Licence Administration Economique et
Sociale
Gökhan CALISIR
L'économie turque en ce début du
21ème siècle :
Forces et faiblesses
Istanbul, quartier des affaires, Photo xx.
2
Calisir Gokhan 2016
Année universitaire 2015-2016
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Calisir Gokhan 2016
Table des matières
Remerciements 5
Avant propos 6
Introduction 7
Première partie : La Turquie, une puissance
économique 8
A] Sources du dynamisme de l'économique turque 8
B] Un pays de libre-échange 12
C] Les forces de l'économie turque 14
Deuxième Partie : Des contraintes qui impactent
l'économie 21
A] Les faiblesses 21
B] Une économie instable 26
Conclusion 30
Libres propos 32
Bibliographie : 33
4 Calisir Gokhan 2016
Remerciements
Je souhaiterais remercier M. SAINT MARTIN, professeur à
l'Université de Rouen pour m'avoir conseillé et guidé tout
au long de la rédaction de ce mémoire. Je suis également
reconnaissant pour sa disponibilité.
5 Calisir Gokhan 2016
Avant propos
Ce mémoire vit le jour dans le cadre de la fin de mon
cursus de licence. J'ai toujours eu une passion pour la géographie
depuis mon jeune âge. Lors de mes années au Lycée, en
section économique et social, j'ai eu la chance d'étudier la
Russie, l'Inde, la Chine, le Brésil et l'Afrique du Sud. Ces pays,
surnommés BRICS, sont considérés émergents ayant un
fort taux de croissance au début du XXIème siècle. Parfois
rattachés par des économistes à la liste de ces pays
émergents, la situation économique de la Turquie n'en fut pas
moins avec des taux de croissance avoisinant les 10 % pendant la
décennie allant de 2002 à 2012. Etant d'origine turque, il m'a
paru intéressant d'approfondir mes connaissances sur sa situation
économique. Pays souvent victime de nombreux préjugés en
Europe occidentale parce que souvent jugée à travers sa forte
population immigrée et sa demande d'adhésion à l'Union
Européenne, la Turquie demeure dans les esprits comme un pays musulman
et peu développé. L'objectif de ce travail est justement
d'étudier la situation économique de la Turquie.
6 Calisir Gokhan 2016
Introduction
« Notre problème essentiel est de hausser
notre pays parmi les plus civilisés et les plus riches. Ceci est
l'idéal dynamique de la grande nation turque, qui a
réalisé une révolution fondamentale, non seulement dans
les institutions mais également dans les mentalités. »
1
La Turquie appelée dès lors Empire Ottoman
était considérée comme « l'homme malade de l'Europe
»2 à la fin du XXIème siècle. En effet, le
pays était en régression : la Turquie républicaine est
fondée en 1923 par Mustafa Kemal, dit Atatürk (le père des
Turcs). Ce dernier, après avoir mené une guerre
d'indépendance contre le traité de Sèvres de 1920,
traité qui n'accordait aux Turcs aucun accès sur la Thrace
(partie européenne turque), la Mer Méditerranée et la mer
Egée. Dès lors, le développement économique n'a
cessé d'être l'objectif numéro 1, des différents
gouvernements turcs qui se sont succédés. La Turquie souhaiterait
intégrer à l'Union Européenne afin de développer sa
puissance et son économie.
Mon travail consiste à mieux connaitre la situation
économique turque. Nous verrons dans un premier temps les points forts
de cette économie. Quels sont réellement ses atouts ? Il faut
évidemment en premier lieu s'intéresser aux sources de cette
économie, mais aussi à ses partenaires et ses relations avec les
pays limitrophes.
Dans la deuxième partie seront exposés ses
points faibles. Nous verrons aussi pourquoi sa croissance n'est pas stable.
L'impact de son éventuelle adhésion se
déduira de la monographie dans la conclusion du mémoire.
1 Discours prononcé par
Mustafa Kemal Atatürk (le fondateur en 1923 de la République de
Turquie) devant le Parlement turc à Ankara, le 1er novembre
1936.
2 C'est une expression souvent
utilisée pour désigner un pays d'Europe faisant face à de
grandes difficultés, notamment économique.
7 Calisir Gokhan 2016
Première partie : La Turquie, une puissance
économique
Al Sources du dynamisme de l'économique
turque
Après la proclamation de la République de
Turquie le 29 octobre 1923, la situation économique n'est pas à
son meilleur niveau. Les multiples guerres depuis 1914 et surtout la fin de
l'Empire Ottoman ont eu un réel impact sur l'économie. Il a fallu
tout rebâtir pour les Turcs, qui changèrent de régime
politique, en passant d'un Empire à une république :
L'abolition du califat, le 3 mars 1924 permet à la
Turquie de devenir le premier Etat laïc et républicain du monde
musulman mettant fin à l'héritage ottoman. C'est aussi une des
premières réformes kémalistes3 où on a
rapidement l'idée de mettre en place une économie croissante et
ordonnée. Le pays se modernise et essaye de s'enrichir. La population
turque a un capital humain majoritairement composé de paysans et de
fonctionnaires, on y trouvait aussi des commerçants/artisans. C'est un
héritage de l'ancien Empire Ottoman.
Les Turcs adoptent une technique qui est basée sur
l'industrialisation, en effet le pays préfère miser sur cette
stratégie plutôt qu'importer. Le modèle ISI
(Industrialisation par Substitution aux Importations) est un mode de
développement économique qui consiste à réduire la
part d'importations afin de développer le potentiel industriel d'un
pays. En limitant les importations et en augmentant les barrières
douanières, l'industrie du pays se développe pour répondre
à la demande interne. Cela permet de protéger l'industrie locale.
C'est ainsi une manière d'investir dans des secteurs importants,
notamment en ce qui concerne l'extraction et la transformation des minerais (du
fer et de l'acier). Le pays vit presque en autarcie, il veut devenir
indépendant et s'auto-suffire.
Dès 1933, la banque Sümerbank est fondée :
elle a pour mission de financer les grandes entreprises publiques du pays qui
fabriqueront les produits de première nécessité. Cette
institution est fondée grâce à une aide financière
soviétique4. Ces réformes, associées
à
3 Ce sont des réformes
économiques, politiques et sociales ayant pour but de rapprocher la
Turquie d'un modèle occidental et la sortir de la pauvreté.
4 C'est une banque appartenant
à l'Etat. Ismet Inönü, premier ministre en 1932, obtient un
prêt de 8,5 millions de livres turques de la part de l'URSS.
8 Calisir Gokhan 2016
l'amélioration du bien-être et à
l'éducation (changement d'écriture en passant de
l'écriture arabe au latin) sont le début du changement attendu
par la jeune République turque. Orpheline du décès de son
« père » Atatürk, le 10 novembre 1938, à Istanbul,
elle a continué avec cette dynamique.
C'est en 1950 que la Turquie organise ses premières
élections multipartites. Le parti Républicain (CHP), fondé
par Atatürk est perdant. Sa gestion est remise en question car elle n'a
pas réussi à implanter de grandes entreprises. Le parti
démocrate (AP) d'Adnan Menderes, de tendance libérale gagne les
élections. La stratégie est de dynamiser le secteur agricole et
réduire le poids économique de l'Etat par la privatisation des
entreprises (transfert d'une entreprise ou activité du public au
privé). L'appel aux capitaux étrangers est une source de
libéralisation. Le pays renonce peu à peu à l'autarcie.
Grâce aux différents climats de par l'étendue du pays, la
politique agricole fonctionne. Les revenus augmentent. Les réserves de
devises se sont accrues donc les barrières douanières se
réduisent. De moins en moins libéral, le gouvernement de Menderes
doit vers la fin des années 50, réduire les dépenses
publiques et augmenter les prix des biens produits par les entreprises de
l'Etat. La Turquie obtient des crédits et stabilise son
économie.
Cependant, un événement durant la nuit du 6 au 7
septembre 1955 viendra perturber cette dynamique : les commerces, associations
et autres activités à population non musulmane furent
pillés et brûlés. L'économie se dégrade et le
peuple montre du doigt Menderes, qui contrairement à Atatürk
propose des lois beaucoup moins laïcs, avec une volonté d'apporter
des réformes musulmanes. A la suite de cet événement, les
accusations envers Menderes deviennent de plus en plus sérieuses. Un
coup d'Etat militaire éclate, et condamne le chef de l'Etat à la
pendaison en 19605.
A la suite de ce coup d'état, la Turquie revient de
nouveau à l'industrialisation par substitution aux importations (ISI).
Cette fois, l'idée est de protéger le marché avec une
croissance provenant de la demande intérieure. Dès le
début des années 1980, le pays est en crise. Les voyants sont au
rouge. Le gouvernement décide de dévaluer la monnaie et de
changer de stratégie en passant à un régime de change
flottant (taux de change qui évolue librement en fonction de l'offre et
de la demande sur le marché des changes). On permet ainsi une
réduction du poids de l'Etat dans l'économie par privatisation
massive des entreprises et
5 Adnan Menderes est pendu le 17
septembre 1961 à Imrali, île turque située au sud de la mer
de Marmara.
9 Calisir Gokhan 2016
baisse des subventions (aide financière versée
par l'Etat) à l'agriculture. Il y a une libéralisation des
importations, un encouragement des investissements étrangers et un libre
accès au marché international. La livre turque devient
convertible, donc il est possible de changer des devises dans les banques du
pays, ce qui facilite les échanges. On constate une hausse des IDE (les
Investissements Directs à l'Etranger, investissements par lesquels des
entités résidentes d'une économie acquièrent ou ont
acquis un intérêt durable dans une entité résidente
d'une économie). Les exportations sont favorisées par des
subventions et la déprécation (perte de la valeur) du taux de
change.
Due à une mauvaise gestion, ces réformes se
traduisent par une hyperinflation. Les années 90 sont une période
noire pour les Turcs. L'exode rural et l'accroissement démographique
bloque la population, le marché du travail est saturé.
L'urbanisation massive a ensuite débouché sur
l'émigration. L'instabilité politique traduit
l'instabilité économique.
Graphique 1 Pourcentages des sièges à
l'assemblée nationale pour le premier parti en Turquie entre 1950 et
20116 (Deniz, 2012)
DP :Demokrat Parti, parti démocrate,
conservateur laïc.
CHP : Cumhuriyet Halk Partisi, parti
républicain du peuple, social-démocrate et laïc. AP
: Adalet Partisi, parti de la justice, démocrate.
6 (Deniz, 2012),
Aux sources du dynamisme économique turc
10 Calisir Gokhan 2016
ANAP : Anavatan Partisi, parti de la mère
patrie, parti libéral.
DYP : Dogru Vol Partisi, parti de la juste voix,
démocrate.
RP : Refah Partisi, parti du bien-être,
islamiste.
DSP : Demokratik Sol Partisi, parti
démocratique de gauche, démocrate.
AKP : Adalet ve Kalkinma Partisi, parti pour
la justice et le développement, islamo-conservateur (au pouvoir depuis
2002).
Ces changements politiques trop récurrents et cette
instabilité entrainent un taux d'inflation extrêmement
élevé. En effet en 2001, le taux dépassait les. 53
%7. La dette publique représentait à l'époque
78 %8 du PIB (Produit Intérieur Brut), qui est l'indicateur
économique principal de mesure de la production économique
réalisée à l'intérieur d'un pays donné.
Cependant, l'arrivée au pouvoir de l'AKP en 2002
bouleverse la tendance. Le parti arrive à mettre en place une
stabilité économique (monétaire). L'arrivée de ce
parti islamo-conservateur9, mené par Recep Tayyip Erdogan
redonne espoir aux Turcs, quant à l'adhésion à l'Union
Européenne, où les négociations avec les autres pays
membres sont au point mort.
La politique budgétaire est de restructurer le
système bancaire, ouvrir le pays aux IDE et garantir
l'indépendance de la Banque Centrale. Recep Tayyip Erdogan a
réussi à gagner les élections grâce aux
agriculteurs, les petits patrons et les habitants de milieux modestes
créant une « nouvelle classe »10.
Avec l'AKP, la Turquie a connu un bouleversement. La baisse de
syndicats et l'interdiction de grève dans les domaines les plus
importants (secteur de transport, énergie, manufacturier) sont deux
éléments importants dans la réforme d'Erdogan. La forte
urbanisation a accentué la hausse du secteur privé. Les nouvelles
infrastructures comme les routes, les ponts et les logements sociaux montrent
un pays en bonne santé. Les privatisations ont ouvert le pays (les
aéroports, les ports) et augmenté la concurrence sur le
marché national.
7 Worlwide Inflation, Data,
Turkey, 2001. C'est un site internet qui donne des informations concernant
l'inflation.
8 Worlwide Inflation, Data, Turkey,
2001.
9 On assiste à une
réislamisation de la société turque. Erdogan se qualifie
d'islamiste modéré...Il compare son parti l'AKP à celui
des démocrates-chrétiens allemands.
10 On constate depuis
l'arrivée au pouvoir d'Erdogan la création d'une classe «
Tayyip'çi » c'est-à-dire Pro-Erdogan. Ceux qui votent
Erdogan tombent dans une adhésion totale avec le personnage.
11 Calisir Gokhan 2016
D'ailleurs, la popularité du parti ne cesse de grimper.
Invaincu depuis son arrivée au pouvoir, le parti a encore
remporté les élections législatives le 1er novembre 2015
avec 49 %11. Surnommé « Le Sultan »12
par ses adversaires, son parti est encore vainqueur. Laissant sa place de
premier ministre à Ahmet Davutoglu (ex ministre des affaires
étrangères et bras droit d'Erdogan) depuis 2014 suite à sa
volonté de devenir Président de la République, il
espère désormais changer la Constitution en passant à un
régime présidentiel (actuellement en régime
parlementaire), afin d'avoir les pleins pouvoirs.
L'arrivée à la tête du pays de l'AKP est
un triomphe. La croissance provient en grande partie de la consommation. La
stabilité politique grâce à l'organisation du parti et du
charisme d'Erdogan a eu un impact majeur sur la croissance. Le
développement des équipements publics et la mise au pas des
militaires peuvent en témoigner. La Turquie devient membre des
puissances émergentes. Première puissance économique du
Moyen-Orient, elle se situe désormais 16ème puissance
économique13 mondiale.
B] Un pays de libre-échange
Membre depuis 1945 de l'Organisation des Nations Unies (ONU,
organisation destinée à résoudre les problèmes
internationaux), la Turquie a depuis accru son nombre de partenaires via des
traités et des accords. Elle est également membre de plusieurs
autres organisations :
- 1949 : Conseil de l'Europe (organisation destinée
à protéger les droits de l'Homme)
- 1957 Organisation du Traité de l'Atlantique Nord
(OTAN, organisation destiné à assurer une défense commune
et instaurer une stabilité des continents européens et
nord-américains)
- 1960 : Organisation de Coopérations et de
Développement Economiques, (OCDE) organisation des 30 pays les plus
riche de la planète, destinée à examiner, élaborer
et perfectionner les politiques économiques et sociales)
- 1999 : G20 (groupe des vingt) depuis, qui représente
85 % du commerce mondial.
11 TUIK, Türkiye Istatistik
Kurumu, ou Turkstat en anglais, est l'institut statistique turc. Turkstat,
Statistics by themes, Justice and election, Election of Representatives
Statistics, Results 2015.
12 On reproche à Erdogan
d'abuser de son pouvoir.
13 Données Banque Mondiale
(the world bank), il ne s'agit pas d'une banque au sens habituel mais d'un
partenariat voué à réduire la pauvreté. The World
Bank, Data, Turkey.
12 Calisir Gokhan 2016
Ces partenariats montrent que la Turquie occupe une place
économique dans le monde. Sa position géographique est son
principal atout. Le territoire est à cheval entre l'Europe et l'Asie,
parfois même appelé l'Eurasie. Ses ouvertures maritimes font de la
Turquie une zone de transit entre l'Europe et l'Asie. Le début des
relations avec l'Union Européenne commence avec l'accord d'Ankara en
1963. Cet accord vise à rapprocher les relations Turquie/Union
Européenne, notamment en supprimant les barrières
douanières pour tous les produits industriels et agricoles.
C'est en 1999 que la Turquie est reconnue officiellement
candidate à l'adhésion, lors du sommet européen à
Helsinki (Finlande). Cependant, elle doit accepter certaines
conditions14.
43,5 %15 des exportations turques en 2015 se fait
avec l'Union Européenne. Erdogan voulait créer une alliance entre
« pays musulmans »16 comme l'Union Européenne
incluant l'Irak, l'Iran, la Turquie, la Syrie, l'Egypte, Lybie,
l'Azerbaïdjan, les pays du Maghreb et du Golfe. Mais les
négociations ont échoué suite aux printemps arabes et la
volonté d'Erdogan d'être le « Leader » de cette union.
Le tableau ci-dessous montre l'évolution de la valeur des exportations
en dollars.
14 Les critères de Copenhague
forment les conditions pour l'accès à l'UE de pays candidats.
15 Türkiye Ihracatlar Meclisi
(TIM), Conseil des exportations
turques. www.tim.org.tr,
Ihracatlar (exportations), Arastirma Raporlari (rapports de recherche), Dis
tiçaret raporu (rapport du commerce extérieur).
16 Erdogan qualifie l'Europe de club
chrétien.
13 Calisir Gokhan 2016
Figure 1 Exportations en fonction des pays
(top20)17
C] Les forces de l'économie turque
UNE PUISSANCE DEMOGRAPHIQUE
Du haut de ses 78 741 053 millions habitants18, la
Turquie est un des pays les plus peuplés du monde
(19ème). Comptant un peu moins de 14 millions19 au
début de la République en 1923, sa population a été
multipliée par environ 5,5 en un peu moins d'un siècle. La
grandeur de son territoire peut témoigner d'une population si
importante. Le pays a une superficie de 783 053 km220
(37ème mondiale).
UN TERRITOIRE VARIE
Son territoire est son atout majeur. Elle a une ouverture
maritime importante. Le littoral turc est immense et favorise les
échanges. Le pays a au nord la Mer Noire, au sud la Mer
Méditerranée et à l'est la Mer Egée. Cette
dernière relie la Turquie à la Grèce mais surtout abrite
une ville, Izmir, qui est une très grande zone portuaire turque.
Deuxième plus grand port après Istanbul.
17Turkstat, Statistics by themes,
Foreign trade Statistics, 2015.
18 Turkstat, Statistics by themes,
Population and Demography, 2015.
19 (BAZIN Marcel,
2012), Genèse du territoire et de l'Etat turcs.
20
http://www.europa-planet.com/turquie/carte
turquie.htm
14 Calisir Gokhan 2016
Istanbul, ville phare du pays, est séparée en 2
parties : l'Anatolie (partie asiatique) et la Thrace (partie
européenne). Le Bosphore d'Istanbul, séparant les deux
continents, est un passage des bateaux et navires transportant les
marchandises. Les échanges de la Russie se font par ce passage, elle n'a
pas d'autres choix que d'emprunter ce chemin en hiver (sans la situation
ukrainienne).
Le Bosphore est aussi considéré comme un point
géostratégique. Il permet le passage de tankers contenant le
pétrole de la Mer Noire. Les Turcs n'ont cependant pas le droit de taxer
les navires étrangers, en application du traité de Lausanne. Ce
traité interdit de taxer les navires passant sur le territoire. Elle
retrouvera toute possession sur ses ressources naturelles et ses passages
stratégiques en 2023.
Pour ces quatre zones maritimes (Egée, Mer Noire,
méditerranée et Bosphore), les climats ne sont pas identiques. On
trouve une zone pluvieuse et humide au nord, une zone sèche au sud en
passant par un climat tempéré à Istanbul. La
diversité du climat a un impact sur l'agriculture. La diversité
du climat fait de la Turquie une puissance agricole. L'est du pays est une zone
Montagneuse. Elle s'approche du Caucase et la température est un climat
hivernal. La Turquie se doit donc d'utiliser ses atouts naturels. Etant de base
un pays pauvre, elle s'est retournée vers l'agriculture. L'agriculture
turque est diversifiée. Le tableau ci-dessous montre les valeurs
marchandes de la production d'espèces animales et
végétales depuis 1995 en Turquie. On constate que les productions
et les valeurs marchandes ont augmenté depuis 1995.
15 Calisir Gokhan 2016
Figure 2 Valeurs de production végétale et
animale21
UNE POPULATION JEUNE
La Turquie possède la population la plus jeune
d'Europe. Elle se positionne au premier rang en Europe avec un âge
médian de 30,1 ans contre 41,2 pour l'Europe. 25,5 % de la population
turque à moins de 15 ans22.
LE SECTEUR AUTOMOBILE
C'est une des grosses forces de cette économie. La
Turquie a vu ce secteur croitre. C'est une des spécialisations majeures
de l'économie turque. On peut expliquer ce phénomène via
une main d'oeuvre bon marché. Beaucoup d'entreprises
étrangères spécialisées dans le secteur automobiles
sont venues s'installer via le joint-venture. Le joint-venture est la
création d'une entreprise commune via la fusion de deux entreprises
où les deux parties s'accordent les bénéfices, les
dépenses et le contrôle à 50/50. Renault est en
joint-venture avec OYAK (Ordu Yardimlasma Kurumu, coopérative de
l'armée). Fiat avec Tofas (constructeur automobile turc), Ford avec
Otosan, et Toyota avec Sabanci. Sabanci est le plus grand conglomérat
industriel et financier de Turquie. Le secteur manufacturier est attractif et
est en croissance. Le tableau ci-dessous donne les chiffres de productions
automobiles. La production a augmenté entre 2014 et 2015.
21 Turkstat, Statistics by themes,
Agriculture, Agricultural Prices and Economic Accounts.
22 Les trois données
proviennent du site « statistiques mondiales ».
16 Calisir Gokhan 2016
Figure 3 Comparatif de la production du secteur automobile
entre 2014 et 2015 par mois
La concurrence du secteur a permis une plus grande
diversité des modèles produits. Il y a des modèles qu'on
ne trouve qu'en Turquie, c'est le cas de la Renault Fluence. Sur ce secteur, la
Turquie fait fort car c'est le plus gros producteur du Moyen-Orient. C'est
aussi le seul pays ayant une importante base de production sur le bassin
méditerranéen.
L'ENERGIE23
Aujourd'hui, l'énergie est une source importante.
Malgré la baisse du prix du baril de pétrole, l'or noir reste une
source importante. La Turquie via sa place géographique a avec le temps,
signé des accords avec ses voisins. Les ressources
pétrolières du Moyen-Orient et du Golfe sont importantes. Les
Turcs entretiennent donc de bonnes relations avec l'Azerbaïdjan et le
Qatar : d'ailleurs l'oléoduc BTC (Bakou, Tbilissi, Ceylan) vise à
acheminer le pétrole de la Mer Caspienne sur les marchés
mondiaux. Cet oléoduc, long de 1 774 kilomètres qui part de Bakou
(Azerbaïdjan) jusqu'à Ceylan (port du sud-est de la coté
méditerranéenne turque) peut transporter jusqu'à 50
millions de tonnes de brut par an, soit près de 7 % du pétrole
mondial.
La Turquie possède une base minière importante.
En 2010, ce secteur comprend plus de 2000 entreprises, et emploie plus de 100
000 salariés pour un chiffre d'affaire de 14 milliards de TL (livres
turque) soit environ 4 milliards d'euros au 28 mars 2016. Le charbon est encore
exploité en Turquie : environ 3,5 millions de tonnes par an, qu'elle
exporte vers les pays africains (Afrique du Sud) où il sert de chauffage
pour les industries. Le chrome, avec
23 Toutes les données viennent
de l'ouvrage (BAZIN Marcel, 2012), Le gradient
de développement Ouest-Est.
17 Calisir Gokhan 2016
500 000 tonnes de production par an, est aussi beaucoup
exporté. La Turquie détient près de 73 % des
réserves mondiales de bore. La Turquie est également premier
producteur de noisettes (plus de 70 %). La Turquie importe beaucoup d'or
(5ème demandeur mondial), puis réexporte la
matière transformée sous forme de bijoux (2ème
exportateur mondial). Elle a plus de 6000 sources thermales.
Son climat permet la croissance d'installation des
énergies renouvelables, notamment solaire. Ces énergies
renouvelables permettent de réduire la pollution et de réduire
les factures pétrolières. C'est un défi
énergétique de l'AKP.
TOURISME
Ayant un passé historique, la Turquie
bénéficie d'un riche patrimoine. Le pays accueille de plus en
plus de touristes. La riche variété de son territoire offre une
particularité à chaque région. De la Cappadoce au
Bosphore, le pays a tout pour plaire aux nombreux touristes. Même si
Istanbul est la ville la plus visitée (plus de 10 millions à elle
seule), les autres villes sont aussi très appréciées des
visiteurs : plus de 40 millions de touristes ont voyagé en Turquie en
201524.
Malgré les récents conflits, la population
étrangère continue de venir en Turquie. On peut associer ce
phénomène à la hausse des revenus des Turcs, qui peuvent
désormais voyager et dépenser dans le pays. La mise en place des
transports joue un rôle majeur. La compagnie Turkish Airlines,
lauréat de la meilleure compagnie aérienne européenne,
totalise plus de 250 avions. Elle dessert le plus de destinations au monde et a
transporté en 2015 plus de 60 millions de passagers25. Cette
évolution motive le gouvernement turc pour la création d'un
troisième aéroport international à Istanbul. Il sera
également le plus grand au monde, et inauguré au premier
trimestre 2018. Ce succès motive donc l'agrandissement ou la
création de nouveaux aéroports dans les autres villes. Cela
augmente également la compétitivité du marché
national sur les différentes méthodes de transport : le secteur
ferroviaire, avec le premier TGV qui relie Istanbul à Ankara qui a vu le
jour en 2014.
Cela a débouché sur de nombreux projets de
relier les grands axes turcs via le réseau ferroviaire. Le réseau
routier, lui aussi a connu un essor. Les revenus ayant augmenté ont
permis aux turcs d'améliorer leur mode de vie, notamment l'achat de
voitures. Cela a donc
24 Turkstat, Education sport culture
and tourism, Tourism Statistics, 2015
25 Turkish Airlines sur son site
thy.org
18 Calisir Gokhan 2016
entrainé la rénovation et la construction de
nouveaux réseaux autoroutiers, viaducs, ponts, tunnels, etc... Le pays a
même lancé de nombreux projets reliant la thrace orientale
à l'Asie via un tunnel sous le Bosphore et relier toutes les grandes
villes via le réseau autoroutier et ferroviaire.
Figure 4 Nombre de touristes et revenues liés aux
tourismes26
On constate que l'économie turque est en pleine
progression et que l'agriculture contribue à près de 10 % du
P11B. Le tourisme et surtout l'industrie manufacturière contribue au
P11B. Elle est dynamique avec des perspectives intéressantes. La
période dite des « dix glorieuses » de 2002 à 2012
peuvent en témoigner, avec une évolution du P11B national de
232,2 à 788,9 Milliards de dollars, atteignant même une croissance
annuelle de 9,2 % en 201027. L'ambition du gouvernement est de
hisser la Turquie parmi les dix puissances mondiales d'ici 2023, date du «
centenaire »28 de la République. C'est un challenge
élevé puisque le gouvernement souhaite tripler son P11B, le
portant ainsi à plus de 2 000 milliards29 de dollars. Elle
peut atteindre son objectif car les voyants économiques sont aux verts
avec un
26 Turkstat, Statistics by themes,
Education sport culture and tourism, Tourism statistics, Metadata, Tourism
27 The world bank, Data, Turkey, GDP
growth (annual %)
28 Cent ans de la République
(1923-2023)
29 C'est quasiment le PIB de l'Inde
actuellement ( 2 183, d'après The world bank)
19 Calisir Gokhan 2016
PIB par tête qui la place en deuxième position
parmi les pays émergeants, derrière la Russie30. Mais
néanmoins elle connait un certain nombre de faiblesses qui peuvent
ralentir sa croissance. C'est ce que nous allons voir dans la partie qui
suit.
30 The world bank, Data, GDP per
capita, PPP (current international $), Graph, Russia, India, China, Brasil,
South Africa and Turkey
20 Calisir Gokhan 2016
Deuxième Partie : Des contraintes qui impactent
l'économie
A] Les faiblesses NIVEAU DE
BIEN-ETRE
Le niveau de bien être est la première chose qui
nous vient à l'esprit lorsque nous évoquons le terme de pays
émergent. Le PIB et le PIB par habitant ne déterminent pas
précisément le niveau de vie de la population turque. Sa
16ème place dans le rang de puissance économique
mondiale n'est pas synonyme d'un niveau de vie 16ème
mondiale. Il existe pour cela un indicateur plus précis qui est l'Indice
de Développement Humain. Cet IDH est un indice statistique crée
en 1990 par le Programme des Nations Unies pour le Développement (PNUD).
Il est plus précis que le PIB par habitant, qui prend en compte
seulement le développement économique et non qualitatif
(qualité de vie). L'IDH mesure le niveau moyen d'un pays via trois
critères ; l'espérance de vie à la naissance, le niveau
d'éducation et le PIB par habitant.
L'espérance de vie en Turquie comme pour beaucoup de
pays a augmenté avec les énormes progrès dans le secteur
médical. L'augmentation du niveau sanitaire a augmenté en
Turquie, suite à la hausse des revenus. La grande majorité de la
population peut désormais s'équiper d'une mutuelle et ainsi
baisser leurs frais de santé. L'augmentation du nombre de cabinets
médicaux et la construction de nouveaux hôpitaux sont sources de
la hausse de l'espérance de vie. Néanmoins, depuis 2002 de
nombreux hôpitaux privés se construisent, avec
l'inconvénient de la contrainte budgétaire pour la population. La
qualité d'accueil est meilleure pourtant le prix n'est pas accessible
à tous.
Améliorer le niveau d'éducation était un
grand objectif de la République dès 1923. Le passage de
l'alphabet arabe à l'alphabet latin fut un changement compliqué
à l'époque car le nombre de professeurs maitrisant les deux
écritures était limité. Ce changement était
synonyme du début de la rupture avec l'environnement du Moyen-Orient
souhaitée par Atatürk. Ajouté à cela, la suppression
du sultanat, le califat et des règles vestimentaires visait à se
rapprocher du monde occidental. La Turquie utilise donc l'écriture
latine depuis 1923. En 2016 le taux d'analphabètes est de 4
%31. Le pays compte aujourd'hui 19032 universités,
mais
31 (Deniz,
2012), Aux sources du dynamisme économique turc
21 Calisir Gokhan 2016
le taux de non-diplômés est de 21 %. Les
sans-diplômes sont des personnes sachant lire et écrire mais
n'ayant pas obtenu un diplôme scolaire. Parmi la population, 45 % est
diplômée du primaire et/ou du collège et seulement 9 % du
supérieur33. On constate une inégalité entre
les hommes et les femmes concernant le niveau d'étude. Celui des hommes
est plus élevé que celui des femmes. Une loi votée par le
Parlement turc en 2008 autorise le port du voile dans les universités.
Elles devaient auparavant enlever leur voile à l'entrée des
universités par question de principe à la laïcité.
Le PIB par habitant est le produit intérieur brut
divisé par la population en milieu d'année. Il est de 19
199,534 dollars en 2014 en Turquie. Très loin de nos 38 847,
535 dollars en France. La moyenne mondiale est de 14
956,736 dollars.
La Turquie occupe la 72ème37 place du
classement de l'IDH. Malgré son classement à la
16ème puissance économique mondiale, son indicateur
économique n'est pas synonyme d'un pays où il fait bon vivre.
LA RICHESSE INEGALEMENT REPARTIE
La Turquie a un vaste territoire où la richesse est
inégalement répartie. Istanbul, mégalopole turque, forte
de ses 20 millions d'habitants représente plus de 27 %38 du
PIB. Ankara, capitale depuis la proclamation de la république en 1923,
représente 7 %39 du PIB.
21,8% de la population tuque vit sous le seuil de
pauvreté40. Le gouvernement turc affirme que le SMIC turc est
de 1 300 TL net en 2016, soit l'équivalent d'un tout petit peu plus de
400€ au 29 mars 2016. Ce seuil de salaire minimum concerne tout de
même 13 millions d'habitants41 dans le pays.
32 Wikipedia Türkiye,
https://tr.wikipedia.org/wiki/T%C3%BCrkiye%27deki_%C3%BCniversiteler_listesi
33 (Deniz,
2012), Aux sources du dynamisme économique turc
34 The world bank, Data, GDP per
capita, PPP (current international $), Turkey
35 The world bank, Data, GDP per
capita, PPP (current international $), Graph, Turkey and France
36 The world bank, Data, GDP per
capita, PPP (current international $), Graph, Turkey, France and world
37 United Nations Development
Programme (UNDP), Programme des Nations Unies pour le développement, est
un organisme qui contribue à éradiquer la pauvreté. UNDP,
Human development reports, Human development indicators, Country, Turkey
38 (BAZIN Marcel, 2012),
De la révolution urbaine à une hypothétique
régionalisation
39 (BAZIN Marcel, 2012),
De la révolution urbaine à une hypothétique
régionalisation
40 (BAZIN Marcel, 2012),
De la révolution urbaine à une hypothétique
régionalisation
41 (Deniz,
2012), Aux sources du dynamisme économique turc
22 Calisir Gokhan 2016
EXPLOITATION DU TERRITOIRE
Nous l'avons vu dans la première partie, l'agriculture
turque est puissante. Mais on constate une hausse de la population, donc une
demande également en constante augmentation. Le secteur agricole est
loin d'avoir fini sa modernisation. L'agriculture constitue une part importante
de la population active. Le territoire n'est pas bien exploité,
l'élevage est un problème et les campagnes turques souffrent
d'une surcharge humaine. 71,9 %42 de la population en 1965 travaillaient dans
le secteur agricole contre 30 %43 aujourd'hui.
Figure 5 Zones agricoles44
42 (Deniz,
2012), Anatolie terrienne et pourtours maritimes
43 (Deniz,
2012), Anatolie terrienne et pourtours maritimes
44 Turkstat, Statistics by theme,
Agriculture, Agriculture area
23 Calisir Gokhan 2016
La productivité agricole peut augmenter en apportant de
nouvelles technologies (1 million de tracteurs pour 3 millions
d'exploitants45 c'est un taux encore faible) mais la Turquie a
encore du travail dans la modernisation de son territoire agricole. Egalement
concernant l'industrialisation qui est concentrée sur plusieurs villes,
en l'occurrence Istanbul, Kocaeli et Bursa. Un projet de
décentralisation des entreprises éjectant beaucoup de CO2 peut
voir le jour, notamment à Istanbul où la pollution est de plus en
plus importante. Le gouvernement turc veut éviter de se retrouver dans
une situation écologique similaire à celle observée
à Shanghai (Chine).
BALANCE COMMERCIALE DEFICITAIRE
La balance commerciale est la différence entre les
exportations et les importations d'un pays durant une période
donnée. La Turquie importe plus de biens et de services qu'elle en
exporte. On parle alors de balance commerciale déficitaire. Le
déficit de la balance commerciale passe de 8 à 6,2
milliards46 entre juin 2014 et 2015. C'est une bonne chose mais le
nombre d'exportations a baissé d'environ 7 % (voir figure 1 sur les
exportations), compensé par une baisse des importations de 12 % (voir
figure 7 ci-dessous) entre 2014 et 2015.
45 (Deniz,
2012), Anatolie terrienne et pourtours maritimes
46
http://www.tradingeconomics.com/turkey/balance-of-trade
24 Calisir Gokhan 2016
Figure 6 Importations totales de la Turquie par groupe de
pays47
Figure 7 Importations de la Turquie par pays et par an
(Top20)48
On constate que le premier partenaire (voir aussi figure1 sur
les exportations) reste tout de même l'Union Européenne. La
Turquie a signé un partenariat de libre-échange avec la Chine en
2010 sur le long terme. L'objectif est d'atteindre 100 milliards de dollars
d'échanges commerciaux par an49 .
Malgré tout, ses relations avec ses voisins sont
mauvaises. Les gouvernements successifs refusent de reconnaitre le
génocide arménien de 1915. Il en va de même pour Chypre, la
partie Nord ayant été envahie par la Turquie en 1974.
47 Turkstat, Statistics by theme,
Foreign trade,Foreign trade statistics
48 Turkstat, Statistics by theme,
Foreign trade,Foreign trade statistics
49
http://aujourdhuilaturquie.com/fr/baisse-du-deficit-de-la-balance-commerciale-au-mois-de-juin-2015/
25 Calisir Gokhan 2016
Mais le problème le plus important demeure encore
aujourd'hui le problème kurde. Le traité de Sèvres de 1920
indique la création d'un Etat kurde au Moyen-Orient. Aujourd'hui le
territoire turc est défini par le traité de Lausanne de 1923,
supprimant le territoire kurde suite à la guerre d'indépendance
menée par les Turcs. Pourtant, le premier partenaire économique
de la Turquie au Moyen-Orient (Selçuk,
2015)50s'avère la région autonome kurde
d'Irak de Mesut Barzani.
La Turquie entretient toujours des relations fragiles avec ses
voisins. L'arrivée d'Erdogan à la tête du pays n'a pas
changé grand-chose quant à ces problèmes. Les Turcs et
Européens pensaient enfin trouver une solution concernant les
échanges, notamment avec la relance des négociations
51sur la question de l'adhésion à l'Union
Européenne dès le 3 octobre 2005.
La Turquie entretient des relations politiques très
compliquée avec Israël. Lors du forum économique mondial de
Davos (Suisse), le 29 janvier 2009, Erdogan a eu un différend avec le
président israélien de l'époque Shimon Peres concernant la
question palestinienne.
B] Une économie instable
La Turquie a vécu des changements fondamentaux durant
l'histoire de sa République (changement de stratégie
économique, voir la première partie). L'instabilité
politique était synonyme d'instabilité économique. Depuis
14 ans, l'AKP est à la tête du pays et les résultats
économiques sont satisfaisants. L'augmentation du niveau de vie turc en
est la preuve. Néanmoins cette instabilité économique est
toujours présente.
EPARGNE ETRANGERE
La Turquie dépend de l'épargne
étrangère. C'est le pays accueillant le plus d'IDE de la
région, la plaçant même devant les Emirats Arabes
Unis52. Les partenariats public-privé pour les grands projets
d'infrastructures ont augmenté le nombre d'IDE. Le secteur
50 (Selçuk,
2015), DEMIR Selçuk, Avocat, secrétaire de
l'alliance des juristes franco-turcs. Conseiller juridique du Consulat de
Turquie à Pars. Débat sur France24 (Turquie : Erdogan, «
l'hyper-président » ?) le 3 novembre 2015.
51 Par la commission
européenne. Les négociations sont aujourd'hui au point mort.
52 (Ali KAZANCIGIL,
2013), AKAGÜLDeniz L'économie face aux défis et
opportunités de la mondialisation
26 Calisir Gokhan 2016
automobile est en pleine croissance par exemple.
L'inconvénient est que l'assemblage est localisé en Turquie, donc
à faible valeur ajoutée.
Figure 8 Flux d'IDE par Etats et secteurs
d'activités53
LA DETTE PUBLIQUE ET L'INFLATION EN BAISSE
La dette publique est la dette qui représente la
totalité des engagements d'un Etat (les administrations centrales,
locales et de la sécurité sociale). En 2001, elle
représentait 79,7 % du PIB54. Ce chiffre diminue à
34,9 %55 du PIB en 2014. Aujourd'hui cette dette est peu
inquiétante si on compare à d'autres pays. Le pays a
réussi à payer la totalité (23,5 milliards de
dollars56) de sa dette envers le Fond Monétaires
Internationales (FMI, organisation qui met en disposition des ressources aux
Etats ayant des difficultés financières) après 19 ans de
redevance. La dette publique doit être inférieure à 60 %
pour satisfaire les critères de Maastricht (critères de
convergence), critères que doivent respecter les pays membres et les
candidats pour l'adhésion à l'Union Européenne.
L'inflation a baissé de manière
considérable. La Banque Centrale Turque (Türkiye Cumhuriyeti
Merkez Bankasi, TCMB) fixe le montant de l'objectif d'inflation.
« L'objectif principal de la banque est de maintenir la
stabilité de prix »57. L'Indice des Prix à
la consommation (IPC) est le taux d'inflation officiel des prix à la
consommation. Il permet ainsi de comparer la variation moyenne des prix
consommés par les ménages entre deux
53
https://www.tradesolutions.bnpparibas.com/fr/implanter/turquie/investir
54 (Ali KAZANCIGIL,
2013), AKAGÜLDeniz L'économie face aux défis et
opportunités de la mondialisation
55 Economie de la Turquie,
Wikipedia
56 Le Figaro, 14/05/2013
http://www.lefigaro.fr/flash-eco/2013/05/14/97002-20130514FILWWW00377-fmi-la-turquie-a-paye-ses-dettes.php
57 Slogan de la Banque Centrale
Turque
27 Calisir Gokhan 2016
périodes données. L'IPC 2015 pour la Turquie est
de 8, 777 %58, c'est-à-dire une hausse générale
des prix de 8,77 % par an. La Banque Centrale Turque, pour maintenir une
inflation basse, peut dévaluer la monnaie avec les taux directeurs (taux
fixés au jour le jour par la Banque Centrale Turque). La monnaie turque
est dévaluée et a une faible valeur sur les marchés. Un
handicap lorsqu'il faut importer des matières premières en
dollars, mais bénéfique pour les exportations. La
dépréciation de la monnaie entraine l'augmentation des ventes car
les exportations turques sont moins chères par rapport aux pays rivaux,
mais le coût d'importation élevé entraîne la hausse
de l'inflation.
CHOMAGE MALGRE TOUT
On compte 10,7 %59 de chômeurs en Turquie. La
croissance n'avoisine plus les 8 % de 2010. Le gouvernement prévoit
même une croissance de 4 %60 pour cette année 2016. Il
faut une croissance de 5 % annuel en Turquie pour permettre l'accès aux
jeunes sur le marché du travail compte tenu de la jeune population. La
formation turque n'est pas un modèle de réussite. La durée
de scolarité primaire est devenue obligatoire. Les améliorations
apportées aux droits des femmes (port du voile à
l'Université) et la bourse au mérite revue devraient dans les
années à venir permettre une amélioration du niveau
d'étude et de la qualification des étudiants en Turquie. Sur 10
ans (entre 2002 et 2012), 6 millions d'emplois61 ont
été créés en Turquie mais l'expansion du
marché de l'emploi ne peut pas durer éternellement. La croissance
économique stagne et n'atteint pas les 5 % nécessaires à
l'intégration des jeunes. Le pays peut s'attendre à une
croissance du taux de chômeurs si la croissance économique ne
change pas.
CAPITAUX HOT MONEY
Les « hot money » sont des capitaux fébriles
à court terme se déplaçant sur le marché à
la recherche du meilleur taux d'intérêt et l'appréciation
du taux de change. Ce sont des capitaux qui n'aiment pas les conflits et les
instabilités politiques. Aujourd'hui les relations avec la Russie sont
fragiles suite à l'avion russe abattu sur le sol turc le 24 novembre
2015. La fin du cessez le feu entre le PKK (Partiya Karkeren
Kurdistan, le parti des travailleurs du Kurdistan) et la Turquie ont
débouché à la reprise des conflits au sud-est du pays
(région
58 Global rates, Statistiques
économiques, Inflation, Indice des prix à la consommation, IPC,
Turquie
59 Trading economics, Turkey,
Unemployment rate
60 Prevision du goverrnement turc
d'après le journal TRT, société turque de
télédiffusion
61 (Ali KAZANCIGIL, 2013),
, AKAGÜLDeniz L'économie face aux défis et
opportunités de la mondialisation
28 Calisir Gokhan 2016
essentiellement peuplée de Kurdes). Les Kurdes veulent
en effet avoir un pays et être indépendants. La menace de l'Etat
Islamique après les attentats à Ankara et à d'Istanbul est
aussi une menace que n'aiment pas ces capitaux.
La politique intérieure et extérieure d'Erdogan
est remise en question. Le parti n'avait pas la majorité absolu en juin
2015 lors des législatives, avant une réélection le
1er novembre 2015 (la Turquie a un régime parlementaire).
D'ailleurs les investisseurs étrangers n'ont plus confiance envers la
stabilité puisqu'ils ont procédé au retrait de
7,662 milliards de dollars d'actifs sur l'année 2015.
On constate que l'économie turque ressemble beaucoup
à celle des pays émergents. Elle dépend beaucoup des
investissements étrangers. Il faut trouver une solution sur le long
terme car cette « hot money » est un système portant sur le
court terme. Le souhait du gouvernement turc d'intégrer le top 10 des
puissances mondiales d'ici 2023 ne peut pas se réaliser uniquement avec
un système dépendant des investissements étrangers. Le
pays a une économie croissante mais il reste encore beaucoup d'efforts
à faire pour améliorer encore plus son développement.
62
https://francais.rt.com/economie/11720-turquie-menacee-investisseurs-etrangers
29 Calisir Gokhan 2016
Conclusion
La Turquie reste un pays au développement
inégal. Concernant son impact sur l'économie européenne,
le cas d'une éventuelle adhésion peut s'avérer
intéressante pour les deux parties : La Turquie a toujours
manifesté son intention d'adhérer à l'Union
Européenne. Son poids économique peut être dans le cas de
l'Union avantageuse. Sa position géographique fait débat. On ne
sait pas si l'Europe doit étendre son territoire ou pas puisque les
voisins turcs (Irak, Iran ou Syrie) représentent une menace au niveau de
la sécurité pour l'Union Européenne. Les pays voisins
turcs du Moyen-Orient abritent des terroristes. Mais l'avantage pour l'Union
serait d'avoir une puissance régionale importante au niveau du
Moyen-Orient concernant les ressources énergétiques. Elle est au
centre de nombreux projets dans le domaine gazier et pétrolier et au
carrefour des routes énergétiques. Elle joue un rôle de
pont tournant dans l'acheminement de grandes quantités d'hydrocarbures
entre l'Europe, la Russie, l'Asie centrale et le-Moyen-Orient. C'est un pays
transit incontournable.
Les échanges de la Turquie (plus de 50 %) avec l'Union
Européenne (Baptiste, 2012)63
sont déjà nombreux. Le premier partenaire économique de la
Turquie est l'union Européenne avec laquelle elle a
réalisé une union douanière (en 1996) supprimant ainsi les
tarifs douaniers pour les biens de consommation importés. La Turquie est
déjà très intégrée au marché
européen. L'adhésion turque offrirait un marché de plus de
70 millions de consommateurs. L'adhésion de la Turquie n'est pas vitale
pour l'économie européenne, mais elle augmentera la concurrence
sur le marché européen.
C'est surtout pour la Turquie que l'adhésion sera
bénéfique. En effet, la Turquie bénéficiera de
l'euro comme monnaie nationale mais aussi la libre circulation des travailleurs
dans l'espace Schengen. De plus le vieillissement des populations
européennes entrainera une pénurie de main-d'oeuvre qui rendra
l'immigration vitale pour le maintien des systèmes de
sécurité sociale et retraite.
Il est bien évident que la Turquie ne respecte pas les
conditions d'adhésion et souhaite adhérer l'Union
Européenne à ses conditions.
Une chose est sûre, un pays n'a pas
nécessairement besoin de rejoindre un grand groupe économique
(comme l'Union Européenne par exemple) pour accroitre sa croissance.
63 (Baptiste, 2012),
Les partenariats de l'Union Européenne et la Turquie,
CORTEMBERT Sandrine.
30 Calisir Gokhan 2016
31
Calisir Gokhan 2016
Le statut de partenaire économique avec l'Union
Européenne pour la Turquie a déjà porté ses fruits
vis-à-vis des échanges. Une adhésion ne se fait pas
uniquement dans une perspective économique ou
géostratégique. La situation économique de la Turquie dans
les années à venir est inimaginable car les économistes
craignent une instabilité politique. Il est pour l'instant
préférable pour l'Union Européenne de garder ce
système de libre-échange avec la Turquie. Seul le temps nous
donnera une réponse concrète sur une possible adhésion de
la Turquie l'Union Européenne.
Libres propos
Je ne pense pas que la Turquie puisse adhérer à
l'Union Européenne. Même si depuis Mustafa Kemal à la suite
de la création de la République il y a une volonté
d'être attaché à l'Europe.
J'ai du mal à comprendre l'attitude des
européens (pas tous les pays). Il me semble logique que via sa
croissance, elle doit adhérer à l'Union Européenne. Les
chiffres parlent si on compare avec les membres depuis 2004.
J'ai l'impression que l'Europe ajoute toujours de nouveaux
obstacles et essaye de retarder au maximum son adhésion. On sait que la
Turquie ne respecte pas tous les critères, mais les autres membres
respectent-ils ces critères ? Si le processus d'adhésion est
remis en question sérieusement, il peut s'avérer
bénéfique. Je me suis rendu compte que l'image de la Turquie en
France est dépassée. On garde en tête cet « homme
malade ». Pourtant son économie s'est transformée et elle a
connu un changement dans les mentalités.
Les pays européens remettent en question la politique
économique d'Erdogan et son parti islamo-conservateur. Pourtant il n'a
apporté aucune réforme religieuse, si ce n'est l'autorisation du
port du voile dans les universités et au Parlement. Et le pays semble
l'apprécier : Quand on regarde bien les chiffres, obtenir 49,5 % dans un
pays comportant plus de 70 millions avec un taux de participation de quasiment
90 % c'est fort. La Turquie est dans une situation de tension, l'ensemble des
pays du Moyen-Orient et ses relations avec la Russie peuvent expliquer la
baisse des exportations.
Je pense qu'Erdogan doit remettre un dernier dossier à
l'Union Européenne. Mais un dossier solide en mentionnant tous les
avantages. Il faut aussi que la Turquie trouve une solution avec la question
chypriote, qui sans son accord, ne pourra pas adhérer à l'Union
Européenne.
Il faut aussi savoir dire stop à l'Union
Européenne. Si l'Union ne veut pas, il ne faut pas forcer. Depuis
longtemps la Turquie souhaite adhérer. Elle a déjà un
traité de libre-échange avec l'Union Européenne. La
Turquie doit surtout trouver des solutions pour avoir une économie plus
puissante, stable et ne pas dépendre des investisseurs
étrangers.
32 Calisir Gokhan 2016
Bibliographie :
Ouvrages généraux :
Ali KAZANCIGIL, F. B. (2013). La Turquie, d'une
révolution à l'autre. Paris: Arthème Fayard.
Baptiste, B. (2012). Turquie et Union
Européenne, Etat des lieux. Lyon: Bruylant.
BAZIN Marcel, D. T. (2012). La Turquie:
Géographie d'une puissance émergente. Paris: Armand Colin.
Deniz, Ü. (2012). La Turquie d'aujourd'hui au
miroir de l'histoire: Aux sources du dynamisme économique turc.
(C. Méditerranée, Éd.) Paris: L'Harmattan.
TV:
Selçuk, D. (2015, Novembre 3). Le Débat.
Turquie: Erdogan "l'hyper-président"? Paris: France
24.
Sites Internet :
https://francais.rt.com/economie/11720-turquie-menacee-investisseurs-etrangers
http://fr.global-rates.com/statistiques-economiques/inflation/indice-des-prix-a-la-consommation/ipc/turquie.aspx
http://www.tradingeconomics.com/turkey/unemployment-rate
https://fr.wikipedia.org/wiki/%C3%89conomie
de la Turquie
https://www.tradesolutions.bnpparibas.com/fr/implanter/turquie/investir
http://www.tcmb.gov.tr/
http://www.europa-planet.com/turquie/carte
turquie.htm
http://aujourdhuilaturquie.com/fr/baisse-du-deficit-de-la-balance-commerciale-au-mois-de-juin-2015/
http://www.tradingeconomics.com/turkey/balance-of-trade
https://tr.wikipedia.org/wiki/T%C3%BCrkiye%27deki_%C3%BCniversiteler_listesi
http://www.undp.org/ http://www.tim.org.tr/
https://fr.wikipedia.org/wiki/Crit%C3%A8res_de_convergence
http://www.turkstat.gov.tr/Start.do
http://data.worldbank.org/indicator/
33 Calisir Gokhan 2016
http://www.tradingeconomics.com/turkey
http://investor.turkishairlines.com/en
http://www.lefigaro.fr/flash-eco/2013/05/14/97002-20130514FILWWW00377-fmi-la-turquie-a-paye-ses-dettes.php
Revues :
Le Monde, 30 janvier 2009, 2 novembre 2015 Alternatives
Economiques n°351, novembre 2015
34 Calisir Gokhan 2016