1
L'égalité des créanciers dans les
procédures collectives en droit OHADA, Kouamo Darly Russel
|
REPUBLIQUE DU BENIN
=============
MINISTERE DE L'ENSEIGNEMENT SUPERIEUR ET DE LA RECHERCHE
SCIENTIFIQUE
|
|
============= UNIVERSITE
D'ABOMEY-CALAVI ============= FACULTE DE DROIT ET DE SCIENCES POLITIQUES
(FADESP) ECOLE DOCTORALE
MEMOIRE DE DEA DROIT PRIVE
FONDAMENTAL
THEME
L'égalité des créanciers dans les
procédures
collectives en droit OHADA
PRESENTE PAR:
KOUAMO Darly Russel Maitrise en droit privé
Maitrise en droit public
|
SOUS LA DIRECTION DE :
Joseph DJOGBENOU Agrégé des facultés
de droit Professeur à la FADESP/UAC Avocat au barreau du
Bénin
|
Année Académique
2011-2012
L'égalité des créanciers dans les
procédures collectives en droit OHADA, Kouamo Darly Russel
AVERTISSEMENT
2
« La Faculté de Droit et de Sciences Politiques de
l'Université d'ABOMEY-CALAVI n'entend donner aucune approbation ni
improbation aux opinions émises dans ce mémoire. Ces opinions
doivent être considérées comme propres à leur
auteur. »
L'égalité des créanciers dans les
procédures collectives en droit OHADA, Kouamo Darly Russel
DEDICACE
3
A mes parents sans qui ces études ne seraient possibles et
à mes Frères à qui je dois tant.
4
L'égalité des créanciers dans les
procédures collectives en droit OHADA, Kouamo Darly Russel
REMERCIEMENTS
Je tiens avant tout à remercier Monsieur le professeur
Joseph DJOGBENOU qui malgré ses occupations multiples n'a pas
hésité à diriger ce travail. Ses remarques et ses opinions
sur tous les plans m'ont énormément apporté pour la
réalisation de ce travail et continueront de me guider dans les
échéances à venir ; qu'il trouve ici l'expression de ma
gratitude profonde.
Je remercie également l'ensemble du corps enseignant et
le personnel de la Faculté de Droit et de Sciences Politiques de
l'Université d'ABOMEY -CALAVI.
Je remercie papa Gracien DA SILVA et son épouse pour le
soutien inestimable.
Je remercie monsieur Hilaire NGONGANG et toute sa famille pour
leur appui notoire.
Je remercie Maître Alexandrine F. SAÏZONOU BEDIE
pour les encouragements sans cesse renouvelés, Maître Guy Lambert
YEKPE et tout le personnel de son cabinet dont l'assistance a été
indéfectible.
Je remercie ma famille du BENIN: Manette, Ghislain, Collince,
Aubin et les médecins Elvis, Marius, Eric, Léopold, Yannick et
Patrick TEPERESNA, qui m'ont assisté durant les rudes
épreuves.
Je ne saurais oublier tous les auditeurs de DEA de droit
privé fondamental pour la collaboration franche, avec un regard
particulier à Akim.
5
L'égalité des créanciers dans les
procédures collectives en droit OHADA, Kouamo Darly Russel
SIGLES ET PRINCIPALES ABREVIATIONS
Al. : Alinéa.
Art. : Article.
AUPC : Acte Uniforme portant organisation des procédures
collectives d'apurement du
passif du 10 avril 1998.
AUVE : Acte Uniforme portant organisation des procédures
simplifiées de recouvrement
et des voies d'exécution du 10 avril 1998.
AUS : Acte Uniforme portant organisation des sûretés
du 15 décembre 2010.
Bull. civ.: Bulletin des arrêts de la Cour
de cassation- Chambre civile.
Bull. com.
: Bulletin des arrêts de la Cour de cassation- La Chambre
commerciale.
Cass.civ. : Chambre civile de la Cour de
cassation.
Cass.com.
: Chambre commerciale de la cour de cassation française
C.C. : Conseil constitutionnel Français
Ed. : Edition
ERSUMA : Ecole régionale supérieure de
magistrature
Gaz. Pal. : Gazette du Palais
JCP E : Juris classeur périodique ( La
semaine juridique- Entreprises et affaires.)
L.G.D .J.: Librairie générale de
droit et de jurisprudence
N° : Numéro
OHADA : Organisation pour l'Harmonisation en
Afrique du Droit des Affaires
Obs. : Observations
Op. cit. : Opera citato (cité plus
haut)
P. : Page
Penant : revue de droit des pays d'Afrique
PUA : Presses universitaires d'Afrique
PUF : Presse universitaire de France.
R.T.D. Civ. : Revue Trimestrielle de Droit
Civil
R.T.D. Com. : Revue Trimestrielle de Droit
Commercial
S. : Suivant
T. : Tome V. : Voir
L'égalité des créanciers dans les
procédures collectives en droit OHADA, Kouamo Darly Russel
SOMMAIRE
INTRODUCTION 1
PREMIERE PARTIE : Une applicabilité affirmée 8
CHAPITRE I : L'affirmation par la constitution de la masse 11
SECTION 1 : La détermination des créanciers
composant la masse 12
SECTION 2 : L'expression de la masse représentée
par le syndic 17
CHAPITRE 2 : L'affirmation par l'assujettissement à une
discipline collective 23
SECTION 1 : Les droits octroyés aux créanciers sur
la base égalitaire. 24
SECTION 2 : Les contraintes imposées aux créanciers
sur la base égalitaire 27
CONCLUSION
PARTIELLE: 34
SECONDE PARTIE : Une application assouplie 35 CHAPITRE I : Les
assouplissements tenant à l'existence d'une cause légitime de
préférence 38
SECTION 1 : Les assouplissements découlant de la nature de
certaines créances 38
SECTION 2 : Les assouplissements découlant du statut de
certains créanciers 43
CHAPITRE 2 : Les assouplissements commandés par les motifs
d'intérêts supérieurs 49
SECTION 1 : Les assouplissements d'ordre légal et
judiciaire 50
SECTION 2 : Les assouplissements résultant de la force des
conventions et des
opérations spécifiques. 54
CONCLUSION GENERALE 60
BIBLIOGRAPHIE 63
6
INTRODUCTION
L'égalité des créanciers dans les
procédures collectives en droit OHADA, Kouamo Darly Russel
Le droit de gage général : une garantie
illusoire1 , cet aphorisme traduit sans doute
l'efficacité amoindrie de cette règle qui a été
pourtant érigée pour assurer la protection du créancier
qui n'aspire qu'à être satisfait par son débiteur.
« Quiconque s'est obligé, personnellement, est
tenu de remplir son engagement sur tous ses biens mobiliers et immobiliers,
présents et à venir » énonce l'article 2092 du
code civil ; obligation corroborée par les dispositions de l'article
2093 du même code, en ces termes: « les biens du débiteur
sont le gage commun de ses créanciers, et le prix s'en distribue entre
eux par contribution, à moins qu'il n'y ait entre les créanciers
des causes légitimes de préférence ». Ces
dispositions, à l'évidence redondantes, consacrent à
chaque créancier la faculté de saisir tous biens compris dans le
patrimoine de son débiteur afin de les faire vendre et de se faire payer
sur le prix. En droit civil, cette règle garde une efficacité
remarquable. D'ailleurs, cela se traduit par la maxime : « en
déconfiture tous créanciers viennent à contribution au sol
la livre2 ».
En droit commercial par contre et plus
précisément lorsque le débiteur connaît des
difficultés, les créanciers ne sont plus maîtres dans le
processus de recouvrement de leur dû. En effet, les opérations
sont menées sous la bannière du principe de
l'égalité entre les créanciers.
L'égalité, célébrée dans la
Déclaration des Droits de l'Homme et du Citoyen, fait l'objet
d'appropriations diverses. Au sens littéral, cela traduit
l'équivalence3. C'est répartir de façon
équilibrée sans tenir compte de la moindre discrimination.
L'égalité serait en ce sens synonyme d'équité,
d'équilibre. Dans son acception juridique, la notion
d'égalité est définie en référence à
l'individu. Le principe d'égalité en ce sens signifie que tous
les individus aient, sans distinction aucune, la même vocation juridique
au régime, charges et droits que la loi établit4.
L'égalité c'est donner à chacun une part égale sans
qu'il y ait besoin de chercher les différences entre ces individus.
Comme l'a souligné le doyen CARBONIER, il ne faut pas confondre
l'égalité générale, à l'intérieur de
la nation, notamment celle qui vise
1 RAKOTOARISOA NANJAHARIVONJY FREDO, le droit
de gage général, une garantie illusoire, Thème du
mémoire de maitrise en droit des affaires soutenu le 06 Novembre
2009 à la Faculté de droit, d'économie, de gestion et de
sociologie de l'Université d'Antananarivo.
2V. H. ROLAND et L. BOYER, Adages du droit
français, Paris, 3e éd. Litec, 1992, n° 107, p.208.
3J. REY DEBOVE et A. REY (sous la direction de),
Le nouveau petit Robert, Paris, dictionnaires le Robert, Nouvelle
édition.
7
4 G. CORNU (sous la direction de), Vocabulaire
juridique, Paris, 8e éd. Presses Universitaires de
France, 2007.
L'égalité des créanciers dans les
procédures collectives en droit OHADA, Kouamo Darly Russel
spécifiquement les individus, avec les
égalités particulières, jouant à l'intérieur
des groupes restreints5. C'est le cas de l'égalité
entre les créanciers.
Un créancier est une personne à qui un
débiteur doit quelque chose, c'est le sujet actif de
l'obligation6. Se fondant sur son droit de créance, il peut
exiger de son débiteur une abstention ou une prestation. En fonction des
outils dont disposent les créanciers pour contraindre leur
débiteur à s'exécuter, l'on distingue les
créanciers chirographaires, dépourvus de la moindre garantie, des
créanciers titulaires de sûretés. Dans les
procédures collectives, il est plutôt usuel de distinguer les
créanciers antérieurs au jugement d'ouverture des ceux
postérieurs.
Les procédures collectives désignent l'ensemble
des procédures dans lesquelles le règlement des dettes et la
liquidation éventuelle des biens du débiteur ne sont pas
abandonnés à l'initiative individuelle de chaque
créancier, mais organisés de façon collective afin de
permettre à l'ensemble des créanciers de faire valoir leurs
droits en fonction de leur rang de préférence7. Ce
sont les actions en justice qui placent toute personne physique ou morale de
droit privé exerçant une activité économique, et se
trouvant en cessation des paiements ou menacée de tomber dans cette
situation, sous le contrôle de la justice et la faisant
bénéficier de la suspension des poursuites.
Le droit OHADA des entreprises en difficultés a
prévu trois procédures destinées à faire face aux
maux qui minent les entreprises. En fonction de l'état d'avancement des
difficultés, l'entreprise pourrait être soumise soit à une
mesure préventive, soit à une mesure curative et au pire des cas
à une mesure funéraire.
En premier lieu, il s'agit du règlement
préventif destiné à éviter la cessation
des paiements ou la cessation des activités de l'entreprise et
à permettre l'apurement de son passif au moyen d'un concordat.
L'on relève ensuite, le redressement judiciaire
destiné à sauvegarder l'entreprise et à apurer son passif
au moyen d'un concordat de redressement.
Enfin, pourra-t-on appliquer en dernier recours la liquidation
des biens qui a pour objet la réalisation de l'actif du débiteur
pour apurer son passif8.
Contrairement au droit de la faillite qui était
dominé par son caractère répressif et
l'intérêt porté aux créanciers victimes de la
défaillance du débiteur ayant manqué à ses
5J. CARBONNIER, Droit civil, t.1,
7ème éd. Paris, PUF, 1957, p. 250. Cité par O. KAHIL,
L'égalité entre les créanciers dans le cadre de la
saisie attribution, thèse de Doctorat en droit
Présentée et soutenue Le 11 janvier 2011 à
l'Université Lille 2 - Droit et Santé, p.18.
8
6 G. CORNU, op.cit.
7 G. CORNU, op.cit.
8 Article 2 de l'acte uniforme OHADA portant
organisation des procédures collectives d'apurement du passif.
9
L'égalité des créanciers dans les
procédures collectives en droit OHADA, Kouamo Darly Russel
engagements9, le droit moderne des entreprises en
difficulté sépare l'Homme de l'entreprise en poursuivant
essentiellement une finalité économique et sociale10.
Il s'agit alors d'assurer la survie des outils de production viables dans le
cadre d'un plan de cession ou d'un plan de continuation ou encore d'une cession
en situation de liquidation car « l'économie nationale ne peut
se permettre de tolérer que des outils soient brisés pour des
raisons uniquement juridiques »11. Le traitement des
conséquences sociales et économiques des défaillances
d'entreprises dépasse aujourd'hui la recherche traditionnelle d'une
conciliation entre intérêts privés du débiteur en
difficulté et ceux de ses créanciers. L'inter connexion qui
existe aujourd'hui entre les entreprises, fait que les difficultés d'une
entreprise peuvent avoir des répercussions sur d'autres voire sur tout
le système économique. Il est usuel d'entendre que le droit de la
faillite est le droit des crises ; lesquelles naissent des faillites en
série.
Le droit des procédures collectives est un droit
d'exception, à ce titre, il déroge aux règles du droit
commun, à l'instar du droit de la consommation ou de celui de la
concurrence, qui malmènent les principes classiques du droit des
obligations. Il est dérogatoire au droit des obligations car il
s'applique à des situations d'urgence, aux difficultés auxquelles
doit faire face un débiteur12.
Dans cette perspective impérative, le principe de
l'égalité entre les créanciers a été
instauré. De ce fait, les créanciers sont regroupés et
soumis à un ensemble de règles destinées à les
discipliner afin que leur paiement se fasse dans l'égalité et la
justice; il faut éviter que, comme cela se passe en droit civil, le
paiement soit le prix de la course. Précisément dans le
redressement judiciaire et la liquidation des biens, ils sont réunis en
une masse, laquelle canalise toutes les actions dans son intérêt
exclusif. Un tel regroupement n'est pas sans conséquences puisque les
intérêts des différents créanciers sont souvent
divergents. Le principe de l'égalité des créanciers ainsi
institué est fort ancien. Bien qu'il ait connu quelques balbutiements au
cours de l'histoire, la réalité est qu'il demeure.
L'AUPC réaffirme d'ailleurs ce principe en disposant en
son article 72 que : « la décision d'ouverture constitue les
créanciers en une masse représentée par le syndic qui,
seul, agit en son nom et dans l'intérêt collectif, et peut
l'engager ». Le maintien du concept de
9E. Pèrochon, Entreprises en
difficulté, instruments de crédit et de paiement. LGDJ 2e
éd. 1995 n° 4 cité par H.D. MODI KOKO BEBEY in, «
L'action en revendication dans les procédures collectives du droit
français et de l'OHADA (Étude de droit comparé) »,
juriscope 2002,
www.juriscope.org,
p.1à 14.
10B. SOINNE, Traité des procédures
collectives. LITEC. 2e éd. 1995 n° 26.
11B. SOINNE, idem.
12N. STAGNOLILES, Les atteintes de la
procédure collective a la liberté contractuelle,
mémoire de DEA Droit des affaires, Université Robert
Schuman de Strasbourg. Année universitaire 2002-2003, p.8.
L'égalité des créanciers dans les
procédures collectives en droit OHADA, Kouamo Darly Russel
masse et l'automaticité de sa constitution, traduisent
la volonté du législateur OHADA, de recourir à une
approche collective du traitement des créanciers.
Il importe ici de faire un bref rappel historique sur la
gestation de ce principe qui est le fruit de longs atermoiements. Cet
éclairage semble assez opportun dans la mesure où il sera utile
pour mieux comprendre l'érection de cette règle
héritée de la colonisation.
Il est fait état de deux grandes tendances qui ont
émergé en la matière. Il s'agit des conceptions romaine et
germanique ou barbare13. L'Ancien Régime français a
été influencé aussi bien par le système juridique
germanique que par le système juridique romain, qui ont tous joué
un rôle important voire décisif dans l'application du principe de
l'égalité.
La conception romaine privilégiait l'action
générale et collective, en saisissant le patrimoine dans son
ensemble et en le répartissant entre tous les créanciers au
prorata de leurs créances14. Le modèle
germanique15 en revanche prônait un mode de poursuite beaucoup
plus spécial; il procédait par voie de saisie d'un objet
déterminé pour en attribuer la valeur de préférence
au créancier saisissant.
Il ressort de ces explications que la conception
inégalitaire germanique, empreint de barbarisme, était source
d'insécurité et d'instabilité. Elle n'était pas
favorable à assurer une transparence de la justice. Elle était
une aubaine pour que l'arbitraire s'installe. Ce qui constituait sans aucun
doute un danger pour l'ordre établi. Tout cela aurait certainement
contribué à son déclin au bénéfice de la
conception égalitaire héritée des Romains.
Dans le processus de décolonisation, les Etats
naissants d'Afrique noire francophone, ont d'abord, dans un esprit de
continuité, poursuivi l'application des normes léguées par
l'ancien occupant. C'est en ce sens que l'arsenal juridique reçu
intégrait le principe de l'égalité entre les
créanciers dans les procédures collectives. Le projet OHADA,
quoique se
13Barbares, terme employé à l'origine
par les Romains pour désigner les étrangers à l'Empire
(barbarus), poussés aux frontières par les migrations de
populations asiatiques. Microsoft ® Encarta ® 2009. (c) 1993-2008
Microsoft Corporation.
14 V. O. KAHIL, op.cit., p32 et s. Dans la Rome
ancienne, à l'instar de nombreuses législations primitives, le
débiteur répondait de ses dettes sur sa propre personne
.L'obligation était, aux premiers temps romains, un engagement du corps
du débiteur et non son patrimoine. C'est en ce sens que le
débiteur défaillant devait répondre sur sa personne, ses
créanciers avaient ainsi le droit de le couper et le diviser afin de se
le repartir. Ainsi, les procédures de « venditio bonorum »
faisaient substituer un autre débiteur à l'ancien
débiteur en cas de liquidation du patrimoine de ce dernier. Le nouveau
débiteur, qui s'appelait « bonorum emptor »
s'engageait auprès des créanciers. En raison de ce
changement du débiteur les dates de la naissance des créances
n'ont plus eu aucune influence sur une éventuelle
préférence entre les créanciers parce qu'on
considérait que toutes les dettes étaient nées à un
même moment, celui de la date de d'adjudication
c'est-à-dire au moment du nouvel engagement.
10
15O. KAHIL, idem p34 et s. Devant la faiblesse de
l'autorité, le droit de pratiquer une saisie privée a
été admis. Ainsi, la « pigneratio » germanique
sera consacrée comme voie d'exécution. L'on note ainsi un
déclenchement individuel de la procédure, une direction
individuelle de la procédure et l'inexistence d'une procédure de
distribution. Celui qui engage se paye sur le fruit de ce qu'il recueillera.
L'égalité des créanciers dans les
procédures collectives en droit OHADA, Kouamo Darly Russel
revendiquant une certaine autonomie, ne s'est pas pour autant
assez éloigné de cette position adoptée par le
législateur français.
L'égalité des créanciers, qui s'exprime
à travers cette discipline collective, a une utilité
fonctionnelle, celle de mener à bonne fin la procédure collective
conçue ici comme une voie d'exécution générale. Le
fait que la prospérité générale des
créanciers nécessite le maintien de l'activité, si cette
dernière peut encore être viable, ne peut pas admettre qu'un seul
créancier sacrifie une entreprise et ses partenaires sur l'autel de son
seul intérêt particulier. L'égalité des
créanciers devient alors synonyme de protection de
l'intérêt général.
Il faut tout de même reconnaître qu'à
l'époque où ce principe a été érigé,
les entreprises n'avaient pas une si grande envergure. Il s'agissait le plus
souvent des entrepreneurs individuels qui opéraient dans un espace assez
réduit. Ce qui n'est plus le cas de nos jours où la taille des
activités prend de plus en plus des proportions inimaginables .Il
convient dès lors d'évaluer l'approche égalitaire dans le
droit OHADA des procédures collectives. Quelle est l'effectivité
de ce principe dans sa mise en oeuvre ?
Ainsi, l'objectif de cette étude est d'analyser
l'adaptabilité, la vivacité et l'efficacité de ce principe
au regard des procédures collectives en vigueur dans l'espace OHADA et
ce à l'aube de la modernisation du droit des sûretés.
Comme l'a mentionné le professeur POUGOUE, l'OHADA est
née dans un contexte de mondialisation de
l'économie16. Il était question pour les Etats ayant
pour la plupart un passé colonial commun, de se doter des normes
uniformes afin d'assurer une sécurité juridique au sein de cet
espace, chose qui devait attirer les investisseurs et booster l'économie
au sein de l'espace. Après plus d'une décennie
d'expérience, l'on s'est aperçu que cet objectif n'avait pas
été atteint. Les investisseurs se montraient toujours
réticents, malgré l'adoption des textes uniformes.
En effet, l'on s'est rendu compte de ce que le crédit
au sein de l'espace n'était pas viable. L'on y notait une
réfrigération judiciaire des créances comme l'ont
affirmé messieurs Joseph DJOGBENOU et François
DECKON17. C'est pourquoi les réformes basées sur
l'idéal d'attractivité ont abouti à la modification de
l'acte uniforme relatif aux sûretés. Il s'est donc agi d'un
renforcement des prérogatives des créanciers titulaires de
sûretés par l'amélioration des sûretés
existantes et la création de nouvelles sûretés dont le
succès a été expérimenté ailleurs.
16P. G. POUGOUE, « Doctrine OHADA et
théorie juridique », Revue de l'ERSUMA, Droit des affaires
- Pratique Professionnelle, Numéro Spécial -
Novembre/Décembre 2011, p.9.
11
17J. DJOGBENOU, F. DECKON, « La pratique des
garanties à l'épreuve de la réforme de l'Acte uniforme
portant organisation des sûretés », formation
organisée à la chambre des notaires du Benin 12 et 13 août
2011.
12
L'égalité des créanciers dans les
procédures collectives en droit OHADA, Kouamo Darly Russel
Nul ne doute que le droit des sûretés et le droit
des procédures collectives entretiennent des liens étroits
puisque c'est lorsque le débiteur rencontre des difficultés
économiques que le créancier ne peut plus recouvrer sa
créance normalement. L'efficacité des sûretés se
mesure donc à travers le droit des procédures collectives.
De plus, un projet d'amendement de l'AUPC est en cours. Il
s'avère nécessaire de voir s'il s'inscrit dans une optique
égalitaire à l'endroit des créanciers. Ce sujet se
révèle d'un intérêt tant théorique que
pratique.
Au plan théorique, sa compréhension permettra
sans doute de déterminer l'objectif prioritaire visé par les
procédures collectives dans l'espace OHADA. Etant entendu que
traditionnellement, les procédures collectives visent soit le paiement
des créanciers, soit la sauvegarde de l'entreprise, soit la punition du
débiteur ; même si Michel JEANTIN y ajoute la « fonction
concurrentielle » ou de restructuration des entreprises dans une
économie de marché18. Dans la difficulté de
déterminer une hiérarchisation des deux premiers objectifs, l'on
est porté à croire que l'intelligence du principe de
l'égalité des créanciers pourrait permettre de cerner
effectivement l'objectif prioritaire au sein de l'espace OHADA. En fonction du
respect strict de l'approche égalitaire, l'on pourrait aisément
déterminer la tendance opérée au sein de l'espace
OHADA.
Par ailleurs, il se trouve que des doutes persistent sur
l'efficacité de ce regroupement des créanciers dans la
défense de leurs intérêts. L'on pense que cette
solidarité imposée aux créanciers est inégalitaire
et par conséquent inopportune dans la mesure où cela favoriserait
uniquement les créanciers titulaires de garanties alors que les
créanciers chirographaires seraient lésés. Un auteur
avisé a, d'ailleurs, souligné la précarité de la
situation des créanciers chirographaires qu'il compare à de
«misérables fantassins par rapport aux blindés
représentés par les créanciers munis de
sûretés dans le combat des dividendes »19.
Au plan pratique, l'on sait qu'il est assez complexe de
réaliser la parfaite égalité. C'est en fait assez utopique
.Alexis CARREL affirmait en ce sens que, « les êtres humains
sont égaux. Mais les individus ne le sont pas. L'égalité
de leurs droits est une illusion »20. Georges ORWELL
n'a-t-il pas affirmé que « Tous les animaux sont égaux,
mais certains animaux sont
18M. JEANTIN, Droit commercial : Instruments de
paiement et de crédit, Entreprises en difficulté,
Précis Dalloz, 2e éd., 1990, n° 351, p.314 et
s.
19C. GAVALDA, J. C. P., 1973, Il, 17371.
Cité par F. M. SAWADOGO, Etude des actes uniformes de l'OHADA
portant sur l'organisation des procédures simplifiées de
recouvrement et des voies d'exécution et sur l'organisation des
procédures collectives d'apurement du passif, formation de
.juristes béninois en droit OHADA (Magistrats, Groupe Ill) du 13 au
16 mai 2008 à l'ERSUMA, p.4.
20 A. CARREL, l'homme, cet inconnu, 1935,
Cet ouvrage voulait exposer de façon critique les problèmes de
la
société in Microsoft ® Encarta ® 2009.
(c) 1993-2008 Microsoft Corporation.
L'égalité des créanciers dans les
procédures collectives en droit OHADA, Kouamo Darly Russel
plus égaux que d'autres» ; Comme pour
dire que la notion d'égalité mérite toujours d'être
relativisée. De plus en plus, il est porté atteinte au concept
d'égalité qui, au nom de l'intérêt
général, ne cesse de subir des atteintes. L'intrusion du concept
de discrimination positive en est une illustration. L'on assiste à un
comportement particulier des créanciers de l'entreprise qui se sont
ingéniés à imaginer sans cesse de nouvelles techniques
pour échapper à la loi de l'égalité. Tout cela
constitue les obstacles éventuels à la mise en oeuvre de
l'égalité des créanciers. Chose qui mérite
d'être analysée en profondeur.
Ceci étant, le droit des sûretés, les
procédures collectives en général et
précisément le redressement judiciaire et la liquidation des
biens seront les principaux repères dans l'édification de cette
étude. Bien évidemment que l'on ne saurait occulter le droit des
contrats et bien d'autres disciplines. L'on procèdera à la
lecture formelle de cette règle, sans toutefois négliger son
analyse substantielle. Le regard sera aussi posé sur l'analyse
systémique dans la
mesure où la discipline s'inscrit dans un ensemble de
disciplines structurées et interconnectées notamment le droit
OHADA. A l'heure de la mondialisation de l'économie et d'une
interconnexion des systèmes juridiques contemporains, l'on ne pourrait
se détacher d'une approche comparative. D'ailleurs Gérard FARJAT
affirmait l'utilité du droit comparé en écrivant qu'il est
souvent « le plus court chemin pour la compréhension des
phénomènes juridiques nationaux »21 ou
même communautaires, pourrait-on ajouter pour être en phase avec la
présente étude.
Pour une meilleure compréhension, il conviendra dans un
premier temps de constater l'applicabilité affirmée dudit
principe (première partie) ; puis l'on s'appesantira sur son application
assouplie. (Seconde partie)
13
21 G. Farjat, Droit économique, PUF,
Thémis, 1971, p. 17.
L'égalité des créanciers dans les
procédures collectives en droit OHADA, Kouamo Darly Russel
14
PREMIERE PARTIE :
Une applicabilité affirmée.
L'égalité des créanciers dans les
procédures collectives en droit OHADA, Kouamo Darly Russel
« Le principe de l'égalité est un des
piliers du droit privé », ainsi s'exclamait Pierre
MAZIERE22, et, il s'applique aussi bien en droit civil qu'en droit
commercial. L'on note tout de même que le droit commercial constitue le
domaine par excellence de l'égalité et plus
précisément le droit des procédures collectives.
D'ailleurs, l'on a pu considérer cette égalité comme
étant le modèle parfait. Il s'agit de la philosophie qui innerve
le droit des entreprises en difficultés. Un auteur a pu dire qu'elle
était l'âme des procédures collectives23.
En matière civile, le créancier le plus vigilant
qui poursuit le premier son débiteur aura peut-être la chance
d'être payé avant les autres créanciers. Ce qui n'est pas
le cas en droit des entreprises en difficultés où l'approche
individualiste est sacrifiée au profit de l'approche collectiviste et ce
sur la base égalitaire.
La loi soumet tous les créanciers tant bien que mal
à la discipline collective, qui est alors perçue comme le socle
de l'égalitarisme24. Cette exigence égalitaire ne
transparaît pas expressément dans les dispositions de l'acte
uniforme OHADA portant procédures collectives ; elle est déduite
de l'article 72 dudit acte qui prescrit une certaine attitude à observer
par tous les créanciers dès le déclenchement de la
procédure. De ce fait, l'on s'accorde unanimement sur la certitude de
l'applicabilité de l'égalité des créanciers. C'est
une égalité pleinement affirmée et en vertu de laquelle
tous les créanciers, sans distinction, subiront des atteintes à
leurs droits individuels au profit d'une organisation collective25.
Il s'agit indubitablement des mesures assurant l'unité de la
procédure. En conséquence, il s'opère un nivellement des
situations juridiques de tous les créanciers dont le droit est
gagé sur tout le patrimoine du débiteur26.
22P.MAZIERE, Le principe
d'égalité en droit privé, thèse, 2003, presse
universitaire D'Aix-Marseille, p.33, cité par O. KAHIL, op.cit., p.
41.
23 M. VASSEUR, le principe de
l'égalité entre les créanciers chirographaires dans la
faillite, thèse, Paris, 1947 ; obs. B. SOINNE, D.1986. Somm. 9 :
« Âme de ces procédures en même temps que loi
d'airain à laquelle tous ceux qui n'ont pas une cause légale de
préférence doivent être soumis, l'égalité a
inspiré la quasi totalité des solutions spécifiques
à ces procédures, la principale d'entre elles résidant
dans la constitution de la masse(...) » ;aussi, P. Le CAMU et ALII ,
Entreprises en difficultés, joly,1994, n° 6, Cités
par R. NEMEDEU, « Le principe d'égalité des
créanciers : vers une double mutation conceptuelle », RTD com.
avril/juin 2008, note de bas de page n°4, p .242
24idem, n°23, p. 246.
25A. KANTE , « réflexions sur le
principe de l'égalité entre les créanciers dans le droit
des procédures collectives d'apurement du passif (OHADA) » EDJA
N° 56 ,
www.ohada.com,Ohadata D-O6-47,
consulté le 03 décembre 2012 à 10h 45.
15
26 D. CORRIGNAN-CARSIN, l'affaiblissement de la
condition des créanciers privilégies spéciaux dans les
procédures collectives, Thèse, Université de Rennes,
1977, P18, L'auteur pense que cette approche collectiviste sur la base
égalitaire vise à garder intact le patrimoine actif de
l'entreprise ce qui pourrait favoriser la poursuite de ses activités
jugées indispensables tant pour l'économie nationale que
régionale.
16
L'égalité des créanciers dans les
procédures collectives en droit OHADA, Kouamo Darly Russel
Pour plus de précision, l'on verra d'entrée de
jeu l'affirmation par la constitution de la masse des créanciers
(Chapitre 1), ce qui permettra ensuite d'analyser l'affirmation par
l'assujettissement à la discipline collective. (Chapitre 2)
17
L'égalité des créanciers dans les
procédures collectives en droit OHADA, Kouamo Darly Russel
CHAPITRE I- L'affirmation par la constitution de la
masse.
La consécration des droits et devoirs
égalitaires des créanciers dans les procédures collectives
d'apurement du passif en droit OHADA est une réalité. Ce principe
demeure la base desdites procédures. Il constitue une protection
collective accordée à tous les créanciers. C'est un axiome
fondamental qui entraine l'implémentation de nombreuses autres
règles dérogatoires évitant la tricherie d'un
créancier trop impatient27. Toutefois, il est à noter
que cette égalité n'est pas étendue à tous les
créanciers ; il s'agit d'une catégorie des créanciers bien
précisée et ce au cours des procédures également
déterminées. Cette posture est adoptée par la quasi
totalité des systèmes juridiques contemporains. C'est dans cette
optique que le Guide législatif de la Commission des Nations Unies
pour le Droit Commercial International impose le traitement
équitable des créanciers se trouvant dans la même
situation. C'est en quelque sorte une concrétisation du principe
d'économie de la procédure. Ledit guide impose en substance la
centralisation du traitement de l'endettement et la valorisation maximale des
actifs à réaliser28.
Ainsi, il est aisé de constater que
l'égalité des créanciers est inopérante dans la
prévention des difficultés des entreprises. Dans le
règlement préventif prévu à cet effet par le
législateur communautaire, les créanciers ne sont point astreints
à un traitement égalitaire. D'ailleurs c'est là que
règne l'inégalité par excellence notamment dans l'adoption
des propositions concordataires. Un auteur a pu écrire à ce sujet
que dans le cadre du concordat, le droit des procédures collectives
réserve un sort différencié entre les créanciers en
fonction des remises qu'ils ont bien voulu consentir aux
débiteurs29.
En droit français, la jurisprudence n'a pas
souhaité étendre le principe de l'égalité des
créanciers dans les procédures collectives, à la
procédure de prévention instaurée par la loi du 1er mars
198430. L'on ne saurait toutefois nier l'existence de quelques
mesures s'appliquant à
27 J-P. MASLIN, La place du navire dans la
faillite internationale, Mémoire présenté en
Master II Professionnel Droit Maritime et des Transports,
Faculté de Droit et de Science Politique d'Aix-Marseille,
Université Paul Cézanne ,Centre de Droit Maritime et des
Transports, 2009/2010, P17.
28 F. GEORGES, « L'égalité des
créanciers : un mythe? » in Revue de la Faculté
de droit de l'Université de Liège, 2009, p321.
29A. KANTE , op.cit.
30
Cass.com., 16 juin 1998, J.C.P. (E) 1998,
1795, note SERLOOTEN ; D. 1998, 429, Droit fiscal, septembre 1998, 1185 :
« abstraction faite du motif erroné et surabondant selon lequel la
règle de l'égalité des créanciers, principe
fondamental des procédures collectives, s'applique à la
procédure de règlement amiable ». Au passage, on
appréciera la précision de la cour de cassation, qui fait, dans
la même phrase, de l'égalité des créanciers une
« règle » et « un principe fondamental » . C.
Toulouse, 24 avril 1998, jurisdata n° 040866 « le principe de
l'égalité entre les créanciers est inapplicable dans le
cadre de la loi du 1er mars 1984 ». cité par C.
L'égalité des créanciers dans les
procédures collectives en droit OHADA, Kouamo Darly Russel
l'ensemble des créanciers, toutes choses qui ne
sauraient véritablement être conçues comme étant une
démarche égalitaire.
En revanche, dans le traitement effectif des
difficultés des entreprises, l'impératif égalitaire plane
au dessus de tous les protagonistes à la procédure. Si en
période de redressement judiciaire le vocable masse est consacré
par le législateur, en période de liquidation c'est l'union qui
existe. Tout compte fait, l'on peut aisément constater qu'il s'agit
réellement de procédures strictement égalitaires. Il
s'avère donc important d'appréhender le domaine de cette
égalité, autrement dit, les catégories de
créanciers soumis à cette égalité
procédurale.
Cette démarche se révèlera d'un
intérêt assez pratique pour la compréhension de la
présente étude. La maitrise parfaite de cette
applicabilité ne peut se concevoir qu'après la mise en exergue du
champ d'application de ladite règle. Ainsi, seront successivement
abordées, la détermination des créanciers composant la
masse (Section1), puis, l'expression de l'égalité à
travers le monopole de représentation conféré au syndic,
véritable « brain trust » de la procédure.
(Section 2)
Section I. - La détermination des
créanciers composant la masse.
S'il est unanimement admis que le droit OHADA des entreprises
en difficultés s'est beaucoup inspiré du droit français,
particulièrement la loi française du 13 juillet 1967, l'on note
tout de même qu'il n'intègre pas toutes les avancées en la
matière, notamment depuis la réforme du 1er mars
198431. Lesquelles avancées s'observent à travers
l'instauration d'une procédure amiable et discrète. Quoi qu'il en
soit, toutes ces législations sont unanimes sur l'affirmation de
l'égalité des créanciers dans le droit des entreprises en
difficultés. En outre, elles s'accordent sur le domaine desdits
créanciers égalitaires, en l'occurrence les créanciers
antérieurs au jugement d'ouverture (Paragraphe 1), tout ce qui est
pleinement justifié comme l'on verra. (Paragraphe 2)
LEGUEVAQUES, « L'égalité des
créanciers dans les procédures collectives : flux et reflux
» , in gazette du palais-recueil juillet-Aout 2002,
p1222.
18
31R. NEMEDEU, « Le principe
d'égalité des créanciers : vers une double mutation
conceptuelle », R.T.D.com. avril/juin 2008, n° 28, p.247.
L'égalité des créanciers dans les
procédures collectives en droit OHADA, Kouamo Darly Russel
Paragraphe 1- L'exclusivité des créanciers
antérieurs.
Aux créanciers antérieurs au jugement
d'ouverture de la procédure collective, il est appliqué ce que le
Professeur CORRE qualifie «de régime de la
maltraitance»32 ; contrairement aux créanciers
postérieurs qui selon la formule du même auteur,
bénéficient du régime « des soins attentifs
» en contrepartie de leur concours indispensable non seulement au
déroulement normal des opérations de la procédure, mais
aussi à la conservation ou à l'accroissement du patrimoine du
débiteur. De la combinaison des articles 72 et 117 de l'acte uniforme
portant procédures collectives, il ressort formellement que seuls les
créanciers antérieurs sont astreints à la discipline
collective sur la base égalitaire. L'identification de ces
créanciers passe par la prise en compte du fait générateur
de la créance (A) et le caractère légal de ladite
créance. (B)
A- La prise en compte du fait générateur
de la créance.
La masse des créanciers est constituée par tous
les créanciers chirographaires antérieurs au jugement
d'ouverture, sans oublier les créanciers munis des privilèges
généraux et même ceux titulaires des sûretés
spéciales33. Quoi qu'il en soit, ce n'est pas le
caractère de la créance qui importe ici, c'est sa date de
naissance. C'est pourquoi la détermination des créanciers
regroupés au sein de la masse se fera sur la base chronologique en
observant le fait générateur de la créance. En droit
français, l'on utilise l'expression « créances de
l'article 5034 » pour les identifier.
L'antériorité s'apprécie au regard du fait
générateur de la créance et non de son exigibilité.
Le critère à prendre en compte est donc la naissance de la
créance, critère en cohérence avec les dispositions
concernant les créances postérieures.
Cependant, il faut admettre avec le Professeur PEROCHON que la
recherche du fait générateur est parfois
délicate35 . L'on n'est pas sans ignorer que le droit des
entreprises en
32 P.-M. LE CORRE, Premiers regards sur la loi
de sauvegarde des entreprises (loi n° 2005-
845 du 26 juillet 2005), Dalloz, 2005,
supplément au n° 33, p. 2312, n°44. 518 Cité par F.
THERA, L'application et la réforme de l'acte uniforme de l'OHADA
organisant les procédures collectives d'apurement du passif,
Thèse, Université Jean Moulin Lyon 3,
Présentée et soutenue à Lyon le 6 décembre 2010,
p180.
33F. M. SAWADOGO, procédures collectives
d'apurement du passif, commentaire des l'acte uniforme portant organisations
des procédures collectives d'apurement du passif, Juriscope,
collection OHADA, Harmonisation du droit des affaires, Mise à jour 2011,
note sous l'article 72, p953.
34 Actuellement ce sont les dispositions de
l'article L.621-43 du Code de commerce qui ont remplacé l'article 50 sus
évoqué.
19
35PEROCHON et BONHOMME, Entreprises en
difficulté, Instruments de crédit et de paiement, L.G.D.J.
8ème édition 2009, n°235, p.221, cité par F. THERA
op.cit.,p.180.
L'égalité des créanciers dans les
procédures collectives en droit OHADA, Kouamo Darly Russel
difficultés est marqué par son caractère
conflictuel en raison des intérêts antagonistes et divergents en
cause. Ceci étant, l'on recherche activement à réduire au
plus bas possible le passif du débiteur, ce qui ne peut être fait
que par une exclusion de certaines créances.
En ce sens, SAWADOGO Michel fait observer qu'il s'agit de
traiter de manière égalitaire les créanciers
antérieurs et de s'assurer que leurs droits sont
fondés36. Etant donné que les procédures
collectives sont destinées à préserver le crédit
des activités économiques, il est tout à fait logique que
la sauvegarde des intérêts des créanciers qui ont fait
confiance à l'entreprise soit effective, ceci d'autant que l'ouverture
de la procédure à l'endroit de leur partenaire les met aussi
certainement en difficultés. Une jurisprudence de la Cour de Cassation
française considère en ce sens que la créance née
de la garantie d'un vice caché, a son origine au jour de la conclusion
de la vente et non, au jour de la révélation du
vice37. Le vice ayant été révélé
bien après le délai laissé pour la déclaration, le
créancier se trouvait forclos. La solution était cependant
justifiée sur le plan juridique car la créance a son origine
à la conclusion du contrat, l'obligation de garantie des vices
cachés étant une obligation contractuelle. Pourtant elle semblait
tout à fait injuste en pratique, le créancier n'ayant pas les
moyens de s'en rendre compte38. C'est pourquoi il est
également exigé que ces créances soient
régulièrement admises.
B- La prise en compte du caractère
régulier de la créance.
Le caractère régulier de la créance fait
partie des éléments d'identification des créances
antérieures au jugement d'ouverture. Il s'agit en fait, des
créances qui ont été convenablement constituées,
bref, ce sont les créances qui ne doivent pas être frappées
d'inopposabilité au sens des articles 68 et 69 de l'AUPC39.
La régularité ici va s'apprécier lors des
opérations de vérification des créances que l'on abordera
plus loin.
L'on peut retenir à titre illustratif comme
créances irrégulières certaines créances
constituées par le débiteur au cours de la période
suspecte. Il peut s'agir des actes à titre gratuit translatifs de
propriété mobilière ou immobilière. Ce sont les
donations au sens large,
36F. M. SAWADOGO, « Etude des actes uniformes
de l'OHADA portant sur l'organisation des procédures simplifiées
de recouvrement et des voies d'exécution et sur l'organisation des
procédures collectives d'apurement du passif », formation de
.juristes béninois en droit OHADA tenue à l'Ecole
Régionale Supérieure de la Magistrature du 13 au 16 mai 2008,
p.55.
37 Com. 8 juin 1999 JCP E 2000 n°4 p131 obs.
CABRILLAC.
20
38B. Clémence, Le sort des
créanciers munis de sûretés après la réforme
des procédures collectives et la réforme du droit des
sûretés. Magistère de juriste d'affaires. DESS. DJCE
Université Paris II Panthéon Assas Mai 2006, p.37.
39F. THERA, op.cit.p.180.
L'égalité des créanciers dans les
procédures collectives en droit OHADA, Kouamo Darly Russel
qu'elles fassent l'objet d'un écrit ou qu'elles soient
manuelles, qu'elles soient ostensibles ou déguisées. Il
paraît anormal que le débiteur, incapable de payer ses dettes,
choisisse de faire des libéralités40 . Il peut
être ajouté les actes lésionnaires, les actes dans lesquels
le débiteur s'est délibérément appauvri et a
concouru à l'enrichissement d'un créancier. L'on y relève
également les modes non usuels de règlement des opérations
du débiteur. Il faudrait juste relever que ces actes pourraient
être frappés automatiquement ou non automatiquement
d'inopposabilités selon leur gravité.
La détermination des créanciers
antérieurs, demeurant soumis à un traitement égalitaire,
est caractérisée par le fait générateur de la
créance et le caractère régulier. Seules les
justifications de ce choix pourront concourir à une meilleure
intelligence de la chose.
Paragraphe 2- Une détermination
justifiée.
La distinction de créanciers lors des procédures
collectives pourrait heurter les sensibilités car sont présents,
les créanciers antérieurs qui subissent toutes les affres de
l'égalité, et les créanciers postérieurs qui sont
mieux traités. Les justifications juridiques, morales (A) et techniques
(B) permettront de mieux comprendre cet état des choses.
A- Les justifications juridiques et morales.
Le patrimoine du débiteur, est constitué de
l'ensemble de biens et obligations, envisagé comme une
universalité de droit, c'est-à-dire comme une masse mouvante dont
l'actif et le passif ne peuvent être dissociés. Le droit
français dont on a hérité, a consacré le
caractère de l'unicité et de l'indivisibilité du
patrimoine. Ceci étant, chaque personne ne possèderait qu'un seul
patrimoine. Le droit de gage général sus évoqué
conforte cette idée. Le droit commercial en tire la conséquence
suivante : aucun créancier ne doit être
préféré à d'autres sans cause légitime ;
c'est la formulation du principe de l'égalité entre les
créanciers41.
Ainsi, l'on constatera que c'est par souci de préserver
le droit de gage général, dont bénéficient tous les
créanciers, que l'approche égalitaire des créanciers
antérieurs a été adoptée par le législateur
OHADA. Cela s'explique aussi par les considérations morales. Tous ces
créanciers ont contribué à la marche de l'entreprise du
débiteur, il est assez logique qu'ils
21
40F. M. SAWADOGO op.cit. , note sous l'article 768.
41R. NEMEDEU op.cit., N° 17, p. 247.
22
L'égalité des créanciers dans les
procédures collectives en droit OHADA, Kouamo Darly Russel
soient aussi concernés en cas de déconfiture.
L'exclusion des créanciers postérieurs est tout à fait
normal car la procédure collective ne concerne que les activités
ayant précédé leur ouverture. Les créanciers
postérieurs qui sont le dernier recours du débiteur et des
créanciers antérieurs, ne sauraient moralement se voir imposer
tous ces sacrifices subis par les créanciers dans la masse.
Un auteur a affirmé en ce sens que l'on pourrait
rapprocher le principe de l'égalité entre les créanciers
de celui de l'égalité des citoyens contenu dans la
Déclaration des Droits de l'Homme et du Citoyen42; et
à laquelle la quasi-totalité des Etats ont adhéré,
y compris ceux de l'espace OHADA. De manière classique, l'examen de
l'égalité s'effectue conjointement avec celui de la justice. On
peut mettre en exergue la place de l'égalité face à celle
de la justice, et relever alors la fonction de l'égalité comme
fondement de l'idée de justice distributive et commutative43.
Ainsi, l'égalité des créanciers constitue une règle
spéciale de l'égalité au regard du principe
général de l'égalité civile44.
A côté de ces justifications tant juridiques que
morales, l'on relève également des justifications techniques
B- Les justifications techniques.
La soumission des créanciers antérieurs à
l'ouverture d'une procédure collective à l'endroit de leur
débiteur pourrait être justifiée par des raisons
techniques. Elles sont essentiellement procédurales. L'on a vu que
chaque créancier disposait d'un droit de gage général sur
l'ensemble du patrimoine de son débiteur. Allant dans ce sens, l'acte
uniforme OHADA portant organisation des procédures simplifiées de
recouvrement et voies d'exécution en son article 28, offre la
possibilité à chaque débiteur d'engager des voies
contraignantes à l'endroit de son débiteur afin de rentrer en
possession de son dû45. Au vu de cela, tous les
créanciers, constatant que leur débiteur pourrait se trouver en
déconfiture, s'activeraient à recouvrer leurs créances qui
pourraient être menacées. Ce qui conduirait le débiteur
à répondre simultanément de plusieurs actions
engagées contre lui. Une telle posture
42C. LEGUEVAQUES op.cit., p.1222.
43 M. VILLEY, philosophie du droit,
définitions et fins du droit : Dalloz, coll. Précis,
4e éd. 1986, t. I , n° 26, p 51, cité par S.
NANDJIP MONEYANG, « réflexion sur l'égalité
des créanciers dans les procédures collectives OHADA »,
Revue des procédures collectives n° 4, Juillet 2010, étude
22, N° 6.
44Ph. DELMOTTE, « L'égalité des
créanciers dans les procédures collectives », Rapport de la
cour de cassation 2003,
www.courdecassation.fr,
consulté le 09 Novembre 2013 à 19h 30.
45 Article 28 alinéa 1 de l'AUVE «
A défaut d'exécution volontaire, tout créancier peut,
quelle que soit la nature de sa créance, dans les conditions
prévues par le présent acte uniforme, contraindre son
débiteur défaillant à exécuter ses obligations
à son égard ou pratiquer une mesure conservatoire pour assurer la
sauvegarde de ses droits. ».
L'égalité des créanciers dans les
procédures collectives en droit OHADA, Kouamo Darly Russel
le fragiliserait davantage et le conduirait vers la ruine
totale. C'est pour palier cette éventualité que le
législateur a prévu la canalisation de toutes les actions des
créanciers, ceci pour une efficience du recouvrement de leurs
créances.
Le regroupement des créanciers en une masse permettrait
d'éviter l'anarchie des poursuites46. La
prospérité générale des créanciers
nécessite le maintien de l'activité, si cette dernière
peut encore être viable. Alors, il ne peut être admis qu'un seul
créancier sacrifie une entreprise et ses partenaires sur l'autel de son
seul intérêt particulier. L'égalité des
créanciers devient alors synonyme de protection de
l'intérêt général. L'égalité des
créanciers impose à tous des obligations et reconnaît
à tous des droits identiques. Elle permet ainsi de simplifier les
relations entre les créanciers et le débiteur et les
créanciers entre eux. L'égalité instaure une
régulation des reflexes individualistes afin de permettre à un
dispositif légal de parvenir, autant que faire se peut, à la
réalisation des objectifs de la procédure47.
De ce qui précède, il faut retenir que le
regroupement, au sein de la masse, des créanciers antérieurs au
jugement d'ouverture des procédures collectives est pleinement
justifié, ceci d'autant plus que cela assurerait une certaine
efficacité desdites procédures conduites dans un dessein
égalitaire. Il reste donc à analyser l'expression de cette
égalité.
Section II.- L'expression de la masse
représentée par le syndic.
La conception romaine égalitaire l'a-ton relevé,
a gagné la quasi-totalité des systèmes juridiques au
monde. Serait-ce en raison de son efficacité ? Une chose demeure
certaine, le regroupement des créanciers antérieurs au jugement
d'ouverture, garantit leur liberté d'expression; laquelle sera
exercée par le syndic, pour le compte de l'ensemble des
créanciers composant la masse. De plus, il est reconnu un certain statut
à la masse des créanciers. Toutes choses qui renforcent
l'égalité recherchée entre les créanciers qui la
composent. Seront successivement analysés, la dévolution des
pouvoirs de la masse au syndic (paragraphe 1), puis le statut de la masse des
créanciers. (Paragraphe 2)
23
46D. CORIGNAN-CARSIN, op.cit, p 18. 47S.
NANDJIP MONEYANG, op.cit., N° 11.
L'égalité des créanciers dans les
procédures collectives en droit OHADA, Kouamo Darly Russel
Paragraphe 1 La dévolution des prérogatives
des créanciers au syndic.
L'ouverture d'une procédure collective emporte
dessaisissement ou assistance du débiteur selon la procédure
engagée48. Le dessaisissement s'opère au profit d'un
acteur essentiel dans le déroulement des dites procédures en
occurrence le syndic. C'est lui qui s'assure de la sauvegarde des
intérêts de l'entreprise. Il le fait dans l'optique de
protéger tous les créanciers qu'il représente. Sera donc
analysé, l'ensemble des missions assurées par le syndic pour
garantir l'égalité entre les créanciers face à leur
débiteur insolvable (B), mais, il faut préalablement cerner cet
acteur qu'est le syndic. (A)
A- Le statut du syndic.
Cheville ouvrière49 dans la mise en oeuvre
des procédures collectives, le syndic contribue à assurer
l'exercice collectif des droits des créanciers. Il est à l'image
du mandataire judiciaire français50. Mandataire de justice
rémunéré, le syndic est astreint à une
neutralité et une indépendance vis-à-vis du
débiteur. Ainsi, l'article 41 de l'AUPC prévoit que les parents
alliés au débiteur jusqu'au quatrième degré ne
peuvent être désignés comme syndics. Il est nommé
par la juridiction compétente et qui prononce le jugement d'ouverture de
la procédure. Fidèle au principe du parallélisme des
formes, le législateur communautaire a également prévu que
ce soit la même instance juridictionnelle qui puisse le démettre
de ses fonctions, soit d'office, soit sur proposition du juge commissaire.
Généralement, le syndic est choisi sur une liste
d'experts agréés auprès des cours d'appel. L'on
s'interroge sur l'opportunité de ce choix ; ceci d'autant que l'on n'a
même pas précisé les compétences requises. En raison
de ce qu'il doit veiller à la sauvegarde des droits égalitaires
des créanciers, il serait utile qu'il ait des aptitudes en droit. Dans
la pratique, l'on nomme souvent des juristes ou des comptables. Tout compte
fait, la réalité demeure, comme le relève SAWADOGO Michel,
dans l'espace OHADA, il n'y a pas de cohérence dans la
48 Articles 52 et 53 AUPC.
49F. DERRIDA, La réforme du Règlement
Judiciaire et de la Faillite (Étude de la loi n° 67-563
du 13 juillet 1967 et du décret n° 67-1120 du 22
décembre 1967), Defrénois 1968, p. 63, n°43., cité
par F. THERA, op.cit.,p.147 et 148, n°207.
24
50 Le législateur français de 1985 a
conféré au représentant des créanciers, par
l'article 46 (devenu l'article L. 621-39 du Code de commerce), le monopole de
représenter l'intérêt collectif de ces derniers. A son
tour, le législateur de 2005 a gardé la représentation des
créanciers entre les mains du mandataire judiciaire
désigné par le tribunal en lui donnant, en principe, la
qualité de seul représentant des créanciers. V. O. KAHIL
op.cit., P86.
L'égalité des créanciers dans les
procédures collectives en droit OHADA, Kouamo Darly Russel
profession de syndic51. Les conditions relatives
à l'aptitude, la moralité et la rémunération ne
sont pas uniformes.
Une lueur d'espoir demeure dans la mesure où l'avant
projet d'amendement de l'AUPC a pris en compte cette préoccupation. En
effet, l'expression « mandataire judiciaire » est le cadre
au sein duquel le syndic exercera ses activités. De plus, une commission
nationale desdits mandataires est envisagée. Les conditions
d'accès audit statut sont définies, les conditions d'exercice et
responsabilité ont été aussi prises en
compte52. Cela devrait sans doute assurer une certaine clairvoyance
en la matière et par ricochet une meilleure représentation des
créanciers.
B- Les missions du syndic.
L'égalité entre les créanciers est
renforcée par l'unité de la procédure53 qui
prévaut dans l'espace OHADA. Il faut éviter une multiplication
des procédures qui entrainerait une inégalité entre les
créanciers, d'où un souci de coordination. C'est dans cette
optique que le syndic se retrouve placé à la tête du
patrimoine du débiteur et s'assure du respect des droits des
créanciers astreints à l'égalité.
Ainsi, il initie ou prend, avec ou sans le débiteur,
toutes les décisions relatives à l'administration et aux
solutions de la procédure, à charge, pour les décisions
importantes, d'obtenir l'autorisation du juge-commissaire ou du tribunal. Le
syndic conduit la procédure de vérification des créances
et prépare le vote du concordat en essayant de rapprocher les positions
du débiteur et des créanciers. En cas d'adoption du concordat, le
syndic peut être maintenu en fonction pour en surveiller
1'exécution. Il peut accomplir seul les actes conservatoires. En cas de
mauvaise volonté du débiteur ou des dirigeants, il peut
être autorisé à accomplir seul certains actes. C'est
également lui qui est chargé de réaliser l'actif pour
l'ensemble ces créanciers. Quelle que soit la procédure, il
revient au syndic d'engager les actions en justice: en recouvrement des
créances, en responsabilité civile, en comblement du passif, en
vue de 1 'extension de la procédure aux dirigeants
sociaux54.
51F. M. SAWADOGO op.cit., note sous article 41.
52« Avant projet d'amendements à l'acte uniforme
portant organisation des procédures collectives d'apurement du passif,
Master document », Abrogation des articles 41 à 46.
53S. NANDJIP MONEYANG, op.cit. , n°23.
25
54F. M. SAWADOGO, « Etude des actes uniformes
de l'OHADA portant sur l'organisation des procédures simplifiées
de recouvrement et des voies d'exécution et sur l'organisation des
procédures collectives d'apurement du passif ». Formation des
juristes béninois en droit OHADA du 13 au 22 mai 2008 à l'ERSUMA,
p.46.
26
L'égalité des créanciers dans les
procédures collectives en droit OHADA, Kouamo Darly Russel
Dans l'avant projet de révision de l'AUPC, l'on
entrevoit à l'article 151 alinéa 1 que, lorsqu'une
procédure de saisie immobilière est engagée avant
l'ouverture du redressement ou de la liquidation, et que cette saisie a
été suspendue par les effets de ladite procédure
collective, le syndic peut être subrogé dans les droits du
créancier saisissant pour les actes que celui-ci a effectués. Ces
actes sont réputés accomplis pour le compte du syndic qui
procède à la vente des immeubles. La saisie immobilière
peut alors reprendre son cours au stade où la décision
d'ouverture l'avait suspendue. Une telle disposition concourt à la
protection des créanciers et assure leur égalité dans la
mesure où ils pourront venir en concours avec le saisissant et
bénéficier des actes que ce dernier avait accomplis.
Désormais le syndic prendra les choses en main pour tous les
créanciers.
L'on constate donc que l'érection du syndic en tant que
substance grise de la procédure serait dans un dessein d'assurer
l'égalité des créanciers ; cela est renforcé avec
le statut et les prérogatives conférés à la masse
des créanciers.
Paragraphe 2 Le statut et les prérogatives de la
masse des créanciers.
Pour assurer l'égalité entre les
créanciers, le droit des entreprises en difficultés a opté
pour une démarche collectiviste. C'est dans cet ordre de
réflexion que l'on a regroupé les créanciers au sein de la
masse. Regroupement dont le statut est quelque peu controversé. En tout
état de cause, le regroupement obligatoire des créanciers se
présente comme le résultat de la mise en oeuvre du principe de
l'égalité. L'attribution d'une capacité d'action (A) et
l'inscription de l'hypothèque légale de la masse (B)
matérialisent le souci de préserver et renforcer ladite
égalité entre les créanciers.
A.- La personnalité morale de la masse.
Le législateur OHADA a créé la masse et
lui a octroyé l'exclusivité dans la défense des
intérêts de tous les créanciers, ce qui serait un gage de
leur égalité. Conscient de ce que le droit d'ester en justice
serait indispensable pour l'accomplissement de cette mission, la jurisprudence
a reconnu la personnalité juridique à la masse. Il est vrai que
cette
L'égalité des créanciers dans les
procédures collectives en droit OHADA, Kouamo Darly Russel
reconnaissance à la gestation pourtant laborieuse,
connait des turbulences. A titre illustratif, la masse a été
supprimée par le législateur français en
198555.
Il y a lieu de rappeler tout de même que, l'affirmation
de la personnalité morale à la masse n'a jamais été
expresse, c'est plutôt la résultante d'une interprétation
des décisions jurisprudentielles. En effet, dans l'arrêt dit
comité d'établissement56, le juge avait relevé
que la personnalité juridique n'était pas une création de
la loi, elle appartenait à tout groupement pourvu d'une
possibilité d'expression collective pour la défense
d'intérêts licites, dignes, par suite, d'être juridiquement
reconnus et protégés. C'est sur cette base que la juridiction
commerciale a reconnu implicitement la personnalité morale à la
masse57. Il s'agit là d'un triomphe de la thèse de la
réalité des personnes morales, contrairement à la
thèse de la fiction qui sous-tend que la personne morale est
exclusivement une création légale.
Quoi qu'il en soit, l'on constate aisément que, la
masse des créanciers antérieurs et soumis à une discipline
collective dans un dessein égalitaire, pourrait valablement ester en
justice pour assurer la défense des intérêts des
créanciers. Ce qui fait dire que l'égalité clamée
en droit OHADA des procédures collectives est une réalité
certaine et les prorogatives accordées à la masse confortent
cette idée.
B.- L'hypothèque légale de la masse.
Reconnaître la personnalité morale à la
masse constitue sans aucun doute une grande étape franchie par le
législateur OHADA dans sa vision égalitaire, mais l'octroi des
prérogatives à cette masse constitue une avancée notoire.
La prérogative la plus significative est l'hypothèque
légale conférée à la masse.
En effet, l'article 74 alinéa 1 AUPC dispose que :
« La décision d'ouverture emporte au profit de la masse
hypothèque que le greffier est tenu de faire inscrire
immédiatement sur les biens immeubles du débiteur et sur ceux
qu'il acquerra par suite au fur et à mesure des acquisitions
». Cette hypothèque est une marque incontestable de
l'égalité entre les créanciers car nul ne pourra y faire
valoir un quelconque privilège, tous les créanciers auront
55 La loi française du 25 janvier 1985 a
supprimé l'institution de la masse et cette suppression est l'objet de
nombreuses critiques du droit des procédures collectives
français. En ce sens, B. SOINNE, le bateau ivre (à propos de
l'évolution récente du droit des procédures collectives )
: LPA 16 mai 1997, p.4. M. CABRILLAC, L'impertinente réapparition
d'un condamné à mort ou la métempsychose de la masse des
créanciers, in propos impertinents du droit des affaires ,
Mélanges en l'honneur de C. GAVALDA Dalloz 2001, P.69, cité par
S. NANDJIP MONEYANG, op.cit., n°11.
27
56Cass. Civ.2, 28 janvier 1954, Dalloz 1954,
217.
57Cass. Com., 17
janvier 1956, Dalloz 1956, 265, note HOUIN.
L'égalité des créanciers dans les
procédures collectives en droit OHADA, Kouamo Darly Russel
les mêmes droits. Il est à noter qu'en cas
d'ouverture d'une seconde procédure, cette hypothèque permet aux
créanciers bénéficiaires de ne pas être
primés par les créanciers ultérieurs58.
L'alinéa 3 de l'article précité dispose
que : « Le syndic veille à l'accomplissement de cette
formalité dévolue au greffier et en cas d'inaction du greffier,
le syndic accomplit lui-même ». L'avant projet d'amendement est
allé plus loin ; il est proposé qu'il revienne désormais
au syndic de faire inscrire l'hypothèque de la masse et non plus au
greffier. Il s'agit d'un acte important surtout que le syndic qui diligente la
procédure, est la personne la mieux indiquée pour faire cette
tâche. Il pourra donc procéder aux inscriptions au fur et à
mesure. Le greffier qui ne participe pas réellement à la
procédure, ne serait pas surement aussi diligent que le syndic dont la
mission essentielle est de sauvegarder le patrimoine de la masse des
créanciers.
Le long de ce chapitre, l'on s'est appesanti sur la
consécration de l'égalité des créanciers dans les
procédures collectives en droit OHADA. Partant de la
détermination des créanciers, l'on a pu remarquer que ladite
égalité était limitée aux créanciers
antérieurs au jugement d'ouverture. Ces créanciers dits
créanciers dans la masse, voient leurs droits être
canalisés et exercés pour leur compte par le syndic,
véritable cheville ouvrière en la matière et soumis
à des exigences impératives. Il a été
observé que son statut au sein de l'espace communautaire n'était
pas uniformisé. Dans l'optique de pallier cette imperfection, l'avant
projet d'amendement de l'acte uniforme sur les procédures collectives
envisagerait restructurer le cadre d'exercice des tâches du syndic, qui
relèverait dorénavant des mandataires judiciaires. De plus, l'on
a pu aisément constater que l'octroi de la personnalité morale
à la masse des créanciers et l'hypothèque légale
qui lui est conférée, permettaient de mieux asseoir l'exercice de
ces droits égalitaires, que l'on analysera dans la mise en oeuvre de
l'égalité. Au demeurant, l'on peut constater en toute
quiétude que l'applicabilité de l'égalité est
affirmée avec la constitution de la masse des créanciers,
laquelle est assujettie à un traitement uniforme et connu sous le
vocable de « discipline collective ».
28
58 F. M. SAWADOGO op.cit., note sous article 74.
L'égalité des créanciers dans les
procédures collectives en droit OHADA, Kouamo Darly Russel
CHAPITRE II- L'affirmation par l'assujettissement
à une discipline collective.
L'amorce d'une procédure collective, l'a-t-on
relevé, est toujours synonyme de conflits et de problèmes
juridiques, aussi bien pour le débiteur indélicat que pour ses
créanciers. Ceux-ci se trouvent en effet dans une situation peu enviable
: ils sont non seulement face à un débiteur en difficulté
mais ils doivent aussi affronter leurs semblables. Dans cette posture, chaque
créancier essaie de faire prévaloir ses droits au
détriment de ceux des autres et de l'intérêt commun. Pour
éviter une trop grande confusion, il a été instauré
un régime de l'égalité entre les créanciers qui
rend plus acceptables les pertes subies. Cette approche égalitaire,
synonyme d'une rationalisation du droit de la faillite, a été
formellement consacrée par le législateur OHADA, lequel s'est
inspiré du législateur français.
Ainsi, ce principe a été reconnu d'ordre public
aussi bien au plan interne59 qu'au plan international60.
Cette perspective égalitaire vise à soumettre les
créanciers à une discipline collective et à niveler leur
situation juridique. Assurer l'égalité c'est donner à
chacun une part égale sans qu'il y ait besoin de chercher les
différences entre ces individus61. Ainsi,
l'égalité ne prend pas en compte les différences entre les
individus, qu'elles soient liées à des considérations
personnelles ou à des circonstances extérieures à
l'individu.
Traiter du fonctionnement de ce principe revient à
analyser sa mise en oeuvre. Autrement dit, la mise sous la discipline
collective de tous les créanciers. Ce qui se révèle d'un
intérêt indéniable pour une meilleure compréhension
du sujet. Le caractère d'égalité apparaît dans le
fonctionnement même de la procédure. En effet, la procédure
est collective et elle rassemble donc l'ensemble des créanciers en leur
reconnaissant un intérêt collectif. Ils doivent subir de
façon aussi égale que possible les conséquences de cette
procédure. Ainsi, l'on traitera des contraintes imposées aux
créanciers sur la base égalitaire (Section II), mais
59 En l'occurrence la Cour de cassation
française a décidé que la cour d'appel avait retenu de bon
droit « que la clause litigieuse en ce qu'elle prévoyait la
majoration des obligations du débiteur dans le cas où il serait
mis en règlement judiciaire ou en liquidation des biens portait attente
à la rège d'ordre public de l'égalité de ses
créanciers et ne pouvait donc produire d'effet... »
Cass. Com., 19 avril 1985, Bull. civ.,
1985, IV, n° 120.
60Cass. 1er civ, 2004, Bull. Civ, 2004, I,
N°215, dans le même sens voir
Cass. Com ,6 dec. 1994, Bull. civ 1994,
IV, N° 361, cité par S. STANKIEWICZ MURPHY, L'influence du
droit américain de la faillite en droit français des entreprises
en difficultés, vers un rapprochement des droits ? Thèse de
doctorat de droit de l'université de Strasbourg, 26 mars 2011, p87.
29
61L'article premier de la Déclaration des
Droits de l'Homme et du Citoyen dispose que « Les hommes naissent et
demeurent libres et égaux en droits. Les distinctions sociales ne
peuvent être fondées que sur l'utilité commune.». Il
est équitable que les Homme naissent égaux. En revanche, ils ne
peuvent pas continuer à l'être car ils auront fort probablement
des différences entre eux dans les mérites et les efforts qu'ils
auront dans leurs vies ce qui rend cette égalité abstraite,
V .O. KAHIL,op.cit., p.18.
30
L'égalité des créanciers dans les
procédures collectives en droit OHADA, Kouamo Darly Russel
avant cela, il importe de parler des droits imposés aux
créanciers sur la base égalitaire. (Section I)
Section I.- Les droits octroyés aux
créanciers sur la base égalitaire.
L'égalité des créanciers est le principe
fondateur, la substance même de la procédure collective
commerciale. Cette règle, l'a-t-on dit, a été
érigée comme règle d'ordre public par la Cour de cassation
française et la masse des créanciers est dotée de la
personnalité morale afin de faire valoir efficacement ses droits.
Lesdits droits qui préexistent à la procédure, sont
également exercés au cours de la procédure (paragraphe1),
tout comme il existe des mécanismes destinés à les
protéger. (paragraphe2)
Paragraphe 1 Les droits des créanciers.
A parler d'égalité, on en arrive à penser
que tous les créanciers auraient des droits strictement proportionnels
et à ce titre, ils en sont invités à la même table
pour manger une même part de gâteau62. Pas très
loin de ce cas de figure, la consécration égalitaire des droits
permet de lutter contre l'insécurité et l'injustice. Lesdits
droits s'observent aussi bien au déclenchement (A) que dans la poursuite
de la procédure. (B)
A- Les droits dans le déclenchement.
Au rang des possibilités de déclenchement d'une
procédure de redressement ou de liquidation d'un débiteur
défaillant, une part belle a été réservée
à tous les créanciers. En effet, il leur est reconnu le droit
d'engager l'ouverture d'une procédure collective à l'endroit de
leur débiteur défaillant. A l'article 28 de l'AUPC, il est
mentionné que « la procédure collective peut être
ouverte sur la demande d'un créancier, quelle que soit la nature de sa
créance, pourvu qu'elle soit certaine, liquide et exigible.
L'assignation du créancier doit préciser la
nature et le montant de sa créance et viser le titre sur lequel elle se
fonde. ». Cette action est également admise en droit
français63. Il s'agit
62C. LEGUEVAQUES, op.cit., p1224.
63 C. Grenoble, 23 octobre 1996, Jurisdata n°
0499763 : « afin que soit respecté le principe de
l'égalité des créanciers, un créancier, titulaire
d'une créance contre une société filiale mise en
redressement judiciaire, ne peut être déclaré recevable
à agir directement en paiement contre la société
mère en faisant valoir la confusion du patrimoine. Il doit demander au
tribunal l'extension de la procédure en redressement judiciaire à
la société mère(...) Tout intéressé peut
donc saisir le tribunal pour que soit décidée l'extension
» ; LUCAS, « l'assignation téméraire en
redressement judiciaire », mélanges A.E.D.B.F. II, 1998, P271 et s.
: « Il est plus facile à un
31
L'égalité des créanciers dans les
procédures collectives en droit OHADA, Kouamo Darly Russel
donc d'une égalité qui rétroagit à
l'ouverture de la procédure collective. C'est une égalité
réelle dont l'exercice n'est soumis à aucune discrimination
quelconque. L'on admet que les règles de saisine par le créancier
sont positives et incitatives pour le créancier et pourraient être
plus protectrices des intérêts du débiteur dans la mesure
où celui-ci est bien souvent enclin à une saisine trop tardive du
tribunal et que l'effet de surprise induite par l'action du créancier
pourrait être la source d'une stabilisation de sa situation dans
l'hypothèse d'un redressement judiciaire. D'ailleurs le Professeur
Dominique VIDAL, à la suite d'une étude fondée sur des
données statistiques, a bien abouti à la conclusion que c'est
parmi les cas de saisine par assignation du débiteur qu'il existe plus
de redressement d'entreprises. Dans l'espace OHADA, la saisine par le
créancier est la plus fréquente; malgré les pesanteurs
d'origine sociologique (bon nombre de créanciers ne souhaitant pas
être accusés d'être des « tueurs d'entreprises
») et les difficultés classiques d'ordre juridique tenant
à l'administration de la preuve de la cessation des paiements et aux
éventuelles actions en responsabilité que pourrait intenter le
débiteur sur le fondement de l'abus de droit le cas
échéant64.
B- Les droits dans le déroulement.
Lors du déroulement de la procédure, les
prérogatives conférées aux créanciers visent la
sauvegarde du patrimoine de la masse à laquelle appartiennent les
créanciers antérieurs astreints à une discipline
collective. Il s'agit généralement des droits politiques. L'on
note la consultation obligatoire de tous les créanciers en ce qui
concerne les propositions concordataires. Pour ce faire, lorsque le
débiteur dépose ses propositions concordataires, le greffier se
charge d'informer tous les créanciers par insertion dans un journal
d'annonces légales65 dans les mêmes conditions que
celles opérées lors des opérations qui concourent à
cristalliser le passif du débiteur. Avec les réformes
envisagées, il est prévu que lorsque le projet de concordat
comporte des propositions de conversions de créances en titre pouvant
donner accès au capital, ces conversions ne sauraient en aucun cas
être imposées aux créanciers. Le syndic recueille
individuellement et par écrit, l'accord de chaque créancier dont
la créance est admise et qui accepte une telle
conversion66.
Sur la base de ce droit d'information dont
bénéficient tous les créanciers, l'expression de leur
opinion au cours de l'adoption du concordat est garantie. Il faudrait relever
que lors du
chameau de passer par le chas d'une aiguille qu'à un
débiteur d'obtenir la condamnation de son créancier pour le
déclenchement abusif d'une procédure collective.
64F. THERA op.cit., p118 et 119.
65 Article 119 AUPC.
66 Nouvel article 119-3 de l'AUPC en
révision.
L'égalité des créanciers dans les
procédures collectives en droit OHADA, Kouamo Darly Russel
vote, aucune discrimination fondée sur la nature des
créances n'a été retenue, ce qui renforce davantage la
vision égalitaire opérée par le législateur
communautaire qui a juste prévu que « le concordat est
voté par la majorité en nombre des créanciers admis
définitivement ou provisoirement représentant la moitié,
au moins, du total des créances ». L'avant projet d'amendement
est même allé plus loin en supprimant les discriminations qui
étaient opérées au profit des créanciers
chirographaires et ceux titulaires de sûretés n'ayant pas fait
leur déclaration de créance67.
Tout ceci conforte l'égalité des droits des
créanciers, toutes choses protégées par des gardes fous
également prévus par le législateur OHADA.
Paragraphe 2 Les mécanismes de protection des droits
des créanciers.
Dans sa perspective égalitaire, le législateur
communautaire entrevoit la mise sur une même enseigne de tous les
créanciers antérieurs au jugement d'ouverture du redressement ou
de la liquidation. En ce sens, il a prévu des remèdes aux
manquements à ces prescriptions. Il s'agit des mécanismes
destinés à protéger les droits de la masse. L'on a pu
écrire qu'il s'agissait de raffermir les droits des créanciers
pour le passé, en neutralisant tous les actes portant gravement atteinte
à l'égalité des créanciers68. Connues
sous le vocable d'inopposabilités de la période suspecte, les
unes sont facultatives (A), tandis que les autres sont obligatoires. (B)
A- Les inopposabilités obligatoires.
Le législateur OHADA, pour protéger les
intérêts en présence et par ricochet traiter
égalitairement les créanciers, sanctionne certains droits obtenus
pendant la période suspecte69. Plus ou moins frauduleux, ils
peuvent être frappés d'inopposabilité à
l'égard de la masse ou sanctionnés de nullité en droit
français70. Il s'agit dans cette optique de protéger
le patrimoine de la masse des créanciers, patrimoine qui ne doit
être ni détourné, ni dilapidé par un quelconque
créancier. Ainsi, la protection retro agit à l'ouverture de la
procédure.
67 Nouvel article 125, abrogation des alinéas 3
et 4 de l'ancien article 125 de l'AUPC.
68 A. KANTE op.cit.
69 La période suspecte est celle qui se
situe entre la date de cessation des paiements et le jugement d'ouverture.
Durant cette période, le débiteur peut en profiter pour organiser
son insolvabilité ou favoriser certains créanciers qui
chercheraient à tirer avantage de la prodigalité
intéressée du débiteur aux abois. V. S. NANDJIP
MONEYANG, op.cit., n° 25.
32
70 R. NEMEDEU, op.cit. n°84, p.260.
L'égalité des créanciers dans les
procédures collectives en droit OHADA, Kouamo Darly Russel
Enumérés à l'article 68 de l'AUPC, ces
actes sont inopposables automatiquement sans qu'il soit besoin d'évoquer
un quelconque préjudice. L'on y relève la prohibition des
garanties suspectes octroyées par le débiteur aux abois ; les
paiements anormaux notamment ceux effectués pour les dettes non
échues et ceux opérés par les moyens
considérés comme étant anormaux71. En outre, la
loi mentionne le cas des donations qui doivent être annulées
lorsqu'elles ont été consenties au cours de cette période
de turbulence. Ce qui est tout à fait logique car il est inadmissible
qu'un débiteur incapable de satisfaire à ses obligations se mette
à faire des libéralités. D'ailleurs le vieil adage «
Nemo liberalis nisi liberatus 72» va dans ce sens.
Ainsi, les libéralités, les actes
lésionnaires, les paiements des dettes non échues, les paiements
anormaux de dettes échues, les garanties conférées en
période suspecte pour des dettes antérieures, seront
frappés d'inopposabilité de droit en raison de la nature de
l'acte incriminé et de leur accomplissement en période suspecte.
Le juge ici n'aura pas besoin de constater l'existence d'un grief pour les
prononcer, ce qui n'est pas le cas pour les inopposabilités
facultatives.
B- Les inopposabilités facultatives.
Sans doute d'une gravité plus légère
comparativement aux précédentes, les actes pouvant être
frappés d'inopposabilités facultatives ne sont pas moins
susceptibles de rompre l'égalité recherchée entre les
créanciers. Cependant, l'on relève ici que la juridiction garde
un pourvoir d'appréciation dans le prononcé desdites
inopposabilités et ce même si toutes les conditions sont
réunies73. Il est exigé que ces actes aient
causé un préjudice à la masse et le créancier
bénéficiaire doit avoir été au courant des
difficultés auxquelles faisait face son débiteur lors de leur
conclusion. Sans toutefois oublier que l'acte doit avoir été
accompli pendant la période suspecte et non après l'ouverture de
la procédure74. L'on constate donc que ces
inopposabilités visent à faire anéantir les faveurs
consenties par le débiteur à un créancier pendant la
période suspecte. Il s'agit globalement des actes à titre
gratuit, passés au cours des six mois précédant la
cessation des paiements et ceux à titre onéreux, autres que ceux
visés par les inopposabilités de droit.
71 La jurisprudence française considère
comme procédés anormaux la délégation, la dation en
paiement, la cession de créance ou la compensation conventionnelle, F.
M. SAWADOGO op.cit., note sous article 68. 72H. ROLAND, L. BOYER,
Adages du droit français, Paris, 3eed., Litec, 1992,
n° 243 ? P.509 « pas de libéralité sans
libération préalable ».
33
73F. M. SAWADOGO, op.cit., note sous article 69.
74 A. KANTE op.cit.
L'égalité des créanciers dans les
procédures collectives en droit OHADA, Kouamo Darly Russel
Au demeurant, qu'elles soient de droit ou facultatives, la
finalité de ces inopposabilités est la sauvegarde du patrimoine
du débiteur pour assurer la satisfaction des créanciers
regroupés au sein de la masse dans une perspective égalitaire. Le
professeur SAWADOGO constate qu'il existe des ressemblances entre cette action
et l'action paulienne prévue par l'article 1167 du code civil. Toutes
les deux tendent à réprimer la fraude commise par le
débiteur. D'ailleurs on qualifie cette inopposabilité d'action
paulienne renforcée75.
Cependant, un auteur pense que le législateur OHADA
déprécie considérablement la valeur de cette
immobilisation du patrimoine du débiteur en vue de protéger les
créanciers ; lorsqu'il sanctionne l'interdiction du débiteur, par
l'inopposabilité et non par la nullité des actes accomplis
pendant la période suspecte. Le débiteur peu scrupuleux peut
alors, au nom du principe procédural du droit de la défense,
justifier l'opportunité des actes posés pendant cette
période. Or, la nullité aurait permis de dissuader
définitivement le débiteur de ses agissements
frauduleux76.
Quoi qu'il en soit, l'on a pu constater que la perspective
égalitaire, opérée par le droit OHADA des
procédures collectives, reconnait formellement des droits à
l'ensemble des créanciers. Lesquels droits sont protégés
par certains mécanismes consistant à la neutralisation
rétroactive des actes frauduleux passés par le
débiteur.
En marge de ces droits, les créanciers sont astreints
à une discipline collective. Des contraintes leur sont imposées,
toujours sur la base égalitaire.
Section II. Les contraintes imposées aux
créanciers sur la base égalitaire.
Etant considérés comme ayant plus ou moins
contribué à la déconfiture de leur débiteur, les
créanciers dans la masse se trouvent, de par l'ouverture de ladite
procédure, condamnés à subir toutes les contraintes
procédurales inhérentes au droit de la faillite. Il s'agit en
quelque sorte d'une soumission de tous les créanciers à
l'observation d'une discipline collective. Vu que les créanciers ont
désormais perdu leur individualité, la masse qui les
représente, mérite que ses composantes soient traitées de
façon homogène. Afin de s'assurer que ces contraintes soient
effectivement égalitaires, il est prévu de procéder
à un gel su passif
75R. NEMEDEU, op.cit., n° 86, p.260.
34
76P. G. POUGOUE et Y. KALIEU, L'organisation
des procédures collectives d'apurement du passif OHADA :PUA, coll.
Droit uniforme, 1999, p45 et s., cité par S. NANDJIP MONEYANG, op.
cit.,, n° 28.
L'égalité des créanciers dans les
procédures collectives en droit OHADA, Kouamo Darly Russel
du débiteur, ce qui a des répercussions,
desquelles résultent des obligations pour les créanciers
(paragraphe1). De plus, la fixation du passif impose aux créanciers de
procéder à la déclaration de leurs créances,
laquelle est suivi de vérifications. (Paragraphe 2)
Paragraphe 1 Le gel du passif du débiteur.
La cristallisation du patrimoine du débiteur est
indispensable pour l'atteinte des finalités des procédures
collectives. Afin que cela se passe de façon rationnelle, l'on impose
à tous les créanciers une certaine posture abstentionniste. La
suspension des poursuites individuelles (A) et l'interdiction de nouvelles
inscriptions de sûretés, ce qui s'accompagne de l'arrêt du
cours des intérêts. (B)
A- La suspension de poursuites individuelles.
De manière quasi-universelle, les droits des
créanciers dans une procédure collective sont limités et
encadrés. En effet, l'intérêt même d'une
procédure collective réside dans l'organisation d'un recours
collectif exercé par les créanciers à l'encontre du
débiteur afin de maintenir un aspect « civilisé
» dans le recouvrement des créances mises en
jeux77. A la lecture de l'article 75 AUPC, l'on relève que la
décision d'ouverture suspend ou interdit toutes les poursuites
individuelles tendant à faire reconnaître des droits et
créances, ainsi que toutes les voies d'exécution tendant à
en obtenir paiement, exercées par les créanciers composant la
masse sur les biens meubles et immeubles du débiteur.
Il s'agit véritablement d'une discipline commune sous
fond d'égalité78. Le législateur
français abonde dans ce sens. La seule démarcation est qu'il
parle de suspension provisoire des poursuites79. Il a ainsi
été jugé que, le recouvrement des créances du
débiteur qui a fait l'objet d'une procédure collective,
appartient aux organes compétents. Le principe de
l'égalité des créanciers s'oppose à ce que l'un
d'entre eux exerce une action oblique pour faire protéger un droit
appartenant à son débiteur en liquidation80.
A l'origine, cette suspension n'était pas
générale, elle visait certaines catégories de
créanciers. Dans cette optique, le législateur
sénégalais par exemple, établissait une discrimination
entre les créanciers chirographaires et les créanciers munis de
sûretés. Ainsi,
77J-P.MASLIN, La place du navire dans la
faillite internationale, mémoire de Master II Professionnel Droit
Maritime et des Transports, faculté de droit et de science politique
d'Aix-Marseille université Paul Cézanne, centre de droit maritime
et des transports, Année universitaire 2009/2010, p18.
35
78 R. NEMEDEU, op.cit. n° 229, p 247, 248.
79 Article L. 621-40
C.Com.
80 C. Paris, 25 juin 1996, JURISDATA n° 022505,
C. Grenoble, 13 mars 1997, Jurisdata n° 044154.
L'égalité des créanciers dans les
procédures collectives en droit OHADA, Kouamo Darly Russel
les créanciers munis de sûretés y
échappaient. A l'heure actuelle, le droit communautaire a
considérablement innové en rétablissant une
égalité stricte entre tous les créanciers81.
En plus de cette suspension, l'on note aussi une interdiction
des inscriptions accompagnée d'un arrêt du cours des
intérêts.
B.- L'interdiction des inscriptions et l'arrêt du
cours des intérêts.
Le débiteur en état de déconfiture,
certains créanciers pourraient se ruer pour constituer des garanties. Ce
qui pourrait davantage ruiner les tentatives de sauvetage et créer un
déséquilibre entre les créanciers. Fort de ce constat,
l'acte uniforme prévoit que la décision d'ouverture arrête
le cours des inscriptions de toute sûreté mobilière ou
immobilière82. De plus, la décision d'ouverture
arrête à l'égard de la masse, les cours des
intérêts légaux et conventionnels, de tous
intérêts et majorations de retard de toutes créances,
qu'elles soient ou non garanties par une sûreté.
Le fondement psychologique de cette règle est qu'il
n'est pas raisonnable de réclamer les intérêts là
où le recouvrement du capital est compromis. Sur le plan technique,
cette règle permet de fixer définitivement le montant du
capital83. Comme l'a affirmé un auteur, il s'agit d'une
règle traditionnelle qui, dans un contexte rénové,
participe à la dynamique du redressement judiciaire en allégeant
le passif84. Sans de telles restrictions, l'on peut croire que les
créanciers pourraient s'enrichir tout au long de la procédure.
Pour éviter que la prolongation de la procédure ne profite
uniquement qu'à certains créanciers, le traitement collectif
neutralise les effets du temps sur les intérêts qui courent aussi
bien en redressement qu'en liquidation.
Apres avoir mis un arsenal juridique permettant de
cristalliser le patrimoine de la masse, préalable à la conduite
de la procédure dans une perspective égalitaire, les
créanciers sont aussi assujettis par le législateur OHADA
à produire leurs créances qui doivent être
vérifiées.
81 A. KANTE, op.cit.
82 Article 75 AUPC.
83 R. NEMEDEU, opcit, n° 56, p.254.
36
84 C. Saint-Alary-HOUIN, Droit des entreprises
en difficultés, Montchrestien, 4e éd.
2001,n°773, cité par S. NANDJIP MONEYANG, op. cit, n° 17.
L'égalité des créanciers dans les
procédures collectives en droit OHADA, Kouamo Darly Russel
Paragraphe 2 Les obligations de production,
vérification et admission des créances.
Le passif du débiteur étant gelé, il
importe dès lors d'appréhender sa consistance réelle.
Etant donné que l'ouverture de la procédure collective entraine
dessaisissement ou assistance du débiteur, le syndic, entré en
scène pour sauvegarder les intérêts des créanciers,
doit maitriser le passif exact. D'où l'imposition à tous les
créanciers antérieurs de déclarer (A) et faire
vérifier leurs créances (B) afin que celles-ci soient
définitivement admises.
A-L'obligation de déclaration des
créances.
La déclaration des créances présente un
caractère obligatoire pour tous les créanciers existant au
jugement d'ouverture puisque l'article 78 de l'AUPC le précise. Pour
participer à une répartition ou pour exercer personnellement un
droit de préférence quelconque, les créanciers sont tenus
de faire leur déclaration de créance dans le délai de
trente jours suivant la nouvelle insertion faite au journal officiel. Il est
à noter qu'aucune discrimination fondée sur la nature ou la
qualité de la créance n'est à priori admise. La seule
exigence est l'antériorité de la créance,
c'est-à-dire qu'il faut faire partie de la masse soumise à
l'égalité.
La déclaration de créance a, en toute
hypothèse, un effet important puisqu'elle entraîne l'interruption
de la prescription. De plus, il est fait mention de ce que le créancier
qui ne défère pas à cette exigence pourrait être
frappé de forclusion et perdrait ainsi son droit d'agir dans la
procédure. En droit français, c'est désormais admis que
l'absence de déclaration ne fait perdre au créancier que son
droit de participer à la distribution. Elle ne lui fait pas perdre sa
qualité de créancier qu'il pourra exercer à l'issue de la
procédure sur le débiteur85.
La déclaration est reçue par le syndic sous plis
fermé. Y sont joints sous bordereau, les documents justificatifs
permettant de prouver aussi bien l'existence que le montant de la
créance. Lesdits documents seront restitués, sur demande des
créanciers après l'assemblée concordataire. Alors qu'en
droit français c'est le représentant des créanciers qui
s'en charge. C'est pourquoi il lui est exigé une neutralité
totale. Ce dernier ne doit pas favoriser un ou plusieurs créanciers par
rapport aux autres. Il doit être à la même distance par
rapport à tous les créanciers. La Cour de cassation
française s'est prononcée plusieurs fois dans ce sens. Dans un
arrêt en date du 6 février 2001 la chambre commerciale de la Cour
de cassation a estimé que le représentant des créanciers
n'a pas l'obligation, dans le cas où le créancier a fait une
déclaration irrégulière, d'attirer son attention sur cette
irrégularité86.Un auteur87
considère
85Cass. Com, 10 jan
2006, n° 04-18-395, n°11D, caisse fédérale de
crédit mutuel du Nord Europe c/ Abbadie ès qual. Ets.
37
86Cass. Com., 6
févr. 2001. Bull. VI. N° 31, p. 29.
L'égalité des créanciers dans les
procédures collectives en droit OHADA, Kouamo Darly Russel
que cette décision délimite la mission du
représentant des créanciers et qu'elle est aussi significative de
l'obligation de neutralité qui pèse sur lui. Tout porte à
croire que la dévolution de cette prérogative au syndic en droit
OHADA semble être la mieux adaptée dans la mesure où ce
dernier n'ayant aucun intérêt direct en la cause, pourrait
conduire cette opération en toute liberté et
indépendance.
B.-La vérification et l'admission des
créances.
Après la déclaration des créances,
surviennent les opérations de vérification des créances
déclarées. Formalité impérative, elle
s'opère pour toutes les créances, quel qu'en soient leur nature,
leur montant, qu'elles soient garanties ou pas, toutes les créances
doivent effectivement être vérifiées par le syndic qui
l'effectue au fur et à mesure des productions et ce en présence
des contrôleurs éventuels et du débiteur88.
La vérification porte à la fois sur l'existence
de la créance, son quantum et la validité des garanties
éventuelles. Cette prescription s'inscrit aussi dans une vision
égalitaire, à l'image de nombreuses autres règles qui
innervent le droit OHADA des entreprises en difficultés. A l'issue
desdites opérations, l'état réel du patrimoine du
débiteur devrait être connu. C'est fort de cela qu'un auteur a pu
affirmer que la finalité des opérations de production et de
vérification des créances n'est pas la recherche d'une
égalité entre les créanciers, mais uniquement la
reconstitution du patrimoine du débiteur, qui permettrait de
désintéresser les créanciers. Il ajoute que tous les
créanciers n'ont pas les mêmes droits sur le patrimoine du
débiteur, bien qu'il soit le gage général des
créanciers. Les privilégiés seront payés avant les
chirographaires, et seulement si la consistance du patrimoine suffit à
les désintéresser. Dans le cas contraire, les chirographaires ne
tireront aucun bénéfice de cette opération89.
De toute façon, en l'absence de discrimination opérée,
l'on peut aisément affirmer qu'il s'agit d'une règle à
vocation égalitaire.
Au terme de ce chapitre où il a été
question de faire état de la mise en oeuvre de l'égalité
par l'assujettissement à une discipline collective, l'on a
constaté qu'il s'agissait d'une soumission de tous les créanciers
aux mêmes obligations impératives, sans toutefois oublier
l'existence de droits à eux reconnus par le législateur. L'on a
ainsi pu observer que certaines
87V. Ph. DELMOTTE, op.cit.
88 Article 84 AUPC.
38
89 R. NEMEDEU, op. cit., n° 98, p.263.
39
L'égalité des créanciers dans les
procédures collectives en droit OHADA, Kouamo Darly Russel
prescriptions, même si elles avaient d'autres
finalités, il n'en demeure pas moins vrai qu'elles s'inscrivaient tout
de même dans une perspective égalitaire, si tant est que l'on
considère l'égalité comme étant l'absence de
discrimination, la soumission de tous aux mêmes droits et devoirs. Il
apparait donc que la règle de l'égalité entre les
créanciers conserve une certaine force à travers les aspects
fonctionnels de la procédure collective, c'est-à-dire les
dispositions destinées à assurer une certaine discipline commune
et à organiser rationnellement cette instance particulière et si
délicate si l'on s'en tient aux intérêts en jeu.
L'égalité des créanciers dans les
procédures collectives en droit OHADA, Kouamo Darly Russel
CONCLUSION PARTIELLE
Au crépuscule de cette analyse sur
l'applicabilité affirmée de l'égalité des
créanciers dans les procédures collectives en droit OHADA, il est
plausible de retenir que, cette égalité des créanciers,
est le principe fondateur, la substance même de la procédure
collective commerciale. En droit français, cette règle a
été érigée comme règle d'ordre public par la
Cour de cassation.
Ce faisant, la constitution de la masse confine tous les
créanciers au sein de cette institution au statut ambivalent et à
la tête de laquelle se trouve le syndic, véritable cheville
ouvrière des procédures collectives. L'on a tout de même
relevé que ce syndic, qui devrait être à même
d'assurer le traitement égalitaire des créanciers, était
astreint à une neutralité absolue. Il est vrai que le statut non
homogène du syndic au sein des différents Etats membres de la
communauté pourrait fragiliser cela, mais l'on s'est aperçu que
l'avant projet d'amendement dudit acte uniforme a pris note de cette
préoccupation, en érigeant un cadre où s'exerceront les
tâches du syndic.
Toujours dans cette vision égalitaire, la masse des
créanciers est dotée de la personnalité morale afin de
faire valoir efficacement ses droits, toutes choses qui sont renforcées
par l'inscription de son hypothèque légale sur le patrimoine
immobilier du débiteur.
Une règle identique est trouvée en pays de
common law, avec le principe de « pari Passu », ou de
«chemin identique». C'est un principe ancien
d'émergence prétorienne,
garantissant aux mêmes créanciers un droit
égal à l'accès et à la division du patrimoine du
débiteur90. La consécration des droits et devoirs dans
une perspective égalitaire, constitue la mise en oeuvre du principe en
cause. De plus en plus, l'on constate qu'il est érigé des
aménagements destinés à assurer une meilleure
efficacité des procédures collectives. D'une ampleur relativement
grande, ces aménagements viennent à empiéter sur
l'égalité des créanciers. Quelque fois, ce sont ces
mêmes créanciers qui par des artifices juridiques, parviennent
à faire déjouer ladite égalité. C'est ce qui
emporte sur l'assouplissement dans l'application dudit principe.
40
90J-P. MASLIN, op.cit., P 17.
L'égalité des créanciers dans les
procédures collectives en droit OHADA, Kouamo Darly Russel
41
SECONDE PARTIE :
Une application assouplie.
L'égalité des créanciers dans les
procédures collectives en droit OHADA, Kouamo Darly Russel
La résolution des difficultés des entreprises,
telle que conçue en droit OHADA, repose sur le traitement
égalitaire de tous les créanciers antérieurs au jugement
d'ouverture. Comme l'observait pertinemment un éminent auteur, «
quel que soit le nom dont on baptise une procédure de concours,
faillite, liquidation judiciaire, règlement judiciaire ou liquidation
des biens, le test essentiel pour juger le législateur responsable de
l'institution, est le dividende qui revient à la piétaille des
créanciers rassemblés à l'intérieur de la masse,
sous la bannière de l'égalité »91.
Pour ainsi dire que cette égalité n'est pas sans failles.
Cela dit, en raison des intérêts forts divergents
qui prévalent en droit des entreprises en difficultés, l'on
s'aperçoit qu'il existe un amenuisement de cette égalité.
Ce faisant, l'égalité des créanciers se présente de
plus en plus comme étant un principe à géométrie
variable. Aux origines diversifiées, ces variabilités sont
tantôt commandées par les causes extérieures aux
protagonistes, tantôt par les aménagements faits par ces
protagonistes.
Tout compte fait, l'on remarque un assouplissement dans
l'application du principe de l'égalité entre les
créanciers. Analysant la portée de ces assouplissements, l'on est
arrivé à croire qu'ils étaient susceptibles de
dénaturer la matière, qui se veut collectiviste et
égalitaire. L'on est invité à s'interroger sur la
persistance de la règle de l'égalité entre les
créanciers au coeur du droit positif et spécialement du droit des
procédures collectives. On peut aussi s'interroger sur le point de
savoir si l'égalité entre les créanciers a eu
réellement valeur de principe absolu dans le droit des faillites,
certains auteurs n'hésitant pas à qualifier la règle de
mythe ou même d'expédient. Ainsi, exposer le contenu de la
règle ne peut se faire sans analyser simultanément les multiples
atteintes qui lui sont portées. L'égalité des
créanciers, tel Janus, se présente constamment sous ce double
aspect : aux vertus de l'égalité répondent
immédiatement les séductions de
l'inégalité92.
Tentant de justifier cela, l'on a pu écrire qu'au nom
de l'intérêt général, les différences de
traitement se sont fait jour entre des créanciers, en respectant la
jurisprudence du conseil constitutionnel français qui prévoit
qu'une différence de situation objective et rationnelle consentie en
rapport avec l'objet ou le but établi par la loi, peut justifier une
atteinte au
91LAGARDE, Actualités du droit de
l'entreprise, 1968, Fac. Droit Montpellier, p. 81, cité par F.
DERRIDA,
42
« Vers la sécurité sociale des salaires ?
Commentaire de la loi du 27 décembre 1973 tendant à assurer, en
cas de règlement judiciaire ou de liquidation des biens, le paiement des
créances résultant d'un contrat de travail», cité par
J. Mushagalusa Ntakobajira, L'amélioration de la situation des
créanciers chirographaires en cas de faillite ou liquidation des biens :
Une mission impossible ? Etude de la question au regard du droit belge et des
actes uniformes de l'OHADA, thèse, Université catholique de
Louvain, 2006, troisième partie, note de bas de page n°8,
disponible sur le lien
http://hdl.handle.net/2078.1/4693,
consulté le 8 décembre 2012. 92V. Ph. DELMOTTE
op.cit.
L'égalité des créanciers dans les
procédures collectives en droit OHADA, Kouamo Darly Russel
principe d'égalité93. En droit OHADA,
l'application de la règle de l'égalité entre les
créanciers fait état d'une part des assouplissements tenant
à l'existence d'une clause légitime de préférence
(chapitre I) d'autre part, aux assouplissements commandés par les motifs
tirés d'intérêts supérieurs. (Chapitre II)
43
93 Christophe LEGUEVAQUES, op. cit., p 1226.
L'égalité des créanciers dans les
procédures collectives en droit OHADA, Kouamo Darly Russel
CHAPITRE I. Les assouplissements tenant à
l'existence d'une cause légitime de préférence.
De l'égalité à l'inégalité,
c'est-à-dire, vers une certaine désacralisation du principe de
l'égalité des créanciers, ainsi pense monsieur
NEMEDEU94, sans doute pour faire état de l'application de
ladite égalité. Cette application est de plus en plus
entamée par divers mécanismes, mais aller jusqu'à croire
à son anéantissement serait un peu exagéré. Il est
d'une évidence que, la loi et la jurisprudence sont venues consacrer des
exceptions de plus en plus nombreuses aux droits des créanciers.
L'égalité est présentée comme un outil de
régulation des rapports entre les créanciers ; c'est un
instrument au service du redressement. Son application a tout de même
souvent conduit à créer des situations d'inégalité
lorsque la nature de la créance ou lorsque le sort de l'entreprise
défaillante l'exige.
Loin de parler du déclin de l'égalité des
créanciers, l'on pourrait sans faille parler d'assouplissements qui, le
plus souvent sont commandés par l'existence d'une clause légitime
de préférence; des situations juridiques, susceptibles de
conduire à un infléchissement dans l'application des
règles égalitaires. Elles découlent de
l'énonciation expresse à l'article 2093 du code civil. Ces
mécanismes sont visés par Mme MOREAU-MARGREVE en ces termes :
« certaines règles, voire certains mécanismes ou
institutions tenant au droit des obligations, parfois même d'origine
contractuelle, permettent à des créanciers qui sont dans des
circonstances données propices de se trouver dans une situation telle
qu'ils jouissent en définitive d'une préférence par
rapport à d'autres créanciers, sans qu'ils se targuent, à
cette fin, d'une sûreté »95. Sans pour autant
dénaturer la règle, elles ont tout de même un champ
d'application de plus en plus étendu. Ce raffermissement des droits des
créanciers pour le passé et la restriction de leurs droits
individuels pour l'avenir, sera assoupli d'une part en raison de la nature de
certaines créances (section I), d'autre part en raison du statut de
certains créanciers. (Section II)
Section I.- Les Assouplissements découlant de la
nature de certaines créances.
Synonyme d'un droit personnel, le vocable créance est
généralement utilisé pour designer la droit d'exiger la
remise d'une somme d'argent, elle peut être civile, commerciale,
94 R. NEMEDEU, op. cit.n° 106, p264.
44
95MOREAU-MARGREVE, « Evolution du droit et de la
pratique en matière de sûretés », loc. cit.,
p. 217 ; Fr. T'KINT, op. cit., p. 91, cité par J. MUSHAGALUSA
NTAKOBAJIRA op.cit. note de bas de page n°26.
45
L'égalité des créanciers dans les
procédures collectives en droit OHADA, Kouamo Darly Russel
garantie ou non garantie... Ce qu'il faut remarquer ici est
que, la nature d'une créance peut commander la variation dans
l'application de l'égalité entre les créanciers. Ce qui
efface alors la règle de l'égalité entre créanciers
chirographaires et ceux titulaires des sûretés, c'est la
multiplication de ces causes « légitimes » de
préférence, au point où monsieur Gaston LAGARDE a
même affirmé que l'égalité entre les chirographaires
est une égalité devant le néant et que l'ouverture des
procédures collectives sonne le glas des créanciers
chirographaires96.
Au nom d'un principe de réalisme, les limitations au
principe de l'égalité entre les créanciers ont connu une
forte augmentation ces dernières années97. Partant du
statut privilégié des créances du trésor public
(paragraphe 1), l'on débouchera sur le caractère vital des
créances salariales. (Paragraphe 2)
Paragraphe 1 Le statut privilégié des
créances des administrations publiques.
Les administrations publiques, comme tous les autres
créanciers, sont soumises aux règles communes applicables
à l'ensemble des créanciers. Cependant, elles profitent des
solutions particulières, afin de tenir compte du fait que leur
créance est d'intérêt public98. C'est dans cet
ordre de réflexion que certaines d'entre elles bénéficient
d'un régime dérogatoire de déclaration des créances
(A), le tout assorti d'un privilège renforçant leur protection.
(B)
A- Le particularisme dans leurs déclarations de
créances.
Le particularisme conféré à certaines
administrations publiques, dans le processus de déclaration des
créances, tient au fait qu'elles aient la possibilité de
procéder à des déclarations prévisionnelles. A
l'article 81 de l'AUPC, il s'agit du trésor, de l'administration des
douanes et des organismes de sécurité et de prévoyance
sociale. De prime abord, l'on pourrait croire que cette règle ne leur
confère aucun avantage. Ce serait porter un jugement assez pitoyable que
d'affirmer cela. L'on sait que la brièveté des délais
accordés pour produire les créances n'est pas de nature à
favoriser les créanciers. Accorder une prorogation
96V. G. LAGARDE, dans la préface de la
thèse de Mme M-J. R. DE GENTILE, Le principe de
l'égalité entre les créanciers chirographaires et la loi
du 13 juillet 1967, éd. Sirey 1973, cité par O. KAHIL, op.
Cit. p.98.
97V. B. OPPETIT, « la décodification du
droit commercial », mélanges Rodière, P. 202 : « qui
aujourd'hui pourrait prétendre être en mesure, à l'occasion
d'une procédure collective, de dresser une liste exhaustive des
innombrables privilèges créés au fil des lois
particulières et leur appliquer un ordre de classement certain ?
»., Cité par C. LEGUEVAQUES, op.cit., p1226.
98SERLOOTEN, « Le trésor,
créancier de l'entreprise », Colloque du C.R.E.D.I.F
Toulouse, « la situation des créanciers d'une entreprise en
difficulté », Montchrestien, 1998, p. 105 et s., cité
par C. LEGUEVAQUES, idem.
L'égalité des créanciers dans les
procédures collectives en droit OHADA, Kouamo Darly Russel
à ces créanciers constitue une véritable
mesure, qui assouplit évidemment les rigueurs de la discipline
collective.
En droit français, une pareille disposition existait
déjà dans la loi du 25 janvier 1985, sauf qu'elle ne concernait
que les créances du trésor public et celles des organismes de
prévoyance et de sécurité sociale. Mais avec les
modifications intervenues avec la loi du 10 juin 1994, cette possibilité
concerne également les institutions du régime d'assurance
chômage tels que mentionnés à l'article L. 351-21 du code
du travail français99 . Renforçant cette règle
discriminatoire, la jurisprudence a jugé que l'autorité de la
chose jugée résultant d'une admission prévisionnelle pour
le montant déclaré n'est pas de nature à faire obstacle
à une déclaration complémentaire de la part de l'organisme
de prévoyance de ses créances non éteintes100.
Il est à noter ici que cette inflexion consentie au profit de ces
organismes n'est pas unanimement appréciée, parlant du fisc par
exemple, le professeur SOINNE pense qu'il doit être traité comme
tous les autres créanciers et qu'il n'y a aucune raison d'exclure
l'application du dispositif établi pour les créances
émanant de l'administration, car celles-ci ne présentent pas un
caractère plus noble que les autres101.
B-Une protection renforcée par leur
privilège.
En dépit de cette déclaration
dérogatoire, les personnes publiques à l'instar de
l'administration fiscale, l'administration douanière, les organismes de
sécurité et de prévoyance, se trouvent également en
position favorable de par l'exercice de certaines prérogatives, à
elles conférées, par leur privilège. Elles exercent ce
privilège dans les trois mois qui suivent le jugement prononçant
la liquidation102. Ceci est véritablement un assouplissement
à l'égalité.
Allant plus loin, le législateur français
prévoit qu'après le jugement d'ouverture du redressement
judiciaire, les créanciers ne peuvent plus inscrire les
hypothèques, nantissements et privilèges. Si une inscription est
néanmoins prise, par exemple par le conservateur des hypothèques,
elle sera annulée. Toutefois, le Trésor Public conserve son
privilège pour les créances qu'il n'était pas tenu
d'inscrire à la date du jugement d'ouverture et pour les créances
mises en recouvrement après cette date si elles sont
régulièrement déclarées.
99 B. BAUJET, « la situation du fisc dans le
cadre de la procédure de déclaration et de vérification
des créances », in Gaz.pal., n° 2, mars avril, 2001,
P 340.
46
100Cass. Com.
Institution de retraite interprofessionnelle des salariés Iris contre
S.A.R.L. DagotLegoff et autres, 14 janvier 1997.
101 B. SOINNE, cité par B. BAUJET, op. cit, p. 345.
102 A. KANTE, op.cit.
L'égalité des créanciers dans les
procédures collectives en droit OHADA, Kouamo Darly Russel
Enfin, l'on peut également faire état de
l'article 134 alinéa 1 de l'AUPC qui interdit en principe à
l'administration de consentir des remises ou de délais excédant 2
ans, de telle sorte que le paiement des créances fiscales,
douanières et allocations dues aux salariés est logiquement
insusceptible de remises ou de délais103. Il s'agit là
d'un souci de préserver un meilleur rendement de l'impôt, qui ne
doit pas être sacrifié au détriment de la perspective
égalitaire. Un auteur a même évoqué la
possibilité de créer un statut fiscal pour l'entreprise en
difficulté104. Les créances salariales ne sont pas
éloignées de cette posture.
Paragraphe 2 Le caractère vital des créances
salariales.
Le droit des entreprises en difficultés, qui
originellement était poussé vers la sanction du débiteur
malveillant, est aujourd'hui contrebalancé entre le paiement des
créanciers et la sauvegarde de l'entreprise ; ladite sauvegarde qui dans
une moindre mesure favoriserait la protection des salariés. Une chose
est certaine, tant le législateur français que son homologue de
l'espace OHADA, ont ménagé une part belle aux créanciers
salariaux. En effet, le salariat recouvre des réalités
sociologiques, juridiques et politiques différentes dans la mesure
où il est une arme sociale au service du politique qui vise la
stabilité de l'emploi et par-là la stabilité politique.
L'évolution du droit des entreprises en difficulté a conduit le
législateur à porter un nouveau regard tant sur la notion
d'emploi que sur les rapports vastes existant entre le droit commercial, le
droit des sûretés et le droit du travail105.Il en
résulte donc une affirmation expresse du caractère vital des
créances salariales, lesquelles marquent une différence de
traitement par rapport aux autres créances.
A- La situation des créances des
travailleurs.
Le salaire qui est donc la contrepartie d'une prestation de
service rendu, place les salariés au centre de la vie juridique de
l'entreprise à laquelle ils appartiennent. Compte tenu de son importance
dans l'environnement économique, social et politique, le
législateur communautaire a d'une part, conforté le
salarié dans son emploi et d'autre part, prévu des
103S. NANDJIP MONEYANG, op. cit, n° 44.
104SERLOOTEN, Défaillance de
l'entreprise, aspects fiscaux, Dalloz, 1999, P.185 : « un droit
fiscal des entreprises en difficultés qui participerait par
hypothèse sous le contrôle de la justice, au redressement des
entreprises défaillantes ne serait-il pas en définitive un droit
fiscal efficace, c'est-à-dire celui qui permet d'assurer à l'Etat
et aux collectivités locales les ressources financières
nécessaires à leur action d'intérêt
général ? » SERLOOTEN « un statut fiscal pour
l'entreprise en difficulté ? », Lamy droit
commercial, mise à jour C, n° 112, juin 1999, extraits de
l'intervention au colloque A.C.E. du 8 juin 1999 « Quelles reformes
pour les entreprises en difficulté ? ». V. C. LEGUEVAQUES,
op.cit. p.1226.
47
105C. MONKAM, La condition juridique du
salarié dans les procédures collectives, Université
de Douala mémoire de DEA 2005, p.21, disponible sur le lien
http://www.memoireonline.com/07/09/2370/m_La-condition-juridique-du-salarie-dans-les-procedures-collectives0.html.
Consulté le 15 décembre 2012.
L'égalité des créanciers dans les
procédures collectives en droit OHADA, Kouamo Darly Russel
dérogations à la discipline collective au profit
des créances salariales. Le législateur de l'OHADA crée
les conditions favorables à l'information, la consultation et
l'intervention des travailleurs en cas de liquidation des biens. A titre
d'exemple, l'article 29 de l'AUPC prévoit, que la juridiction
compétente peut se fonder sur les informations fournies par les
institutions représentatives du personnel et s'autosaisir. L'article 48,
alinéa 3, de l'Acte uniforme précité mentionne, pour sa
part, qu'un des contrôleurs sur les trois, lorsque la désignation
des contrôleurs est demandée par les créanciers,
représente le personnel.
Aujourd'hui, le caractère vital des créances
salariales est universellement affirmé, le législateur
français est même allé jusqu'à décider que
l'ouverture d'une procédure de redressement judiciaire ne pouvait
être décidée par le tribunal qu'après avoir entendu
ou dûment appelé en chambre de conseil les représentants du
comité d'entreprise ou à défaut, des
délégués du personnel106. Un arrêt de la
haute juridiction française 107 n'a pas hésité
à mettre à part les créanciers d'aliments, en les
dispensant de toute déclaration à la procédure collective
de leur débiteur. En dispensant les créanciers alimentaires de
déclarer leurs créances, la haute juridiction a ainsi introduit
une distinction inédite dans le principe de l'égalité
entre les créanciers. Un auteur108, pense même qu'ils
se trouvent hissés par la jurisprudence au-dessus des créanciers
antérieurs et ne subissent pas les contraintes imposées à
ces derniers. Tout compte fait, le législateur OHADA les soumet à
la déclaration, bien que celle-ci ne soit pas individuelle car elle est
effectuée par le représentant des créanciers.
B- La mise en oeuvre des mesures garantissant les
créances salariales.
Le droit moderne des entreprises en difficulté apporte
des innovations importantes au niveau de la protection du salarié,
innovations qui se résument à la sauvegarde du potentiel humain
et des activités économiques. Ces innovations assurent au sein de
la société un équilibre sur le plan économique,
social et politique. En effet, les salariés sont moins maltraités
que les autres créanciers car pour eux, l'enjeu est double : le paiement
du salarié et la sécurité de l'emploi109.Les
salariés bénéficient ainsi d'une double faveur concernant
leurs créances super privilégiées et leurs créances
globales qui font l'objet d'une protection tant dans la phase de redressement
judiciaire que de la liquidation des biens.
106 A. JACQUEMONT, Manuel de droit des procédures
collectives : Procédures d'alerte, de redressement et de liquidation
judiciaire : DECF, coll. Expertise comptable, 1997.-Epreuve n° 2, par
M. COZIAN et M. PETITJEAN : Litec, 7e éd. 1997, 265 à
289. « Le sort des salariés et des dirigeants de l'entreprise
soumise à une procédure collective », Cité par S.
NANDJIP MONEYANG, op. cit., n°79.
48
107
Cass. Com., 8 oct. 2003, R.T.D. Com. 2004,
368, obs. A. Martin-Serf.
108 R. NEMEDEU, op.cit., n° 117, p.268. 109C.
MONKAM, op. cit., p.27.
L'égalité des créanciers dans les
procédures collectives en droit OHADA, Kouamo Darly Russel
En effet, il résulte des articles 95 et 96 de l'AUPC
qu'en cas de redressement judiciaire ou de liquidation des biens, les
créances résultant d'un contrat de travail ou d'un contrat
d'apprentissage sont garanties à la fois par un privilège et par
un super privilège. Il est en outre prévu que la fraction du
salaire super privilégiée doit être payée au plus
tard dans les dix jours de l'ouverture du jugement par le syndic, avant toute
autre créance sur le premiers recouvrements du syndic. Il est
également prévu que lorsque l'avance est faite par le syndic ou
par une autre personne, celle-ci sera subrogée dans les droits des
travailleurs et devra être remboursée dès la rentrée
des fonds nécessaires sans qu'aucune autre créance puisse y faire
obstacle.
L'avant projet d'amendement de l'AUPC propose de
réécrire cette subrogation en prévoyant qu'elle pourrait
intervenir en faveur de tout organisme qui prendrait en charge tout ou partie
des salaires. C'est dans cette optique qu'il est suggéré aux
Etats parties de mettre en place un organisme pouvant prendre en charge les
salaires sans aucune dimension contraignante ; car faute d'un tel organisme, il
est toutefois probable que dans la majorité des cas ces créances
ne soient payées110. Dans les opérations de production
des créances, l'article 79 AUPC prévoit que l'éventuel
contrôleur représentant du personnel soit personnellement
informé.
Des analyses précédentes, il ressort que les
titulaires des créances salariales occupent une place de choix en cas de
procédures collectives. L'application à leur égard, des
règles particulières et dont un traitement favorable, constitue
une rupture du principe de l'égalité. L'on pourrait de ce fait
convenir avec Yves GUYON que « favoriser à tout prix les
salariés risque d'aboutir à des injustices111
», Ce qui n'est pas moindre lorsque l'on aborde les assouplissements
découlant du statut de certains créanciers.
Section II.- Les assouplissements découlant du
statut de certains créanciers.
L'égalité parfaite étant difficile
à mettre en oeuvre, l'égalité de concours des
créanciers en cas de déconfiture de leur débiteur n'en est
pas épargnée. Comme il a été constaté, c'est
une égalité à géométrie variable, en
d'autres termes, une égalité assouplie. Lesquels assouplissements
peuvent résulter du statut de certains créanciers. Il s'agit
premièrement de
110 Avant projet d'amendements à l'acte uniforme «
portant organisation des procédures collectives d'apurement du passif
», Master document-tableau de bord des amendements, note sous article 96
al. 3.
49
111Y. GUYON Droit des affaires, T2, Entreprises
en difficultés, Redressement judiciaire, Faillite 9e éd.
Paris, Economica n° 1349 et s., cité par C. MONKAM, op.cit, p2.
50
L'égalité des créanciers dans les
procédures collectives en droit OHADA, Kouamo Darly Russel
titulaires des sûretés réelles classiques
(paragraphe 1), deuxièmement des
sûretés-propriété. (Paragraphe 2)
Paragraphe 1 Le traitement préférentiel des
créanciers titulaires de sûretés réelles
classiques.
D'entrée de jeu, il faudrait clarifier le choix
opéré sur les sûretés réelles ceci dans la
mesure où elles ne sont pas les seules que peut consentir le
débiteur. Les sûretés personnelles, en cas de faillite du
débiteur, ne subissent aucune modification dans la mesure où le
créancier pourra exercer son recours contre la garantie. Alors qu'avec
les sûretés réelles, ce principe est phagocyté en
raison de l'indisponibilité qui frappe les biens du débiteur
pendant cette période, en raison de la règle de
l'égalité entre les créanciers. Ces créanciers, en
dépit de ce qu'ils disposent des droits politiques particuliers (A), se
voient être soumis à la discipline collective dans un temps
limité contrairement aux autres créanciers. (B)
A- Les droits politiques particuliers.
Les créanciers titulaires de sûretés
réelles, précisément les créanciers gagistes,
hypothécaires et nantis, ont comme tous les autres créanciers un
droit à l`information sauf qu'en cas de redressement, ils sont
personnellement informés. En effet, il est prévu à
l'article 119 de l'AUPC que le greffier les avertit immédiatement afin
qu'ils puissent faire connaître, au plus tard à l'expiration des
délais prévus à l`article 88, s'ils acceptent les
propositions concordataires ou s'ils entendent accorder des délais et
des remises différents de ceux proposés. Cette faculté
à eux accordée, rompt inéluctablement
l'égalité avec les autres créanciers. C'est sans doute
pourquoi la proposition de révision de l'acte uniforme l'a purement et
simplement écartée112. Cela s'inscrit bien
évidemment dans une vision plus égalitaire. De plus, il faut
ajouter que l'article 79 AUPC prévoit aussi qu'au cas où les
créanciers bénéficiaires de sûretés n'avaient
pas produit leurs créances dans les quinze jours de la première
insertion de la décision d'ouverture dans un journal d'annonces
légales, qu'ils puissent être avertis personnellement par le
syndic, de le faire.
112Cf. avant projet d'amendement de l'AUPC, le nouvel
article 118 proposé remplace et abroge l'actuel article 119.
L'égalité des créanciers dans les
procédures collectives en droit OHADA, Kouamo Darly Russel
B-Une soumission a la discipline collective
limitée dans le temps.
Comme l'a constaté Robert NEMEDEU, c'est l'aspect
collectif du droit de la faillite qui constitue la matérialisation de
l'égalité. Ce faisant, Règle ou technique traditionnelle
du droit des procédures collectives, l'arrêt des poursuites
individuelles apparaît comme étant l'une des manifestations
légales du principe de l'égalité entre les
créanciers antérieurs, et revêt un caractère d'ordre
public, interne et international113. A cet effet, toutes les
poursuites en principe suspendues, ne pourront éventuellement être
reprises qu'à l'issue de la procédure ouverte. Cependant, l'on
note un aménagement de cette règle en faveur de certains
créanciers garantis. Ainsi, Les articles 149 et 150 AUPC, relativement
à la réalisation des biens meubles et immeubles dans le cadre de
la liquidation des biens, autorisent les créanciers gagistes, nantis ou
hypothécaires et les titulaires de privilèges
généraux à reprendre leurs poursuites individuelles en cas
d'inaction du syndic à certaines conditions qui ressortent
respectivement des alinéas 2 et 3 des articles sus
visés114. Pourtant, les autres créanciers devront
attendre que le syndic puisse progressivement réaliser l'actif afin
d'apurer leurs dettes. Ici, l'on constate que l'acte uniforme a concilié
la volonté de laisser une certaine latitude au syndic dans la vente des
biens afin d'obtenir le meilleur prix et le souci de ne pas exposer trop
longtemps les créanciers munis des sûretés réelles
à son éventuelle inertie115.
Au demeurant, il résulte que les créanciers sus
évoqués bénéficient dans une certaine mesure des
règles assouplies de l'égalité entre tous les
créanciers, c'est dans cette perspective que leur suspension des
poursuites individuelles est limitée dans le temps. Cependant, force est
de constater que les sûretés-propriété vont au de
là de cet assouplissement procédural.
Paragraphe 2 Le principe de l'égalité
anéanti par les sûretés-propriété.
Les réformes des sûretés ont toujours des
incidences sur le droit de la faillite et ce, vice-versa. C'est dans cette
optique que l'on a du constater que les réformes intervenues en droit
OHADA des sûretés en date du 15 décembre 2010 et sous le
socle d'attractivité, ont institué des
sûretés-propriété qui sans doute, sont
imperméables face aux affres des procédures collectives.
Susceptibles de neutraliser les effets de la discipline collective (B), il
importe préalablement de cerner ces
sûretés-propriété. (A)
113Civ.1re , 19 déc.1995 : D.aff.1996, 241.
114F. THERA , op. cit.,n°272, pp 186 et 187.
51
115F. M. SAWADOGO, traité des actes
uniformes précité, note sous art. 149.
L'égalité des créanciers dans les
procédures collectives en droit OHADA, Kouamo Darly Russel
A. La consistance des
sûretés-propriété.
Les sûretés assises sur la
propriété, qui ont été introduites dans le nouvel
acte uniforme portant organisation des sûretés, sont la traduction
d'une volonté de s'arrimer à la pratique qui prévaut dans
le monde. En effet, avec la mondialisation de l'économie, aucun Etat ne
peut plus vivre en autarcie, d'où la nécessité
d'intégrer les outils universellement reconnus comme favorables au
développement des affaires. Il s'est donc agi d'instituer la
réserve de propriété, la cession de créance
à titre de garantie et le transfert fiduciaire de somme d'argent.
Autrefois contenue au sein de l'AUDCG, la clause de
réserve de propriété était usitée uniquement
dans la vente commerciale. Son statut ne faisait pas l'unanimité ;
s'agissait-il d'une garantie ou d'un simple privilège ? Le nouvel acte
uniforme l'érige expressément en sûreté. La
propriété d'un bien mobilier peut être retenue en garantie
par l'effet d'une clause de réserve de propriété qui
suspend l'effet translatif d'un contrat jusqu'au complet paiement de
l'obligation qui en constitue la contrepartie116. De plus, son champ
d'application est désormais plus élargi, elle peut
désormais figurer dans tout contrat et notamment dans le contrat
d'entreprise117.
La propriété cédée à titre
de garantie est logée à l'article 79 de l'acte
précité, « la propriété d'un bien actuel
ou futur, ou d'un ensemble de biens, peut être cédée en
garantie du paiement d'une dette, actuelle ou future, d'un ensemble de dettes
aux conditions prévues par la présente section », on y
retient ainsi la cession de créance à titre de garantie et le
transfert fiduciaire des sommes d'argent. Il faut juste retenir ici que le
législateur OHADA a fait preuve d'ingéniosité, il est
allé plus loin que son inspirateur qui est le législateur
français, en créant des sûretés ignorées par
ce dernier ; tout ceci a des grandes répercussions sur les
procédures collectives en général et plus
particulièrement sur l'application du principe de
l'égalité entre les créanciers au cours desdites
procédures .
B. La neutralisation des procédures collectives
par les sûretés-propriété.
Il est certain que les
sûretés-propriété signalent des garanties d'une
redoutable efficacité. Elles sont notamment des instruments de
contournement des procédures collectives
116 Art. 72 AUS révisé.
52
117P. CROCQ, « les sûretés
fondées sur une situation d'exclusivité et le projet de
réforme de l'acte uniforme portant organisation des sûretés
» in Droit et Patrimoine, n° 197, Novembre 2010, P
81.
L'égalité des créanciers dans les
procédures collectives en droit OHADA, Kouamo Darly Russel
d'apurement du passif des débiteurs. Raison pourquoi,
la pratique les désigne sous l'expression savoureusement imagée
de « sûretés d'évitement ».
De la lecture combinée des articles 101, 78 à 88
AUPC, il ressort que le propriétaire peut exercer son action en
revendication au cas où le débiteur est en redressement
judiciaire ou en liquidation des biens, à condition d'avoir
préalablement déclaré sa créance et de l'exercer
dans les formes et délais bien déterminés118.
Il faut en outre relever que même le conjoint du débiteur peut
intervenir dans la procédure pour revendiquer son droit de
propriété sur un bien conformément aux dispositions de
l'article 99. Si on conjugue le particularisme des actions en revendication des
créanciers avec les tempéraments à l'arrêt du cours
des intérêts et à la suspension des poursuites
individuelles, on se rend compte qu'ils constituent un volet essentiel de la
manifestation de l'application assouplie du principe d'égalité
entre les créanciers.
Mieux, l'on constate que les réformes de l'AUPC
envisagées vont jusqu'à conférer un absolutisme total aux
droits des propriétaires. Il est à cet effet prévu la
création d'un nouvel article 102-1 « Le propriétaire
d'un bien est dispensé de faire reconnaître son droit de
propriété lorsque le contrat portant sur ce bien fait l'objet
d'une publicité. Il peut réclamer la restitution de son bien par
lettre au porteur contre récépissé ou par lettre
recommandée avec demande d'avis de réception ou par tout moyen
laissant trace écrite adressée au syndic qui peut acquiescer
à cette demande. A défaut d'accord dans le délai d'un mois
à compter de la réception de la demande ou en cas de
contestation, le juge commissaire peut être saisi à la diligence
du propriétaire afin qu'il soit statué sur les droits de ce
dernier. Même en l'absence de demande préalable en restitution, le
juge-commissaire peut également être saisi à cette
même fin par le syndic. »
Ainsi, l'on constatera qu'il est même prévu
d'ériger une nouvelle procédure destinée à assurer
la célérité de ces actions en revendication119.
L'on a pu écrire à ce sujet que les
sûretés-propriété ont tendance à polluer le
caractère collectif des procédures de traitement des
118 Le créancier revendiquant doit apporter la preuve
de la propriété du bien, c'est-à-dire de l'existence du
contrat sur lequel est fondée la détention. Le bien doit exister
en nature et être individualisé, ce qui suppose que le
créancier puisse l'identifier parfaitement ; l'action en revendication
doit en outre être exercée dans un délai de trois mois
à compter de la publication dans un journal d'annonce légale, de
l'ouverture de la procédure (art. 87, al. 3 AUPC).
53
119V. Art. 102 à 106, avant projet
d'amendement à l'AUPC.
L'égalité des créanciers dans les
procédures collectives en droit OHADA, Kouamo Darly Russel
difficultés des entreprises au profit individuel de
certains créanciers bien protégés120. Dans cet
ordre de réflexion, Monsieur le professeur SOINNE trouve dans
l'introduction de sûretés-propriété un
véritable « talon d'Achille » du redressement de
l'entreprise121. Pour Mme PEROCHON, « la réserve de
propriété constitue en l'état du droit positif une
garantie hors normes, qui développe, face au débiteur soumis
à une procédure collective, l'efficacité dont sont
dépourvues les sûretés classiques, sans en avoir des
inconvénients. 122»
En somme, l'on pourrait retenir que, les clauses
légitimes de préférence mettent en branle l'application
stricte de l'égalité de créanciers dans les
procédures collectives en droit OHADA. L'on a pu constater qu'en raison
du statut privilégié ou du caractère vital de certaines
créances, des dérogations à l'interdiction des paiements
et à l'obligation de déclarer les créances, étaient
envisageables. Tout compte fait, la place du crédit dans les
procédures collectives est prépondérante. L'endettement de
l'entreprise est inévitable et parfois nécessaire. L'analyse des
sûretés offre une nouvelle occasion de poser la question du
crédit lorsque l'entreprise du débiteur n'est pas encore dans une
situation de défaillance. C'est pourquoi les créanciers
titulaires de certaines sûretés se voient également
appliquer un assouplissement des règles égalitaires. L'on
constatera néanmoins que le législateur OHADA essaye toujours de
faire un savant dosage d'équilibre entre la prise en compte des droits
individuels et le respect de l'intérêt collectif que commande
l'ouverture d'une procédure collective. En effet, le débiteur
défaillant l'est aussi bien à l'encontre des créanciers
simples que des créanciers munis de sûretés123.
C'est fort de cet état des choses que des assouplissements sont
également commandés par les motifs d'intérêts
supérieurs.
120 M. FARGE, O. GOUT, « l'impact du nouveau droit des
entreprises en difficulté sur le droit des sûretés
» in Sûretés, L. AYNES, Ph. DELEBECQUE, P. CROCQ (sous
dir.); V. Revue Lamy Droit Civil n° 58, Mars 2009, n°3.
121V. B. SOINNE, « Survie ou disparition du
droit de la faillite : L'application jurisprudentielle
de la loi du 12 mai 1980 relative à la clause de
réserve de propriété », JCP. éd. C.
I, 1982, II, 13903., cité par O. KAHIL, op.cit. p.99.
122PEROCHON, « Le vendeur de meubles,
propriétaire », colloque C.R.E.D.I.F. Toulouse, la situation
des créanciers d'une entreprise en difficulté ,
Montchrestien, 1998, p.92 et s., cité par C. LEGUEVAQUES, op. cit,
p. 1226.
54
123S. NANDJIP MONEYANG, op.cit, N° 73.
L'égalité des créanciers dans les
procédures collectives en droit OHADA, Kouamo Darly Russel
CHAPITRE II.- Les assouplissements commandés par
les motifs d'intérêts supérieurs.
L'égalité des créanciers en droit OHADA
des entreprises en difficultés, l'a-t-on dit, est le socle de
l'organisation desdites procédures. Sans l'érection de
l'égalité, les procédures collectives perdraient toute
leur valeur. Etant entendu que ces règles sont destinées à
être appliquées aux hommes, l'on note bien souvent des
infléchissements dans leur application. D'ailleurs ARISTOTE n'a-t-il pas
affirmé qu' « il n'y a pas inégalité, mais
égalité véritable à traiter inégalement des
choses inégales »; et Edouard HERRIOT ajoute qu' « il
est plus facile de proclamer l'égalité que de la réaliser
». C'est dire que l'application intangible de l'égalité
est souvent difficile à mettre en oeuvre.
Les entreprises s'inscrivent aujourd'hui dans un environnement
économique où l'on note des interdépendances. La ruine
d'une entreprise pourrait avoir inévitablement des répercussions
sur d'autres entreprises partenaires, c'est tout le système qui pourrait
être en branle. C'est fort de tout cela que le droit de la faillite
contemporain opte pour la préservation de l'activité. Au nom de
tous ces impératifs qu'un auteur a péjorativement qualifié
d'intérêt supérieur124, des assouplissements
sont apportés dans l'application de l'égalité des
créanciers dans les procédures collectives.
Dans cette perspective, d'intérêt
général125, des différences de traitement se
sont fait jour entre les créanciers, en respectant la jurisprudence du
conseil constitutionnel français qui prévoit qu'une
différence de situation objective et rationnelle126 consentie
en rapport avec l'objet ou le but établi par la loi127 peut
justifier une atteinte au principe d'égalité128. A cet
effet, la jurisprudence, la doctrine et le législateur ont
érigé au fil des temps des variabilités dans l'application
de l'égalité.
De nos jours, il est de plus en plus fait appel à la
notion de discrimination positive. La restriction au principe
d'égalité pour des motifs tirés d'intérêts
supérieurs n'est donc pas nouvelle. Le droit communautaire
européen a d'ailleurs admis que le principe d'égalité
pouvait connaître « certaines limites justifiées par les
objectifs d'intérêt général poursuivis
124Ph. DELMOTTE op.cit.
125 En matière constitutionnelle, le conseil
constitutionnel Français estime qu'il peut être
dérogé au principe d'égalité « pour des motifs
d'intérêt général qu'il appartient au
législateur d'apprécier » C.C., décision n°
86207, 25-26 juin 1986, p. 61 relative aux privatisations.
55
126 C.C. n° 83-164 du 29 décembre 1983, perquisitions
fiscales, p. 67.
127 C.C. n° 87-232 du 7 janvier 1998, Mutualisation de la
C.N.C.A., p. 67.
128 C. LEGUEVAQUES, op. cit., p.1226.
L'égalité des créanciers dans les
procédures collectives en droit OHADA, Kouamo Darly Russel
par la Communauté, dès lors qu'il n'est pas
porté atteinte à la substance des droits en cause
»129. Pour une meilleure appréhension, l'on
traitera tour à tour des assouplissements d'ordre légal et
judiciaire (section I), et des assouplissements résultant de la force de
certaines conventions. (Section II)
Section I.- Les assouplissements d'ordre légal
et judiciaire.
Le réalisme juridique commande de ne plus faire de la
règle de l'égalité un dogme. Les dérogations au
principe de l'égalité peuvent-elles ainsi, obéir à
des impératifs supérieurs, être commandées par la
raison, tandis que la stricte application du principe de
l'égalité peut engendrer la pire des iniquités. Ce
à quoi l'on a cherché à se prémunir, en instituant
des assouplissements aussi bien judiciaires (paragraphe 2) que légaux.
(Paragraphe 1)
Paragraphe 1 Les restrictions légales des droits
politiques des créanciers.
Le législateur OHADA, dans le but d'empêcher que
l'égalité des créanciers ne puisse être abusivement
utilisée au point de nuire à la tentative de sauvetage de
l'entreprise, a encadré l'exercice des droits politiques des
créanciers. Ce faisant, les droits concordataires étant
auparavant totalement libres (A), se trouvent embrigadés par l'admission
du concordat imposé. (B) Or nul ne doute que la liberté est le
corolaire de l`égalité, le déclin de l'un emporte ipso
facto le déclin de l'autre.
A- Une liberté concordataire apparente.
« Messieurs, il nous était dû à
tous en bloc un million. Nous avons dépecé notre homme comme une
frégate sombrée. Les clous, les fers, les bois, les cuivres ont
donné trois cent mille francs. Nous avons donc trente pour cent de nos
créances. Heureux d'avoir trouvé cette somme quand notre
débiteur pouvait ne nous laisser que cent mille francs, nous le
déclarons un Aristide, nous lui votons des primes d'encouragement, des
couronnes, et proposons de lui laisser son actif, en lui accordant dix ou douze
ans pour nous payer cinquante pour cent qu'il daigne nous promettre. Voici le
concordat, passez au bureau, signez-le ! » [Histoire de la
grandeur et de la décadence de César Birotteau]. C'est en
ces termes que Balzac décrit l'accord collectif auquel les
créanciers pouvaient espérer parvenir sous l'empire du Code de
commerce de 1807 ; le concordat, fruit d'un compromis130. La
liberté concordataire a été
129Cour de Justice des Communautés
européennes, 14 mai 1974, Nolc c/Commission, aff. 4-73, cité par
Ph. DELMOTTE, op. cit.
56
130 Ph. DELMOTTE, op.cit.
L'égalité des créanciers dans les
procédures collectives en droit OHADA, Kouamo Darly Russel
consacrée en droit OHADA des entreprises en
difficulté, il s'agit d'un accord entre le débiteur et ses
créanciers. Un accord qui contient les perspectives de résorption
des difficultés auxquelles fait face le débiteur. C'est dans une
vision égalitaire que tous les créanciers y sont admis, quelle
que soit la nature ou le montant de leur créance.
A l'origine, l'on y notait l'intervention d'un conciliateur
qui, sans imposer ses points de vue, recherchait juste à rapprocher les
prétentions des protagonistes afin qu'un accord soit trouvé entre
eux. Mais plus tard, l'on constatera une forte implication tant du
législateur que du juge. Tout compte fait, comme le souligne le
professeur SAWADOGO, hors mis le cas du concordat qui s'impose d'office, le
concordat sous réserve du respect de motifs d'ordre public peut
être diversement homologué en termes inégaux. L'auteur
pense que dans cette circonstance, le principe d'égalité
cède devant celui de liberté131.
B- Les restrictions de cette liberté par
l'admission d'office du concordat sous certaines conditions.
Il faut préalablement noter ici que les libertés
concordataires des parties sont désormais encadrées par le
législateur qui a chargé le juge comme étant
l'autorité à même de l'entériner. L'ont constate
aisément des dispositions de l'article 127 de l'AUPC que la juridiction
n'accorde l'homologation du concordat que si les conditions de validité
sont réunies et si aucun motif tiré de l'intérêt
collectif ou de l'ordre public ne paraît de nature à
empêcher le concordat. Tout cela constitue des restrictions aux droits
politiques des créanciers qui devraient en principe librement
déterminer les modalités de leur concordat. Le projet
d'amendement de l'AUPC va même encore plus loin en soumettant
l'homologation du concordat à la garantie effective de la
viabilité de l'entreprise et la sauvegarde par ricochet des
emplois132. Ainsi, les droits égalitaires des
créanciers sont mis en veille dans la perspective d'assurer
l'intérêt supérieur de l'entreprise.
De plus, il est prévu le cas où le concordat
s'impose automatiquement ; il s'agit du concordat qui ne comporte aucune
remise, ni des délais excédant deux ans. Toutes choses
constitutives d'assouplissements aux droits égaux des créanciers
qui devraient, comme cela se passait à l'époque, exprimer
librement leurs aspirations lors de l'adoption du concordat.
131F. M. SAWADOGO, Traité des actes
uniformes précité, 2008, P. 885.
57
132Art. 126 proposé pour remplacer l'article
127 l'on y relève comme conditions de validité du concordat : le
cas échéant les états financiers prévisionnels sur
les trois années à venir, le niveau et les perspectives d'emplois
prévisionnels ; les modalités de règlement du passif et
les garanties pour assurer l'exécution ; ainsi que plus
généralement, toutes les informations permettant d'en
apprécier le caractère réel et sérieux.
L'égalité des créanciers dans les
procédures collectives en droit OHADA, Kouamo Darly Russel
Paragraphe 2 Les prérogatives du juge.
Parmi les quatre traits caractéristiques des
procédures collectives133, l'on relève l'intervention
judiciaire qui occupe une place de choix dans lesdites procédures. Cette
implication du judiciaire est d'autant plus accentuée qu'il importe
préalablement de faire un bref aperçu là-dessus (A), ce
qui permettra d'envisager les pouvoirs étendus du juge qui peut mettre
en péril l'égalité des créanciers. (B)
A.- L'aperçu sur l'intervention Judiciaire.
Le droit OHADA a opté pour la dévolution du
traitement des difficultés des entreprises aux autorités
judiciaires. Le législateur a utilisé le vocable de juridiction
compétente qui est représentée dans les Etas par les
tribunaux d'instance, à défaut des tribunaux de commerce comme
érigés en France. C'est la juridiction compétente qui
détient la fonction de haute administration de la procédure. A
cet effet, elle prend les décisions importantes de la
procédure134. De ce fait, elle dispose du pouvoir
d'administration et du pouvoir juridictionnel.
Il y a lieu de faire état de ce qu'à coté
de la juridiction compétente, se trouve le juge commissaire,
désigné par ladite juridiction. Ce dernier chargé
d'assurer la police lors du déroulement de la procédure,
constitue en lui-même une juridiction dans la mesure où il prend
des décisions à forme juridictionnelle. Les tâches
assurées par le juge commissaire visent à satisfaire aux
exigences de célérité et d'efficacité de la
procédure. L'on a pu dire à cet effet qu'il est le chef
d'orchestre de la procédure en ce sens, il ne se présente plus,
comme par le passé, qu'en simple parapheur des décisions prises
par le syndic135. Il a désormais compétence pour
trancher toute difficulté, du moment que la loi n'a pas attribué
compétence à un autre organe. Il est ainsi élevé au
rang de juge de droit commun en droit OHADA des entreprises en
difficultés. Allant dans le sens du renforcement de ses
prérogatives et l'accentuation de son impartialité, l'avant
projet d'amendement apporte quelques légères modifications sur sa
posture136.
133Les caractères de collectivité,
l'état conflictuel, l'intervention judiciaire et l'exigence plus ou
moins de la qualité de commerçant du débiteur. V. F. M.
SAWADOGO, formation de .juristes béninois en droit OHADA
précitée p.3 et 4.
134J. DJOGBENOU, procédures collectives
d'apurement du passif, programme DESS droit des affaires et
fiscalité, Université Catholique d'Afrique de Ouest, 2010, p. 30,
inédit.
135F. DERIDA, P.GODE et J.P. SORTAIS,
Redressement et liquidation judiciaires des entreprises, rec. Dalloz.
Sirey, 2eed., 1986, p. 28, cité par F. M. SAWADOGO, Actes
uniformes commentés et annotés précité, note sous
art.39.
58
136V. art 39 avant projet d'amendements à
l'AUPC, il est prévu d'accroitre les pouvoirs du juge commissaire qui
désormais à la protection des intérêts en
présence.
L'égalité des créanciers dans les
procédures collectives en droit OHADA, Kouamo Darly Russel
C'est fort de tout ce vient d'être évoqué
que l'on verra les pouvoirs conférés aux autorités
judiciaires susceptibles d'assouplir l'égalité entre les
créanciers.
B- Les pouvoirs étendus pouvant rompre
l'égalité des créanciers.
Le législateur OHADA reconnaît l'importance du
rôle du juge en droit contemporain des entreprises en difficulté
dans le sens de la célérité, de l'efficacité et de
la moralisation qu'il est censé apporter aux procédures. Pour
illustrer la situation, certains auteurs parlent de «dirigisme
judiciaire» de «magistrature économique» de
droit judiciaire économique ou de façon plus neutre de droit
économique des entreprises en difficulté, où l'office du
juge consisterait à trancher plus en opportunité qu'en droit. En
effet, le législateur impose aux tribunaux d'opérer des choix
économiques, c'est le tribunal qui décide de l'avenir de
l'entreprise et qui fixe ses objectifs, sa décision est tenue pour
« la vérité économique de
l'entreprise»137.
Une fois la décision d'ouverture de la procédure
étant intervenue, tous les créanciers sont obligés de
produire leurs créances sous peine de forclusion. Cependant, certains
créanciers qui, ne se sont pas conformés à cette exigence
disciplinaire, pourront être relevés de la forclusion par le juge.
Il est aisé de constater que cette possibilité de relever peut
rompre l'égalité entre les créanciers. Les
procédures collectives étant un espace de cohabitation des
intérêts divergents, il aurait été opportun de ne
pas ménager une voie de réintégration aux
créanciers qui n'ont pas été assez diligents. Il est ainsi
à craindre que, dans la pratique cette faculté soit abusivement
utilisée par les juges étant entendu que la justice au sein des
états membres de l'espace OHADA ne jouit pas d'une estime sans
failles.
En outre, le juge commissaire peut aussi surseoir à la
règle de l'interdiction des paiements. Ainsi, il peut autoriser le
désintéressement d'un créancier gagiste antérieur
au jugement d'ouverture pour retirer le gage ou une chose légitimement
retenue, lorsque ce retrait est justifié par la poursuite de
l'activité. En droit français, cette faculté est aussi
admise138 . Une telle initiative est aussi envisageable avec le
créancier garanti par son droit de
59
137V. O. STAES. ; C. CHAMPAUD, L'idée
d'une magistrature économique, (Bilan de deux décennies),
Justices 1995,n°1,p.61 ; E. CHVICA, Droit privé et
procédures collectives, Doctorat et Notariat, Defrénois, p.388,
n°388 ; M. Vasseur, Le crédit menacé, Brèves
réflexions sur la nouvelle législation relative aux entreprises
en difficulté, JCP 1985,I,3201, p.30 ; H-J. NOUGEIN, ancien
président du Tribunal de commerce de Lyon, Cours de droit judiciaire
économique, Lyon3 2001-2002 : D. VOINOT, Droit économique des
entreprises en difficulté, L.G.D.J. 2007 cité par F. THERA,
op.cit. p. 87. 138 Art. L.621-24, du Code de commerce Français.
L'égalité des créanciers dans les
procédures collectives en droit OHADA, Kouamo Darly Russel
propriété. Il s'agit là une fois de plus
d'un empiètement sur la règle de l'égalité des
créanciers fondus dans la masse.
De ce qui précède, la loi et l'exercice des
prérogatives reconnues aux juridictions peuvent concourir à
l'assouplissement du sacro saint principe de l'égalité des
créanciers. Ce qui n'est pas moindre lorsque l'on analyse la force
reconnue à certaines conventions.
Section II.- Les assouplissements résultant de
la force des conventions et des opérations spécifiques.
Bien qu'il soit unanimement admis que le droit des entreprises
en difficultés constitue un droit spécial qui, dans sa mise en
oeuvre, suspend l'exécution d'autres règles juridiques, il n'en
demeure pas moins vrai qu'il est des situations dans lesquelles la force
obligatoire des conventions triomphe. L'examen de la clause pénale nous
en éclairera davantage (paragraphe 1). A coté de cela, il y a
lieu de relever des mécanismes tels la saisie attribution et la
compensation qui sont d'une certaine efficacité et constituent de ce
fait un assouplissement non négligeable à la règle de
l'égalité des créanciers (paragraphe 2).
Paragraphe 1 L'efficacité de la clause pénale
compatible avec la survie de l'entreprise.
La mise en oeuvre de certaines clauses pénales peut
restreindre l'application de la règle égalitaire. (B) Pour mieux
comprendre cela, il importe préalablement de cerner la clause
pénale. (A)
A- La Notion de clause pénale.
Les contractants dans une affaire peuvent anticiper sur les
difficultés susceptibles de survenir lors de l'exécution du
contrat. En ce sens, ils peuvent fixer les condamnations éventuelles qui
seront dues par le contractant défaillant. C'est dans cette optique que
s'inscrit la clause pénale pouvant être insérée dans
une convention. C'est en fait une clause comminatoire en vertu de laquelle un
contractant s'engage en cas d'inexécution de son obligation principale,
ou en cas de retard dans l'exécution, à verser à l'autre
une somme forfaitaire à titre de dommages
intérêts139. Ainsi, les dommages-intérêts
dus par le débiteur en cas de défaillance sont
évalués par avance140. Il y a lieu de mentionner ici
que cette clause pénale est totalement différente des
condamnations éventuelles prononcées par les juridictions
139 G. CORNU, op.cit.
60
140F. TERRE, Ph. SIMLER et Y. LEQUETTE, Droit
civil, Les obligations, Dalloz, 8e éd.,2002, P 604,
n°621
L'égalité des créanciers dans les
procédures collectives en droit OHADA, Kouamo Darly Russel
pénales, lesquelles s'imposent et ne subissent pas les
affres du droit de la faillite, en raison de l'autonomie du droit pénal,
comme indiqué à l'article 9 de l'AUPC.
Les clauses pénales ont longtemps été
usitées en droit des affaires, elles sont un gage de
célérité dans la résolution des difficultés
pouvant survenir dans un contrat. Cependant, il est à noter qu'elles
connaissent un déclin. L'on a ainsi parlé de la « crise
de la clause pénale ». Ceci résulterait des
excès qui ont été constatés dans son utilisation.
Toutes choses qui ont poussé le législateur à y
intervenir. Désormais le pouvoir est reconnu au juge relativement au
contrôle desdites clauses. Il peut les modérer ou même les
aggraver. Avec le développement du consumérisme, il est
même envisagé un refoulement important des clauses
abusives141 .
Cette évaluation judiciaire des dommages et
intérêts prête à équivoque dans la mesure
où il est expressément reconnu que l'ouverture des
procédures collectives entraine l'arrêt du cours des
intérêts. L'on se pose donc la question relativement à la
clause pénale, qui bien que étant fixée
préalablement, ne sera liquidée que lors de l'inexécution.
Etant entendu que le passif du débiteur doit être gelé,
quel serait le sort de la clause pénale ? Son admission ne
romprait-telle pas avec la règle de l'égalité entre les
créanciers ?
B- La mise en oeuvre de la clause pénale dans
les procédures collectives.
L'arrêt, à l'égard de la masse, du cours
des intérêts pour les créances chirographaires ou garanties
par un privilège général, permet de cristalliser le passif
du débiteur. De plus, on y voit une portée morale dans la mesure
où le principal se trouve menacé, il est logique que l'accessoire
n'ait plus sa place. Concernant la clause pénale, l'arrêt
prononcé le 19 avril 1985 par la chambre commerciale ne manque pas
d'être cité car il traduirait la permanence et la vivacité
de la règle de l'égalité dans le droit positif. Il est
vrai que cette décision énonçait avec force que la clause
d'un contrat de prêt, en ce qu'elle prévoit la majoration des
obligations du débiteur dans le cas où il serait mis en
règlement judiciaire ou en liquidation des biens, porte atteinte
à la règle d'ordre public de l'égalité des
créanciers et ne peut donc produire effet142. Ainsi, il
s'agissait là d'un refoulement de la clause pénale.
Cependant, l'on n'est pas sans ignorer qu'à l'image de
ses homologues français et belge, le législateur OHADA a
posé le principe de continuation des contrats en cours en cas
61
141 Idem, n° 626, p. 608. 142Ph. DELMOTTE, op.
cit.
L'égalité des créanciers dans les
procédures collectives en droit OHADA, Kouamo Darly Russel
de redressement, à l'exception de ceux conclus intuitu
personae. L'on se demande donc s'il est logique d'exclure l'application de la
clause pénale contenue dans un contrat, afin se préserver
l'égalité. Une telle solution serait sans aucun doute
rejetée par le créancier bénéficiaire de cette
clause. Pour pallier à cette impasse, il est Désormais, admis que
le maintien des contrats en cours est la règle, l'administrateur
judiciaire ou le débiteur avec l'autorisation du juge-commissaire, dans
la procédure simplifiée, ayant seul la faculté d'exiger
l'exécution de ces contrats.
Mais quelle que soit la décision prise, l'article
L.621-28 du code de commerce français n'interdit pas le jeu des clauses
sanctionnant l'inexécution, la règle d'égalité
entre les créanciers ne fait pas obstacle automatiquement à
l'application d'une clause pénale. La seule exigence posée par le
législateur est d'imposer au créancier de déclarer sa
créance de dommages et intérêts ou au titre de la clause
pénale, afin que le choix sur la poursuite du contrat soit libre. Dans
un arrêt du 11 mai 1993 (Bull. n° 181), la chambre commerciale a
précisé que le principe de l'égalité des
créanciers ne s'oppose à la validité, au regard de la
procédure collective, d'une clause pénale convenue entre un
créancier et le débiteur antérieurement à
l'ouverture de la procédure collective, que lorsqu'il résulte de
cette clause une majoration des obligations du débiteur envers le
créancier en cas de prononcé de son redressement judiciaire.
Ces solutions ont été réaffirmées
à plusieurs reprises143, concernant un contrat d'affiliation
poursuivi à l'initiative de l'administrateur judiciaire puis
résilié par celui-ci144, concernant les
indemnités d'exigibilité anticipée de prêts
déclarées par un organisme prêteur au passif d'une
liquidation judiciaire.
Il est donc interdit au créancier de se ménager
un sort préférentiel du seul fait de la survenance d'une
procédure collective ; mais rien ne l'empêche de prévoir
une clause d'indemnisation pour rupture anticipée du contrat, à
charge pour lui de déclarer cette créance au passif de la
procédure collective. En conséquence, les stipulations
contractuelles prévalent et permettent de conférer aux
créanciers des avantages substantiels, à la condition de
peaufiner la rédaction des clauses pénales.145.
143 Com. 3 mai 1994, Bull. n° 163, idem.
62
144 Com. 9 mai 1995 Bull. n° 132, ibidem.
145Ph. DELMOTTE op.cit.
63
L'égalité des créanciers dans les
procédures collectives en droit OHADA, Kouamo Darly Russel
Par ailleurs, il a été jugé que la clause
pénale qui n'a pas pour effet d'aggraver le sort de l'entreprise,
pourrait valablement être exécutée146.
En droit belge, l'on admet Une clause pénale, pour
autant qu'elle présente un caractère indemnitaire147,
si son exigibilité n'est pas stipulée uniquement pour le fait de
la faillite148 mais en raison du non paiement de la dette si elle
est antérieure à la faillite et ne résulte pas uniquement
de la décision de faillite, ou, en raison d'une résolution
anticipée même si celle-ci est la suite conventionnelle d'une
faillite149. Au demeurant, la clause pénale assouplit
l'égalité entre les créanciers. Il convient à
présent de s'appesantir sur la compensation et la saisie attribution.
Paragraphe 2 l'efficacité de la compensation et de
la saisie attribution.
L'étude de la compensation (A) précèdera
celle relative à l'efficacité de la saisie attribution. (B)
A- Une compensation relativement admise.
Parlant de l'extinction des obligations, Pothier écrit
qu'« il est évident que celui qui a accompli son obligation en
est quitte et libéré, d'où il suit que le paiement
réel qui n'est autre chose que l'accomplissement de l'obligation, est la
manière la plus naturelle dont les obligations peuvent s'éteindre
»150 . L'obligation s'éteint donc dès lors
que le créancier est satisfait, c'est-à-dire que la prestation,
objet du rapport d'obligation entre son débiteur et lui est accomplie
par le premier. Le paiement est le seul procédé habile à
procurer au créancier la satisfaction réellement attendue,
puisque consistant dans l'exécution effective et attendue de la
prestation. Mais à coté du paiement, l'on note l'existence
d'autres modes d'extinction qui de façon indirecte, concourent à
la satisfaction du créancier. La compensation figure parmi ces
procédés.
146Cass . Com., 5 janvier 1999, Gaz. Pal, Rec.
1999, panor. Cass. P. 70 et p. 75, jurisdata n° 000131, cité par C.
LEGUEVAQUES, op.cit., P1227.
147 Liège, 06 janvier 1997, J.L.M.B. 1999 p. 729.
148 Mons, 09/01/1991, J.L.M.B. 1991, p.1390.
149V. I .VEROUGSTRAETE, Manuel de la faillite
et du concordat, 2003, n°495, 527 p.p. 302, 333, cité par
WILLEMS, Le sort des créanciers en cas de faillite, disponible
sur le lien
www.juridat.be/tribunal_commerce/verviers/faillites/willens.pdf,
consulté le 05 mars 2013 à 18h33.
150M. Merlin, OEuvres de POTHIER, les
traité du droit français, Paris, nouvelle éd. Tome
1er, Librairie de Jurisprudence de J.P. RORET, 1830, n°494,
p.154 disponible sur le lien
www.books.goolge.bj,
consulté le 09 mars 2013 à 12h 15.
L'égalité des créanciers dans les
procédures collectives en droit OHADA, Kouamo Darly Russel
La compensation trouve son siège à l'article
1289 du code civil qui dispose : « la compensation s'opère de
plein droit par la seule force de la loi, même à l'insu des
débiteurs ; les deux dettes s'éteignent réciproquement,
à l'instant où elles se trouvent exister à la fois,
jusqu'à concurrence de leurs quotités respectives».
Elle est le mode d'extinction de deux dettes réciproques
jusqu'à la concurrence de la plus faible. Etant entendu qu'en droit
OHADA des entreprises en difficultés, triomphe la règle de
l'interdiction des paiements, l'on se demande si la compensation peut
être usitée. Son admission ne constituera-t-elle pas une entorse
à l'égalité des créanciers ?
Il faut déjà relever que l'article 68 de l'AUPC
exclut la compensation antérieure au jugement des inopposabilités
de droit. Ce qui suppose qu'elle pourrait valablement se faire. Quant à
la compensation des dettes soumises à l'égalité
après le jugement, le législateur ne l'a pas expressément
interdit, cela découle de l'interdiction des paiements. En droit
français, la cassation a jugé que la compensation pouvait
s'opérer après le jugement d'ouverture pour une dette
antérieure, à condition que les deux obligations soient
liées par un lien de connexité151 et par la suite, le
législateur est venu expressément confirmer la compensation
bilatérale des dettes connexes152. Pour le professeur
SAWADOGO, la lecture combinée des articles 68, 102 et 109 AUPC,
conduirait à conclure que le législateur OHADA est favorable
à la compensation. Ceci d'autant que l'article 109 autorise le juge dans
certains cas à y recourir pour sauvegarder l'exécution des
contrats en cours.
Tout ceci constitue indubitablement un assouplissement
à la démarche égalitaire consacrée en droit OHADA.
Qu'en est-il de la saisie attribution ?
B- Une saisie attribution efficace.
De manière quasi-universelle, les droits des
créanciers dans une procédure collective sont limités et
encadrés. En effet, l'intérêt même d'une
procédure collective réside dans l'organisation d'un recours
collectif exercé par les créanciers à l'encontre du
débiteur afin de maintenir un aspect « civilisé
» dans le recouvrement des créances mises en
jeux153.De ce fait, toutes les tentatives individuelles de
recouvrement sont arrêtées car la procédure se trouve
désormais conduite par le syndic, lequel s'assurera de garantir
l'égalité entre les créanciers. Il
151 Com., 19 mars 1991, Bull. cass., 4, n° 105, RJDA,
1991, 546, Rev. Dr. Banc., 1991, 155, obs. M.J.A.et CALENDINI, cité par
F.M. SAWADOGO, traité des actes uniformes précité, note
sous art 53.
64
152Art. 24 de la loi n° 94-475 du 10 juin 1994
relative à la prévention et au traitement des difficultés
des entreprises, modifiant et complétant l'article 33, alinéa 1
nouveau de la loi 85-98 du 25 janvier 1985 relative au redressement et à
la liquidation judiciaires des entreprises. 153J.Ph. MASLIN,
op.cit.p.18.
L'égalité des créanciers dans les
procédures collectives en droit OHADA, Kouamo Darly Russel
n'est aucun doute qu'une fois le la décision de
suspension des poursuites individuelles intervenue, même la saisie
attribution ne pourrait plus être faite. Cependant, l'on essayera de
mener une réflexion sur l'efficacité réelle de cette
saisie en cas de déconfiture du débiteur. Il s'agit plus
précisément de l'étudier à l'image d'autres saisies
totalement dénuées d'efficacité en cas de survenance de
procédure collective.
S'il est aisé de constater que les opérations de
saisies sont échelonnées dans le temps et marquées par un
formalisme impératif, l'on constate tout de même que pour ce qui
est de la saisie attribution, l'échelonnement est assez limité.
En effet, au terme de l'article 154 de l'AUVE, il est expressément dit
que l'acte de saisie emporte attribution immédiate des sommes saisies au
profit du saisissant. Ce qui les rend par ricochet indisponibles. Contrairement
aux autres saisies où après avoir saisi, il faut les
opérations de vente et d'autres créanciers peuvent venir en
concours avec le saisissant au point où il ne se tire qu'avec les
résidus. L'on constate dès lorsque la saisie attribution
effectuée avant le jugement d'ouverture est d'une efficacité
remarquable contrairement aux autre saisies qui sont arrêtées tant
que la distribution n'a pas eu lieu.
Ainsi, un créancier qui a démarré avec sa
saisie, autre que celle attributive, bien avant que les difficultés ne
surviennent, verrait sa procédure être suspendue s'il n'est pas
encore rentré en possession des fonds issus de la vente. Par contre, un
autre créancier qui, bien que conscient des difficultés de
l'entreprise, a initié une saisie attribution, se trouverait satisfait.
Telle est la position du législateur français qui à
l'article 43, alinéa 2 de la loi n° 91-650 du 9 juillet 1991
portant réforme des procédures civiles d'exécution, admet
que la survenance d'une procédure collective ne remet pas en cause une
saisie attribution antérieurement opérée. La jurisprudence
s'est même refusée d'annuler la saisie attribution
pratiquée par un créancier qui connaissait l'état de
cessation des paiements au moment de sa saisie154.
En droit uniforme, la réécriture
envisagée de l'article 75 AUPC dispose que la décision
d'ouverture arrête ou interdit également toute procédure
d'exécution de la part des créanciers tant sur les meubles que
sur les immeubles ainsi que toute procédure de distribution n'ayant pas
produit un effet attributif avant la décision d'ouverture. Il s'agit
là d'une reconnaissance expresse de la suprématie de la saisie
attribution comme mode de recouvrement. Reste donc aux créanciers de la
mettre en oeuvre afin d'éviter les caprices liés à la
discipline commune imposée à la masse.
65
154 C. LEGUEVAQUES, op. cit., p.1226..
L'égalité des créanciers dans les
procédures collectives en droit OHADA, Kouamo Darly Russel
CONCLUSION GENERALE
Le monde des affaires est une jungle où
s'échinent les intervenants pour assurer la défense des
intérêts divergents et souvent difficiles à concilier.
C'est dans ce registre qu'intervient le droit des entreprises en
difficultés. Il s'agit du droit de la maladie, du traitement de la
maladie et aussi de l'inhumation des entreprises le cas échéant.
En raison de l'importance que ces entreprises occupent au sein de la
société, ledit droit s'avère être rigoureux, c'est
en quelque sorte un droit d'exception qui vient suspendre l'application des
autres droits. Certains estiment que le droit des procédures collectives
est ainsi comparable à« l'état d'urgence, qui suspend
l'application des lois habituelles jusqu'au rétablissement de l'ordre
républicain »155. En raison de tout cela, ses
règles impératives s'appliquent directement et quelquefois
rétroactivement. Tel est le cas de l'égalité des
créanciers qui a fait l'objet de la présente étude.
C'est en droit des entreprises en difficultés que les
enjeux sont les plus graves et que les règles les plus strictes doivent
être érigées Le principe de l'égalité doit
ainsi dominer ledit droit dans l'espace OHADA. L'on a ainsi pu constater que ce
principe soumet tous les créanciers antérieurs au jugement
d'ouverture à une discipline collective. Le caractère de
l'égalité apparaît dans le fonctionnement même de la
procédure. En effet, la procédure est collective et elle
rassemble donc l'ensemble des créanciers en leur reconnaissant un
intérêt collectif. Ils doivent subir de façon aussi
égale que possible les conséquences de cette procédure.
Cette règle, avait par ailleurs été reconnue par la
cassation comme étant un principe d'ordre public aussi bien aux plans
interne qu'international. Dans un contexte de réforme du droit des
sûretés avec un renforcement des garanties et l'érection de
nouvelles sûretés, il a été opportun
d'étudier la vivacité de ce principe. Ceci d'autant que le droit
OHADA des procédures collectives est en voie de réformation. L'on
s'est ainsi demandé si ce principe demeurait effectif ou s'il
était en déclin.
Ce faisant, l'on a relevé qu'en dépit de son
fondement tant juridique que moral, ce principe se justifiait d'une
finalité technique et économique. Essayant de mieux
66
155 Y. GUYON, « Le droit des contrats à
l'épreuve du droit des procédures collectives »,in
Mélanges J. GHESTIN, « Le contrat au début du XXIe
siècle », L.G.D.J., 2001, p. 405, cité par N. STAGNOLI
op.cit. p.8.
L'égalité des créanciers dans les
procédures collectives en droit OHADA, Kouamo Darly Russel
l'appréhender, l'on est parti de l'affirmation expresse
par le législateur de son applicabilité, chose qui s'est traduite
par la constitution de la masse et la soumission à une discipline
collective. Par la suite, l'on a démontré que l'application du
principe faisait preuve d'assouplissements ; lesquels découlaient
tantôt des clauses légitimes de préférence,
tantôt des motifs d'intérêts supérieurs. La
discipline collective, que l'application de l'égalité implique,
présente ainsi des atténuations en raison du traitement
particulier que l'Acte Uniforme accorde à certains créanciers.
Cette situation a conduit un auteur à faire observer que «tous
les créanciers étaient égaux mais que certains
étaient plus égaux que d'autres»156. Plus
récemment, le constat de la multiplication croissante des causes
légales de préférence, a poussé un autre à
s'exprimer en ces termes : «l'on parlerait toujours
d'égalité, mais il s'agirait d'une égalité
formelle, qui laisse subsister des inégalités entre les
créanciers »157.
Au demeurant, l'on s'interroge sur la portée de ce
principe dans la réalisation des objectifs visés par le
législateur OHADA. Il est évident qu'à trop vouloir
préserver l'entreprise au détriment des créanciers, on
risque de décourager le crédit en général.
Inversement, le sauvetage d'une entreprise nécessitera des efforts de la
part des créanciers au risque pour eux de tout perdre en
définitif, et trop favoriser les créanciers risquerait de
décourager l'initiative individuelle. Or l'histoire des
évolutions législatives n'est constituée que de ce
conflit, la balance penchant d'un côté ou de l'autre au fur et
à mesure des réformes. Un auteur a pu ainsi dire que, l'on
constate constamment « entre les sûretés et les
procédures collectives quelque chose de la vieille rivalité entre
le canon et la muraille. Chaque fois qu'un édifice est levé...les
créanciers cherchent un moyen de contourner l'obstacle ou d'y
pénétrer. »158.
Il serait assez audacieux de dénier totalement
l'utilité de cette règle égalitaire. Ce serait porter un
jugement assez pitoyable. Cependant, l'on pourrait prétendre à
une réorganisation de cette égalité afin de la
revitaliser. Ce faisant, l'on pourrait, à l'image du droit
américain, constituer les comités des créanciers. Ces
regroupements devraient correspondre à une classification des
créances et des intérêts à agir ; il pourrait s'agir
par exemple des classes de créanciers chirographaires, des classes des
créanciers privilégiés, des classes des
créanciers
156 SORTAIS, R.T.D. Com., 1976, p. 269, cité par F. THERA
op.cit. p.190.
157R. NEMEDEU, op.cit, n°121, p. 270.
67
158 J-L. VALLENS publicité et information en
matière de sûretés LPA 20 septembre 2000 n°18,
cité par B. CLEMENCE, op. cit, p.12.
161Idem, chap.2.
68
L'égalité des créanciers dans les
procédures collectives en droit OHADA, Kouamo Darly Russel
gagistes...Il doit exister autant de classes que de
créances singulières159. Cela devrait sans aucun doute
renforcer les liens entre ces créanciers, ce qui serait favorable
à l'érection de l'égalité au sein des
différentes classes, lesquelles seraient également égales
les unes par rapport aux autres.
Comme l'a relevé STANKIEWICZ MURPHY cette contrainte
imposée aux créanciers au sein des classes est une garantie que
les créanciers seraient traités de manière égale et
que les résultats de la procédure auront les mêmes effets
sur chaque créancier de la classe concernée. Ainsi, l'on aura un
traitement non discriminatoire à l'intérieur de chaque
catégorie. Ce qui permettra de mettre fin à la
précarité d'une masse unique des créanciers, avec un
représentant unique d'intérêts différents, sinon
contradictoires, et une égalité parfaite entre tous ces
créanciers.
Cette solution pourrait heurter les sensibilités dans
la mesure où d'aucuns pourraient y voir une dégradation des
droits des créanciers chirographaires qui ont d'ailleurs
été traités de véritables fantassins. Un
auteur160 s'interroge en ce sens, a quoi bon, se demande-t-on,
prétendre protéger les créanciers chirographaires et
proclamer que l'égalité est l'âme des procédures
collectives, si le curateur n'est plus qu'un répartiteur des
créances privilégiées ? L'on envisagera donc comme l'a
suggéré MUSHAGALUSA NTAKOBAJIRA161, d'instituer une
part réservataire aux créanciers chirographaires, ce qui
profitera à leur classe et rétablirait ainsi une
égalité parfaite entre toutes ces classes. L'on ne devrait pas
oublier qu'eux aussi ils ont contribué à l'enrichissement du
patrimoine du débiteur ; mieux, ils lui ont fait une confiance sans
faille sans lui réclamer les sûretés, ce qui l'a surement
placé à l'abri du stress causé par les créanciers
garantis. Pour cela, la part belle mérite d'être faite aux
chirographaires et ce dans le souci de pérenniser le sacro saint
principe de l'égalité des créanciers en perte de
vigueur.
159S. STANKIEWICZ MURPHY, L'influence du droit
américain de la faillite en droit français des entreprises en
difficultés, vers un rapprochement des droits ? Thèse de
doctorat de droit de l'université de Strasbourg, 26 mars 2011, p. 61.
160 V. M. BELLAMY, « Malaise et
déséquilibre du droit du crédit en France »,
JCP, 1974, I, n° 2650, 3, cité par
J. MUSHAGALUSA NTAKOBAJIRA, op.cit. note de bas de page
n°4.
69
L'égalité des créanciers dans les
procédures collectives en droit OHADA, Kouamo Darly Russel
BIBLIOGRAPHIE
I- OUVRAGES
+ GUYON (Y.), Droit des affaires, T2,
Entreprises en difficultés, Redressement judiciaire, Faillite
9e éd., Paris, Economica 2003, 484p.
+ JEANTIN (M.), Droit
commercial : Instruments de paiement et de crédit, Entreprises en
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+ ROLAND (H.) et
BOYER (L.), Adages du droit
français, Paris, 3e éd., Litec, 1992, 1028p.
+ SAWADOGO (F.M.), «
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commentés et annotés 3e éd., France,
Juriscope, 2008-Mise à jour 2011, 1072p.
+ SOINNE (B.),
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+ TERRE (F.), SIMLER
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8e éd, Paris, Dalloz,.,2002, 1438p.
II-THESES
+ CORRIGNAN-CARSIN (D.),
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+ KAHIL (O.),
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70
71
L'égalité des créanciers dans les
procédures collectives en droit OHADA, Kouamo Darly Russel
l'OHADA, thèse, Université catholique
de Louvain, 2006. Troisième partie, disponible sur le lien
http://hdl.handle.net/2078.1/4693.
+ STANKIEWICZ MURPHY (S.),
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Doctorat, mention Droit des affaires, Université Jean Moulin Lyon 3,
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III- MEMOIRES
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Mai 2006, Université Paris II Panthéon Assas, 95p.
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II Professionnel Droit Maritime et des Transports à la faculté de
droit et de science politique d'Aix-Marseille Université Paul
Cézanne, centre de droit maritime et des transport année
universitaire 2009/2010, 100p.
+ MONKAM (C.), La condition juridique du
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de Douala - mémoire de DEA 2005, extraits disponibles sur le lien
http://www.memoireonline.com/07/09/2370/m_La-condition-juridique-du-salarie-dans-les-procedures-collectives0.html.
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mémoire de maitrise en droit des affaires soutenue le 06 Novembre 2009
à la Faculté de droit, d'économie, de gestion et de
SOCIOLOGIE de l'université d'ANTANANARIVO, résumé
disponible sur le lien
http://theses.recherches.gov.mg/pdfs/rakotoarisoaNanjaharivonjyF_DT_M1_09.pdf
+ STAGNOLI (N.), les
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Université Robert Schuman de Strasbourg. Année universitaire
2002-2003, 108p.
IV- ARTICLES ET RAPPORTS
+ BAUJET (B.), « la
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palais, n° 2, mars avril, 2001, p.339 à 346.
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procédures collectives en droit OHADA, Kouamo Darly Russel
+ CROCQ (P.), « Les
sûretés fondées sur une situation d'exclusivité et
le projet de réforme de l'acte uniforme portant organisation des
sûretés », in Droit et Patrimoine, n° 197,
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+ DELMOTTE (Ph.), «
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.
+ DJOGBENOU (J.) «
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+ DJOGBENOU (J.) et
DECKON (F.), « La pratique des garanties
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organisation des sûretés », formation organisée
à la chambre des notaires du Benin 12 et 13 août 2011 à
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+ FARGE (M.) et
GOUT (O.), « l'impact du nouveau droit des
entreprises en difficulté sur le droit des sûretés »
in Sûretés, AYNES (L.),
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n° 58, Mars 2009, P 25 à 33.
+ GEORGES (F.), «
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2009, p321 et s.
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+ LEGUEVAGUES (C.) «
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+ MODI KOKO BEBEY (H.D.),
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14.
+ NANDJIP MONEYANG (S.),
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+ NEMEDEU (R.), « Le principe
d'égalité des créanciers : vers une double mutation
conceptuelle », RTD com. avril/juin 2008, p. 241
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Etude des actes uniformes de l'OHADA portant sur l'organisation des
procédures simplifiées de recouvrement et des voies
d'exécution et sur l'organisation des
72
L'égalité des créanciers dans les
procédures collectives en droit OHADA, Kouamo Darly Russel
procédures collectives d'apurement du passif, formation
de .juristes béninois en droit OHADA » (Magistrats, Groupe Ill) du
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inédit.
V- LEXIQUES ET DICTIONNAIRES
+ CORNU (G.), (Sous. Dir.),
Vocabulaire juridique, Paris, 8ème édition,
PUF, 2007, 986p.
+ JOSETTE RAY DEBOVE et ALAIN REY
(Sous. Dir.), Le nouveau petit Robert, Paris, dictionnaires
le Robert, Nouvelle édition, 2552p.
VI- SOURCES LEGISLATIVES
+ Acte Uniforme portant Organisation des Sûretés,
J.O. OHADA n° 22 15/02/2011, p1 et s.
+ Acte uniforme portant organisation des procédures
simplifiées de recouvrement et voies d'exécution, J.O. OHADA
n° 6, 01/06/1998, p. 1 et s.
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collectives et d'apurement du passif, J.O. OHADA n°7, 01/07/1998, p. 1 et
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+ Code civil.
VII-JURISPRUDENCES
+
Cass.com., 16 juin 1998, J.C.P. (E) 1998,
1795.
+ Com. 8 juin 1999 JCP E 2000 n°4 p131.
+ Cass. Civ.2, 28 janvier 1954, Dalloz 1954, 217.
+
Cass. Com., 17 janvier 1956, Dalloz 1956,
265.
+
Cass. Com., 19 avril 1985, Bull. civ.,
1985, IV, n° 120.
+ Cass. 1er civ, 2004, Bull. Civ, 2004, I, N°215.
+
Cass. Com ,6 dec. 1994, Bull. civ 1994,
IV, N° 361.
+ C. Paris, 25 juin 1996, JURISDATA n° 022505.
+ C. Grenoble, 13 mars 1997, Jurisdata n° 044154.
+
Cass. Com, 10 jan 2006, n° 04-18-395,
n°11D, caisse fédérale de crédit mutuel du Nord
Europe c/ Abbadie ès qual. Ets.
+
Cass. Com., 6 févr. 2001. Bull. VI.
N° 31, p. 29.
73
L'égalité des créanciers dans les
procédures collectives en droit OHADA, Kouamo Darly Russel
+
Cass. Com., 8 oct. 2003, R.T.D. Com. 2004,
368.
+ Civ.1re , 19 déc.1995 : D.aff.1996, 241.
+ C.C., décision n° 86-207, 25-26 juin 1986, p. 61
relative aux privatisations.
+ C.C. n° 83-164 du 29 décembre 1983,
perquisitions fiscales, p. 67.
+ C.C. n° 87-232 du 7 janvier 1998, Mutualisation de la
C.N.C.A., p. 67.
+ Com. 3 mai 1994, Bull. n° 163.
+ Com. 9 mai 1995 Bull. n° 132.
+ Cass . Com., 5 janvier 1999, Gaz. Pal, Rec. 1999.
+ Com., 19 mars 1991, Bull. cass., 4, n° 105, RJDA, 1991,
546, Rev. Dr. Banc., 1991, 155.
VIII-WEBOGRAPHIE
+ Microsoft ® Encarta ® 2009. (c) 1993-2008 Microsoft
Corporation. +
www.juridat.be/tribunal_commerce/verviers/faillites/willens.pdf.
+
www.courdecassation.fr
+
www.ohada.com
+
www.books.goolge.bj
74
75
L'égalité des créanciers dans les
procédures collectives en droit OHADA, Kouamo Darly Russel
TABLE DES MATIERES
AVERTISSEMENT i
Dédicaces ii
Remerciements iii
SIGLES ET PRINCIPALES ABREVIATIONS iv
Sommaire v
INTRODUCTION 1
PREMIERE PARTIE : UNE APPLICABILITE AFFIRMEE 8
CHAPITRE I : L'affirmation par la constitution de la masse
11
SECTION 1 : La détermination des créanciers
composant la masse 12
PARAGRAPHE 1 : L'exclusivité des créanciers
antérieurs au jugement d'ouverture 13
A- La prise en compte du fait générateur de la
créance 13
B- La prise en compte du caractère régulier de
la créance 14
PARAGRAPHE 2 : Une détermination justifiée
15
A - Les justifications juridiques et morales 15
B - Les justifications techniques 16
SECTION 2 : L'expression de la masse représentée
par le syndic 17
PARAGRAPHE 1 : La dévolution des prérogatives
des créanciers au syndic 18
A : - Le statut du syndic 18
B - Les missions du syndic 19
PARAGRAPHE 2 : Le statut et prérogatives de la masse
des créanciers 20
A - La personnalité morale de la masse 20
B - L'hypothèque légale de la masse 21
CHAPITRE 2 : L'affirmation par l'assujettissement à une
discipline collective 23
SECTION 1 : Les droits imposés aux créanciers
sur la base égalitaire 24
PARAGRAPHE 1 : Les droits des créanciers 24
A- Les droits dans le déclenchement : action en
déclaration de faillite 24
B - Les droits dans le déroulement 25
PARAGRAPHE 2 : Les Mécanismes de protection des droits
des créanciers 26
A- Les Inopposabilités obligatoires 26
B - Les inopposabilités facultatives 27
SECTION 2 : Les contraintes octroyés aux
créanciers sur la base égalitaire 28
PARAGRAPHE 1 : Le gel du passif du débiteur 29
L'égalité des créanciers dans les
procédures collectives en droit OHADA, Kouamo Darly Russel
A- La Suspension de poursuites individuelles 29
B - L'interdiction des inscriptions et l'arrêt du cours
des intérêts 30
PARAGRAPHE 2 : Les obligations de production
vérification et admission des créances 31
A - L'obligation de déclaration des créances
31
B - La vérification et l'admission des créances
32
CONCLUSION PARTIELLE 34
SECONDE PARTIE : Une application assouplie 35
CHAPITRE I : Les assouplissements tenant à l'existence
d'une cause légitime de préférence 38
SECTION 1 : Les Assouplissements découlant de la nature
de certaines créances 38
PARAGRAPHE1 : Le statut privilégié des
créances des administrations publiques 39
A- Un Particularisme dans leurs déclarations de
créances 39
B- Une protection renforcée par leur privilège
40
PARAGRAPHE 2 : Le caractère vital des créances
salariales 41
A- La situation des créances des travailleurs 41
B - La mise en oeuvre des mesures garantissant les
créances salariales 42
SECTION 2 : Les assouplissements découlant du statut de
certains créanciers 43
PARAGRAPHE 1: Le traitement préférentiel des
créanciers titulaires de sûretés réelles classiques
44
A - Les droits politiques particuliers 44
B - Une soumission a la discipline collective limitée
dans le temps 45
PARAGRAPHE 2 : Le principe de l'égalité
anéanti par les sûretés-propriété 45
A- La consistance des
sûretés-propriété 46
B - La neutralisation des procédures collectives par
les sûretés-propriété 46
CHAPITRE 2 : Les assouplissements commandés par les
motifs d'intérêts supérieurs 49
SECTION 1 : Les assouplissements d'ordre légal et
judiciaire 50
PARAGRAPHE 1 : Les restrictions légales des droits
politiques des créanciers 50
A- Une liberté concordataire apparente 50
B - Les restrictions de cette liberté par l'admission
d'office du concordat sous certaines conditions 51
PARAGRAPHE 2 : Les prérogatives du juge 52
A - L'aperçu sur l'intervention Judiciaire 52
B - Les pouvoirs étendus pouvant rompre
l'égalité des créanciers 53
SECTION 2 : Les assouplissements résultant de la force
des conventions et des opérations
spécifiques. 54
PARAGRAPHE 1 : L'efficacité de la clause pénale
compatible à la survie de l'entreprise 54
A- La notion de clause pénale 54
76
L'égalité des créanciers dans les
procédures collectives en droit OHADA, Kouamo Darly Russel
B - La mise en oeuvre dans les procédures collectives
55
PARAGRAPHE 2 : L'efficacité de la compensation et de la
saisie attribution 57
A- Une compensation relativement admise 57
B - Une saisie attribution efficace 58
CONCLUSION GENERALE 60
BIBLIOGRAPHIE 63
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