Mathieu Kerrien
Mémoire de première année en
Master "Espaces, Sociétés et
Territoires"
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2014 - 2015
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LES DISPOSITIFS D'ENCADREMENT D
PUBLIC DU PARC DES PRINCES ET
LEURS EFFETS
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Encadrants:
- Pauline Guinard
Maitre de Conférences en géographie
à l'ENS.
- Matthieu Giroud
Maitre de Conférences en géographie
à l'Université Paris-Est Marne-la-Vallée.
Un stade aseptisé pour un public pacifié
?
Université Paris-Est Marne-la-Vallée
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1
Remerciements
Tout d'abord, je me dois de remercier Madame GUINARD et
Monsieur GIROUD, mes encadrants qui m'ont régulièrement suivi et
qui n'ont pas hésité à me corriger quand il le fallait.
Je tiens également à remercier Alexandre,
Chakib, Félicie, Maxime, mes partenaires de bibliothèque,
Amandine, Jérôme, Laura et Romain pour leur soutien et l'aide
à la relecture, Benjamin, pour son aide à la cartographie et
Guillaume pour son appui, son éclairage et son expérience en tant
que supporter.
Je tiens enfin à remercier les personnes avec qui je me
suis entretenu dans le cadre de ce travail.
2
Table des matières
Remerciements 1
Introduction 4
Pourquoi et comment en suis-je arrivé à vouloir
étudier les supporters du PSG ? 4
Etat de l'art 6
Les supporters du PSG au sein d'un contexte multiscalaire 14
Une enquête sur les usages et les représentations
des « nouveaux » supporters du PSG ? 18
Terrain et système d'enquête 21
Première partie - Les nouveaux dispositifs d'encadrement
au Parc des Princes 28
I. En amont du Parc des Princes, un filtrage renforcé du
public 28
1. Le fichage de l'ensemble du public parisien présent au
Parc des Princes 28
2. Une exclusion économique ? 32
3. Une politique internationale au Parc des Princes 33
4. La mise en place d'un système de placement
aléatoire pour contrer les regroupements 35
II. Une sécurité optimisée au profit d'une
mobilité fluidifiée 36
1. Spécialisation des missions sécuritaires 36
2. Le cas des « matchs à risque » : la
sectorisation des alentours du Parc des Princes plus
marquée et plus efficace 37
3. Fluidification des flux et sécurité
dissimulée 38
4. La sectorisation interne du Parc des Princes 40
5. La flexibilité des agents de sécurité
entre immobilité et mobilité 42
6. Une sécurité renforcée par des appareils
de hautes technologies 43
III. Le Parc des Princes, sécuritaire et ludique : un
espace aseptisé 45
1. Des modifications du règlement intérieur pour
modérer les comportements des supporters
45
2. Le Parc des Princes, un espace mis en scène 49
Deuxième partie - Le public parisien face aux dispositifs
d'encadrement : diversité des formes
d'adaptation et résistance 54
I. Une normalisation des comportements 56
1. Normalisation à l'extérieur du stade :
l'exemple du « Parvis » 56
2. Normalisation à l'intérieur du stade : un
public de supporters subalternes ? 60
II. Des actes de résistances face à la politique du
club 64
1. « Y'a pas de tifos » 64
3
2. La tribune Auteuil scindée en deux 66
III. Des pratiques spatiales et des représentations
différenciées au sein d'une même tribune :
des rapports pluriels à la normalisation des comportements
à l'intérieur du stade 69
1. Une mobilité différenciée des publics
dans le stade 69
2. La gestuelle expressive des fans contre la passivité
des spectateurs 70
3. La confrontation de visions différentes du spectacle
71
Conclusion 78
Annexes 82
Table des abréviations 82
Lexique 84
Cartographie 86
Tableau récapitulatif des entretiens 92
Grille d'entretien 94
Bibliographie 103
4
Introduction
Pourquoi et comment en suis-je arrivé à
vouloir étudier les supporters du PSG ?
Ma passion pour le football a commencé à se
développer très tôt grâce à mon environnement
familial et scolaire.
Mes camarades de classe et moi pratiquions les mêmes
activités dans les mêmes espaces : école, centre
aéré, stade municipal, gymnase, club de football, etc. Le
football constituait alors notre activité principale : on y jouait
presque tous les jours.
De plus, dès mes 5 ans, j'ai pu aller voir des matchs
de football professionnel avec mon père et mon grand frère. Je me
souviens d'un match PSG - Brest en 1997, un France - Croatie en 1999 ou encore
du match entre le Red Star et l'Olympique Lyonnais (OL) pour le compte de la
Coupe de France 2000. Les souvenirs précis que je garde de ces
rencontres sont essentiellement des images, des bruits et des odeurs de
tribunes et non du terrain de jeu. Tout en faisant attention au piège de
la mémoire sélective, je m'aperçois aujourd'hui que
dès mon enfance, j'avais un attrait pour les supporters.
Je fus notamment très impressionné par le
comportement d'un supporter du Red Star. Lorsque cette équipe menait au
score contre Lyon, club de première division, le supporter en question
chantait joyeusement. Suite à la défaite inattendue de son
équipe en toute fin de match, il semblait n'avoir aucune gêne
à invectiver debout son équipe, tout seul au milieu d'une foule
calme et assise. Il contrastait tant par son propre changement de comportement
que par la rupture engendrée vis-à-vis de la tribune toute
entière. Son comportement véhément (il a
détaché son siège et l'a jeté sur la pelouse)
soulignait fortement l'opposition entre deux manières de se comporter
face à un même spectacle.
A mon entrée au lycée, je m'intéresse de
plus en plus au supporterisme. Je me souviens avoir beaucoup aimé lire
un livre en particulier : Génération
supporters1 écrit par le journaliste Philippe Broussard.
C'est une synthèse d'enquêtes de terrain du journaliste
effectuées auprès de plusieurs groupes de supporters en Europe,
dont la tribune Boulogne du Parc des Princes.
En plus de conforter ma passion pour le football, cette
lecture m'a permis de développer un nouveau regard sur cette
activité. Je me suis alors rendu compte que le sport, et le football
dans ce cas précis, constituait un support d'analyse parmi tant d'autres
pour comprendre une société. Cette thématique m'a
aidé à affirmer un esprit critique.
Passionné par le football et grand amateur du PSG, je
développe donc une curiosité et une certaine attirance pour les
tribunes de football. Ces allers et retours entre les matchs du PSG et
1 Broussard P., Génération
supporters, Robert Laffont, 16 octobre 1990, 376 pages.
5
le suivi de l'actualité de ses supporters (notamment
grâce à l'intermédiaire des blogs sur internet) m'ont peu
à peu converti en fan.
J'émets deux hypothèses qui pourraient expliquer
l'affection que j'ai commencé à porter pour cette équipe
au lycée.
D'une part en raison de son statut sportif : il s'agissait du
seul club francilien évoluant à un haut niveau national. A la fin
des années 2000, il rencontre d'importantes difficultés
sportives, se situe au fond du classement de Ligue 1 et échappe par deux
fois à la relégation en division inférieure. Ceci aurait
pu constituer un drame pour l'unique club de la capitale française
placée à ce niveau de compétition.
D'autre part, sa situation extra-sportive à la fin des
années 2000 place ce club au centre d'un débat sociétal
sans précédent en France. Le 28 février 2010, des
supporters du PSG des deux « virages »2 Auteuil et
Boulogne s'affrontent violemment. Quelques jours après ces incidents, un
supporter parisien meurt suites à la gravité de ses blessures.
Cet évènement vient marquer des années de montées
de tensions. Le PSG était alors un sujet d'actualité sportive et
extra-sportive.
L'année 2010 fut l'opportunité de me confronter
à ce milieu. Elève en classe de terminal, je me lie
d'amitié avec un camarade de classe abonné au PSG. Grâce
à un contrôle alors laxiste à l'entrée du stade, il
est facile de rentrer au Parc des Princes en empruntant la carte d'abonnement
d'un autre abonné. Je me rends cette année-là plusieurs
fois au stade gratuitement au sein des Authentiks, association de
supporters organisés dissoute depuis. Ce fut l'opportunité de me
confronter à une réalité fantasmée.
C'est le déclic : je veux m'abonner également.
Cependant, des affrontements criminels de quelques supporters ont conduit
à la mise en place du « plan Leproux » en 2010 avec deux
mesures principales : la dissolution de toutes les associations de supporters
et la suspension des systèmes d'abonnement. Cette initiative a
d'ailleurs conduit à l'élaboration d'un documentaire
réalisé en 2013 par William S. Touitou et Jérôme
Benadiner, très relayé dans le monde des supporters : Le
Parc3. Il décrit l'ambiance vécue et ressentie au
Parc des Princes avant la mise en place du plan de sécurité. La
forme elliptique de l'enceinte associée à sa construction
bétonnée produisent la singularité de ce stade. Comme
l'écrit le journaliste Jérôme Latta, « scellé
dans le tissu urbain qu'il domine, le Parc surgit au détour de la rue,
jamais visible d'un seul tenant. Et on le reconnait entre milles stades
»4. Afin de rendre «hommage et de sensibiliser à la
cause ultra et à la disparition du football populaire
»5, la parole est donnée à différents
acteurs du Parc des Princes. Parmi ceux-ci, on entend le point
2 Le virage est le surnom donné aux tribunes
situées derrière les buts. Ce surnom fait référence
aux virages de la piste utilisée par les coureurs cyclistes.
3 Whenwewerekids (Touitou W S., Bendadiner J.,),
Le Parc, 70 min, 2013. URL:
https://www.youtube.com/watch?v=UCiD62DBAoA
4 Latta J., « Faudra-t-il sauver le Parc des
Princes », Une balle dans le pied, 24 janvier 2012, disponible
sur http://latta.blog.lemonde.fr/
5 Propos de Jérôme Bénadiner,
recueillis par F.V. Cette Interview a été rendue publique le 10
avril 2013.
URL :
http://www.lamontagne.fr/auvergne/sports/actualite/football/2013/04/10/jerome-benadiner-pourquoi-je-ne-vais-plus-au-stade_1509879.html
6
de vue de leaders d'anciennes associations de supporters, de
joueurs historiques du PSG (Pauleta ou Rai) ou encore de journalistes
spécialisés comme Philippe Broussard ou Daniel Riolo, et enfin,
de chercheurs spécialisés sur les supporters dont le sociologue
Nicolas Hourcade. On apprend que d'anciens abonnés dont le producteur
Jérôme Benadiner ne voulaient plus venir au stade car selon eux,
l'identité du club a trop changé au moment de l'arrivée
d'un nouvel investisseur. Ainsi, ce film disponible sur internet relie
l'histoire du Parc des Princes à celle du PSG et ses supporters.
A l'été 2011, un an après le « Plan
Leproux », le fond d'investissement Qatar Sports Investiments
(QSI) rachète le PSG et le propulse dans une nouvelle ère
économique, médiatique et sportive.
Une nouvelle page de l'histoire du club commence alors, qui se
traduit par le rétablissement des systèmes d'abonnement. Je
choisis de m'abonner au Parc des Princes. Cet abonnement m'a donné un
accès illimité à la tribune Auteuil au niveau de la porte
I, ce qui a facilité cette étude (voir document 1 en partie
annexe). J'ai pu donc vivre l'expérience de l'intérieur et
accéder à mon terrain sans difficulté.
Cette année scolaire fut ma quatrième
année en tant qu'abonné au Parc des Princes. Ainsi, mon travail
universitaire s'appuie également sur les trois années
précédentes. Celles-ci m'ont permises d'avoir dans un premier
temps une opinion personnelle sur cet espace et sur les supporters. Puis, cette
opinion s'est transformée en hypothèses de recherches. Il s'en
est suivi une évolution de mon positionnement lorsque j'allais au stade.
En effet, je n'étais plus un simple supporter mais également un
étudiant curieux et attentif. Cette étude de terrain plus
poussée qu'à l'origine, combinée à de nombreuses
lectures m'ont permis de proposer une analyse sur les pratiques des supporters
du PSG au Parc des Princes. Par conséquent, mes lectures sur le sport et
le football en sciences humaines et plus particulièrement en
géographie, associées à mon expérience de terrain,
m'ont permis de me situer par rapport à mon champ de recherche.
Etat de l'art
Les chercheurs en sciences sociales sont conscients depuis
plusieurs décennies de l'impact croissant du sport sur les populations.
Certains auteurs comme le sociologue Norbert Elias ont notamment parlé
de « sportification des sociétés »6. Le
succès du sport apparait alors comme un des symboles de
l'évolution des sociétés. Un indice permet de le montrer :
aujourd'hui, il existe des chaines de télévision, gratuites comme
L'équipe 21 et payantes comme Bein Sport, qui
consacrent 100% de leur temps d'antenne au sport. Cette médiatisation a
participé à la
6 Elias N., « Sport et violence »,
Actes de la recherche en sciences sociales. Vol. 2, n°6,
décembre 1976. Le sport, l'Etat et la violence, pages 2-21.
La citation est à la page 3.
7
construction du sport comme nouvel objet d'étude. De ce
fait, le sport en général, les stades de football et les
supporters en particulier sont de plus en plus étudiés par les
chercheurs en sciences sociales.
Concernant les stades, l'historiographie a montré que
leur architecture a toujours su se diversifier (en termes de style et de
matériaux utilisés) tout en imposant leur présence
à l'environnement urbain occidental. Comme l'a indiqué le
géographe Jean-Pierre Augustin7, les constructions
d'équipements sportifs se sont multipliées au cours du
XXe siècle jusqu'à devenir des éléments
urbains indispensables. En effet, aujourd'hui, au même titre qu'un
opéra ou une cathédrale, un stade devient un lieu incontournable
pour manifester la grandeur d'une ville ou d'un territoire : il symbolise
« l'hygiène, la santé et la morale »8 tout
en conservant des représentations symboliques d'ordre et de
puissance.
En 2011, l'ethnologue belge Gérard Derèze,
spécialiste en communication, s'est intéressé à la
construction d'un stade comme un lieu socialement commun et
partagé9. Dans cet article, il établit une
chronologie. Les premiers stades datent de l'Antiquité grecque. A cette
époque, ils pouvaient être délimités par des
barrières naturelles avec le rassemblement des foules sur des pentes
naturelles ou bien par simples talus artificiels. Puis, dès la fin du
XIXe siècle, la construction des stades se diffuse au point
de devenir un phénomène mondial. Peu à peu, ils
répondent à de nouvelles demandes en termes de construction. Les
pionniers en la matière sont les Anglais. Pour améliorer le
confort et la visibilité des spectateurs, on installe en Angleterre les
premiers systèmes d'éclairage dans les années 1950. Puis,
à partir des années 1970, on installe des sièges
individuels dans chaque tribune du stade pour éviter l'entassement du
public debout. Mais les grands changements interviennent bien plus tôt,
au tout début du XXe siècle : de plus en plus
fermés et cloitrés, les stades sont mercantilisés. Cette
nouvelle organisation permet le contrôle et le paiement des
entrées. Aujourd'hui, la prise de conscience de la dimension
économique du sport étant effective, on voit depuis peu une
nouvelle tendance se développer dans les contours des enceintes de
football : nombre d'entre eux sont maintenant multifonctionnels. Un stade est
aujourd'hui pensé pour être un lieu de vie et un espace
financièrement fructueux, y compris en dehors des manifestations
sportives. Il tend à s'intégrer aux différents aspects de
la vie quotidienne. De nombreux chercheurs, comme Norbert Elias ou l'historien
Robert Chartier, semblent d'accord sur l'idée qu'il ne faille pas
décontextualiser un stade de football de son ancrage social et spatial.
En effet, le sociologue allemand s'est intéressé au sport sur un
temps long. Par une étude comparative, il a cherché à
comprendre comment le sport moderne a-t-il pu acquérir une telle
notoriété. Dans cette démarche, il a montré que
l'émergence des activités sportives avait pour corolaire la
constitution des Etats-Nations et était donc symptomatique du processus
de civilisation10. Eric Dunning, un disciple d'Elias, s'est
intéressé aux supporters de football en poursuivant cette
7 Augustin J-P., Géographie du sport.
Spatialités contemporaines et mondialisation, Armand Colin, 2007,
Paris, 220 pages
8 Augustin J-P., « Aimez-vous encore les
stades ? » Urbanisme, n°393, été 2014,
Grands stades, en quête d'urbanité, pages 34-37.
9 Derèze G., « Le stade de football.
Essai sur la construction sociale et journalistique d'un espace commun. »,
Études de communication, 1996, mis en ligne le 21 juin 2011,
consulté le 18 juin 2015.
URL:
http://edc.revues.org/2437
10 Elias N., op cit., décembre
1976.
8
démarche comparatiste. En s'inspirant du contexte
ouvrier anglais de la seconde moitié du XXe siècle, ce
sociologue explique que les supporters, appartenant aux fractions
ouvrières et impliqués dans des actes de violence expriment
physiquement une frustration sociale face à la marginalisation de leur
situation11. Ainsi, on se rend compte que le sport n'a qu'une
autonomie relative à l'intérieur de nos sociétés
contemporaines.
Dernièrement, cette façon de concevoir le sport
et ses pratiques comme dépendant d'un cadre de vie plus global est
perpétuée par des chercheurs français. Nombreux parmi eux
s'intéressent au sport pour étudier une société
à différentes échelles.
Se rendre régulièrement au stade est une
manifestation personnelle de la passion ressentie par un supporter
vis-à-vis de son équipe. Ainsi, le stade devient un lieu
gravitaire où se polarisent différentes mobilités et
différentes façons de d'occuper un même espace. Pascal
Charoin, en tant qu'historien du sport et maître de conférences
spécialisé dans les sciences et techniques des activités
physiques et sportives, a étudié la distinction entre les
supporters les plus fervents et le public ordinaire12. Selon ce
chercheur, les plus fidèles à leur équipe sont
présents dans le stade quelle que soit la conjoncture sportive. Ils
vivent le match selon une temporalité particulière : ils se
retrouvent longtemps avant et se quittent longtemps après le match.
Ainsi, « le rituel débute bien avant la rencontre et perdure bien
après elle »13. Cette habitude partagée par bons
nombre de fervents supporters est confirmée par l'anthropologue Eric
Wittersheim. Dans son livre Supporters du PSG, une enquête dans les
tribunes populaires14, l'auteur fait une enquête sur un
groupe de jeunes étudiants abonnés à la tribune Boulogne
entre 1993 et 1995. A ce moment-là, il porte un intérêt
particulier pour les plaisirs quotidiens et populaires. Dans cet ouvrage, il
retrace une « soirée typique de supporters, un soir de match au
Parc des Princes »15. Celle-ci commence
généralement à 18h alors que le coup d'envoi du match est
prévu pour 20h30. Cette préparation anticipée s'explique
par le désir de se retrouver entre amis avant de pratiquer une passion
commune. Cette démonstration permet à l'auteur de mettre en avant
la nature collective de l'expérience du stade pour les fervents
supporters.
En somme, le stade de football est un lieu où se
concrétisent les liens tissés entre une population
hétérogène et une équipe de football selon un
régime d'attachement caractérisé par des « forces
conservatrices » pour reprendre les mots du sociologue allemand Georges
Simmel16. Parmi celles-ci, le stade de football, représente
le lieu d'activité des joueurs d'une équipe professionnelle et de
rassemblement des supporters. Il constitue la ressource matérielle
principale en tant qu'espace fédérateur. Cette permanence du lieu
concrétise une forme d'adhésion à une ville par
l'intermédiaire du sport et de son espace d'activité. En effet,
aller
11 Wittersheim E., Genèses, 1996,
Volume 23, Numéro 1, pages 164-165.
12 Charroin P., « Attention danger ! Football
extrême Contribution à une Sociologie des supporters `Ultras'
», revue S.T.A.P.S., Volume 11, n° 23, novembre 1990, pages
19-27.
13 Ibid.
14 Witthersheim E., Supporters du PSG, une
enquête dans les tribunes populaires du Parc des Princes, Le bord de
l'eau, novembre 2014, 150 pages.
15 Ibid.
La citation est à la page 81.
16 Simmel G., Etude sur les formes de
socialisation, 1908 (rééd), 780 pages.
9
régulièrement au stade, c'est entretenir un
rapport spécial à la ville en fonction des habitudes, des
itinéraires empruntés (route utilisée, place choisie
habituellement, station de métro de descente déplacement,
pédestre pour rejoindre le stade etc.). Ces « chaines
d'opérations »17 répétées personnifient le
club en fonction des configurations sociales du public. C'est ainsi que Marion
Fontaine a montré en 2010 que le spectacle se nourrit et s'incarne sur
une base territoriale en établissant un dialogue avec une
communauté imaginée18. En prenant l'exemple de la
ville de Lens, elle a montré que dans la première moitié
du XXe siècle, des supporters Lensois se rassemblent entre
collègues. Dans le cas lensois, les tribunes du stade reflètent
l'environnement local. C'est également vrai à Marseille. En
effet, Christian Bromberger a démontré que la géographie
sociale de la ville de Marseille se reflétait à
l'intérieur du Vélodrome19 (stade dans lequel joue
l'Olympique de Marseille). En effet, la Tribune Nord rassemble globalement des
personnes issues des quartiers populaires du nord de la ville tandis que la
tribune Sud accueille plus spécifiquement les personnes en provenance
des quartiers résidentielles des arrondissements situés au Sud de
Marseille. Par conséquent, que ce soit l'exemple lensois ou marseillais,
un stade de football est une « carte de la ville en réduction
»20.
Le stade est ainsi l'espace où se réunissent et
se croisent des individus aux parcours différents et parfois
opposés. Ils ne sont pas forcément côte à
côte. En effet, la construction architecturale d'un stade en forme
d'ellipse ou de cercle entraine une sensation étrange : dans son champ
de vision, on voit le terrain mais aussi les autres tribunes. Ainsi, une
personne située dans un virage aura une vision de sa propre situation en
observant le second virage situé de l'autre côté du terrain
(voir document 1 en annexe). A travers ces deux espaces, on se voit
soi-même. Comme l'a présenté Eric Wittersheim, le spectacle
footballistique est une activité sportive qui concentre des populations
hétérogènes : les « tribunes accueillent toutes
sortes d'individus (âge, origine sociale et raciale), le prix des places
plus ou moins élevé établissant bien entendu d'importants
contrastes de population dans chacune d'entre elles »21. Par ce
biais, assister à une manifestation sportive comme un match de football
est une manière pour une société de représenter
tous les paradoxes qui l'entourent : l'unité, la cohésion, la
solidarité mais aussi les divisions et conflits. En ce sens, une tribune
est un condensé d'une société. De ce fait, elle est un
angle de vision pour observer et comprendre une société.
Toutefois, le football est historiquement investi par les classes populaires
jusqu'au point où elles semblent dominantes numériquement et
sociologiquement. Ainsi, les classes populaires forment le socle dominant des
amateurs de football. C'est pourquoi des chercheurs comme Norbert Elias et Eric
Dunning se sont penchés sur l'étude des supporters de football en
s'intéressant plus particulièrement aux classes
populaires22.
17 Dérèze G, op cit., 1996.
18 Fontaine M., Le Racing Club de Lens et les
« Gueules noires », essai d'histoire sociale, Paris, Les Indes
savantes, 2010, 292 pages.
19 Bromberger C., « Le stade de football: une
carte de la ville en réduction », Mappemonde, n°289,
1989, Pages 37-40.
20 Ibid
21 Witthersheim E., op cit, novembre 2014. La
citation est aux pages 66-67.
22 Elias N, Dunning E., Sport et civilisation. La
violence maitrisée, Paris, Fayard.
10
La littérature anglaise s'est intéressée
à ce groupe social que constituent les supporters, bien avant les
chercheurs français. Le sport en Angleterre est aujourd'hui plus
intégré aux différents moments de la vie quotidienne.
C'est pourquoi, en Angleterre, une étude sur le sport en sciences
sociales semble plus légitime et les connaissances scientifiques sur le
sport sont plus approfondies. L'intérêt des Anglais concernant le
sport est donc plus important. Ceci est d'ailleurs confirmé par la
couverture médiatique qui lui est consacrée. En Angleterre, il
existe plusieurs quotidiens consacrés au sport alors qu'en France, un
seul quotidien sportif existe : le journal L'équipe. Le
monopole de ce journal consécutif à cette situation a pour
conséquence l'absence de voix discordantes en France susceptible de
pouvoir proposer une autre vision23.
Dans les années 1970, les premiers travaux anglophones
sur le football stigmatisaient le monde des supporters. Ils pointaient du doigt
le hooliganisme le considérant comme un objet de curiosité. Peu
à peu, les supporters sont devenus un objet d'étude scientifique.
Je ne parle pas et ne sais pas lire l'anglais. Par conséquent, je n'ai
pu lire aucun travail écrit en anglais lors de cette étude.
Compte-tenu du statut britannique dans la littérature sportive
internationale, cette barrière linguistique constitue une limite.
L'anthropologue Eric Witthersheim dresse un bilan de
l'historiographie française en sciences sociales ayant
étudié les praticiens du football.24 A
l'intérieur du premier chapitre, « Football et sciences sociales :
histoire d'un malentendu »25, cet auteur critique en premier
lieu le recours excessif à l'art de la métaphore religieuse. Il y
avait alors l'utilisation de « procédé métaphorique
nuisant » la « volonté scientifique »26. Parmi
ces égarements littéraires, on peut citer l'ethnologue Marc
Augé qui écrit en 1982 : « la télévision
serait un autel domestique devant lequel on se place pour participer à
la célébration d'un même rituel »27. Le
fond de la critique réside dans ce cas à l'abus langagier qui ne
repose pas sur une enquête empirique.
Puis, les travaux français présentaient le
football comme une matière susceptible de détourner le regard des
spectateurs de leur propre condition. Alors, ce sport a longtemps
été réduit à un spectacle illégitime lors
duquel le public serait passif. Parmi ses analyses, E.Witterhseim
dénonce l'article du sociologue du sport Michel Caillat intitulé
« Une aliénation normalisée »28. Cette
thèse, partagée par de nombreux intellectuels comme
Bourdieu29, voudrait que le public qui assiste à un spectacle
passivement soit en fin de compte asservi, comme endormi. Dans le même
esprit, pour le sociologue Henri Lefebvre le spectacle sportif ne serait en
réalité qu'une tendance à « participer à
l'action et faire du sport par personnes
23 Cochennec Y., «La misère sportive des
quotidiens nationaux français », Slate, 24 février
2011. URL :
http://www.slate.fr/story/34533/equipe-presse-sport
24 Witthersheim E., op cit., novembre
2014.
25 Ibid.
Le premier chapitre se situe entre les pages 25 et 63.
26 Ibid.
Les citations sont à la page 26.
27 Augé M, « Football. De l'histoire
sociale à l'anthropologie religieuse », Le Débat,
n°19, 1982, pages 59-67.
28 Caillat M., « Une aliénation
normalisée », Le Monde Diplomatique, juin 1994, page
22.
29 Bourdieu P., « Pour une sociologie du sport
», Choses dites, Paris, Editions de Minuit, 1987, pages 203
-216.
11
interposées »30. De tels propos
semblent représentatifs d'une vision quelque peu réductrice du
spectacle sportif dans laquelle les publics ne seraient que des consommateurs
passifs uniquement capables d'idolâtrer les stars sans prendre de recul.
Le stade serait alors un lieu de fermeture de l'esprit. Comme le mentionne
ironiquement E.Wittersheim, si on suit ce mépris pour une culture
illégitime, on peut également affirmer que les habitués
des salles de cinéma ne sont en réalité que des
cinéastes ratés31. Par conséquent,
l'anthropologue critique les thèses de dépossession culturelle
diffusées dans les sciences sociales françaises.
Toutefois, on ne peut réduire l'ensemble des travaux en
sciences sociales françaises à ces analyses. Au contraire, de
nouveaux points de vue ont émergé à partir de la fin des
années 1980 pour défendre la légitimité du sport en
sciences sociales. Parmi ceux-ci on trouve Christian Bromberger. Lors de cette
décennie, il a commencé à s'intéresser aux
pratiques et aux loisirs de la vie quotidienne. C'est ainsi qu'en 1987, il a
commencé à mener des recherches sur le football en raison de la
ferveur populaire qui l'entoure32. En 1995, avec la collaboration de
A. Hayot et J.-M. Mariottini, il publie Le match de football. Ethnologie
d'une passion partisane à Marseille, Naples et Turin. Ce
livre33, réédité en 2001 est efficace pour
montrer la capacité du football à dévoiler les pratiques
quotidiennes, collectives et sentimentales attachées à une
passion. En outre, il a influencé d'autres chercheurs comme
l'anthropologue E.Witthersheim34 ou le géographe Jean-Pierre
Augustin35 pour étudier les sentiments d'appartenances et les
antagonismes au sein d'une même société.
Alors qu'en sociologie et en ethnologie, le sport fut
régulièrement analysé dès les années 1980,
il a fallu attendre les années 1990 pour qu'il soit réellement
construit comme un objet à part entière dans la discipline
géographique. Les prémices datent de la fin des années
1960 avec notamment les travaux de l'urbaniste Antoine Haumont36. Ce
géographe influence encore de nombreux chercheurs dont Jean-Pierre
Augustin. Ce dernier explique dans son livre Géographie du sport.
Spatialités contemporaines et mondialisation publié en mai
2007 comment le sport façonne nos modes de vies et l'aménagement
des villes. L'analyse de « cet idiome mondial »37 en
géographie permet alors de révéler les dimensions
spatiales des différentes cultures sportives. Sa pratique sur l'ensemble
de la planète est riche de diversité. En effet, l'appropriation
des activités sportives et de l'espace sur lequel ces dernières
se pratiquent sont différenciées selon plusieurs critères.
Parmi ceux-ci, il y a par exemple l'histoire du sport en lui-même et la
temporalité de sa diffusion dans un lieu donné. En prenant
l'exemple du cricket, Jean-Pierre Augustin montre qu'il ne se pratique pas de
la
30 Lefebvre H., Critique de la vie quotidienne
III, De la modernité au modernisme (Pour une
métaphilosophie du quotidien), Editions de l'Arche, 1981.
31 Wittersheim E, op cit, novembre 2014. Ce passage
est à la page 37.
32 Bromberger C., « L'Olympique de Marseille,
la Juve et le Torino. Variations ethnologiques sur l'engouement populaire pour
les clubs et les matchs de football », Esprit, avril 1987, Le
nouvel âge du sport, pages 174-195.
33 Bromberger C., Le match de football.
Ethnologie d'une passion partisane à Marseille, Naples et Turin,
Paris, Editions de la Maison des Sciences de l'Homme, 1995, 406 pages.
34 Witthersheim E, op cit, novembre 2014.
35 Augustin J-P., op cit, été
2014.
36 Haumont A., Les équipements sportifs
dans la Région Parisienne, 1969, Paris, ISU/Districts de la
Région Parisienne, 205 pages.
37 Augustin, op cit, 2007, 220 pages. La
citation est à la page 5.
12
même façon en Inde et en Europe. En effet, ce
sport s'est diffusé en Inde suite à la conquête coloniale
britannique. Ainsi, avec certes des modifications, la pratique du cricket en
Inde s'est largement adapté à la pratique anglaise dans un cadre
assimilationniste. Ainsi, le géographe montre qu'une
société s'approprie une pratique en fonction de sa culture, son
histoire et son identité.
D'ailleurs, Jean-Pierre Augustin appuie l'idée que le
territoire est modelé par des pratiques identitaires. Le territoire
devient ainsi un « médiateur »38 ; Dans ce sens, il
montre que les bénéfices du sport en termes de rassemblement
collectif et d'épanouissement individuel, engendrent des processus
d'identification au territoire à l'intérieur desquels, il devient
un « régulateur social »39. L'émergence de
ces différents lieux, ré-agence l'espace et ses usages. En
découle ainsi de nouveaux rapports à celui-ci et de nouvelles
représentations : « on peut parler des territoires qui nous
habitent autant que de territoires que nous habitons
»40. L'apport d'Augustin sur cette idée consiste
à combiner les échelles : la mobilité
accélérée et prolongée dans la distance complexifie
les rapports à l'espace. Chose appuyée par le fait que de plus en
plus de lieux sportifs se transforment en centres sportifs dont l'ambition est
d'accueillir plusieurs activités sportives différentes. Pour ces
raisons, Augustin évoque la notion de « multiterritorialité
»41. Elle pourrait se définir par une appropriation
plurielle d'un même espace par différents acteurs. Cette
dernière résulterait alors d'une diffusion des cultures
sportives.
La démarche de Jean-Pierre Augustin se fonde sur les
théories de l'aménagement et les activités culturelles et
économiques du sport. La géographie est une science
attachée au point de localisation grâce à laquelle on peut
étudier les parcours des individus et ainsi évaluer leurs
déplacements dans l'espace. Jean-Pierre Augustin s'appuie alors sur les
mobilités accélérées des citadins contemporains
pour expliciter la notion de médiation territoriale entre les
sociétés humaines et les activités sportives. Il
démontre que les espaces attribués à la pratique sportive
(stade, gymnase municipaux par exemple) se multiplient, se diversifient et
s'étendent. Ainsi, on assiste à une extension spatiale
progressive des espaces et des équipements dédiés aux
pratiques sportives qui entraînent des fréquentations multiples et
variées dans des lieux parfois inconnus par ceux qui les
fréquentent. Dans mon propre cas, je fréquente
régulièrement le XVIe arrondissement de Paris sans
autre motif que d'assister aux matchs du PSG. En conséquence, j'ai
développé une attache particulière à ce quartier.
Ces dialogues répétés entre un espace et l'organisation
régulière de compétitions ou activités sportives
entraînent une polarisation spatiale des individus concernés par
le sport vers ces lieux.
38 Augustin J-P, op cit, 2007, 220 pages. La citation
est à la page 10.
39 Ibid.
La citation est à la page 10.
40 Ibid.
La citation est à la page 11.
41 Ibid.
La citation est à la page 11.
13
Aujourd'hui les débats sur les identités et les
cultures qui s'opposent dominent l'actualité et tendent à
renforcer les fractures sociales. Face à ce constat, Jean-Pierre
Augustin42 présente le sport comme étant l'un des
seuls moteurs capable d'engendrer une émulation collective à
l'échelle mondiale. Il constitue alors le premier facteur de
rassemblement.
Dernièrement, en s'appuyant sur des enquêtes de
terrain, des chercheurs comme Eric Witthersheim43, Marion
Fontaine44 ou Bérangère Ginhoux45 mettent
en avant la complexité culturelle du supporter de football au sens
large. En effet, ils mettent en évidence la quête de
visibilité des supporters de football réunis au sein
d'associations caractérisées par une organisation interne
hiérarchisée. Celles-ci arborent un blason, des couleurs, une
identité, emblématique d'une histoire. Une des actions de ces
supporters consiste à élargir leur espace d'activité : la
ville est le support physique d'une compétition symbolique entre les
différentes associations d'une même équipe. Le tout est
intégré à une philosophie libertaire : ces associations
défendent leur autonomie vis-à-vis du club et une liberté
d'expression ce qui renforce la figure démocratique du sport et du
spectacle. En effet, selon Marion Fontaine, la professionnalisation du football
tend à écarter de plus en plus l'espace social présent
entre les différents acteurs du milieu footballistique : les supporters
et les joueurs. Ainsi, ces associations de supporters structurent leur propre
fonctionnement et organisent leurs propres activités en parallèle
à l'institution qu'ils défendent. Le stade serait pour les
supporters un lieu de camaraderie où la liberté d'expression -
que ce soit en termes de chants, de slogans écrits ou de dessins sur les
grandes banderoles - est défendue avec passion. Ces publics manient
l'humour et la distanciation ce qui façonne leur esprit critique tout en
étant très engagé dans leur démarche. La tribune
devient même une base territoriale identitaire aux différents
groupes de spectateurs. En référence aux tribunes anglaises, la
tribune de football populaire située derrière les buts est alors
un espace de concrétisation d'une sous-culture46 où il
est possible d'observer « quelques valeurs authentiquement
prolétarienne comme l'appartenance à une communauté et le
sens du territoire... »47.
Le sociologue Nicolas Hourcade, observateur
spécialisé des ultras, appuie les enquêtes des
chercheurs cités précédemment48 mais
s'intéresse quant à lui aux manières dont sont
considérés les supporters de football en France à
l'échelon local (par les dirigeants des clubs) et national (par les
dirigeants du football français). Dans ses nombreux articles, il
déplore la répression sévère mise en place à
l'égard des supporters de football au nom de la «
tolérance
42 Augustin J-P., op cit, 2007, 220 pages.
43 Wittersheim E., op cit., novembre 2014.
44 Fontaine M., op cit., 2010.
45Ginhoux B., « En dehors du stade :
l'inscription des supporters « ultras » dans l'espace urbain »,
Métropolitiques, 13 mai 2015.
URL :
http://www.metropolitiques.eu/En-dehors-du-stade-l-inscription.html
46 Dans le sens de culture imbriquée dans
une autre plus large et plus diffuse. Ici, la culture du supporterisme est
historiquement reliée à une culture ouvrière.
47 Mignon P., « Supporters et hooligans en
Grande Bretagne depuis 1871 », Vingtième siècle. Revue
d'histoire, n°26, avril-juin 1990, pages 37-47.
48 Hourcade N., « Hooliganisme : un
phénomène pluriel », La Revue Internationale et
Stratégique, no 94, 2014, pages 127-134.
14
zéro »49 et décrit les nouvelles
politiques mises en place dans le cadre de l'EURO 2016 qui aura lieu en France.
A cette occasion, la rénovation des stades de football est le moment
opportun pour changer le standing d'accueil de son public. Dans le même
temps, les responsables sportifs et politiques envisagent de changer les normes
en place à l'intérieur des stades : remplacer le public
contestataire et actif par un public familial, docile et consumériste.
Son apport est considérable dans le sens où il questionne la
place des supporters dans le monde du football aujourd'hui50.
Les supporters du PSG au sein d'un contexte
multiscalaire
Les supporters parisiens présents au stade, quels que
soient leur statut et leur degré d'adhésion, sont inscrits
à l'intérieur d'un triple contexte.
Premièrement, la situation actuelle du PSG est
caractérisée par une suite d'évènements comparables
sous certains rapports à ce qu'avait connu le football anglais dans les
années 1980 - 1990. Des violences urbaines liées au football
étaient fréquentes et sont devenues un sujet national à la
suite du drame du Heysel51. Des mesures répressives,
politiques et judiciaires, ont été menées pour faire face
aux supporters turbulents à l'intérieur de ce qu'on a
appelé la « tolérance zéro » : sanction
sévère et « aveugle »52 au moindre fait
contraire aux lois. Parmi celles-ci, il y a eu l'invention des Interdits
Administratifs de Stade (IAS) par un ministre anglais sous Margaret Thatcher.
Encore appliqué aujourd'hui, un IAS est une personne
présentée comme potentiellement dangereuse pour le public. Le
préfet a l'autorisation d'interdire un supporter de se rendre dans un
stade de football si la police estime qu'il « constitue une menace pour
l'ordre public ». L'existence du délit repose alors sur des
suspicions. Cette estimation s'appuie sur un jugement arbitraire et non
judiciaire : il n'est pas nécessaire d'établir d'enquête et
de fournir des preuves du délit.
Ces mesures furent accompagnées d'une campagne de
modernisation des structures du football anglais, avec comme ligne de mire
l'EURO 1996 qui eu lieu en Angleterre. Pour financer ces travaux, les
dirigeants du football anglais ont augmenté le prix des places. Dans
certains stades, en 20 ans, d'après le journal hebdomadaire
L'express, les prix des places pour aller voir un match ont
été multipliés par 1053. Ces recettes ont
permis de faire venir de grands joueurs voire des vedettes, d'hausser le niveau
de jeu et la qualité du spectacle proposé. Cette
49 Afin de ne pas voir des récidives et une
escalade de la violence, les autorités punissent
sévèrement les coupables à la moindre infraction sans
prendre en considération des circonstances atténuantes.
50 Hourcade N., « La place des supporters dans
le monde du football », Pouvoirs, n°101, avril 2002, pages
75-87.
51 Lors de la finale de Coupe d'Europe 1985 entre
le FC Liverpool et la Juventus de Turin, des supporters Anglais envahissent une
tribune de supporters Italiens créant une bousculade. Sous la pression,
une partie de la tribune s'effondre causant 39 morts et 454 blessés.
52 Fleurot G., Episode 1 : « Moi, ancien
interdit de stade... », La France a-t-elle un problème avec ses
supporters ?, L'équipe Stories, 16 mars 2015.
53 Fonteneau T., « Les limites du
modèle anglais », L'express, publié le 05 mars 2010
à 19h23. URL:
http://www.lexpress.fr/actualite/sport/les-limites-du-modele-anglais_853306.html
15
réalité économique est d'autant plus
importante en Angleterre que les clubs anglais contrairement aux clubs
français, sont propriétaires de leur stade. Les recettes
emmagasinées sont alors intégralement conservées par les
clubs.
C'est le modèle du « football business » :
dans le sens commun, cela signifie que chaque secteur placé sous la
tutelle d'un club doit être capable d'augmenter les recettes
financières annuelles. Les stades de football, en tant que
propriétés privées, abritent dorénavant des
hôtels, des musées, des magasins et sont ainsi devenus des lieux
marchands et commerciaux comme les autres. Ils n'échappent donc pas
à cette règle. Ils sont transformés peu à peu comme
en lieu de vie à part entière où des services lucratifs
sont proposés. Par exemple, des visites du stade sont organisées
tous les jours lors desquelles il est possible de prendre des photos
officielles et payantes. Ce lieu est alors inséré dans le
quotidien des riverains et amateurs de football. Ces nouveaux centres
commerciaux doivent pouvoir accueillir un public durant un laps de temps
supérieur à la durée d'un match de football habituel, soit
une heure et demi. Cette évolution constitue un levier en termes de
développement économique.
Dans un second temps, l'arrivée à
l'été 2011 du fond d'investissement souverain de l'émirat
du Qatar à la tête du PSG a fait entrer ce club dans une nouvelle
ère. Afin de moderniser le PSG et d'atteindre la visibilité des
grands clubs européens, les nouveaux dirigeants s'inspirent du plan de
développement anglais. D'ailleurs, ce modèle est
développé dans les grands clubs européens qui cherchent
une reconnaissance mondiale et une hégémonie sportive nationale.
On trouve ces processus avec plus ou moins de différences, à
Madrid, Barcelone, Munich etc. Par exemple, le PSG et la préfecture de
Paris appliquent la règle des IAS54 et le club de la capitale
prévoit de construire une grande place commerciale dédiée
au club à quelques pas du stade.
De plus, la France accueillera et organisera l'EURO 2016. A
près d'un an du début de la compétition, les dirigeants
français cherchent à renouveler un nombre important
d'équipements sportifs dédiés au football en France pour
répondre aux normes de l'Union of European Football
Associations (UEFA). En plus d'accroitre ultérieurement les
retombées financières pour les clubs professionnels, cette
initiative est l'occasion, dans un premier temps, de pacifier un public
considéré par les autorités comme « nuisible
»55 ; dans un second temps, de sélectionner un public
pacifié qui se rend au stade de football. Pour cela, au niveau national
et local, une politique répressive et sécuritaire est
appliquée afin de contrer les potentiels débordements. Ces
politiques viennent en réponse aux troubles causés à la
fin des années 2000 et notamment après la mort d'un supporter
parisien en 2010.
Le 3 et 4 février 2015, lors du séminaire annuel
de la Division Nationale de Lutte contre le Hooliganisme (DNLH)56
qui avait lieu au siège de la Fédération Française
de Football (FFF), le président de la Ligue Française de Football
(LFP), Frédéric Thiriez assume et soutient cette idée lors
d'un discours sécuritaire : « La meilleure prévention, c'est
quand même la peur du
54 Selon le quotidien sportif L'Equipe, il y
aurait 370 IAS Parisiens au jour du 16 mars 2015.
55 « Face aux supporters, les trois chaises vides du
football français », L'équipe, publié le 12
février 2015 à 11h50.
URL :
http://www.lequipe.fr/Football/Actualites/Trois-chaises-vides-face-aux-supporters/535780
56 La DNLH est un organisme qui a été
créé en 2009 pour coordonner la lutte contre la violence dans les
stades.
16
gendarme et la crainte de la répression. Quitte
à apparaître comme un président de la Ligue
sécuritaire, ce qui ne me gêne pas du tout, je suis
décidé à poursuivre cette politique de tolérance
zéro envers la violence. » Cette tolérance zéro dont
parle le représentant des présidents de tous les clubs
professionnels français est alors l'objet qui distingue fortement le PSG
des autres clubs français. Pour cette raison, une étude sur la
sécurisation du Parc des Princes et l'évolution des pratiques des
supporters du PSG aujourd'hui est singulière compte tenu du contexte qui
entoure le club parisien.
Ainsi, troisième élément de contexte, la
situation des supporters du PSG apparaît très fortement
médiatisée. Depuis plusieurs décennies déjà,
le PSG est connu pour plusieurs critères. Parmi ceux-ci, on retient
l'empreinte laissée par les supporters du club. Celle-ci est à la
fois positive et négative. En effet, comme le relate le documentaire
Parc, certains supporters et certains journalistes présentaient
le Parc des Princes comme le stade ayant la plus belle ambiance de France :
« Je suis désolé pour les autres supporters mais j'ai
été un peu partout en France, tous les joueurs le disent, et
c'est une réalité, c'était au Parc des Princes qu'il y
avait la plus belle ambiance » (Interview du journaliste Daniel Riolo
à la 6e minute du reportage). Cette ambiance se
définissait comme une atmosphère chaleureuse dans laquelle le
public était très proche du terrain. La sonorité des
chants est renforcée et magnifiée par l'architecture en forme de
cuvette du toit. Ceci entraine alors une résonnance unique en France.
En revanche, l'aspect négatif, est associé au
conflit très dur qui oppose la tribune Auteuil et la tribune Boulogne.
Pendant plus de dix ans, une « union sacrée » pacifique se
manifeste entre ces associations. Au cours des années 1990 et jusqu'au
début de la décennie suivante, la collaboration entre les deux
virages est réelle. L'ambiance à l'intérieur du stade
entre les associations des différentes tribunes est alors passionnelle.
A ce moment, la rivalité est principalement centrée sur les
supporters adverses et plus particulièrement sur les supporters de
l'Olympique de Marseille (OM). Puis, au début des années 2000,
des affrontements éclatent entre différentes associations et
s'enveniment petit à petit.
La composition sociale et l'histoire de ces deux tribunes
peuvent aider à comprendre l'antagonisme qui les séparait.
La tribune Boulogne était connue pour être
composée d'individus essentiellement blancs, politiquement de droite.
Certains ont même été catalogués comme personnes
« se revendiquant d'une idéologie d'extrême droite ou
appartenant à des groupuscules néonazis »57. Elle
fut inspirée par le modèle du hooligan anglais. Le
hooligan revendique une indépendance vis-à-vis du club
et par l'absence de toute structure associative. Pour défendre leur
équipe et un sens territorial fort, ils n'hésitaient pas à
prôner la violence. Comme le décrit Bérangère
Ginhoux58, la rivalité entre les associations dépasse
le cadre spatial du stade et le cadre temporel du match : elle s'inscrit dans
une compétition urbaine. Ainsi, ces individus
57 Bodin D., Héas S.
et Robène L., « Hooliganisme : De la question de
l'anomie sociale et du déterminisme », Champ pénal/Penal
field [En ligne], Vol. I | 2004, mis en ligne le 01 mars 2004,
consulté le 18 juin 2015. URL :
http://champpenal.revues.org/25
; DOI : 10.4000/champpenal.25
58 Ginhoux B., op. cit., 2015.
17
manifestent un attachement au territoire qu'est leur tribune
selon un « marquage symbolique »59 fait de graffitis, de
tags et de stickers. Ces inscriptions urbaines s'étendent au-delà
de la tribune et constituent le support d'une compétition entre les
différents groupes. Ces derniers sont informels et affichent un soutien
à leur équipe sans porter les couleurs ou les symboles à
l'effigie du club. On parle alors de mode voire de phénomène
casual. Afin de ne pas être repérés par la police, ces
groupes de supporters adoptent un style vestimentaire neutre et
décontracté pour passer inaperçu au sein du public. Sauf
que, l'implantation de plus en plus marquée du football dans les
différentes sociétés européennes associée
aux échanges culturels réguliers entre supporters adverses compte
tenu de leurs déplacements lors des compétions internationales et
des parrainages entre associations, ont conduit à médiatiser ce
mouvement vestimentaire et culturel. Ce mouvement d'origine anglaise
très développé entre les années 1970 et 1990 s'est
donc exporté en Europe avant d'être obsolète aujourd'hui.
La tribune Boulogne, d'inspiration anglaise, s'est inscrite dans ce
modèle. Le kop of Boulogne, nom anglicisé, nait en 1978.
C'est alors la première association de supporters Parisiens.
Le virage Auteuil nait en 1991 à la suite de la
création de sa première association lors du rachat du PSG par la
chaine télévisée Canal Plus. Ces
propriétaires voyaient d'un mauvais oeil le nombre de supporters de plus
en plus important réunis au sein des associations de Boulogne.
L'objectif était alors de contrer l'augmentation de la violence à
Boulogne en proposant une alternative. La tribune Auteuil choisit le
supporterisme ultra italien comme référence. Ce
modèle est né en Italie pendant les années 1960. Les
ultras se définissent comme de vrais supporters car ils animent
la tribune par leurs chants et leurs banderoles, leurs tifos (grand
dessin qui fait office de chorégraphie visuelle pour décorer la
tribune et délivrer un message) sans interruption. L'ultra est
acteur du match durant toute la rencontre. Tout comme les hooligans
anglais, il arrive également que ces supporters fassent appel
à la violence dans l'optique de se faire respecter par les supporters
adversaires60.
En 2003, plusieurs associations de la tribune Auteuil
fêtent leur 10 ans d'existence et cherchent à créer une
entité qui serait au-dessus des collectifs afin d'avoir plus de poids au
près des dirigeants du PSG. Cette ascension de la tribune Auteuil est
venue contrebalancer le poids historique de la tribune Boulogne et s'est
soldée par le début des tensions.
Depuis, la scission entre ces deux tribunes n'a fait que
s'accentuer, les débordements entre supporters parisiens se sont
additionnés et amplifiés allant jusqu'à la mort d'un
supporter en 2010. Le président de l'époque, Robin Leproux, a mis
en place avec l'appui des autorités politiques un plan de
sécurité dont l'objectif était de rétablir la paix
autour du PSG.
L'arrivée d'investisseurs milliardaires à la
tête du PSG a probablement pu se faire grâce à l'application
et la réussite de ce plan. Paris, ville qui projette de devenir une
place mondiale du sport par une médiatisation renforcée
(dernièrement Paris s'est déclarée candidate pour
l'organisation des Jeux Olympiques 2024), a besoin d'une grande équipe
de football
59 Kokoreff M., « Des graffitis dans la ville
», Quaderni, hiver 1988/1989, pages 85-90.
60 Episode 3, « Mais au fait, qu'est-ce qu'un
Ultra ?», La France a-t-elle un problème avec ses supporters ?,
L'équipe Stories, 18 mars.
URL :
http://www.lequipe.fr/Football/Infos/Mais-au-fait-qu-est-ce-qu-un-ultra/544032
18
susceptible de la représenter dans les
compétitions nationales et européennes. La Mairie de Paris voit
alors d'un bon oeil la volonté des investisseurs de faire du «
Paris-Saint-Germain une marque mondiale dans le sport »61.
A l'été 2011, l'équipe du PSG est
passée dans une autre dimension, aussi bien sur le terrain qu'en
tribune. Le rachat du PSG par des Qataris a modifié toutes les ambitions
et les attentes qui circulaient autour de ce club. L'arrivée de grands
joueurs et les progrès du PSG en coupe d'Europe ont pour
conséquence l'explosion de la place médiatique qui lui est
réservée et une forte hausse de demande publique. Celle-ci
dépasse régulièrement les frontières des amateurs
de football, surtout lorsque le PSG joue en Coupe d'Europe.
Une enquête sur les usages et les
représentations des « nouveaux » supporters du PSG ?
Le club est très suivi dans toute la France et
travaille pour attirer une base de fans à l'étranger. En
associant cette donnée à l'augmentation des prix des places et
aux mesures administratives et politiques mises en place, on assiste à
une évolution de la composition du public se rendant au stade en
parallèle du développement du projet international du club.
Puisque le bassin de population est suffisamment important et suffisamment
aisé pour se rendre au stade, le Parc des Princes est très
souvent rempli. Ainsi, de nombreuses personnes ont pu accéder pour la
première fois au Parc des Princes, de nouveaux profils de public sont
susceptibles d'aller au Parc des Princes et de se lier de passion au nouveau
spectacle proposé. Ce mémoire présente donc une dimension
comparative et temporelle, avec pour élément de rupture,
l'arrivée d'un nouveau propriétaire en 2011.
Le PSG réussit à réunir un peu moins de
40 000 personnes au Parc des Princes toutes les deux semaines. Ce lieu
appartient à la Mairie de Paris mais est loué par le PSG selon
une « convention d'occupation du domaine public d'une durée de 30
ans »62. Proportionnellement à la population et à
la diversité des activités disponibles dans la région
parisienne, le Parc des Princes compte probablement parmi les lieux de
rassemblement les plus importants en termes de fréquence et de
quantité de personnes réunies. Le Parc des Princes doit alors
être en mesure de contenir ces milliers de personnes par une gestion
efficace de son espace. La surveillance dans un lieu privatisé d'une
foule aussi importante est un réel défi pour les autorités
publiques et pour les dirigeants du club.
61 Interview de Jean-Claude Blanc, directeur
général du PSG, rendue publique le 16 décembre 2013.
URL:
http://www.lesechos.fr/16/12/2013/LesEchos/21585-067-ECH_jean-claude-blanc
le-paris-saint- germain-peut-devenir-une-marque-mondiale--.htm
62 « Le PSG lié au Parc des Princes pendant 30 ans
», Le Parisien, 26 novembre 2013.
URL :
http://www.leparisien.fr/psg-foot-paris-saint-germain/le-psg-lie-au-parc-des-princes-pendant-30-ans-26-11-2013-3351749.php
19
Dans un tel contexte, il m'est apparu intéressant
d'étudier l'accessibilité du stade, les mobilités du
public parisien et la manière dont les usagers du Parc des Princes
fréquentent ce lieu et ses environs au regard des stratégies
sécuritaires et commerciales mises en place par les différentes
autorités. Cette étude porte donc sur les pratiques spatiales et
les représentations des usagers du Parc des Princes, et plus
particulièrement ceux d'une partie de la tribune Auteuil.
A l'intérieur du stade, située en virage, la
tribune Auteuil apparaît en effet comme un emplacement où les
différents profils du public s'opposent et s'insultent
régulièrement. La rencontre de football devient le cadre
spatio-temporel lors duquel se réunissent des personnes aux visions, aux
discours et comportements différents.
Une proposition de catégorisation du public à
l'intérieur d'un stade a été proposée par
l'urbaniste Jean-Michel Roux63.
On y trouve d'abord les fans. Ils constituent un
noyau dur composé des supporters les plus engagés. Ce groupe
rassemble des personnes qui se connaissent tous plus ou moins. C'est alors un
« groupe déviant qui se considère étranger au reste
des spectateurs »64. Etant les personnes les plus
fidèles à leur équipe, ils représentent la
sous-culture du supporter : les codes régis à l'intérieur
de cette sous-culture peuvent apparaître comme étrangers au reste
du stade. Ces fans ont des pratiques qui leur sont propres. Ils sont
souvent associés au mouvement ultra ou aux hooligans.
Ainsi, leur ambition est d'animer la tribune pendant la rencontre et de dominer
le public adverse par les chants. La sensation d'éprouver une
expérience sensorielle hors du commun dépend alors de la
diffusion de ces pratiques au reste du public.
On trouve ensuite le supporter. Ce serait une
personne affichant une grande solidarité vis-à-vis des fans
tout en se détachant de la notion de groupe. La « dimension
familiale » recherchée par les fans ne concerne pas le
supporter : il se rend au stade de football pour vivre une
expérience sensible unique, intégrée à un groupe
anonyme, tout en assistant à un spectacle. C'est pourquoi il peut
être très critique face à la qualité du jeu
proposé.
Enfin, il y a le spectateur. Il s'agit d'une personne
ayant payé une place pour assister à un spectacle afin de
concrétiser l'impression fantasmée à travers les
médias. Il est souvent assimilé au rôle de client : comme
une personne venue assister à un film à ciel ouvert. Il
représente pour les fans la figure du « football-business
».
D'un point de vue géographique, les fans et
les supporters partagent un point commun : nombre d'entre eux sont des
abonnés (surtout chez les fans), ou sont tout du moins, des
personnes qui se rendent régulièrement au stade. Ainsi, cette
habitude entraîne une relation à l'espace plus sentimentale et
communautaire. En effet, il y a une appropriation de la tribune
63 Roux J-M., « L'ambiance des stades » ;
Urbanisme, n°393, été 2014, Grands stades, en
quête d'urbanité, pages 60-62.
64 Guigue T., « Du projet artistique au projet
urbain : structuration du territoire par l'oeuvre d'art »,
Communication & management 1/ 2014 (Vol. 11), pages 37-52.
20
« quasi fétichiste »65. Ces
fans et ces supporters ne ressentent pas le besoin de se
déplacer dans une autre tribune, même pour un prix comparable.
Leur attache à la tribune prend le dessus sur le confort ou une vision
plus agréable du match. Ce lien à la tribune ressenti par les
fans et les supporters fut exprimé en 1995 par
Christian Bromberger lors d'une étude sur le public du stade
Vélodrome à Marseille. Des ultras de la tribune Nord ont
dû migrer vers une autre tribune. Ils ont alors ressenti ce
déplacement comme un véritable « déracinement, une
invraisemblable trahison »66. Cette notion est d'autant plus
forte que ce public composé de fidèles fonde son identité
sur le culte du paraitre. Ainsi, ce besoin de se montrer uni et solidaire se
communique grâce à de tels regroupements. Le spectateur
est quant à lui dans une démarche plus individualiste. Il
aura moins tendance à élaborer des stratégies spatiales
pour s'intégrer à un groupe de supporters. Pour lui, les
critères qui apparaissent le plus déterminant sont le prix du
billet ou de l'abonnement et la qualité de la vision du spectacle.
A la suite de la mise en oeuvre de la nouvelle politique
commerciale et de l'augmentation régulière des prix
d'entrée par la direction du PSG, ces « nouveaux » publics ont
été très médiatisés. Mais c'est surtout la
frange des spectateurs qui est ciblée par les dirigeants du
PSG. C'est cette même frange qui est méprisée par une
minorité de supporters actifs et qui semblent être les derniers
à exprimer fort dans la tribune leurs mécontentements. C'est
ainsi que des abonnés n'hésitent pas à insulter cette
nouvelle frange du public, de « viagogos » en référence
à l'accord commercial établi entre le site internet de revente en
ligne Viagogo67 et le PSG pour se procurer des billets, mais aussi
à l'ignorance de culture du supporter (méconnaissance des chants,
des pratiques, des codes) dont ils font preuve.
Pour cette étude, en raison de l'emplacement de mon
abonnement, je vais focaliser plus particulièrement mon attention sur
une partie de la tribune Auteuil. En effet, mon abonnement annuel me place
automatiquement dans la tribune Auteuil au compartiment 313. Je suis
limité à cet espace à l'intérieur du stade (voir
document 1 en partie annexe). A l'intérieur de cette partie, on trouve
une majorité d'abonnés, qui, si on reprend la terminologie de
J-M. Roux, peuvent être fans, supporters ou
spectateurs.
C'est précisément l'étude des
crispations, des tensions répétées, voire des conflits
entre « supporters » (à comprendre ici au sens large) qui
constitue l'une des trames de cette enquête ; des tensions qu'il faut
précisément mettre en lien avec la mise en place d'une politique
sécuritaire de filtrage et de contrôle comportemental.
Même si elle semble satisfaire une partie des
autorités publiques, les dirigeants du football français et les
dirigeants du PSG, cette sélection du public est aujourd'hui fortement
interrogée par les journalistes.
65 Charroin P., op cit, 1990.
66 Bromberger C., op cit, 1995.
67 Viagogo est un site internet et une entreprise
spécialisée dans l'achat et la vente de billets pour des
évènements sportifs et culturels. Le PSG et Viagogo ont un accord
commercial qui permet aux abonnés de mettre en vente leur droit
d'entrée pour un match. Ces « viagogo » sont des personnes
ayant acheté une place sur leur site.
21
La pacification du stade doit-elle se faire au
détriment du respect des libertés individuelles de
base68 ? Ce débat a par exemple été posé
par le quotidien sportif L'équipe dans son « Equipe story
» intitulée « La France a-t-elle un problème avec ses
supporters ? ». L'article intervient à la suite de l'exclusion et
la suspension de l'abonnement d'un supporter du PSG de la tribune Boulogne qui
avait lancé un chant de contestation contre l'augmentation du prix des
abonnements pour l'année suivante. Cet évènement largement
relayé par les médias fut également repris par la
sphère politique dans un contexte d'élection. Le 16 mars 2015, le
groupe Communiste - Front de gauche du Conseil de Paris a ainsi
déposé un voeu lors de la séance du Conseil pour «
interpeller le PSG sur l'exclusion du supporter parisien et plus globalement
sur sa politique tarifaire » (Anthony Cerveux, journaliste à So
Foot).
Comme le mentionne le reportage de L'Equipe, ce sujet
grossit dans les sphères footballistiques en tant qu'enjeu
sociétal. Un journaliste comme Jérôme Touboul, le
sociologue Nicolas Hourcade ou le député socialiste Malek Boutih
parlent « d'excès des lois » au sujet de l'application des
décrets départementaux qui interdisent à des personnes
munies d'une plaque d'immatriculation 75 ou portant un signe distinctif du PSG,
de circuler dans les départements en question69.
Terrain et système d'enquête
L'enquête de terrain a débuté le 18
janvier 2015 lors d'un match entre le PSG et l'Evian Thonon Gaillard Football
Club. A ce moment, j'avais pour ambition d'étudier le vécu
collectif des supporters du PSG, avec pour hypothèse de départ,
l'idée que le Parc des Princes était un lieu d'atomisation des
foules. En effet, je voulais mettre en évidence que l'embourgeoisement
des tribunes, conséquence de l'augmentation des prix d'entrée,
entrainaient une destruction de l'unité des groupes de supporters. Or,
comme l'écrit Jean-Michel Roux, les sensations ressenties dans un stade
de football sont exacerbées par une action collective des
supporters70. Alors, je partais du principe que l'expérience
sensible du public s'était appauvrie. Pour répondre à ce
questionnement, je voulais interroger principalement des personnes
identifiées en tant que « nouveaux publics » puisqu'elles
étaient, selon moi, les agents principaux de cet embourgeoisement. Pour
cela, je prévoyais de faire de l'observation participante dans la
tribune et d'aller directement parler à ces personnes dans le stade
pendant le match. Ici, j'assimile ces « nouveaux publics » aux
spectateurs de la typologie de Jean Michel Roux.
68 Fessard L,. « Quand la police aide le PSG
à trier ses supporters », Mediapart, mercredi 6 novembre
2013. URL :
http://www.franceculture.fr/sites/default/files/2013/11/06/4734868/fichiers/article%20PSG.pdf
69 Par exemple, le samedi 14 décembre 2013,
la préfecture d'Ille-et-Vilaine « interdit à toute personne
se prévalant de la qualité de supporter du Paris-Saint-Germain,
ou se comportant comme tel de circuler le samedi dans l'ensemble du
département, de midi à minuit » car le Stade Rennais
accueillait le PSG.
70 Roux J-M., op cit, été
2014.
22
Depuis les années 1970 et les premiers travaux sur le
football, les différents écrits constatent la dimension populaire
et démocratique du football. Toutes les classes sociales jouent au
football et sont présentes dans un stade de football, avec il est vrai,
une forte prédominance populaire. Pourtant, le pluralisme des sources
interrogées ne me parait pas exhaustif. En effet, j'ai été
surpris de constater que les personnes sollicitées sont souvent les
mêmes : ce sont les journalistes et ce sont les abonnés ou les
supporters les plus fervents, les plus démonstratifs. Puisque les
écrits sur les publics fidèles d'une équipe de football
foisonnent, je voulais étudier au départ le vécu collectif
du public parisien en me focalisant sur les pratiques et les
représentations des « nouveaux publics ». L'enquête de
terrain aurait alors été comparée à la
littérature portant sur les fervents supporters.
Ces « nouveaux publics » présentent
l'avantage d'être facilement repérables. La plupart de ces
personnes se connaissaient pour des raisons professionnelles, amicales ou
familiales. Mais puisqu'au départ je ciblais des personnes qui ne
venaient que très rarement au stade, je partais du principe que ces
mêmes personnes vivaient pour la première fois ensemble une
expérience au Parc des Princes. Ainsi, elles n'avaient pas eu l'occasion
de devenir ensemble, le temps d'un match, supporter du PSG au Parc des Princes.
Le devenir demande plusieurs conditions: acquérir cette culture et ce
« savoir-faire » du supporter (capacité à chanter et
bouger) nécessite du temps, de la disponibilité et de la bonne
volonté.
Parmi ce public, je ciblais prioritairement les familles
composées d'enfants pour deux raisons. Premièrement, selon moi,
elles avaient plus de chance d'être de nouvelles personnes
séduites par le projet du PSG et elles avaient plus de chance d'avoir un
capital économique important. Puis, d'après de nombreuses sources
et notamment le sociologue Ludovic Estrelin71, le PSG chercherait un
public plus consommateur que critique. Ainsi, une famille composée
d'enfants aurait plus de chance d'acheter des produits dérivées
en souvenir du match que n'importe quelle autre population.
Toutefois, j'ai connu quelques difficultés à
entrer en contact avec cette population. Comme l'expriment Stéphane
Beaud et Florence Weber72, il est inscrit : « Sur le terrain,
on y est, [...] on y travaille »73. Ce n'est pas une simple
visite. Pour cela, il faut établir des « relations de
proximité et de confiance avec certains enquêtés
»74. Ces phrases m'ont interpellé puisqu'il est d'autant
plus dur d'établir des relations amicales de confiance avec des
personnes qui ne sont pas présentes régulièrement.
De plus, les personnes qui viennent occasionnellement ont
tendance à aller au stade avec des personnes qui présentent le
même profil. Leur présence est alors irrégulière et
espacée dans le temps. Cette rareté implique une attention
particulièrement accrue de la part de ces personnes face au spectacle
proposé. Que ce soit par simple peur de les déranger ou
après avoir senti une gêne, voire une hostilité
après plusieurs questions, j'ai dû renoncer au dialogue.
71 Enquête de Foot, « Parc des Princes,
Ultra(s) select », Canal Plus, 26 min, diffusé le 19 mars
2014.
72 Beaud S, Weber F, Guide de
l'enquête, La découverte, 2010 (rééd), Paris,
335 pages.
73 Ibid.
La citation est à la page 6.
74 Ibid.
La citation est à la page 6.
23
Ensuite, j'ai assez vite remarqué que ces
spectateurs, pour reprendre la typologie de Jean-Michel Roux, avaient
pour habitude de se trouver en haut des tribunes. Il est impossible dans un
stade de football de tourner le dos au terrain sans se faire remarquer. Ainsi,
en voulant observer les pratiques du public situé en hauteur,
j'étais obligé de monter tout en haut de la tribune.
Enfin, cette difficulté à obtenir une relation
de confiance sur un laps de temps relativement long avec ce « nouveau
public » a freiné mes ambitions et a longtemps entrainé un
sentiment de « solitude du terrain »75: puisque la tribune
de football est un lieu où les personnes sont relativement statiques et
la concentration humaine est dense, il est finalement difficile de se glisser
à l'intérieur d'un groupe et d'entrer en contact avec
celui-ci.
Pour ces raisons, et après plusieurs refus d'entretien,
lors de plusieurs matchs, j'ai décidé de changer de
stratégie.
A la suite de la difficulté à converser avec des
personnes (simples spectateurs ou non) dans le stade, j'ai choisi
d'élargir mon cadre d'enquête, tant sur le plan spatial que
temporel. A ce moment, le terrain d'étude a été
modifié. Le stade est situé dans le XVIe
arrondissement de Paris, entre la Porte de Saint-Cloud, la Porte d'Auteuil et
la ville de Boulogne. Mon terrain d'étude ne s'étend pas sur une
zone aussi vaste. Il comprend néanmoins le stade et ses alentours avec
une attention particulière à la tribune Auteuil et ses abords.
Autour du stade, je me suis plus particulièrement
intéressé aux espaces publics, aux espaces de déambulation
où se rassemblent et circulent les supporters. C'est ainsi que j'ai
beaucoup observé les espaces intermédiaires entre les stations de
métro de la ligne 9 (Porte de Saint-Cloud - Michel Ange Auteuil) et
l'entrée du stade. Cette étude n'a pas concerné les
commerces de proximité, les bars ou les restaurants. Je me suis
également penché sur les outils d'informations sonores de la RATP
sur les différentes stations que comprend la ligne de métro 9,
entre la station Havre-Caumartin et la station Porte de Saint-Cloud,
l'arrêt le plus proche du « Parc », aussi bien lors du trajet
pour se rendre au stade que lors du retour pour en revenir.
Afin de pouvoir entrer en contact avec les populations
à étudier, j'ai attendu qu'elles soient mobiles. En effet, il
m'était plus facile d'aborder une personne ou un groupe de personnes se
déplaçant dans la rue car celles-ci se sentaient plus à
l'aise ainsi. Alors, ces personnes se dévoilaient plus facilement. De
plus, j'avais la possibilité de m'isoler sans occasionner de
gênes. C'est pourquoi j'ai commencé à interroger des
personnes anonymement à l'extérieur du stade, avant ou
après le match.
J'ai, par la suite, systématisé cette
méthodologie : dès que je le pouvais, j'essayais d'arriver
plusieurs heures en avance sans forcément entrer dans le Parc et je
sortais du stade parmi les derniers. Cette stratégie fut appliqué
lors des matchs entre PSG et le Stade Malherbe de Caen (14 février) ; le
Chelsea Football Club (17 février) ; l'Association Sportive de Monaco
Football Club (4 mars) ; le Football Club Lorient-Bretagne Sud (20 mars) ou
l'Association Sportive de Saint-Etienne (8 avril). Puisqu'il n'y avait pas
encore grand monde, il était plus
75 Ibid.
La citation est à la page 10.
24
simple pour moi de faire attention à des détails
précis comme les différents points de regroupements à
l'extérieur et à l'intérieur du stade, tout en ayant une
grande liberté de mouvement. Des observations et des conversations
officieuses avec des personnes du public en dehors du stade ont
été régulières. Par conséquent, cette
étude ne se restreint pas à la temporalité du match.
Par ailleurs, le choix des espaces d'études se justifie
par le fait qu'ils offraient la possibilité d'observer une multitude
d'acteurs au même moment. Il y avait les différents profils de
supporters, les différents salariés du PSG (agent d'accueil) et
les autorités publiques composées de CRS et de gendarmes. La
présence de tous ces acteurs sur un même espace était
avantageuse pour analyser les pratiques spatiales des nouveaux supporters en
comparant ces derniers aux comportements des autres acteurs. J'observais ainsi
le sens de leur déplacement, leur aisance à se repérer
dans l'espace et leur regroupement.
Compte tenu de la foule très importante présente
au Parc des Princes (le stade est très souvent plein), je notais
l'emplacement de tous les différents salariés et les
réactions des nouveaux spectateurs face à cette présence.
Après avoir retranscris à l'écrit des comptes-rendus
d'enquête, la notion d'encadrement du public me paraissait très
importante. En effet, plusieurs personnes m'ont fait savoir à la suite
conversations informelles qu'elles avaient modifié leur trajectoire du
fait refus de certains salariés de les laisser passer par une rue
précise. C'est pourquoi j'ai commencé à questionner
fortement la dimension sécuritaire de l'espace. S'intéresser
à celle-ci entrainait un changement de populations à
enquêter : étudier les abonnés comme les nouveaux
spectateurs étaient l'occasion d'analyser la manière dont ces
profils variés éprouvaient les différents dispositifs
d'encadrements. J'ai alors décidé de ne plus me limiter à
enquêter le « nouveau public » mais à enquêter sur
le public au sens large qui comprenait les trois profils explicités par
Jean-Michel Roux. Il m'est alors paru intéressant de savoir si les
réactions étaient uniformes ou si, au contraire, il y avait d'un
coté des formes de soumissions, et de l'autre, des formes de
résistance. Je tiens à préciser que des
évènements antérieurs à l'année sportive
2014 - 2015 et relatifs à cette réflexion sont mentionnés
dans cette étude.
A la suite de ce changement de perspective, le mercredi 4 mars
2015, lors du match entre le PSG et l'Association Sportive de Monaco, je suis
entré en contact avec un agent de sécurité responsable de
l'entrée et de la sortie du public au niveau d'un vomitoire. Puisqu'il
était en attente du « rush », il était plus accessible
qu'à l'accoutumée. Grâce à cette discussion
informelle, j'ai appris qu'il était le salarié d'une entreprise
privée : ACA Sécurité. A partir de ce moment,
j'ai commencé à inclure dans mon échantillon
d'étude les personnes de sécurité. C'est pourquoi j'ai
contacté cette société les jours qui ont suivi cette
rencontre, afin d'avoir un entretien avec un responsable. Lors d'une autre
rencontre, j'ai également parlé de longues minutes avec une
personne abonnée depuis plus de 20 ans. Contrairement aux spectateurs
hermétiques à mes questions dans le stade, il fut enthousiaste
à l'idée de converser avec moi pour cette étude. Je pense
que ces rencontres ont pu se réaliser à une heure
anticipée puisqu'il n'y avait pas grand monde dans le stade. L'agent de
sécurité était encore détendu tandis que le
supporter était seul à attendre ses camarades. Dans ces cas
présents, l'absence de la foule fut
25
bénéfique pour moi. Par conséquent, ces
moments extérieurs à la temporalité du match m'ont permis
de rencontrer des acteurs difficiles à interroger pendant le match.
Par ailleurs, élargir la population à
étudier était également bénéfique pour
obtenir plus de matière à analyser. En effet, enquêter sur
les fans parisiens regroupés au bas de la tribune a
été beaucoup plus simple : ils sont constamment dans le champ de
vision du match et sont bien plus actifs. Leurs gestuelles sont plus distinctes
; leurs paroles plus audibles et intelligibles (ils n'hésitent pas
à parler à un camarade situé à plusieurs rangs
d'eux). Tout le contraire des publics statiques, silencieux et difficilement
perméables.
A l'instar de la méthodologie utilisée par Eric
Wittersheim76, j'ai essayé de questionner un maximum de
personnes, y compris hors du stade et du temps des matchs, lorsque le PSG
devenait un sujet de conversation au cours de situations anodines. Je me suis
rapidement rendu compte que ces conversations revenaient très souvent du
fait de la notoriété actuelle du PSG dans les médias et
dans les imaginaires collectifs.
Pour valider cette impression, j'ai décidé de
réaliser un corpus documentaire qui réunisse tous les articles
traitant des supporters du PSG parus sur le site internet du quotidien Le
Monde entre juin 2014 et juin 2015. Le choix de ce quotidien s'explique
par son statut de média généraliste. En effet, dans ses
rubriques sportives, ce genre de presse a tendance à traiter
prioritairement les évènements extra-sportifs. Parmi ceux-ci, on
compte plusieurs articles ayant pour sujet principal les recours en justice de
supporters du PSG évincés du Parc des Princes. Il a
été intéressant de constater que ce média
généraliste tend à se positionner en faveur de ces
supporters du PSG. Cette recherche documentaire m'a permis de renforcer la
dimension critique de ma démarcher et de dépasser certaines
limites liées à mon lien privilégié avec le monde
du football en général et le PSG en particulier.
Du fait d'une certaine familiarité avec mon sujet
d'étude, j'ai eu l'impression de tomber dans une forme «
d'évidence »77. Etant trop près de l'objet, il a
fallu que je prenne de la distance. Etant moi-même supporter,
abonné et participant depuis quatre ans maintenant, une solution
était de se décentrer afin d'observer autrement le milieu des
supporters et de comprendre que la banalité des habitudes est
naturalisée selon une construction sociologique et une histoire. Tous
ces éléments ont entrainé pendant un moment une sorte de
repli sur soi comme une manière de se protéger et
s'auto-persuader que l'observation participante serait largement utile, ce qui
conduit inévitablement à une « suspension de la relation
d'enquête »78. Ainsi, lors de cette étude, j'ai
essayé de « converser mon regard »79 par une
enquête par distanciation. De cette façon, j'ai
décidé de m'entretenir avec six personnes sur le format
d'entretien semi-directif80, enregistré et
décontextualisé (aucun de ces entretiens ne s'est
déroulé au Parc des
76 Witthersheim E., op cit., 2014.
77 Beaud S, Weber F, op cit., 2010
(rééd). La citation est à la page 7.
78 Ibid.
La citation est à la page 32.
79 Ibid.
La citation est à la page 32.
80 Voir en annexe les grilles d'entretien.
26
Princes). Ces personnes ont été
sélectionnées en fonction de leur degré d'adhésion
au supporterisme et à leur implication au Parc des Princes. J'ai ainsi
interrogé :
- un ancien directeur du Parc des Princes,
- une personne âgée qui habite depuis longtemps dans
le quartier afin d'en savoir plus
sa représentation du Parc des Princes en tant que
riverain,
- une mère de famille supportrice abonnée depuis
quatre ans en tribune latérale,
- deux jeunes étudiants qui sont allés
respectivement deux fois au Parc des Princes cette
année,
- un responsable commercial de l'agence ACA
Sécurité.
De plus, pendant l'enquête de terrain, je me suis
appuyé sur les discours et les représentations de Guillaume, un
ami abonné avec moi. Guillaume est un fan qui était
déjà abonné avant la mise en place du « plan Leproux
».
Ces personnes constituent un échantillon
représentatif de la typologie effectuée par l'urbaniste
Jean-Michel Roux. En effet, on trouve bien un spectateur, deux
supporters et un fan abonné. Ainsi, chacun avait un
regard singulier sur la situation.
Le fait de n'avoir fait que 6 entretiens constitue une
nouvelle limite à cette enquête. Les personnes avec lesquelles je
me suis entretenu ont été choisies en me basant sur la typologie
de Jean-Michel Roux. Celle-ci même est délimitée selon des
frontières floues. La distinction entre un fan, un
supporter et un spectateur est très subjective. En
effet, je n'ai pas pu avoir accès à un recensement officiel du
public du Parc des Princes et l'absence d'association dans laquelle des
supporters seraient référencés est également
problématique. Pour ces raisons, j'ai essayé de choisir un
échantillon large et représentatif de la population mère,
à savoir le public du Parc des Princes.
Mon statut d'abonné m'a permis de créer une
véritable situation d'échange avec les enquêtés,
chose que je ne sentais pas possible au début de mon enquête
lorsque j'essuyais de nombreux refus pour discuter pendant le match.
Pour tous ces entretiens, je venais avec une carte des
tribunes du Parc des Princes (voir document 1 en partie annexe) afin de
connaitre l'emplacement des personnes questionnées dans le stade.
Néanmoins, je regrette fortement de ne pas avoir pris de plan du
quartier où se situe le stade lors de l'entretien avec le responsable
commercial de l'agence de sécurité. A plusieurs moments, il m'a
précisé l'emplacement des différents dispositifs
sécuritaires et plus particulièrement ceux les barrages
filtrants. Il aurait été très pratique que je puisse
visualiser ces positionnements sur une carte tout en écoutant les
explications.
Par ailleurs, j'ai essayé de contacter à
plusieurs reprises et par différents moyens (par mail,
téléphone et en me rendant à l'accueil du Parc des Princes
une journée où il n'y avait pas de match) un salarié du
PSG afin d'obtenir un entretien ou de demander la possibilité de
diffuser un questionnaire. Les réponses, lorsque j'en recevais,
étaient toutes négatives et sans aucune négociation
possible.
27
De la même façon, je n'ai pas pu m'entretenir
avec des touristes, notamment parce qu'ils sont peu nombreux dans la tribune
Auteuil. D'après les propos de Madame Leprince, qui est une
abonnée, et de Kerim, un spectateur venu deux fois voir un match du PSG
cette saison, la tribune A est, à l'inverse, souvent remplie de
personnes étrangères. Mais ma difficulté à
m'exprimer en anglais a constitué un obstacle difficilement
franchissable. Par conséquent, l'absence d'entretien avec un personnel
du PSG et avec un touriste représente une nouvelle limite.
Par conséquent, l'absence d'entretien avec un personnel
du PSG et avec un touriste représente une nouvelle limite.
Dans l'ensemble, j'ai guidé ces entretiens autour des
thématiques sécuritaires afin de mieux connaitre leurs
perceptions et d'évaluer le degré d'influence de l'encadrement
des dirigeants sur leurs comportements (voir guide d'entretien en annexe). Ces
entretiens ont en outre permis d'aborder d'autres thématiques et
notamment, les représentations que se font chaque acteur
vis-à-vis des autres profils de public. Ceci fut très
intéressant pour comprendre les systèmes d'alliance et
d'opposition qui se jouent à l'intérieur du stade. Par
conséquent, cette enquête repose principalement sur une
complémentarité entre, d'une part des observations participantes
durant desquelles j'ai tenté d'analyser les manières dont
agissent les différents publics concrètement, et d'autre part,
des entretiens qui m'ont permis d'avoir accès aux usages et
représentations des supporters.
Dans l'ensemble, ces entretiens ont fait ressortir une
sécurité perfectionnée et dissimulée au sein de
nouveaux dispositifs d'accueil. En effet, tous les enquêtés
n'étaient pas forcément conscients des dispositifs mis en place.
Ceci a d'ailleurs été confirmé par le responsable
commercial de la société ACA Sécurité. Ces
dispositifs hybrides et très efficaces sont pensés pour ne pas
gêner le public.
Ce mémoire vise donc à se demander comment les
différents profils du public présent au Parc des Princes
intègrent ces dispositifs d'encadrement, qui mettent en lumière
l'ambition internationale du PSG, à leurs pratiques et
représentations spatiales. La problématique qui guidera notre
analyse est donc la suivante :
Dans quelle mesure les dispositifs d'encadrement au Parc
des Princes influencent-ils le comportement du public ?
Pour répondre à cette question,
j'étudierai dans un premier temps la manière dont les dispositifs
sécuritaires mais aussi ludiques du Parc des Princes font de cet espace
un lieu accueillant où la surveillance est banalisée,
normalisée voire intériorisée, puis, j'analyserai dans un
second temps la manière dont le public s'approprie et se
représente ces dispositifs.
28
Première partie - Les nouveaux dispositifs
d'encadrement au Parc des Princes
I. En amont du Parc des Princes, un filtrage
renforcé du public
« Le PSG veut avoir un contrôle total sur le
spectacle produit et sur l'ambiance ». Ces mots furent prononcés
par Ludovic Lestrelin, sociologue du sport et des supporters, lors d'un
reportage diffusé sur Canal Plus81. Cette politique est la
ligne directrice des dirigeants du PSG concernant l'encadrement du public. De
nombreux dispositifs sont développés pour contrôler
à distance le public parisien et marquent la spécificité
de cette politique. Les dirigeants du PSG semblent vouloir empêcher le
public de s'organiser de manière indépendante et autonome.
1. Le fichage de l'ensemble du public parisien
présent au Parc des Princes
Par le passé, le Parc des Princes était presque
devenu une zone de non-droit. Les autorités publiques et notamment les
ministres de l'intérieur qui se sont succédés,
étaient contrariés par ce constat. Comme l'écrit dans un
article publié sur le site internet Mediapart Louise
Fessard82, différentes personnalités publiques sont
très proches de la direction du PSG. C'est notamment le cas du
commissaire Antoine Boutonnet, patron de la DNLH, cellule policière
créée par le ministère de l'intérieur en 2009 pour
éradiquer toutes formes de violence à l'intérieur d'un
stade de football. Antoine Boutonnet a participé à la
célébration du titre de champion de France 2014 avec les
dirigeants du club. Dans ce même article, la journaliste interroge ces
ententes et dénonce une connivence entre une unité
policière chargée d'exclure « tous comportements
déviants à l'occasion de rencontres de football
»83 et la direction du PSG qui souhaite conserver la maitrise
du public parisien. Ainsi, le préfet de police et le ministère de
l'intérieur par le biais de la DNLH, ont toujours soutenu sans faille la
politique du PSG vis-à-vis de ses supporters.
Cette mainmise du club sur l'ambiance du stade est
justifiée par l'histoire récente du PSG. A la suite du
décès d'un supporter parisien en 2010, les instruments
sécuritaires se sont multipliés et renforcés84.
Parmi ceux-ci, le reportage télévisé intitulé
« Parc des Princes, Ultra(s) sélect » évoque une
présence humaine et sécuritaire plus importante. Toutefois,
cette
81 Enquête de Foot., op cit,
diffusé le 19 mars 2014.
82 Fessard L., « Un nouveau fichier de police
pour les beaux yeux du PSG », Mediapart, 30 avril 2015.
URL :
http://www.mediapart.fr/journal/france/300415/un-nouveau-fichier-de-police-pour-les-beaux-yeux-du-psg
83 Interview d'Antoine Boutonnet : « Le
principe de précaution guide nos actions », So Foot,
propos recueilli par Anthony Cerveaux le mercredi 13 février 2013.
URL :
http://www.sofoot.com/antoine-boutonnet-le-principe-de-precaution-guide-nos-actions-166731.html
84 Enquête de Foot, op cit.,
diffusé le 19 mars 2014.
29
information est à nuancer. En effet, comme le stipule
le préfet de police de Paris Bernard Boucault le 5 février 2015,
« alors qu'à mon arrivée en 2012, le maintien de l'ordre
autour du Parc des Princes nécessitait dix ou douze unités, on en
est aujourd'hui à trois unités et, de mon point de vue, on
pourrait même descendre à deux unités, les matches
étant de plus en plus tranquilles »85. Ce même
reportage télévisé révèle ensuite
l'utilisation d'une liste noire de supporters, jugée illégale par
la Commission Nationale de l'Informatique et des Libertés (CNIL), sur
laquelle sont inscrits les noms des supporters interdits de
stade86.
Au mois d'avril dernier, la CNIL a révélé
l'existence d'un fichier informatique prénommé « Stade
»87. Celui-ci a été créé quelques
années auparavant par la préfecture de police de Paris dans un
secret relatif, afin de « prévenir les troubles à l'ordre
public »88. Le 15 avril 2015, le ministre de l'intérieur
Bernard Cazeneuve, a autorisé l'existence et l'application de ce
fichier.
D'après le quotidien Le Monde, la
particularité de ce programme réside dans l'accumulation par
traitement informatique automatisé d'informations privées,
quotidiennes et fluctuantes89. Parmi celles-ci, on trouve notamment
« l'activité sur les blogs et les réseaux sociaux » et
la surveillance des personnes « entretenant ou ayant entretenu des
relations directes et non fortuites avec l'intéressé
»90. D'après ces écrits, on peut comprendre
qu'une personne ayant une relation amicale avec un supporter
considéré comme étant une personne à risque par la
préfecture de police de Paris, est susceptible d'être
surveillé par mesures de prévention. Ces surveillances
s'étendent ainsi sur des personnes n'ayant aucun lien particulier avec
le PSG.
Monsieur Barthélémy, avocat de nombreux
supporters tenus à l'écart du Parc des Princes pour
différents motifs, parle de « fichier clairement fait pour le PSG
»91. En réalité, ce fichier s'étend sur un
réseau et une zone géographique plus large. En effet, il
s'applique à l'ensemble des supporters des clubs professionnels ayant
une activité « dans les départements de Paris, des
Hauts-de-Seine, de la Seine-Saint-Denis et du Val-de-Marne
»92. Ainsi, les supporters du Créteil Lusitanos en Ligue
2, du Paris Football Club et le Red Star, tous deux récemment promus en
Ligue 2, sont aussi concernés. Toutefois, comme l'arrêté
ministériel nous le fait comprendre, le PSG est un cas à part. En
effet, à la différence des clubs de ligue 2
85 Fessard L., op cit, 30 avril 2015.
86 Le Bail J., « Le fichage des supporters du PSG
officialisé par un arrêté ministériel »,
L'équipe, Mis à jour le 24 avril 2015. URL:
http://www.lequipe.fr/Football/Actualites/Le-fichage-des-supporters-du-psg-officialise-par-un-arrete-ministeriel/553662
87 Guillou C., « Le conseil d'Etat suspend le
fichage des supporteurs parisiens », Le Monde, Mis à jour le 13 mai
2015.
URL :
http://www.lemonde.fr/football/article/2015/05/13/le-conseil-d-etat-suspend-un-fichier-consacre-aux-supporteurs-parisiens_4633042_1616938.html
88 Arrêté du 15 avril 2015 portant
autorisation d'un traitement automatisé de données à
caractère personnel dénommé « fichier STADE
».
URL :
http://www.legifrance.gouv.fr/eli/arrete/2015/4/15/INTD1501632A/jo/texte
89 Guillou Clément., « Un nouveau fichier
de supporteurs sur mesure pour le PSG », Le Monde, Mis à jour le 25
avril.2015. URL:
http://www.lemonde.fr/football/article/2015/04/24/un-nouveau-fichier-de-supporteurs-sur-mesure-pour-le-psg_4622370_1616938.html
90 Arrêté du 15 avril 2015.
91 Guillou C., op cit, Mis à jour le 25 avril
2015.
92 Arrêté du 15 avril 2015.
30
précédemment cités, les «
manifestations sportives du `Paris-Saint-Germain' et les rassemblements
liés à ces manifestations se tenant à l'extérieur
des départements précités »93 sont surveillés.
La préfecture de police de Paris est donc en droit de surveiller tous
les supporters du PSG y compris lorsque cette équipe joue hors du Parc
des Princes.
A la suite de la révélation de la CNIL, le
magazine So Foot a contacté les dirigeants du PSG pour connaitre leur
point de vue sur la question. Sans révéler l'identité de
sa source, le journaliste Anthony Cerveaux rapporte dans un article la
révélation d'un salarié du club : le PSG va « se
mettre en conformité avec les demandes de la CNIL sans pour autant
modifier la politique commerciale actuelle vis-à-vis des supporters
considérés comme indésirables »94.
Ces mesures soutenues par le ministère de
l'intérieur paraissent symptomatiques d'une ère de
sécurisation des stades, qui consiste à surveiller à
distance des supporters de football et leur entourage. Dans ce cas, les
libertés individuelles et collectives sont entravées puisque ces
mesures entrainent des interdictions de déplacements. Ce fut notamment
le cas des supporters de Saint-Etienne à la date du 10 février
2015. Ils n'étaient pas autorisés à se déplacer en
Ile-de-France lorsque les « Verts », surnom donné aux
Stéphanois, jouaient contre le Red Star en Coupe de France.
De cette manière, chaque personne qui se rend
aujourd'hui au stade est contrôlée à distance, et ce
dès l'achat d'une place. Avant même d'entrer à
l'intérieur du Parc des Princes, un système de surveillance
automatisé est mis en place par la préfecture de police sur
demande du ministère de l'intérieur. Celui-ci repose sur un
fichage renforcé qui permet alors aux dirigeants du PSG de connaitre
l'identité de l'ensemble de son public. En effet, au moment d'acheter
une place ou un abonnement pour la première fois sur le site du PSG ou
sur le site Viagogo, il est demandé d'ouvrir un compte personnel dans
lequel il est nécessaire de fournir des informations privées
concernant le genre, l'âge, une adresse postale, une adresse mail et une
identité bancaire. De cette manière, les places sont
nominatives.
Le 7 mai, lors d'un entretien, Monsieur
André95 m'a affirmé que « théoriquement,
tout le monde doit contrôler n'importe quel billet. Quelque soit la
tribune. » Cette personne est un responsable commercial dans une
société de sécurité spécialisé dans
l'évènementiel qui est axé principalement sur le sport.
Depuis trois saisons maintenant, l'entreprise travaille pour le PSG au Parc des
Princes. Leur mission est de contrôler les accès aux tribunes. Au
cours de cet entretien, Monsieur André m'a certifié qu'il fallait
présenter une carte d'identité à l'entrée du stade.
Par conséquent, on ne peut pas entrer avec la place d'une autre
personne. Dans les faits, cette mesure n'est pas toujours respectée. En
effet, Kerim, un jeune spectateur avec qui je me suis entretenu n'a jamais
voulu payer pour se rendre au stade. Cet étudiant en ingénierie
du son qui s'est présenté comme « simple sympathisant du PSG
» est « loin d'être prêt à prendre un abonnement
car il n'est pas du tout supporter du PSG ». Cette année, il est
allé deux fois au Parc des Princes grâce à l'un de ses
meilleurs amis qui est lui-même abonné avec sa famille à
93 Arrêté du 15 avril 2015.
94 Cerveaux A, « Supporters : la CNIL
épingle de nouveau le PSG », So Foot, mercredi 10 juin
2015. URL :
http://www.sofoot.com/supporters-la-cnil-epingle-de-nouveau-le-psg-202707.html
95 Pour des raisons éthiques, monsieur
André est un nom d'emprunt. Cette personne a voulu rester anonyme.
31
la tribune Boulogne. C'est ainsi que Kerim a pu se rendre au
stade en empruntant la carte d'un membre de la famille de son ami. Puisqu'il
connaissait la règle interdisant d'emprunter une carte d'abonnement
gratuitement sans passer par un paiement sur Viagogo, il a réussi
à dissimuler la photographie intégrée sur la carte
d'abonnement une première fois. Pour une autre rencontre au Parc des
Princes, il a de nouveau tenté d'entrer dans le stade. Cette fois-ci, le
personnel à l'entrée du stade lui a demandé de fournir une
carte d'identité pour confirmer qu'il s'agissait bien de sa carte
d'abonnement. Comme ce n'était pas le cas, il fut interdit d'entrer dans
l'enceinte sportive. Si le contrôle à l'entrée n'est pas
infaillible, il est néanmoins effectif.
En collectant les données sur son public, les
dirigeants du PSG ont donc la capacité de contrôler à
distance des personnes selon une relation anonyme mais fichée. En cas de
comportements turbulents, les dirigeants du PSG ont suffisamment d'informations
pour les exclure sur un temps plus ou moins long. C'est notamment le cas des
TAS.
Ces TAS révèlent l'existence d'une
méthode de filtrage, et non plus seulement de contrôle, à
distance. Si une personne présente un comportement jugé comme
inapproprié dans le cadre d'un match de football, l'accès
à un stade de football en particulier lui est interdit. En prime, elle
doit se présenter à un commissariat à chaque fois que
l'équipe dont elle est supportrice joue une rencontre, quelque soit le
lieu où celle-ci se déroule. Parmi ces comportements jugés
comme inappropriés par la DNLH, il y a : l'usage de stupéfiants,
le fait d'être en état d'ébriété, les
comportements violents et racistes, etc. Pourtant, aucun statut juridique
officiel n'explicite formellement ce que sont un hooligan et le hooliganisme,
phénomène contre lequel le DNLH est précisément
censé lutter. En se référant aux discours de
spécialistes sur la question comme le sociologue Nicolas
Hourcade96, on s'aperçoit que les JAS sont confrontés
à des répressions autoritaires, fermes, identiques et
généralisées pour des délits pourtant
dissemblables. En effet, au nom de la lutte contre le hooliganisme, les
dirigeants mettent en place une politique répressive qui s'appuie sur
des interdictions de stade aussi bien pour des consommateurs de drogues, des
usagers de fumigènes que pour des auteurs de réels actes
violents. Alors même que ces actes ne constituent pas pour leur
majorité une mise en danger physique de la vie d'autrui, on est face
à un continuum dans les délits qui ont pourtant un degré
de dangerosité et de criminalité différent. Un arsenal
répressif unifié se développe pour lutter contre toute
forme de déviance. Ainsi, même pour un délit mineur, un
supporter ne peut se rendre au stade pour une durée allant de trois mois
à un an. Cette condamnation peut être prolongée de
plusieurs mois et reconduite sur deux nouvelles années en cas de
récidive. Cette mesure permet de filtrer et d'exclure une partie du
public considérée comme comportant un « potentiel risque
».
96 Hourcade N., « Principes et
problèmes de la politique de lutte contre le hooliganisme en Fance
», Archives de politique criminelle 1/ 2010 (n° 32), pages
123-139.
32
2. Une exclusion économique ?
En plus d'utiliser des outils informatiques et administratifs,
ce système d'exclusion assuré par les dirigeants du PSG prend une
nouvelle dimension à la suite de l'augmentation régulière
des prix des places. Lors de la saison 2013 - 2014, les prix
des places étaient échelonnés entre 35 et 200 euros pour
un match « classique », ce qui faisait du Parc des Princes le stade
le plus cher de France et l'un des plus chers d'Europe97. Pour mon
cas personnel, en l'espace de quatre ans, j'ai vu le prix de mon abonnement
doubler. Le documentaire « Parc des Princes, Ultra(s) select »
diffusé le 19 mars 2014 sur la chaine cryptée Canal Plus s'est
intéressé à cette évolution. Cette politique
parisienne s'explique par des préoccupations financières et une
volonté de retour économique sur investissement. L'objectif des
dirigeants du club est d'accroitre les recettes cumulées sur une
année en prenant en compte tous les points de vente le jour du match
(ventes de billes, ventes d'objets dérivés, ventes de boissons et
nourritures), de 20% par rapport aux gains annuels du club. Le 19 mars 2014,
jour de diffusion du reportage, les recettes des jours de match étaient
évaluées à 53,22 millions d'euros ce qui correspondait
à 13% du budget annuel. C'est aujourd'hui le 8e club
européen en termes de recettes de match. Mais les dirigeants du club
voudraient atteindre les 80 ou 100 millions de recettes exclusivement
réalisées les jours de match sur une année sportive.
Pour remplir cet objectif, la direction augmente les prix des
places et privilégie indirectement un public plus aisé ayant une
capacité à consommer plus importante.
Par conséquent, l'accessibilité au Parc des
Princes est restreinte en fonction du capital économique. De cette
manière, le géographe Claude Mangin parle de « filtre
socio-spatial »98. Selon une logique économique et
hiérarchique, une distance sociale s'exprime à l'intérieur
du stade par une distance spatiale. En effet, chaque tribune est
associée à une politique de prix différente. Comme
l'écrit le géographe dans le même article, c'est « la
loi de la rente foncière appliquée au football ». En
fonction du confort, du service proposé, de la densité de
spectateurs présente, du champ visuel offert, la répartition des
prix varie selon les secteurs du stade.
De plus, du fait de l'augmentation régulière des
prix des billets, on peut supposer que l'entrée à
l'intérieur du Parc des Princes est un acte uniquement possible pour des
personnes disposant un capital économique suffisant et que cela revient
à distinguer différents profils sociologiques et
économiques ; ceux qui peuvent aller au stade et les autres. Dans cette
perspective, l'enceinte du stade marquerait une distance physique
révélatrice d'une distance sociale. Par conséquent, la
logique économique en vigueur à l'intérieur d'un stade
démontrée par Claude Mangin pourrait être, dans le cas du
Parc des Princes, transposée à l'extérieur de cette
enceinte.
Au Parc des Princes, l'augmentation des prix touche de fait
toutes les tribunes sans exception. Certains médias n'hésitent
pas à alerter leurs lecteurs et leurs auditeurs à ce propos et
à dénoncer cette exclusion économique : en
sélectionnant un public familial et consommateur,
97 Enquête de Foot, op cit.,
diffusé le 19 mars 2014.
98 Mangin C., « Les lieux du stade,
modèles et médias géographiques », Mappemonde,
n°64 ; avril 2001. URL :
http://www.mgm.fr/PUB/Mappemonde/M401/Mangin.pdf
33
le risque à terme serait de voir disparaitre la culture
populaire dans les stades de football. Pour attirer l'attention sur la fin d'un
football démocratique et égalitaire, les Cahiers du
football99 n'hésitent pas à parler de
gentrification. Ce processus est caractérisé par le
remplacement progressif, dans un espace donné, d'une population
résidente par une autre, présentant des statuts sociaux et
économiques plus favorisés. Cette définition, initialement
appliquée au centre-ville100, est observable aujourd'hui dans
de nombreux lieux. Le stade de football et le Parc des Princes sont souvent
cités101 par les médias comme des lieux
emblématiques du processus de gentrification. Les dirigeants du
PSG veulent en effet développer la vocation mercantile du stade en
augmentant le prix des places et en présentant de nombreux sponsors
pendant et en dehors du temps du match. Des spots publicitaires sont ainsi
déployés sur les deux écrans géants et sur les
bandes qui séparent les différents étages. Pour assurer
l'efficacité de ces dispositifs, les dirigeants du PSG recherchent un
public capable de consommer un spectacle. Cette marchandisation du Parc des
Princes est directement liée à la politique des prix qui entraine
la venue massive de classes moyennes voire aisées et l'exclusion de
catégories sociales plus modestes. Toutefois, sans avoir la
possibilité d'avoir accès à des données officielles
sur l'évolution de la composition du public du Parc des Princes sur
plusieurs saisons, il est impossible de confirmer ou d'infirmer cette
gentrification.
3. Une politique internationale au Parc des Princes
L'internationalisation du Parc des Princes est, quant à
elle, plus évidente puisqu'elle est validée par de nombreux
propos dont ceux de Madame Leprince, de Baptiste et Kerim lors des entretiens
que j'ai menés avec eux. Un des effets sous-jacents de la politique
commerciale de la direction du PSG est en outre la présence de plus en
plus régulière de personnes de nationalités
étrangères au Parc des Princes. En réponse à une de
mes questions concernant l'influence de la RATP sur le trajet du public, Madame
Leprince déclare :
« parce qu'il y a de plus en plus d'étrangers qui
viennent voir les matchs, trêve de plaisanterie....La tribune qui est
à coté de la mienne, la tribune visiteur souvent, elle est
séparée en 2 et de l'autre coté, à coté des
visiteurs, on a l'impression qu'il y a des cars touristiques asiatiques qui
sont là (rire)...Y'a des Asiatiques, y'a aussi de plus en plus de
Suédois... Mais je pense qu'eux, ils arrivent en car vu la
quantité qu'il y a, ça peut pas se faire autrement... ».
(Entretien réalisé le 29 avril 2015 au domicile de
Madame Leprince)
99 Ce site internet consacré au football est
connu pour avoir un ton décalé à l'intérieur duquel
il dresse régulièrement une critique de l'évolution du
football moderne et défend les traditions populaires et historiques
attachées à ce sport.
100 Charvet J-P, Sivignon M (dir), Géographie
Humaine, questions et enjeux du monde contemporain, 2011, Armand Collin,
Paris, 351 pages.
La définition « Gentrification (élitisation)
» est à la page 327.
101 « Délit de supporterisme »,
cahiersdufoot.net
URL :
http://www.cahiersdufootball.net/article-delit-de-supporterisme-3997
34
Ces propos sont confirmés par la réponse de
Monsieur André à une question portant sur l'évolution du
public :
- « Mathieu : Depuis 2012, est-ce que vous avez ressenti
une évolution du public au Parc ? »
- « Monsieur André : Ouais, dans le... On va dire
qu'il y a de plus en plus d'étrangers. Surtout sur la zone Borelli et
Paris. Auteuil et Boulogne, c'est quasiment que des abonnés. »
(Entretien réalisé le 7 mai 2015 au siège
social de l'entreprise ACA Sécurité dont Monsieur
André est salarié)
Ainsi, il est désormais possible de voir des groupes
d'étrangers dans le stade, chose qui, selon ma propre expérience,
n'était pas courante par le passé. Cette réalité
est rendue possible grâce aux nouvelles campagnes médiatiques
lancées par la direction du PSG qui se caractérisent par des
tournées mondiales avant et après une saison de football. Les
joueurs du PSG font ainsi une série de matchs dans des régions du
monde ayant un fort potentiel économique. Par exemple, la
préparation d'avant saison 2015 a lieu aux Etats-Unis. L'objectif est de
combiner une préparation physique et technique avec une campagne
marketing sur un nouveau territoire à conquérir en vue de
renforcer la notoriété mondiale de l'équipe et de
contribuer à avoir de nouveaux supporters. Les dirigeants cherchent
à extraire le stade et le club de l'environnement proche, ou du moins
à le projeter à une autre échelle afin d'en faire une
institution pérenne, indépendante des conjonctures locales. Comme
l'explique Ludovic Lestrelin, « Le club de football moderne repose sur des
logiques néolibérales gagnant de l'importance et de la
notoriété en établissant des formes
d'extraterritorialité »102.
Ces personnes qui viennent de loin (Asie, Amérique,
etc.) ont tendance à ne venir au Parc des Princes qu'une seule fois dans
leur vie. Cette rareté incite ce public à consommer des produits
dérivés qui ont une valeur de souvenir. C'est pourquoi, le 22 mai
2015, lors de l'entretien croisé avec Kerim, Baptiste nous a
déclaré avoir vu « pleins d'étrangers avec des
écharpes ou des maillots de Paris » à côté de
la tribune Boulogne. L'initiative d'attirer des supporters étrangers
permet de conforter l'exploitation commerciale du Parc des Princes et
d'augmenter les perspectives d'augmentation des revenus annuels.
En fin de compte, ces différents filtrages
sécuritaires et économiques entrainent une évolution du
public parisien présent au stade et une exclusion financière
d'une partie de la population qui souhaiterait aller au stade. L'accès
au Parc des Princes est de plus en plus « sélecte et de moins en
moins populaire »103 en raison d'un contrôle assidu en
amont du stade.
102 Lestrelin L., « Les territoires réinventés
du football mondialisé », Mouvements 2/ 2014 (n° 78),
pages 13-23.
103 Enquête de Foot, op cit., diffusé le 19
mars 2014.
35
4. La mise en place d'un système de placement
aléatoire pour contrer les regroupements
Un dernier dispositif sécuritaire est
déployé dès l'achat d'un billet ou d'un abonnement avant
de rentrer dans le stade. Dès l'arrivée du nouvel investisseur
QSI à la tête du PSG, les dirigeants ont choisi de mettre en place
un système d'abonnement pour les plus fervents supporters. Toutefois,
ils n'ont pas fait table rase du passé. Au contraire, ils se sont
appuyés sur un modèle préexistant. Grâce à la
conversation que j'ai pu avoir avec Madame Leprince et en m'appuyant sur ma
propre expérience, j'ai compris que deux politiques de placement du
public parisien étaient mises en oeuvre. Premièrement, dans les
tribunes Auteuil et Boulogne situées derrière les buts, un
système de placement aléatoire est développé : une
personne qui achète une place appartenant à une catégorie
de prix qui correspond à ces deux virages ne peut choisir son placement
exact dans la tribune. Celui-ci se fait de manière aléatoire par
un logiciel informatique. En revanche, dans les tribunes latérales, que
ce soit pour la tribune Paris ou la tribune Borelli, un supporter choisit un
emplacement précis. De cette façon, Madame Leprince
abonnée au secteur A, a pu choisir sa place : « Non seulement, j'ai
choisi ma tribune, mais j'ai choisi la place que je voulais. J'ai choisi le
14e rang et je voulais... ». Lors de l'entretien, elle m'a
montré une photographie où l'on voit son nom inscrit sur son
siège.
L'objectif de cette politique réservée aux
virages est avant tout sécuritaire. En effet, l'intention des dirigeants
du PSG est d'éviter d'une part des regroupements volontaires de
personnes anciennement affiliées à des associations de supporters
organisés et d'autre part, l'apparition d'association informelle et
contestataire. Pour éviter l'existence de ces phénomènes,
la direction choisit de casser toute dynamique de groupe en effectuant un
nouveau tirage au sort avant chaque saison. Ainsi, comme ce fut le cas avec mon
expérience personnelle et celle du fils de Madame Leprince,
également abonné en virage, notre emplacement a été
modifié d'une année sur l'autre. Ce système d'abonnement
aléatoire produit un processus d'homogénéisation, des
représentations et des comportements dans les tribunes populaires
Boulogne et Auteuil historiquement opposées. J'ai pu observer cette
uniformisation à plusieurs moments de la saison. Par exemple, lors du
match entre le PSG et l'AS Monaco qui s'est déroulé le 5 mars
2015, j'ai vu deux supporters qui portaient des signes distinctifs
représentant le « kop104 of Boulogne » dans la
tribune Auteuil. L'une de ces deux personnes était située au bas
de la tribune et était intégrée à un groupe de
supporters qui tentaient de mettre de l'ambiance en organisant les chants. Le
port d'un insigne de la tribune de Boulogne ne semblait déranger
personne. Dès lors, l'instabilité spatiale,
caractéristique du système de placement aléatoire,
réservée aux virages, casse les dynamiques de groupes et
atténue les sentiments d'appartenance à une tribune. La culture
ultra historiquement liée à la tribune Auteuil,
l'identité et l'ancrage territorial attachés à un virage
sont tempérés. Le processus de territorialisation initialement
très puissant dans les tribunes populaires105 s'estompe au
Parc des Princes. Comme l'explique Eric Wittersheim dans son ouvrage paru en
104 Assimilé aux virages et aux tribunes populaires, le
kop est la tribune où se réunissent les supporters les plus
actifs.
105 Bromberger C., op cit, 1995, 406 pages.
36
2014106, la tribune constituait pour les
abonnés d'Auteuil dans les années 1990 leur maison, leur local,
leur lieu de réunion, de festivité. Leur communauté
imaginée à travers les médias s'incarnait sur ce
territoire. Il y avait donc une réelle appropriation de cet espace par
les abonnés au point de devenir leur territoire. Cette
appropriation semblait même renforcée par la distinction entre le
« eux » (le public présent irrégulièrement) et
le « nous » (les abonnés). Aujourd'hui, le système
aléatoire, en empêchant cette appropriation, atténue de
facto le processus de territorialisation.
Un ensemble de dispositifs immatériels permet donc le
fichage de l'ensemble du public présent au stade et un filtrage du
public parisien selon des critères économiques et historiques. Le
tout se fait en amont du Parc des Princes. Ces initiatives exposent une
sécurité renforcée et optimisée à des fins
ludiques et commerciales qui se retrouvent pendant les matchs.
II. Une sécurité optimisée au
profit d'une mobilité fluidifiée
1. Spécialisation des missions
sécuritaires
La sécurité du Parc des Princes et de ses
alentours reposent sur la complémentarité entre plusieurs
équipes différentes composées d'agents
sécuritaires. Chaque équipe a un secteur d'intervention
précis. La sécurité des espaces publics environnant est
confiée à la préfecture de police tandis que la direction
du PSG est responsable de la sécurité à l'intérieur
du stade. Pour cela, les dirigeants du PSG font appel à plusieurs
sociétés privées. Elles sont chacune dotées d'une
mission et d'un espace d'intervention spécifique. Par exemple, la
société Olips est chargée de contrôler
l'accès des entrées du stade au niveau des grandes portes
désignées par les lettres de l'alphabet. La
société ACA Sécurité est quant à
elle, responsable de la gestion des parkings, des barrages filtrants et de
l'accès aux tribunes au niveau des vomitoires. Puisque ces
équipes sont responsables des entrées et des sorties du public au
niveau de points filtrants, elles sont toujours immobiles. Ces équipes
s'adaptent aux mouvements du public. Comme le dit monsieur André dans un
entretien,
« Si le public se déplace et qu'il est mobile, eh
bien la sécurité est statique et elle oriente les flux. Au
contraire, si le public est statique, pendant le match notamment, eh bien c'est
à la sécurité de se déplacer ».
(Entretien réalisé le 7 mai 2015 dans les bureaux
de l'entreprise ACA Sécurité)
De plus, grâce à une présence
régulière au stade, j'ai pu me rendre compte qu'à cette
spécialisation des missions sécuritaires, correspondait une
spécialisation spatiale. A chaque lieu qui fait office de transition
entre deux espaces différents, un personnel spécifique est
placé. Par exemple, monsieur André m'a expliqué le 7 mai
2015 pendant l'entretien le
106 Wittersheim E., op cit, novembre 2014.
37
fonctionnement de sa société sur le terrain,
à l'intérieur et à l'extérieur du stade : « Il
y a forcément des accès, des issues de secours, des zones qui
doivent être étanches ». Afin d'interdire le passage du
public dans ces lieux précis, les responsables de la
sécurité y placent toujours des agents. La présence
permanente d'un agent pour contrôler les billets à l'entrée
des gradins empêche ainsi de laisser entrer des personnes dans un mauvais
compartiment. Ces agents sont toujours placés de telle sorte qu'ils
comblent tous les espaces jugés importants et stratégiques par
les dirigeants du PSG en termes de surveillance des publics. Ainsi, on confie
à chaque société un espace bien défini à
surveiller et les dispositifs sécuritaires s'adaptent à la
typologie du stade et de ses environs.
2. Le cas des « matchs à risque » : la
sectorisation des alentours du Parc des Princes plus marquée et plus
efficace
L'aire spatiale d'influence d'un match de football n'est pas
restreinte au stade. Au contraire, elle s'étend dans un
périmètre à la superficie fluctuante en fonction du statut
et de l'importance du match. Des barrages filtrants sont mis en place
uniquement pour les "matchs à risque", que sont les rencontres de Coupe
d'Europe et les matchs à enjeux du Championnat de France. C'est
notamment le cas lorsque le PSG reçoit l'OM ou l'OL. Il s'agit en fait
des rencontres où il y a énormément de monde. Ils
représentent environ un tiers des matchs au Parc des Princes sur une
saison sportive. A la suite de l'entretien avec Monsieur André, j'ai
appris que ces barrages filtrants étaient organisés conjointement
par les dirigeants du PSG et la préfecture, et étaient
placés sous la responsabilité de la société ACA
Sécurité. Positionnés à plusieurs dizaines de
mètres du stade, ils ont alors une double fonction. Tout d'abord, ils
filtrent le public puisqu'ils laissent passer uniquement les personnes munies
d'un billet ou d'une carte d'abonnement correspondant à la bonne
tribune. En effet, à chaque tribune est associée un barrage ou
plusieurs barrages filtrants précis (voir document 2 en partie annexe).
Dès lors, le quartier est sectorisé physiquement par une
présence humaine. Cette réalité est amplifiée par
l'utilisation d'un arsenal sécuritaire renforcé lors de ces
rencontres à risque avec la présence de cordons de CRS et de
barrières métalliques. Par conséquent, l'aire spatiale du
stade avec son dispositif sécuritaire est plus étendue et plus
marquée lors de ces évènements.
Ensuite, et de manière concomitante à cette
première fonction, ces barrages filtrant empêchent des
regroupements devant le stade et tendent à influencer l'orientation des
flux en autorisant ou en refusant l'accès au stade. En effet,
après plusieurs conversations informelles à proximité du
stade, j'ai pu me rendre compte qu'il arrivait qu'on soit obligé de
faire un assez grand tour du quartier pour entrer dans le bon secteur. Dans ce
cas, lors de ces rencontres "à risque", le boulevard Murat qui longe la
tribune Paris est plus fréquentée qu'à l'ordinaire (voir
document 2 en partie annexe). Par conséquent, en influençant les
mobilités et les flux des populations, cette sectorisation du quartier
permet un tri efficace du public à proximité du Parc des Princes.
La fréquentation du périmètre proche du stade est alors
moins importante à l'image de l'espace situé devant la tribune
Auteuil qui est moins densément peuplé qu'à l'ordinaire.
Dans ces cas-là, il est impossible de rencontrer un abonné de la
tribune Boulogne juste devant la tribune Auteuil. Ces barrages constituent
alors l'entrée dans une unité spatiale
spécialisée.
38
Pour cette raison, lorsque j'entre au niveau de l'intersection
entre la rue Lecomte du Nuy et le Boulevard Murat, je ne suis qu'en
présence de supporters de la tribune Auteuil.
3. Fluidification des flux et sécurité
dissimulée
La permanence de ces filtres entraine une certaine
naturalisation à « l'aptitude à passer d'un espace à
l'autre »107 : aux abords des tribunes populaires, le public
semble connaitre la fonction filtrante de ces infrastructures et agit en
conséquence. En effet, j'ai pu constater qu'un faible nombre de
personnes voyait leur accès refuser par ces barrages.
J'interprète ces observations de la façon suivante : la
majorité du public savait quel barrage emprunter pour pouvoir
accéder au stade. Toutefois, cette observation concerne les barrages
situés à proximité du virage Auteuil, soit une tribune
composée majoritairement par des abonnés comme me l'a
rappelé Monsieur André lors de notre entretien. Ainsi, il parait
logique qu'au fur et à mesure qu'on s'achemine vers la fin de
l'année sportive, ces abonnés habitués à
fréquenter le Parc des Princes connaissent leurs voies
d'accès.
Tout de même, cela met en lumière à quel
point la sécurité est optimisée, dissimulée, mais
aussi intériorisée par les publics. Les nombreuses conversations
que j'ai pu avoir à proximité du stade avec des personnes du
public m'ont permis de prendre conscience que les dispositifs
sécuritaires au Parc des Princes étaient agencés de telle
sorte qu'une partie du public n'en ait pas totalement conscience. Pourtant,
comme me l'a déclaré Monsieur André le 7 mai 2015, «
chaque recoin du stade est surveillé ». Ce qui signifie que la
sécurité est intégrée à l'organisation de
l'espace de façon à ce qu'elle soit oubliée. De cette
manière, l'encadrement sécuritaire n'apparait pas pour le public
comme contraignant. Au contraire, cet encadrement améliore le confort du
public notamment en termes de fluidité. En effet, pour entrer dans le
stade, le public suit une direction précise selon un mouvement
rectiligne. Ces propos sont confirmés par Baptiste le 22 mai :
« On suit les habitués. C'est un mouvement de foule.
»,
et Kerim :
« En gros tu vois les gens. Tu vois qu'ils vont vers des
entrées et du coup tu te dis que c'est par là ».
(Entretien croisé réalisé à mon
domicile le 22 mai 2015)
107 Borja S., Courty G., Ramadier T., "Trois mobilités
en une seule ?",
EspacesTemps.net,
Travaux, 14.10.2014. URL:
http://www.espacestemps.net/articles/trois-mobilites-en-une-seule/
Cette citation est tirée de l'article :
Jeanpierre L., « La place de l'exterritorialité
», dans Mark Alizart, Fresh Théorie, Paris, 2005, pp. 329-349.
39
En les écoutant, on comprend qu'ils n'ont pas eu besoin
de demander à qui que ce soit pour aller dans la bonne direction. Leur
mouvement était « naturel et spontané ». Ces propos
révèlent un encadrement qui s'efface aux yeux du public. Celui-ci
est donc intériorisé par le public. Comme me l'a expliqué
Monsieur André le 7 mai 2015 lors de notre entretien, les dispositifs
humains d'encadrement sont pensés pour « organiser la gestion des
flux des populations afin d'éviter tout embouteillage ». Ainsi,
l'objectif est d'inciter au déplacement et de dissuader tout
stationnement et regroupement dans l'espace public.
Si une partie du public, à l'instar de Baptiste et
Kerim, n'a pas conscience de cette réalité, c'est
également parce qu'elle améliore une forme d'aisance à se
mouvoir dans l'espace. Cet encadrement dissimulé incite le public
à se sentir libre dans un mouvement fluide. D'ailleurs, cette
fluidité est recherchée et défendue par des supporters. Je
m'appuie ici sur les attentes de Madame Leprince exprimées le 29 avril
2015 : « Ouais, il faudrait plus de fluidité, notamment au niveau
du métro... ». Comme de nombreux supporters auxquels j'ai
demandé leur avis sur les barrières à l'entrée du
stade, elle est très satisfaite de ce dispositif. Juste devant les
tribunes, quelques mois après l'arrivée du nouvel actionnaire
à la tête du PSG, le public a en effet vu la mise en place de
queues en forme de lacet délimitées par des barrières
métalliques facilement transportables. Avant d'entrer dans cette zone,
il faut présenter son ticket d'entrée à un agent de la
société Olips. Autrefois, il n'y avait pas ces
barrières. L'entrée se faisait alors au compte-goutte par une
petite ouverture, ce qui provoquait l'attroupement des supporters..
Aujourd'hui, ces barrières permettent d'éviter le rassemblement
et les bousculades, de faire patienter le public tout en étant mobile.
Le tout entraine un confort amélioré pour le public, ce qui
facilite l'acceptation du dispositif sécuritaire. Ainsi, l'entrée
dans le stade se fait de manière plus fluide avec une réduction
du sentiment d'attente et de cohue.
Cette fluidité est renforcée par les portes
électroniques situées en virage. Celles-ci sont
antérieures au « Plan Leproux » et servent à
contrôler les billets et les abonnements du public, en scannant leurs
codes-barres. Des agents d'accueil se trouvent à proximité et
sont visibles grâce à leur uniforme orange qui les distingue de
tous les autres personnels. Ceci confirme la correspondance entre une
spécialisation des missions et une spécialisation spatiale des
agents de sécurité. Les agents qui se trouvent à
côté des portes électroniques sont disponibles et
prêts à intervenir en cas de problème. La nature
automatisée du contrôle permet aux spectateurs de valider leur
ticket d'entrée tout en avançant. De cette façon, il y a
très peu d'attente. Grâce à ma présence
régulière au Parc des Princes, j'ai de faut pu me rendre compte
qu'il n'y a jamais eu de saturation à cet endroit. De plus, ces portes
sont hautes et imposantes. Il est impossible pour une personne de les
éviter d'autant plus qu'il y a une présence sécuritaire
autour en cas d'infraction ou de refus de passer. Ces portes
électroniques en virage assurent donc une triple fonction :
contrôler le billet de toutes les personnes qui se rendent en virage,
imposer une barrière physique insurmontable et préserver un flux
d'entrée rapide.
On peut alors dire qu'un supporter du PSG qui se rend au Parc
des Princes circule sans encombrement dans le stade, ce qui lui permet
d'accepter plus facilement le système sécuritaire et le temps
d'attente. Comme l'exprime Jean-Christophe Gay, ces barrières
40
métalliques et ces portes électroniques
constituent un « dispositif canalisant »108. Ces
barrières influencent grandement le parcours du supporter parisien tout
en le rassurant par un aménagement de l'espace en « douceur
»109. De cette manière inconsciente et discrète,
le supporter est guidé dans son déplacement. Une fois que le
supporter a franchi le point de passage organisé par la
société Olips, le supporter entre dans une nouvelle zone
: il entre dans le périmètre du stade à proprement dit. Il
ne peut plus en sortir, sauf définitivement. Ainsi, ces barrières
servent à la fois de couloir qui orientent les personnes, et d'obstacle
aux personnes extérieures qui ne sont pas encore entrées dans ce
périmètre. Ces barrières ont une fonction
séparatrice et filtrante.
4. La sectorisation interne du Parc des Princes
Une fois entré dans la tribune du stade dans laquelle
on trouve son emplacement, on entre dans un compartiment dans lequel on est
mélangé avec des personnes ayant toutes payé un tarif
similaire. Le stade est organisé spatialement par différents
territoires distincts, qu'il s'agisse du terrain ou des tribunes. Le terrain
est le territoire inviolable, dont le parcours n'est praticable que pour une
minorité bien identifiée : les joueurs et quelques dirigeants,
journalistes, soigneurs, etc.
Au sein même de l'enceinte, les tribunes populaires
situées derrière les buts se différencient des tribunes
latérales ainsi que celles des loges, par les prix d'entrée, par
la prestation de services offerte, par la composition sociale des populations
présentes, ce qui conduit à un prestige social et un discours de
soi auprès d'autrui différent voire opposé. Puisque les
virages sont dans les faits et dans les esprits des spectateurs des tribunes
populaires où sont rassemblés les supporters les plus
fidèles, être situé en virage avec ce public tend à
se présenter comme un de leur défenseur. En effet, comme
l'explique Pascal Charoin, chaque genre de supporter cherche à
défendre son style d'action et d'encouragement110. Par
exemple, les supporters de football situés en virage ont pour habitude
de soutenir leur équipe favorite en dénigrant l'adversaire sur
des thématiques territoriales ou sexistes. Au Parc des Princes, il peut
arriver que les supporters parisiens s'amusent à interpeller les
supporters adverses par les chants : « Paysans, Paysans, Paysans etc.
». Pour comprendre ces interjections, il est important de les mettre en
perspective et de rappeler qu'elles sont le plus souvent émises par des
jeunes, souvent issus des classes populaires, venus faire la fête et
vivre leur passion. La vie des stades de football repose alors à la fois
sur l'ironie et la provocation. D'ailleurs, pour certaines de ces personnes qui
se sentent souvent oubliées ou marginalisées à
l'extérieur du monde du football, un « droit de bassesse
»111 est revendiqué pour expliciter cette recherche de
liberté en vigueur dans les gradins.
108 Gay J-C, « Les traversées du quotidien
»,
EspacesTemps.net,
Travaux, 23 septembre 2013. URL:
http://www.espacestemps.net/articles/les-traversees-du-quotidien/.
109 Pradel B, « Mettre en scène et mettre en
intrigue : un urbanisme festif des espaces publics »,
Géocarrefour, Vol. 82/3 | 2007, pages 123-130.
110 Charroin P., op cit, novembre 1990, pages 19-27.
111 Witthersheim E., op cit, novembre 2014, 150
pages.
41
Au contraire, la majorité des personnes assises en
tribunes latérales ne sont pas abonnées et n'ont donc pas
forcément l'habitude de s'exprimer ouvertement pendant la rencontre.
Comme le précise Madame Leprince à propos des tribunes
latérales :
« C'est jamais les mêmes gens qui se retrouvent au
même endroit, il ne peut rien se passer. Ils n'ont pas du tout
l'habitude. Plus t'es proche des virages plus ça chante, plus tu te
rapproches du milieu, plus c'est calme... Je pense que ce sont surtout des
personnes qui sont venus pour voir un match... Pour voir un spectacle quoi...
»
(Entretien dans le salon de Madame Leprince le 29 avril 2015)
Par conséquent, le stade de football est un territoire
différencié où des clivages sont visibles et
exprimés. Ainsi, comme l'écrit Gérard
Déréze, le stade est « attribué »112
: chaque acteur à l'intérieur de l'enceinte se voit doté
consciemment d'une place, d'une qualité et d'un rôle socialement
défini. Les interactions entre les différents acteurs sont
spatialement et socialement intelligibles et construites. D'après Madame
Leprince, le supporter situé en virage a « le rôle
d'encourager son équipe pour qu'elle aille le plus loin possible, c'est
certain » (Entretien réalisé le 29 avril à son
domicile). Alors qu'en tribune latérale, Gérard
Déréze s'inspire des théories de Norbert Elias pour
expliquer que le calme rencontré serait dû à un
autocontrôle des émotions.
Cette différenciation est d'autant plus forte que le
Parc des Princes est structuré de telle sorte qu'il est impossible de
passer d'une tribune à une autre. En effet, des infrastructures ont
été pensées et agencées pour contrer les
mobilités à l'intérieur du stade grâce à des
« séparatifs infranchissables » (entretien
réalisé le 7 mai avec Monsieur André): c'est notamment le
cas des barrières hautes à l'intérieur des virages. Ces
séparations sectorisent et compartiment les tribunes. Comme m'en a
informé Monsieur André, « même sans
sécurité humaine, les infrastructures empêchent les
personnes de naviguer... ». D'ailleurs, d'après plusieurs
conversations, ce cloisonnement est visible et physiquement ressenti à
l'intérieur de l'enceinte par des supporters. Cette donnée fait
alors directement référence à ce que propose le
géographe Claude Mangin lorsqu'il écrit que le stade est une
« architecture ségrégative et défensive
»113. De ce fait, la mobilité du public à
l'intérieur du stade est très restreinte et guidée par
l'agencement physique des tribunes.
La citation est à la page 130.
112 Derèze G., op cit, mis en ligne le 21 juin
2011, consulté le 18 juin 2015. URL:
http://edc.revues.org/2437
113 Claude Mangin, op cit, 2001.
42
5. La flexibilité des agents de
sécurité entre immobilité et mobilité
Cette mobilité est, en outre, réclamée
par une partie du public, parce que, paradoxalement, elle lui donne un
sentiment de liberté.
Dans un premier temps, elle est - comme nous l'avons vu
-encadrée par la structure physique du Parc des Princes et la
sectorisation des tribunes.
Dans un second temps, cette mobilité est largement
influencée par des dispositifs sécuritaires humains. Ceux-ci sont
très bien organisés. En m'appuyant sur les observations des
agents de sécurité autour et à l'intérieur du stade
et en me référant à l'entretien réalisé avec
Monsieur André, il apparaît que la majorité des services de
sécurité publics et privés sont immobiles. Par exemple,
les salariés de la société ACA Sécurité
« ne font que du statique » (Monsieur André). De
même dans l'avenue Général Sarrail, après le premier
barrage et au niveau du stade Jean Bouin (voir document 2 en annexe), on trouve
toujours des véhicules sécuritaires stationnés comme un
camion de CRS, des remorques de chevaux, des voitures de gendarmes avec
toujours une équipe en tenue, stationnée et prête à
intervenir.
De plus, cette immobilité est maintenue pour une grande
partie des agents pendant et après la rencontre. En effet, j'ai pu
vérifier qu'à chaque rencontre, certains d'entre eux sont
regroupés au niveau des vomitoires pour pouvoir intervenir rapidement.
Un des rares déplacements qu'ils doivent réaliser est une ronde
pendant la rencontre dans la tribune lorsque la foule est statique. A ce
moment-là, deux à trois fois par mi-temps pour les matchs les
plus importants, une équipe de quatre ou cinq vigiles fait le tour de la
tribune alors pleine d'un pas lent en observant attentivement le public.
Cette organisation sécuritaire humaine est
améliorée par une capacité d'adaptation renforcée
des différentes équipes. En effet, de nombreux agents changent de
mission en fonction de la temporalité du match. Puisque chaque mission
est spécialisée selon une zone d'intervention spécifique,
on confie à ces agents un nouvel espace d'action. Par exemple, les
personnes qui gèrent l'accès aux vomitoires au début du
match et à la mi-temps sont responsables de la sortie des tribunes
à la fin de la rencontre. Dans ce cas, les salariés d'ACA
Sécurité font en sorte d' :
« essayer qu'il n'y ait pas de bouchon, que les gens ne
stagnent pas dans les marches, que personne ne discute dans les marches et que
ça bloque. Ils vérifient que les allées soient
dégagées pour faire vider le stade le plus rapidement possible
sans forcer les gens. Ce n'est pas à la seconde près. On invite
les gens à sortir tranquillement parce qu'il y a toujours quelques
personnes qui restent en tribune à prendre des photos, à discuter
etc. Une fois que le stade est quasiment vide, on invite les derniers dans la
politesse à quitter les lieux »
(Entretien réalisé le 7 mai 2015 avec Monsieur
André dans les bureaux de son entreprise, ACA
Sécurité).
43
On comprend alors que l'objectif principal est de fluidifier
le mouvement en vérifiant que personne ne reste dans les allées
de circulations. En guidant les personnes vers la sortie, l'agent
positionné à un vomitoire s'assure que les zones
réservées au mouvement soient libres. Justement, dans le stade,
chaque zone est attribuée spatialement en termes de mobilité, et
corolairement de sécurité. En effet, des lieux sont pensés
pour être statiques tandis que d'autres le sont pour se déplacer.
Par exemple, le règlement intérieur du Parc des Princes interdit
aux spectateurs « de se tenir dans les lieux de passage, les lieux
d'accès ou de sortie ou les escaliers »114. C'est ainsi
que j'ai pu observer plusieurs fois pendant les rencontres les vigiles au
niveau des vomitoires ordonner à certains supporters de ne pas
stationner sur les marches ou de rester debout dans l'allée principale
horizontale au milieu de la tribune. Ainsi, en attribuant des fonctions
spécifiques à certains lieux, la sécurité organise
le placement et le déplacement des spectateurs. Par conséquent,
cette présence humaine vient en complément à
l'architecture sécuritaire du stade. Les agents de
sécurité fluidifient la circulation du public parisien tout en
s'adaptant à la typologie du stade et de ses alentours.
De cette manière, certaines zones - y compris hors du
stade - acquièrent une fonction différente au cours du
déroulement du match. En effet, les stations de métro autour du
stade sont souvent des lieux d'accueil au début du match avec la
présence d'hôtes d'accueil à la sortie du métro au
niveau de la Porte de Saint Cloud. Au contraire, à la fin du match, ces
stations de métro deviennent des lieux très
contrôlés et très surveillés par des CRS et le
service de sécurité RATP. Même si je ne les ai jamais vu
intervenir, leur présence entretient un aspect dissuasif pour le public.
Par conséquent, on s'aperçoit que, d'une part, une même
personne peut changer de fonction en investissant un nouvel espace de travail,
et que, d'autre part, le rôle spécifique attribué à
un espace peut évoluer en fonction de la temporalité.
Finalement, la déambulation du public parisien est
surveillée et guidée sur une base territoriale constante depuis
les minutes qui précèdent jusqu'aux minutes qui suivent la
rencontre. Si le parcours est similaire entre le chemin de l'aller et celui du
retour, ces espaces fréquentés ont une fonction différente
et sont animés par d'autres acteurs. Le dispositif sécuritaire
humain est flexible selon les différents espaces et temps de
l'évènement.
6. Une sécurité renforcée par des
appareils de hautes technologies
La sécurité organisée par des dispositifs
humains est d'autant plus efficace qu'elle s'appuie sur des appareils
techniques performants. En effet, à l'intérieur du stade, des
appareils de haute technologie renforcent la surveillance du public. Parmi ces
appareils il y a de nombreuses caméras très discrètes qui
permettent de contrôler à distance et d'avoir un point de vue
situé en hauteur pour observer un maximum de personnes (fig 1).
114 « Supporters PSG : Les règles se durcissent
encore au Parc des Princes », psgcommunity, 21 juillet 2013. URL:
http://www.psgcommunity.fr/actualite-du-psg/supporters-psg-les-regles-se-durcissent-encore-au-parc-des-princes/11140.

44
Fig 1 - Terminal de contrôle qui surveille à
distance et en hauteur l'ensemble des tribunes. (Source : google
image)
Cette réalité m'a été
expliquée par Monsieur André. Pour mettre au point un
système de sécurité efficace, il faut des «
équipes qui puissent avoir une vision d'ensemble en prenant de la
hauteur pour voir les différents problèmes qu'il peut y avoir et
intervenir rapidement » (Entretien réalisé le 7 mai). Comme
le montre la photographie ci-dessus, toutes ces caméras sont
reliées à un terminal de contrôle situé dans le
stade et visible par l'ensemble du public. Ainsi, les agents qui scrutent les
images fournies par les caméras peuvent prévenir par radio les
agents de sécurité présents en tribune. Parmi ces
derniers, les responsables sont munis d'un casque audio avec micro
intégré pour communiquer entre eux et probablement avec le
terminal de contrôle. Ainsi, cette capacité à agir
rapidement est rendue possible par la complémentarité entre deux
appareils technologiques : les caméras de surveillance et les casques
audio avec micro intégré. D'ailleurs, on a pu constater la
vitesse d'exécution des agents permise par ce système. Lors du
match entre la section féminine du PSG et les Glasgow Rangers le 28 mars
2015 qui s'est déroulé exceptionnellement au Parc des Princes
pour le compte de la coupe d'Europe, de nombreux supporters ont vu leur
accès refusé à l'entrée du stade après avoir
pourtant pu passer les premiers portiques. En réalité, ils
étaient triés sur le volet par les caméras : «
Lorsque mon tour est arrivé, j'ai montré mon billet, mais le
stadier s'est mis devant moi et m'a dit "toi, tu rentres pas"
»115. Les agents de sécurité étaient
prévenus par radio lorsqu'ils faillaient évincer une personne. A
cette rencontre, la sécurité du PSG a choisi quelle personne
pouvait entrer et quelle personne ne le pouvait pas en se basant sur le visage
du public. Depuis la mise en place du « Plan Leproux », les matchs
féminins sont l'occasion pour d'anciens supporters du PSG d'afficher
leur soutien librement116. Ordinairement, les prix des billets sont
moins élevés et le service de sécurité moins
fourni. Surtout que les féminines du PSG ont l'habitude de jouer leur
match au stade Charléty où il n'y a pas toutes ces
infrastructures de surveillance. Ces rencontres sont donc plus accessibles pour
les anciens supporters du PSG bannis du Parc des Princes. C'est pourquoi le
militantisme des anciens Ultras du PSG peut se développer plus librement
lors des matchs de la section féminine du PSG.
115 Cerveaux A., « Le PSG continue d'exclure certains de
ses supporters », So Foot, 1er avril 2015. URL :
http://www.sofoot.com/le-psg-continue-d-exclure-certains-de-ses-supporters-198453.html
116 Guillou C., « Ligue des champions : quand les Ultras
du PSG défendent les filles », Le Monde, 19 mai 2015. URL
:
http://www.lemonde.fr/football/article/2015/05/15/ultras-feminins_4634001_1616938.html
45
Ainsi, la sécurité du Parc des Princes et de ses
alentours reposent sur une présence humaine organisée et
spécialisée qui s'adapte à la typologie urbaine du
quartier et à l'architecture de l'enceinte sportive. Le tout est
renforcé par l'utilisation d'appareils technologiques
complémentaires performants. Tous ces diapositifs physiques sont
pensés pour masquer le contrôle rigoureux et la surveillance du
public. En effet, ces différents dispositifs permettent un encadrement
omniprésent, assidu et quasi-continu du public sans que ce dernier,
globalement, ne s'en inquiète.
Cette surveillance optimisée est justifiée
à des fins financières et sécuritaires par la mise en
place d'un système à la fois dissuasif (présence humaine
sécuritaire importante et dispositifs canalisant) et répressif
caractérisé par des sanctions sévères. La
conséquence principale de ces dispositifs d'encadrement est la
pacification du public. Celle-ci conduit à une transformation des
supporters en client. Cette évolution fait directement
référence à l'aseptisation générale au Parc
des Princes.
III. Le Parc des Princes, sécuritaire et ludique
: un espace aseptisé
La sécurité au Parc des Princes peut être
analysée par plusieurs prismes différents. En plus des
dispositifs d'encadrement du public parisien précédemment
évoqués, on peut s'intéresser à la marge de
manoeuvre offerte au public du PSG par la direction du club en s'adaptant aux
singularités fonctionnelles et architecturales du Parc des Princes. A
l'intérieur de ce stade, une nouvelle configuration et vision du
supporterisme voit le jour par la mise en place de restriction concernant la
liberté d'action.
1. Des modifications du règlement intérieur
pour modérer les comportements des supporters
Historiquement, les associations de supporters
organisés étaient responsables de l'animation des tribunes.
Celles-ci permettaient d'encourager l'équipe et de transmettre des
émotions et des sensations fortes. Cette action est d'ailleurs
analysée par Eric Wittersheim dans son livre paru en 2014117.
Même s'il affirme que les émotions représentent pour un
chercheur une thématique très difficile à évaluer
et à analyser puisqu'elle est subjective et difficilement quantifiable,
il soutient l'idée que plus on se trouve vers le bas du virage, plus on
est situé proche des supporters les plus fervents, plus les sensations
visuelles et auditives sont exacerbées. Ceci s'amplifie d'autant plus
lors des rencontres à fort enjeu, lorsque l'adversité est
particulièrement forte. Cette donnée évolue dans le sens
inverse lors des matchs peu importants et lorsqu'on occupe une position plus
élevée dans les gradins.
117 Witthersheim E., op cit., novembre 2014.
46
Ces émotions interviennent dans les moments qui sont
les plus recherchés par les supporters. Ils justifient la somme
financière apportée en début de chaque saison. En
reprenant la thèse de Norbert Elias qui affirme que dans une
société apaisée où on observe une régression
du seuil de violence tolérée par la
société118, l'affrontement physique semble être
remplacé par l'affrontement sportif. La concurrence est
désirée par les supporters qui voient leurs émotions
exacerbées lors des grandes rencontres. Ces émotions qui
résultent d'une concurrence sportive, sont défendues par des
joueurs passionnés. C'est le cas de Pauleta, joueur
idolâtré par le public parisien puisqu'il est meilleur buteur de
l'histoire du PSG, qui avoue regarder encore des vidéos de temps en
temps pour se remémorer l'ambiance du Parc des Princes.119
Sauf que pour créer, transmettre et diffuser ces
émotions simultanément, les supportes étaient
organisés et hiérarchisés120. Pour les
responsables des associations de supporters, l'objectif était de voir et
d'entendre un maximum de personnes dans la tribune. Comme le dit le sociologue
Nicolas Hourcade : « A partir des années 1980 - 1990, on a des
groupes qui veulent encourager l'équipe en permanence et qui veulent
bien faire leur `métier de supporters' »121. Pour cela,
l'ancien porte-voix du « Kop of Boulogne » surnommé «
Bouquin » raconte son expérience : « J'étais à
califourchon sur le triangle avec un mégaphone, je me rappelle sentir ce
truc.... Comme si toute la tribune, tout le stade vibrait et je me souviens,
même les mecs à coté, à l'unisson vibraient
également. C'était énorme. »122
Ces supporters organisés prônaient leur
indépendance vis-à-vis de toute autre institution. De cette
façon, ces associations organisaient leur propre manière de
supporter l'équipe. Elles le faisaient de manière autonome tout
en étant attentives à ce que faisaient les autres groupes pour ne
pas les copier et pour se démarquer. Pour cela, chaque association
organisait ses propres tifos ou drapeaux pour organiser un
supporterisme singulier, festif et participatif. Cette caractéristique
était réservée aux tribunes situées derrière
les buts et marquait leur singularité par rapport au reste du public du
stade. Celle-ci est confirmée par Amar, ancien porte-parole de
l'association située à Auteuil « Lutèce Falco »
aujourd'hui dissoute : « Le fait d'avoir des groupes structurés,
avec des gens qui étaient vraiment là pour lancer des chants,
avec des gens qui étaient vraiment là pour avoir des idées
de tifos, des choses comme ça, et des gens qui étaient
capables de les mettre en oeuvre... Et aussi grâce à un club qui
nous suivait derrière, avec toutes les discordes qu'on pouvait avoir
entre eux et nous, un club qui nous permettait de réaliser ces
choses-là »123 manifestait la singularité des
tribunes populaires du Parc des Princes.
La liberté d'action des associations étaient
très grande, ce qui satisfaisaient certains dirigeants amoureux du PSG
à l'instar d'Alain Cayzac, membre du comité directeur du club
depuis 1986 et président entre 2006 et 2008 : « Ils (les supporters
organisés) étaient là pour le meilleur et pour le pire.
Non seulement je n'ai pas eu à me plaindre d'eux mais au contraire, je
considère
118 Elias N., op cit, décembre 1976, pages 2-21.
119Whenwewerekids, op cit, 70min, 2013.
URL:
https://www.youtube.com/watch?v=UCiD62DBAoA.
120 Charroin P., op cit, novembre 1990.
121 Ibid.
122 Ibid.
123 Ibid.
47
qu'ils ont fait beaucoup pour... je vais dire pour m'aider
à sauver le club. »124. A cette époque, cette
indépendance et cette liberté d'action accordée aux
supporters dérangeaient les dirigeants de la Ligue de Football
Professionnel (LFP). Ces supporters étaient susceptibles d'être
critiques envers les instances du football. Ces dernières sont alors
entrées en relation conflictuelle avec les associations. Depuis
l'été 2010 et la mise en place du Plan Leproux, le PSG refuse
d'avoir des associations de supporters organisés. Pis, pour lutter
contre l'animation des tribunes perçue comme transgressive par les
responsables du football français et du PSG, les dirigeants du club
parisien ont interdit toute banderole, ainsi que l'usage d'engins
pyrotechniques. En effet, il est aujourd'hui interdit d'entrer dans le stade
avec le matériel du fan selon la définition de
Jean-Michel Roux125, c'est-à-dire des tambours,
mégaphones, fumigènes, etc. Pour cela, les dirigeants du PSG ont
fait changer le règlement intérieur du Parc des Princes. Le PSG
en tant qu'occupant exclusif du Parc des Princes, établissement public
pour une durée de 30 ans, est en droit de faire régir ses propres
règles. D'ailleurs, l'entretien avec Madame Leprince m'a permis de me
rendre compte du respect formel de cette règle par les agents de
sécurité :
« Avec ses copains, ils avaient récupérer
pleins de drapeaux qu'ils ont cousu avec une machine à coudre pour faire
un grand grand truc. On leur refuse de le mettre ! Ils ont même pas le
droit de le mettre au début du match ».
(Entretien réalisé au domicile de Madame Leprince
le 29 avril 2015)
Plusieurs personnes dans le stade m'ont affirmé trouver
ces interdictions comme un manque de respect aux supporters et à
l'histoire du football.
Par conséquent, cette perte d'autonomie du public
parisien et ces interdictions concernant le matériel du supporter
ultra inhibent la capacité d'action et d'expression des
supporters. Les tribunes du Parc des Princes sont uniformes. Dorénavant,
le public semble suivre le déroulement du match et agit en fonction de
la succession des temps forts et du score. J'ai pu observer cette
évolution lors du match entre le PSG et l'ETG le 18 janvier. Voici une
partie de mes notes de terrain retranscrites le lendemain de la rencontre.
- A la 14e minute du match,
l'Evian Thonon Gaillard ouvre le score grâce à un but de
Barbosa.
- A la 20e minute, quelques
dizaines de supporters n'hésitent pas à insulter les joueurs du
PSG. Ils ne forment pas un groupe uni. Au contraire, ils semblent être
éparpillés dans les tribunes. On entend alors des injures :
« bougez-vous le cul bande d'enculés ». Ces offenses
n'étaient pas prononcées en même temps. Dans ce cas, elles
étaient difficilement compréhensibles mais on les entendait bien
à cause du silence qui régnait dans le stade à la suite de
l'ouverture du score des adversaires.
Ces insultes constituaient un chant contre
l'équipe.
|
124 Ibid.
125 Roux J-M., op cit, été 2014, pages 60 - 62.
48
- A la 23e minute du match, dans ce même
silence, on entend plusieurs fois : « et il est mort le Parc des Princes
». Ce chant fut lancé par une petite dizaine de personnes
regroupées au bas de la tribune. En raison du calme
général qui subsistait dans la tribune, ce chant collectif avait
une forte résonnance et était facilement compréhensible.
Par cette action, le petit groupe contrastait avec le reste du public.
Ce chant repris en coeur par une minorité du public
à proximité du groupe était destiné contre
le nouveau public et la direction du PSG.
- A la 25e minute, le PSG se met à dominer.
En quelques secondes, plusieurs occasions nettes réveillent le public du
stade. Des encouragements fusent depuis les tribunes de manière confuse.
Ce n'est pas du tout organisé et structuré.
Ces cris d'encouragements individualisés font suite
à la réaction positive des joueurs du PSG. Le public
semble suivre le rythme du match de manière
spontanée.
- A la 30e minute, le PSG égalise grâce
à un but de son défenseur David Luiz.
- A la 31e minute du match, l'égalisation du
PSG a redonné de la vie et de la joie dans les tribunes. Le petit groupe
de supporter situé au bas de la tribune Auteuil lance un nouveau chant
à l'honneur du PSG. Cette fois-ci, il est repris par une large
majorité de supporters présents dans la tribune.
Dès que le PSG est revenu à la marque à
la suite d'un temps fort, un chant organisé a pu se
répandre dans la tribune.
- A la 38e minute, le PSG mène pour la
première fois au score grâce à un but de Marco Verratti.
A 2 - 1 pour le PSG, on constate directement une meilleure
ambiance dans les tribunes et un soulagement pour le public. Les chants sont
repris par plus de monde ce qui structure et appuie les encouragements.
Puisque le PSG domine le match et mène au score, les
joueurs du PSG semblent plus décontractés. Alors, ils se
permettent de beaux gestes techniques. Ces derniers sont tous salués par
des applaudissements généraux et des exclamations.
Lorsque le PSG domine, joue bien et mène au score,
le public encourage l'équipe collectivement en suivant les
chants toujours émis par le petit groupe de supporters situés en
bas de la tribune.
On constate dans cette prise de note l'évolution du
comportement du public en fonction de l'évolution du score du match.
Hormis le petit groupe de supporters qui chantent presque continuellement (que
ce soit pour critiquer ou encourager l'équipe), le public suit le rythme
du match et encourage lorsqu'il est satisfait du spectacle proposé. Par
conséquent, il est directement dépendant de ce qu'il se passe sur
le terrain.
49
Ainsi, l'absence d'objets ou d'instruments constitue une
grande difficulté pour le public en vue d'organiser un chant puissant et
collectif. Sans cette dimension collective, cette « fusion, cette
émotion au même moment »126 (Viola, ancien
porte-voix des « Lutèce Falco ») le Parc des Princes est
devenu un lieu aseptisé et hyper-contrôlé comme si
l'animation des tribunes était synonyme de transgression et de
danger.
2. Le Parc des Princes, un espace mis en scène
Dorénavant, pour dynamiser et encourager les
spectateurs à encourager leur équipe, on voit sur les
écrans géants des spots où les joueurs passent un à
un pour demander au public d'encourager leur équipe. Ce qui se faisait
naturellement n'est aujourd'hui possible que via l'action du club et des
dirigeants. La modification du règlement intérieur a
transformé l'ambiance à l'intérieur du stade et a
restreint la marge de manoeuvre des supporters. On observe alors deux
conséquences à la suite de ces évolutions.
Tout d'abord, on assiste à une perte d'autonomie du
public parisien. L'ambiance à l'intérieur du stade émane
principalement du terrain, du déroulement du match et des dirigeants.
Christophe Uldry, ancien président des « Supras Auteuil »,
association dissoute aujourd'hui, évoque l'influence que pouvait avoir
le public dans un match de football : « Les conditions d'un exploit comme
un match sur Bucarest127, ça se crée, ça se
crée. Quand les joueurs entrent sur Bucarest, j'en ai vu plus d'un et
j'en ai lu plus d'un qui disent simplement : `Quand on est rentré sur le
terrain, on a senti le public et on a senti qu'il allait se passer quelque
chose' »128.
Ensuite, on assiste à une transformation de
l'identité et de la culture du supporterisme en raison d'une
uniformisation des tribunes : les virages tendent à ressembler de plus
en plus aux tribunes latérales en termes d'animations et de
comportements. Par exemple, à plusieurs reprises cette année, au
niveau de la « tribune famille », on a pu voir un tifo
déployé par les salariés du PSG au-dessus des
têtes des enfants sur lequel était inscrit : « le Junior Club
vous soutient ». On peut voir cette initiative à la fin d'une
vidéo sur le site officiel du PSG129. La direction du club a
alors la volonté de maîtriser l'ambiance qui règne au sein
du Parc des Princes afin de satisfaire le public qu'elle sélectionne.
Cette ambition témoigne en outre de la dimension
internationale du PSG. En tant que marque mondiale, le PSG fait maintenant
appel à des sponsors internationaux destinés à des
personnes étrangères présentes au stade. Cette nouvelle
dimension fut observée lors de la première journée de la
saison 2015 - 2016 avec la réception du Gazélec Ajaccio le 16
aout.
126 Whenwewerekids, op cit, 70min, 2013.
https://www.youtube.com/watch?v=WjH055I_VIc
127 Au match aller, le PSG fait jouer un joueur suspendu. Le
PSG est donc sanctionné et défait 3 - 0 sur tapis vert. Pour se
qualifier au prochain tour de la coupe d'Europe, le PSG doit donc gagner avec 4
buts d'écarts.
128 Whenwewerekids, op cit., 70min, 2013.
https://www.youtube.com/watch?v=WjH055I_VIc
129 Aïche T, «PSG - Nancy en tribune junior»,
publié le 11 mars à 19h20.
URL:
http://www.psg.fr/fr/Actus/003001/Article/61484/Paris-Nancy-en-tribune-Junior-Club.

50
Fig 2 - Photographie du terrain du Parc des Princes avec des
spots publicitaires écrits en anglais
illustrant l'internationalisation du stade (Source : M.Kerrien, photographie
prise le 16 aout 2015)
Sur cette photographie (fig. 2), on peut distinguer le slogan
de la compagnie aérienne Fly Emirates, principal sponsor du
PSG130, écrit en anglais au niveau des annonces publicitaires
: « Fly Emirates to over 145 destinations ».
Aujourd'hui, le Parc des Princes accueille un club de football
ayant une dimension et une ambition internationale. Le spectacle sur le terrain
doit être à la hauteur de cette ambition. Cette
réalité doit également être ressentie à
l'extérieur du terrain en tribunes et aux alentours du stade. En
s'inspirant des clubs de football de son envergure comme Manchester United ou
le Real Madrid, les dirigeants du club souhaitent faire du match de football
une expérience unique. Ainsi, une mise en scène est
déployée avec en premier lieu la disposition de nombreux agents
d'accueil à la place des agents de sécurité. En effet,
selon Monsieur André, la pacification du public parisien aux abords du
stade a permis au club de penser différemment l'accueil du public :
« C'est le métier qui a changé. Maintenant,
on estime qu'un agent de sécurité peut également faire de
l'accueil et nous, on s'est mis également sur ce créneau en...
Nous notre but c'est pas d'avoir des agents de sécurité de 2
mètres et de 120 kilos, c'est pas notre force... Nous on n'est pas dans
l'intervention, c'est pas nous qui allons gérer les bagarres ou les
choses comme ça, les incivilités. Nous on fait du contrôle
d'accès. On pense que pour faire du contrôle d'accès, on
n'a pas besoin de faire 2 mètres. On peut mettre quelqu'un qui a un
profil standard. Un peu monsieur « tout le monde ». Mais qui est
capable de dire « bonjour monsieur », de sourire, de regarder dans
les yeux et de souhaiter une bonne soirée et un bon match ».
(Entretien réalisé le 7 mai 2015 au siège
social de l'entreprise ACA Sécurité dont Monsieur
André est salarié)
130 LVD, « Fly Emirates arrose le PSG », So
Foot, 2 février 2013. URL :
http://www.sofoot.com/fly-emirates-arrose-le-psg-166426.html
51
D'après cette personne, la sécurité est
toujours aussi présente mais elle a évolué. En effet,
l'objectif pour les dirigeants est d'établir une relation de confiance.
Pour cela, on essaye de stabiliser les dispositifs d'encadrement et de
fidéliser les agents d'accueil. Cette idée est relayée par
Monsieur André quand il me dit : « afin d'avoir une petite
relation, notamment avec les abonnés en virage, c'est
régulièrement les mêmes personnes qu'on essaie de mettre
aux portes », et est approuvée par Madame Leprince. Elle connait un
peu la personne qui est à son vomitoire d'autant plus qu'elle est
abonnée avec sa soeur et qu'ainsi, elles « sortent du lot »
pour reprendre ses propres mots.
Dans un second temps, en cherchant à considérer
le public du PSG comme une somme de clients potentiels, les dirigeants du club
adaptent ses dispositifs pour aller dans ce sens. Lors des matchs «
classiques » (au contraire des matchs « à risque »), les
dirigeants du PSG demandent aux sociétés privées
engagées de placer des agents à des lieux précis avec des
fonctions précises. Lors de ces rencontres, celle-ci ont surtout pour
objectif d'accueillir le public, de l'informer, le renseigner et l'orienter.
Ces missions m'ont été expliquées par Monsieur
André lors de notre entretien :
- Monsieur André : «Maintenant, on
considère qu»il n'y a plus trop de risque à proprement
parler.
Après forcément, voilà, si on
reçoit Chelsea, le risque vient plus des Anglais que des Parisiens. Donc
ça va être plus une gestion des Anglais et éviter que les
Anglais se retrouvent n'importent où et au contraire, on les oriente
vers leur carré. »
- Mathieu : « Oui donc vous avez aussi une fonction
d'orienter les gens et pas seulement de filtrer ? Vous guidez les gens...
»
- Monsieur André : « Oui c'est ça on fait
également beaucoup d'orientation. »
(Entretien réalisé le 7 mai 2015 au siège
social de l'entreprise ACA Sécurité dont Monsieur
André est salarié)
Ainsi, au Parc des Princes en fonction des matchs, les
missions sécuritaires changent de nature en apparence afin de rassurer
et de guider le public. De cette façon, il s'agit d'augmenter
l'impression de confort et de liberté d'action du public en proposant un
service plus ludique qui repose sur la communication et la confiance.
On trouve effectivement de nombreuses animations dans le stade
à l'instar de la « tribune famille ». Cette tribune,
située en quart de virage de la tribune Borelli, accueille uniquement
des enfants de moins de 14 ans accompagnés par un adulte et propose des
tarifs réduits. Le prix d'entrée pour un enfant est de 15 euros
au minimum. En revanche, l'adulte paye un tarif plein soit 35 euros au minimum.
Afin de divertir et de fidéliser ces enfants pour qu'ils deviennent de
futurs amateurs du PSG, des activités sont proposés avant la
rencontre et à la mi-temps. Parmi celles-ci, il y a la
possibilité de faire une partie de football dans les travées du
stade, ainsi que de rencontrer la mascotte du PSG prénommée
Germain et de se faire maquiller.
Plus largement, des évènements sont
organisés pour l'ensemble du public du Parc des Princes. Il y a
régulièrement la distribution de boisson à la fin du match
ou la célébration d'un évènement populaire avec en
filagramme, un enjeu marketing. Ce fut par exemple la célébration
de la Saint-Valentin au Parc des Princes le 14 février lors de la
rencontre qui opposa le PSG et Caen (fig. 3).
Cette photographie trouvée sur internet
représente un couple célébré le 14 février,
jour de Saint-Valentin. A ce titre, le PSG avait organisé entre autre un
concours nommé : « un cadeau de rêve ». En un tweet, il
fallait expliquer pourquoi un couple avait le droit d'obtenir ce cadeau.
Sur cette photographie, on voit le couple vainqueur avec le
speaker du Parc des Princes à travers l'un des deux écrans
géants. De nombreuses fois avant - pendant - après la rencontre,
la « kisscam » (caméra préparée
spécialement pour cette journée) a filmé des couples et
les a retransmis sur ces écrans géants.

52
Fig 3 - Photographie qui présente le couple vainqueur du
jeu de la Saint-Valentin (Source :
http://sportandsand.com/football-dans-les-coulisses-du-psg/)
Ces différents dispositifs visent à rendre le
public à l'aise, à lui faire passer un bon moment et ont comme
effet indirect de faire oublier la continuelle présence
sécuritaire et la marchandisation du spectacle proposé. Les
commentaires de la jeune femme sont révélateurs de la dimension
ludique des évènements : « J'avoue l'ambiance fait qu'on se
prend au jeu en fait :) » (Commentaire de Margaux - 26 février
2015)131.
131 « Football // Dans les coulisses du PSG au parc des
princes ! », Sport and sand, 25 février 2015. URL :
http://sportandsand.com/football-dans-les-coulisses-du-psg/
53
De cette manière, on entre dans une
clientélisation du public. Ce processus largement analysé dans
les sciences sociales à l'instar des travaux de Ludovic
Lestrelin132, Eric Witthersheim133, est confirmé
par Monsieur André :
« Euh on considère que chacun des spectateurs,
enfin, on est quasiment, c'est des clients si vous voulez. Au même titre
que Louis Vuitton a des clients, pour nous, les spectateurs qui viennent au
Parc des Princes, c'est aussi des clients. Ils ne viennent pas seulement
regarder un match, ils viennent vivre une expérience, trouver une
ambiance, une atmosphère etc.... »
(Entretien réalisé le 7 mai 2015 dans les bureaux
de l'entreprise ACA Sécurité)
Ainsi, les dispositifs d'encadrements sont minimisés et
conçu de façon à mettre le client à l'aise pour
qu'il ressente l'évènement comme une « expérience et
un spectacle » à part entière. Le marketing a pris une place
à part entière dans ce domaine. L'objectif final est d'inciter le
public à consommer et à augmenter la recette annuelle du club les
jours de matchs. Sauf que dorénavant, au moindre faux-pas de
l'équipe, le mécontentement est affiché sans
hésitation. Dans un contexte difficile d'un point de vue sportif,
après des résultats négatifs par exemple, le public peut
ne plus soutenir son équipe, ce qui va contre les principes de base du
supporterisme. Au mois de janvier 2015, le PSG connaissait par exemple une
période compliquée. Défait 4-2 le 10 janvier à
Bastia, l'entraineur Laurent Blanc était proche du
licenciement134. Lors du match entre le PSG et l'Evian Thonon
Gaillard du 18 janvier, j'ai pu entendre de nombreux sifflets en provenance des
tribunes. Ainsi, l'aseptisation du Parc des Princes et la
clientélisation de son public ont pour effet secondaire la mise en
scène d'une expérience unique qui incite le public à
être exigeant en termes de résultats et de spectacles. Le public
du Parc des Princes souhaite désormais rentabiliser les couts investis
pour entrer dans le stade. Ces réactions symptomatiques d'un manque de
culture footballistique sont dénoncées par « Amar »,
ancien porte-parole des « Lutèce Falco » : « on demandait
aux gars de la tribune, aux nouveaux, de ne pas siffler les joueurs, de ne pas
être versatile »135.
Cette analyse fait ici référence à la
nouvelle réalité du public - ici madrilène -
décrite par le journaliste Markus Kauffman : « Il n'en a ni les
angoisses des fins de mois ni le besoin de héros. Lui, il veut des
victoires et du spectacle »136. Dans ces conditions, le stade
n'est plus un lieu de concentration de passionnés mais un espace de
divertissement à destination de spectateurs-clients.
Cette clientélisation est possible grâce à
la mise en place d'une sécurité discrète associée
à une mise en scène du spectacle dans un esprit ludique.
132 Lestrelin L., op cit., 2014.
133 Wittersheim E., op cit, novembre 2014.
134 « PSG : Laurent Blanc sur un siège
éjectable », Le Parisien, 12 janvier 2015
URL :
http://www.leparisien.fr/psg-foot-paris-saint-germain/laurent-blanc-sur-un-siege-ejectable-12-01-2015-4438931.php
135 Whenwewerekids, op cit., 70min, 2013.
https://www.youtube.com/watch?v=WjH055I_VIc
136 Kaufmann M., « Le Real Madrid, cimetière des
idoles ? » So Foot, 22 mars 2015 URL :
http://www.sofoot.com/le-real-madrid-cimetiere-des-idoles-198022.html
54
Deuxième partie - Le public parisien face
aux dispositifs d'encadrement : diversité
des
formes d'adaptation et résistance
Tout est fait pour que les systèmes d'encadrement mis
en place au Parc des Princes donnent l'impression au public parisien de ne pas
se sentir enfermé. L'impression de liberté qui en découle
témoigne en retour de l'efficacité des systèmes
d'encadrement du public en amont et au sein du Parc des Princes ;
efficacité qui, rappelons-le, permet aux autorités publiques et
aux dirigeants du PSG de contrôler les faits et gestes du public et
d'orienter ses déplacements. Ce décalage entre le ressenti des
usagers et une réalité technico-spatiale repose sur la mise en
oeuvre d'une stratégie de « séduction » de la part des
concepteurs et gestionnaires du stade, stratégie qui a pu être
analysée par Matthieu Giroud lors du Championnat d'Europe de football au
Portugal en 2004137. L'auteur montre ainsi comment l'organisation
d'un tel évènement ayant une visibilité internationale est
l'occasion de sublimer l'image et la réputation d'un territoire, en
l'occurrence Lisbonne. La « séduction » consiste à
encadrer les touristes et supporters étrangers sans les oppresser en
leur proposant, par exemple, des parcours fléchés et ce,
dès leur arrivée à l'aéroport. Ces derniers
représentent une manoeuvre pour pouvoir guider les regards des
touristes. Ainsi, en proposant des « possibles », les
autorités font une sélection de ce qu'il faut voir et entendre
dans la ville.
Cette stratégie s'appuie en outre, à la fois sur
une présence policière qui s'aide d'un système de
vidéosurveillance pour contrôler les pratiques urbaines, sur une
mise en scène et sur une marchandisation du spectacle pour créer
une expérience unique. Ces dispositifs ont pour objectif de dissimuler
et d'effacer toutes les contestations potentielles, et plus globalement
d'influencer sensiblement le comportement du public.
Par ailleurs, au Parc des Princes, la culture et
l'expérience du supporterisme sont inégalement réparties
au sein du public présent régulièrement au stade. La
fidèle présence de certains supporters au Parc des Princes
associée à une connaissance historique et internationale du
supporterisme peut entrainer chez ces mêmes supporters un sentiment de
colère et d'exaspération vis-à-vis des politiques
sécuritaires et ludiques mises en place par la direction du PSG et les
autorités publiques.
Dans le même temps, comme le montre le tableau
ci-dessous, l'affluence annuelle moyenne au Parc des Princes croit
d'année en année, ce qui laisse supposer un élargissement
et aussi une diversification des personnes venant au stade. On observe en effet
un retour du public à partir de la saison 2011 - 2012, année de
l'arrivée du fond d'investissement Qatari QSI à la tête du
PSG et des grands noms de l'équipe actuelle comme l'Argentin Javier
Pastore (fig 4).
137 Giroud M., « Mondes urbains d'un
événement touristique et manières de vivre la ville. Le
cas du championnat d'Europe des nations de football à Lisbonne »,
in Ph. Duhamel, R, Knafou (coords), Les mondes urbains du tourisme,
2007, Paris : Belin/collection Mappemonde, pages 88-103.
Affluence moyenne par saison
Affluence moyenne en miliers de personnes
|
50 45 40 35 30 25
|
|
|
2000 - 2001 2001 - 2002 2002 - 2003 2003 - 2004 2004 - 2005 2005
- 2006 2006 - 2007 2007 - 2008 2008 - 2009 2009 - 2010 2010 - 2011 2011 - 2012
2012 - 2013 2013 - 2014 2014 - 2015
|
Quantité de personnes présentes au Parc des
Princes
Saisons
55
Fig 4 - Graphique représentant l'évolution de
fréquentation du Parc des Princes depuis 2000 (Source : site internet
de la LFP - URL :
http://www.lfp.fr/ligue1/affluences/journee)
Malgré les critiques d'une partie du public, le stade
est de nouveau très souvent rempli. On y rencontre des anciens
supporters historiques, déjà présents au stade dans les
années 2000 lorsque le PSG avait une envergure nationale, tout comme on
rencontre de nouveaux supporters pris de passion pour le PSG avec
l'arrivée de grands noms. Ainsi, plusieurs profils de public sont
réunis au Parc des Princes. L'analyse de leurs réactions pourra
éclairer les différentes formes d'adaptations de ces
différents groupes aux dispositifs d'encadrement.
Les représentations et les pratiques du public
s'influencent mutuellement et sont interdépendants selon un «
circuit de rétroaction »138 fait de plusieurs
allers-retours. Ainsi, il s'agira ici de montrer qu'il y a des réactions
communes et des réactions différenciées vis-à-vis
des dispositifs d'encadrement au Parc des Princes. Ces similitudes et ces
distinctions peuvent être interprétées comme autant de
formes d'adaptations ou de résistances collectives ou individuelles.
138 Augustin J-P., op cit, 2007, 220 pages. La
citation est à la page 6.
56
I. Une normalisation des comportements
L'encadrement du public combiné à une
surveillance plus ou moins dissimulée entraine chez de nombreuses
personnes fréquentant le stade une forme d'autocontrôle. En effet,
l'efficacité des systèmes sécuritaires entraine
l'intériorisation par le public des normes souhaitées par la
direction du PSG et l'application de celles-ci. Cette restriction
intériorisée est révélatrice d'un processus de
normalisation des comportements.
1. Normalisation à l'extérieur du stade :
l'exemple du « Parvis »
Grâce à mes déplacements réguliers
autour du Parc des Princes et particulièrement devant la tribune
Auteuil, j'ai notamment pu observer le respect par le plus grand nombre des
règles concernant l'usage de la grande place aménagée
devant le Parc des Princes et le Stade Jean Bouin (fig 5).

Fig 5 - Le « Parvis » situé avenue
Général Sarrail dans le XVIe arrondissement (Source :
M. Kerrien photographie prise le 16 aout 2015)
Cette place est présentée comme «
harmonieuse et accueillante » par Monsieur André lors de notre
entretien du 7 mai 2015. A la suite de cette conversation, j'ai appris que
l'aménagement du parvis situé avenue du Général
Sarrail139 a été pensé pour pouvoir accueillir
des écrans géants et des stands mobiles proposant de la
restauration, des produits dérivés et des activités
ludiques. Ces installations seraient mises en place dans le cadre de
compétitions internationales organisées à
l'intérieur du Parc des Princes et du Stade Jean Bouin. Alors, cet
aménagement urbain et ces potentielles installations correspondent
à un plan d'urbanisme de la Marie de Paris. En effet, selon Monsieur
André, la Mairie envisage de créer un pôle sportif
139 URL :
http://centraledesmarches.com/marches-publics/Ville-de-Paris-Paris-75000-Travaux-d-amenagement-de-voirie-et-d-eclairage-public-des-rues-Claude-Farrere-Nungesser-et-Coli-de-la-place-de-l-europe-et-du-parvis-situe-avenue-du-general-Sarrail-a-Paris-16e-arrondissement/161888
57
d'envergure internationale dans le XVIe
arrondissement. Cette politique s'inscrit dans le cadre de l'organisation de
l'EURO 2016 qui aura lieu en France et dans le processus de candidature de la
Ville aux Jeux Olympiques 2024.
Le parvis a donc été aménagé dans
le cadre de « travaux d'aménagement de voirie et d'éclairage
public » et doit permettre « d'accueillir les spectateurs dans de
bonnes conditions, de confort et de sécurité
»140. Ces propos issus d'un document officiel de la ville de
Paris sont confirmés par Monsieur André :
- Mathieu : « C'est quoi la raison de ces travaux ?
Augmenter le confort, l'accessibilité des piétons ? »
- Monsieur André : « Bah ouais parce que les
trottoirs sont vachement plus larges, c'est des questions de
sécurité également. Ce sont de vrais trottoirs. On ne
prend pas un morceau de la route pour le transformer en trottoir le jour de
match ; et les véhicules sont restreints de passer... Je pense que
voilà, pour l'Euro, c'est aussi un avantage pour ce type
d'évènement d'avoir de grandes esplanades. C'est toujours plus
accueillant, ils vont pouvoir mettre des stands, comme au stade de France, des
stands de bouffe, de produits dérivés, de points d'informations,
des écrans... Je pense que c'est un peu, c'est vraiment une politique
d'urbanisme locale... »
(Entretien réalisé avec monsieur André le
7 mai 2015 dans les bureaux de la société ACA
Sécurité)
Comme le montre cet exemple, l'aménagement du stade et
de ses alentours s'inscrit dans un projet urbain, lui-même
intégré à un projet de ville141. Dans ce
dernier, comme on l'a dit, le Parc des Princes est pensé comme un des
instruments d'une stratégie plus globale de développement et de
rayonnement international.
Comme cette place est très large et ouverte sur la
ville, des animations pourraient être proposées afin de distraire
le public, tout en établissant une transition ludique jusqu'à
l'entrée dans le stade. Elle pourrait également être
l'objet d'une accaparation du public par la multiplication d'activités
diverses et variées à l'instar de ce qu'il se passe sur la place
de la République à Paris142.
140 Mairie de Paris, « Vers un nouveau stade Jean Bouin
», document officiel.
141 Augustin J-P., op cit, 2007, 220 pages.
142 La station de métro « République »
est placée sur l'itinéraire de 5 lignes de métro ce qui
fait d'elle un important noeud de communication. Ce carrefour est donc mieux
relié au dynamisme de la ville et renferme un passé historique
populaire important. Avec sa statue représentant une allégorie de
la République, elle historiquement dans l'ère du temps : elle
s'adapte aux besoins de son époque. Aujourd'hui, les travaux ont fait
d'elle une place pour les piétons. Cette place a été
pensée par la Ville de Paris et l'agence TVK « comme lieu
d'activités libres offert aux habitants et aux passants de la place
(principe de gratuité, aménagements modestes, structures mobiles
et modulables). ». Ainsi, il est très fréquent de rencontrer
sur cette place des skateurs, des concerts, des danses etc. Ces
activités peuvent être institutionnalisées (à
l'instar des concerts pour le « Oui FM festival ») mais aussi
spontanées.
58
Le parvis du Général Sarrail est situé
dans le XVIe arrondissement de Paris, quartier essentiellement
résidentiel. Compte tenu de son éloignement du centre de Paris,
cet arrondissement s'anime uniquement lorsque ses installations sportives
(Roland Garros, le Parc des Princes, le Stade Jean Bouin) accueillent des
évènements. Ainsi, ce parvis est tout de même
fréquenté par des dizaines de milliers de personnes presque
toutes les semaines. Pourtant, cette esplanade apparaît à ce jour
essentiellement comme un lieu de passage, que ce soit en dehors ou pendant les
jours de match. Mes observations de terrain, mes conversations informelles avec
des personnes du public soulignent l'idée que le parvis n'a qu'une
fonction de transit et donc de support au déplacement. D'ailleurs, ceci
fut confirmé le 7 mai 2015 par Monsieur André : « C'est
vraiment une esplanade où il peut y avoir des spectateurs qui peuvent
déambuler tranquillement sans problème... ». En dehors des
rencontres sportives, ce parvis est un lieu « éteint et sans vie
» comme l'a confirmé Monsieur Callard, résident du
XVIe arrondissement depuis plusieurs décennies, lors de notre
entretien du 27 avril 2015. D'après mes observations, le parvis n'est en
effet que très rarement utilisé par les résidents ou
usagers de passage. Hormis quelques enfants que j'ai vu jouer une fois au
football sur cette place, je n'ai jamais pu observer de pratiques autres que
celles relevant du transit ou de la déambulation.
Ceci est encore plus criant lors de moment d'avant et
d'après match. L'utilité de cet aménagement est de
permettre une fluidité maximale du public à son arrivée et
à sa sortie. Les supporters sont en effet en perpétuel mouvement,
marchant plus ou moins lentement, seuls ou en petits groupes. Le parvis n'est
pas conçu comme un espace permettant le stationnement et les usagers
semblent s'y conformer. Aucune structure fixe ou mobilier urbain - de type
bancs - n'est ainsi présente. Il m'est même arrivé de
m'asseoir par terre pour pouvoir observer longuement et de manière
répétée les comportements du public. Pis, aucun stand
mobile de restauration n'est présent sur la place. Tous se situent
à plusieurs centaines de mètres du stade (voir document 2 en
partie annexe).
J'ai demandé à l'un des restaurateurs tenant un
tel stand (fig. 6) la raison du choix de son emplacement et pourquoi il ne
s'installait pas sur le parvis devant le Parc des Princes. Ma question est
restée sans réponse. Mais son sourire laisse à penser que
leur présence sur le parvis est interdite et donc strictement
contrôlée.

59
Fig 6 - Installation d'un stand mobile de restauration entre
le Parc des Princes et la Porte d'Auteuil (Source : M. Kerrien. Photographie
prise le 16 aout 2015)
Deux types de regroupement, que l'on qualifiera de «
normalisés » en ce qu'ils sont intégrés au dispositif
d'aménagement, doivent toutefois être distingués.
Le premier peut apparaître comme quelque peu
contradictoire avec l'agencement de la place et la recherche de fluidité
optimale : il s'agit des lignes formées par les personnes venues
récupérées leur place auprès de la billetterie
permanente du PSG intégrée au stade Jean Bouin (fig.7) et
située juste en face de l'entrée de la tribune Auteuil. Cette
ligne a tendance à s'allonger au fur et à mesure qu'on approche
de l'heure du début du match, perturbant toujours un peu davantage les
trajectoires des supporters mobiles.

Fig 7 - File d'attente pour récupérer les billets
d'entrée (Source : M.Kerrien - Photographie prise le 16 aout
2015)
60
L'autre forme de regroupement s'observe essentiellement au
niveau des portiques d'entrée du stade. Le trottoir à emprunter
pour entrer dans le stade est à un niveau inférieur par rapport
à l'esplanade. Cette dernière présente donc l'avantage de
pouvoir légèrement dominer l'entrée du stade. Ainsi, si on
se situe sur l'esplanade, on a une meilleure vision d'ensemble. C'est pourquoi
il est très fréquent de voir plusieurs personnes statiques qui
attendent sur l'esplanade qu'un de leur ami les rejoigne. Après avoir
discuté avec plusieurs d'entre elles lors de la rencontre qui opposa le
PSG et l'Association Sportive de Saint-Etienne le 8 avril 2015, il semble que
le choix du lieu d'attente peut aussi bien être choisi à l'avance
et constituait une habitude ou être improvisé. A chaque fois, la
surélévation offerte par l'esplanade fut mentionnée et
justifiait le choix du lieu d'attente.
Ces personnes statiques attendent calmement d'être au
complet pour pouvoir entrer dans le stade. Il est possible que la
présence des CRS systématiquement observée au niveau du
boulevard du Général-Sarrail (voir document 2 en partie annexe)
et celle de vigiles devant la billetterie du club incitent le public à
rester calme et silencieux. Les premiers chants des supporters interviennent
généralement après qu'ils aient passé les premiers
contrôles situés devant la tribune.
Comme on a pu l'observer, le public, dans son ensemble, semble
donc respecter la fonction de déambulation attribuée à
cette esplanade. L'arrêt y est rare et dans tous les cas il parait
normalisé. On relève donc une forme d'intériorisation, par
les usagers, des normes de sécurité et de fonctionnement du lieu,
ce qui conduit ici à l'absence de formes de détournement.
2. Normalisation à l'intérieur du stade : un
public de supporters subalternes ?
Si cette normalisation des comportements est constatée
à l'extérieur du Parc des Princes, elle l'est également
à l'intérieur du stade. Une très grande majorité du
public semble en effet écouter et suivre les directives du PSG. Mes
nombreuses observations combinées aux conversations effectuées
avec Madame Leprince, Baptiste et Kerim, ont fait ressortir un public
plutôt enclin à suivre les propositions de la direction. Cet
état de fait est caractérisé par un encadrement collectif
sans communication directe avec les supporters. Au contraire, puisque les
antécédents des supporters du PSG semblent faire peur aux
dirigeants club, ces derniers communiquent par médias interposés.
A la différence des clubs allemands143, il n'y a aucun
médiateur en place144. L'absence de dialogue associée
à l'encadrement sécuritaire renforcé à
l'intérieur d'un stade ont pour conséquence le contrôle
total de l'image et de l'ambiance qui règne à l'intérieur
du stade par l'institution. La faible marge de manoeuvre accordée au
public du PSG est justifiée par une volonté de réduire les
débordements
143 Hourcade N., « Tolérance zéro dans les
stades ? », Le sociographe, 2012/2 (n°38), pages 59 - 69.
144 Ces médiateurs sont réunis dans un service
de coordination appelé Fan Projekte. Ce sont des organisations
sociales, présentes dans une cinquantaine de ville en Allemagne,
chargées de faire le lien au quotidien entre des supporters, la
direction d'un club, les autorités municipales et
sécuritaires.
61
passionnels et est légitimée par un désir
d'apaisement général de l'intérieur et de
l'extérieur du Parc des Princes.
Ce succès sécuritaire s'exprime par le respect
des normes sécuritaires par le public et des « bonnes pratiques du
supporter » que les instances du PSG souhaitent imposer. Grâce
à mon abonnement, j'ai pu par exemple me rendre compte qu'à
presque chaque rencontre, des drapeaux étaient déposés sur
les sièges des tribunes latérales. Ainsi, les personnes
situées en tribunes latérales ont pris l'habitude d'agiter ces
drapeaux à l'entrée des joueurs et lorsque le PSG marque des
buts. Cette action est confirmée par les propos de Madame Leprince :
- Mathieu : « Vous avez souvent des cadeaux comme ça
? »
- Madame Leprince : « Non, on a les drapeaux c'est tout.
Les drapeaux, c'est régulièrement. »
- Mathieu : « Tu les gardes ? »
- Madame Leprince : « Non. Ma soeur les ramène car
elle connait pleins de gamins qui sont ravis d'avoir des drapeaux.
Tu vois, j'en ai un là qui est bloqué (elle me
montre un drapeau - rire). C'est un vieux qui est là. Sinon je les agite
dans la tribune. »
(Entretien réalisé le 29 avril 2015 au domicile de
Madame Leprince)
La photographie ci-dessous (fig. 8) montre ainsi la bonne
volonté du public qui agite les drapeaux distribués par le club.
On voit ici que la majorité du public en tribune latérale
n'hésite pas à « jouer le jeu » et à suivre les
« bonnes pratiques » incitées par la direction du PSG. Le
comportement du public parisien participe donc à la production de
l'ambiance festive à l'intérieur du Parc des Princes et ce en
acceptant d'être encadré. Le public apparaît ainsi comme
l'un des principaux acteurs de l'ambiance que souhaitent créer et
orchestrer les instances du club.

Fig 8 - Une majorité de personnes en tribune
latérale « joue le jeu » et agite les drapeaux (Source :
google
image)
62
De plus, afin de contrôler encore plus
complètement les comportements du public parisien, la direction du PSG a
mis en place l'interdiction de fumer dans les gradins. Dorénavant, pour
pouvoir fumer une cigarette, il faut sortir des tribunes et se rendre dans les
travées destinées à la déambulation où on ne
peut pas voir le terrain. Aujourd'hui, il est très rare de voir des
personnes fumer. D'ailleurs, à plusieurs reprises cette année,
j'ai vu des personnes sortir à la demande d'un agent de
sécurité car elles étaient en train de fumer dans les
tribunes. Cette expérience observée à plusieurs reprises
est confirmée par Madame Leprince :
« Oui... En tout cas moi je sais que chez nous, s'il y en
a un qui allume une cigarette, ça dure 10secondes... Tout de suite le
mec il regarde et il éteint la cigarette. Ça se passe super vite.
On lui demande de sortir pour fumer sa cigarette. Généralement je
les vois revenir, mais je pense qu'ils se font passer un savon. Ce qui est
normal... Moi j'adore l'histoire de la cigarette... ».
(Entretien réalisé le 29 avril 2015 au domicile de
Madame Leprince)
Cette interdiction, motif de satisfaction pour cette
supportrice est, au contraire, la cause d'un regret exprimé par Kerim le
22 mai 2015 lors de l'entretien croisé : « Ça aurait
été cool de boire sa bière et fumer sa clope pendant le
match ». Ainsi, globalement, le règlement intérieur est
connu et respecté par le public parisien.
Cette attention de la part du public au respect du
règlement est somme tout légitime lorsque les ordres de la
direction du PSG sont raisonnables. En revanche, il arrive que le club agisse
de manière autoritaire sans motif légitime, voire sans fondement
légal. En effet, le 4 mars 2015, lors du match entre le PSG et l'AS
Monaco, un supporter de la tribune Boulogne a lancé un chant
contestataire repris par beaucoup de monde autour de lui : « Abonnements
trop chers, supporteurs en colère ! »145. Cette plainte
est venue en réponse à la hausse du prix des abonnements
intervenue les jours précédents. Pour avoir dénoncé
une sélection par l'argent, son abonnement fut résilié.
Cette affaire, reprise par de nombreux médias sportifs et
généralistes comme l'Express146 pour atteinte
à la liberté d'expression, fut connue de tous. Aussi bien Madame
Leprince que Monsieur André connaissent cette histoire et l'ont
mentionné lorsque j'ai abordé le sujet. En voici un premier
extrait :
145 Guillou C., Dupré R., « Un supporteur exclu
pour avoir contesté le prix des abonnements », Le Monde, 7
mars.
URL:
http://www.lemonde.fr/football/article/2015/03/05/psg-un-supporteur-expulse-du-parc-des-princes-pour-avoir-conteste-le-prix-des-abonnements_4588088_1616938.html
146 « Un supporter viré du Parc des Princes
après avoir critiqué le prix des abonnements »,
L'Express, 5 mars 2015.
URL:
http://www.lexpress.fr/actualite/sport/football/un-supporter-vire-du-parc-des-princes-apres-avoir-critique-le-prix-des-abonnnements_1658352.html
63
Madame Leprince : « Ah oui, ah oui ! Par rapport à
ça, oui oui je comprends. Comme je n'ai pas été d'accord
qu'ils virent un mec des tribunes parce qu'il a lancé le chant.
Là, je suis pas d'accord du tout. C'est d'ailleurs ça qui a
dégouté mon fils hein. Parce que je pense qu'ils n'étaient
pas loin de là où ça s'est produit. Et il ne l'a pas
accepté. Il a vu les images du gars qui se fait sortir de la tribune.
Donc je pense qu'il n'était pas d'accord du tout sur ce qu'il se passe.
C'est pas correct là-dessus. Je ne peux pas admettre que les gens
n'aient pas le droit de manifester une hausse de tarif. Et puis tout comme....
»
(Entretien réalisé le 29 avril 2015 au domicile de
Madame Leprince) En voici un second :
- Mathieu : « Par exemple, le fait qu'un supporter ait vu
son abonnement supprimé parce qu'il a critiqué l'augmentation des
prix... Vous avez suivi cette histoire ? »
- Monsieur André : « De loin »
- Mathieu : « Vous n'en parlez pas avec vos
collègues ?
- Monsieur André : « Non parce que c'est
même plus des questions de sécurité. C'est la politique du
club. C'est son droit ou sn choix, je ne saurais pas dire. Mais c'est une
politique commerciale qui ne nous concerne plus en tant que prestataire. Ca ne
nous regarde pas et on n'en parle pas entre nous... Ou alors, on l'apprend plus
des médias... En réunion, on ne dit pas `untel, untel, untel, on
a supprimé son abonnement' ».
(Entretien réalisé le 7 mai 2015 au siège
social de l'entreprise ACA Sécurité dont Monsieur
André est salarié)
Lors du premier match qui a suivi cette affaire, soit la
rencontre entre le PSG et le FC Lorient le 20 mars 2015, une personne
située à quelques rangs du mien, a de nouveau essayé un
chant contre l'augmentation des prix. Cette fois-ci, elle ne fut pas suivie par
le reste de la tribune. Pis, elle fut sortie de la tribune par un agent de
sécurité. L'ensemble de la tribune Auteuil n'a pas soutenu cette
personne. Ainsi, la forte autorité du PSG à travers ses
directives et le recours aux IAS ont inhibé les chants contestataires
des supporters mécontents. Dorénavant, ces derniers se sont
assagis et ont moins tendance à aller à l'encontre de la
politique du club. Ils sont dans une positionnée subordonnée
à l'institution du PSG. Cette perte d'autonomie conduit au
contrôle des sensations et des émotions par les dirigeants du PSG.
En effet, sans la possibilité de s'organiser à l'intérieur
d'association, le public du PSG et la tribune Auteuil en particulier, sont
dépendants de la mise en scène organisée par le club au
point de devoir accepter les abus commis par la direction du PSG.
Toutefois, même si la marge de manoeuvre des supporters
est réduite, elle n'est pas nulle. Des actes de résistances sont
visibles et constituent des résidus du phénomène italien
ultra.
64
II. Des actes de résistances face à la
politique du club
1. « Y'a pas de tifos »
Les supporters ultras sont réunis et
organisés au sein d'associations grâce auxquelles ils peuvent
animer une tribune indépendamment du match et du club. Leur
activité repose sur des chants continus, des banderoles et des
tifos. A l'aide de différents matériels tels que des
feuilles plastiques, des voiles en tissu, des ballons de baudruche, des
confettis, des torches etc. un grand dessin fait office de chorégraphie
visuelle pour décorer la tribune et délivrer un message. Dans ce
sens, un ultra est actif pendant le match mais aussi à
l'extérieur si on prend en compte la préparation de ces
animations. Cet engagement quasi continuel, constitue un « mode de vie
»147 comme le dit le journaliste Philippe Broussard
spécialiste de la scène ultra en Europe. Dans le
documentaire Le Parc réalisé en 2013 par William S.
Touitou et Jérôme Benadiner, « Amar », ancien
porte-parole de l'association « Lutèce Falco » raconte son
expérience : « Il y a des tifos qui ont mis plus de six
mois à se créer, au niveau matériel, au niveau
réalisation pure. Donc on y allait plusieurs fois après le
travail, les soirs dans la semaine ». Voici un exemple d'un
célèbre tifo organisé à l'occasion d'un
match entre le PSG et le Football Club Metz le 28 avril 2002 (fig 9).

Fig 9 - Tifo déployé par la tribune
Auteuil le 28 avril 2002 à l'occasion d'un match contre le FC Metz
(Source : Url :
http://www.lequipe.fr/Football/Actualites/Les-plus-beaux-tifos-du-championnat/537956)
147 Whenwewerekids, op cit, 70min, 2013.
URL :
https://www.youtube.com/watch?v=WjH055I_VIc
65
Par conséquent, l'aseptisation générale
des tribunes du Parc des Princes s'oppose à la culture et au
militantisme ultra ainsi qu'aux pratiques indépendantes et
autonomes revendiquées par les supporters organisés. Cette
opposition fut visible le 17 mai 2014 lors du match entre le PSG et
Montpellier. Afin de fêter le titre de Champion de France 2014, la
direction du PSG a voulu créer un tifo géant recouvrant
tout le stade. Pour cela, elle a distribué des papiers aux tribunes
latérales et aux virages situés derrière les buts. Comme
l'indique Monsieur André lors de l'entretien du 7 mai 2015, «
à Boulogne et à Auteuil, c'est quasiment que des abonnés
». Parmi ceux-ci, on trouve des supporters animés par la culture
ultra. Ainsi, ce tifo géant fut reçu de deux
manières différentes comme le montre ces deux photographies (fig
10).

Fig 10 - Deux réactions différenciées
entre la tribune Paris et la tribune Auteuil (Source :
http://ladounedesvillesgangandeschamps.fr/mon-retour-au-parc/)
Alors que la tribune latérale a joué le jeu en
levant les papiers distribués sur les sièges avant le match, une
partie de la tribune Auteuil a refusé de brandir ces mêmes
papiers. Finalement, j'ai pu entendre résonner des chants du type «
y'a pas de tifos ». Les papiers furent déchirés et
jetés en l'air. Ces supporters ont préféré lever
leurs écharpes (symbole du supporter) et rester autonomes
vis-à-vis de la direction du club.
Cette action constitue une forme de résistance face
à l'aseptisation et la mainmise des dirigeants du PSG sur l'ambiance du
Parc des Princes. Ces images donnent une idée de l'exaspération
vécue par les supporters situés en virage. Par conséquent,
dans le virage Auteuil, une scission sociale et spatiale se développe
entre les supporters contestataires face à cette tendance et les
supporters agents de l'évolution de l'animation festive.
66
2. La tribune Auteuil scindée en deux
Cette division spatiale est de plus en plus marquée au
fur et à mesure qu'on avance dans la saison. Ce processus s'explique
notamment par les rituels des supporters les jours de match. Que ce soit Madame
Leprince, les supporters observés dans la tribune Auteuil ou mes amis et
moi, les personnes qui se rendent régulièrement au Parc des
Princes ont leurs habitudes qui impliquent leur propre mode de socialisation
dans la tribune. Concernant la capacité des abonnés à
tisser des relations qui s'enracinent avec le temps, Madame Leprince constitue
un cas exemplaire :
- Mathieu : « Est-ce que vous avez des habitudes
dès que le PSG joue ? Les jours de match ? »
- Madame Leprince: « Alors les jours de match....
Généralement, j'ai un tee-shirt sur mon dos, un tee-shirt du PSG,
ça c'est obligé (rire). Je prépare mes affaires
dans mon petit sac, euh... et puis j'essaye d'arriver toujours une heure avant
le match.»
- Mathieu: « Pourquoi 1h avant ? »
- Madame Leprince: « 1h avant parce que je discute avec
des gens que je connais maintenant. Comme on est toujours dans la même
tribune je commence à connaitre du monde donc on discute, on boit un
coup... ça devient convivial en fait. »
(Entretien réalisé le 29 avril 2015 au domicile de
Madame Leprince)
Ces habitudes entrainent des réflexes spatiaux : elle
retrouve sa soeur avec qui elle est abonnée à leur place
habituelle. De même, cette attitude a été observée
de nombreuses fois dans la tribune Auteuil par des groupes d'amis. Les notes de
terrain ci-dessous prises à l'occasion du match entre le PSG et l'AS
Monaco, le 5 mars 2015, retranscrivent mes observations avant la rencontre.
Pour ce match, je suis entré à l'ouverture des portes,
c'est-à-dire à 19h30. J'ai donc été l'un des
premiers à entrer dans le stade ce qui m'a permis de porter une
attention particulière au flux d'entrée du public et aux
dynamiques de regroupements des individus entre l'ouverture des portes et le
début du match.
Des personnes restent debout. Ce sont des habitués
(abonnés sûrement) car ce sont des têtes que je reconnais.
Elles sont seules et attendent sûrement leur camarade. A ce moment
là, les personnes en groupes semblent avoir un comportement de «
viagogo » : ils se repèrent dans la tribune grâce au
numéro de la place sur le billet, mangent et consomment. J'ai même
entendu une personne, venir avec trois autres amis, appeler une autre personne
pour lui dire où ils se trouvaient. Par conséquent, j'ai
l'impression que les personnes venues groupées ont plus de chance
d'être des viagogo. Alors que les personnes seules connaissent
les lieux, les normes et savent se repérer par habitude. Elles n'ont pas
« peur » de venir seules.
Les abonnés (des personnes que je reconnais)
arrivent peu à peu. Ils sont plus mobiles dans les gradins. Comme
certains retrouvent des personnes arrivées en avance, ces
abonnées « dérangent » les personnes autour : ces
dernières doivent se lever et laisser passer les nouveaux arrivants. A
quelques minutes du coup d'envoi, de nombreuses personnes entrent dans la
tribune et se regroupent en bas. Ils sont plus nombreux que le nombre de places
prévues, cette zone est très dense. Comme je suis arrivé
en avance, j'ai pu me positionner avec eux.
67
Ainsi, j'ai pu observer plusieurs regroupements au bas de la
tribune (voir document 3 en annexe). Ce sont des supporters organisés
autour de deux ou trois leaders qui veulent créer une ambiance de
fête et manifester un soutien sans faille aux joueurs. En s'inspirant du
modèle ultra, ils écoutent les directives des leaders
dans l'objectif de former un groupe puissant et performant. De plus, leur
regroupement dense leur permet d'être solidaires et de contourner les
interdictions. En effet, lors de l'opposition contre Monaco, j'ai vu plusieurs
personnes boire dans des bouteilles en plastique (je présume qu'il
s'agissait d'alcool) et fumer discrètement des cigarettes et de la
marijuana. Cette observation me fut confirmée par Baptiste :
- Mathieu : « Oui t'as raison. C'est mis en place avec
l'accord de la mairie de Paris C'est respecté ça ? Le coté
non-fumeur ? »
- Baptiste : « Non ! Non j'ai vu des gens fumer. Y'en a
même qui fumait leur joints. »
- Kerim : « Un joint à Boulogne ? Rémi il y
va souvent et il me dit que c'est super chaud. »
- Baptiste : « Ceux que j'ai vu fumer, ils étaient au
milieu de gens tous regroupés. »
(Entretien croisé avec Baptiste et Kerim
réalisé à mon domicile le 22 mai 2015)
68
La densification du public dans cette zone et la connaissance
du règlement leur permet de se cacher des caméras et des agents
de sécurité. Ainsi, ces regroupements sont des formes
d'adaptation et de résistance par rapport à la politique du club
et des placements aléatoires.
De plus, ces regroupements sont plus importants en fin de
saison qu'en début de saison. Ceci s'explique par les modes de
socialisation qui sont propres aux abonnés. Au fur et à mesure
que le temps passe, les habitudes sociales et spatiales permettent à de
nombreuses personnes de faire connaissance et de se retrouver dans la tribune.
Ainsi, par expérience et grâce à mes observations, j'ai pu
constater que des regroupements sont de plus en plus marqués au cours de
la saison malgré le système d'abonnement aléatoire. Autour
des leaders au bas de la tribune, les rassemblements se densifient grâce
aux interconnaissances qui se créent dans l'année (voir document
3 en annexe).
Par conséquent, et comme le montre la photographie
ci-dessous (fig 11), le virage Auteuil se trouve scindé en deux.

Fig 11 - Photographie illustrant une scission spatiale au sein
de la tribune Auteuil (Source : M.Kerrien - Photographie prise le 16 aout
2015)
Le bas de la tribune est dense, animé, collectif et
solidaire. Les personnes sont debout et suivent les directives du leader. En
revanche, au-dessus de l'allée centrale qui permet de se déplacer
horizontalement (où on trouve les dernières personnes debout),
les regroupements ne sont pas organisés et sont plus
éparpillés. Dans cette zone, on rencontre souvent des personnes
assises. Lorsque la tribune n'est pas pleine, c'est dans ce secteur de la
tribune qu'on voit des places vides. La plupart du temps, la scission est faite
au milieu de la tribune par une allée horizontale (voir figure 3 en
Annexe).
Par conséquent, ces regroupements sociaux et spatiaux
mettent en évidence différentes formes d'appropriation des
règles de sécurité et des normes de comportements
véhiculées par le club. Ces appropriations sont le signe d'une
forme de détournement des règles et de résistance face
à la direction du PSG. Ainsi, ces deux parties du stade distinctes
abritent des logiques d'occupation spatiales plurielles auxquelles ont peut
associer des représentations différenciées.
69
III. Des pratiques spatiales et des
représentations différenciées au sein d'une même
tribune : des rapports pluriels à la normalisation des comportements
à l'intérieur du stade
La scission évoquée précédemment
entre différents comportements correspondant à divers types de
publics s'accentue quand on observe de plus près les comportements des
individus, qu'il s'agisse de leur mobilité au sein du stade ou de leur
gestuelle.
Grâce aux travaux de Philippe Broussard148 ou
Bérangère Ginhoux149 sur les supporters et ma
présence régulière, j'ai ainsi distingué deux
façons de se mouvoir dans l'espace au sein de la tribune.
1. Une mobilité différenciée des
publics dans le stade
Dans un premier temps, il y a la capacité à
être mobile. J'ai pu constater que toutes les personnes situées
à l'intérieur de la tribune Auteuil ne se
déplaçaient pas de la même manière, tant en termes
de distance que de fréquence. La densité des groupements au bas
de la tribune s'explique par la présence d'un nombre de personnes
supérieure au nombre de sièges disponibles. Ainsi, lorsque
survient la mi-temps, certaines personnes sont obligées de se
déplacer pour pouvoir s'asseoir ou être plus tranquilles pendant
cette pause. Il faut savoir qu'à la mi-temps, l'ensemble du virage
s'assoit, sort pour fumer, acheter une collation ou aller aux toilettes. J'ai
pu observer cette expérience lors du match entre le PSG et l'AS Monaco
le mercredi 5 mars. Lors de cette rencontre, j'étais positionné
à l'intérieur du rassemblement. A la mi-temps, je devais donc
changer de place. J'en ai profité pour suivre un des leaders. Il
semblait être venu avec un ami qui était situé dans une
zone moins dense, à « l'extérieur du groupe ». A la
mi-temps, le leader en question a donc rejoint son ami. Dès que la
seconde période a débuté, il a repris sa place et sa
fonction de meneur, alors que le jeune à l'extérieur du groupe a
pris plusieurs vidéos du leader pendant que ce dernier organisait avec
assurance et conviction les chants de la tribune.
D'ailleurs, lors de cette pause, j'ai pu remarquer son aisance
à se déplacer et à invectiver d'autres personnes dans la
tribune. En le suivant, je l'ai écouté interpeller avec un grand
sourire un jeune homme d'une vingtaine d'année parce que celui-ci
portait un ensemble du Football Club Chelsea alors que cette équipe
londonienne était l'adversaire du PSG en Coupe d'Europe. Il a alors
appelé son ami de loin : « Carrément il vient habillé
avec le survêt' de Chelsea. Et il me dit quoi, `on s'en fout c'est qu'un
survêt'. Trop fort le mec ». En partant, il lui a serré la
main en rigolant. Ainsi, au-delà de son rôle de meneur de la
tribune, sa mobilité
148 Broussard P., op cit, 16 octobre 1990, 376 pages.
149 Ginhoux B., op cit, 13 mai 2015.
URL :
http://www.metropolitiques.eu/En-dehors-du-stade-l-inscription.html
70
et son aisance sont deux caractéristiques qui
permettent de le distinguer du public ordinaire et font de lui un
fan150.
De plus, la mobilité de ces fans situés
au bas de la tribune est accentuée en raison de leur localisation. Ces
groupes sont situés juste à coté des vomitoires (voir
document 3 en partie annexe). Puisqu'ils sont très à l'aise dans
le stade à l'instar du meneur, et à coté des portes
d'accès, ils peuvent faire plusieurs allers-retours sans
problème. Cette caractéristique n'est pas partagée par les
personnes situées tout en haut qui ont besoin de plusieurs minutes pour
sortir de la tribune.
Ensuite, les personnes situées au bas de la tribune ont
tendance à constituer un groupe. Au fur et à mesure que la saison
avance, mes observations conduisaient à montrer que le groupe
s'épaississait. Ainsi, une personne intégrée à ce
groupe a un potentiel de rencontre plus élevé qu'un
spectateur (une personne qui ne vient pas régulièrement
au Parc des Princes), ce qui peut l'amener à se déplacer plus
souvent.
Par conséquent, la mobilité d'un fan a
tendance à être plus importante en quantité que celle d'un
spectateur. Ceci est justifié par un capital social et spatial
à l'intérieur du stade plus conséquent et une plus grande
aisance compte tenu des habitudes. En revanche, les parcours du fan,
sûrement plus nombreux, risquent de s'effectuer sur une distance
moins importante. En effet, un fan a tendance à rester avec son
groupe, quitte à se serrer s'il n'y a pas de place. Il n'ira pas en
haut. Pour aller dans ce sens, Kerim, qui se considère comme un
spectateur affirme le 22 mai 2015 à mon domicile : « On est
monté et on s'est mis là où il y avait de la place ».
Ainsi, le périmètre de déplacement d'un spectateur
comme Kerim semble s'élargir sur toute la tribune alors que celui
d'un fan est réduit au bas de la tribune.
2. La gestuelle expressive des fans contre la
passivité des spectateurs
Dans un second temps, la capacité à se mouvoir
d'un individu dans l'espace à l'intérieur d'une tribune peut
être entendue comme une facilité à se mouvoir d'une
manière relativement fluide et dynamique. Afin d'impressionner
visuellement et vocalement les joueurs et les supporters adverses, les
supporters ont traditionnellement recours aux tifos et aux chants,
mais également à une gestuelle particulière. Ma
présence régulière au Parc des Princes m'a permis de
constater toute la diversité des actions du public pour encourager le
PSG. Par exemple, les supporters dynamiques n'hésitent pas à
taper des mains, lever les bras, s'asseoir pour finalement se relever, sauter,
tourner le dos et s'attraper par les épaules pour réaliser une
danse grecque après un but. La photographie ci-dessous (fig. 12), prise
le 1er décembre 2013 lors de la victoire du PSG contre
l'Olympique Lyonnais sur le score de 4 à 0, permet de mieux visualiser
cette célébration.
150 Roux J-M., op cit, été 2014.

71
Fig 12 - Photographie illustrant une danse grecque en virage
pour célébrer un but du PSG contre Lyon le 1er décembre
2013 (Source : google image)
Ce genre d'action révèle le potentiel
créatif des supporters de football. Au Parc des Princes, l'interdiction
d'avoir recours à du matériel propre à la culture du
supporterisme comme un tambour, un mégaphone ou la confection de
tifo, oblige le public à user de leur imagination pour animer
la tribune. De cette manière, ces supporters continuent à
poursuivre leur ambition, à savoir, donner vie au virage pour encourager
leur équipe. Comme le montre les figures 11 et 12, les personnes qui
n'hésitent pas à remuer leur corps ont tendance à se
trouver au bas de la tribune et à former le groupe des fans.
Par conséquent, les différentiels de
mobilité et d'activité corporelle entre les personnes d'une
même tribune créent une opposition entre le haut et le bas de la
tribune. Alors que dans le haut de la tribune, lors d'un match classique, la
majorité des personnes sont assises et statiques, dans le bas de la
tribune, les personnes sont actives. Cette opposition crée une fracture
spatiale soulignée par une différenciation visuelle et auditive.
Elle montre aussi à quel point le rapport à la normalisation
comportementale imposée par les instances dirigeantes du club peut
être pluriel.
Cette opposition est donc visible physiquement. Elle est aussi
ressentie dans les discours des différents types de public.
3. La confrontation de visions différentes du
spectacle
Ces mobilités différenciées au sein d'une
même tribune renvoient souvent à des représentations
distinctes du supporterisme.
De nombreux auteurs ont analysé ce qui poussait des
amateurs de football à devenir de réels fans d'une
équipe en particulier. Eric Witthersheim explique par exemple que ces
personnes viennent au stade pour s'extraire de leurs conditions de vie parfois
pénibles151. Ces personnes voient le match comme un
exécutoire. Le stade de football devient alors l'espace à
l'intérieur
151 Witthersheim E., op cit, novembre 2014, 150
pages.
72
duquel on peut « se lâcher ». Le vocabulaire
utilisé par ces fans dans les tifos met en
lumière la culture de la plaisanterie en vigueur dans les virages des
stades de football. En effet, il arrive souvent que le sérieux soit
oublié pour laisser place à une facétie crue. En revanche,
cette culture propre à la culture populaire, n'est pas présente
en tribunes latérales où on trouve une majorité de
spectateurs. Ainsi, il arrive souvent qu'une grande proportion du
public préfère qualifier les mots utilisés par les
fans de véritables propos racistes. Le supporterisme est alors
présenté comme une passion où les comportements sont
sujets à une désinhibition (ce fut notamment le cas lors de la
finale de la Coupe de France 2008 entre le PSG et le Racing Club de
Lens)152 qui permet de dédramatiser le quotidien. Cette
liberté d'expression est alors défendue avec passion. Elle
devient même un support identitaire pour les différents groupes de
supporters. Ainsi, on peut envisager le stade de football comme un lieu
émancipateur puisqu'il représente pour les supporters un lieu
où les expressions habituellement contrôlées sont
susceptibles de s'exprimer. Ce sentiment de liberté qui désinhibe
les comportements constitue un lieu d'épanouissement secondaire pour
nombre de supporters. L'expérience collective, émotionnelle et
libertaire, contraste avec les pratiques plus individuelles et contraintes du
quotidien. Le choix des mots et la réaction du public
révèle l'existence de visions du spectacle
différenciée.
D'un point de vue collectif, ces fans viennent au
stade pour célébrer leur équipe. Ces personnes sont
conscientes qu'elles ont un rôle à jouer sur le sort du match et
un devoir à accomplir vis-à-vis des supporters adverses. Nicolas
Hourcade a décrit ce réseau en prenant l'exemple des banderoles
injurieuses153 : « Ces messages par banderoles
interposées s'inscrivent dans une compétition entre ultras
où il s'agit de trouver l'insulte ou la vanne qui fera mouche. Dans
ce petit jeu, l'ironie féroce, le mauvais goût, l'outrance et la
provocation sont prisés »154. Ainsi, les initiatives des
ultras sont inscrites dans un contexte qui s'appuie sur un esprit de
concurrence entre les différentes tribunes. Il faut donc avoir la
réputation du public qui fait le plus de bruit et qui impressionne le
plus les joueurs par le bruit et les prestations visuelles.
A l'opposée, certaines personnes viennent au match pour
assister à un spectacle. Dans ce cas, elles choisissent les meilleures
places disponibles. C'est notamment le cas de Kerim :
« Non, c'est bien quand il y a de l'ambiance. Je suis pas
contre mais je serais pas non plus hyper déçu si je suis en
latéral et tu vois... A la limite, ça m'aurait pas
dérangé d'être en latéral et bien voir le match,
quitte à ce qu'il n'est pas d'ambiance... Etre vraiment bien
placé latéralement pour voir le match un peu comme à la
télé »
(Entretien croisé réalisé à mon
domicile le 22 mai 2015)
152 Une banderole affichée par des supporters parisiens
a créé une hystérie nationale et l'outrage de toute une
région selon les médias. Lors de cette finale de coupe au stade
de France, une banderole où il était inscrit : «
Pédophiles, Chômeurs, Consanguins : bienvenue les ch'tis »
fut déployée à la mi-temps.
153 Après la banderole déployée au Stade
de France, des supporter lensois ont répondu avec humour : « vous
avez oublié alcooliques ».
154 URL :
http://forum.psgmag.net/index.php?topic=3423.20;wap2
De plus, comme l'a montré Bérangère
Ginhoux155, les associations de supporters se plaisent à
trouver un rival à « vaincre » en matière de
démonstration vocale et visuelle. C'est en parti pourquoi les tribunes
Auteuil et Boulogne étaient rivales. Aujourd'hui, la
particularité du Parc des Princes est l'absence d'associations dans ces
tribunes. Ainsi, le principal adversaire du supporter parisien (au sens
traditionnel, anciennement ultra) est le public qui l'entoure. Cette
conception montre la dichotomie qui existe aujourd'hui à
l'intérieur des virages. Dans de nombreux cas, j'ai pu être
témoin de cette confrontation. Mes observations sont confirmées
par les propos de Kerim :
« Mais quand tu parlais des insultes des supporters, la
seule fois que j'ai entendu ça c'est quand Cavani il est sorti...
C'était contre Rennes, et tu sais, il s'est fait siffler. Du coup
là, il y avait vraiment une division dans le public. Il y avait la
moitié qui sifflait et la moitié qui applaudissait. Tout le monde
s'insultait du coup. Ceux qui sifflaient insultaient ceux qui applaudissaient
et le contraire aussi. »
(Entretien croisé avec Baptiste et Kerim
réalisé à mon domicile le 22 mai 2015)
Ces insultes au sein d'une même tribune entre supporters
du PSG s'expliquent donc par la vision différenciée de deux
postures. Une minorité bruyante voit le football comme un
exécutoire lors duquel de nombreuses choses sont permises. La
passivité de la majorité silencieuse marginalise aussi stimule
l'excitation des supporters acharnés. C'est pourquoi j'ai
régulièrement entendu des insultes contre les « viagogo
» et notamment pendant le match contre le FC Lorient le 20 mars 2015. Lors
de cette rencontre, j'étais juste au-dessus du groupe constitué
de fans. Face à la passivité du public parisien en
tribune Auteuil, le leader a craqué et a décidé de «
faire grève » : en raison de la sensation de ne pas être
écouté ni suivi par le reste de la tribune. Ce même leader,
reconnaissable par sa casquette, prévient avant la mi-temps qu'il
restera assis la seconde partie du match. Chose faite dès la reprise.
Ses camarades et lui ne se sont pas relevés et n'ont pas applaudi le
retour des joueurs parisiens sur la pelouse. Sauf qu'une partie du groupe
refuse et reste debout. Face à cette attitude, le leader en question
leur a demandé d'être solidaires, sans résultat positif.
J'ai pris une photographie (fig 13) de ce micro-événement qui
montre le groupe scindé en deux pendant quelques minutes. A gauche,
autour du leader, ils sont assis. A droite, ils sont debout.
73
155 Ginhoux B., op cit, 13 mai 2015 .
URL :
http://www.metropolitiques.eu/En-dehors-du-stade-l-inscription.html

74
Fig 13 - Grève d'une partie des fans lors du
match contre Lorient (Source : M.Kerrien Photographie prise le 20
mars 2015)
Cette rencontre dans une même tribune de conceptions
différentes de ce que devrait être le supporterisme entraine des
insultes de la part des fans regroupés en bas de la tribune
envers des personnes qu'ils jugent être des spectateurs. Une
forme de domination des groupes organisés autour d'un leader au bas de
la tribune se met en place et pousse certaines personnes à se placer en
haut de la tribune pour ne pas être insultées et pour mieux voir
le match. Une polarisation spatiale se met alors en place dans la tribune avec
le développement d'espaces attribués. En effet, se positionner au
bas de la tribune doit signifier vouloir participer à la fête et
chanter. Sinon, en cas de passivité, on risque de se faire insulter.
Dès lors, une fonction précise et un comportement particulier
sont attendus dans cet espace. Ce comportement constitue en quelque sorte une
normalisation alternative à celle promue par le club et est à
l'initiative des fans.
Ainsi, les nouveaux dispositifs d'encadrement ont
reconfiguré les systèmes d'appartenance à un groupe de
supporters et les lignes de clivages en son sein. Ils ont créé
indirectement une nouvelle frontière à l'intérieur d'une
même tribune : une scission est aujourd'hui accentuée et est
devenue la cause de tensions répétées. Autrefois cette
scission opposait deux tribunes différentes aux visions plus ou moins
semblables. Aujourd'hui, des désaccords créent une fracture dans
un même espace entre des supporters qui représentent les
résidus d'un mouvement ultra et le reste du public, plus passif
et moins actif. Ce résidu se considère toujours comme un
mouvement ultra. Même si concrètement ces personnes ne
peuvent pas être ultras car elles ne sont pas organisées
au sein d'une association, on entend très fréquemment dans le
stade (presque à chaque rencontre) ce chant résonner dans la
tribune : « Liberté pour les ultras ».
75
Les insultes sont à inscrire dans une toile de fond
définie comme une forme de résistance de la part des fans
regroupés au bas de la tribune. Derrière ces insultes, se
cache la volonté de maintenir la spécificité populaire et
festive des virages. Lors d'une conversation informelle, une personne m'a
assuré vouloir militer contre l'homogénéisation du stade.
En ce sens, elle veut que le virage reste un lieu animé. Cet avis est
partagé par Madame Leprince :
- Mathieu : « Toi, t'es pour qu'il y ait quand
même... Enfin qu'on ne soit pas dans une homogénéisation de
tout stade mais qu'il y ait encore des territoires spécifiques ?
»
- Madame Leprince : « Oui bien sûr car chacun peut
vivre sa passion. Chacun peut vivre le foot comme il l'entend.... Je suis
très libérale hein... Je suis très libérale pour ce
genre de chose. Chacun fait comme il en a envie.
Mais pour l'ambiance, faut quand même que les virages
fassent leur boulot. C'est pas les tribunes latérales qui vont le
faire... »
(Entretien réalisé le 29 avril 2015 au domicile de
Madame Leprince)
La singularité des virages rend fier les abonnés
qui s'y trouvent. En effet, cette fierté d'appartenir à une
tribune est repérable dans les chants. Alors que les associations ont
été dissoutes et sont toujours interdites, à chaque
rencontre, j'ai pu entendre des échanges entre la tribune Auteuil et la
tribune Boulogne. C'est ainsi qu'on peut entendre régulièrement :
« Auteuil est magique » et « Boulogne est magique ». Ces
chants connus dans le monde des supporters, sont souvent suivis par des
spectateurs qui habituellement ne chantent pas. Ce fut le cas de Kerim
:
- Mathieu : (à Kerim) « Et pourquoi tu ne chantais
pas ? Parce que tu ne connaissais pas
les chants ? »
- Baptiste : « Yen a au moins un que tu connais. »
- Kerim : « Non mais je connaissais les mélodies mais
les chants non. »
- Mathieu : « Si je te ramène les paroles, et si tu
te mets dans la même situation, tu
pourrais chanter ? »
- Kerim : « Non mais même, j'étais pas dans le
trip du chant.»
- Baptiste : « Comme il le dit, il est sympathisant
»
- Kerim: « Ouais voilà. »
- Baptiste : « Un Paris - Marseille, je suis sûr que
tu chanterais »
- Mathieu : « Dans aucun cas tu pourrais chanter ? »
- Kerim : « A pars si je suis bourré ou si c'est
vraiment un match.... Mais j'ai dû
chanter vite fait tu vois... Mais c'était des trucs
marrants. Je crois le truc que j'ai
chanté c'était : « Paysan - Paysan... »
(rires)
Et puis il n'y avait pas de paroles, c'était marrant,
c'était facile. Sinon il y avait les
chants quand les tribunes se répondent. Là ouais,
je le faisais.»
(Entretien croisé réalisé chez moi le 22 mai
2015)
Ces échanges pacifiques entre Boulogne et Auteuil
permettent de perpétuer des traditions et des identités qui se
perdent selon de nombreux témoignages156. Ils contribuent
à marquer le territoire vis-à-vis des autres supporters. Cette
inscription des pratiques dans un territoire contribuent donc à le
spécifier. Ainsi, de nombreuses formes d'appropriation et d'adaptation
voient le jour au Parc des Princes. Par exemple, en changeant de place dans la
tribune d'un match à l'autre, j'ai pu entendre et voir des supporters
situés à côté des « barrières
infranchissables » (Monsieur André) taper sur les vitres pour
donner un rythme sonore indispensable pour diffuser un chant au reste de la
tribune (voir document 3 en partie annexe). D'ailleurs, un des leaders s'appuie
souvent sur ces mêmes baies vitrées pour être au-dessus de
ses partenaires et entamer les chants. Ainsi, les supporters conservent une
marge de manoeuvre et s'adaptent au contexte sécuritaire en
reconfigurant leurs pratiques dans le stade. Ces rituels, qui peuvent
être d'anciennes comme de nouvelles habitudes, sont autant de formes
différenciés d'appropriation de l'espace par les supporters, de
réaménagement de contraintes imposées par les nouveaux
règlements et dispositifs.
Ces rituels constituent ainsi, quelque part, autant d'actes de
détournement - certes d'intensité inégale - du processus
de normalisation des comportements du public que les dirigeants du club
souhaitent imposer.
76
156 Whenwewerekids 70 min, 2013
URL:
https://www.youtube.com/watch?v=UCiD62DBAoA
77
78
Conclusion
La mise en oeuvre du « plan Leproux » en 2010 a
entrainé la dissolution et l'exclusion du supporterisme ultra
au Parc des Princes. Ceci a eu pour conséquence un renouvellement
profond du public parisien et un appauvrissement général de
l'ambiance. De ce fait, une homogénéisation des tribunes s'est
mise en place : l'absence d'association et l'interdiction d'entrer avec du
matériel de supporters classiques (banderoles, drapeaux,
fumigènes, mégaphones, tambours) ne permettent plus de
singulariser les virages. Les territoires des kops ne sont plus aussi
marqués. Au Parc des Princes, il existe dorénavant une faible
différence entre les tribunes latérales et les tribunes
populaires.
Toutefois, grâce à l'acoustique du lieu et au
niveau international du PSG, il existe encore des moments d'excitation
collectives, surtout en Coupe d'Europe. Sauf que ces moments intenses se font
bien plus rares : « Ils sont interrompus par des longues plages d'apathie
que les relances ultras n'abrègent plus. »157.
Cette dégradation émotionnelle évoque l'aseptisation du
stade.
Aujourd'hui, le Parc des Princes tend à ne plus
être un lieu d'expression autonome mais un lieu encadré, ultra
sécurisé et régi par une logique économique. La
politique d'encadrement du public du PSG s'explique par des
préoccupations financières et une volonté de retour
économique sur investissement. Les propriétaires du PSG
n'auraient sûrement pas racheté ce club en 2011 avec un public
indiscipliné. En effet, les dirigeants du PSG et les autorités
publiques combinent des stratégies de séduction158 et
d'encadrement pour pacifier le public afin de garder un contrôle maximal
de son comportement. Ainsi, on veut pouvoir sélectionner un public et
attirer des supporters consommateurs. Une des conséquences de cette
rationalisation économique est la transformation des supporters en
simples spectateurs ou clients.
En partant de ce constat, j'ai essayé au cours de cette
étude de rendre compte des dispositifs d'encadrements
sécuritaires. Comme je l'ai montré, ces derniers sont discrets,
hybrides, ludiques et innovants, et permettent au public au Parc des Princes de
se sentir à l'aise. Cette pacification à l'extérieur comme
à l'intérieur du stade, qui permet une plus grande
accessibilité pour les femmes et les enfants, se combinent
néanmoins à une sévère politique répressive
et une liberté d'expression limitée.
157 Latta J., « De quoi le Parc des Princes est-il
«mort» ? », Une balle dans le pied, 17 avril 2015,
disponible sur http://latta.blog.lemonde.fr/
158 Giroud M., op cit, 2007, pages 88-103.
79
Ces dispositifs guident et contrôlent les comportements
des individus et entraînent une normalisation de leurs attitudes. Face
à cela, des formes d'adaptations et de résistances se mettent en
place. Celles-ci montrent comment la normalisation comportementale peut
être plurielle. Cette diversité a pour conséquence
l'instauration d'un fractionnement spatial, une mobilité inégale
associée à des représentations
différenciées. Le tout met en valeur des conceptions
différentes du supporterisme et du rapport au spectacle.
Parmi celles-ci, on trouve des résidus de groupes
ultras qui appartiennent à un « même monde social
dont les activités, les sites et les discours159 reposent sur
un socle culturel commun, tout en étant influencé par les liens
et les perspectives partagés avec d'autres mondes (par exemple, musical,
politique ou judiciaire) »160. Ces résidus sont
matérialisés par les groupements de fervents supporters en bas de
la tribune Auteuil. Cette communauté complexe crée ses propres
activités à l'instar des tifos. Ces
spécificités contribuent par là même à
marginaliser ce groupe social. Ces personnes sont favorables au maintien d'un
football populaire mis en danger par l'augmentation régulière des
tarifs des abonnements. En affichant leur mécontentement à
l'augmentation des prix, certains ont affiché leur opposition à
la modernisation du Parc des Princes. A l'inverse, les spectateurs
passifs et attentifs au match de football, semblent être de plus en plus
nombreux au Parc des Princes. Soucieux d'assister à un spectacle avec un
confort amélioré, les spectateurs ne s'opposent pas
à la modernisation du stade et ne paraissent pas touchés par
l'augmentation des prix. Ainsi, l'avenir du Parc des Princes constitue un
nouveau sujet clivant le public parisien. Plus particulièrement, les
comportements et les représentations du supporterisme sont sources de
tensions au sein de la tribune Auteuil.
La culture du supporterisme s'appuie et se développe
notamment sur la notion de compétition. Puisque les groupes de
supporters sont engagés dans une lutte fondée sur la
capacité à animer une tribune, il arrive que des rivalités
existent entre des associations supportrices d'un même club. Au Parc des
Princes, cette rivalité entre supporters ultras fut très
marquée pendant les années 2000. Les nouveaux dispositifs
d'encadrement du public ont déplacé cette rivalité.
Dorénavant, on assiste à une opposition entre les partisans d'un
supporterisme ultra et les simples spectateurs. Ainsi, les
points de repère et les points d'attention des groupes de supporters
ultras ont changé. Avant, les regards étaient
principalement tournés vers le virage d'en face. Aujourd'hui, à
l'intérieur des rassemblements en bas de la tribune, de nombreuses
personnes n'hésitent pas à se retourner et insulter le public
parisien qu'ils surnomment les « viagogo ».
159 Strauss, A. 1992. La Trame de la négociation,
Paris, L'Harmattan.
160 Ginhoux B., op cit, 13 mai 2015.
URL :
http://www.metropolitiques.eu/En-dehors-du-stade-l-inscription.html
80
Derrière ces insultes se cache une critique de
l'évolution du football moderne qui est de plus en plus gouverné
par des stratégies économiques. L'absence d'associations
susceptibles d'organiser cette critique entraine une liberté totale des
dirigeants quant à leur politique et une mainmise sur l'ambiance
générale. Alors que les anciennes associations avaient pu
négocier un « gel des prix sur 5 ans »161, les
dirigeants actuels ont doublé le prix des abonnements en l'espace de
quatre ans.
Cet encadrement et cette politique de prix entraînent un
boycott de quelques supporters historiques du PSG mais aussi de nombreuses
associations supportrices de clubs français. En effet, de plus en plus
d'associations de supporters adverses boycottent régulièrement le
Parc des Princes. Lors de la saison 2014 - 2015, des supporters des clubs de
Ligue 1 ont préféré sacrifier le grand
chelem162 car de nombreuses associations de supporters ne voulaient
pas céder aux conditions financières et
sécuritaires163 exigées par le PSG. Ce fut par exemple
le cas le 8 mai 2015 avec le refus de déplacement des Guingampais.
Ainsi, l'aseptisation générale du Parc des Princes est de plus en
plus décriée dans l'ensemble du milieu du supporterisme
français164.
Autrefois, le stade de football était un lieu
accessible financièrement, dans lequel une autogestion était mise
en place par le public. En se référant aux analyses
énoncées par Norbert Elias sur l'euphémisation de la
violence et l'autocontrôle imposés par la civilisation des
moeurs165, Eric Witthersheim affirme dans son étude que le
stade de football était un lieu d'émancipation pour une partie de
la « population dominée »166 à
l'extérieur du stade. Aujourd'hui, le stade de football devient un
espace totalement contrôlé par les autorités publiques, les
dirigeants d'un club et du football. Et le Parc des Princes en est un exemple
emblématique.
161 Whenwewerekids, 70min, 2013.
URL :
https://www.youtube.com/watch?v=WjH055I_VIc
162 Faire le grand chelem signifie, dans le vocabulaire
ultra, suivre son équipe dans tous les stades de France pour la
supporter pendant une saison entière.
163 Comme pour les supporters du PSG, il est interdit aux
supporters adverses de faire entrer mégaphones, tambours et
banderoles.
164 Guillou C., « Les supporteurs du PSG et de la Ligue 1
pas à la fête », Le Monde, 16 mai 2015. URL :
http://www.lemonde.fr/sport/article/2015/05/07/assignes-a-domicile_4629789_3242.html
165 Elias N, Dunning E, op cit, 1994.
166 Witthersheim E, op cit, novembre 2014. La citation
est à la page 41
81
82
Annexes
Table des abréviations
CNIL : Commission Nationale de l'Informatique et des
Libertés
La CNIL est un organisme indépendant du pouvoir
exécutif. En tant que qu'Autorité Administratives
Indépendantes, la CNIL a un pouvoir de sanction. Créée en
1978, la CNIL contrôle et surveille les traitements informatiques de
façon à ce qu'ils ne représentent pas des atteintes
à la vie privée et aux libertés individuelles. Ses statuts
administratifs et juridiques lui permettent de rendre visite physiquement
à un siège social d'une entreprise pour vérifier
directement les fichiers suspects. C'est pourquoi la CNIL a pu se rendre
plusieurs fois au Parc des Princes pour saisir l'existence de cette «
liste noire ».
DNLH : Division Nationale de Lutte contre le
Hooliganisme
Cellule créée par le ministère de
l'intérieur en 2009. Elle regroupe l'ensemble des policiers en charge de
lutter contre le hooliganisme et les violences dans le stade associées
au sport. Elle peut intervenir à l'intérieur et à
l'extérieur des stades de football. Son rôle et d'interpeller un
fauteur de trouble pour ensuite le déférer à la
justice.
FFF : Fédération Française de
Football
C'est une association française conformément
à la loi 1901. Elle regroupe tous les clubs de football français
et organise les compétions nationales et les matchs internationaux de
l'équipe de France.
Selon un modèle pyramidal, elle est l'autorité des
Ligues régionales et des districts.
Sa principale mission est le développement du football
en France que ce soit en termes d'infrastructures, de compétences et de
nombres de licenciés. Elle délègue à la LFP la
gestion de la Ligue 1, Ligue 2 tout en étant son supérieur.
83
IAS : Interdit Administratif de Stade
C'est une personne présentée comme
potentiellement dangereuse pour le public aux yeux des autorités
politiques et sécuritaires.
Le préfet a l'autorisation d'interdire un supporter de
se rendre dans un stade de football si la police estime qu'il « constitue
une menace pour l'ordre public ». L'existence du délit repose alors
sur des suspicions. Cette estimation s'appuie sur un jugement arbitraire et non
judiciaire : il n'est pas nécessaire d'établir d'enquête et
de fournir des preuves du délit.
Cette sanction a pour objectif de lutter contre des fauteurs
de troubles récurrents, contre le hooliganisme lié au
football.
LFP : Ligue Française de Football
Elle regroupe l'ensemble des clubs français ayant le
statut professionnel soit 42 clubs. Elle est responsable de la gestion des
championnats de France de Ligue 1 e de Ligue 2.
Elle est placée sous l'autorité de la FFF.
Puisqu'elle organise et réglemente le football
professionnel français, elle exerce une mission de service public.
QSI : Qatar Investissement Sport
QSI est la cellule sportive du groupe Qatar Investment
Authority (QIA). Ce groupe est le fond d'investissement souverain de
l'émirat du Qatar. QIA est présent dans de nombreux
marchés tel que le sport, la finance, l'immobilier, l'industrie, les
transports, les médias etc.
En 2011, QIA a acheté 70% du capital du PSG. Un an plus
tard, QIA est devenu l'unique actionnaire du club.
84
Lexique
Danse grecque :
Une danse grecque est une célébration des
supporters en tribune. Elle intervient quelques minutes après un but,
lorsque l'euphorie est passé ou pour célébrer une belle
victoire de l'équipe qu'on supporte. Pour réaliser cette danse,
il faut tourner le dos au terrain, attraper les épaules du voisin puis
sauter sur un côté. Ainsi, toute une rangée de personne se
met à se déplacer. L'effet visuel est impressionnant puisqu'on
peut penser que tout un mur bouge d'un seul bloque.
Grand Chelem :
Pour un supporter, faire le grand chelem consiste à
assister à tous les matchs de son équipe lorsque celle-ci joue
à l'extérieur dans le championnat national. Ce qui fait 19
déplacements à effectuer en une saison.
Hooligan (hooliganisme) :
Le hooligan revendique une indépendance
vis-à-vis du club et l'absence de toute structure associative. Pour
défendre leur équipe et un sens territorial fort, ils
n'hésitaient pas à prôner la violence. Pour ne pas
être repéré par les policiers, les hooligans ne
portent pas de couleurs ou de symboles à l'effigie du club.
Ce mouvement d'origine anglaise très
développé entre les années 1970 et 1990 s'est donc
exporté en Europe avant d'être obsolète aujourd'hui. Au
Parc des Princes, ce modèle s'est implanté dans la tribune
Boulogne avant la dissolution des associations en 2010.
Le hooliganisme a commencé à être combattu
par les autorités à la suite du drame du Heysel en 1985 donnant
la mort à 39 personnes.
A la différence des ultras, la violence pour
les hooligans est recherchée et calculée. Des
rendez-vous sont établis entre hooligans pour se battre selon un accord
mutuel. C'est ce qu'on appelle les fights.
Kops :
C'est l'endroit où se réunissent les supporters
les plus actifs. Il est presque toujours situé derrière les buts,
en virage. Il est souvent assimilé aux tribunes populaires.
85
Plan Leproux :
En 2010, la tension croissante entre les associations des
tribunes Auteuil et Boulogne atteint son paroxysme et cause le
décès d'un supporter du PSG. A la suite de cette tragédie,
le président de l'époque, Robin Leproux, conçoit un plan
sécuritaire avec l'appui de la justice et des autorités
publiques. Ce plan est officiellement prénommé « Tous PSG
». Dans tous les réseaux sociaux et médiatiques, il est
surnommé de « Plan Leproux ». Il prévoit de dissoudre
toutes les associations de supporters et de suspendre le système des
abonnements.
D'après de nombreux supporters, ce plan a
entrainé la « mort » du Parc des Princes. A travers un appel
à pouvoir se rassembler de nouveaux au sein d'associations, de nombreux
supporters actifs militent régulièrement pour adoucir ou
supprimer ce plan.
Tifos :
Ce mot provient du terme tifosi. C'est un supporter
en Italie. Le tifo est une animation visuelle organisée par les
supporters d'une même équipe. Cette animation sert à
encourager l'équipe ou à dénigrer l'adversaire en
décorant la tribune et en adressant un message. En étant
dressé sur une large partie voire sur la totalité de la tribune,
le tifo est visible par l'ensemble des acteurs du stade.
La culture des tifos est étroitement liée
à celle des tifosi. Ainsi, chaque association de supporters
conçoit ses propres tifos selon un style particulier.
Ultra :
Au même titre que les hooligans, pour un ultra,
l'appartenance à un groupe est aussi importante que la relation que l'on
a au club. Pour ces personnes, c'est la meilleure façon d'afficher son
soutien et son amour à une équipe.
Cartographie
Document 1 : Organisation et numérotation des tribunes
du Parc des Princes

86
Source : google image
87
Cette carte montre l'emplacement et le compartimentage des
tribunes du Parc des Princes en fonction des catégories de prix. Les
lettres correspondent aux grandes portes d'entrée à
l'intérieur du stade. Les numéros allant de 101 à 423
correspondent aux vomitoires. Ce sont les portes d'accès aux
différents gradins. Lors de la saison 2014 - 2015, je fus abonné
dans le compartiment 313. Je devais alors entrer dans le stade par la porte I.
Toute autre porte d'accès m'était refusée. En plus de mon
compartiment, une fois dans la tribune, je pouvais également
accéder aux gradins du compartiment 312. Cette étude se focalise
donc sur le public situé dans les compartiments 312 et 313.
88
Document 2 : Aire d'influence du Parc des Princes et
sectorisation du quartier.

Légende :

Source : Logiciel Inkscape - Géoportail
89
Cette carte montre la disposition des barrages filtrants
utilisés lors des « matchs à risque ». Pour ces
rencontres particulières, il y a énormément de monde. Par
conséquent, la préfecture de Paris estime que la
sécurité doit être renforcée. Sur ce document, on
voit bien l'adaptation des dispositifs sécuritaires en fonction de la
typologie du quartier. Les barrages filtrants sont toujours
insérés entre des espaces infranchissables (immeuble,
périphérique).
Les barrages filtrants sectorisent le quartier, influencent la
mobilité du public parisien et créent des unités spatiales
spécialisées. C'est notamment le cas devant la tribune Auteuil.
La partie schématisée en bleue sur le document 2
représente l'aire spatiale à l'intérieur de laquelle est
autorisé à circuler uniquement des personnes munies d'un ticket
ou d'un abonnement Auteuil. Ainsi, si une personne n'est pas placée dans
la tribune Auteuil, pour accès à sa tribune, elle devra faire le
tour de l'aire spatiale délimitée par les barrages filtrants.
C'est pourquoi, lorsque ces barrages sont activés, le boulevard Murat
est plus fréquenté qu'à l'ordinaire. Ainsi, cette
cartographie représente le périmètre du stade
élargi par des dispositifs sécuritaires et l'influence des
barrages filtrants sur la mobilité du public.
En me référant à l'entretien
effectué avec Monsieur André, un seul barrage est « presque
constamment activé ». Il permet de contrôler l'accès
à la tribune Borelli où on trouve tous les salons VIP et la
tribune présidentielle.
Enfin, en face du stade Jean Bouin, encore en construction sur
le document, au nord du Parc des Princes, des services sécuritaires
composés de gendarmes et de CRS sont continuellement positionnés
et sont prêts à intervenir en cas d'incidents.

90
Document 3 : Schéma représenant les logiques
d'occupation spatiale du public à l'intérieur de la tribune
Auteuil
Légende :

Source : logiciel Inkscape
91
Ce document est un schéma de la partie haute de la
tribune Auteuil (Porte I) dans lequel les vomitoires 312 et 313 sont
représentés. Ce sont exactement les gradins qui m'étaient
autorisés lors de la saison 2014 - 2015.
Sur ce schéma, on se rend compte que la tribune est
scindée en deux. Dans la partie basse, on voit le regroupement des
fans. En raison des modes de socialisation en vigueur dans la tribune,
ce regroupement a tendance à s'épaissir au fur et à mesure
que la saison progresse.
Autour de ces fans, se trouve un contingent de
supporters plus ou moins important en fonction de l'enjeu de la
rencontre. Ces derniers appuient les fans dans leur animation mais
n'ont pas l'habitude de se rassembler à un lieu précis à
chaque rencontre.
Dans la moitié haute de la tribune, il y a une forte
majorité de spectateurs. La plupart du temps, ces personnes
sont assises et silencieuses. Les regroupements ne sont pas unis mais sont
dispatchés. Ces personnes ont tendance à prendre de la hauteur
pour mieux voir la rencontre et pour être plus « tranquille
».
L'allée centrale de déambulation crée la
démarcation.
De plus, les fans sont toujours situés entre
les deux vomitoires. Leur mobilité, symbolisée par les deux
flèches, s'en trouve augmentée. Ces fans ont un
périmètre d'action très restreint puisqu'ils ne
dépassent que très rarement l'allée centrale, au contraire
des spectateurs qui peuvent parcourir l'ensemble de la tribune.
Enfin, on voit sur le coté droit du document la
représentation d'un fan situé à
l'extérieur des zones d'accès 312 et 313, de l'autre coté
de la baie vitrée infranchissable. Très souvent, une personne
essaye de s'appuyer sur cette baie vitrée pour prendre de la hauteur et
donner un rythme au chant en tapant sur les vitres. Grâce à cette
technique, il permet à son groupe de communiquer avec le groupe
situé entre les vomitoires 312 et 313 afin d'essayer d'étendre la
résonnance des chants dans l'ensemble de la tribune Auteuil voire dans
tout le stade.
92
Tableau récapitulatif des entretiens
Date
|
Monsieur Vallenet
25 mars
|
Monsieur Callard
27 avril
|
Madame Leprince
29 avril
|
Guillaume 3 mai
|
Monsieur André
7 mai
|
Baptiste - Kerim 22 mai
|
Lieu
|
Bar au Raincy dans lequel il a ses habitudes
|
A son domicile
|
A son domicile
|
Dans un bar
|
Siège de la société
|
A mon domicile
|
« Raison de l'entretien »
|
Directeur du Parc des Princes entre 1978 et 1992
|
Habitant du quartier depuis une cinquantaine d'années
|
Abonnée depuis 4 ans au niveau de la Porte A
|
Abonné avec moi depuis 4 ans
|
Responsable commercial de la société ACA
Sécurité
depuis 7ans
|
Deux amis spectateurs qui sont allés deux fois au stade
cette année
|
Durée
|
2h30
|
3h de conversation. Mais de nombreuses fois, nous avons
divergé sur d'autres sujets
|
1h30
|
1h
|
45 minutes
|
1h30
|
Profils:
- Monsieur Vallenet :
Monsieur Vallennet est une personne à la retraire
d'environ 70 ans. Il fut président du club de hand-ball de Gagny et
ancien maire de cette même ville pendant 12 ans. En tant qu'ancien
directeur du Parc des Princes, il a été responsable d'une
infrastructure de grande ampleur. Son expérience a donc
été intéressante. J'ai pu apprendre de nombreuses choses
sur la vie et l'animation d'un stade de football, son fonctionnement au
quotidien et lors des manifestations sportives.
- Monsieur Callard :
Monsieur Callard est une personne à la retraite
d'environ 70 ans. Cet ancien professeur voulait me « faire marcher ».
Il a encadré plusieurs études de ce genre donc il ne
répondait pas directement à me questions pour que je me force
à bien m'organiser et à bien réfléchir sur le sens
de mes questions. Pour ces raisons, l'entretien a duré très
longtemps.
Puisqu'il est habitant du quartier, il a pu m'éclaircir
au sujet de l'image du Parc des Princes dans le quartier et si celle-ci a
changé depuis l'arrivée d'investisseurs Qataris.
93
- Madame Leprince :
Elle a environ 50 ans et est assistante maternelle à
son domicile. Elle a 3 enfants. Sa passion principale est le sport. Elle a
été professionnelle pendant quelques années au
handball.
Supportrice depuis qu'elle est petite du PSG, elle s'est
abonnée en 2011 comme moi.
- Guillaume est un ami étudiant de 23 ans. C'est un
amateur de sport en général et un grand passionné de
football et du PSG en particulier.
Avant la mise en place du « Plan Leproux », il
était abonné depuis 2 ans et inscrit dans l'association les
Authentiks.
Je suis abonné avec Guillaume au stade. Par
conséquent, son entretien ne fut pas très utile parce que je n'ai
pas eu la sensation d'avoir réellement appris des choses. Toutefois, il
a été constamment un appui constant. En effet, grâce
à sa présence au Parc des Princes, je pouvais faire des
comparaisons entre l'avant et l'après « plan Leproux ».
- Monsieur André :
Il a un peu plus de 30ans, il est le commercial de
l'entreprise ACA Sécurité. Cette société
est une société de sécurité
spécialisée dans l'événementiel et axée
principalement autour du sport. Son entreprise est prestataire de service au
Parc des Princes depuis 2012.
Son témoignage fut très utile pour comprendre
l'organisation et le fonctionnement des dispositifs sécuritaires au Parc
des Princes.
- Baptiste et Kerim :
Ce sont deux amis de longues dates, étudiants et
amateurs de sport en général. Baptiste se considère comme
un grand supporter du PSG. Il hésitait à prendre son abonnement.
En revanche Kerim s'est présenté comme un simple sympathisant.
Cet entretien croisé entre deux degré
d'attachement au PSG différents fut très bénéfique
pour saisir leurs représentations, leurs attentes et leurs
expériences du Parc des Princes.
Pour tous les entretiens, je commençais à me
présenter de la façon suivante : Je suis étudiant en
géographie. En ce moment, je fais une recherche sur le public qui
supporte le PSG au Parc des Princes. Je suis moi-même supporter du PSG
puisque je suis abonné depuis 4ans maintenant.
Le point de départ de cette étude a
été les tensions qui existaient au sein de la tribune Auteuil
entre des supporters. Il ne s'agit pas de violence physique mais de
rivalités en termes de légitimité : les supporters les
plus fervents sont localisés au bas de la tribune, rejettent et
méprisent les autres supporters qui ne chantent pas et ne soutiennent le
PSG. Ce qui m'intéresse, c'est le fractionnement, au sens large, d'un
groupe dans une même tribune.
Pour tous les entretiens, j'emmenais avec moi une carte du
Parc des Princes (Voir document 1 en partie annexe) avec le nom des tribunes et
les numéros des entrées.
94
Grille d'entretien
Grille d'entretien avec Madame
Leprince
L'entretien s'est passé à son domicile, le 29
avril 2015 à Chelles, dans un quartier pavillonnaire. C'est la
mère d'une amie donc je connaissais un peu sa situation familiale et
professionnelle. Je n'ai pas eu besoin de lui poser énormément de
question sur sa situation personnelle. D'ailleurs, en organisant le
rendez-vous, elle m'a bien certifié qu'on pourrait le faire pendant la
sieste des enfants. Elle est assistante maternelle à domicile.
Dès le départ, elle m'a demandé de la
tutoyer et m'a offert un café. Elle m'a également montré
des photos de sa fille.
Plusieurs fois pendant l'entretien, j'ai également
raconté mes anecdotes et mes impressions ce qui a fait avancer la
conversation. Mais également, j'ai sûrement dû influencer
certaines de ses réponses. Les questions ci-dessous ne furent pas
posées dans cet ordre chronologique. Elles furent posées en
fonction du déroulement de la conversation et des thématiques sur
lesquelles on discutait.
Je suis venu avec une carte (voir document 1 de la partie
Annexe) pour visualiser précisément les localisations de ses
impressions.
? Récit de vie :
- Présentation personnelle :
Lieu de naissance
Etudes et carrière professionnelle
Le lien qu'elle entretient avec le sport en général
et le football en particulier
? Supportrice du PSG
- Vous êtes supportrice depuis quand ?
- Quels liens vous unissent vous et le PSG ?
- Ces liens ont-ils évolué dans le temps ?
- Depuis combien de temps êtes-vous abonnée au PSG
?
- Avec qui êtes-vous abonnée ?
- Dans quelle tribune êtes-vous abonnée ?
- Combien payez-vous l'abonnement chaque saison ?
95
? Habitudes/Rituel Moyen de transport :
Vous habitez à Chelles:
- Par quels moyens vous vous rendez au stade ?
- Est-ce que vous avez déjà entendu les annonces
sonores dans les stations RATP à proximité du stade ?
Qu'en pensez-vous ?
Programme :
- Avez-vous vos rituels lors des jours de match ?
Concernant les déplacements ?
Heure de départ ? Heure de repas ? Heure pour rentrer ?
Voie/chemin à emprunter ?
Avez-vous une habitude vestimentaire ? Portez-vous un maillot ou
une écharpe du
PSG par exemple ?
- Est-ce que ces habitudes diffèrent selon les matchs ?
Ou au contraire, est-ce qu'ils sont constants ?
- A force de fréquenter le Parc des Princes,
connaissez-vous le quartier autour du stade ? - Est-ce que vous allez
directement à l'intérieur du stade ? Avez-vous l'habitude d'aller
manger ou prendre une boisson avec la rencontre ?
- Quelle est votre opinion sur le quartier qui entoure le
stade ? A-t-elle changée depuis que vous être abonnée ?
? Territoire :
- Où êtes-vous placée dans le stade ?
- Dans votre tribune, vous rendez-vous à peu près
vers le même espace ?
- Êtes-vous toujours assises à la même place
?
- Vous avez choisi votre place selon quels critères ?
Donc vous accordez une importance particulière à
votre place ?
(Selon les réponses précédentes) J'en
déduis que vous avez vos habitudes dans le
stade ?
- Dans votre tribune, est-ce qu'il y a des personnes ont leur
habitude et se regroupent dans une partie de la tribune ?
Si oui, où ça et quel est leur comportement ?
- Pouvez-vous les décrire ?
- Avec le temps, est-ce que vous vous êtes fait des
relations dans la tribune ? - Pouvez-vous décrire globalement l'ambiance
à l'intérieur de votre tribune ?
96
? Comportement dans la tribune :
Une fois que vous êtes dans le stade, quel est votre
comportement ?
- Êtes-vous assise ? Debout ?
- A la mi-temps, vous restez à votre place ou vous vous
déplacez ?
- Vous diriez que vous êtes plutôt bruyante (chanter)
ou silencieuse ?
- Avez-vous l'habitude de consommer parfois à
l'intérieur du stade ? (buvette)
Pouvez-vous vous décrire en tant que supportrice ?
- A quels moments, pendant une partie, vous chantez ? - Quand
est-ce que vous levez l'écharpe ?
- Quand est-ce que vous agitez les drapeaux ?
Si je comprends bien, vous utilisez plus... (Écharpe ou
drapeau en fonction des réponses précédentes)
? Rapport au stade
Ambiance :
- Pouvez-vous me décrire vos sensations au stade ?
- Est-ce que vous sentez une différence dans l'ambiance
et les comportements selon les matches ?
Du fait qu'un match en Coupe d'Europe n'a pas la même
intensité et le même enjeu qu'un simple match de Ligue 1
- Donc vous pensez que cette ambiance plus bruyante est due au
besoin d'extérioriser la pression ?
Sécurité :
- En tant que femme, est-ce que vous vous sentez à l'aise
au Parc des Princes ? Si je comprends bien, vous pourriez y aller seule ?
- Etait-ce le cas avant l'arrivée des Qataris ?
Vous estimez donc que le stade est plus accessible aujourd'hui
?
- Est-ce que vous auriez pu en dire autant si vous
étiez placée dans un autre endroit du stade ?
97
? Sécurité :
- Est-ce que vous ressentez une forte sécurité au
Parc des Princes ? - Est-ce que vous l'avez trouvé légitime ?
- Est-ce que vous pouvez discuter facilement avec les agents de
sécurité ? Si je comprends bien, ils sont accessibles dans
l'ensemble ?
- Quelle est le mode d'action des agents de
sécurité ? Est-ce vous pouvez me décrire leur
comportement, ce qu'ils font concrètement ?
Elle est discrète ?
Elle est mobile/statique ?
(En fonction de la question précédente) Du coup,
vous les voyez souvent ?
- Vous avez donc conscience de leur présence ?
- Est-ce que tu es dérangée par cette
présence ?
- Est-ce que les agents de sécurité interpellent le
public ? Pour quels motifs ?
- Est-ce que vous pensez que la présence
sécuritaire influence les comportements du
public ?
- Est-ce que vous sentez une différence entre la
sécurité à l'extérieur du stade et la
sécurité à l'intérieur du stade ?
? Opinion sur la condition de supporter
- Selon vous, le supporter a-t-il un rôle à jouer
dans le stade ?
- Ce rôle est-il prolongé en dehors du stade ?
- Est-ce qu'il y a une différence entre votre
identité au quotidien et votre identité en tant
que supportrice ?
- Prenez- vous de la distance par rapport au rôle du
supporter ?
- Est-ce que vous vous intéressez à cette
communauté ? (Au-delà des supporters du
PSG ?) Selon quels médias ?
- Avez-vous une opinion sur les différents
évènements qui entourent les supporters du
PSG ? - (Augmentation des prix des abonnements - JAS -
abonnement
supprimé contre Monaco ?)
- Êtes-vous au courant des futurs travaux dans le quartier
qui vont être faits pour le
PSG ?
- Quel est votre avis sur la politique économique -
sécuritaire du PSG ?
98
? Question à une supportrice
abonnée
- Est-ce que vous prêtez une attention particulière
à votre carte d'abonnement ? Est-ce que vous avez un lien affectif
particulier ?
- Dans l'équipe, il y a un papier d'un ancien
abonné, aujourd'hui journaliste qui expliquait les politiques
sécuritaires autour des stades de football aujourd'hui.
Il a écrit que les « deux virages sont devenus des
zones où les groupes faisaient leur loi ».
D'après vous, il fait référence à
quoi lorsqu'il écrit ça ?
- Puisque vous êtes située en tribune
latérale, ressentez-vous une différence entre les tribunes
Boulogne et Auteuil ?
- Pensez-vous qu'il existe encore une identité propre
à Auteuil et une identité propre à Boulogne ?
Si oui, entraine-t-elle une culture ou une fierté
spécifique ?
- Êtes-vous d'accord pour affirmer que la composition
sociale du public évolue ?
- Selon sa réponse précédente,
Êtes-vous d'accord pour affirmer que ce public est plus consommateur ?
- Quel regard portez-vous sur l'arrivée de nouveaux
publics plus consommateurs ? Pensez-vous que le Parc des Princes soit devenu un
lieu touristique ?
Vous approuvez/refusez (en fonction de la réponse
précédente) donc ce « football-business » ?
- Êtes-vous d'accord pour dire qu'il y a une
homogénéisation des publics et des styles de supporterisme dans
les grands clubs Européens ?
Quelle est votre opinion par rapport à cette
évolution ?
- Affectent-ils vos habitudes ?
- Est-ce que dans votre tribune vous entendez :
« Si tu ne chantes pas tu rentres chez toi ; et il est mort
le parc des princes ; public de
merde.... »
Si oui, qu'est-ce que vous ressentez ?
Qu'est-ce que vous en pensez ?
- Vous comprenez le militantisme de certains supporters ? ?
Opinion sur le futur du Parc des Princes :
- Qu'est-ce que vous voudriez comme évolution pour le
futur ? Des prévisions ?
- Dernière question : êtes-vous optimiste sur le
retour d'une grande ambiance au Parc des Princes ?
99
Grille d'entretien Monsieur
André
Lors de cet entretien du 7 mai 2015, je pouvais converser avec
Monsieur André pendant 1h maximum. Le rendez-vous s'est organisé
au téléphone. Après avoir appelé deux fois la
société ACA Sécurité, c'est monsieur
André qui m'a rappelé en personne pour accepter de me rencontrer.
Il semblait donc prêt à répondre à mes questions.
La société travaille également à
Roland Garros, au stade Pierre Mauroy à Lille, au stade Jean Bouin et au
Stade de France à Saint-Denis. Afin de connaitre la
spécificité du Parc des Princes et des dirigeants du PSG, je lui
ai demandé de faire des éléments de comparaison avec
d'autres évènements, dans d'autres lieux et des autres
clients.
Monsieur André est le commercial de l'entreprise. Je
pense qu'il a un peu plus de trente ans. Lors de notre conversation, il
était habillé en polo bleue « Ralph Lauren » et faisait
la bise à ses collègues.
L'entretien s'est déroulé dans les locaux de la
société, au fond de la salle. Les bureaux de la
société sont aménagés en open space. Dans
cette disposition, il pouvait voir ses collègues. En revanche,
j'étais dos aux autres salariés. Dans le bureau, il y avait deux
femmes et un homme. Vers la fin de l'entretien, une dispute a
éclaté, il a dû s'interrompre quelques secondes.
? Récit de vie :
- Présentation personnelle :
Lieu de naissance
Etudes et carrière professionnelle Le lien entretenu avec
le PSG
? Présentation de la société ACA
Sécurité
- Est-ce que vous pouvez présenter brièvement votre
entreprise ?
- Lors de vos différentes missions, est-ce que vous
êtes personnellement sur le terrain ?
? Liens entre la société et le
PSG
- Sachant que le PSG a une dimension internationale aujourd'hui,
est-ce que vous savez
pourquoi le PSG a choisi votre entreprise ? Quelles sont vos
forces ?
- Qu'est-ce que faites au Parc des Princes ?
- Votre entreprise est-elle responsable d'un espace en
particulier ?
- Est-ce que vous adaptez vos actions en fonction des exigences
du client ?
- Sur votre site, il était marqué « notre
mission est de garantir un service correspond à
vos exigences » - Quelles sont les exigences des dirigeants
Parisiens ?
100
- Du point de vue sécuritaire, le PSG est
réputé pour s'inspirer du modèle anglais, au niveau des
stades, des infrastructures et de l'accueil. Est-ce qu'ils vous ont
demandé de vous inspirer des pratiques anglaises ?
- (En fonction de la réponse) Donc vous avez aussi une
fonction d'orienter les gens ? - J'ai vu qu'il y avait d'autres
sociétés privées au Parc des Princes. Par exemple, il y a
la
société Olips. Est-ce que vous
travaillez avec elle ? Où êtes-vous totalement
indépendants ?
Pouvez-vous me parler de cette société ?
? Missions - Dispositifs
sécuritaires
- Connaissez-vous l'utilisation des barrages filtrants ? -
Quand est-ce qu'ils sont activés ?
Selon quels critères ?
- Est-ce que ces barrages s'adaptent à l'espace ?
Mode d'action du personnel :
- Est-ce que vous agents interviennent dans les tribunes ?
Est-ce qu'ils peuvent faire des rondes ?
Est-ce qu'ils peuvent virer une personne d'une tribune ?
(En fonction de la réponse) Du coup, j'imagine que vos
équipes sont
mobiles/statiques ?
- Dans le choix de vos équipes, cherchez-vous une
stabilité ? Ou au contraire, est-ce
sans cesse fluctuant ?
- Est-ce que vos équipes ont tout le temps la même
fonction ? Ou au contraire, évolue-t-
elle - avec au cours de la rencontre ?
- Utilisez-vous des technologies ?
Au Parc des Princes, il y a énormément de
caméra. Avez-vous accès à elles ?
- J'ai fait un entretien avec une abonnée d'une tribune
latérale. Elle me disait qu'à son
endroit, ils ne contrôlaient pas les cartes parfois. Ils
laissaient passer les gens par
simple confiance. Alors que nous, c'est très stricte. En
virage, c'est très contrôlé.
Donc je vous demande si les règles sont les mêmes
pour tout le monde ?
Relation avec le public
- Vos agents entretiennent beaucoup de relations avec les
supporters ? Est-ce que sous savez s'ils discutent avec eux ?
- Est-ce qu'il y a des personnes qui se sont déjà
plaintes de vos agents ?
101
? Pacification du public au Parc des
Princes
- Est-ce que vous ressentez le contexte du public du PSG ?
(Par rapport au « plan Leproux »)
Quand le PSG passe commande auprès de chez vous, est-ce
qu'ils vous mentionnent ce plan et l'histoire des supporters ?
- Depuis que vous travaillez avec le PSG, avez ressenti une
évolution du public au Parc des Princes ?
- Avec la pacification du public, y-a-t'il la même
quantité de dispositifs sécuritaires ? (En fonction de la
réponse) ont-ils évolué avec le temps ?
Si je comprends bien, quand vous avez commencé à
travailler pour le PSG il y avait plus/moins de sécurité ?
Les effectifs mis en place étaient plus/mois nombreux
?
- Est-ce que selon les matchs à gros enjeu (où
il peut y avoir des tensions) il y a un effectif plus important ?
Vous faites appel à plus de monde ? Ou est-ce constant
?
- Est-ce que selon les matchs, l'aire territoriale est plus ou
moins grande ?
- Aujourd'hui, selon vous, le public parisien est
facile/difficile à appréhender ? (Par rapport à d'autres
publics en France)
? Singularité du Parc des Princes
- Aujourd'hui, le Parc des Princes est monofonctionnel. Ca n'a
pas toujours été le cas. Alors, est-ce qu'il est encore
modifiable selon l'évènement ?
- Est-ce que vos missions sont les mêmes dans les autres
stades dans lesquels pour vous
travaillez ?
Est-ce qu'il y une spécification au Parc des Princes
?
D'un point de vue sécuritaire, en quoi le Parc des
Princes était-il unique ?
- Le Parc des Princes est connu pour être un stade
moderne. Est-ce que c'est un lieu où
la sécurité est facile à mettre en place
?
Pouvez-vous me le décrire par rapport à d'autres
stades en France ?
102
? Avis personnel
- Dans mon mémoire, j'ai une idée personnelle
que j'aimerais travailler. Pour résumé, la
sécurité, je pense qu'elle s'adapte à son public et
à ses mouvements. C'est-à-dire que si le public se déplace
et qu'il est mobile, alors la sécurité est statique et elle
oriente les flux. Au contraire, si le public est statique, pendant le match
notamment, eh bien c'est à la sécurité de se
déplacer. Est-ce que vous êtes d'accord avec ça ?
- Je vous demande votre opinion personnelle et non plus en
tant que professionnel, est-ce que vous avez une opinion sur la politique
menée par le PSG vis-à-vis de ses supporters ?
Est-ce que ça influence votre travail ?
- Est-ce que vous savez s'il y a un lien entre les travaux
autour du Parc des Princes et le PSG ?
Et aussi l'EURO 2016 ?
C'est quoi la raison de ces travaux ? Augmenter le confort,
l'accessibilité des piétons ?
103
Bibliographie
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Entretiens:
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», document officiel.
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personnel dénommé « fichier STADE ».
URL:
http://www.legifrance.gouv.fr/eli/arrete/2015/4/15/INTD1501632A/jo/texte
- URL :
http://centraledesmarches.com/marches-publics/Ville-de-Paris-Paris-75000-Travaux-d-amenagement-de-voirie-et-d-eclairage-public-des-rues-Claude-Farrere-Nungesser-et-Coli-de-la-place-de-l-europe-et-du-parvis-situe-avenue-du-general-Sarrail-a-Paris-16e-arrondissement/161888
Sites internet:
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http://www.psg.fr/fr/Actus/003001/Article/61484/Paris-Nancy-en-tribune-Junior-Club
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- « Délit de supporterisme »,
cahiersdufoot.net.
URL:
http://www.cahiersdufootball.net/article-delit-de-supporterisme-3997
- « Football // Dans les coulisses du PSG au parc des
princes ! », Sport and sand, 25 février 2015. URL:
http://sportandsand.com/football-dans-les-coulisses-du-psg/
- URL :
http://forum.psgmag.net/index.php?topic=3423.20;wap2
? Autre
- URL:
http://www.attitudes-urbaines.com/tetes-affiche/programmation-espace-publique-pavillon-place-de-la-republique-paris
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