Déclaration de Malabo » du 25 juin 1999 consacra l'entrée en vigueur du traité instituant la CEMAC qui devrait alors réussir là où l'UDEAC a échoué à savoir la construction d'une sous -région économiquement intégrée et développée. La mission essentielle de la Communauté est de promouvoir un développement harmonieux des Etats membres. Depuis sa création, l'institution semble être aussi confrontée à des difficultés d'ordre économique, financier organisationnel et fonctionnel ainsi qu'a une gouvernance de faible qualité. C'est ce qui va rendre dans une large mesure son action moins efficace en matière d'intégration économique en Afrique Centrale.

2. La problématique

1 Annexe 1 carte géographique de la CEMAC

GOUVERNANCE DES INSTITUTIONS D'INTEGRATION ÉCONOMIQUE DE L'AFRIQUE CENTRALE : LE CAS DE LA
COMMUNAUTE ECONOMIQUE ET MONETAIRE DE L'AFRIQUE CENTRALE(CEMAC)

La vision de la CEMAC à l'horizon 2025 est de faire de la sous -région Afrique Centrale «un espace économique intégré émergent, où règnent la sécurité, la solidarité et la bonne gouvernance au service du développement humain »2. Au regard du chemin déjà parcouru et les résultats y afférant, l'on est tenté de s'interroger sur les capacités de la CEMAC à atteindre cette vision. Plus précisément quelles sont les difficultés réelles ou potentielles qui pourraient retarder l'atteinte de cette vision ? La CEMAC semble rencontrer plusieurs obstacles dans son processus d'intégration économique et de développement de la sous-région Afrique Centrale. Ces problèmes concernent notamment les aspects sécuritaires3, commerciaux, de financement et de libre circulation des personnes, des biens, des services, et des capitaux.

Devant les limites objectives à l'intégration économique et au développement de la sous-région Afrique Centrale, la CEMAC a initié depuis 2006 son programme des réformes institutionnelles4.Mais les résolutions issues de ce programme prennent corps assez lentement du fait du revirement fréquent des parties engagées au processus d'intégration. Or l'urgence est à l'action car les populations communautaires n'attendent que l'amélioration substantielle de leurs conditions de vie. Il est donc nécessaire que l'institution d'intégration sous- régionale poursuive l'amélioration de la gouvernance de ses structures et de son fonctionnement. Une gouvernance de bonne qualité devrait conférer plus d'efficacité et d'efficience à l'action de la communauté et assurer aux populations un bien être global satisfaisant.

Dans cette optique, il convient de définir le concept de bonne gouvernance.

La commission sur la gouvernance globale5(1995) définit la gouvernance comme «l'ensemble des différents processus et méthodes à travers lesquels les individus et les institutions publiques gèrent leurs affaires communes». Elle est un processus continu à travers lequel les intérêts conflictuels peuvent être réglés et la coopération peut être développée. Ce processus comprend la formation d'institutions formelles et de régimes6capables de renforcer

2 Acte additionnel n°01/CEMAC/CCE/10 portant adoption du Programme Économique Régional et création du Fonds émergence CEMAC du 17 janvier 2010.

3 Il s'agit notamment de la sécurité physique des personnes

4 Ces réformes seraient demandées grâce au changement de rapport de force qui est le fruit de l'activité de la Guinée Équatoriale du fait de son enrichissement. Cf. Paul Elvic Jérôme BATCHOM (2012), «La rupture du consensus de Fort-Lamy et le changement du rapport de force dans l'espace CEMAC».Études internationales, vol. 43, n° 2, p. 163-183.

5 Allant au-delà des acteurs gouvernementaux, l'interaction des institutions, des processus et des individus qui ensemble forment la société et par le truchement desquels les organismes publics et privés et les particuliers gèrent leurs affaires communes.

6Par régime, il faut entendre un ensemble de normes et de pratiques formelles ou informelles, régissant le comportement des acteurs, dans un secteur précis. Dans le cas de ce travail il s'agit de l'intégration économique sous régionale.

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COMMUNAUTE ECONOMIQUE ET MONETAIRE DE L'AFRIQUE CENTRALE(CEMAC)

les allégeances7.Elle comprend aussi les accords informels que les peuples et les institutions font ou envisagent de faire dans la production de leur intérêt.

Le Programme des Nations Unies pour le Développement(PNUD) quant à lui, conçoit la gouvernance comme un ensemble complexe de mécanismes, de processus et d'institutions à travers lesquels les citoyens et les groupes articulent leurs intérêts, exercent leurs droits et devoirs et règles leurs différends. Il envisage 3 perspectives en matière de gouvernance(i) la gouvernance économique qui est un processus de prise de décisions affectant les activités économiques du pays et ceux de ses rapports avec d'autres pays (ii) la gouvernance politique qui se réfère à la conception et à la mise en oeuvre des politiques de développement par les autorités politiques, (iii) la gouvernance administrative qui est le système de gestion politique.

On distingue également dans la littérature la gouvernance libérale et la gouvernance redistributive. La première met l'accent sur le marché et sur les échanges volontaires entre les acteurs. La seconde se réfère à la capacité des Etats à offrir le bien-être social à leurs populations. C'est cette dernière qui donne aux gouvernants leur légitimité politique.

Un ensemble de huit critères est généralement défini par les institutions internationales pour évaluer la gouvernance des pays. Ces critères peuvent également être utilisés au niveau d'autres types d'organisation comme les institutions d'intégration économique sous régionale. Ces critères8 portent sur :

y' la participation (participation): c'est la participation directe ou par l'intermédiaire des institutions ou des représentants intermédiaires légitimes par les hommes et les femmes, les jeunes, la société civile et le secteur privé aux procédures de décisions et aux activités de l'institution communautaire.

y' le consensus (consensusoriented): Il y'a plusieurs acteurs et autant de points de vue dans une société donnée. La bonne gouvernance requiert une médiation entre les différents intérêts dans la société de sorte à parvenir à un large consensus dans la société, sur ce qui est le meilleur intérêt de l'ensemble de la communauté et comment cela peut être réalisé. Il exige également une perspective large à long terme sur ce qui est nécessaire pour le développement humain durable et la façon d'atteindre les objectifs d'un tel développement.

7 L'allégeance concerne non seulement la soumission et l'attachement des Etats qui ont créé volontairement ces organisations mais aussi les populations ou citoyens qui vivent dans les pays membres de ces organisations.

8Voir United Nations Economic and Social Commission for Asia and the pacific.«What is good governance?». PovertyReduction Section, Bangkok,Thailand.

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Cela ne peut résulter que d'une compréhension des contextes historiques, culturels et sociaux d'une communauté donnée.

y' la transparence (transparency) : La transparence signifie que les décisions prises et leur application sont effectuées d'une manière qui respecte les règles et les règlements. Cela signifie également que l'information est disponible gratuitement et directement accessible par ceux qui seront touchés par ces décisions et leur application. Cela signifie également que suffisamment d'informations sont fournies et qu'il est prévu des formes et des moyens facilement compréhensibles.

y' la responsabilité (accountability): La responsabilité est une exigence clé de la bonne gouvernance. L'institution communautaire doit rendre des comptes au public et à leurs parties prenantes institutionnelles. Qui est responsable envers qui varie selon que les décisions ou mesures prises soient internes ou externes à une organisation ou à une institution. En général, une organisation ou une institution est responsable devant ceux qui seront touchés par ses décisions ou actions. La responsabilisation ne peut être exécutée sans la transparence et la primauté du droit.

y' l'Équité et l'Inclusivité (Equity and Inclusiveness): Il y a équité et inclusivité lorsque les points de vue des minorités sont pris en compte et que la voix des plus vulnérables de la société soit entendue dans la prise des décisions. Le bien-être d'une société dépend de sa capacité à veiller à ce que tous ses membres aient le sentiment qu'ils ont un intérêt en elle et ne se sentent pas exclus. Cela exige que tous les groupes, mais particulièrement les plus vulnérables, aient la possibilité de maintenir ou d'améliorer leur bien-être.

y' l'Efficience et Efficacité (Effectiveness and Efficiency) : La bonne gouvernance signifie que les processus et les institutions produisent des résultats qui répondent aux besoins de la société tout en faisant le meilleur usage des ressources à leur disposition. Le concept de l'efficacité dans le cadre de la bonne gouvernance couvre également l'utilisation durable des ressources naturelles et la protection de l'environnement.

y' la Capacité de réaction(Responsiveness): La bonne gouvernance exige que les institutions et les processus essaient de servir toutes les parties prenantes dans un délai raisonnable.

y' la Primauté du droit (Rule of law): Elle nécessite des cadres juridiques équitables qui sont appliqués de façon impartiale et la pleine protection des droits de l'homme. L'application impartiale des lois nécessite un système judiciaire indépendant et une force de police impartiale et incorruptible.

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Dans le cadre de ce travail la «gouvernance désigne l'ensemble des mesures, des règles, des organes de décision, d'information et de surveillance qui permettent d'assurer le bon fonctionnement et le contrôle d'une entité, d'une institution qu'elle soit publique ou privée, régionale, nationale ou internationale9». La bonne gouvernance renvoie à la gestion et à l'administration transparente des organes et institutions de la CEMAC. On distingue tout au long de ce travail de manière explicite ou non la gouvernance stratégique ou politique (ou décisionnelle) de la gouvernance opérationnelle ou exécutive. La gouvernance stratégique est portée par les organes de décision de la CEMAC tandis que la gouvernance opérationnelle est conduite par les institutions et les institutions spécialisées de la Communauté.

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"En amour, en art, en politique, il faut nous arranger pour que notre légèreté pèse lourd dans la balance."   Sacha Guitry