CHAPITRE. I : PRESENTATION DE L'UNIVERSITE DE
LUBUMBASHI
Dans ce chapitre, il est question de faire une description de
notre champ de recherche qui est l'université de Lubumbashi. C'est dans
cette perspective que nous allons tour à tour développer les
considérations sur son aperçu historique, sa situation
géographique, son organisation administrative et sa situation
économique.
I.1. Aperçu historique de l'UNILU
Le décret royal du 26 octobre 1955 créa
l'université officielle du Congo et du Rwanda-Urundi. Cette institution
ouvrit ses portes le 11 novembre 1956. Les objectifs assignés à
cette institution furent de dispenser un haut enseignement devant
préparer la jeunesse à certaines professions pratiques et
développer la recherche scientifique, faire progresser et diffuser la
culture. Elle devait former et orienter en même temps que les
européennes, l'élite des populations autochtones leur permettant
de créer les conditions d'existence d'une société
fraternelle.
L'université coloniale de Lubumbashi, une alternative
de l'université confessionnelle de Kinshasa (Lovanium), avait la mission
d'assurer la reproduction de la société des colons d'abord et
ensuite, à compte-gouttes, celle d'une infime fraction d'Africains
rompus à l'exercice intellectuel, ayant franchi de multiples examens
sélectifs. Son vrai rôle, conforme à la vision du monde du
colonisateur, était de former des cadres blancs pouvant travailler dans
cette partie de la colonie qu'ils comptaient transformer en colonie de
peuplement à l'instar de ce que les Anglo-saxons avaient fait de
l'Afrique du sud et de la Rhodésie du sud. Il faut aussi reconnaitre que
le désir des entreprises coloniales était de remplacer, dans
certains services, les blancs qui coutaient très cher par des
auxiliaires noirs.
Depuis sa création, l'université officielle du
Congo belge et du Rwanda-Urundi avait une double mission locale à
remplir, celle d'abord de satisfaire les besoins (en Agents
spécialisés et techniciens) des entreprises naissantes et en
pleine expansion et, ensuite, celle de servir les intérêts des
colons qui prônaient un développement séparé du
Katanga du reste de la colonie.
Avec l'accession du pays à l'indépendance et
surtout avec la sécession Katangaise, l'université fut
débaptisée et rebaptisée université de l'Etat
à l'Elisabethville par ordonnance n°800/162 du 14 septembre 1960
relatif au statut de la nouvelle institution universitaire.
23
24
Le gouvernement de l'Etat indépendant du Katanga la
voulait authentiquement Katangaise. Comme pendant la période coloniale,
l'université de l'Etat à l'Elisabethville dépendait, sur
le plan académique des universités belges (Liège et Gand).
Mais contrairement aux vieilles universités européennes
tournées vers la recherche pure, le gouvernement du Katanga voulait,
compte tenu des exigences du moment, transformer la jeune université de
l'Etat à l'Elisabethville en une école technique et
professionnelle immédiatement. L'idée était de former des
cadres qui devaient être les plus qualifiés, les plus nombreux
possible pour couvrir les besoins immédiats dans tous les secteurs de la
vie Katangaise.
L'organe suprême de l'université de l'Etat
à l'Elisabethville, le conseil supérieur, était
composé, entre autres, du ministre de l'éducation du Katanga
(président), du directeur de l'union minière du haut-Katanga et
du représentant du comité spécial du Katanga (CSK). C'est
un signe de la vitalité de la collaboration entre l'université de
l'Etat à l'Elisabethville, le gouvernement Katangais et les milieux
économiques Katangais.
En janvier 1963, la sécession Katangaise prit fin, le
Katanga réintégra le Congo et l'université de l'Etat
à l'Elisabethville prit le nom de l'université officielle du
Congo. En 1971, sous le régime Mobutu, tous les établissements
d'enseignement supérieur et universitaire furent, aux termes de
l'ordonnance présidentielle N° 71/075 du 06 août 1971,
fusionnés en une seule institution appelée université
nationale du Zaïre (UNAZA) avec trois campus : Kinshasa, Kisangani et
Lubumbashi. Officiellement, le régime du président Mobutu voulait
rompre avec l'héritage colonial et créer un type d'homme nouveau
compatible avec la révolution Zaïroise « authentique ».
La réforme de l'enseignement en général et
supérieur et universitaire en particulier répondait au souci du
pouvoir en place de résoudre les problèmes que posait la
société congolaise en pleine mutation et surtout de disposer des
intellectuelles révolutionnaires « authentiques »,
engagés, dévoués et acquis à la cause du
système politique en place, militants convaincus et convaincants.
En fait, la réforme de l'enseignement supérieur
et universitaire est intervenue après les incidents des étudiants
de l'université de lovanium de Kinshasa de 1969 et de 1971 qui
contestaient le système politique en place et après leur
enrôlement au sein de l'armée nationale Congolaise. Cette
réforme avait un fond plus politique que vraiment culturel dans la
mesure où le gouvernement voulait avoir une main mise effective sur
l'enseignement supérieur et universitaire dont le contrôle lui
échappait jusqu'alors. La reforme lui permettait
donc à la fois de se débarrasser des
éléments contestataires ou antirévolutionnaires et de
rendre ainsi loyale la ville de Kinshasa.
En même temps, le régime de Mobutu voulait mettre
un terme au système d'enseignement linéaire, héritage
colonial. En effet, avant cette réforme, les écoles primaires et
secondaires étaient considérées comme des étapes
d'un processus menant nécessairement à l'université. Le
caractère général des connaissances transmises à
l'élève et à l'étudiant rendait ces derniers
inutiles à la société tant qu'ils n'avaient pas
terminé leurs études et obtenu leur diplôme universitaire.
La professionnalisation de l'enseignement secondaire, supérieur et
universitaire s'imposait alors.
Au Katanga, le système de professionnalisation
renforçait les liens entre l'université de Lubumbashi et les
milieux industriels et miniers locaux. En effet, la fusion des facultés
polytechniques et des sciences, par exemple, a concentré dans la ville
cuprifère tous les enseignements de génie minier.
La faculté polytechnique, grâce à ses
départements de chimie industrielle, de métallurgie et
exploitation des mines, alimentait les industries minières en personnels
qualifiés (ingénieurs civils, chimistes, métallurgistes et
des mines) tandis que la faculté des sciences, spécialement le
département de Géologie, leur livrait des géologues
destinés à la fois au département géologique et aux
missions de sondage de la Gécamines. L'engagement des finalistes de
l'université augmentait progressivement le taux d'Africanisation des
cadres dans les différentes entreprises locales.
Dix ans plus tard, en 1981, le régime de Mobutu
décida une nouvelle réforme de l'enseignement supérieur et
universitaire. Officiellement, si le président Mobutu se séparait
de la structure de l'UNASA, c'était à cause de sa mauvaise
gestion et de l'importante bureaucratie qui résultait de la reforme
précédente.
A l'issu de la promulgation de l'ordonnance
présidentielle N°81/143 du 03 octobre 1981, il fut
décidé de revenir à une certaine autonomie au niveau des
universités et des instituts supérieurs pédagogiques et
techniques. Dans ce contexte, les trois campus devinrent des universités
autonomes ayant chacune leurs comités de gestion propres, mais
gérées par le même conseil d'Administration. C'est donc en
1981 que le campus de Lubumbashi devint l'université de Lubumbashi.
25
35 Ilunga Kasongo cité par D.DIBWE DIA
MWEMBU, l'université de Lubumbashi 1990-2002. Société en
détresse, pari sur l'avenir, éd harmattan, paris, 2002, P.10
La mission dévolue à cette dernière fut
triple : assurer la formation des cadres de conception dans les domaines les
plus divers de la vie nationale. A ce titre, elle dispense des enseignements
inscrits à ses programmes de manière à favoriser
l'éclosion des idées neuves et le développement des
aptitudes professionnelles ; organiser la recherche scientifique fondamentale
et appliquée, orientée vers la solution des problèmes
spécifiques du Zaïre, compte tenu néanmoins de
l'évolution de la science, des techniques et de la technologie dans le
monde. De ces missions se dégage un corollaire : la prise de conscience
de notre université de la nécessité de s'ouvrir au milieu
qui la génère pour s'y rendre utile. Elle contribue ainsi, non
seulement à l'effort de développement de sa
microsociété, mais aussi et, par-là, à
l'édification de la nation tout entière.
I.1.1. L'université de Lubumbashi dans la tourmente
des années 1990
Du haut lieu de savoir à l'espace contestataire, les
études universitaires sont d'une importance pour la
société. Elles permettent la formation de l'élite dans le
développement du pays. L'université entreprend aussi des
recherches dont les résultats peuvent servir à répondre
aux besoins de la société. Le rôle de l'université
est donc incontournable dans le processus du développement d'une
société ou d'un pays. A partir de ces deux principales
activités, il est clair de constater que l'université offre une
des voies, une des stratégies pour accéder au
développement.
Selon Ilunga Kasongo : « dire la vérité,
éclairer le pouvoir et le peuple, la nation sur son passé, son
présent et son avenir, influer à temps sur les mécanismes
régulateurs de la société en vue d'assurer à cette
dernière une survie valable et un développement », c'est la
raison d'être des investissements colossaux dont cette institution a
bénéficié.35 Ces investissements
relèvent de ressources humaines, des matériels et des moyens
financiers qui lui ont été octroyés depuis sa
création, pendant la période coloniale jusqu'à la fin des
années 1970.
En 1969, les étudiants de l'université de
Lovanium (actuelle université de Kinshasa), mécontents de la
détérioration de leurs conditions de vie, organisent une marche
de protestation pacifique. Les militaires intervinrent et on déplora des
morts dans les rangs des manifestants. La situation se détériora
davantage en 1971, lors de la commémoration du deuxième
anniversaire des victimes de juin 1969. A partir de ce moment,
l'université
26
congolaise fut considérée par le régime
de Mobutu comme un espace contestataire. Il fallait donc la déstructurer
et la restructurer à son goût, la détourner de sa mission,
la politiser. Mobutu décida la fusion des trois universités en
une seule qu'il appela : université nationale du Zaïre (UNAZA). Les
étudiants continuaient cependant à bénéficier de la
bourse d'étude, de la restauration et du transport.
Un coup d'oeil dans le passé nous permettra
d'évaluer les conditions de vie des étudiants avant les
années 1990. Ecoutons cette enseignante nous donner ses impressions sur
la bourse et la restauration, Ilunga Kabongo : « en entrant en premier
graduat (1979-1980), j'étais boursière (75 Zaïre). Les frais
de minerval ainsi que les frais de loyer étaient retenus à la
source (bourse) jusqu'en 1982. Les cartes pour le restaurant nous
étaient d'abord données gratuitement jusqu'en 1983, puis
moyennant un montant de 30 Zaïres à partir de 1983, pendant qu'on
recevait 150 Zaïres pour la bourse ou mieux 100 Zaïres, parce qu'on
nous retenait 50 Zaïres de minerval. Avec les 100 Zaïres qui nous
restaient, nous payions la carte de restaurant à 30 Zaïres, le
loyer à 60 Zaïres par mois et on restait ainsi avec 64 Zaïres
comme argent de poche et cela en tant qu'interne.
Ce qui me fait réfléchir, c'est le fait que nous
ayons été la dernière promotion à
bénéficier et de la bourse et de la restauration (1983-1984).
Ça me fait toujours très mal lorsque je vois maintenant les
étudiants se tracasser pour le minerval, le loyer et pour la nourriture.
» 36
La bourse, la restauration et le transport furent
supprimés au début des années 1980. Cette période
coïncide depuis l'inauguration de la politique improductive de
Zaïrianisation en novembre 1973. Cette période connait d'abord la
chute du cours du cuivre, ensuite, la Gécamines principale pourvoyeuse
de l'Etat en devises fortes connait des difficultés d'approvisionnement
suite à la détérioration de la structure économique
du Congo et à la fermeture de la voie de Lobito. Cette politique a aussi
découragé les investisseurs étrangers.
En outre, en 1977 et en 1978, le Congo fut secoué par
les deux guerres du Shaba. En 1979, la production du cuivre enregistra une
chute vertigineuse. Cette situation économique catastrophique qui
n'avait pas pu faire atteindre au président Mobutu son « plan 80
» avait surement pesé dans la décision du gouvernement de
mettre fin aux trois « B »,
36 Ilunga Kabongo cité par Donatien DIBWE op
cit, P.12
27
c'est-à-dire la restauration « bouffe », la
bourse et le transport « bus ». Mais, bien avant la
détérioration de l'économie congolaise, le
président Mobutu, qui n'avait pas pardonné aux étudiants
les injures proférées contre lui, avait promis de leur
réserver une surprise fâcheuse.
Après la manifestation du 04 juin 1971 à
Kinshasa qui avaient poussé le président Mobutu à envoyer
un grand nombre d'étudiants dans l'armée, et, après qu'il
a créé l'université nationale du Zaïre (UNASA), en
fusionnant les trois universités et en les soumettant à un
rectorat unique, celui-ci vint prononcer un discours à la commune Kenya,
au stade qui portait son nom. Dans ce discours, le président Mobutu
dressa la population contre les étudiants en lui disant : « c'est
vous qui payez l'impôt et ce sont ces étudiants qui s'amusent avec
et pourtant vous ne vivez pas comme eux. Comme ils sont incorrigibles, il faut
les punir. Je sais que même celui qui viendra après moi aura chaux
avec ces jeunes gens. Comme ils sont ingrats, je vais supprimer tous les
avantages dont ils bénéficient au cours de leurs études
». C'est ainsi que petit à petit certains avantages disparurent.
Il s'agit, selon ce témoignage également, de la
bourse, de la restauration et du transport des étudiants ou des trois
« B » mentionnés plus haut. A partir des années 1980,
les étudiants devaient financer eux-mêmes leurs études en
payant le minerval. Au début des années 1990, les frais
étaient fixés de commun accord entre les représentants des
étudiants, les membres du comité de gestion et les
représentants des syndicats des enseignants et des administratifs.
Nous allons maintenant décrire la longue période
caractérisée par un processus de destruction et de sape de
l'espace de savoir qui commence dans les années 1980. La
réduction des moyens du développement de l'université de
Lubumbashi, les conditions de vie des enseignants comme celles de tous les
fonctionnaires et agents de l'Etat ont commencé à se
dégrader à partir des années 1980, conséquence
à la fois de la négligence dont témoigne le pouvoir de
Mobutu à l'égard de l'enseignement et sans doute de la crise
économique provoquée par la politique de Zaïrianisations
inaugurée en novembre 1973.
L'enseignement ne fut-il pas considéré comme la
cinquième roue d'une voiture ? En effet, c'est ainsi que le
président Mobutu s'était exclamé dans son discours du 04
février 1981 : « il n'y a pas que l'université qui permet la
réussite de l'homme dans la vie ». Cette attitude du
président Mobutu montre suffisamment le peu de place qu'occupait
l'enseignement dans la mentalité des dirigeants de la deuxième
République. Mobutu ne regrettait-il pas lors de son discours
prononcé le 24 juin 1989 à Kinkole, la part importante du
28
budget consacrée à l'enseignement
supérieur et universitaire qui, selon lui, ne rapportait pas grand-chose
sur le plan national! D'ailleurs, au fil du temps, ce n'est plus le
diplôme universitaire qui garantissait l'emploi et le bien-être du
Zaïrois, mais le degré de son militantisme, de son attachement ou,
mieux de son dévouement au parti-Etat, le mouvement populaire de la
révolution (MPR).
A partir des années 1980, l'Etat n'accorde plus les
moyens de sa politique à l'enseignement supérieur et
universitaire en général et à l'université de
Lubumbashi en particulier. L'université congolaise continua à
s'enliser dans la pauvreté. Sa descente aux enfers était une
évidence.
L'infime proportion des crédits versés par
rapport aux crédits sollicités illustre parfaitement la situation
: crédits 1985 : sollicités : 39.763.828 Zaïres,
accordés : 9.637.794Zaïres (24,2%), versés : 5.547.110
Zaïres, soit 14% du montant sollicité et 57,6% du montant
accordé. Crédits 1986 : sollicités : 116.497.499
Zaïres, accordés : 9.637.794 Zaïres (8,3%), versés :
5.622.043 Zaïres, soit 4,8% du montant sollicité et 58,3% du
montant accordé. Crédits 1987 : sollicités : 103.998.149
Zaïres, accordés : 21.110.628 Zaïres (20,3%), versés :
9.485.749 Zaïres, soit 9,1% du montant sollicité et 44,9% du
montant accordé. Crédits 1988 : sollicités : 141.804.457
Zaïres, accordés : 15.199.652 Zaïres (10,7%), versés :
4.496.448 Zaïres, soit 3,2% du montant sollicité et 29,6% du
montant accordé.
Crédits 1989 : sollicités : 311.949.722
Zaïres, accordés : 21.630.003 Zaïres (6,9%) versés :
18.158.193 Zaïres soit 5,8% du montant sollicité 83,9% du montant
accordé. Crédits 1990 : sollicités : 363.494.034
Zaïres, accordés : 138.119.004 Zaïres (38%), versés :
19.777.913 Zaïres soit 4,6% du montant sollicité et 12,1% du
montant accordé.37
Une simple opération mathématique nous permet de
constater que de 1985 à 1990, les frais de fonctionnement et
d'investissement versés par le gouvernement à l'université
de Lubumbashi ont été dérisoires dans la mesure où
ils n'ont jamais dépassé les 14% des montants sollicités
par cette institution d'enseignement. Leurs proportions ont varié entre
3,2% en 1989 et 14% en 1985.
Apres 1990, l'université de Lubumbashi ne reçoit
plus les frais de fonctionnement et d'investissement ; elle était
condamnée. Elle dut cependant se résoudre à se contenter
des frais de scolarité payés par les étudiants. La
clochardisation de l'enseignement et de l'étudiant
37 Julien Musinda cité par Donatien DIBWE op
cit, P.16
29
30
31
constitue un des aspects d'un long processus de destruction
lente et progressive de l'espace du savoir par le pouvoir politique. Aux
travaux de sape du pouvoir s'ajoute la crise économique amorcée
en novembre 1973 et accentuée au cours des années 1990 par la
longue transition politique conflictuelle et sanglante.
La conjugaison de ces facteurs politiques et
économiques a provoqué la dégradation des conditions de
vie des enseignants et aussi des étudiants. Le salaire était non
seulement irrégulier et insuffisant, mais aussi le pouvoir d'achat
s'amenuisait du jour au lendemain. La création en avril 1991 du syndicat
des enseignants et des administratifs se situe dans le cadre de la mise sur
pied des stratégies de réhabilitation de la fonction enseignante
et, partant de lutte contre la clochardisation. Fort de cet esprit professoral,
les enseignants conditionnèrent l'organisation de la deuxième
session des examens 1990-1991 au paiement d'un salaire minimal pour les mois de
juillet, août et septembre 1991 dont le montant variait entre 500 USD
pour l'assistant (premier mandat) et 1000 USD pour le professeur ordinaire. Ils
n'eurent que des miettes.
Mais la session se déroula tant bien que mal. Face au
non-respect par le gouvernement des accords signés, les professeurs
prirent les parents à témoins à travers cette lettre
publiée dans le journal MUKUBA : « chers parents, en effet, vous
êtes en droit de savoir que nos étudiants, vos chers enfants,
vivent dans l'incertitude totale du lendemain et dans une tourmente qui ne
saurait laisser indifférents que des hommes sans coeur. Vous êtes
également sans ignorer que les conditions de vie et de travail de
l'enseignement n'ont fait que s'empirer. Devant pareille situation, on ne peut
plus une vie inhumaine, les enseignants responsables auxquels vous avez
confié vos enfants ne peuvent continuer de se taire.
Aussi, l'association de membres du corps académiques et
scientifique de l'université de Lubumbashi (ACASUL) estime de son devoir
de vous tenir pleinement informer des faits qui risquent de déboucher
sur une catastrophe intellectuelle et sociale. Depuis deux ans, nous avons
engagé des négociations avec le gouvernement pour
l'amélioration des salaires des professeurs et des conditions
générales de travail à l'université. Ces
négociations avaient abouti à un accord signé
conjointement en date du 11 juin 1991 par le comité de suivi des
professeurs et le gouvernement. Le salaire minimum fixé par cet accord
n'étant pas entré en application, l'ACASUL a
décrété, en date du 02 septembre 1991 une grève
à durée illimitée.
Pour des raisons sociales, l'ACASUL avait toutefois
décidé unilatéralement de suspendre cette grève
pour permettre aux étudiants de passer la deuxième session de
l'année problématique 1990-1991. Malgré ce geste de bonne
volonté, le salaire minimum n'a pas été appliqué
jusqu'au premier février 1992 où le premier ministre NGUZ
annonçait solennellement, au stade Mobutu de Lubumbashi, la mise en
application d'un autre nouveau taux de salaire. Là, encore, cet autre
nouveau barème n'a jamais été appliqué ; ce qui
fait qu'à ce jour, le salaire le plus élevé à
l'université, c'est-à-dire celui du professeur le plus
gradé et le plus ancien, représente environ le quart de celui
d'un huissier à la présidence de la république. Nous
professeurs, chefs de travaux et assistants regroupés dans l'ACASUL,
conscients de la noblesse de notre profession disons NON à la
médiocrité. Nous réclamons le rétablissement des
conditions saines pour assurer un enseignement de qualité à nos
étudiants ».
La politisation de l'institution comme nous venons de le
signaler, la réforme de l'enseignement supérieur et universitaire
est intervenue après les incidents des étudiants de
l'université Lovanium de Kinshasa de 1969 et de 1971 qui contestaient le
système politique en place et après leur enrôlement au sein
de l'armée nationale congolaise.
Cette réforme avait un fond plus politique que vraiment
culturel dans la mesure où le gouvernement voulait avoir une main mise
effective sur l'enseignement supérieur et universitaire dont le
contrôle lui échappait jusqu'alors. La reforme lui permettait donc
à la fois de se débarrasser des éléments
contestateurs ou « antirévolutionnaires » et de rendre ainsi
dévouée à sa cause la ville de Kinshasa.
La politisation de l'enseignement supérieur et
universitaire devint effective avec l'implantation dans chaque institution de
l'enseignement supérieur et universitaire en général et au
campus de Lubumbashi en particulier, des structures du parti-Etat. Toutes les
autorités académiques, à tous les niveaux, étaient
devenues des représentants du parti-Etat, membre des comités
sectionnaires ou sous sectionnaires du parti, donc des militants convaincus.
Une structure de la jeunesse du mouvement populaire de la révolution
(JMPR) fut aussi installée parmi la population estudiantine. Des
brigades furent formées, ce sont là les oreilles et les yeux du
parti et du pouvoir au sein de la communauté universitaire.
|