MEMOIRE DE MASTER EN POLITIQUE COMMERCIALE ET
DROIT COMMERCIAL INTERNATIONAL
Effets de la mise en oeuvre de la Zone de
Libre-Échange Continentale Africaine sur
le commerce du Burkina Faso
Christian KABORE
2019
Dédicace
À mes géniteurs, qu'ils reçoivent
le plus grand hommage à travers ce mémoire
II
III
Remerciements
Ce mémoire a été rendu possible
grâce au soutien et au suivi de Docteur Ayissi Jacques DEGBELO, notre
Directeur de mémoire; nous lui adresse nos sincères
remerciements.
Nous remercions en second lieu notre famille qui nous a
soutenus tout au long de cette formation. Nous adressons également nos
remerciements :
· à l'Université de Lund ainsi qu'à
toute l'administration du centre de formation sur les politiques commerciales
en Afrique (Trade Policy Training Centre in Africa (TRAPCA)) pour les
ressources mises à ma disposition durant cette formation ;
· aux différents responsables du Ministère
du Commerce, de l'Industrie et de l'Artisanat du Burkina Faso pour avoir
facilité ma participation à ce master ;
· au Professeur Yves Bourdet pour ses conseils et son
assistance dans la rédaction de ce mémoire ;
· aux différents enseignants pour la
qualité des cours qu'ils nous ont dispensés ;
· aux camarades de la classe francophone pour la
fraternité et le partage de connaissance qui ont régné
durant les étapes de cette formation ;
· à Madame Aude Lanois, de l'OMC, pour ses
observations et ses conseils ;
· à Madame Rakiéta NABI, une ainée
de TRAPCA, pour ses conseils ;
· aux Docteurs Françoise Okah Efogo et Tiertou
Edwige SOME pour leurs précieuses assistances ;
· à Madame Awatif AIT EL HAJ pour ses
contribuions ;
· à tous ceux qui m'ont permis d'obtenir les
informations et les données dans le cadre de ce travail ;
· à mes collègues de la Direction
générale du commerce.
Pour finir, nous remercions toute personne ayant
contribué d'une manière quelconque à l'accomplissement de
ce travail et merci à tous ceux qui s'intéressent à lire
ce mémoire.
iv
Liste des acronymes et abréviations
ACR : Accord Commercial Régional
AGOA : African Growth and Opportunity Act
APE : Accord de Partenariat Economique
BAD : Banque Africaine de Développement
CEA : Commission Economique pour l'Afrique
CEEAC : Communauté Economique des Etats de l'Afrique
Centrale
CEDEAO : Communauté Economique des Etats de l'Afrique
de l'Ouest
CEPII : Centre d'Etudes Prospectives et d'Informations
Internationales
CER : Communauté Economique Régionale
EPC : Examen des Politiques Commerciales
EU : Etats-Unis
FCFA : Franc de la Coopération Financière en
Afrique
OMC : Organisation Mondiale du Commerce
PIB : Produit Intérieur Brut
PMA : Pays Moins Avancés
SGP : Système Généralisé de
Préférences
SLEC : Schéma de Libéralisation des Echanges
Commerciaux
SNE : Stratégie Nationale d'Exportation
TRAPCA : Trade Policy Training Centre in Africa
UA : Union Africaine
UE : Union Européenne
UEMOA : Union Economique et Monétaire
Ouest-Africaine
US : United States
WDI : World Development Indicators
WITS : World Integrated Trade Solution
ZLECAf : Zone de Libre-Echange Continentale Africaine
V
Table des matières
Dédicace ii
Remerciements iii
Liste des acronymes et abréviations iv
Table des matières v
Liste des tableaux vi
Résumé vii
Abstract viii
I- Introduction 1
1.1 Contexte 1
1.2 Problématique 4
1.3 Objectifs 5
1.4 Hypothèses et justification du choix du
thème 5
II- Analyse théorique des effets d'un accord
commercial 7
III- Revue de la littérature 10
IV. Bref aperçu de la ZLECAf 12
4.1 Processus de mise en place de la ZLECAf 12
4.2 Objectifs 12
4-3 Architecture de la ZLECAf 12
4-4 Intérêt de la ZLECAf 13
4-5 Offre d'accès du Burkina Faso à son
marché 13
V. Méthodologie et Données 14
5.1. Modèle 14
5.2. Données 17
VI. Résultats et discussions 18
VII. Recommandations 24
VIII. Conclusion 26
Références bibliographiques 27
Annexe I
vi
Liste des tableaux
|
|
Tableau 1 : Exportation des cinq premiers produits du Burkina
Faso en 2016
|
.4
|
Tableau 2 : Revue de littérature
|
.10
|
Tableau 3 : Définitions des variables et sources des
données
|
17
|
Tableau 4 : Effets de la zone de libre-échange
continentale africaine sur le commerce
burkinabè 22
Liste des graphiques
Graphique 1 : Evolution du taux de couverture des importations de
biens par les exportations
burkinabè 4
VII
Résumé
La Zone de Libre-échange Continentale Africaine
(ZLECAf) a été négociée et signée le 21 mars
2018 et est entrée en vigueur le 30 mai 2019. Ce mémoire vise
principalement à analyser les gains et les pertes potentielles du
Burkina Faso du fait de sa participation à la ZLECAf. À cette
fin, une méthodologie empirique basée sur le modèle de
gravité est utilisée. Le modèle de gravité est
estimé par le pseudo maximum de vraisemblance de Poisson. Les
données couvrent la période 1962-2016 et proviennent des bases de
données WITS, WDI et de la CNUCED. Trois principaux scénarios ont
été examinés, à savoir les effets de la ZLECAf si
elle avait été mise en oeuvre entre 2000 et 2016, les effets
retardés de la ZLECAf et les effets futurs de la ZLECAf. Les
résultats montrent que les variables du modèle expliquent
près de 75% de la variance des exportations du Burkina Faso
(0,72<R2<0,80). Globalement, les effets de la ZLECAf sur les
exportations du Burkina Faso sont positifs après 12 années de
mise en oeuvre de l'Accord. Les résultats montrent néanmoins que
la prise en compte de l'ensemble des coûts commerciaux est cruciale pour
que le Burkina Faso bénéficie des effets positifs de la
ZLECAf.
Mots clés : ZLECAf ; effets ;
modèle de gravité ; exportations ; Burkina Faso
VIII
Abstract
The African Continental Free Trade Agreement (AfCFTA) was
negotiated and signed on 21 March 2018 and entered into force on 30 May 2019.
The main purpose of this paper is to analyse Burkina Faso's potential gains and
losses as a result of its participation in the AfCFTA. To this end, an
empirical methodology based on the gravity model is used. The gravity model is
estimated by the Poisson pseudo maximum likelihood. The data cover the period
1962-2016 and come from the WITS, WDI and UNCTAD databases. Three main
scenarios were examined, namely the effects of the AfCFTA if it had been
implemented between 2000 and 2016, the delayed effects of the AfCFTA and the
future effects of the AfCFTA. The results show that the model variables explain
nearly 75% of Burkina Faso's export variance (0.72<R2<0.80). Overall, the
effects of the AfCFTA on Burkina Faso's exports are positive after 12 years of
implementation of the Agreement. The results show, however, that taking into
account all trade costs is crucial for Burkina Faso to benefit from the
positive effects of the AfCFTA.
Key words : AfCFTA ; effects ; gravity model ;
exports ; Burkina Faso
I- Introduction
1
1.1 Contexte
Le système commercial multilatéral connait, au
fil des années, une multiplication des accords d'intégration
régionale. En effet, avec 126 Accords Commerciaux Régionaux (ACR)
en 1995, on en dénombre 481 notifications au 13 septembre 2019 soit un
taux de croissance de 281,74%1. L'Afrique à elle seule,
compte environ 14 blocs régionaux et la plupart des pays africains sont
à la fois membres de plusieurs organisations régionales.
C'est dans ce contexte que l'accord instituant la Zone de
Libre-échange Continentale Africaine (ZLECAf) a été
signé2 par 44 pays et est entré en vigueur le 30 mai
2019. La ZLECAf est le premier accord du genre qui regroupe la plupart des pays
africains. Sa mise en place vise l'intensification du commerce intra-africain
par la création d'un marché unique pour les marchandises et les
services afin d'approfondir l'intégration économique du continent
africain et cela conformément à la vision panafricaine d'une
« Afrique intégrée, prospère et pacifique tel
qu'énoncé dans l'Agenda 2063 ».
La ZLECAf fera face à plusieurs défis à
savoir le manque de capacité productive de plusieurs pays, le
problème d'infrastructure, la réticence de certains pays à
ouvrir leurs marchés, la crainte des petits pays d'être
dominés par les grands, la faible diversification des économies
africaines et les difficultés de gouvernance liées à
l'incapacité des Etats à légiférer des textes et
à les faire respecter.
Dans cette optique, les négociations visent un accord
global et mutuellement bénéfique du commerce entre les
États membres de l'Union africaine pour ainsi accroître
significativement le commerce intra-africain en supprimant les barrières
non tarifaires et tarifaires. Cet Accord permettrait d'aboutir à la mise
en commun des ressources africaines pour améliorer la transformation
structurelle et le développement des chaînes de valeur
régionales et améliorer la compétitivité des biens
mis sur le marché (CEA, 2017). Il ressort des simulations de la CEA que
la ZLECAf accroîtrait le commerce intra-africain de 52,3 % et le commerce
des produits industriels de 53,3 % en 2022.
En matière d'offre de marché des marchandises,
la CEA a mené une analyse comparative, en 2018, suivant deux approches
possibles. Le premier scénario, l'approche des lignes tarifaires, repose
sur l'hypothèse que 90 % de toutes les lignes tarifaires doivent
être pleinement libéralisées après l'entrée
en vigueur de l'Accord, soit jusqu'en 2029 pour le Burkina Faso3.
Les 10 % restants sont
1
http://rtais.wto.org, consulté
le 13 septembre 2019
2 18ème session extraordinaire du
sommet de l'Union Africaine qui s'est tenue à Kigali le 21 mars 2018
3 Période de libéralisation totale: 5
ans pour les non PMA, 10 ans pour les PMA et 13 ans pour le groupe des 7.
2
divisés, d'une part en produits sensibles4
(9 % de toutes les lignes tarifaires) devant être
libéralisés au plus tard en 2042 pour le Burkina Faso et d'autre
part en produits exclus de la libéralisation (soit 1 %).
Le deuxième scénario, l'approche double
qualification, repose sur l'hypothèse que les produits non sensibles
représentent au moins 90 % de toutes les lignes tarifaires et au moins
90 % de la valeur totale des importations, le reste se subdivisant en produits
sensibles (7 %) et produits exclus (3 %).
Selon la CEA, l'approche de la double qualification devrait
permettre une libéralisation conséquente des marchés et
permettra à une grande partie des marchandises africaines de circuler
sur le continent et pourrait rapporter des résultats plus importants et
plus équilibrés pour les pays d'Afrique.
Quant à la libéralisation du commerce des
services les secteurs suivants doivent être inscrits sur la liste
d'engagement des pays: les services de communication, les services financiers,
le tourisme, le transport et les services fournis aux entreprises.
Il est à noter, toutefois, que les effets d'un tel
accord peuvent être diversement ressentis par les pays parties et
pourraient être moins bénéfiques pour certains petits pays
et surtout ceux sans littoral comme le Burkina Faso.
En effet, le Burkina Faso, Pays Moins Avancé (PMA) et
sans littoral a signé l'accord sur la ZLECAf et compte sur son potentiel
agricole et minier pour tirer profit de ce vaste marché africain.
Toutefois, sa performance économique reste dépendante des
aléas climatiques, des cours mondiaux de l'or, du coton et des
hydrocarbures (principale source d'énergie). En outre, le pays
connaît une aggravation de son déficit commercial (à 484
586 millions de FCFA5 en 2017), malgré la progression des
exportations. La demande intérieure soutenue par les biens
d'équipements, les produits pétroliers et les produits
alimentaires a entraîné une augmentation des importations totales
entre 2009 et 20136.
La politique commerciale du Burkina Faso consiste
essentiellement en la mise en application des réglementations
communautaires de l'Union économique et monétaire ouest-africaine
(UEMOA) dont tous les pays sont également membres de la
Communauté économique des états de l'Afrique de l'ouest
(CEDEAO). Le Burkina Faso applique, en effet, depuis le 1er janvier 2015, le
Tarif
4 Période de libéralisation des produits
sensibles: 10 ans pour les non PMA, 13 ans pour les PMA et le groupe des 7
5 Rapport sur la balance commerciale et commerce
extérieur Burkina Faso, Direction Générale du Commerce
Burkina Faso, 2017
6 Rapport sur la situation économique et
financière du Burkina Faso, Centre National de Politique Economique,
Burkina Faso, 2017
3
extérieur commun (TEC) de la CEDEAO. Par ailleurs, en
tant que PMA, le Burkina Faso bénéficie d'un accès aux
marchés des pays développés grâce à des
préférences non réciproques accordées notamment
dans le cadre de l'initiative "Tout sauf les armes" de l'UE, de la loi des
Etats-Unis sur la Croissance et les Opportunités en Afrique (African
Growth and Opportunity Act (AGOA)) et du Système
généralisé de préférences en
général. En outre, ses produits devraient avoir un libre
accès aux marchés des pays de la CEDEAO (article 3 du
traité révisé de la CEDEAO).
En termes de performance commerciale, les exportations
globales du Burkina Faso s'accroissent plus vite que les importations
traduisant ainsi une amélioration de ses parts de marché au
niveau international. Il en résulte une croissance du taux de couverture
des importations par les exportations (graphique 1). En effet, le pays est de
plus en plus présent sur le marché international par
l'augmentation de ses exportations même si celles-ci sont peu
diversifiées. On relève qu'en 2015, seulement 5 % des
exportations burkinabè sont transformées contre 33,3 % de
produits n'ayant subi aucune transformation et 61,7 % d'or non monétaire
(OMC, EPC, 2017). Les 5 produits les mieux exportés, par ordre
d'importance, par le Burkina Faso vers le monde sont l'or non monétaire,
le coton non peigné, les graines de sésame, la noix de cajou et
le zinc (tableau 1). En 2016, les pays qui ont le plus échangé
avec le Burkina Faso ont été la Suisse, la Chine et la Côte
d'Ivoire.
Dans la zone CEDEAO, les échanges du Burkina Faso vers
les pays membres s'accroissent après les années 1990,
début de la mise en place du Schéma de Libéralisation des
Echanges Commerciaux (SLEC) et pourraient être mis à l'actif de la
libéralisation du commerce entre les Etats membres de la région
ouest africaine.
En vue de mieux participer aux échanges commerciaux
avec le reste du monde en général et avec l'Afrique en
particulier, le Burkina Faso entreprend des réformes
considérables dans les secteurs de l'industrie, du commerce et de
l'artisanat. C'est à ce titre que la Stratégie nationale
d'exportation (SNE) a été relue pour prendre en compte les
nouvelles exigences du marché international et améliorer la
production, la transformation et la commercialisation des produits des
filières dites porteuses.
4
Graphique 1 : Évolution du taux de
couverture des importations de biens par les exportations burkinabè en
pourcentage
2000 2001 2002 2003 2004 2005 2007 2008 2009 2010 2011 2012 2013
2014 2015 2016
40% 39%
25% 24% 29%
29% 29% 25%
43%
96%
63%
63% 57%
74% 73% 75%
Source : Données tirées de WITS (SH 2002),
consulté le 05 novembre 2018
Tableau 1: Exportations des cinq premiers produits du Burkina
Faso en 2016, en millions de FCFA
Produits
|
valeurs
|
Part dans les exportations
|
Or non monétaire
|
920 380,7
|
61,8%
|
Coton, non cardé ni peigné
|
236 456,7
|
15,9%
|
Graines de sésame
|
67 415,3
|
4,5%
|
Noix de cajou
|
66 944,1
|
4,5%
|
Zinc sous forme brute
|
53 047,2
|
3,6%
|
Total
|
1 403 457,5
|
90,3%
|
Source : Données extraites de la balance commerciale du
Burkina Faso, édition 2017 1.2 Problématique
Avec la mise en place de la ZLECAf, le Burkina Faso devient
membre de 3 ACR en Afrique (CEDEAO, UEMOA, ZLECAf). La ZLECAf fait son
apparition alors que la fusion réelle des institutions de politiques
économiques de la CEDEAO et de l'UEMOA pour la mise en place d'un
véritable marché commun tarde à venir.
Toutefois, depuis la récente création de la
ZLECAf, très peu d'études se sont penchées sur ses effets
sur le commerce des pays membres. Ce mémoire vise donc à apporter
des éléments de réponses à la question principale
suivante : quelles conséquences la ZLECAf peut-elle avoir sur les
exportations du Burkina Faso? Ultimement, il importe de savoir si la ZLECAf va
améliorer le commerce intra-africain du Burkina Faso par la
création de commerce plutôt que par le détournement de
commerce.
5
1.3 Objectifs
L'objectif principal de notre étude est d'analyser les
gains et les pertes commerciales du Burkina Faso du fait de sa participation
à la ZLECAf et de faire des suggestions. Dans cette perspective, deux
(02) objectifs spécifiques sont définis, à savoir :
? analyser les gains commerciaux que pourraient engendrer la
mise en oeuvre de la ZLECAf pour le Burkina Faso;
? analyser les coûts commerciaux qui seront
supportés par le Burkina Faso dans la mise en oeuvre de ZLECAf.
1.4 Hypothèses et justification du choix du
thème
Il est reconnu dans la théorie économique que
l'existence d'une zone de libre-échange entre pays peut entraîner
une création de commerce dans la zone mais aussi un détournement
de commerce (Viner, 1950). Les travaux empiriques portant sur l'ouverture
commerciale et ses effets ont généralement évalué
l'importance de ces effets dont le résultat net (effet de
bien-être) peut être positif ou négatif (Adam Smith).
Dès lors, deux hypothèses sont émises :
- H1 : la ZLECAf a des gains potentiels pour le commerce du
Burkina Faso;
- H2 : la ZLECAf engendre des coûts pour le commerce du
Burkina Faso.
Le thème de notre recherche tire son importance du
contexte actuel de l'évolution des échanges commerciaux entre
nations. En effet, les pays membres de l'OMC contournent de plus en plus le
cadre multilatéral de négociation pour engager des
négociations par groupe. L'intégration régionale est
perçue pour les parties prenantes comme un moyen de promouvoir leur
commerce et atteindre les économies d'échelle. Les pays
espèrent que les ACR peuvent servir d'étape dans le processus
d'apprentissage et de test préalable à la prise d'engagements
multilatéraux et peuvent leur offrir un pouvoir important de
négociation vis-à-vis des autres groupements régionaux. En
effet, les ACR constituent un cadre pour les pays membres d'uniformiser leurs
positions afin d'avoir un poids significatif dans les négociations avec
les tiers et dans le cadre multilatéral.
Notre étude a pour objectif majeur d'orienter les
techniciens ainsi que les décideurs burkinabè et africains sur
les décisions politiques et commerciales relatives à la mise en
place de la ZLECAf. Une telle étude est particulièrement
importante pour le Burkina Faso car elle pourrait lui permettre de prendre des
mesures de politique commerciale susceptibles d'améliorer les gains et
de réduire les pertes ou les effets négatifs. Ses
résultats pourront donc être utiles pour les différents
acteurs impliqués dans la mise en oeuvre de la ZLECAf, notamment
l'Administration publique, le secteur privé et la société
civile.
6
À cette fin, notre travail se présente en sept
(08) chapitres. A la suite du chapitre introductif (chapitre 1), les chapitres
suivants abordent successivement la revue de la littérature (chapitre
2), l'analyse théorique des effets d'un accord commercial (chapitre 3),
aperçu de la Zone de Libre Echange Continentale Africaine ( chapitre 4),
la méthodologie et les données (chapitre 5), la
présentation et la discussion des résultats (chapitre 6), les
recommandations (chapitre 7) et la conclusion ( chapitre 8).
7
II- Analyse théorique des effets d'un accord
commercial
Dans ce chapitre, une analyse théorique des aspects de
la libéralisation des échanges par la création d'un accord
commercial est faite. Cette analyse fait ressortir les effets possibles d'un
accord commercial élaborés par certains auteurs.
La libéralisation du commerce engendre deux effets :
les effets statiques et les effets dynamiques. C'est Viner dans son livre
«The customs Union issue (1950)» qui a développés les
effets statiques traditionnels des zones de libre-échange. Il fait
ressortir deux concepts que sont la création de commerce et le
détournement de commerce.
La création du commerce est le volume
supplémentaire issu de la suppression des barrières commerciales
dans une zone de libre-échange (CEA et al. ,2017). Les pays membres
peuvent ainsi faire valoir leurs avantages comparatifs à travers une
meilleure allocation de leurs ressources et créé ainsi les
échanges dans la zone. Selon Viner, il y a création de commerce
lorsque la réduction ou la suppression des tarifs résultant de
l'accord permet aux pays membres d'importer des produits moins chers. La
création de commerce consiste pour tout membre de l'union de substituer
la consommation des produits nationaux qui ont un coût de production trop
élevé par des produits qui coûtent moins, en termes de
production, provenant des autres membres. De ce fait, un accroissement de
l'efficacité économique et une amélioration du
bien-être du consommateur sont ressentis suite à la suppression ou
la réduction des restrictions quantitatives et commerciales
émanant de la concurrence née entre les producteurs de
l'union.
Le détournement de commerce se manifeste lorsque les
échanges entre les pays membres d'une zone de libre-échange se
substituent aux échanges avec les pays tiers n'appartenant pas à
la zone (CEA et al., 2017). Selon Viner, le détournement de commerce se
pose lorsque l'augmentation des échanges entre les pays appartenant
à une union se fait au détriment d'un pays tiers par des
importations qui coûteraient plus cher en provenance des pays membres de
cette union. Il s'agit ici pour les États membres de se détourner
des sources d'approvisionnement externes au profit de celles internes à
l'union à cause de la hausse des prix relatifs à
l'érection des barrières tarifaires avec l'extérieur. Ce
détournement de commerce confère aux parties prenantes à
l'accord une efficacité qu'elles n'auraient pas eu en dehors du dudit
accord. La hausse des droits de douane se fait donc au dépend d'un
fournisseur étranger plus compétitif.
Il convient toutefois de noter que l'effet de
détournement ne peut se réaliser que si le tarif douanier est
suffisamment élevé pour accroitre les prix des marchandises
importés hors de l'union malgré l'existence d'un fournisseur plus
compétitif. Cette situation pourrait entrainer un renforcement du
8
commerce intra-union ainsi qu'une augmentation des prix des
produits sur les différents marchés de l'union du fait de la
hausse des coûts de production ou de la hausse des tarifs douaniers.
Certains auteurs ont émis des hypothèses de
gains statiques concernant la ZLECAf (CEA et al., 2017). À ce titre,
Amiti et Konings (2017) estiment que les producteurs africains auront
accès à des intrants et à des produits
intermédiaires bon marché en provenance des pays africains
entrainant ainsi des gains immédiats. Broda et Weinstein (2004) estiment
quant à eux que les consommateurs africains devraient
bénéficier d'un accès à des produits moins
coûteux et plus diversifiés venant des pays africains. Krueger et
Bhagwati (1995) pense que la ZLECAf contribue à résoudre
l'épineuse question du chevauchement des accords commerciaux en Afrique.
Enfin, Maur et Shephered (2015) soutiennent qu'un meilleur accès
à des intrants agricoles et à des équipements
améliorés peut faciliter l'adaptation des producteurs aux
changements climatiques.
Les ACR peuvent aussi avoir des effets dynamiques.
Généralement ils constituent une excellente plateforme de
coopération et de dialogue, notamment en matière de
développement des infrastructures, de transfert de technologie,
d'innovation, d'investissement, de résolution de conflits, de paix et de
sécurité. En effet, les ACR peuvent conduire à la
spécialisation de chaque Etat membre dans la production de certains
produits. Ils peuvent par ailleurs entrainer des innovations dans le
système de production de ces pays et améliorer la
compétitivité de leurs produits. Tout ceci pourrait, à
terme, mettre à la disposition des consommateurs des produits à
prix bas et de meilleure qualité.
CEA et al. (2012) proposent des effets dynamiques que pourrait
engendrer la ZLECAf. À ce titre, il est relevé qu'un
marché aussi vaste que la ZLECAf encourage les investissements directs
étrangers et les investissements transfrontaliers. Ce marché
génère des gains dynamiques grâce à la concurrence
entre entreprises africaines. Les entreprises peuvent aussi innover en
utilisant de nouvelles variétés d'intrants. L'intégration
africaine peut inciter des pôles de croissances régionaux
susceptibles de créer des externalités pour les pays moins
développés. Une telle intégration peut entraîner une
diversification industrielle et faciliter une transformation structurelle.
La théorie de Viner constitue une rupture avec les
théories qui soutenaient que les accords commerciaux engendraient
toujours des gains. Dans ce sens, Sara LABRAR et Safaa TABIT (2019)
révèlent que certains auteurs ont donné une meilleure
explication aux effets de la mise en oeuvre d'un ACR. Ils citent alors Robinson
et Thierfelder (2002) qui affirment que les accords commerciaux
préférentiels entrainent une création de commerce toujours
plus grande que le détournement de commerce. Krugman (1991) soutient ce
fait en estimant que la formation d'un
9
accord préférentiel entre des partenaires
naturels réduit le risque d'un détournement du commerce. En
effet, si les parties sont proches avec des économies de grandes tailles
et similaires il y aura une création du commerce au regard du faible
coût de transport.
Krishna (2003) soutient toutefois, à travers un
modèle d'équilibre général, que les effets de la
proximité géographique et du volume d'échange
n'améliorent pas le bien-être si ces deux potentialités ne
sont pas suivies d'une suppression des coûts liés au commerce. Les
avantages attendus des partenaires naturels sont annulés par des
partenaires éloignés ayant des coûts de production faibles.
À cet effet, Bhagwati et Panagariya (1996) soutiennent que la conclusion
d'un accord commercial avec un partenaire éloigné est plus
bénéfique qu'avec un pays similaire proche.
Les parties à un ACR sont généralement
motivées par l'amélioration du bien-être de la
société qu'engendrerait l'augmentation des flux commerciaux. Dans
ce sens, Schiff et Winters (2003) affirment qu'un bloc commercial bien
conçu peut améliorer l'efficacité et le bien-être
des pays membres par l'accroissement de la concurrence entre les producteurs et
l'élargissement des choix des consommateurs. Ce résultat est
dû à l'augmentation de l'offre à un coût faible au
regard de la réduction des mesures tarifaires et non tarifaires. Il est
à souligner toutefois que l'augmentation des flux commerciaux n'entraine
pas obligatoirement une amélioration du bien-être.
Il ressort de cette analyse que les accords commerciaux
peuvent engendrer des gains ainsi que des pertes pour les parties prenantes.
Ces effets seront positifs si les parties signataires réduisent ou
suppriment les obstacles aux échanges commerciaux qui existent à
l'entrée et sur leurs marchés respectifs. Il ressort aussi que
plus les pays sont proches plus leurs échanges s'avèrent
importants.
10
III- Revue de la littérature
Cette recherche s'inscrit à la suite d'autres travaux
portant sur les effets des ACR, qui ont eu recours, ou non, au modèle de
gravité. Le tableau 1 résume ladite littérature.
Tableau 2 : Revue de littérature
Auteurs
|
Thème
|
Méthode/ approche
|
Résultats
|
Armagan
(1971)
|
La théorie
traditionnelle de
l'intégration économique
internationale et ses
insuffisances au niveau des pays en
voie de développement.
|
Critiques à l'endroit de Jacob Viner
|
Armagan trouve trop simpliste les hypothèses de Viner
et le fait qu'il n'ait tenu compte que de la consommation dans son analyse. En
effet, selon Viner, l'union douanière engendre deux effets : un effet de
création de commerce d'une part et un effet de détournement de
commerce, d'autre part.
|
Trotignon
(2008)
|
L'impact des accords de libre-échange entre pays
latino-américain :
les enseignements d'un modèle de gravité en
données de panel
|
modèle de gravité en données de panel
|
Selon cette étude, le Mercosur, la Communauté
andine, le Groupe des 3, les Zones de libre-échange Bolivie-Mexique et
Chili-Mexique génèrent tous des créations de commerce
intra-zone.
|
Trotignon
(2009)
|
L'intégration
régionale favorise-t-
elle la
multilatéralisation des échanges ?
|
Modèle de gravité
|
L'auteur estime que l'intégration stimule le
commerce intra-zone des pays membres ainsi que leurs
exportations et leurs importations extra-zone sauf pour l'Accord de
libre-échange nord-américain (ALENA) qui induit un
détournement de commerce d'exportation.
|
CEA, UA, BAD
(2010)
|
Etat de l'intégration
régionale en Afrique IV
|
Modèle de gravité
|
Les résultats de cette étude montrent qu'il
existe une corrélation positive entre l'ouverture commerciale et la
croissance économique grâce à la transmission de
l'innovation technologique et au renforcement de la capacité à
faire face aux économies plus avancées sur le marché
domestique et international.
|
11
|
|
Analyse par
|
Cette étude révèle que la mise en oeuvre
effective de la ZLE pourrait entraîner un accroissement des
échanges entre les Etats membres de la Communauté
|
|
Les effets de la zone de
|
les
|
Economique des Etats de l'Afrique Centrale.
|
|
libre-échange de la
|
indicateurs
|
Toutefois, cet accroissement peut être limité par
la
|
Djemmo
|
|
|
|
|
CEEAC sur les
|
commerciau
|
non diversification des produits exportables, la
|
(2013)
|
|
|
|
|
échanges
|
x et le
|
similarité des produits et la faible demande
intérieure
|
|
intracommunautaires
|
modèle de gravité
|
des produits exportables. En outre, il relève que les
échanges transfrontaliers à majorité
informels
constituent un facteur limitatif du potentiel commercial de
la communauté.
|
|
|
|
Cette étude a montré que la ZLEC peut entrainer
des
|
CEA, UA,
|
Etat de l'intégration
régionale en Afrique
|
Statistique
|
avantages à tous les pays africains si elle prend en
compte les intérêts de toutes les populations
|
BAD
(2017)
|
VIII : vers la création de la zone de libre-échange
continentale
|
descriptive
|
vulnérables. En outre, les gouvernements africains
devraient élaborer des stratégies et accroître le commerce
intra-africain.
|
Source : construit par l'auteur
Il apparaît dans cette revue de littérature que,
globalement, la création d'un ACR induit un accroissement des
échanges commerciaux. Cependant, certains ACR peuvent aussi
entraîner un détournement de commerce (cas de l'ALENA). Djemmo
(2013) estime que l'accroissement des échanges au sein des ACR peut
être limité par l'insuffisance de diversification des
exportations, la similarité des produits échangés, la
faible demande intérieure ainsi que le caractère informel des
échanges transfrontaliers. La CEA et al. (2017) propose alors que compte
soit tenu des intérêts des populations vulnérables dans les
négociations si les Etats africains souhaitent une réussite de la
ZLECAf.
On retient aussi de cette revue que peu d'études
empiriques se sont réellement penchées sur les effets potentiels
de la ZLECAf sur le commerce des pays africains. Cela pourrait s'expliquer par
la complexité à évaluer un ACR qui n'est pas encore mis en
oeuvre. Par ailleurs, à la différence des ACR analysés par
ces auteurs, la ZLECAf couvre un nombre important de pays et plusieurs domaines
(marchandises, services, investissements, concurrence et
propriété intellectuelle). Du reste, cette revue ne fait pas une
analyse exhaustive des travaux menés sur les ACR.
12
IV. Bref aperçu de la ZLECAf
Cette partie de notre réflexion met en lumière
le processus de la mise place de la ZLECAf. On évoquera en outre les
objectifs de la ZLECAf, sa structure ainsi que son intérêt. Il
s'agira enfin de présenter les concessions faites par le Burkina Faso
relativement à l'accès de son marché.
4.1 Processus de mise en place de la ZLECAf
C'est en 1991 avec la signature du traité d'Abuja que
la création d'une Communauté économique africaine avec la
mise en place de huit Communautés Economiques Régionales (CER)
devant aboutir à la mise en place d'une zone de libre-échange
continentale a été faite. En 2012, se fut le lancement du
programme « intensification du commerce intra-africain » et c'est en
2015 que les Chefs d'Etat et de Gouvernements lancèrent des
négociations sur la mise en place de la ZLECAf à Johannesburg.
Enfin, 44 pays africains signèrent le 21 mars 2018 l'accord-cadre de la
ZLECAf. La mise en oeuvre de cet accord se fera lorsque vingt-deux pays
signataires de l'accord l'auront ratifié.
4.2 Objectifs
La ZLECAf vise entre autres à créer un
marché unique pour les marchandises et les services afin d'approfondir
l'intégration économique du continent africain et cela
conformément à la vision panafricaine d'une «
Afrique intégrée, prospère et pacifique tel
que énoncé dans l'Agenda 2063 ».
Elle vise aussi à créer un marché
libéralisé pour les marchandises et services par des cycles
successifs de négociations, à contribuer à la circulation
des capitaux et des personnes physiques et à faciliter les
investissements en s'appuyant sur les initiatives et les développements
dans les parties et les CER.
Pour atteindre ses objectifs, toutes les parties prenantes
veilleront à éliminer progressivement les barrières
tarifaires et non tarifaires au commerce des marchandises et à
libéraliser progressivement le commerce des services.
4-3 Architecture de la ZLECAf
La ZLECAf couvre le commerce des marchandises, le commerce des
services, les investissements, les droits de propriété
intellectuelle et la politique de concurrence.
L'accord comprend 30 articles et 3 protocoles. Ces derniers
sont : le protocole sur les marchandises qui comprend 10 annexes (Règles
d'Origine, SPS, OTC, Facilitation des échanges, Barrières Non
13
Tarifaires, transit, etc.), le protocole sur les services qui
comprend 3 annexes (liste d'engagement, exemption NPF, transport aérien)
et le protocole sur le mécanisme de règlement des
différends.
Le cadre institutionnel de la ZLECAf comprend la
conférence des Chefs d'Etat et de Gouvernement, le Conseil des ministres
africains du commerce, le Comité des hauts fonctionnaires, le Forum de
Négociation.
L'Accord et ses 3 protocoles entrent en vigueur 30 jrs
après le dépôt du 22ème instrument de
ratification. Il s'appliquera aux pays ayant ratifiés l'accord.
4-4 Intérêt de la ZLECAf
La ZLECAf créera un marché plus large de 55
États africains avec plus de 1,2 milliards de consommateurs. Cela
induira une augmentation des investissements, aboutira à la mise en
commun des ressources africaines pour améliorer la transformation
structurelle et le développement des chaînes de valeur
régionales.
4-5 Offre d'accès du Burkina Faso à son
marché
Le Burkina Faso, en tant que PMA, s'engage à
libéraliser son marché à 90% sur une période dix
(10) ans pour les marchandises. Les 10% restant à libéraliser
sont repartis entre les produits sensibles et les produits à exclure de
la libéralisation. Toutefois, les produits sensibles perdent leur
distinction 13 ans après la mise en oeuvre de l'Accord par le Burkina
Faso.
Pour le commerce des services les secteurs suivants sont
inscrits sur la liste d'engagement. Il s'agit des services de Communication,
des services financiers, du tourisme, du transport et des services fournis aux
entreprises.
14
V. Méthodologie et Données
Ce chapitre présente une analyse empirique visant
à corroborer ou à infirmer les idées émises dans
les chapitres précédents. L'analyse s'appuie sur un modèle
de gravité dont le détail est ci-après. Les données
utilisées à cet effet sont décrites à la section
2.
5.1. Modèle
Le modèle utilisé dans ce travail émane
de celui développé par Tinbergen (1962) et H. Linnemann (1966),
et inspiré de l'équation de gravité qui fait
dépendre les flux de commerce bilatéraux (X) du produit des
revenus (Y) de deux partenaires i et j divisé par la distance (D) les
séparant. L'équation de gravité se présente comme
suit :
??????=A
|
??2 ???? ??1????
??????? ?3
|
Où A, fi1, fi2, et fi3 sont des
paramètres à estimer.
Sous une forme log-linéaire, qui permet
d'interpréter les coefficients comme des élasticités de
flux de commerce par rapport aux variables explicatives, nous obtenons :
Ln(??????)=ln(A) +
ln(??????1) +
ln(??????2)- ????(????????3)
Ln(??????)=a + ??1
ln(????) + ??2 ln(????) - ??3????(??????) , avec
ln(A)=a
La spécification de notre modèle, inspiré
d'une version "augmentée" du modèle de gravité
utilisée par Ekanayake et al (2010), se présente comme suit:
Ln(FCijt)=á0+á1Ln(TMijt)+á2Ln(PIBit)+á3Ln(PIBjt)á4(TRSPijt)+á5Ln(POPit)
+
á6Ln(POPjt)+á7INTRAZLECAf+á8CEDEAO+á9(FCOMij)+ìit+ät+gijt
(1)
Dans cette première spécification du
modèle (1), le pays i est l'exportateur (Burkina Faso), le pays j est
l'importateur (partenaire commercial) et t représente la dimension
temporelle. FCijt représente l'exportation du Burkina Faso vers
ses partenaires j en un temps t. TMit représente le tarif moyen
appliqué par le partenaire aux exportations en provenance du Burkina
Faso. En principe, un tarif élevé limite les importations de
produits burkinabè par le pays qui impose une telle mesure. PIBit
et PIBjt représentent respectivement le PIB du Burkina
Faso et le PIB du partenaire. Conformément à la théorie
(Krugman, 1995), le commerce bilatéral est proportionnel au PIB des
partenaires. Ainsi, plus les PIB sont élevés, plus les
exportations s'accroissent. TRSPijt Représente les coûts
de transport des marchandises de Ouagadougou à la capitale du pays
partenaire. Plus les coûts sont
15
élevés moins les relations commerciales sont
importantes. POPit et POPjt
représentent respectivement le taux de croissance des populations du
Burkina Faso et des pays partenaires. Cette variable mesure l'effet de la
taille du marché c'est-à-dire de la demande d'importations.
Ainsi, une population importante chez le partenaire pourrait favoriser une
demande importante de produits d'origine burkinabè. Par contre, un
accroissement de la population burkinabè, si elle ne s'accompagne pas
d'une adaptation des structures de production, peut réduire la part de
production disponible pour les exportations.
INTRAZLECAf est une variable muette qui prend la
valeur 1 si le partenaire est membre de la ZLECAf et 0 sinon. Cette variable
permet de capter l'effet de l'appartenance à la ZLECAf sur les
exportations du Burkina Faso. Un effet positif indique que l'appartenance des
deux pays à la ZLECAf accroît les échanges
bilatéraux entre eux. Un effet négatif indique que l'appartenance
des deux partenaires à la ZLECAf réduit les échanges
bilatéraux. CEDEAO est une variable muette qui prend la valeur 1 si le
partenaire est membre de la CEDEAO et 0 sinon. Elle permet de capter l'effet de
l'appartenance à la CEDEAO sur les exportations du Burkina Faso.
FCOMij est une variable muette qui prend la valeur 1 si le Burkina
Faso partage une frontière commune avec le partenaire et 0 sinon. Cette
variable capture l'effet de l'existence d'une frontière commune sur les
exportations du Burkina Faso.
ìij et ät, åijt
représentent respectivement les effets fixes spécifiques à
une paire, les effets fixes temporels et le terme d'erreur. Les effets fixes
permettent de capter l'effet des résistances multilatérales
(Yotov et al, 2016). Les effets fixes d'une paire (Burkina Faso-pays i) sont
captés par des variables muettes qui prennent la valeur 1 pour un
partenaire i et 0 pour tout partenaire j différent de i.
Ces variables permettent de prendre en compte les
éléments inobservables spécifiques à la relation
commerciale avec le partenaire i qui ne sont pas prises en compte dans les
variables explicatives (exemple la culture du pays, les relations
diplomatiques, ...). Un effet positif indique alors qu'il existe des
spécificités de ce pays qui contribuent à l'accroissement
des exportations du Burkina Faso vers ce pays. Les effets fixes temporels,
quant à eux, sont captés par des variables muettes qui prennent
la valeur 1 pour une année t et 0 pour toute année
différente de t.
Le rôle de ces variables c'est de prendre en compte les
éléments inobservables spécifiques à l'année
t et qui ne sont pas prises en compte dans les variables explicatives (la mise
en place d'une politique spécifique durant l'année, la baisse
d'un prix au cours de l'année, ...). Un effet positif indique alors
qu'il y a eu au cours de l'année des éléments catalyseurs
des exportations burkinabè.
16
Le modèle ainsi construit a été
critiqué sur un certain nombre de points (UNCTAD, 2016 ; Baldwin &
Taglioni, 2006). En effet, les critiques mettent en évidence un certain
nombre d'erreurs à ne pas commettre lors d'une analyse avec un
modèle de gravité et que celui-ci n'a pu éviter. Il s'agit
notamment de la déflation inappropriée des flux commerciaux
(erreur de bronze), la considération d'un seul flux commercial (erreur
d'argent) et la non prise en compte des résistances
multilatérales (erreur d'or).
Les auteurs font des propositions pour corriger ces erreurs.
Ainsi, pour corriger l'erreur de bronze il faut prendre les valeurs en termes
réels (WTO & UNCTAD, 2012). Pour corriger l'erreur d'argent il est
préférable d'utiliser un modèle de panel de sorte que
chaque pays soit considéré comme étant importateur puis
exportateur. Enfin, selon Olivero & Yotov (2012) ainsi que Feenstra (2016),
pour prendre en compte les résistances multilatérales, il
faudrait introduire dans le modèle les effets fixes temporels pour
l'exportateur (uit) et pour l'importateur (ujt).
Etant donné que notre recherche ne s'intéresse
qu'aux exportations du Burkina Faso, nous retenons le modèle en
séries temporelles. Dans ce cas, il est recommandé d'utiliser les
données sur le commerce intra-national, d'insérer les effets
fixes individuels par année (importer-time fixed effects),
d'introduire les variables traditionnelles d'un modèle de gravité
(distance, contiguïté, langue commune, ...) plutôt que les
effets fixes de pair, et d'estimer le modèle avec l'estimateur du pseudo
maximum de vraisemblance de Poisson (Yotov et al, 2016). La
spécification finale est donc la suivante :
Ln(EXPORTijt)=á0+á1Ln(TMijt)+á2Ln(PIBit)+á3Ln(PIBjt)+á4(TRSPijt)+
á5LANGUE
+á6INTRAZLECAf+á7CEDEAO+á8(FCOMij)+ìit+ät+åijt
(2)
Dans une seconde spécification, les coûts
commerciaux sont introduits à la place de certaines variables
traditionnelles contenues dans la variable COÛTS, notamment le
tarif moyen (TM), les coûts de transport (TRSP), et les
coûts liés aux différences de langue (LANGUE).
Ln(EXPORTijt)=á0+??1Ln(COÛTS))+??2Ln(PIBit)+á3Ln(PIBjt)
+á4INTRAZLECAf+á5CEDEAO
á6(FCOMij)+ìit+ät+åijt
(3)
La période d'analyse se situe entre 2000 et 2016. Les
exportations sont mesurées aux prix f.o.b. L'analyse porte sur le
Burkina Faso (pays i) et ses partenaires commerciaux (annexe1). Seul le
commerce des marchandises est examiné. Tous les flux commerciaux ainsi
que les données des variables économiques sont
évalués en dollar courant des États-Unis d'Amérique
($US). Divers scénarios sont testés pour déterminer
convenablement les effets potentiels de la ZLECAf.
17
Les résultats obtenus de l'estimation de ce
modèle sont présentés et discutés dans le chapitre
suivant.
5.2. Données
Les données utilisées ici proviennent de
diverses sources. Les données sur le PIB pour l'ensemble des pays, ainsi
que le tarif moyen appliqué par les partenaires à leurs
importations en provenance du Burkina Faso, approximé par le taux moyen
appliqué par ces pays, sont extraites de la base de données de la
Banque Mondiale (WDI, 2018). La langue parlée (LANGUE) ainsi
que l'indicateur de frontière commune (FCOM), sont extraits de
la base de données de la CEPII. Les tarifs appliqués par les
partenaires à leurs importations en provenance du Burkina Faso sont
approximés par le taux moyen appliqué par ces pays. La variable
(CEDEAO) est construite à partir de la liste des pays membres
de cette union douanière. La variable (INTRAZLECAf) est
construite à partir de la liste des pays signataires de l'accord de la
ZLECAf. En conformité avec notre analyse de départ, les variables
distance, langue et tarif moyen ont été remplacées dans
une deuxième estimation par la variable coûts commerciaux
(COÛTSijt) issue de la base de données ESCAP-WB Trade
Cost Database. Les coûts commerciaux sont calculés à
l'aide du « cadre de gravité inverse » développé
par Novy (2009). Cette variable englobe tous les coûts directs et
indirects auxquels sont confrontés deux pays, notamment les coûts
de transport et de logistique, les tarifs, ainsi que les coûts
liés aux différences de langues, de devises, d'obstacles
géographiques et de procédures d'importation et d'exportation.
Elle est exprimée sous forme d'équivalent ad valorem.
Les données sont log-linéarisées à
l'exception des variables muettes (FCOM, CEDEAO et INTRAZLECAf). Le tableau 3
ci-dessous indique les signes théoriquement attendus pour chaque
variable incluse dans le modèle.
Tableau 3 : définitions des variables et sources de
données
Variables
|
dénomination
|
Sources
|
Signes attendus
|
TMijt
|
Taux moyen appliqué
|
WDI
|
-
|
PIBit
|
PIB du Burkina Faso
|
WDI
|
+
|
PIBjt
|
PIB du pays partenaire
|
WDI
|
+
|
LANGUE
|
Communauté de langue entre les partenaires
|
CEPII
|
+
|
INTRAZLECAf
|
Appartenance à la ZLECAf
|
|
indéterminé
|
CEDEAO
|
Appartenance à la CEDEAO
|
|
indéterminé
|
FCOM
|
Frontière commune
|
CEPII
|
+
|
DISTij
|
Distance entre les capitales
|
CEPII
|
-
|
COÛTSijt
|
Coûts commerciaux
|
ESCAP-WB
|
-
|
Source : Construit par l'auteur
18
VI. Résultats et discussions
Ce chapitre présente les résultats obtenus de
l'estimation du modèle de gravité. Trois principaux
scénarios sont examinés, à savoir (1) les effets de la
ZLECAf si elle avait été mise en oeuvre entre 2000 et 2016 ; (2)
les effets retardés de la ZLECAf ; (3) les effets futurs de la ZLECAf.
Les résultats des différentes simulations effectuées sont
inscrits dans le tableau 4 ci-dessous. Les cellules vides dans le tableau
indiquent l'absence des variables concernées dans l'estimation
correspondante.
Les résultats présentés au tableau 4,
montrent que les variables du modèle expliquent près de 75% de la
variance des exportations du Burkina Faso (0,72<R2<0,80).
Globalement, les effets de la ZLECAf sur les exportations du Burkina Faso sont
positifs à terme mais pas immédiatement. En effet, les
résultats montrent que les effets positifs interviennent avec du retard,
précisément au-delà de 8 ans. Les résultats
montrent néanmoins que la prise en compte de l'ensemble des coûts
commerciaux est cruciale pour que le Burkina Faso bénéficie des
effets positifs de la ZLECAf.
6.1. Effets potentiels de la ZLECAf sur les exportations du
Burkina Faso
Cette section porte sur les effets potentiels de la ZLECAf
entre 2000 et 2016. Toutes les variables du modèle sont significatives.
L'effet (en pourcentage) lié au changement dans une variable muette
comme celle relative à la participation à une ZLE est
calculé à partir de la formule suivante:
e f f etar1 = [ea - 1] x
100
Cette formule est tirée de Yotov et al. (2016),
où var1 désigne la ZLE en question et â??
est son coefficient tel qu'estimé à partir du
modèle de gravité. Comme l'indique la formule, l'effet est
exprimé en pourcentage.
Pour les autres variables continues, la spécification
logarithmique du modèle permet d'obtenir directement les coefficients
mesurant les élasticités respectives de la variable
expliquée par rapport à chacune des variables explicatives.
L'effet est calculé avec la formule suivante et est exprimé en
pourcentage :
e f f etarz = a1 x 100
Les variables incluses dans le modèle ont les signes
attendus. L'accroissement du PIB du Burkina Faso ou du PIB du partenaire induit
un accroissement des exportations. L'existence d'une frontière commune
et d'une langue commune accroît les exportations du Burkina Faso. Les
barrières tarifaires maintenues par les pays importateurs limitent les
exportations du Burkina Faso. Il en est de même de la distance entre les
partenaires. L'appartenance à la CEDEAO améliore les
19
exportations du Burkina Faso. Précisément, entre
2000 et 2016, l'appartenance à la CEDEAO a amélioré les
exportations du Burkina Faso de 57,75 % (estimation 2). En ce qui concerne la
ZLECAf, la variable INTRAZLECAf présente un signe négatif
(estimation 1). Cela traduit que la zone de libre-échange aurait eu un
effet négatif sur les flux commerciaux burkinabè.
Précisément, si la ZLECAf avait été mise en place
entre 2000 et 2016, l'effet sur les exportations du Burkina Faso aurait
été une baisse de 10,17 %.
Cet effet négatif peut être expliqué par
divers arguments. Premièrement, une explication viendrait de la
structure des partenaires commerciaux du Burkina Faso. En effet, sept des dix
partenaires principaux du Burkina Faso sont hors du continent Africain. De ce
fait, la mise en place de la ZLECAf, aurait eu un effet de détournement
du commerce vers les pays africains donc assimilable à une baisse des
flux commerciaux du Burkina Faso vers les partenaires non africains. De ce
constat on pourrait voir en ce signe négatif une création de
commerce pour les pays africains qui sont parties prenantes à la ZLECAf.
En effet, selon Jacob Viner sur la question, certains pays africains pourraient
se substituer aux pays non parties à la ZLECAf en matière de
commerce avec le Burkina Faso. Cet état de fait pourrait contribuer
à l'accroissement du commerce intra-africain.
Deuxièmement, l'effet négatif pourrait
émaner des nombreux coûts commerciaux auxquels le Burkina Faso
fait face pour promouvoir ses exportations intra-africaines. Il s'agit
notamment des coûts liés aux infrastructures, à la
logistique, à la qualité des services. Cela peut aussi traduire
les difficultés qu'éprouverait le Burkina Faso pour faire face
à des puissances économiques africaines comme les pays du
Maghreb, l'Afrique du Sud, le Nigéria et certains pays à fortes
potentialités commerciales. Dans ce sens, l'impact négatif de la
ZLECAf se traduira par une baisse du volume des exportations du Burkina Faso.
Cette situation pourrait entrainer une perte de recettes pour le pays ainsi
qu'un anéantissement du tissu industriel qui peine à se
développer. On note cependant que le consommateur burkinabè
pourrait bénéficier des produits compétitifs sur le
marché du fait de l'entrée des produits étrangers.
Afin d'en avoir le coeur net, la variable COÛTS
est introduite dans le modèle (estimation 2). Il en ressort que la
prise en compte des coûts commerciaux modifie l'effet de la ZLECAf. Plus
simplement, sous l'hypothèse d'absence des coûts commerciaux, la
ZLECAf aurait induit un accroissement des exportations de 29,01% entre 2000 et
2016. Ce résultat permet de suggérer aux pays africains la mise
en oeuvre effective des conditions de facilitation des échanges afin que
la zone de libre-échange continentale ait des effets de création
des courants d'échanges.
20
6.2. Effets retardés de la ZLECAf sur les
exportations du Burkina Faso
Cette seconde section s'intéresse aux effets
non-linéaires de la ZLECAf. Plus simplement, elle s'intéresse
à la possibilité que les effets de la ZLECAf se modifient d'une
période à une autre. Pour cela les variables retardées
(ZLECAft_4, ZLECAft_s et
ZLECAft_12) sont incluses dans le modèle.
Les résultats obtenus (estimations 3 et 4) montrent que
durant les 8 premières années, les effets de la ZLECAf sont
statistiquement nuls. Par contre 12 ans après la mise en oeuvre de
l'accord, la ZLECAf aurait eu des effets positifs. Précisément,
12 ans après, la mise en oeuvre de la ZLECAF induit un accroissement des
exportations du Burkina Faso de 11,07 % (estimation 3). La prise en compte des
coûts commerciaux ne modifie pas les effets retardés (estimation
4). Par contre, l'effet global de la ZLECAf est positif à hauteur de
9,75 %. L'effet de la ZLECAf n'est donc pas linéaire.
Dans les premières périodes de sa mise en
oeuvre, la ZLECAf n'affecte pas les exportations du Burkina Faso. C'est
certainement l'effet d'un faible approfondissement vertical de
l'intégration des pays ; cet approfondissement vertical consiste en la
mise en oeuvre effective des dispositions et autres mesures inclues dans les
ACR, notamment par le biais d'actes administratifs et des textes légaux
à l'échelle nationale (Cariolle et al, 2017).
Après 12 ans, l'intégration est suffisamment
profonde pour porter des fruits. Ainsi, l'Accord de la ZLECAf étant
entré en vigueur en 2019, les fruits positifs seront visibles dès
2031 si les coûts commerciaux sont significativement réduits dans
la ZLE. Ce résultat est conforme à ceux des auteurs tels que
Baier & Bergstrand (2007), Anderson & Yotov (2011).
6.3. Test d'exogénéité de la
ZLECAf
Cette dernière section s'intéresse à
l'exogénéité de la ZLECAF. Ce test
d'exogénéité est proposé par Wooldridge (2010)
ainsi que Baier & Bergstrand (2007). Il s'agit de savoir si la ZLECAf
affecte les exportations ou si c'est l'accroissement du volume des exportations
qui détermine l'avènement de la ZLECAf. Si les deux relations
sont vérifiées, il y a un biais
d'endogénéité dans l'estimation. Sinon le modèle
est correctement estimé. Il n'y a pas de biais si les coefficients
associés à ces variables ne sont pas significatifs (Yotov et al,
2016 : 52-53).
Pour répondre à ce questionnement, on introduit
dans l'équation les variables futures (ZLECA ft+4, ZLECA
ft+s et ZLECA ft+12). La ZLECAf est exogène aux
exportations si les paramètres associés aux variables futures
sont statistiquement significatifs. Or dans le tableau des résultats
(estimations 5 et 6), les paramètres sont statistiquement nuls.
Dès lors, il n'existe pas un effet réciproque entre
21
les exportations et la ZLECAf. Autrement dit, il n'y a pas de
biais d'endogénéité lié à une
causalité réciproque. La ZLECAf est donc exogène aux
exportations du Burkina Faso.
22
Tableau 4 : Effets de la zone de libre-échange
continentale africaine sur le commerce international burkinabè
Variables
|
1ère
estimation
|
2e estimation
|
3e estimation backward
|
4e estimation backward
|
5e estimation forward
|
6e estimation forward
|
Ln(tranport)
|
-0,0769558 (0,000)
***
|
|
-0, 0752711
(0,000) ***
|
|
-0,0754697
(0,000)***
|
|
Ln(tarif moyen)
|
-0,1288876
(0,000) ***
|
|
-0,1280171
(0,000)***
|
|
-0,1282159
(0,000)***
|
|
Ln(PIB du pays
importateurs) standardisé
|
0,0635542
(0,000) ***
|
0,2864461
(0,000)***
|
0,3210081
0,000**
|
0,2851718
(0,000)***
|
0,3201622
(0,000)***
|
0,2850585
(0,000)***
|
Ln(du PIB du BF) standardisé
|
0,3212556
(0,000) ***
|
0,0269189
(0,000)***
|
0,0484568
(0,000)***
|
-0,061555
(0,000)***
|
-0,0033026
(0,761)
|
0,0108493
(0,218)
|
Ln (couts commerciaux)
|
|
-0,3427063
(0,000)***
|
|
-0,3498957
(0,000)***
|
|
-0,3480233
(0,000)***
|
intraZLECAf
|
-0,216489
(0,000) ***
|
0,1017141
(0,004)***
|
-0,2309319
(0,000)***
|
0,0930731
(0,007)***
|
-0,1735097
(0,000)***
|
0,1936999
0,001***
|
Frontière commune
|
0,1354883
(0,000) ***
|
0,0081506
(0,654)
|
0,1360231
(0,008)***
|
0,000685
(0,974)
|
0,1369723
(0,009)***
|
0,0029827
(0,865)
|
Langue commune
|
0,1720864
(0,000) ***
|
|
0,17505
(0,000) ***
|
|
0,1757271
(0,000)***
|
|
CEDEAO
|
|
0,4558849
(0,000)***
|
0,3332822
0,000***
|
0,4579373
(0,000) ***
|
0,3325273
(0,000)***
|
0,4555474
(0,000)***
|
ZLECAf (t + 4)
|
|
|
|
|
-0,0134299
(0,886)
|
-0,0722512
(0,246)
|
ZLECAf (t + 8)
|
|
|
|
|
-0,0568999
(0,205)
|
-0,0359173
(0,454)
|
ZLECAf (t + 12)
|
|
|
|
|
0,0558006
(0,614)***
|
0,0047091
(0,897)
|
ZLECAf (t - 12)
|
|
|
0,1107045
(0,028)*
|
0,1272697
(0,005)***
|
|
|
ZLECAf (t - 8)
|
|
|
-0,0101504
(0,813)
|
-0,0290056
(0,436)
|
|
|
ZLECAf (t - 4)
|
|
|
-0,0024526
(0,961)
|
0,0037326
(0,924)
|
|
|
Constante
|
2,62403
(0,000) ***
|
3,499662
(0,000) ***
|
2.573483 (0,000)***
|
3,370004
(0,000)***
|
2,488287
(0,000)***
|
3,492852
(0,000)***
|
Nombre d'observations
|
722
|
550
|
722
|
550
|
722
|
550
|
R2
|
0,74103102
|
0,75262943
|
0,74076622
|
0,75403937
|
0,7420828
|
0,75364583
|
Note : les p(z) statistiques sont entre
parenthèses, *** significatif à 1%, ** significatif à 5%,
* significatif à 10%
|
Aux termes des trois scénarios utilisés pour
estimer le modèle, les résultats économétriques
laissent voir que les variables du modèle expliquent près de 75 %
de la variance des exportations du Burkina Faso. La ZLECAf devrait avoir des
effets positifs sur les exportations du Burkina Faso au-delà de la
12e année. Toutefois, sur la période 2000 à
2016, elle aurait eu un effet négatif sur les exportations du pays. Par
ailleurs, la ZLECAf est exogène aux exportations du Burkina Faso.
23
24
VII. Recommandations
La création de la ZLECAf est une initiative qui vise en
principe à engendrer des bénéfices pour les pays africains
signataires. Sa mise en oeuvre peut, toutefois, être
désavantageuse pour les pays qui ne se seraient pas
préparés conséquemment. Il importe donc aux acteurs du
commerce du Burkina Faso notamment, l'administration publique, le secteur
privé, la société civile, les organisations des
producteurs, les transformateurs, les commerçants et les consommateurs
de se concerter afin de profiter au mieux de l'ouverture de ce vaste
marché. Cette concertation doit avoir pour objectif que compte soit tenu
les intérêts de chaque acteur dans les négociations
nationales sur les questions telles que l'identification des produits sensibles
et des produits à exclure, ainsi que sur les questions qui feront
l'objet de futures négociations au niveau régional.
Au regard des résultats de la présente
étude, nous formulons les recommandations spécifiques
suivantes.
a) Gérer efficacement les coûts
commerciaux
L'un des défis pour un accroissement des exportations
du Burkina Faso reste la pénétration du marché mondial et
surtout celui africain. La réduction des coûts commerciaux
s'avère être un facteur important pour l'accroissement des
exportations du pays. Cela revient à disposer d'infrastructures de
transport et de logistique (construction de routes, amélioration de la
flotte de la compagnie nationale aérienne et du parc automobile,
construction de chemin de fer) qui facilitent le commerce entre le Burkina Faso
et le reste de l'Afrique. En outre, une réduction considérable du
coût de l'énergie à travers des investissements
considérables et durables est obligatoire. Il s'agit aussi de
réduire au maximum les procédures à l'exportation sous
toutes ses formes (prélèvements ou taxes, licences,
agréments,...).
Le pays devra, par ailleurs, prendre les dispositions
nécessaires pour participer aux différents forums de
négociation ainsi qu'aux rencontres des instances de la ZLECAf afin de
contribuer aux démantèlements des éventuels obstacles aux
échanges entre les Etats membres.
b) Renforcer la capacité productive du Burkina
Faso
Il est primordial pour le Burkina Faso de diversifier ses
produits à exporter et accroître leur valeur ajoutée par la
transformation. Cette action consistera à explorer les filières
non encore exploitées et à développer les filières
porteuses définies dans la SNE. Dans ce sens, le pays doit
développer le dispositif productif de sorte à satisfaire aussi
bien le marché africain que le marché mondial.
c) 25
Améliorer l'environnement des affaires
Le pays devrait mettre en place de mesures incitatives en
faveur des investisseurs, à travers un code d'investissement clair et un
cadre juridique favorable de sorte à accroître
l'attractivité des investisseurs étrangers ainsi que
nationaux.
d) Projeter une meilleure insertion dans les
chaînes de valeur régionales et mondiales
Le Burkina Faso devrait s'insérer dans les
chaînes de valeurs régionales pour profiter au mieux de la ZLECAf.
Pour ce faire les solutions aux difficultés d'accès à une
énergie (électricité et hydrocarbure) disponible et
à bon prix doivent etre trouvées. Par ailleurs,
l'amélioration de l'accès aux technologies de l'information et de
la communication doit etre accélérée. Il est aussi
indéniable de renforcer les capacités des centres de recherches
pour favoriser la recherche et le développement afin de mettre à
la disposition des acteurs, des inputs qui soient nécessaires à
l'amélioration de leur production. En outre, il est impérieux
d'encourager et faciliter la coopération et la coordination entre les
entreprises des différents maillons de la chaîne.
e) Mettre sur le marché des produits de
qualité
Les acteurs de chaque maillon des filières devront
s'impliquer rigoureusement et avec intégrité dans le
développement de leurs activités. À cet effet, les
producteurs et industriels doivent mettre sur le marché des produits
compétitifs et en quantité suffisante qui tiennent compte des
normes nationales, régionales et internationales. Quant aux
commerçants, le respect des textes qui régissent le commerce
national, régional et international doit être observé pour
éviter de plomber la dynamique qui sera amorcée dans la
conquête du marché africain. Le Gouvernement et l'administration
publique doivent jouer leurs rôles de régulation et de conseil et
sanctionner aussi positivement que négativement les acteurs qui se
seront identifiés particulièrement dans leurs activités.
L'amélioration de la qualité des marchandises et des services
doit être un crédo constant et progressif si l'on veut
conquérir ce vaste marché africain.
f) Mettre en place un dispositif pour
d'éventuelles mesures correctives commerciales
Ce dispositif devrait permettre de proposer efficacement des
mesures correctives commerciales appropriées qui permettront de
gérer les éventuelles distorsions au commerce
burkinabè.
g) Améliorer les conditions d'accès au
financement au profit des acteurs
Il s'agira de mettre en place des systèmes de
financement en dehors des circuits ordinaires (banques), avec des conditions de
financement beaucoup plus flexibles et accessibles au plus grand nombre
d'acteurs.
26
VIII. Conclusion
Ce travail de recherche a eu pour objectif d'analyser les
gains et les pertes du Burkina Faso du fait de sa participation à la
ZLECAf. Les données commerciales annuelles sont obtenues sur la
période 19622016 et proviennent des bases de données WITS, CEPII,
WDI et de la CNUCED. Le mémoire a eu recours à une
méthodologie empirique appuyée sur le modèle de
gravité ainsi qu'une analyse documentaire.
Le modèle de gravité est estimé par le
pseudo maximum de vraisemblance de Poisson. Trois principaux scénarios
ont été examinés, à savoir (1) les effets de la
ZLECAf si elle avait été mise en oeuvre entre 2000 et 2016, (2)
les effets retardés de la ZLECAf et (3) les effets futurs de la ZLECAf.
Les résultats économétriques montrent que les variables du
modèle expliquent près de 75 % de la variance des exportations du
Burkina Faso. Globalement, la ZLECAf devrait avoir des effets positifs sur les
exportations du Burkina Faso au-delà de la 12e année.
Toutefois, sur la période 2000 à 2016, elle aurait eu un effet
négatif sur les exportations du pays, signifiant un détournement
de commerce vers les pays africains au détriment des partenaires hors
Afrique. Néanmoins, le Burkina Faso tirera profit de la ZLECAf en
s'insérant dans les chaines de valeurs régionales.
Il ressort de notre étude qu'il est important que le
Burkina Faso tienne compte de certains facteurs en vue d'accroître ses
exportations au sein de la ZLECAf. Il s'agit de la gestion des coûts
commerciaux, de l'amélioration des infrastructures de commerce, et du
développement d'une industrie conséquente qui lui permette de
s'intégrer au mieux dans les chaînes de valeurs
régionales.
En outre, un défi majeur pour le commerce
burkinabè demeure la qualité des produits qui seront mis sur le
marché africain. En effet, il est très souvent relevé que
certains produits burkinabè ne sont pas conformes aux normes
internationales et à certaines normes développées par des
partenaires sur d'autres continents. Ces difficultés sont très
souvent liées à des cas d'étiquetage et de présence
d'éléments indésirables dans les produits comme le
sésame, la noix de cajou et le beurre de karité. Les efforts
fournis, sur le plan national et sous régional, pour accompagner les
PME/PMI permettent actuellement d'améliorer la qualité des
produits.
Au regard de ces différents défis, le Burkina
Faso doit élaborer une meilleure stratégie commerciale pour
conjuguer crises économique et sécuritaire et mise en oeuvre de
la ZLECAf. Pour ce faire, les recommandations dans le chapitre
précèdent devront faire l'objet d'une attention
particulière.
Il est important de relever que le processus
rédactionnel adopté dans ce memoire de recherche pourrait
inspirer des travaux similaires dans lesquels les gains et les pertes de la
ZLECAf sur d'autres pays africains pourraient être évalués
en termes de valeur.
27
Références bibliographiques
· Armagan I. (1971), La théorie
traditionnelle de l'intégration économique internationale et ses
insuffisances au niveau des pays en voie de développement, The
TURKISH YEARBOOK, Vol. XI, pp, 27.
· Berechid M. (2005), Création et
détournement de commerce sous l'Accord de Libre Échange entre le
Chili et le Canada, Université de Montréal, pp 48.
· Centre National de Politique Economique (2017),
rapport sur la situation économique et financière du Burkina
Faso, pp 28.
· Commission Economique des Nations Unies pour
l'Africaine (2018), Zone de libre-échange continentale africaine :
vers la finalisation des modalités concernant les marchandises.
Groupe de la publication et de l'impression de la CEA, Addis-Abeba, pp 50.
· Commission Economique des Nations Unies pour
l'Afrique, Union africaine, Banque africaine de développement (2010),
Etat de l'intégration régionale en Afrique IV :
Développer le commerce intra-africain, Groupe de la publication et
de l'impression de la CEA, Addis-Abeba, pp 97.
· Commission économique des Nations Unies pour
l'Afrique, Union africaine, Banque africaine de développement (2017),
Etat de l'intégration régionale en Afrique VIII : vers la
création de la zone de libre-échange continentale, Groupe de
la publication et de l'impression de la CEA, Addis-Abeba, pp 186.
· Direction Générale du Commerce (2017),
Balance commerciale et commerce extérieur, Burkina Faso, pp
87.
· Djemmo A. F. (2013), Les effets de la zone de
libre-échange de la CEEAC sur les échanges
intra-communautaires, pp 58.
· Ekanayake E. M., Amit M. et Bala V. (2010), Trade
Blocks and the Gravity Model: A Study of Economic Intégration among
Asian Developing Countries. Journal of Economic Integration, p 627-643.
· Gnamien N.G., Loba M. M., Abdelkhalek T., Kaho R. A.
(2013), Evaluation de l'impact d'un accord commercial et d'investissement
UEMOA- Maroc sur les économies des Etats membres de l'union. BNETD,
pp 261.
·
28
Helliwell J.F. (2005). Frontières, monnaies
communes, commerce et bien-être, Revenue de la banque de Canada,
Canada, pp 21-37.
· Institut de hautes études internationales et du
développement (2012). Le système commercial
multilatéral face aux défis des politiques publiques
globales, Open Edition Journals, pp. 26
· Jagdish B. et Arvind P. (1996). The Theory of
Preferential Trade Agreements: Historical evolution and current trends,
American Economic Association, pp. 82-86.
· LABRAR S. et TABIT S. (2019). Création et
détournement du commerce sous les accords de libre-échange
signés par le Maroc : les enseignements d'un modèle de
gravité en données de Panel, pp. 55-182.
· Organisation Mondiale du Commerce (2017). Rapport
sur l'examen de politique commerciale du Burkina Faso. Organisation
Mondiale du Commerce, Genève, pp 47.
· Schiff M. et Winters L.A. (2003), Régional
intégration and development, Banque Mondiale et la presse
université d'Oxford, pp 341.
· Trotignon J. (2008). L'impact des accords de
libre-commerce entre pays latino-américains : les enseignements d'un
modèle de gravité en données de panel. Archives
Ouvertes (HAL), France, pp 25.
· Trotignon J. (2009), L'intégration
régionale favorise-t-elle la multilatéralisation des
échanges : un modèle de gravité en données de
panel. Revue Française d'Economie, France, pp. 213-246.
· Yotov Y.V., Piermartini R., Monteiro J., Larch M. (2016),
An Advanced Guide to Trade Policy Analysis: The Structural Gravity
Model, Organisation Mondiale du Commerce et la Conférence des
Nations Unies sur le commerce et le développement, Genève. pp
144.
WEBOGRAPHIE
·
http://www.wdi.worldbank.org
·
http://www.wits.worldbank.org
·
http://www.wto.org/french
Annexe
Liste des pays partenaires du Burkina Faso
Afrique Sud
|
Algérie
|
Allemagne
|
Angola
|
Belgique
|
Benin
|
Cameroun
|
Cap Vert
|
Centrafrique
|
Chine
|
Côte d'Ivoire
|
Egypte
|
Erythrée
|
Espagne
|
Ethiopie
|
Soudan
|
France
|
Gabon
|
Gambie
|
Ghana
|
Congo
|
Guinée Bissau
|
Guinée Equatoriale
|
Guinée Conakry
|
Inde
|
Italie
|
Japon
|
Kenya
|
Liberia
|
II
Lybie
|
Madagascar
|
Malawi
|
Mali
|
Maroc
|
Mauritanie
|
Mozambique
|
Niger
|
Nigeria
|
Ouganda
|
Pays bas
|
République Démocratique du Congo
|
Russie
|
Rwanda
|
Sénégal
|
Sierra Leone
|
Singapour
|
Suisse
|
Tanzanie
|
Tchad
|
Thaïlande
|
Togo
|
Tunisie
|
Turquie
|
États-Unis
|
Zambie
|
Zimbabwe
|
|