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Le conflit de 2012 et la détonation malienne. Les ressorts de la crise.( Télécharger le fichier original )par Myriam ARFAOUI Université Lyon 3 Jean Moulin - Master 2 Sciences Politiques : Relations Internationales et Diplomatie. 2015 |
CONCLUSION PARTIELLELe Sahel est devenu « le nom générique de l'ensemble constitué du Sahel et du Sahara, de l'Atlantique à l'océan Indien »225. Et, « l'élargissement de la définition du Sahel, qui inclut désormais la zone saharienne, marque une rupture avec la période où le Maghreb était considéré, du moins en termes géopolitiques, comme séparé du Sahel [...] »226. L'intérêt des pays européens et de la France pour la région s'accroît à mesure que le contexte sécuritaire intra muros s'intensifie : l'immigration méditerranéenne, la proximité des groupes du djihad, la dépendance en gaz vis-à-vis de la Russie, entre autre. Poussés par la variation des prix, et l'incertitude de l'offre moyen-orientale, les « Etats énergivores »227 se tournent vers cette nouvelle source géographique d'approvisionnement ; « De nombreuses puissances extérieures à la région sahélienne, mais également extérieures au continent africain, possèdent des intérêts stratégiques en Afrique de l'ouest qu'ils entendent bien défendre et préserver ». Les particularités physiques conditionnent les sociétés qui évoluent dans cet espace. La structure principale du désert, le lien social, résiste à sa fragmentation, et réintroduit les routes millénaires transsahariennes dans la mondialisation : groupuscules trafiquants, groupes armés, tout fluide ou entité criminelle évoluant dans un système parallèle à celui des Etats. Les inerties s'adaptent à la modernité sans y être totalement fondues. Le quadrillage de la « tâche blanche » ne résorbe pas les tensions identitaires issues de l'historicité des groupes humains, et de leur cohabitation difficile au sein d'un même Etat passif du fait de ses défaillances. Cette confrontation entre des identités fortes et un Etat qui ne réussit pas à les transcender, constitue une brèche dans laquelle se hissent les mouvements rebelles parasites qui fourmillent de par le monde. 225OCDE/CSAO (2014), Un atlas du Sahara-Sahel : Géographie, économie et insécurité, op. cit., p.218 226Ibid. 227ROUPPERT, Bérangère, « Les Etats sahéliens et leurs partenaires extrarégionaux, le cas de l'Union européenne en particulier », GRIP Note d'Analyse, [En Ligne], décembre 2012 URL : http://www.grip.org/sites/grip.org/files/NOTES_ANALYSE/2012/na_2012-12-06_fr_b-rouppert.pdf 53 Deuxième Partie - Le conflit malien dans son contexte : les inerties humaines de l'espace sahélo-saharien.Les identités sont au coeur des civilisations et des Hommes228. Elles s'expriment sur, et à travers, des territoires dans une double dialectique d'opposition à l'autre, et d'assimilation au même. Le Sahel-Sahara est un espace de jonction fluide, un système ouvert, construit par les flux de population qui l'ont traversé : Berbères, Arabes, Soudaniens, entre autre. Cette mixité dynamique a contribué au brassage de sociétés variées, et à la multiplication de conflits identitaires ; soit « tous conflits où un groupe poursuit les objectifs géopolitiques non seulement au nom de la défense de son identité, mais aussi avec la certitude qu'il est menacé de disparition ou d'une domination qui lui est insupportable »229. Dès lors, comment les identités ethniques et religieuses s'opposent ou s'imposent à leur modernité ? Les Hommes sont divisés dans cet espace en groupes structurés (clans, tribus, ethnies), qui survivent au principe national de l'Etat moderne. Les nouvelles institutions déplacent la conflictualité sur l'arène politique, entre les descendants « noirs » d'une histoire apophatique construite sur le rejet de l'esclavage et de la domination, et les héritiers nostalgiques d'Empires musulmans conquérants. La confrontation entre ces identités fortes et l'Etat, qui de par ses faiblesses et défaillances ne les résorbe pas, constitue une brèche dans laquelle les mondes rebelles se logent et profitent d'un espace perturbé pour proliférer ; « le fondamentalisme islamique n'était donc pas la cause de la septicémie sahélienne, mais la manifestation de la surinfection d'une plaie originellement ouverte par la négation du réel ethnique »230 (1). Le djihad moderne en Afrique n'est pas une invention du XXIème siècle, pas plus qu'il n'est un produit importé par les canaux de la mondialisation depuis le Moyen-Orient. Inscrit 228« La vie des nations, des civilisations, les comportements psychiques ou religieux ont assurément moins d'apparente immuabilité, et pourtant des générations d'hommes se succèdent, sans trop les altérer. Ce qui ne diminue pas, au contraire, l'importance de ces forces profondes qui s'incorporent à notre vie et façonnent le monde. », BRAUDEL, Fernand, Grammaire des civilisations, Paris, Flammarion, 1993, p.33 229 THUAL, François, « Méthodes de la géopolitique, apprendre à déchiffrer l'actualité », IRIS Ellipses, [En Ligne], 1996, p.6 URL : http://www.geo-phile.net/IMG/pdf/methodes_de_la_geopolitique_2015_.pdf 230LUGAN, Bernard, « Mali : de la « Françafrique » fantasmée à la reconstitution de l'AOF », Le blog officiel de Bernard Lugan, [En Ligne], février 2013 URL : http://bernardlugan.blogspot.fr/2013/02/mali-de-la-francafrique-fantasmee-la.html 54 dans un temps local long, ses antécédents semblent aujourd'hui revisités, engagés comme avatar et itinéraire de conquête par les groupes armés non étatiques du Sahel-Sahara (2). La mondialisation a permis l'hybridation d'une conflictualité partagée entre des enjeux géopolitiques endogènes classiques, et son en-globalisation par une hydre « islamiste » en permanente mutation et immédiateté. Plus que les distances spatiales, la mondialisation minimise les distances temporelles en plaçant dans le même moment l'islam du VIIème siècle référant, et les mutations, y compris violentes, du XXIème siècle qui en découlent (3). I. Les structures sociales ante - étatiques : le poids historique des |
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