Le bien--fondé d'une
juridiction internationale
spécialisée en droit de
l'environnement
Master 2 Droit de
l'environnement, des
territoires et des risques
Anne--Sophie LE GALL
sous la direction de Jochen SOHNLE
Université de Strasbourg
Faculté de Droit, Septembre 2016 Droit international de
l'environnement
Le bien--fondé d'une juridiction internationale
spécialisée en droit de l'environnement
1
« Il faut toujours viser la lune, car même en cas
d'échec,
on atterrit dans les étoiles »
Oscar WILDE
2
Le bien-fondé d'une juridiction internationale
spécialisée en droit de l'environnement
Remerciements
Jochen SOHNLE
Marie-Pierre CAMPROUX DUFFRENE Loïc BARNIER
3
Le bien-fondé d'une juridiction internationale
spécialisée en droit de l'environnement
Sommaire
Titre préliminaire : Introduction p 5
L'absence de définition juridique consensuelle de
l'environnement p 5
L'obligation juridique des Etats de protéger
l'environnement p 10
Problématique et annonce de plan p 16
Partie Ière : Le bien-fondé de l'existence d'une
juridiction internationale compétente en droit
de l'environnement p 21
Titre Ier : Les institutions internationales de protection de
l'environnement p 21
Titre II: La réciprocité avec les règles
du droit international économique p 25
Titre III : Les juridictions nationales p 31
Partie II : Le bien-fondé de l'extension de la
compétence de juridictions internationales
existantes p 35
Titre Ier : La Cour Internationale de Justice (CIJ) p 35
Titre II: La Cour Pénale Internationale (CPI) p 41
Titre III: Le Tribunal international du droit de la mer p
45
Partie III : Le bien-fondé de la création d'une
nouvelle juridiction internationale spécialisée en
droit de l'environnement p 48
Titre Ier : Initiatives et propositions politiques ou
doctrinales p 48
Titre II: Sources d'inspiration de la nouvelle juridiction
p52
Titre III: Les avantages et inconvénients de la
création de cette juridiction p57
Conclusion p 61
4
Le bien--fondé d'une juridiction internationale
spécialisée en droit de l'environnement
Liste des abréviations et des signes
conventionnels
AG : Assemblée Générale (des Nations
Unies)
CDB : Convention sur la Diversité Biologique
CICR : Comité International de la Croix Rouge
CIJ : Cour Internationale de Justice
CITES: Convention on International Trade in Endangered Species
of Wild Fauna and Flora
CoE : Counsel of Europe
COP : Conference of Parties
CPI : Cour Pénale Internationale
CS : Conseil de Sécurité (des Nations Unies)
FAO: Food and Agriculture Organisation
FMI : Fonds Monétaire International
GATT : General Agreement on Tariffs and Trade
LEC: Land and Environment Court
UICN : Union Internationale pour la Conservation de la Nature
et de ses ressources
OMC : Organisation Mondiale du Commerce
OMS: Organisation Mondiale de la Santé
ONU : Organisation des Nations Unies
OI: Organisation Internationale
ONG : Organisation Non Gouvernementale
ORD : Organe de Règlement des Différends
PNUE : Programme des Nations Unies pour l'Environnement
UE : Union Européenne
UNESCO : United Nations Educational, Scientific and Cultural
Organization
UNFCCC : United Nations Framework Convention on Climate
Change
WWF : World Wildlife Fund
ZEE : Zone Economique Exclusive
Le bien-fondé d'une juridiction internationale
spécialisée en droit de l'environnement
Titre préliminaire : Introduction
L'absence de définition juridique consensuelle de
l'environnement
Où trouver une définition juridique de
l'environnement? L'article 38 du statut de la Cour International de Justice
(CIJ), considéré comme reflétant la coutume
internationale, énumère les différentes sources du droit
international. Parmi ces dernières se trouvent les sources primaires
d'une part, à savoir les conventions internationales, la coutume
internationale et les principes généraux du droit, et les sources
secondaires d'autre part, c'est-à-dire les décisions judiciaires
et la doctrine. Nous étudierons donc chacune de ces sources, dans
l'ordre énoncé précédemment, afin de définir
juridiquement l'environnement de la manière la plus complète
possible.
Dans les conventions internationales
Si le recours à la notion d'environnement a
été de plus en plus fréquent dans les conventions
internationales environnementales générales sectorielles à
partir de la Convention sur la Diversité Biologique
(CDB) de 1992, force est de constater que sa définition ne
figure dans aucun texte international contraignant.
En effet, la Convention de Ramsar,
adoptée en 1971, reconnaît dans son préambule
l'interdépendance de l'homme et de son environnement, sans toutefois
définir la notion d'environnement. La Convention de l'UNESCO de 1972 ne
mentionne même pas l'environnement.
La CITES de 1973, comme la Convention de
Ramsar, cite l'environnement sans définir cette notion. En effet, elle
fait référence au transport, dans un Etat, de spécimens
d'espèces qui ont été pris dans l'environnement marin
n'étant pas sous la juridiction d'un Etat, pour définir
l'introduction d'espèces dans un Etat en provenance de la
mer1. La Convention de Bonn de 1979, comme la Convention de
l'UNESCO, ne fait pas référence à l'environnement.
La Convention de Montego Bay de 1982
prévoit que l'Etat côtier peut adopter des lois et
règlements relatifs au passage inoffensif des navires d'autres Etats
dans sa mer territoriale, qui peuvent porter sur la préservation de son
environnement2. Toutefois, la Convention ne définit pas la
notion d'environnement, qui n'est que très peu utilisée. Dans le
texte français, la notion de `milieu' ou le terme `écologique'
est en effet préféré au terme «
environment» utilisé dans le texte anglais.
Le préambule de la Convention sur la
diversité biologique de 1992 affirme la valeur
intrinsèque de la diversité biologique et la valeur de la
diversité et de ses éléments constitutifs sur le plan
environnemental. Il reconnaît les nombreux avantages sur le plan
environnemental des investissements importants nécessaires pour assurer
la conservation de la diversité biologique.
1 Convention sur le commerce international des
espèces de faune et de flore sauvages menacées d'extinction,
Article I.
5
2 Convention des Nations Unies sur le droit de la mer,
Article 21.
Le bien-fondé d'une juridiction internationale
spécialisée en droit de l'environnement
La CDB a recours à la notion
d'environnement non vivant pour définir un écosystème. En
outre, la Convention définit un écosystème comme un
complexe dynamique formé de communautés de plantes, d'animaux et
de micro-organismes et de leur environnement non vivant qui par leur
interaction, forment une unité fonctionnelle3. Par ailleurs,
elle consacre plusieurs obligations des Etats en utilisant la notion
d'environnement.
Ainsi, bien qu'on puisse noter une utilisation importante du
terme « environnement» dans la CDB, la
Convention ne définit pas cette notion. L'UNFCCC de
1992 fait aussi de nombreuses fois référence à
l'environnement.
En particulier, son préambule souligne le fait que les
mesures permettant de comprendre les changements climatiques et d'y faire face
auront une efficacité pour l'environnement maximale si elles se fondent
sur les considérations scientifiques, techniques et économiques
appropriées et si elles sont constamment réévaluées
à la lumière des nouveaux progrès réalisés
dans ce domaine. Enfin, il note que diverses mesures prises pour faire face aux
changements climatiques peuvent contribuer à résoudre d'autres
problèmes d'environnement.
De plus, la Convention définit les effets
néfastes des changements climatiques comme les modifications de
l'environnement physique ou des biotes dues à des changements
climatiques et qui exercent des effets nocifs significatifs sur la composition,
la résistance ou la productivité des écosystèmes
naturels et aménagés, sur le fonctionnement des systèmes
socio-économiques ou sur la santé et le bien-être de
l'homme4.
Comme pour la CDB, l'UNFCCC
a de nombreuses fois recours à la notion d'environnement, dans
son préambule ou dans sa convention, pour définir d'autres
notions ou pour consacrer les obligations des Etats, sans toutefois
définir l'environnement. Il faut par conséquent chercher une
définition de l'environnement dans d'autres sources du droit
international.
Dans la coutume internationale
La coutume internationale est, selon l'article 38 de la CIJ,
« une pratique générale acceptée comme
étant le droit ». Existe-t-il une définition
coutumière de l'environnement? Plusieurs instruments de soft law font
référence à l'environnement.
En particulier, le préambule de la
Déclaration de Stockholm de 1972 note la
nécessité d'adopter une conception commune et des principes
communs qui inspireront et guideront les efforts des peuples du monde en vue de
préserver et d'améliorer l'environnement. Elle proclame que
« l'Homme est à la fois créature et créateur de
son environnement, qui assure la subsistance physique de l'Homme et lui offre
la possibilité d'un développement intellectuel, moral, social et
spirituel ». Selon la Déclaration, il existe deux
éléments de l'environnement de l'Homme, à savoir
l'élément naturel et celui que l'Homme a lui-même
créé. Les deux sont indispensables au bien-être humain et
à la pleine jouissance de ses droits fondamentaux, y compris le droit
à la vie même.
3 Convention sur la diversité biologique,
Article 2.
6
4 Convention Cadre des Nations Unies sur les
Changements Climatiques, Article premier.
Le bien--fondé d'une juridiction internationale
spécialisée en droit de l'environnement
Ainsi, la Déclaration de Stockholm de
1972 adopte une vision très anthropocentrée de l'environnement.
Elle semble indiquer qu'il existe `d'autres' environnements, qui s'ajoutent
à l'environnement de l'être humain.
L'UNFCCC fait référence à la
Résolution 44/228 de l'Assemblée
Générale des Nations Unies de 1989. Par cette résolution,
l'Assemblée Générale des Nations Unies décide de
convoquer la Conférence des Nations Unies sur l'environnement et le
développement qui durera deux semaines5 et se tiendra au
Brésil.
Elle détermine les objectifs de la Conférence de
Rio, notamment celui de promouvoir le développement du droit
international de l'environnement, compte tenu de la Déclaration de
Stockholm, ainsi que des besoins et préoccupations des pays en
développement, et examiner dans ce contexte la possibilité et
l'opportunité de définir les droits et devoirs
généraux des Etats dans le domaine de l'environnement, compte
tenu des instruments de droit international qui existent déjà en
la matière6. Un autre objectif de la Conférence de Rio
est d'évaluer les moyens dont dispose le système des Nations
Unies pour aider à prévenir et à résoudre les
différends dans le domaine de l'environnement et recommander des mesures
à cet égard, tout en respectant les accords bilatéraux et
internationaux existants qui prévoient le règlement de
différends de cette nature7.
La Résolution 44/228 de
l'Assemblée Générale des Nations Unies de 1989, bien que
prévoyant l'organisation d'une conférence internationale portant
sur l'environnement, ne définit pas cette notion.
La Déclaration de Rio de 1992 oeuvre
en vue d'accords internationaux qui respectent les intérêts de
tous et protègent l'intégrité du système mondial de
l'environnement et du développement. Elle établit 27
principes.
Elle énonce en particulier le principe selon lequel le
droit au développement doit être réalisé de
façon à satisfaire équitablement les besoins relatifs au
développement et à l'environnement des générations
présentes et futures8.
La Déclaration de Rio utilise la
notion d'environnement pour définir le développement durable,
sans toutefois définir cette notion, tout comme la
Résolution 44/228 de l'AG.
5 Résolution 44/228 de l'Assemblée
générale des Nations Unies, 22 décembre 1989, relative
à la Conférence des Nations Unies sur l'environnement et le
développement, partie I, paragraphe 1.
6 Résolution 44/228 de l'Assemblée
générale des Nations Unies, 22 décembre 1989, relative
à la Conférence des Nations Unies sur l'environnement et le
développement, partie I, paragraphe 15 (d).
7 Résolution 44/228 de l'Assemblée
générale des Nations Unies, 22 décembre 1989, relative
à la Conférence des Nations Unies sur l'environnement et le
développement, partie I, paragraphe 15 (w).
7
8 Déclaration de Rio sur l'environnement et le
développement, Principe 3.
Le bien-fondé d'une juridiction internationale
spécialisée en droit de l'environnement
Les juridictions internationales ont pu admettre la valeur
coutumière de certaines dispositions issues de la soft law, en
particulier des Déclarations de Stockholm et de Rio, telles que le
principe de non dommage au territoire d'autres Etats ou à des
territoires régis par le droit international, le principe de
prévention et plus récemment le principe de précaution
(voir plus loin, La nécessité de protéger
l'environnement en droit dans la jurisprudence internationale).
La définition de l'environnement posée par la
Déclaration de Stockholm de 1972 fait partie du
préambule de la Déclaration et non des principes qu'elle
énonce. Sa force juridique est donc moindre que les dispositions du
corps de la Déclaration.
De nombreux textes postérieurs à la
Déclaration de Stockholm font référence à cette
dernière. Ainsi, la Résolution 44/228 de
l'Assemblée Générale des Nations Unies de 1989 rappelle la
Déclaration de Stockholm. De plus, la Déclaration de Rio
de 1992 réaffirme la Déclaration de Stockholm, et
cherche à en assurer le prolongement. Enfin, le préambule de
l'UNFCCC de 1992 rappelle à la fois les dispositions
pertinentes de la Déclaration de Stockholm et de la Résolution
44/228 de l'AG.
Cependant, la définition de l'environnement de la
Déclaration de Stockholm n'est reprise expressément ni par la
Résolution 44/228 de l'AG, ni par la Déclaration de Rio, ni par
l'UNFCCC. Ainsi, il semble difficile d'affirmer qu'il existe une pratique
générale consistant à définir l'environnement,
acceptée comme étant le droit. Il ne semble donc pas exister de
définition coutumière de l'environnement.
Dans les principes généraux du droit
international
Les Constitutions allemande, américaine,
australienne, canadienne et néo-- zélandaise ne font pas
de référence expresse à l'environnement. Les
Constitutions de la Chine9, de
l'Espagne10, du Kenya11, du Maroc12, de la
Suisse13 et du Vietnam14 font
référence à l'environnement, sans toutefois définir
cette notion.
La Constitution indienne de 1950 fait
référence aux forêts, rivières et animaux sauvages
comme composantes de l'environnement naturel, sans toutefois définir
cette notion15. La Constitution de la Bolivie de
2009 fait référence à des actes qui portent atteinte
à la faune, la flore, l'eau et l'environnement, ce qui suggère
que ces trois éléments sont distincts de la notion
d'environnement16.
9 Constitution de la République populaire de
Chine, Article 26.
10 Constitution de l'Espagne, Articles 45, 148 et
149.
11 Constitution du Kenya, Article 42 et Articles 69
à 72.
12 Constitution du Maroc, Articles 31 et 71.
13 Constitution fédérale de la
Confédération suisse, Sections 65, 73-80, 86, 104, 120, 197.
14 Constitution de la République socialiste du
Vietnam, Articles 29 et 112.
15 Constitution de l'Inde, partie IV A, Article 51 A
(g).
8
16 Constitution de la République de Bolivie,
Article 189.
Le bien-fondé d'une juridiction internationale
spécialisée en droit de l'environnement
En ce qui concerne la France, la Charte de
l'environnement de 2004 définit l'environnement dans son
préambule comme « le patrimoine commun des êtres humains
», tandis que la Constitution du Brésil de
1988 définit l'environnement comme un « bien à l'usage
commun du peuple et essentiel à une saine qualité de vie
»17.
Il en résulte que les rares Constitutions nationales
qui définissent l'environnement paraissent le définir comme un
bien commun. Cependant, ces définitions ne semblent pas assez
fréquentes pour que le juge puisse en tirer un principe
général du droit.
Dans la jurisprudence internationale
Les affaires de la fonderie de Trail
(Tribunal arbitral), du détroit de Corfou (CIJ), et du
lac Lanoux (Tribunal arbitral) ne font pas directement
référence à la notion d'environnement.
Il faut attendre l'avis de la CIJ sur la
licéité de la menace et de l'emploi des armes
nucléaires de 1996, pour que la CIJ utilise la
notion d'environnement. Dans cet avis, la CIJ a défini l'environnement
comme n'étant « pas une abstraction, mais bien l'espace
où vivent les êtres humains et dont dépendent la
qualité de leur vie et leur santé, y compris pour les
générations à venir »18. Cette
définition de l'environnement est, tout comme celle de la
Déclaration de Stockholm, anthropocentrée. Dans les deux
définitions de l'avis de la CIJ et de la Déclaration de Stockholm
se retrouve la dépendance de l'Homme pour sa survie vis-à-vis de
son environnement.
Il est intéressant de souligner que l'apparition du
terme 'environnement' dans le vocabulaire utilisé par la CIJ (1996)
coïncide avec l'apparition du terme dans la Convention sur la
Diversité Biologique de 1992. Il semble que le juge international ait
tenté de pallier l'absence de définition prévue par le
droit primaire.
Dans l'affaire relative au projet
Gabèikovo--Nagymaros19, la CIJ
réaffirme sa définition de l'environnement, telle que
formulée dans son avis sur la licéité de la menace et de
l'emploi des armes nucléaires.
Dans l'affaire relative la ligne ferroviaire du Rhin
de fer, le Tribunal arbitral note que dans le domaine du droit
international de l'environnement, les règles et principes, la soft law
et le droit coutumier font tous référence à
l'environnement de façon générale comme incluant l'air,
l'eau, les sols, la faune et la flore, les écosystèmes et sites
naturels, la santé et sécurité humaine et le
climat20.
17 Constitution de la République
fédérative du Brésil, Article 225.
18 CIJ, Licéité de la menace et de
l'emploi d'armes nucléaires, avis consultatif du 8 juillet 1996, p 19 et
20, paragraphe 29.
19 CIJ, Affaire relative au projet
Gabèikovo-Nagymaros, arrêt du 25 septembre 1997,
Slovaquie/Hongrie, p 38, paragraphe 53.
9
20 Tribunal arbitral, Affaire relative la ligne
ferroviaire du Rhin de fer, sentence du 24 mai 2005, Belgique/Pays-Bas, p 28,
paragraphe 58.
Le bien--fondé d'une juridiction internationale
spécialisée en droit de l'environnement
L'avis consultatif de la chambre pour le règlement des
différends relatifs aux fonds marins du Tribunal international du droit
de la mer sur les responsabilités et obligations des Etats qui
patronnent des personnes et des entités dans le cadre
d'activités menées dans la Zone fait de
nombreuses fois référence à la notion d'environnement,
sans la définir. L'affaire de la CIJ de la chasse à la
baleine dans l'Antarctique ne définit pas non plus cette
notion, bien qu'elle y fasse bien moins référence.
Par conséquent, la définition de l'environnement
varie selon les juridictions internationales (CIJ ou Tribunal arbitral).
Dans la doctrine internationale
Le Conseil de l'Europe, dans son Manuel sur
les droits de l'Homme et l'environnement de 2012, note qu'il n'existe pas
à ce jour de définition juridique de l'environnement
acceptée par tous21.
Ainsi, il semble qu'il n'existe pas de définition
juridique consensuelle de l'environnement, que cela soit dans les sources
primaires ou secondaires du droit international. Pour autant, cela
n'empêche pas les sources du droit international de consacrer
l'obligation des Etats de protéger l'environnement.
L'obligation juridique des Etats de protéger
l'environnement
Parce que l'environnement ne connaît pas de
frontière, il existe de nombreux exemples historiques et récents
d'atteintes à l'environnement à l'échelle internationale,
ce qui a amené le droit international à évoluer dans ce
domaine. Différentes sources du droit international, à valeur
plus ou moins contraignante, consacrent l'obligation juridique des Etats de
protéger l'environnement.
Dans les conventions internationales
En particulier, des conventions internationales
environnementales générales sectorielles font apparaitre que la
nécessité de protéger l'environnement en droit
international est une contrepartie de la souveraineté des Etats sur
leurs ressources.
En premier lieu, la Convention de Montego Bay
de 1982 affirme le droit souverain des Etats d'exploiter leurs
ressources naturelles selon leur politique en matière
d'environnement22. Cependant, elle dispose aussi que les Etats
prennent toutes les mesures nécessaires pour que les activités
relevant de leur juridiction ou de leur contrôle le soient de
manière à ne pas causer de préjudice par pollution
à leur environnement23.
21 Conseil de l'Europe, Manuel sur les droits de
l'Homme et l'environnement, 2012, p 15.
22 Convention des Nations Unies sur le droit de la
mer, Article 193.
10
23 Convention des Nations Unies sur le droit de la
mer, Article 194.
11
24 Convention sur la diversité biologique,
Article 3.
25 Déclaration de Stockholm, Principe 21.
26 Résolution 44/228 de l'Assemblée
générale des Nations Unies, 22 décembre 1989, relative
à la Conférence des Nations Unies sur l'environnement et le
développement, partie I, paragraphe 7.
27 Résolution 44/228 de l'Assemblée
générale des Nations Unies, 22 décembre 1989, relative
à la Conférence des Nations Unies sur l'environnement et le
développement, partie I, paragraphe 8.
Le bien-fondé d'une juridiction internationale
spécialisée en droit de l'environnement
De plus, la Convention sur la diversité
biologique de 1992 rappelle le droit souverain de chaque Etat
d'exploiter ses propres ressources selon sa politique d'environnement, mais
aussi son devoir de faire en sorte que les activités exercées
dans les limites de sa juridiction ou sous son contrôle ne causent pas de
dommage à l'environnement dans d'autres Etats24.
Enfin, le préambule de l'UNFCCC de
1992 rappelle le droit souverain des Etats d'exploiter leurs propres ressources
selon leur propre politique d'environnement et de développement et le
devoir des Etats de faire en sorte que les activités exercées
dans les limites de leur juridiction ou sous leur contrôle ne causent pas
de dommage à l'environnement dans d'autres Etats ou dans des
régions ne relevant d'aucune juridiction nationale.
Dans la coutume internationale
En plus des conventions internationales citées
précédemment, plusieurs instruments de soft law font
référence au droit souverain des Etats d'exploiter leurs
ressources, tout en rappelant leur l'obligation de s'assurer que les
activités exercées dans les limites de leur juridiction ou sous
leur contrôle ne causent pas de dommage au territoire d'autres Etats ou
à des territoires régis par le droit international.
Tout d'abord, selon la Déclaration de Stockholm
de 1972, conformément à la Charte des Nations Unies et
aux principes du droit international, les Etats ont le droit souverain
d'exploiter leurs propres ressources selon leur politique d'environnement et
ils ont le devoir de faire en sorte que les activités exercées
dans les limites de leur juridiction ou sous leur contrôle ne causent pas
de dommage à l'environnement dans d'autres Etats ou dans des
régions ne relevant d'aucune juridiction nationale25.
Par ailleurs, dans sa Résolution 44/228
de 1989, l'AG réaffirme, en vertu de la Charte des Nations
Unies et des principes applicables en droit international, le droit souverain
des Etats d'exploiter leurs propres ressources conformément à
leur politique écologique. Elle réaffirme également qu'il
incombe aux Etats de veiller à ce que les activités relevant de
leur juridiction ou de leur contrôle ne causent pas de dommages à
l'environnement d'autres Etats ou de zones situées au-delà des
limites de leur propre juridiction nationale et qu'ils doivent jouer le
rôle qui leur revient en préservant et protégeant
l'environnement mondial et régional dans la mesure de leurs moyens et de
leurs responsabilités propres26. Elle affirme aussi la
responsabilité des Etats, touchant les dommages causés à
l'environnement et aux ressources naturelles par des activités relevant
de leur juridiction ou de leur contrôle, du fait d'interférences
transfrontières27.
Le bien-fondé d'une juridiction internationale
spécialisée en droit de l'environnement
Enfin, la Déclaration de Rio de 1992
rappelle, conformément à la Charte des Nations Unies et aux
principes du droit international, le droit souverain des Etats d'exploiter
leurs propres ressources selon leur politique d'environnement et de
développement, et le devoir des Etats de faire en sorte que les
activités exercées dans les limites de leur juridiction ou sous
leur contrôle ne causent pas de dommages à l'environnement dans
d'autres Etats ou dans des zones ne relevant d'aucune juridiction
nationale28.
De ce fait, il est possible de conclure que le principe de non
dommage au territoire d'autres Etats ou à des territoires régis
par le droit international est un principe à valeur coutumière.
C'est d'ailleurs l'interprétation qu'en fait la jurisprudence.
Dans les principes généraux du droit
international
Pour des raisons pratiques et de place, nous ne pouvons
étudier les systèmes juridiques de tous les Etats, même si,
à première vue, il semble possible d'affirmer que la plupart des
systèmes juridiques des Etats consacrent l'obligation des personnes
physiques ou morales exerçant des activités dans les limites de
leur juridiction ou sous leur contrôle de ne pas causer de dommage
à l'environnement.
C'est ainsi que le Code pénal de la
Fédération de Russie punit expressément d'une peine de
réclusion criminelle de 12 à 20 ans l'écocide, qu'il
définit comme la destruction massive de la faune ou de la flore, la
contamination de l'atmosphère ou des ressources en eau, ou la commission
d'autres actes capables de causer une catastrophe
écologique29.
Dans la jurisprudence internationale
La jurisprudence a tout d'abord consacré l'obligation
des Etats de s'assurer que les activités exercées dans les
limites de leur juridiction ou sous leur contrôle ne causent pas de
dommage au territoire d'autres Etats ou à des territoires régis
par le droit international, avant de préciser le fondement de cette
obligation et ses conséquences pratiques.
Dans l'affaire de la fonderie de Trail de
1941, le Tribunal arbitral a jugé qu'en vertu des
principes du droit international, aucun Etat n'a le droit, d'utiliser ou de
permettre l'utilisation de son territoire, de manière à causer
des dommages dus à des fumées dans ou au territoire d'un autre
Etat ou aux propriétés ou personnes dans ce dernier, lorsque les
conséquences sont sérieuses et que le dommage est établi
par des preuves claires et convaincantes.
Dans l'affaire du détroit de Corfou,
la CIJ a jugé que l'obligation, pour tout Etat, de ne pas laisser
utiliser son territoire aux fins d'actes contraires aux droits d'autres Etats,
fait partie des principes généraux et bien
reconnus30.
28 Déclaration de Rio sur l'environnement et le
développement, Principe 2.
29 Code pénal de la Fédération de
Russie, Article 358.
12
30 CIJ, Affaire du détroit de Corfou,
arrêt du 9 avril 1949, Grande-Bretagne/Albanie, p 22.
13
31 CIJ, Licéité de la menace et de
l'emploi d'armes nucléaires, avis consultatif du 8 juillet 1996, p 19 et
20, paragraphe 29.
32 CIJ, Affaire relative au projet
Gabèikovo-Nagymaros, arrêt du 25 septembre 1997,
Slovaquie/Hongrie, p 38, paragraphe 53.
33 Tribunal arbitral, Affaire relative la ligne
ferroviaire du Rhin de fer, sentence du 24 mai 2005, Belgique/Pays-Bas, p 29,
paragraphe 59.
34 Tribunal arbitral, Affaire relative la ligne
ferroviaire du Rhin de fer, sentence du 24 mai 2005, Belgique/Pays-Bas, p 90,
paragraphe 222.
Le bien-fondé d'une juridiction internationale
spécialisée en droit de l'environnement
Dans l'affaire du détroit de Corfou,
la CIJ consacre la valeur coutumière du principe de non-dommage au
territoire d'un autre Etat.
D'après l'avis de la CIJ sur la
licéité de la menace et de l'emploi d'armes
nucléaires, l'obligation générale qu'ont les
Etats de veiller à ce que les activités exercées dans les
limites de leur juridiction ou sous leur contrôle respectent
l'environnement dans d'autres Etats ou dans des zones ne relevant d'aucune
juridiction nationale fait maintenant partie du corps de règles du droit
international de l'environnement31.
Dans son l'avis sur la licéité de la
menace et de l'emploi d'armes nucléaires, la CIJ consacre la
valeur coutumière du principe de non dommage au territoire d'autres
Etats ou à des territoires régis par le droit international,
à savoir l'obligation générale qu'ont les Etats de veiller
à ce que les activités exercées dans les limites de leur
juridiction ou sous leur contrôle respectent l'environnement dans
d'autres Etats ou dans des zones ne relevant d'aucune juridiction nationale.
Dans l'affaire relative au projet
Gabèikovo--Nagymaros, la CIJ rappelle toute
l'importance que le respect de l'environnement revêt, non seulement pour
les Etats mais aussi pour l'ensemble du genre humain, en réaffirmant la
valeur coutumière du principe de non dommage au territoire d'autres
Etats ou à des territoires régis par le droit international, tel
que formulé dans son avis sur la licéité de la menace et
de l'emploi d'armes nucléaires32.
Dans l'affaire relative la ligne ferroviaire du Rhin
de fer, le Tribunal arbitral estime que lorsque le
développement est susceptible de causer un dommage à
l'environnement, il y a une obligation de prévenir ou du moins
atténuer un tel dommage. Cette obligation est devenue un principe du
droit international général selon le Tribunal
arbitral33.
Le Tribunal arbitral consacre dans l'affaire relative la ligne
ferroviaire du Rhin de fer la valeur coutumière du
principe de prévention.
Le Tribunal arbitral note qu'en 2005, en droit international
de l'environnement, une accentuation grandissante est mise sur l'obligation de
prévention34. Une grande part du droit international de
l'environnement a été formulée par référence
à l'impact que des activités dans un territoire peuvent avoir sur
un autre territoire. Le Tribunal arbitral fait alors référence au
paragraphe 29 de l'avis de la CIJ sur la licéité de l'emploi ou
de la menace des armes nucléaires, en vertu duquel le principe de non
dommage au territoire d'autres Etats ou à des territoires régis
par le droit international fait maintenant partie du corps de règles du
droit international de l'environnement.
14
35 CIJ, Affaire relative à des usines de
pâte à papier sur le fleuve Uruguay, arrêt du 20 avril 2010,
Argentine/Uruguay, p 45, paragraphe 101.
36 Ibid. et CIJ, Affaire relative à des
usines de pâte à papier sur le fleuve Uruguay, arrêt du 20
avril 2010, Argentine/Uruguay, p 68, paragraphe 193.
37 CIJ, Affaire relative à des usines de
pâte à papier sur le fleuve Uruguay, arrêt du 20 avril 2010,
Argentine/Uruguay, p 73, paragraphe 204.
Le bien-fondé d'une juridiction internationale
spécialisée en droit de l'environnement
Dans l'affaire relative à des usines de
pâte à papier sur le fleuve Uruguay35, la CIJ
observe que le principe de prévention, en tant que règle
coutumière, trouve son origine dans la diligence requise (« due
diligence ») de l'Etat sur son territoire. Selon la Cour, il s'agit
de « l'obligation, pour tout Etat, de ne pas laisser utiliser son
territoire aux fins d'actes contraires aux droits d'autres Etats ».
La Cour fait ici référence à la définition qu'elle
avait posée dans l'affaire du détroit de Corfou. Elle estime que
l'Etat est tenu de mettre en oeuvre tous les moyens à sa disposition
pour éviter que les activités qui se déroulent sur son
territoire, ou sur tout espace relevant de sa juridiction, ne causent un
préjudice sensible à l'environnement d'un autre Etat. Par deux
fois, elle cite son avis sur la licéité de la menace et de
l'emploi d'armes nucléaires et réaffirme que cette obligation
fait maintenant partie du corps de règles du droit international de
l'environnement36.
La CIJ, dans l'affaire relative à des usines de
pâte à papier sur le fleuve Uruguay rappelle la valeur
coutumière du principe de prévention, affirmée
précédemment dans l'affaire relative la ligne ferroviaire du Rhin
de fer.
Selon la Cour, l'obligation de protéger et de
préserver l'environnement doit être interprétée
conformément à une pratique acceptée si largement par les
Etats ces dernières années que l'on peut désormais
considérer qu'il existe, en droit international général,
une obligation de procéder à une évaluation de l'impact
sur l'environnement lorsque l'activité industrielle projetée
risque d'avoir un impact préjudiciable important dans un cadre
transfrontière, et en particulier sur une ressource partagée. De
plus, on ne pourrait considérer qu'une partie s'est acquittée de
son obligation de diligence, et du devoir de vigilance et de prévention
que cette obligation implique, dès lors que, prévoyant de
réaliser un ouvrage suffisamment important pour affecter le
régime du fleuve ou la qualité de ses eaux, elle n'aurait pas
procédé à une évaluation de l'impact sur
l'environnement permettant d'apprécier les effets éventuels de
son projet37.
Dans l'affaire relative à des usines de
pâte à papier sur le fleuve Uruguay, la CIJ
définit également la valeur coutumière de l'obligation de
procéder à une évaluation environnementale des projets
susceptibles d'avoir un impact préjudiciable transfrontalier important
sur l'environnement.
Par une lecture combinée de toutes ces jurisprudences,
il semble que, selon le juge international, l'obligation de réaliser une
étude environnementale découle en droit international de
l'obligation de ne pas causer de dommage au territoire d'autres Etats ou
à des territoires régis par le droit international, qui elle
découle du principe de prévention, lui-même issu de
l'obligation de diligence des Etats.
Le bien--fondé d'une juridiction internationale
spécialisée en droit de l'environnement
Le Tribunal cite l'article 194 de la Convention de Montego Bay
(cité plus haut), en vertu duquel les Etats ont l'obligation de prendre
toutes les mesures nécessaires pour que les activités relevant de
leur juridiction ou de leur contrôle soient menées de
manière à ne pas causer de préjudice par pollution
à d'autres Etats et à leur environnement. D'après le
Tribunal, l'obligation de « veiller à » en faisant
preuve de la « diligence requise » impose à l'Etat
qui patronne de prendre des mesures au sein de son ordre juridique et que ces
mesures doivent être « raisonnablement appropriées
»38.
D'après l'avis consultatif du Tribunal international du
droit de la mer sur les responsabilités et obligations des Etats qui
patronnent des personnes et des entités dans le cadre
d'activités menées dans la Zone, l'obligation
juridique des Etats de protéger l'environnement consiste en une
obligation positive de « veiller à », de «
faire en sorte », à savoir de prendre les mesures
nécessaires et appropriées pour s'assurer que les
activités relevant de leur juridiction ou de leur contrôle ne
causent pas un dommage au territoire d'un autre Etat.
La Chambre note que l'approche de précaution a
été incorporée dans un nombre croissant de traités
et autres instruments internationaux, dont beaucoup reflètent la
formulation du Principe 15 de la Déclaration de Rio. De l'avis de la
Chambre, ceci a créé un mouvement qui tend à incorporer
cette approche dans le droit international coutumier39.
Ainsi, selon l'avis consultatif du Tribunal international du
droit de la mer sur les responsabilités et obligations des Etats qui
patronnent des personnes et des entités dans le cadre
d'activités menées dans la Zone, le principe de
précaution fait partie de la coutume internationale.
D'après le Tribunal international du droit de la mer,
l'obligation de procéder à une évaluation de l'impact
potentiel sur l'environnement constitue une obligation directe en vertu de la
Convention de Montego Bay et une obligation générale en vertu du
droit international coutumier40. Le Tribunal cite à ce titre
le paragraphe 204 de l'affaire relative à des usines de pâte
à papier sur le fleuve Uruguay de la CIJ (cité plus haut).
38 Chambre pour le règlement des
différends relatifs aux fonds marins, Tribunal international du droit de
la mer, avis consultatif du 1er févr. 2011 sur les
responsabilités et obligations des Etats qui patronnent des personnes et
des entités dans le cadre d'activités menées dans la Zone,
p 41, paragraphe 120.
39 Chambre pour le règlement des
différends relatifs aux fonds marins, Tribunal international du droit de
la mer, avis consultatif du 1er févr. 2011 sur les
responsabilités et obligations des Etats qui patronnent des personnes et
des entités dans le cadre d'activités menées dans la Zone,
p 45, paragraphe 135.
40 Chambre pour le règlement des
différends relatifs aux fonds marins, Tribunal international du droit de
la mer, avis consultatif du 1er févr. 2011 sur les
responsabilités et obligations des Etats qui patronnent des personnes et
des entités dans le cadre d'activités menées dans la Zone,
p 49, paragraphe 145.
1
5
Le bien-fondé d'une juridiction internationale
spécialisée en droit de l'environnement
Par conséquent, le Tribunal international du droit de
la mer, dans son avis consultatif sur les responsabilités et obligations
des Etats qui patronnent des personnes et des entités dans le cadre
d'activités menées dans la Zone, confirme la
jurisprudence de la CIJ dans l'affaire relative à des usines de
pâte à papier sur le fleuve Uruguay, en vertu de laquelle
l'obligation de procéder à une évaluation environnementale
fait partie de la coutume internationale.
Dans la doctrine internationale
Selon la doctrine, il existe une réelle volonté
des Etats, en apparence, de protéger l'environnement, dans la mesure
où cinq cents traités multilatéraux, pour l'essentiel
régionaux, ont été adoptés dans le domaine de
l'environnement, dont plus de trois cents ont été
négociés après 197241.
Problématique et annonce de plan
Il résulte des développements qui
précèdent qu'il existe une obligation juridique, qui pèse
sur les Etats, de protéger l'environnement à l'échelle
internationale. Pourtant, le nombre d'atteintes à l'environnement
à l'échelle internationale est en hausse. En outre, le crime
environnemental est devenu la quatrième source de revenus du crime
organisé, derrière la drogue, le trafic d'êtres humains et
d'armes42. En particulier le crime international environnemental
organisé, à savoir l'exploitation illégale du bois; le
braconnage et le commerce illégal d'espèces animales ou
végétales; la pêche illégale ; l'activité
minière illégale ; et le déversement illégal de
déchets toxiques, rapporterait entre 70 et 123 milliards de dollars
annuels43.
Les revenus issus de ces crimes peuvent ensuite servir
à financer des milices et des groupes terroristes, comme c'est le cas en
République Démocratique du Congo et en Somalie44. Des
séparatistes locaux bangladais et d'autres milices indiennes
affiliées à Al Qaeda ont été impliqués dans
le commerce illégal d'ivoire, de peaux de tigre et de cornes de
rhinocéros en Asie du sud-est45. Le commerce de charbon de
bois pourrait aussi être une source possible de revenus pour Boko Haram,
même si cela reste incertain pour le moment46.
41 Raphaël Romi, Droit international et
européen de l'environnement, p 12.
42 Valéry Laramée de Tannenberg,
Peut--on réprimer le crime environnemental?, Journal de
l'environnement, 16 mars 2016.
43 Rapport de UNEP et Interpol, The environmental
crime crisis, 2014, p 7.
44 Rapport de UNEP et Interpol, The environmental
crime crisis, 2014, p 4 et 8.
45 Rapport de UNEP et Interpol, The environmental
crime crisis, 2014, p 48.
16
46 Rapport de UNEP et Interpol, The environmental
crime crisis, 2014, p 81.
Le bien-fondé d'une juridiction internationale
spécialisée en droit de l'environnement
Se pose alors la question de savoir comment mieux s'assurer de
l'exécution par les Etats de leur obligation juridique de
protéger l'environnement à l'échelle internationale,
à savoir comment permettre une meilleure protection de l'environnement
par le biais du droit international. En particulier, quels sont les moyens
existants de protection de l'environnement en droit international ? Sont-ils
suffisants ? Comment les améliorer?
Le droit international est le droit qui s'applique entre des
sujets de droit international. Ces sujets du droit international sont en
premier lieu les Etats. Il en existe 194, dont 50 en Europe, 47 au Conseil de
l'Europe et 28 dans l'UE. Les sujets du droit international sont en second lieu
les Organisations Internationales (OI) : ce sont des associations, groupements
d'Etats qui peuvent être générales ou
spécialisées (lorsque leur action se limite à un domaine),
à compétence internationale ou régionale (lorsque leur
action se limite à une région).
Les Etats sont des sujets de droit international souverains et
égaux. Par conséquent, il n'existe pas, en principe,
d'entité supérieure à l'Etat dans l'ordre juridique
international chargée de créer le droit, de l'exécuter, ni
de contrôler sa bonne application.
La création du droit international repose sur le
principe du consensualisme, en vertu duquel il n'existe pas de droit en dehors
de la volonté des Etats. La validité des normes internationales
n'a d'autre fondement ultime que la volonté ou l'acceptation des Etats
pour qui elles font droit47. Ainsi, la principale source du droit
international est les traités internationaux48. Dans l'ordre
juridique international, le droit synallagmatique, à savoir le mode
conventionnel de production des normes, prime.
L'exécution de leurs obligations par les Etats repose
sur le principe de réciprocité, selon lequel l'obligation de
chaque Etat trouve sa cause juridique dans les obligations des autres
Etats49.
Concernant le contrôle de l'application du droit, il
existe des mécanismes juridictionnels en droit international, mais
l'aptitude légale des juridictions internationales à
connaître d'une affaire contentieuse dépend du consentement des
deux parties (à l'avance ou non)50. Les juridictions
internationales ayant un caractère facultatif, les Etats ont, sous
certaines conditions, le droit de se faire justice eux-mêmes. En
particulier, ils peuvent faire usage du mécanisme de contre-mesures pour
s'assurer du respect du droit international. D'après ce
mécanisme, un Etat estimant ses droits atteints par le comportement
illicite d'un autre, a le droit de rétorquer par un comportement
lui-même intrinsèquement illicite, mais que sa qualité de
réplique légitime au regard du droit
international51.
47 Jean Combacau et Serge Sur, Droit international
public, p 25.
48 Statut de la Cour Internationale de Justice,
Article 38.
49 Jean Combacau et Serge Sur, Droit international
public, p 28.
50 Jean Combacau et Serge Sur, Droit international
public, p 27.
17
51 Jean Combacau et Serge Sur, Droit international
public, p 28.
Le bien-fondé d'une juridiction internationale
spécialisée en droit de l'environnement
Cependant, les contre-mesures ne sont admises en droit
international que dans la mesure où le retour à la
légalité ne peut être obtenu par les procédures de
règlement pacifique des différends52. En outre, en
vertu du droit international, les Etats doivent respecter le principe de
règlement pacifique des différends. Ils ont cependant le choix
des moyens de règlement de leurs différends. Ces divers modes de
règlements comprennent des moyens de règlement diplomatiques
d'une part, tels que les négociations, la médiation, et la
conciliation; et des moyens de règlement juridictionnels d'autre part,
tels que l'arbitrage ou la soumission du différend à une
juridiction internationale.
Le droit international de l'environnement n'échappe pas
à la faiblesse structurelle du droit international relative au
caractère consensuel du droit international53. Or, il existe
un problème d'absence de réciprocité en droit
international de l'environnement : l'exécution des obligations
environnementale de chaque Etat ne trouve pas sa cause juridique dans les
obligations des autres Etats. Ainsi, le mécanisme de contre-mesures ne
peut être utilisé en matière de droit de l'environnement,
ce qui le rend faible. La doctrine parle souvent de droit `mou'.
Dans la mesure où les contre-mesures sont inutilisables
en droit de l'environnement, le respect du droit dans ce domaine repose
principalement sur les procédures de règlement pacifique des
différends, et donc sur les mécanismes juridictionnels.
Une juridiction est un organe doté du pouvoir de dire
le droit. Ses décisions sont revêtues de l'autorité de la
chose jugée. Elle se distingue d'un tribunal arbitral, dans la mesure
où l'institution, la composition et le mode de fonctionnement d'une
juridiction échappent à la maitrise des parties54.
Une juridiction internationale est une juridiction ayant
compétence sur au moins deux Etats. Parmi les juridictions
internationales se distinguent les juridictions internationales permanentes des
juridictions ad hoc. Les secondes sont apparues à la suite d'un conflit
spécifique et n'ont vocation à juger, pendant une période
déterminée, que des faits qui y sont liés55.
C'est le cas par exemple des tribunaux pénaux internationaux pour
l'ex-Yougoslavie et le Rwanda. Dans le cas présent, nous ne nous
intéresserons pas aux juridictions ad hoc, dans la mesure où
celles-ci ne permettent pas une protection optimale de l'environnement
puisqu'elles ne sont pas permanentes.
52 Pierre-Marie Dupuy et Yann Kerbrat, Droit
international public, p 567.
53 Raphaël Romi, Droit international et
européen de l'environnement, p 12.
54 Jean Combacau et Serge Sur, Droit international
public, p 575.
18
55 Site internet du Ministère de la Justice
français, Les juridictions internationales.
Le bien--fondé d'une juridiction internationale
spécialisée en droit de l'environnement
Parmi les juridictions permanentes, plusieurs distinctions
peuvent être opérées, notamment entre celles qui traitent
du contentieux interétatique et celles qui traitent du contentieux
transétatique, opposant un Etat à une autre partie non
étatique (OI ou sujet de droit national). Une distinction peut
également être faite entre les juridictions traitant d'un
contentieux spécialisé ou général. Enfin, une
distinction peut être opérée entre les juridictions
traitant d'un contentieux régional ou universel. Là encore, nous
ne nous intéresserons pas aux juridictions traitant d'un contentieux
régional, dans la mesure où elles ne permettent pas une
protection optimale de l'environnement à l'échelle mondiale.
Il n'existe que trois juridictions internationales universelles
permanentes56.
La première est la Cour Internationale de Justice
(CIJ), compétente en droit international. La seconde est la Cour
Pénale Internationale (CPI), compétente en droit international
pénal. En outre, elle est compétente en matière de quatre
crimes internationaux. Enfin, la troisième est le Tribunal international
du droit de la mer, compétent en droit maritime.
Il en résulte qu'il n'existe pas de juridiction
internationale permanente et universelle compétente uniquement en droit
de l'environnement, à savoir de juridiction internationale
spécialisée en droit de l'environnement.
Or, contrairement à la matière des droits
humains, pour laquelle ont été créées des cours
spécialisées qui peuvent condamner unilatéralement l'Etat
qui viole les droits humains, il n'existe pas non plus de juridiction
internationale traitant d'un contentieux régional de l'environnement. La
protection de l'environnement, pour beaucoup, ne semble pas avoir la même
importance que la protection des droits humains. De plus, il se trouve que ces
trois juridictions internationales se prononcent rarement en matière
d'environnement, en dehors des cas précités. En effet, il n'y a
que vingt affaires de la CIJ qui traitent du droit international de
l'environnement.
En d'autres termes, il n'existe aucune organisation
spécifique qui garantit l'effectivité du droit international de
l'environnement57. Il en résulte que l'absence de
réciprocité en ce qui concerne la branche particulière du
droit international de l'environnement n'est pas compensée par
l'existence d'institutions susceptibles d'infléchir la volonté
des Etats58.
Dès lors, il est possible de se demander si la
création d'une juridiction internationale nouvelle
spécialisée en droit de l'environnement serait nécessaire
afin de mieux protéger l'environnement. Ce n'est qu'au regard de cet
objectif de protection et d'assurer l'effectivité de l'obligation des
Etats de protéger l'environnement, que la création de cette
juridiction serait bien fondée.
56 Site internet de Légifrance, Juridictions
internationales.
57 Raphaël Romi, Droit international et
européen de l'environnement, p 13.
19
58 Raphaël Romi, Droit international et
européen de l'environnement, p 12.
20
Le bien-fondé d'une juridiction internationale
spécialisée en droit de l'environnement
Au regard de cet objectif se pose la question du
bien-fondé de l'existence d'une juridiction internationale
compétente en droit de l'environnement (Partie I). Si cette existence
est bien fondée, se pose alors la question de la forme que doit prendre
cette juridiction. En particulier, l'extension de la compétence de
juridictions existantes serait-elle efficace au regard de cet objectif de
protection (Partie II) ? Ou bien la création d'une nouvelle juridiction
serait-elle à favoriser (Partie III) ?
21
Le bien-fondé d'une juridiction internationale
spécialisée en droit de l'environnement
Partie Ière : Le bien--fondé de
l'existence d'une juridiction internationale compétente en droit de
l'environnement
De nombreux arguments peuvent être opposés
à l'existence même d'une juridiction internationale
compétente en droit de l'environnement.
Titre Ier : Les institutions internationales de protection de
l'environnement
Il est en outre possible d'argumenter qu'il serait plus
efficace, pour protéger l'environnement à l'échelle
internationale, d'adopter une politique préventive plutôt que
répressive. En d'autres termes, cela reviendrait à renforcer le
pouvoir des institutions internationales existantes spécialisées
en droit de l'environnement, plutôt que d'étendre la
compétence de juridictions existantes en matière environnementale
ou de créer une nouvelle juridiction internationale
spécialisée en droit de l'environnement. Cet argument s'inscrit
dans la nature consensuelle du droit international, qui respecte la
souveraineté des Etats et préfère une logique
coopérative de conseil aux Etats à une logique de sanction en cas
de non-respect de normes préétablies.
Il existe en outre déjà de nombreux instruments
juridiques de protection de l'environnement à l'échelle
internationale. Les principales institutions internationales intervenant dans
le domaine du droit international de l'environnement sont le PNUE, le fonds
pour l'environnement mondial, les COP et l'UICN. Cependant, si l'on poursuit un
réel objectif de protection de l'environnement à l'échelle
internationale, le renforcement des pouvoirs de ces institutions
n'empêche en rien l'existence d'une juridiction internationale
compétente en droit de l'environnement.
Chapitre Ier : Les Organisations Internationales
(OI)
Certaines OI à compétence internationale (le
PNUE, la FAO, l'UNESCO, l'Autorité des grands fonds marins, l'OMS,
l'OMC, le FMI...) ou régionale (le Conseil de l'Europe, l'UE...) peuvent
en effet agir dans le domaine de l'environnement.
Le Programme des Nations Unies pour l'environnement (PNUE)
En particulier, les fonctions et responsabilités du
PNUE sont détaillées dans la Résolution 2997
de l'Assemblée Générale des Nations Unies de
1972, relative aux dispositions institutionnelles et financières
concernant la coopération internationale dans le domaine de
l'environnement, qui crée cette OI.
Par la suite, certaines conventions internationales, telles
que la CITES et la Convention de Bonn, ont donné compétence au
PNUE pour assurer le secrétariat de la Convention.
Le bien--fondé d'une juridiction internationale
spécialisée en droit de l'environnement
La CITES prévoit que le
secrétariat de la Convention est assuré par le Directeur
exécutif du PNUE. Dans la mesure où il le juge opportun, ce
dernier peut bénéficier du concours d'organismes internationaux
ou nationaux appropriés, gouvernementaux et non gouvernementaux,
compétents en matière de protection, de conservation et de
gestion de la faune et de la flore sauvages. La Convention définit les
attributions de ce secrétariat59.
La Convention de Bonn prévoit aussi
que le secrétariat de la Convention est assuré par le Directeur
exécutif du PNUE. Dans les limites et d'une manière qu'il jugera
adéquates, ce dernier peut bénéficier du concours
d'organisations et d'institutions internationales ou nationales
appropriées, intergouvernementales ou non gouvernementales,
techniquement compétentes dans le domaine de la protection, de la
conservation et de la gestion de la faune sauvage. La Convention définit
les fonctions de ce secrétariat60.
La Convention de Montego Bay précise
la compétence du PNUE pour dresser la liste d'experts que chaque Etat
Partie peut désigner dans le cadre d'un différend relatif
à l'interprétation ou à l'application des articles de la
Convention concernant la protection et la préservation du milieu
marin61. Jusqu'à la première réunion de la COP,
le secrétariat de la CDB a été
assuré par le PNUE62. Enfin, le préambule de
l'UNFCCC souligne l'importance des contributions
apportées par le PNUE à l'échange des résultats de
la recherche scientifique et à la coordination de la recherche.
Ainsi, le PNUE, dont la mise en place a été
présidée par la Conférence de Stockholm de 1972, ne
dispose pas de moyens de contrainte63.
Le fonds mondial pour l'environnement
Le fonds mondial pour l'environnement a été
créé en 1991. Le Programme des Nations Unies pour le
développement, le PNUE et la Banque internationale sont les trois
partenaires initiaux de ce fonds appliquant les projets du
fonds64.
Il est prévu par la CDB que la COP
décide lors de sa première réunion d'une structure
institutionnelle qui assurerait un mécanisme de financement pour fournir
des ressources financières aux Parties qui sont des pays en
développement, aux fins de la Convention, sous forme de dons ou à
des conditions de faveur. Le Fonds pour l'environnement mondial du Programme
des Nations Unies pour le développement, du PNUE et de la Banque
internationale pour la reconstruction et le développement est
provisoirement cette structure institutionnelle, jusqu'à la
première réunion de la COP65.
59 Convention sur le commerce international des
espèces de faune et de flore sauvages menacées d'extinction,
Article XII.
60 Convention sur la conservation des
espèces migratrices appartenant à la faune sauvage, Article
IX.
61 Convention des Nations Unies sur le droit de la
mer, Annexe VIII, Article 2.
62 Convention sur la diversité biologique,
Article 40.
63 Raphaël Romi, Droit international et
européen de l'environnement, p 12.
64 Site internet du PNUE, Division de la Coordination
du Fonds mondial pour l'environnement.
22
65 Convention sur la diversité biologique,
Article 39.
23
66 Convention Cadre des Nations Unies sur les
Changements Climatiques, Article 21 (3).
67 Raphaël Romi, Droit international et
européen de l'environnement, p 12.
68 Convention relative aux zones humides
d'importance internationale particulièrement comme habitats de la
sauvagine 1971, Article 6.
69 Convention sur le commerce international des
espèces de faune et de flore sauvages menacées d'extinction,
Article XI.
Le bien--fondé d'une juridiction internationale
spécialisée en droit de l'environnement
L'UNFCCC prévoit, comme la CBD, un
système de financement similaire à celui prévu par la CDB.
Le Fonds pour l'environnement mondial du Programme des Nations Unies pour le
développement, du PNUE et de la Banque internationale pour la
reconstruction et le développement a été l'entité
internationale chargée d'assurer à titre provisoire le
fonctionnement de ce mécanisme financier66.
Au fonds mondial pour l'environnement et au PNUE s'ajoute la
Commission du développement durable, créée par le Conseil
économique et social à la suite de la Conférence de Rio,
qui ne que pour mission d'assurer un suivi efficace de la Conférence des
Nations Unies pour l'environnement et le développement67.
Chapitre II: Les Conférences des Parties
(COP)
Les Conférences des Parties sont des institutions
permanentes créées par des conventions internationales, qui n'ont
pas la personnalité juridique, mais qui surveillent l'application des
traités et font évoluer les conventions en y ajoutant des
protocoles.
La Convention de Ramsar prévoit que
quand la nécessité s'en fera sentir, les Parties contractantes
organiseront des conférences sur la conservation des zones humides et de
la sauvagine. Ces conférences ont un caractère consultatif et
elles ont notamment compétence pour discuter de l'application de la
Convention, pour discuter d'additions et de modifications à apporter
à la liste des zones humides d'importance internationale, pour examiner
les informations sur les modifications des conditions écologiques des
zones humides inscrites dans la liste, pour faire des recommandations, aux
Parties contractantes, au sujet de la conservation, de la gestion et de
l'exploitation rationnelle des zones humides, de leur flore et de leur faune,
et pour demander aux organismes internationaux compétents
d'établir des rapports et des statistiques sur les sujets de nature
essentiellement internationale concernant les zones humides68.
La CITES prévoit que le
secrétariat de la Convention convoquera une session de la
Conférence des Parties au plus tard deux ans après
l'entrée en vigueur de la Convention69. Par la suite, le
secrétariat convoque des sessions ordinaires de la Conférence au
moins une fois tous les deux ans. Lors des sessions de cette Conférence,
les Parties procèdent à un examen d'ensemble de l'application de
la Convention.
24
70 Convention sur la conservation des
espèces migratrices appartenant à la faune sauvage, Article
VII.
71 Convention sur la diversité biologique,
Article 23.
72 Convention Cadre des Nations Unies sur les
Changements Climatiques, Article 7 (2) (e).
73 Site internet de l'UICN, A propos, L'union.
74 Convention relative aux zones humides
d'importance internationale particulièrement comme habitats de la
sauvagine 1971, Article 8.
Le bien--fondé d'une juridiction internationale
spécialisée en droit de l'environnement
La Conférence des Parties constitue l'organe de
décision de la Convention de Bonn. Comme pour la CITES,
le secrétariat convoque une session de la Conférence des Parties
deux ans au plus tard après l'entrée en vigueur de la Convention.
En revanche, contrairement à la CITES, par la suite, le
Secrétariat convoque à trois ans d'intervalle au plus, une
session ordinaire de la Conférence des Parties. La Conférence des
Parties établit le règlement financier de la Convention qu'elle
soumet à un examen régulier, et elle adopte le budget pour
l'exercice suivant. Enfin, elle procède à un examen de
l'application de la Convention70.
La CDB institue une COP, dont la
première réunion est convoquée par le directeur
exécutif du PNUE, un an au plus tard après l'entrée en
vigueur de la Convention71. Par la suite, les réunions
ordinaires de la COP ont lieu régulièrement, selon la
fréquence déterminée par la Conférence à sa
première réunion. La COP arrête et adopte son propre
règlement intérieur et celui de tout organe subsidiaire qu'elle
pourra créer, ainsi que le règlement financier régissant
le financement du secrétariat. A chaque réunion ordinaire, elle
adopte le budget de l'exercice financier courant jusqu'à la session
ordinaire suivante. Enfin, elle examine l'application de la Convention.
Une COP est aussi créée par
l'UNFCCC. Elle est chargée d'évaluer
l'application de la Convention par les Parties, les effets d'ensemble des
mesures prises en application de la Convention, notamment les effets
environnementaux, et leurs incidences cumulées, et les progrès
réalisés vers l'objectif de la Convention72.
Chapitre III : Les Organisations Non Gouvernementales
(ONG)
Les ONG telles que l'Union Internationale pour la Conservation
de la Nature (UICN), World Wildlife Fund (WWF) ou Greenpeace jouent aussi un
rôle important dans la protection de l'environnement, en vertu des
conventions internationales. En particulier, l'UICN a été
créée en 1948 et a la particularité de se composer
à la fois de gouvernements et d'organisations de la
société civile73.
D'après la Convention de Ramsar,
l'UICN assurera les fonctions du bureau permanent, jusqu'au moment où
une autre organisation ou un gouvernement sera désigné par une
majorité des deux tiers de toutes les Parties
contractantes74. Ce bureau permanent aide à convoquer et
à organiser les conférences des parties, tient la Liste des zones
humides d'importance internationale, et reçoit des Parties contractantes
les informations sur toutes additions, extensions, suppressions ou diminutions,
relatives aux zones humides inscrites sur la liste, reçoit des Parties
contractantes les informations sur toutes modifications des conditions
écologiques des zones humides inscrites sur la liste, notifie à
toutes les Parties contractantes toute modification de la liste, ou tout
changement dans les caractéristiques des zones humides inscrites, et
prendre les dispositions pour que ces questions soient discutées
à la prochaine conférence, et donne connaissance à la
Partie contractante intéressée des recommandations des
conférences en ce qui concerne ces modifications à la liste ou
ces changements dans les caractéristiques des zones humides
inscrites.
Le bien--fondé d'une juridiction internationale
spécialisée en droit de l'environnement
La Convention de l'UNESCO institue
auprès de l'ONU pour l'éducation, la science et la culture, un
Comité intergouvernemental de la protection du patrimoine culturel et
naturel de valeur universelle exceptionnelle dénommé «
le Comité du patrimoine mondial ». Assistent aux
séances du Comité avec voix consultative, notamment, un
représentant de l'UICN, auxquels peuvent s'ajouter, à la demande
des Etats parties réunis en assemblée générale au
cours des sessions ordinaires de la Conférence générale de
l'ONU pour l'éducation, la science et la culture, des
représentants d'autres organisations intergouvernementales ou non
gouvernementales ayant des objectifs similaires75.
Le Comité du patrimoine mondial reçoit et
étudie les demandes d'assistance internationale formulées par les
Etats parties à la Convention en ce qui concerne les biens du patrimoine
culturel et naturel situés sur leur territoire, qui figurent ou sont
susceptibles de figurer sur la liste du patrimoine mondial et la liste du
patrimoine mondial en péril. Ce Comité coopère avec les
organisations internationales et nationales, gouvernementales et non
gouvernementales, ayant des objectifs similaires à ceux de la Convention
pour la mise en oeuvre de ses programmes et l'exécution de ses projets.
Il peut faire appel à ces organisations, en particulier à l'UICN,
ainsi qu'à d'autres organismes publics ou privés et à des
personnes privées76.
Enfin, le Directeur général de l'ONU pour
l'éducation, la science et la culture nomme un secrétariat qui
assiste le Comité du patrimoine mondial. Il prépare la
documentation du Comité du patrimoine mondial, l'ordre du jour de ses
réunions et assure l'exécution de ses décisions. Ce
faisait, le Directeur général de l'ONU pour l'éducation,
la science et la culture utilise le plus possible, en autres, les services de
l'UICN, dans les domaines de ses compétences et de ses
possibilités respectives77.
Ainsi l'UICN a un rôle majeur dans l'application de la
Convention de l'UNESCO. Comme les COP, les ONG n'ont pas la
personnalité juridique en droit international.
Le renforcement du pouvoir des institutions internationales
(OI, COP, ONG) ne fait pas pour autant obstacle à une approche
combinée, à savoir une approche qui lie prévention et
répression.
Titre II: La réciprocité avec les règles du
droit international économique
Il est par ailleurs possible d'argumenter que l'existence
d'une juridiction internationale compétente en droit de l'environnement
ne serait pas justifiée en raison de la réciprocité
possible des règles du droit international de l'environnement avec
d'autres obligations, telles que les obligations économiques. Selon cet
argument, cette réciprocité pourrait être utilisée
comme moyen d'assurer le respect des obligations environnementales, comme en
matière de droits humains.
75 Convention concernant la protection du patrimoine
mondial culturel et naturel, Article 8.
76 Convention concernant la protection du patrimoine
mondial culturel et naturel, Article 13.
25
77 Convention concernant la protection du patrimoine
mondial culturel et naturel, Article 14.
Le bien-fondé d'une juridiction internationale
spécialisée en droit de l'environnement
Cependant, cette réciprocité n'est pour le
moment que théorique, en partie à cause d'un détournement
des règles du droit international économique par les Etats
développés. Or ce détournement des règles est
problématique, dans la mesure où l'Organe de règlement des
différends (ORD) de l'OMC ne dispose pas à ce jour des pouvoirs
de sanction nécessaires pour y remédier.
Chapitre I : Le détournement des règles du
droit international économique
Les règles du droit international économique
prévoient en théorie la possibilité d'une
réciprocité avec les règles du droit international de
l'environnement.
Le commerce international est extrêmement important pour
une utilisation efficiente des ressources naturelles, mais aussi pour une
circulation plus large des produits et des services à faible empreinte
environnementale78. Les règles en matière de commerce
international ont depuis longue date envisagé ces interactions, mais les
questions environnementales ont été intégrées d'une
manière plus claire au sein de l'Organisation Mondiale du Commerce
(OMC). Un groupe de travail sur les mesures environnementales et le commerce
international, créé par les Etats parties à l'Accord
général sur les tarifs douaniers et le commerce (GATT) de 1947, a
par exemple servi de matrice pour la création du Comité du
commerce et de l'environnement de l'OMC.
En particulier, l'article XX du GATT de 1947
prévoit des exceptions générales aux
règles de l'accord de l'OMC en matière environnementale. Cet
article énonce que sous réserve que ces mesures ne soient pas
appliquées de façon à constituer soit un moyen de
discrimination arbitraire ou injustifiable entre les pays
où les mêmes conditions existent, soit une restriction
déguisée au commerce international, rien dans l'accord ne
sera interprété comme empêchant l'adoption ou l'application
par toute partie contractante des mesures :
b) nécessaires à la protection de la
santé et de la vie des personnes et des animaux ou à la
préservation des végétaux;
g) se rapportant à la conservation des
ressources naturelles épuisables, si de telles mesures sont
appliquées conjointement avec des restrictions à la production ou
à la consommation nationales.
Cette possibilité de réciprocité a aussi
été consacrée par l'Organe de règlement des
différends (ORD) de l'OMC.
En outre, dans l'affaire des
crevettes--tortues, Inde etc./Etats-Unis, de l'Organe d'appel
de l'ORD de 1998, l'ORD a clairement dit qu'au titre des règles de
l'OMC, les pays ont le droit de prendre des mesures commerciales pour
protéger l'environnement (en particulier la santé des personnes,
des animaux ou la préservation des végétaux) ainsi que les
espèces en voie d'extinction et les ressources
épuisables79. Il a donc admis la possibilité
théorique de faire des entorses à la concurrence en vertu de
motifs environnementaux80.
78 Pierre-Marie Dupuy et Jorge E. Viñuales,
Introduction au droit international de l'environnement, p 443.
79 Site internet de l'OMC, Inde etc./Etats-Unis :
l'affaire «crevettes--tortues».
80 Pierre-Marie Dupuy et Jorge E. Viñuales,
Introduction au droit international de l'environnement, p 449.
2
6
Le bien-fondé d'une juridiction internationale
spécialisée en droit de l'environnement
Ainsi, en théorie, il est possible de déroger
aux règles du droit international économique en vertu de
l'objectif de protection de l'environnement. Pourtant, jusqu'à
présent, cette possibilité n'a jamais été admise
in concreto sous l'angle de l'article XX81. Le fait que
cette possibilité ne reste que théorique peut s'expliquer par
plusieurs facteurs, notamment le détournement des règles
économiques par les Etats.
En pratique, nombre d'Etats en voie de développement
perçoivent l'attitude environnementale de certains Etats
développés comme une tentative de recherche d'avantages
concurrentiels sur leurs produits et leurs investissements, sous couvert du
drapeau de la protection environnementale82. En effet, certains
Etats invoquent la protection de l'environnement comme justification de leur
législation nationale, alors même que leur objectif réel
est de permettre une atteinte au principe de non-discrimination en
matière commerciale.
Ce fut notamment le cas des Etats-Unis dans l'affaire des
crevettes--tortues précitée. L'ORD a
considéré que cette justification était possible, mais
que, dans les circonstances de l'espèce, les conditions n'étaient
pas remplies, en particulier du fait des exigences du « chapeau
» de l'article XX. Le chapeau de l'article XX prévoit en outre
que les mesures ne doivent pas être appliquées de façon
à constituer un moyen de discrimination arbitraire ou injustifiable
entre les pays où les mêmes conditions existent.
Dans cette affaire, les Etats-Unis ont interdit l'importation
de crevettes et de produits à base de crevettes, sous couvert de la
protection des tortues marines. Cependant, ils accordaient aux pays de
l'hémisphère occidental - essentiellement dans les Caraïbes
- une assistance technique et financière et des délais de
transition plus longs pour que leurs pêcheurs de crevettes se mettent
à utiliser des dispositifs d'exclusion des tortues, tandis qu'ils
n'accordaient pas les mêmes avantages aux quatre pays d'Asie (Inde,
Malaisie, Pakistan et Thaïlande)83.
Cela peut aussi s'expliquer par l'interprétation que fait
l'ORD de l'article XX.
En effet, dans le cas de la justification par l'article XX
(b), l'ORD fait en outre une application très stricte du critère
de nécessité, comme le prouve l'affaire des conditions
d'octroi de préférences tarifaires aux pays en
développement, Inde etc./Communautés européennes,
de l'Organe d'appel de l'ORD de 200484. L'ORD fait aussi une
interprétation stricte du critère de rapport de la justification
par l'article XX (g), comme le montre l'affaire essence,
Venezuela et Brésil/Etats-Unis, de l'Organe d'appel de l'ORD de
199685.
Ainsi, la réciprocité des obligations
économiques avec les obligations environnementales apparaît pour
le moment plus virtuelle que réelle.
81 Pierre-Marie Dupuy et Jorge E. Viñuales,
Introduction au droit international de l'environnement, p 449.
82 Pierre-Marie Dupuy et Jorge E. Viñuales,
Introduction au droit international de l'environnement, p 435.
83 Site internet de l'OMC, Inde etc./Etats-Unis :
l'affaire «crevettes--tortues».
84 Site internet de l'OMC, WTO Analytical Index on
GATT Article XX, paragraphe 895.
27
85 Site internet de l'OMC, WTO Analytical Index on
GATT Article XX, paragraphe 938.
28
86 Site internet de l'OMC, Portail des textes
juridiques.
87 Mémorandum d'accord sur les règles
et procédures régissant le règlement des
différends, Article 1er, paragraphe 1.
88 Site internet de l'OMC, Portail des textes
juridiques.
89 Accord général sur les tarifs
douaniers et le commerce de 1994, Paragraphe 1.
90 Mémorandum d'accord sur les règles
et procédures régissant le règlement des
différends, Article 2, paragraphe 1.
91 Mémorandum d'accord sur les règles
et procédures régissant le règlement des
différends, Article 4.
92 Mémorandum d'accord sur les règles
et procédures régissant le règlement des
différends, Article 5.
Le bien--fondé d'une juridiction internationale
spécialisée en droit de l'environnement
Chapitre II: L'absence de pouvoir de sanction propre de
l'ORD
La réciprocité des règles du droit
international économique avec les règles du droit international
de l'environnement n'est d'ailleurs pas nécessairement souhaitable, dans
la mesure où l'ORD ne dispose pas actuellement des pouvoirs
nécessaires de sanction des Etats détournant les règles
à leur profit.
Les pouvoirs de l'ORD sont définis dans l'annexe 2 de
l'Accord instituant l'OMC
que constitue le Mémorandum d'accord sur les
règles et procédures régissant le règlement des
différends86.
Le Mémorandum d'accord établit un système
intégré permettant aux Membres de l'OMC de fonder leurs
revendications sur n'importe lequel des accords commerciaux
multilatéraux inclus dans les annexes de l'Accord instituant
l'OMC87. Le GATT de 1994 constitue l'annexe 1 de l'Accord instituant
l'OMC88. Il comprend, entre autres, le GATT de 1947 tel qu'il a
été rectifié, amendé ou modifié par les
dispositions des instruments juridiques qui sont entrés en vigueur avant
la date d'entrée en vigueur de l'Accord sur l'OMC89. Un
Organe de Règlement des Différends (ORD) est créé
par le Mémorandum d'accord sur les règles et procédures
régissant le règlement des différends90.
Ainsi, l'article XX du GATT de 1947 peut être
invoqué par les Etats devant l'ORD. Le Mémorandum d'accord
consacre des principes de règlement des différends existants sous
l'ancien système, avant la création de l'OMC en 1994, tout en
juridicisant le processus de règlement des différends.
Le règlement des différends dans le cadre de
l'OMC repose d'abord sur la consultation, à savoir des
négociations bilatérales. En outre, les Membres de l'OMC
affirment leur résolution de renforcer et d'améliorer
l'efficacité des procédures de consultation91.
Cependant, les Etats peuvent aussi recourir à des procédures
impliquant des tiers, tels que les bons offices, la conciliation et la
médiation92.
29
93 Mémorandum d'accord sur les règles
et procédures régissant le règlement des
différends, Article 6.
94 Mémorandum d'accord sur les règles
et procédures régissant le règlement des
différends, Article 7.
95 Mémorandum d'accord sur les règles
et procédures régissant le règlement des
différends, Article 8.
96 Mémorandum d'accord sur les règles
et procédures régissant le règlement des
différends, Article 16, paragraphe 4.
97 Site internet de l'OMC, Présentation
technique du Mémorandum d'accord relatif aux règles et
procédures régissant le règlement des différends,
paragraphe 6.
98 Mémorandum d'accord sur les règles
et procédures régissant le règlement des
différends, Article 17.
99 Mémorandum d'accord sur les règles
et procédures régissant le règlement des
différends, Article 21.
100 Mémorandum d'accord sur les règles et
procédures régissant le règlement des différends,
Article 23.
101 Mémorandum d'accord sur les règles et
procédures régissant le règlement des différends,
Article 24.
Le bien-fondé d'une juridiction internationale
spécialisée en droit de l'environnement
Lorsqu'un différend n'est pas réglé par
voie de consultations, le Mémorandum d'accord prévoit
l'établissement d'un groupe spécial, si la partie plaignante le
demande93. Ce groupe spécial a pour mandat d'examiner la
question portée devant l'ORD par une partie au différend, et de
faire des constatations propres à aider l'ORD à formuler des
recommandations ou à statuer sur la question94. Il est
composé de trois personnes ayant des compétences et une
expérience appropriées et venant de pays dont le gouvernement
n'est pas partie au différend95. Les rapports des groupes
spéciaux sont adoptés par l'ORD, sauf si une partie décide
de faire appel ou si l'ORD décide par consensus de ne pas
l'adopter96.
Le concept d'examen en appel est un élément
nouveau important du Mémorandum d'accord97.
Un Organe d'appel, composé de sept membres, dont trois
siégeant pour une affaire donnée, est institué par la
Mémorandum98. L'appel est limité aux questions de
droit couvertes par le rapport du groupe spécial et aux
interprétations de droit données par celui-ci. Les rapports de
l'organe d'appel sont quant à eux adoptés par l'ORD, sauf si
l'ORD décide par consensus de ne pas l'adopter. Le fait qu'un consensus
soit nécessaire rend l'adoption des rapports quasi automatiques.
Les Etats doivent en principe donner suite dans les moindres
délais aux recommandations ou décisions de l'ORD99.
L'une des dispositions essentielles du Mémorandum
d'accord est que les Membres de l'OMC ne doivent pas eux-mêmes
déterminer qu'il y a eu violation, ni suspendre des concessions, mais
doivent appliquer les règles et procédures de règlement
des différends du Mémorandum d'accord100. De plus, le
Mémorandum d'accord contient un certain nombre de dispositions qui
tiennent compte des intérêts spécifiques des pays en
développement et des pays les moins avancés101.
Le bien-fondé d'une juridiction internationale
spécialisée en droit de l'environnement
Cependant, ces dispositions ne font pas de l'ORD une
juridiction internationale, dans la mesure où il ne peut pas sanctionner
directement les Etats en cas de non-respect de ses rapports. L'ORD ne peut
qu'autoriser une partie à un différend à prendre des
mesures de sanction.
Dans le cas où les recommandations adoptées par
l'ORD ne sont pas mises en oeuvre par le Membre de l'OMC dans un délai
raisonnable, les parties peuvent recourir, de façon temporaire, à
la compensation et la suspension de concessions ou d'autres
obligations102.
Ce n'est que dans le cas où les négociations en
vue de se mettre d'accord sur une compensation mutuellement acceptable ont
échoué qu'une partie au différend pourra demander à
l'ORD l'autorisation de suspendre l'application de concessions ou d'autres
obligations à l'égard de l'autre partie
concernée103.
En principe, les concessions devraient être suspendues
dans le même secteur que celui qui est en cause dans l'affaire
examinée par le groupe spécial. Si cela n'est pas
matériellement possible ou efficace, la suspension pourra intervenir
dans un secteur différent au titre du même accord. Si, là
encore, cela n'est pas matériellement possible ou efficace et si les
circonstances sont suffisamment graves, la suspension de concessions pourra
intervenir au titre d'un autre accord104.
L'ORD accorde, sur demande, l'autorisation de suspendre des
concessions ou d'autres obligations à moins qu'il ne décide par
consensus de rejeter la demande. Si le Membre concerné conteste le
niveau de la suspension proposée, ou affirme que les principes et
procédures énoncés précédemment n'ont pas
été suivis, la question est soumise à
arbitrage105.
Ainsi, un Etat économiquement fort peut se permettre de
ne pas abroger une législation contraire aux règles de la
concurrence qu'il justifie faussement par la protection de l'environnement. A
l'inverse un Etat économiquement fort peut imposer des sanctions
économiques sans obtenir l'accord de l'ORD. Ce fut notamment le cas des
Etats-Unis dans l'affaire du boeuf aux hormones, Etats-Unis
etc./ Communautés européennes, de l'Organe d'appel de l'ORD de
1998106.
Cela pose en outre un problème d'égalité
puisque les Etats puissants économiquement pourraient faire pression sur
les petits Etats pour qu'ils respectent leurs obligations environnementales,
sans que l'inverse soit avéré, alors même que les Etats
développés peuvent être très pollueurs.
102 Mémorandum d'accord sur les règles et
procédures régissant le règlement des différends,
Article 22, paragraphe 1.
103 Mémorandum d'accord sur les règles et
procédures régissant le règlement des différends,
Article 22, paragraphe 2.
104 Mémorandum d'accord sur les règles et
procédures régissant le règlement des différends,
Article 22, paragraphe 3.
105 Mémorandum d'accord sur les règles et
procédures régissant le règlement des différends,
Article 22, paragraphe 6.
30
106 Raphaël Romi, Droit international et européen de
l'environnement, p 292.
Le bien-fondé d'une juridiction internationale
spécialisée en droit de l'environnement
Ainsi, la réciprocité des règles du droit
de l'environnement avec celles du droit économique n'est pas souhaitable
du point de vue d'un objectif de protection de l'environnement en raison de
l'insuffisance des pouvoirs de sanction de l'ORD.
Titre III : Les juridictions nationales
Les détracteurs de l'existence d'une juridiction
internationale compétente en droit de l'environnement pourront enfin
avancer l'argument selon lequel les juridictions nationales sont mieux
placées pour juger des affaires environnementales.
Pourtant, les Etats ne s'assurent pas toujours, via leurs
juridictions nationales, que les activités relevant de leur juridiction
ou de leur contrôle ne causent pas de dommage au territoire d'autres
Etats ou à des territoires régis par le droit international.
Chapitre Ier : Les dommages à un territoire
régi par le droit international
Le droit international pose peu de limites à l'exercice
de la compétence civile d'un Etat. En effet, un Etat peut exercer sa
compétence civile sur un litige, dès lors qu'il existe un lien de
nationalité entre une des personnes (physique ou morale) au litige et
l'Etat.
En revanche, la compétence pénale d'un Etat doit
être justifiée par un des cinq fondements de compétence
reconnus par le droit international. En vertu du principe de
territorialité, l'Etat peut exercer sa compétence pénale
sur les personnes privées ayant commis une infraction sur son
territoire. Lorsque l'infraction est commise sur un territoire régi par
le droit international, c'est l'Etat de nationalité qui est
compétent, en vertu du principe de nationalité active. Dans la
mesure où le dommage est causé à un territoire régi
par le droit international, l'Etat compétent ne subit pas le dommage. Il
n'a donc aucun intérêt à exercer sa compétence
pénale à l'encontre de ses nationaux.
Les territoires régis par le droit international,
encore appelés espaces internationalisés, comprennent la haute
mer, la Zone, l'Antarctique et l'espace extra-atmosphérique. La haute
mer recouvre les parties de la mer qui ne sont comprises ni dans la zone
économique exclusive, la mer territoriale ou les eaux intérieures
d'un Etat, ni dans les eaux archipélagiques d'un Etat
archipel107. La Zone désigne les fonds marins et leur
sous-sol au-delà des limites de la juridiction nationale108.
Enfin, l'espace extra-atmosphérique comprend l'espace proprement dit et
l'ensemble des corps célestes109.
107 Convention des Nations Unies sur le droit de la mer, Article
86.
108 Convention des Nations Unies sur le droit de la mer, Article
premier.
31
109 Pierre-Marie Dupuy et Yann Kerbrat, Droit international
public, p 848.
Le bien-fondé d'une juridiction internationale
spécialisée en droit de l'environnement
Certaines entreprises exercent des activités sur le
territoire d'un Etat ou dans ces espaces internationalisés qui causent
un dommage à ces territoires non régis par le droit
international. Ce dommage peut être volontaire ou involontaire. Il peut
également être dû à une faute de l'entreprise (de
négligence ou d'imprudence).
Lorsque le dommage est causé à un territoire
régi par le droit international, le dommage ne touchant pas le
territoire de l'Etat de nationalité de l'entreprise, celui-ci ne va pas
rechercher la responsabilité de l'entreprise. Par ailleurs, même
si le droit international prévoit une obligation coutumière de ne
pas causer de dommage à un territoire régi par le droit
international, les autres Etats n'engagent pas la responsabilité de
l'Etat de nationalité de l'entreprise pour ne pas avoir respecté
son obligation de protéger l'environnement. Ainsi, aucune action ne sera
menée.
7ème
C'est le cas par exemple du rejet de déchets en
haute mer, qui a causé la formation du « continent
». Environ 80 % des déchets provient des sources terrestres,
tandis que le reste provient de bateaux110. Ce n'est que par le
concours de la société civile qu'il est remédié
dans ce cas à la pollution. En outre, le néerlandais Boyan Slat
mène un projet d'élimination de ces déchets appelé
Ocean Cleanup.
Un exemple contraire peut être trouvé dans
l'affaire de la CIJ de la chasse à la baleine dans
l'Antarctique, de 2014, opposant l'Australie au Japon.
Chapitre II: Les dommages au territoire d'un autre
Etat
Certaines entreprises exercent des activités sur le
territoire d'un autre Etat que leur Etat de nationalité : ce sont des
multinationales. Pourtant, ces multinationales peuvent mener des
activités par le biais de leurs filiales qui causent un dommage au
territoire de l'Etat sur lequel elles se trouvent, voire même sur le
territoire d'un Etat tiers.
C'est le cas par exemple de la multinationale
américaine Union Carbide, qui avait une filiale en Inde
qui produisait des pesticides. Or une de ses usines à Bhopal en Inde a
explosé en 1984, causant un nuage toxique qui a fait 30 000 morts.
Ces multinationales ne relèvent pas en principe de la
juridiction civile de l'Etat sur le territoire duquel elles ont une filiale,
mais plutôt de celle de l'Etat sur le territoire duquel se trouve leur
siège social. En vertu du droit international, elles relèvent en
revanche de la juridiction pénale de l'Etat sur lequel se trouve la
filiale qui a causé le dommage.
110 Audrey Garric, Le 7e continent de plastique : ces
tourbillons de déchets dans les océans, Le Monde, 9 mai
2012.
32
33
111 Vidéo du juge Antonino Abrami entendu le 10 juillet
2010 par la Commission Environnement du Parlement Européen.
112 Convention des Nations Unies sur le droit de la mer, Articles
55 et 57.
113 Convention des Nations Unies sur le droit de la mer, Article
56.
114 Marie-Pierre Camproux Duffrène, Véronique
Jaworski et Jochen Sohnle, La loi française versus le droit maritime
international dans l'arrêt Erika : la victoire du droit de
l'environnement, 1er
Environnement magazine, décembre 2012.
Le bien-fondé d'une juridiction internationale
spécialisée en droit de l'environnement
Dans le cas de la catastrophe de Bhopal en
Inde111, aucune poursuite pénale n'a été
engagée à l'encontre de la multinationale à raison des
dégâts qu'elle a causés à l'environnement. En outre,
il y a eu des réparations pour les parents des victimes de l'ordre de
150 euros et les responsabilités ont été
déterminées en 2010, 26 ans après les faits. Mais il n'y a
eu aucune évaluation des dégâts sur l'environnement. Il y a
eu en substance une irresponsabilité pénale des personnes
responsables de cette atteinte à l'environnement. Le crime commis par la
multinationale est donc resté impuni. Dans le cas d'espèce,
l'Inde n'a pas exercé sa compétence à l'égard des
dommages environnementaux causés par l'entreprise, alors que cette
dernière était sous sa juridiction pénale.
Ainsi, un Etat n'exerce pas toujours sa compétence
pénale en matière environnementale à l'égard des
activités relevant de sa juridiction ou de son contrôle,
même en cas de dommage au territoire d'un Etat. En particulier lorsqu'il
s'agit de multinationales, parce qu'elles sont puissantes
économiquement.
Chapitre III : Les dommages aux autres espaces
Certains espaces, sans pour autant être des espaces
internationalisés, ne font pas partie du territoire d'un Etat. C'est le
cas de la Zone économique exclusive (ZEE), à savoir la zone
située au-delà de la mer territoriale et adjacente à
celle-ci, qui ne s'étend pas au-delà de 200 milles marins des
lignes de base à partir desquelles est mesurée la largeur de la
mer territoriale112.
Dans la ZEE, l'Etat côtier a des droits souverains et
juridiction en ce qui concerne la mise en place et l'utilisation d'îles
artificielles, d'installations et d'ouvrages, la recherche scientifique marine,
et la protection et la préservation du milieu marin113. Il
arrive que des personnes privées exercent des activités dans la
ZEE, qui peuvent causer un dommage à la ZEE, voire au territoire de
l'Etat côtier.
C'est le cas de la multinationale britannique
BP, qui louait une plate-forme pétrolière pour forer
dans la Zone Economique Exclusive (ZEE) des Etats-Unis. Cette plate-forme a
explosé en 2010, déversant ainsi une énorme
quantité d'hydrocarbure dans le Golfe du Mexique et tuant 11
personnes.
C'est aussi le cas du pétrolier maltais
Erika, qui a fait naufrage en 1999 au large des côtes Bretonnes,
déversant un peu moins de 20 000 tonnes de pétrole, polluant
ainsi environ 400 km de côtes114.
Le bien--fondé d'une juridiction internationale
spécialisée en droit de l'environnement
Lorsqu'un dommage est causé au territoire d'un autre
Etat par une activité exercée dans la ZEE, ces personnes
privées ne relèvent pas de la juridiction ni du contrôle de
l'Etat sur le territoire duquel elles causent un dommage. En revanche, elles
relèvent de la juridiction pénale de leur Etat de
nationalité. Or certains Etats ont des réglementations
environnementales très souples et se refusent à exercer leur
juridiction à l'encontre de ces entreprises. Ce sont les Etats de
complaisance. Là encore, le dommage pourra ne pas être
sanctionné.
Dans le cas de l'explosion Deepwater Horizon,
la compagnie pétrolière a pu être condamnée sur le
plan civil, à payer plus de 20 billions de dollars115.
Cependant, elle n'a pas été condamnée sur le plan
pénal pour les atteintes qu'elle a portées à
l'environnement. En outre, seul le décès des 11 salariés
causé par l'explosion a fait l'objet d'une incrimination
pénale.
Dans le cas de l'affaire de l'Erika, l'Etat
lésé, en l'occurrence la France, a préféré
rechercher directement la responsabilité de l'entreprise qui a
causé le dommage, plutôt que de mettre en cause la
responsabilité de l'Etat qui n'a pas respecté son obligation de
s'assurer que les activités sous sa juridiction ou son contrôle
n'ont pas causé de dommage au territoire d'un autre Etat.
Dans ces deux cas, un dommage a été causé
à la ZEE mais aussi à l'Etat côtier. Dans la
première affaire, l'Etat côtier n'a pas exercé sa
compétence pénale, mais uniquement sa compétence civile.
Cela est conforme au droit international puisque la compétence
pénale revient en principe à l'Etat de nationalité de
l'auteur du dommage, qui n'a pas non plus exercé sa compétence
pénale. En revanche, dans la seconde affaire, l'Etat côtier a
exercé sa compétence pénale, alors même qu'il
n'était pas compétent en vertu du droit international.
Dans le cas où un dommage est causé uniquement
à la ZEE et pas à l'Etat côtier, comme pour les dommages
causés à des territoires régis par le droit international,
aucune action ne sera menée.
Il résulte de ce qui précède que pour les
dommages au territoire d'un autre Etat, l'Etat compétent n'exerce
parfois pas sa compétence pénale, tandis que pour les dommages
à un territoire régi par le droit international, aucune
compétence (civile ou pénale) n'est parfois exercée. Dans
toutes ces hypothèses d'absence d'exercice de la juridiction d'un Etat,
le dommage causé à l'environnement par ces personnes restera
impuni. D'où la nécessité d'une juridiction internationale
compétente en droit de l'environnement, pour pallier ce défaut
des Etats.
115 Jana Kasperkevic, BP oil spill: judge grants final
approval for $20bn settlement, The Guardian, 4 avril 2016.
34
Le bien-fondé d'une juridiction internationale
spécialisée en droit de l'environnement
Partie II: Le bien--fondé de l'extension de la
compétence de juridictions internationales existantes
Une juridiction internationale compétente en
environnement pourrait prendre deux formes. Il est en effet possible
d'argumenter qu'il est préférable de renforcer le pouvoir des
juridictions internationales existantes pour qu'elles acquièrent une
compétence en matière environnementale, plutôt que de
créer une nouvelle juridiction internationale spécialisée
en droit de l'environnement.
L'extension de la compétence d'une juridiction
internationale permanente et universelle existante, telle que la Cour
Internationale de Justice, la Cour Pénale Internationale et le Tribunal
international du droit de la mer serait-elle plus efficace que la
création d'une juridiction internationale spécialisée en
droit de l'environnement, afin de protéger l'environnement?
Une importance fondamentale est à noter ici entre la
CIJ et le Tribunal international du droit de la mer d'une part, et la CPI
d'autre part. En effet, l'extension de la compétence de la CIJ et du
Tribunal international du droit de la mer implique la rédaction d'une
nouvelle convention internationale environnementale générale qui
donnerait compétence à ces juridictions en cas de
différends relatifs à la convention. En revanche, l'extension de
la compétence de la CPI implique une modification de son statut.
Titre Ier : La Cour Internationale de Justice (CIJ)
La CIJ a été instituée par le chapitre
VIX de la Charte des Nations Unies. C'est l'organe judiciaire principal des
Nations Unies116. Le statut de la CIJ est fondé sur le statut
de la Cour Permanente Internationale de Justice et fait partie
intégrante de la Charte des Nations Unies. Il définit la
constitution et le fonctionnement de la Cour117. A noter que tous
les membres des Nations Unies sont ipso facto parties au statut de la
CIJ, même si des Etats non membres des Nations Unies peuvent devenir
parties au statut de la CIJ118. De plus, cela n'empêche pas
les Etats membres des Nations Unies de pouvoir soumettre leurs
différends à d'autres juridictions internationales que la
CIJ119. Les Etats membres des Nations Unies s'engagent à
respecter les arrêts de la CIJ rendus sur des affaires auxquelles ils
sont parties120. A défaut, les autres Etats peuvent avoir
recours au Conseil de Sécurité.
116 Charte des Nations Unies, Article 92.
117 Statut de la Cour Internationale de Justice, Article 1.
118 Charte des Nations Unies, Article 93.
119 Charte des Nations Unies, Article 95.
35
120 Charte des Nations Unies, Article 94.
Le bien-fondé d'une juridiction internationale
spécialisée en droit de l'environnement
Il n'y a que peu d'affaires de la Cour Internationale de
Justice (CIJ) qui traitent du droit international de l'environnement.
L'extension de la compétence de la CIJ en matière
environnementale permettrait de juger des Etats en cas de non-respect de leur
obligation de s'assurer que les activités exercées dans les
limites de leur juridiction ou sous leur contrôle ne causent pas de
dommage au territoire d'autres Etats ou à des territoires régis
par le droit international. Cependant, l'extension de la compétence de
la CIJ en matière environnementale comporte aussi des
inconvénients.
Chapitre Ier : La compétence actuelle de la
CIJ
En vertu du statut de la CIJ, seuls les Etats ont qualité
pour se présenter devant la Cour121.
Cela signifie qu'en principe les personnes privées,
telles que les personnes physiques (les individus) ou les personnes morales de
droit privé (entreprises, ONG), ne sont pas justiciables devant la Cour.
Mais cela signifie également que les autres personnes morales de droit
public (organisation internationale, collectivités territoriales), en
principe, ne relèvent pas non plus de la compétence de la
Cour.
Pourtant, la Cour peut demander aux organisations
internationales publiques des renseignements relatifs aux affaires
portées devant elle, et recevra également lesdits renseignements
qui lui seraient présentés par ces organisations de leur propre
initiative122. Par ailleurs, l'interprétation de l'acte
constitutif d'une organisation internationale publique ou celle d'une
convention internationale adoptée en vertu de cet acte peut être
mise en question dans une affaire soumise à la Cour123.
En vertu du statut de la CIJ, la Cour est ouverte aux Etats
parties au statut de la CIJ124.
La compétence de la Cour s'étend à toutes
les affaires que les parties lui soumettent, ainsi qu'à tous les cas
spécialement prévus dans la Charte des Nations Unies ou dans les
traités et conventions en vigueur125. Les Etats parties au
statut peuvent, même après la naissance d'un litige,
déclarer reconnaître comme obligatoire de plein droit et sans
convention spéciale, à l'égard de tout autre Etat
acceptant la même obligation, la juridiction de la Cour sur tous les
différends d'ordre juridique ayant pour objet:
a. l'interprétation d'un traité;
b. tout point de droit international;
c. la réalité de tout fait qui, s'il était
établi, constituerait la violation d'un engagement international;
d. la nature ou l'étendue de la réparation due
pour la rupture d'un engagement international.
En cas de contestation sur le point de savoir si la Cour est
compétente, la Cour décide.
121 Statut de la Cour Internationale de Justice, Article 34
paragraphe 1.
122 Statut de la Cour Internationale de Justice, Article 34
paragraphe 2.
123 Statut de la Cour Internationale de Justice, Article 34
paragraphe 3.
124 Statut de la Cour Internationale de Justice, Article 35.
36
125 Statut de la Cour Internationale de Justice, Article 36.
Le bien--fondé d'une juridiction internationale
spécialisée en droit de l'environnement
Dans sa jurisprudence, la Cour a reconnu que sa
compétence en matière contentieuse se fonde sur le consentement
des Etats auxquels elle est ouverte126. Ce consentement peut prendre
différentes formes.
Premièrement, il peut prendre la forme d'un compromis,
en vertu duquel les deux parties au litige reconnaissent la compétence
de la Cour pour l'affaire en question. Deuxièmement, il peut prendre la
forme des cas prévus dans les traités et conventions.
Troisièmement, il peut prendre la forme d'une Déclaration
d'acceptation de la juridiction obligatoire de la Cour. Quatrièmement,
il peut prendre la forme d'une acceptation tacite de la compétence de la
Cour (forum prorogatum), en cas d'absence d'objection de l'Etat
défendeur de la saisie de la Cour par l'Etat demandeur. Enfin, la Cour
peut se prononcer sur sa propre compétence.
Les cas dans lesquels la Cour peut décider de sa
compétence sont limités dans des conditions définies par
le règlement qui prévoit les attributions et la procédure
de la CIJ, mentionné à l'article 30 du statut de la
CIJ127.
Ainsi, sauf à ce que les Etats aient ratifié une
convention internationale qui prévoit spécialement la
compétence de la Cour ou fassent une déclaration d'acceptation de
la juridiction obligatoire de la Cour, la CIJ n'est en principe
compétente qu'avec l'accord des deux parties au litige.
Parmi les conventions internationales environnementales
générales sectorielles, seules
l'UNFCCC128 et la
CDB129 toutes deux de 1992, prévoient
exclusivement la soumission d'un différend à la
CIJ.
En outre, les Conventions de Ramsar et de l'UNESCO ne
prévoient aucune disposition relative aux différends
internationaux. La CITES et la Convention de Bonn font quant à elles
référence à la Cour Permanente d'Arbitrage130.
Enfin, la Convention de Montego Bay prévoit qu'un Etat est libre de
choisir pour le règlement des différends relatifs à
l'interprétation ou à l'application de la Convention, le Tribunal
international du droit de la mer, la Cour internationale de Justice, ou un
tribunal arbitral131.
En revanche, de nombreuses conventions internationales
environnementales spécifiques prévoient la compétence de
la CIJ.
126 Site internet de la CIJ, Fondements de la compétence
de la Cour.
127 Site internet de la CIJ, Fondements de la Compétence
de la Cour.
128 Convention Cadre des Nations Unies sur les Changements
Climatiques, Article 14.
129 Convention sur la diversité biologique, Article 27.
130 Convention sur le commerce international des
espèces de faune et de flore sauvages menacées d'extinction,
Article XIII.
37
131 Convention des Nations Unies sur le droit de la mer, Article
287.
Le bien-fondé d'une juridiction internationale
spécialisée en droit de l'environnement
Ces conventions sont par exemple la Convention internationale
pour la prévention de la pollution des eaux de la mer par les
hydrocarbures, le Traité sur l'Antarctique, la Convention
révisée de 1868 pour la navigation du Rhin, la Convention de
Vienne pour la protection de la couche d'ozone, la Convention sur
l'évaluation de l'impact sur l'environnement dans un contexte
trans-frontière, la Convention sur la protection et l'utilisation des
cours d'eau transfrontières et des lacs internationaux et la Convention
sur l'accès à l'information, la participation du public au
processus décisionnel et l'accès à la justice en
matière d'environnement132.
A noter que le règlement d'un différend
concernant l'interprétation ou l'application du statut de la Cour
Pénale Internationale peut être renvoyé à la
CIJ133.
L'agenda 21 énonce que les Etats
doivent soumettre leurs différends relatifs au développement
durable à la CIJ. Cependant, ce plan d'action est
considéré comme du droit mou, de sorte qu'il n'a pas de force
contraignante, sauf à faire partie de la coutume internationale.
L'agenda 21134 adopté lors
de la Conférence des Nations unies sur l'environnement et le
développement de Rio de 1992 prévoit en effet que les Etats
devraient étudier et examiner plus avant des méthodes permettant
d'élargir l'éventail des mécanismes de prévention
et de règlement des différends actuellement disponibles et
d'accroître leur efficacité. Ce peut être des moyens
pacifiques efficaces de règlement des différends
conformément à la Charte des Nations Unies, y compris le cas
échéant le recours à la Cour internationale de Justice et
leur inclusion dans les traités ayant trait au développement
durable.
Par ailleurs, moins de la moitié des Etats membres des
Nations Unies (72/193)135 ont fait une déclaration
d'acceptation de la juridiction obligatoire de la CIJ136. La France
n'en fait pas partie.
Il en résulte qu'il n'y a que peu d'affaires de la Cour
Internationale de Justice (CIJ) qui traitent du droit international de
l'environnement. Les principales affaires de la CIJ en matière
environnementale sont:
1) C.I.J, Affaire du détroit de Corfou,
arrêt du 9 avril 1949, Grande-Bretagne/Albanie
2) C.I.J., Licéité de la menace et de
l'emploi d'armes nucléaires, avis consultatif du 8 juillet
1996
3) C.I.J., Affaire relative au projet
Gabèikovo--Nagymaros, arrêt du 25 septembre 1997,
Slovaquie/Hongrie
4) C.I.J., Affaire relative à des usines de
pâte à papier sur le fleuve Uruguay, arrêt du 20
avril 2010, Argentine/Uruguay
5) C.I.J., Affaire de la chasse à la baleine
dans l'Antarctique, arrêt du 31 mars 2014, Australie/Japon
132 Site internet de la CIJ, Traités.
133 Statut de la Cour Pénale Internationale, Article 119
paragraphe 2.
134 Agenda 21, Chapitre 39, Instruments et mécanismes
juridiques internationaux, paragraphe 10.
135 Site internet des NU, Progression du nombre des Etats membres
de 1945 à nos jours.
38
136 Site internet de la CIJ, Déclarations d'acceptation de
la juridiction obligatoire.
Le bien--fondé d'une juridiction internationale
spécialisée en droit de l'environnement
En outre, la CIJ a tenté d'instaurer une chambre
spécialisée en droit de l'environnement, mais cette tentative
s'est soldée par un échec.
En principe, la Cour exerce ses attributions en séance
plénière137. Par exception, elle peut exercer ses
attributions en chambre restreinte, permanente ou temporaire. Il existe trois
types de chambres à la Cour. La Cour peut tout d'abord constituer une ou
plusieurs chambres, composées de trois juges au moins, pour
connaître de catégories déterminées
d'affaires138. Ensuite, elle peut constituer une chambre, dont le
nombre de juges est fixé par la Cour avec l'assentiment des parties,
pour connaître d'une affaire déterminée139.
Enfin, la Cour compose annuellement une chambre de cinq juges, appelés
à statuer en procédure sommaire lorsque les parties le demandent
en vue de la prompte expédition des affaires140. Tout
arrêt rendu par l'une de ces chambres est considéré comme
rendu par la Cour141. De plus, ces chambres peuvent, avec le
consentement des parties, siéger et exercer leurs fonctions ailleurs
qu'à La Haye142.
La CIJ a ainsi institué en 1993 une chambre pour
connaître des affaires environnementales, en vertu de l'article 26 §
1 de son statut143. Cette chambre était composée de
sept juges144. Elle a été régulièrement
reconstituée jusqu'en 2006. Au cours de ses treize années
d'existence, aucun Etat n'a toutefois demandé à ce qu'une affaire
soit portée devant cette chambre. La Cour a en conséquence
décidé en 2006 de ne pas tenir d'élections pour renouveler
la composition de ladite chambre. Des affaires n'ont à ce jour
été portées que devant des chambres constituées en
vertu de l'article 26 § 2 du statut de la CIJ.
Chapitre II: L'extension possible de la
compétence de la CIJ
Des différentes formes que peut prendre le consentement
des Etats à la compétence contentieuse de la CIJ, la forme la
plus protectrice de l'environnement serait la conclusion d'une nouvelle
convention internationale. Cela est dû d'une part au fait que cette
acceptation serait multilatérale, contrairement à la
déclaration d'acceptation de la juridiction obligatoire de la Cour, qui
est unilatérale. D'autre part, cela est dû au fait que cette
acceptation se fait par avance, elle est donc moins casuistique que le
compromis.
137 Statut de la Cour Internationale de Justice, Article 25.
138 Statut de la Cour Internationale de Justice, Article 26,
paragraphe 1.
139 Statut de la Cour Internationale de Justice, Article 26,
paragraphe 2.
140 Statut de la Cour Internationale de Justice, Article 29.
141 Statut de la Cour Internationale de Justice, Article 27.
142 Statut de la Cour Internationale de Justice, Article 28.
143 Site internet de la Cour Internationale de Justice, Chambres
et comités.
39
144 Raphaël Romi, Droit international et européen de
l'environnement, p 14.
40
Le bien-fondé d'une juridiction internationale
spécialisée en droit de l'environnement
Pour étendre la compétence de la CIJ en
matière environnementale, il faudrait donc conclure une nouvelle
convention internationale générale en droit de l'environnement,
qui rend la CIJ compétente pour connaitre des différends relatifs
à la Convention. Cette Convention pourrait consacrer l'obligation
générale des Etats de s'assurer que les activités
exercées dans les limites de leur juridiction ou sous leur
contrôle ne causent pas de dommage au territoire d'autres Etats ou
à des territoires régis par le droit international. Elle pourrait
aussi définir l'environnement, ainsi que les grands principes
environnementaux.
L'extension de la compétence de la CIJ en
matière environnementale est intéressante dans la mesure
où elle est simple, puisqu'elle utilise des instruments institutionnels
connus et existants. De plus, elle permet d'éviter la création
d'une nouvelle juridiction qui favoriserait l'apparition de conflits de
juridiction. Enfin, elle permettrait de contourner l'inconvénient de la
nature consensuelle de la compétence de la CIJ, dans la mesure où
les Etats auraient consenti par avance à la compétence de la
Cour. Mais surtout, elle permettrait d'envoyer un message politique fort des
Etats, à savoir que les atteintes à l'environnement doivent
être réprimées par le droit international.
Cependant, cette extension de compétence aurait des
effets limités quant à la protection de l'environnement.
D'une part, cette extension ne remettrait pas en cause le fait
que certaines conventions internationales environnementales existantes ne font
pas référence à la CIJ, à savoir les conventions
internationales environnementales générales sectorielles
précitées. La compétence de la CIJ ne s'appliquerait que
par défaut de disposition conventionnelle prévoyant la
compétence d'une juridiction internationale.
D'autre part, elle requiert une volonté des Etats qui
semble pour le moment inexistante. En effet, la CIJ a déjà
consacré de façon coutumière l'obligation des Etats de
s'assurer que les activités exercées dans les limites de leur
juridiction ou sous leur contrôle ne causent pas de dommage au territoire
d'autres Etats ou à des territoires régis par le droit
international (cf Introduction).
Comme vu précédemment (Partie I), certains Etats
ne s'assurent pas toujours, via leurs juridictions nationales, du respect de
leur obligation de protéger l'environnement, en particulier lorsqu'aucun
dommage n'est causé à leur territoire ou bien s'en assurent
partiellement, sans faire usage de leur compétence pénale.
Il semble donc peu probable que ces Etats acceptent par avance
la compétence de la CIJ pour connaître du non-respect de leur
obligation de s'assurer que les activités exercées dans les
limites de leur juridiction ou sous leur contrôle ne causent pas de
dommage au territoire d'autres Etats ou à des territoires régis
par le droit international. Partant, les Etats qui accepteront cette
compétence seront ceux qui respectent déjà cette
obligation et non les Etats défaillants.
Le bien-fondé d'une juridiction internationale
spécialisée en droit de l'environnement
Comme vu en introduction, le nombre d'atteintes à
l'environnement à l'échelle internationale est en
hausse145. Or les législations nationales sur le crime
environnemental sont peu développées dans de nombreux
Etats146. Ces derniers n'exercent pas leur compétence
pénale à l'égard des activités relevant de leur
juridiction ou de leur contrôle.
Or, l'extension de la compétence de la CIJ ne
remédie pas nécessairement au fait que les Etats n'engagent pas
toujours la responsabilité d'un Etat qui n'a pas respecté son
obligation de ne pas causer de dommage au territoire d'autres Etats ou à
un territoire régi par le droit international. Il résulte de
cette inaction des autres Etats que l'atteinte à l'environnement restera
impunie dans le cas où l'Etat compétent ne fait pas usage de sa
juridiction. En ce sens, l'extension de la compétence de la CIJ ne
permettrait pas une meilleure efficacité du droit international de
l'environnement et donc ne serait pas `bien fondée'.
Ainsi, il apparaît peu efficace de créer une
nouvelle convention internationale réaffirmant l'obligation des Etats de
protéger l'environnement, au terme d'un objectif de protection de
l'environnement, dans la mesure où cette obligation existe
déjà en droit coutumier. Par conséquent, l'extension de la
compétence de la CIJ en matière environnementale ne serait que
d'un intérêt limité du point de vue de la protection de
l'environnement.
Titre II: La Cour Pénale Internationale (CPI)
La CPI est une institution permanente qui exerce sa
compétence à l'égard des personnes pour les crimes les
plus graves ayant une portée internationale. Elle est
complémentaire des juridictions pénales nationales147.
Elle est reliée au système des Nations Unies par un
accord148. La Cour a son siège à La Haye, aux
Pays-Bas149. La Cour a la personnalité juridique
internationale. Elle a aussi la capacité juridique qui lui est
nécessaire pour exercer ses fonctions et accomplir sa mission. La Cour
peut exercer ses fonctions et ses pouvoirs sur le territoire de tout
État Partie à son statut150.
La CPI n'est à l'heure actuelle compétente en
matière environnementale que dans le cadre d'un conflit armé.
L'extension de la compétence de la CPI permettrait de juger des
personnes physiques en cas de commission d'un crime international
environnemental. Cependant, cette extension comporte, comme l'extension de la
compétence de la CIJ, certaines limites.
145 Rapport de UNEP et Interpol, The environmental crime crisis,
2014, p 7.
146 Rapport de UNEP et Interpol, The environmental crime crisis,
2014, p 17.
147 Statut de la Cour Pénale Internationale, Article 1.
148 Statut de la Cour Pénale Internationale, Article 2.
149 Statut de la Cour Pénale Internationale, Article 3.
41
150 Statut de la Cour Pénale Internationale, Article 4.
Le bien-fondé d'une juridiction internationale
spécialisée en droit de l'environnement Chapitre Ier : La
compétence actuelle de la CPI
La CPI a compétence à l'égard de quatre
crimes internationaux, à savoir, le crime de génocide ; les
crimes contre l'humanité; les crimes de guerre et le crime
d'agression151. Le statut de la CPI définit les trois
premiers crimes, tandis que le crime d'agression est défini par la
Résolution 3314 de l'Assemblée
Générale des Nations Unies de 1974152.
CPI153
En particulier, le crime de guerre est défini par
l'article 8 du statut de la comme les
infractions graves aux Conventions de Genève du 12
août 1949, mais aussi comme les autres violations graves des lois et
coutumes applicables aux conflits armés internationaux dans le cadre
établi du droit international. Parmi ces dernières, se trouve en
particulier le fait de diriger intentionnellement une attaque en sachant
qu'elle causera incidemment, notamment, des dommages étendus, durables
et graves à l'environnement naturel qui seraient manifestement excessifs
par rapport à l'ensemble de l'avantage militaire concret et direct
attendu.
Actuellement, l'environnement ne fait l'objet d'une protection
par la Cour Pénale Internationale (CPI) qu'à travers la
répression des crimes de guerre. Or les conditions de la qualification
pénale de crime de guerre sont très strictes.
Le statut de la CPI prévoit que sept ans après
l'entrée en vigueur du statut, le Secrétaire
général de l'Organisation des Nations Unies convoquera une
conférence de révision pour examiner tout amendement au
statut154. L'examen pourra porter notamment, mais pas exclusivement,
sur la liste des crimes figurant à l'article 5, à savoir les 4
crimes internationaux à l'égard desquels la CPI est
compétente.
Cette conférence de révision du statut de la CPI
s'est tenue du 31 mai au 11 juin
2010 à Kampala en Ouganda. Elle a abouti à
l'adoption en 2010 des amendements à l'article 8, et à l'ajout
des articles 8bis, 15bis et 15ter155.
En outre, sont maintenant considérés comme des
crimes de guerre le fait d'employer du poison ou des armes empoisonnées
; le fait d'employer des gaz asphyxiants, toxiques ou similaires, ainsi que
tous liquides, matières ou procédés analogues ; et le fait
d'utiliser des balles qui s'épanouissent ou s'aplatissent facilement
dans le corps humain, telles que des balles dont l'enveloppe dure ne recouvre
pas entièrement le centre ou est percée d'entailles. De plus, le
crime d'agression est maintenant défini par le statut de la CPI.
En 2010, l'avocate britannique Polly Higgins a soumis aux
Nations Unies une proposition d'amendement au statut de la CPI visant à
inclure l'écocide parmi les crimes internationaux contre la
paix156. Cependant, certains Etats se sont opposés à
cette proposition, parmi lesquels figurent les Pays-Bas.
151 Statut de la Cour Pénale Internationale, Article 5.
152 Résolution 3314 de l'Assemblée
Générale des Nations Unies, 14 décembre 1974, relative
à la Définition de l'agression, Annexe, Article premier.
153 Statut de la Cour Pénale Internationale, Article 8 2.
(b) (iv).
154 Statut de la Cour Pénale Internationale, Article
123.
155 Site internet du CICR, Statut de Rome de la Cour
pénale internationale, 17 juillet 1998.
42
156 Site internet de Polly Higgins, Press.
43
157 Statut de la Cour Pénale Internationale, Article 25
paragraphe 1.
158 Site internet du CICR, La responsabilité
pénale individuelle pour violation du droit international humanitaire
applicable en situation de conflit armé non international.
159 Statut de la Cour Pénale Internationale, Article 25
paragraphe 4.
160 Valéry Laramée de Tannenberg, Peut--on
réprimer le crime environnemental?, Journal de l'environnement, 16
mars 2016.
161 Marine Jobert, Ecocide : criminaliser et juger les
atteintes à la nature, Journal de l'environnement, 13 mars 2013.
Le bien--fondé d'une juridiction internationale
spécialisée en droit de l'environnement
La CPI est compétente à l'égard des
personnes physiques en vertu de son statut157. En revanche, elle
n'est pas compétente à l'égard des personnes morales.
Cette compétence ratione personae de la CPI
est concordante avec l'affirmation du Tribunal militaire international de
Nuremberg, en vertu de laquelle « ce sont des hommes, et non des
entités abstraites, qui commettent les crimes dont la répression
s'impose, comme sanction du Droit international »158.
Aucune disposition du statut relative à la
responsabilité pénale des individus n'affecte la
responsabilité des Etats en droit international159.
Ainsi, l'extension de la compétence de la CPI n'est pas
incompatible avec une extension de la compétence de la CIJ.
Chapitre II: L'extension possible de la
compétence de la CPI
L'extension de la juridiction de la CPI serait
justifiée par l'augmentation des crimes environnementaux160.
Le crime environnemental, encore appelé écocide, deviendrait un
crime international. Cela permettrait de juger des personnes physiques,
contrairement à l'extension de la compétence de la CIJ. De plus,
cette extension de compétence aurait pour avantage, comme l'extension de
la compétence de la CIJ la simplicité, puisqu'elle permettrait
d'utiliser les structures de la CPI.
Polly Higgins, l'avocate britannique, propose de créer
un cinquième crime international au sein de l'article 5 du statut de la
CPI. Cette approche impliquerait la difficile définition du crime
d'écocide. Polly Higgins propose comme définition : « La
destruction, la détérioration ou la perte substantielle d'un ou
plusieurs écosystèmes d'un territoire donné, que la cause
en soit humaine ou autre, d'une telle ampleur que la jouissance paisible des
habitants dudit territoire en est sévèrement diminuée
»161. Dans cette définition, le critère
déterminant du crime n'est pas tant dans l'intention de son auteur que
la gravité des conséquences de l'acte pour l'environnement et
l'être humain.
Le PNUE et Interpol sont clairement en faveur d'une telle
extension de la compétence de la CPI.
Le bien-fondé d'une juridiction internationale
spécialisée en droit de l'environnement
En effet, selon ces deux Organisations Internationales, pour
inverser la courbe des crimes environnementaux, les réponses doivent
inclure une série de mesures légales, telles que
l'exécution, la législation, la réglementation, et la
gestion de l'environnement162. Le PNUE et Interpol recommandent de
soutenir internationalement la chaine entière d'exécution, ce qui
inclut le pouvoir judiciaire, en particulier la référence au
crime environnemental163. D'après eux, il est
nécessaire de définir urgemment et définitivement le crime
environnemental pour assurer une compréhension commune de la
terminologie164.
Cette approche nécessiterait la constitution d'une
commission formée d'experts qui étudierait comment passer
à cette réforme. Cette commission mettrait en place la
documentation nécessaire et pourrait définir la nouvelle
compétence de la CPI.
Les conditions et modalités d'adoption d'un amendement
au statut de la CPI dépendent des dispositions que l'amendement a pour
but de modifier. En outre, des règles différentes s'appliquent
amendement aux articles 5, 6, 7 et 8 du statut, aux amendements aux
dispositions du statut de caractère exclusivement institutionnel ou aux
amendements aux autres dispositions du statut.
En ce qui concerne les amendements à l'article 5 du
statut, les règles sont posées par l'article 121 du statut de la
CPI :
- Tout Etat Partie au statut peut proposer cet amendement.
- Le texte de la proposition d'amendement devra être
soumis au Secrétaire général de l'Organisation des Nations
Unies, qui le communiquera sans retard à tous les Etats Parties.
- Trois mois au plus tôt après la date de cette
communication, l'Assemblée des Etats Parties, à la réunion
suivante, décide, à la majorité de ses membres
présents et votants, de se saisir ou non de la proposition.
L'Assemblée peut traiter cette proposition elle-même ou convoquer
une conférence de révision si la question soulevée le
justifie.
- L'adoption de l'amendement lors d'une réunion de
l'Assemblée des Etats Parties ou d'une conférence de
révision requerra, s'il n'est pas possible de parvenir à un
consensus, la majorité des deux tiers des Etats Parties.
- L'amendement entrera en vigueur à l'égard des
Etats Parties qui l'ont accepté un an après le dépôt
de leurs instruments de ratification ou d'acceptation.
- La CPI n'exercera pas sa compétence à
l'égard d'un crime faisant l'objet de cet amendement lorsque ce crime a
été commis par un ressortissant d'un Etat Partie qui n'a pas
accepté l'amendement ou sur le territoire de cet Etat.
- Le Secrétaire général de l'ONU
communiquera à tous les Etats Parties l'amendement adopté lors
d'une réunion de l'Assemblée des Etats Parties ou d'une
conférence de révision.
Il résulte de ces dispositions que le concours d'un
seul Etat est nécessaire pour proposer l'amendement, mais qu'en
revanche, 83 des 124 parties au statut de la CPI devront voter en faveur de
l'adoption de l'amendement.
162 Rapport de UNEP et Interpol, The environmental crime crisis,
2014, p 14.
163 Rapport de UNEP et Interpol, The environmental crime crisis,
2014, p 11.
44
164 Rapport de UNEP et Interpol, The environmental crime crisis,
2014, p 17.
Le bien--fondé d'une juridiction internationale
spécialisée en droit de l'environnement
L'extension de la compétence de la CPI comporte bien
moins d'inconvénients que l'extension de la compétence de la CIJ,
dans la mesure où cette extension serait plus efficace du point de vue
de la protection de l'environnement. En outre, elle permettrait de
remédier au fait que certains Etats n'exercent pas leur
compétence pénale à l'égard des activités
relevant de leur juridiction ou de leur contrôle. Dans la mesure
où certains Etats n'exercent pas leur compétence sur les
personnes privées (physiques ou morales) relevant de leur juridiction ou
contrôle et causant des dommages à l'environnement, et que les
autres Etats engagent rarement la responsabilité de l'Etat qui n'a pas
exercé sa compétence, il paraît en effet efficace d'engager
directement la responsabilité de ces personnes privées, d'un
point de vue de protection environnementale.
Le défaut des Etats d'exercice de leur
compétence pénale à l'égard des activités
relevant de leur juridiction ou de leur contrôle n'est pas
nécessairement uniquement volontaire. Selon le PNUE et Interpol,
beaucoup d'Etats et organisations ne sont pas dans la capacité de
combattre seuls les crimes environnementaux. Cela est dû à
l'augmentation fulgurante, au degré de sophistication et au
caractère global des atteintes à
l'environnement165.
Cependant, la création du crime d'écocide ne
permettrait pas pour autant à la CPI de juger des personnes morales,
même de droit privé, en cas de commission d'un crime international
environnemental. En outre, comme vu précédemment, les personnes
morales ne sont pour le moment pas susceptibles de faire l'objet d'une
condamnation pénale en vertu du droit international pénal.
Titre III : Le Tribunal international du droit de la
mer
Une troisième possibilité est d'étendre
la compétence du Tribunal international du droit de la mer pour en faire
une juridiction spécialisée en droit de l'environnement et pas
qu'en droit de la mer.
Le Tribunal international du droit de la mer est un organe
judiciaire indépendant créé par l'article 287 de la
Convention de Montego Bay, pour connaître des
différends auxquels pourraient donner lieu l'interprétation et
l'application de la Convention166. Son statut est constitué
par l'annexe VI à la Convention de Montego Bay. La
soumission d'un différend au Tribunal est régie par les parties
XI et XV de la Convention de Montego Bay167, à savoir les
parties sur la Zone et le règlement des différends.
165 Rapport de UNEP et Interpol, The environmental crime crisis,
2014, p 10.
166 Site internet du Tribunal international du droit de la mer,
le Tribunal.
45
167 Statut du Tribunal international du droit de la mer, Article
premier.
Le bien-fondé d'une juridiction internationale
spécialisée en droit de l'environnement Chapitre Ier : La
compétence actuelle du Tribunal
Le Tribunal international du droit de la mer est
compétent pour tous les différends et toutes les demandes qui lui
sont soumis conformément à la Convention de Montego Bay et toutes
les fois que cela est expressément prévu dans tout autre
traité international conférant compétence au
Tribunal168. Les parties XI et XV de la Convention de Montego Bay
confèrent deux types de compétence au Tribunal.
D'une part, au sein du Tribunal international du droit de la
mer est créée une Chambre pour le règlement des
différends relatifs aux fonds marins169. Cette chambre est
compétente pour connaître des différends portant sur des
activités menées dans la Zone170, à savoir les
fonds marins et leur sous-sol au-delà des limites de la juridiction
nationale. Elle est compétente pour connaître des litiges entre
des Etats, l'Autorité internationale des fonds marins
(l'Autorité), l'Entreprise, des entreprises d'Etats, et des personnes
physiques ou morales possédant la nationalité d'Etats Parties ou
effectivement contrôlées par eux ou leurs ressortissants,
lorsqu'elles sont patronnées par ces Etats ou par tout groupe des
catégories précitées conformément aux
procédures et critères de qualification énoncés
dans les règles, règlements et procédures de
l'Autorité171.
L'Autorité est l'organisation par
l'intermédiaire de laquelle les Etats parties à la Convention de
Montego Bay organisent et contrôlent les activités menées
dans la Zone, notamment aux fins de l'administration des ressources de
celle-ci172. L'Entreprise est l'organe de l'Autorité qui
mène des activités dans la Zone, telles que l'exploration et
l'exploitation de la Zone, ainsi que le transport, le traitement, et la
commercialisation de minéraux173.
Les différends entre Etats relatifs à
l'interprétation de la partie de la Convention de Montego Bay portant
sur des activités menées dans la Zone peuvent être soumis
à une chambre spéciale du Tribunal international du droit de la
mer ou encore à une chambre ad hoc de la Chambre pour le
règlement des différends relatifs aux fonds marins174.
Les différends entre parties à un contrat relatif à des
activités menées dans la Zone peuvent être soumis à
un arbitrage commercial obligatoire.
Ainsi, contrairement à la CIJ, le Tribunal
international du droit de la mer n'est pas compétent pour juger des
Etats uniquement en ce qui concerne les activités menées dans la
Zone.
D'autre part, le Tribunal international du droit de la mer
peut être compétent pour le règlement des autres
différends relatifs à l'interprétation ou à
l'application de la Convention de Montego Bay, lorsque les deux Etats parties
au conflit ont accepté par voie de déclaration écrite la
compétence du Tribunal175.
168 Statut du Tribunal international du droit de la mer, Article
21.
169 Convention des Nations Unies sur le droit de la mer, Article
186.
170 Convention des Nations Unies sur le droit de la mer, Article
187.
171 Convention des Nations Unies sur le droit de la mer, Article
153, paragraphe 2 lettre b).
172 Convention des Nations Unies sur le droit de la mer, Article
157.
173 Convention des Nations Unies sur le droit de la mer, Article
170.
174 Convention des Nations Unies sur le droit de la mer, Article
188.
46
175 Convention des Nations Unies sur le droit de la mer, Article
287.
47
Le bien-fondé d'une juridiction internationale
spécialisée en droit de l'environnement Chapitre II:
L'extension possible de la compétence du Tribunal
Il est possible de conclure une nouvelle convention
internationale générale qui donne compétence au Tribunal
international du droit de la mer pour tout différend lié à
l'application de la convention. Cependant, la juridiction étendue du
Tribunal ne concerne que les activités menées dans les grands
fonds marins. Il en résulte que dans les autres domaines, et donc en
droit international environnemental général, le Tribunal dispose
de la même compétence ratione personae que la CIJ. Dans
la mesure où le Tribunal est moins reconnu que la CIJ, l'extension de la
compétence du Tribunal semble moins pertinente que celle de la CIJ.
Il résulte de tout ce qu'il précède que
si l'extension de la compétence de juridictions existantes est choisie,
celle-ci devra concerner à la fois la CIJ et la CPI, dans la mesure
où les deux juridictions ont une compétence ratione personae
complémentaire. En revanche, l'extension de la compétence de
ces deux juridictions est problématique dans la mesure où elle ne
permet pas la répression des atteintes à l'environnement commises
par des personnes morales de droit privé. Par ailleurs, elle ne permet
pas l'engagement de la responsabilité civile de personnes privées
(physiques ou morales), dans le cas où l'Etat compétent fait
défaut. Dans cette optique, la création d'une nouvelle
juridiction internationale spécialisée en droit de
l'environnement peut être intéressante.
Le bien-fondé d'une juridiction internationale
spécialisée en droit de l'environnement
Partie III : Le bien--fondé de la création d'une
nouvelle juridiction internationale spécialisée en droit de
l'environnement
Plusieurs initiatives et propositions politiques ou
doctrinales de juridictions internationales spécialisées en droit
de l'environnement ont été faites. Celles-ci, tout comme les
juridictions nationales spécialisées en droit de l'environnement,
peuvent servir d'inspiration à ce à quoi ressemblerait une
nouvelle juridiction internationale spécialisée en droit de
l'environnement.
La création d'une nouvelle juridiction internationale
spécialisée en droit de l'environnement a pour principal avantage
de permettre à un groupe d'experts en droit international de
l'environnement de juger des personnes ayant commis des dommages à
l'environnement. Cependant, elle risque de poser un problème de
délimitation de compétence par rapport aux juridictions
internationales existantes, et donc de créer un conflit de
juridictions.
La création d'une nouvelle juridiction internationale
implique en principe la rédaction d'un nouveau statut, qui devra
définir l'organisation, la compétence et les règles de
procédures de cette juridiction. Ce statut peut, entre autres,
s'inspirer du statut de tribunaux moraux internationaux
spécialisés en environnement ou encore de juridictions nationales
spécialisées en droit de l'environnement, et plus
généralement des statuts de juridictions internationales
existantes.
Titre Ier : Initiatives et propositions politiques ou
doctrinales
Plusieurs initiatives et propositions politiques ou
doctrinales de juridictions internationales spécialisées en droit
de l'environnement ont été faites, en particulier en
matière pénale et de changement climatique. Aucune n'a abouti
à la création d'une juridiction internationale
spécialisée en droit de l'environnement, cependant, elles sont
liées à la création d'un tribunal moral international
compétent en environnement.
Chapitre Ier : De juridictions internationales
compétentes en droit de l'environnement
Suite à l'échec du sommet de Copenhague de 2009
sur le climat, le Président de la Bolivie propose, lors d'une
conférence de presse sur les changements climatiques au Siège des
Nations Unies à New York, la mise en place la mise en place d'un organe
permanent, composé d'un Tribunal sur les changements climatiques et
d'une équipe d'enquête176. Cette équipe
d'enquête serait dotée des moyens de déterminer la
responsabilité d'Etats ou de sociétés multinationales en
matière de changements climatiques.
176 Site internet des Nations Unies, Conférence de presse
du Président bolivien, M. Evo Morales Ayma, sur les changements
climatiques, 22 septembre 2009.
48
Le bien-fondé d'une juridiction internationale
spécialisée en droit de l'environnement
Si cette initiative est intéressante, il faut cependant
déplorer le fait qu'elle ne concerne que les responsabilités en
matière de changement climatique et non d'environnement en
général.
Suite à cette proposition, la Conférence
mondiale des peuples contre le changement climatique s'est tenue en avril 2010
à Cochabamba (Bolivie)177. Cette conférence a
notamment appelé à la création d'un tribunal international
de justice climatique et environnementale. Ce tribunal n'a pas vu le jour, mais
la conférence a donné naissance à la Global Alliance for
the Rights of Nature, qui a créé le tribunal international des
droits de la nature, un tribunal moral compétent pour connaître de
toute violation sérieuse à la Déclaration universelle des
droits de la Terre-Mère adoptée lors de la conférence
commise par une personne publique ou privée, physique ou
morale178.
Parallèlement, en 2010, le juge Antonino Abrami,
vice-président de l'Académie internationale des Sciences de
l'Environnement, promeut devant le Parlement européen la création
d'une Cour pénale de l'environnement, à savoir une cour
pénale internationale spécialisée en droit l'environnement
qui serait la jumelle de la CPI existante179. Il propose pour cela
de modifier l'article 7 du statut de la CPI qui définit les crimes
contre l'humanité, pour considérer les atteintes à
l'environnement à l'échelle internationale comme faisant partie
de cette catégorie. Il s'agirait en d'autres termes d'ajouter une autre
disposition pour intégrer dans la définition des crimes contre
l'humanité le crime international environnemental.
Cette approche a plusieurs inconvénients majeurs
relatifs à l'objectif d'une protection efficace de l'environnement.
Premièrement, le statut de la CPI définit un
crime contre l'humanité comme un certain type d'acte commis dans le
cadre d'une attaque généralisée ou systématique
lancée contre toute population civile et en connaissance de cette
attaque180. Or, les crimes environnementaux ne sont pas tous commis
en temps de guerre. Qui des actes qui ne sont pas commis dans le cadre d'une
attaque généralisée ou systématique lancée
contre une population civile?
Deuxièmement, il semble paradoxal de justifier la
création d'une nouvelle juridiction, par l'extension de la
compétence d'une juridiction existante.
Troisièmement, cette approche ne permet pas de juger
des personnes morales pour la commission de crimes contre l'environnement, ni
de déterminer la responsabilité civile de personnes physiques.
177 Convention des peuples pour l'établissement d'un
Tribunal international des droits de la nature, Préambule.
178 Statut du Tribunal international des droits de la nature,
Article 3.
179 Vidéo du juge Antonino Abrami entendu le 10 juillet
2010 par la Commission Environnement du Parlement Européen.
49
180 Statut de la Cour Pénale Internationale, Article 7.
Le bien--fondé d'une juridiction internationale
spécialisée en droit de l'environnement
Dans la lignée du juge Antonino Abrami s'inscrit la
Charte de Bruxelles, signée le 30 janvier 2014181. En outre,
la Charte de Bruxelles promeut l'idée d'une cour pénale
internationale de l'environnement et de la santé182. Elle
propose une révision des statuts de la Cour Pénale Internationale
pour introduire la catastrophe environnementale comme l'une des incriminations
des crimes contre l'humanité permettant de poursuivre les responsables
ayant agi de façon intentionnelle.
Ainsi, les mêmes critiques qui ont été
faites à la proposition du juge s'appliquent à la Charte de
Bruxelles.
Cette Charte a notamment été signée par
l'Académie internationale des Sciences de l'Environnement et le Tribunal
de la Nature. Toutes les organisations signataires de cette Charte soutiennent
les initiatives déjà existantes ou en préparation
permettant à la société civile de s'emparer et de juger au
moins sur le plan moral les responsables des crimes et délits
environnementaux mettant en péril les ressources planétaires et
la santé humaine, telles que le Tribunal de la Nature183. Les
parties signataires, également, suivent avec intérêt et
certaines soutiennent la création d'un nouveau crime dit d' «
écocide » comme cinquième crime contre la paix.
Chapitre II: De tribunaux moraux internationaux
compétents en droit de l'environnement
Le Tribunal de la Nature est un tribunal
moral chargé de juger les crimes contre l'avenir de l'humanité au
nom du droit des générations futures184. Il est le
fruit d'un processus de discussion de l'après Rio+20, qui a
débuté lors de la conférence internationale «
Quelles sont les voies d'action pour une planète vivable ?
» qui s'est tenue à Quito en 2012. Plusieurs
personnalités issues de l'univers juridique, politique et/ou
médiatique soutiennent cette initiative dont, entre autres, Boutros
Boutros Ghali
(ancien secrétaire général des Nations
Unies), Eva Joly, Michel Prieur, Nicolas Hulot et Corinne
Lepage185.
Il a de multiples autres noms (Tribunal de conscience des
crimes contre la nature, Tribunal international de conscience des crimes contre
la nature et l'environnement, Tribunal international de conscience de la
nature, Tribunal pour les crimes contre la nature et le futur de
l'humanité ou encore Tribunal international de la nature).
181 Sophie Fabrégat, Un collectif plaide pour une
cour pénale internationale de l'environnement et de la
santé, Actu environnement, 30 janvier 2014.
182 Charte de Bruxelles, p 2.
183 Charte de Bruxelles, p 1.
184 Site internet du Tribunal de la Nature, La
démarche.
50
185 Site internet du Tribunal de la Nature, Soutiens dans le
monde.
Le bien-fondé d'une juridiction internationale
spécialisée en droit de l'environnement
Il a fait l'objet d'une présentation au Conseil
économique, social et environnemental le 7 décembre
2012186. Michel Prieur a rédigé en 2013 un projet de
statut de ce Tribunal187. L'initiative du Tribunal devait être
mise en oeuvre en 2014188. Il est signataire de la Charte de
Bruxelles189.
Le Tribunal a pris l'initiative de lancer une pétition
le 5 juin 2014 demandant que soient inscrites à l'agenda de la
réunion du sommet des chefs d'Etat de septembre 2014 à New York
les questions environnementales et climatiques190. Cependant, cette
démarche ne semble pas avoir abouti.
En revanche 2014 a été créé le
Tribunal international des droits de la nature191.
Ce projet est porté par la Global Alliance for Rights of Nature, en
partenariat avec End Ecocide on Earth, NatureRights et Attac. Ce Tribunal, tout
comme le Tribunal de la Nature aurait dû, n'applique pas uniquement le
droit international de l'environnement.
La première édition du Tribunal s'est tenue en
janvier 2014 à Quito (Equateur) et la seconde en décembre 2014
à Lima (Pérou)192. La troisième édition
du Tribunal international des droits de la nature s'est tenue en
parallèle de la COP 21, en décembre 2015 à Paris.
Cette troisième édition a été
l'occasion pour un panel de juristes et de personnalités
internationalement reconnus sur le thème de la justice planétaire
de recommander la modification du statut de la CPI de sorte que celui-ci rende
possible la poursuite des responsables de crimes
d'écocide193. Elle a aussi été l'occasion pour
le Tribunal d'enjoindre les communautés et organisations qui partagent
sa vision à devenir parties à la Convention des peuples pour
l'établissement d'un Tribunal international des droits de la
nature194.
Enfin, le Tribunal Monsanto est un autre
tribunal moral qui se réunira à La Haye du 12 au 16 octobre
2016195.
186 Site internet de Waternunc, Tribunal international de la
nature.
187 Projet de statut du Tribunal international de conscience de
la nature.
188 Présentation du Tribunal pour les crimes contre la
nature et le futur de l'humanité.
189 Site internet du Tribunal de la Nature, Charte de
Bruxelles.
190 Site internet du Tribunal de la Nature, Pétition
internationale.
191 Site internet de NatureRights, Tribunal international des
droits de la nature.
192 Site internet du la Global Alliance for the Rights of
Nature, A Tribunal for Earth: why it matters.
193 Site internet de Valérie Cabanes, Le Tribunal
international des droits de la nature.
Valérie Cabanes est membre de End Ecocide on Earth et
fait partie des personnes qui ont présenté le Tribunal de la
Nature au Conseil économique et social en 2012.
194 Global Alliance for the Rights of Nature, Communiqué
de presse, 7 décembre 2015.
51
195 Coralie Schaub, Monsanto : pour que justice germe,
Libération, 2 décembre 2015.
Le bien--fondé d'une juridiction internationale
spécialisée en droit de l'environnement
Un des objectifs de ce Tribunal sera d'examiner
l'opportunité de réformer le statut de la CPI afin d'y inclure le
crime d'écocide et de permettre la poursuite des personnes physiques et
morales soupçonnées d'avoir commis ce crime196. En
amont de l'événement, des groupes de travail seront
chargés d'étudier les impacts des activités de Monsanto au
regard des 6 axes suivants : droit à un environnement sain ; droit
à la santé ; droit à l'alimentation ; liberté
d'expression et liberté de recherche académique;
complicité de crimes de guerre; crime d'écocide. La cour rendra
son avis en décembre 2016. Le projet a été initié
par un groupe de personnalités de la société civile venant
de différents horizons professionnels, qui disposent toutes d'une
expertise en relation avec les thèmes et enjeux qui seront
traités par le Tribunal Monsanto.
Le Tribunal de la Nature et le Tribunal international des
droits de la nature paraissent être les deux projets
généraux de tribunaux moraux les plus aboutis, en particulier
parce qu'ils disposent d'un projet de statut pour le premier, et d'un statut
pour le second, qui méritent d'être étudiés.
Titre II: Sources d'inspiration de la nouvelle
juridiction
Dans la mesure où la création d'une juridiction
internationale spécialisée en droit de l'environnement est
susceptible de s'inspirer des tribunaux moraux, il est intéressant
d'étudier à la fois le projet de statut du Tribunal de la Nature
de Michel Prieur, et le fonctionnement actuel du Tribunal international des
droits de la nature. Cette nouvelle juridiction pourrait aussi s'inspirer de
juridictions nationales spécialisées en droit de l'environnement,
telles que la Land and Environment Court australienne.
Chapitre Ier : Le projet de statut du Tribunal de la
Nature
Le Tribunal de la Nature présente de nombreux
avantages. Cependant, il reste un tribunal moral, sans réel pouvoir de
sanction.
Il a pour premier avantage d'être composé d'une
Commission et d'une Cour qui sont toutes deux composées d'experts en
environnement international.
En outre, les réclamations sont examinées par
une Commission composée de 10 experts ou personnalités reconnus
dans le domaine de l'environnement au plan national et international devant
représenter les différentes régions du monde et assurer un
équilibre homme femme197. La Commission désigne en son
sein deux rapporteurs qui proposent à la Commission soit un rejet
motivé soit l'admission de la réclamation198.
196 Site internet du Tribunal Monsanto, Comment?
197 Projet de statut du Tribunal international de conscience de
la nature, Articles 3 et 4.
52
198 Projet de statut du Tribunal international de conscience de
la nature, Article 4.
Le bien-fondé d'une juridiction internationale
spécialisée en droit de l'environnement
La Commission désigne les membres de la Cour, dans une
liste d'experts et de personnalités d'au moins 10 noms ayant une
autorité internationale de par les fonctions qu'ils ont exercées
et/ou du fait de leurs travaux scientifiques et/ou juridiques concernant
l'environnement199. Les personnes ou entités mises en cause
par une réclamation peuvent désigner un membre
supplémentaire de la Cour, lorsque la Cour ne compte aucun membre de
leur nationalité200.
De plus, le Tribunal de la Nature a une compétence
large, puisqu'il reçoit toutes les réclamations
dénonçant une grave atteinte à l'environnement sur le
territoire terrestre, maritime ou aérien d'un Etat et/ou dans un espace
ne relevant d'aucune juridiction nationale, commise par une personne physique
ou morale, publique ou privée, y compris dans le cas d'atteintes
commises à l'étranger201.
Cependant, pour être susceptibles d'une
réclamation devant le Tribunal, les dommages à l'environnement
doivent revêtir une certaine gravité et constituer une atteinte,
soit aux droits des générations futures, soit à des biens
communs non appropriés202.
Ainsi, le Tribunal de la Nature a une compétence large
en matière de personnes publiques et privées, physiques et
morales, et en matière civile, administrative et pénale.
Par ailleurs, le projet de statut propose une
définition des éléments de l'environnement, à
savoir l'eau, l'air, les espèces, le patrimoine génétique,
les habitats naturels, les écosystèmes et processus
écologiques, la continuité des corridors écologiques, le
sol et sous-sol et les ressources et milieux naturels203.
Cependant, le Tribunal de la Nature présente aussi des
inconvénients. En outre, il reste un tribunal de conscience ou
d'opinion204.
Ce tribunal n'a en effet pas pour objet de sanctionner ou
stigmatiser les pollueurs mais d'alerter et d'informer la population. Pourtant,
le projet de statut note dans son préambule les carences du
système juridictionnel existant, tant à l'échelle
nationale qu'internationale. Il constate que l'accès effectif aux
recours judiciaires n'est pas réalisé de façon
satisfaisante au plan international et que de nombreuses atteintes à
l'environnement restent encore inconnues et/ou impunies. Le but du tribunal est
d'oeuvrer à la prévention de nouveaux crimes contre
l'environnement en condamnant publiquement et moralement ceux qui
échappent, de droit ou de fait, à la justice nationale et
internationale.
199 Projet de statut du Tribunal international de conscience de
la nature, Articles 5 et 7.
200 Projet de statut du Tribunal international de conscience de
la nature, Article 8.
201 Projet de statut du Tribunal international de conscience de
la nature, Article 12.
202 Projet de statut du Tribunal international de conscience de
la nature, Article 15 (3).
203 Projet de statut du Tribunal international de conscience de
la nature, Article 15 (1).
53
204 Projet de statut du Tribunal international de conscience de
la nature, Objectifs généraux.
Le bien-fondé d'une juridiction internationale
spécialisée en droit de l'environnement
Les dommages à l'environnement sont passibles d'une
condamnation morale même si leur(s) auteur(s) a agi par négligence
ou sans intention de nuire et que son comportement soit licite ou illicite en
vertu du droit national205. Le Tribunal apprécie les
responsabilités du ou des auteurs en cause en tenant compte du fait que
les Etats ont des responsabilités communes mais
différenciées.
Dans la mesure du possible, la Cour se réunit sur le
territoire de l'Etat dans lequel une réclamation a été
formulée, afin de donner le maximum de visibilité et transparence
à la situation jugée206.
La Cour prononce une condamnation morale selon la
gravité des faits et le niveau de dommage, de menaces et/ou de
détérioration de l'environnement. Dans tous les cas, elle
préconise des solutions alternatives et/ou des actions
réparatrices et tire les leçons que suggère l'affaire,
examinée dans la perspective d'une éducation pour tous à
l'environnement207.
Le projet de statut définit les condamnations morales
que la Cour peut prononcer, le cas échéant cumulativement,
à savoir, de la plus légère à la plus grave : une
mise en garde; un blâme; la reconnaissance publique d'une violation des
droits humains, la reconnaissance d'un crime contre les
générations futures, la reconnaissance d'un crime contre le
patrimoine culturel mondial ou encore la reconnaissance d'un crime
d'écocide208.
Ainsi, si cette initiative est louable au regard d'un objectif
de protection de l'environnement à l'échelle internationale, elle
est clairement insuffisante dans la mesure où elle ne permet pas la
réparation des préjudices subis par les victimes d'atteinte
à l'environnement, ni la sanction financière des pollueurs.
Par ailleurs, le projet de statut fait référence
aux grands principes du droit de l'environnement, sans les définir.
En effet, le projet de statut précise le droit
matériel que doit appliquer la Cour, à savoir les principes
généraux du droit, la coutume ou encore les conventions
internationales. En particulier, il fait référence aux principes
généraux du droit de l'environnement tels que le principe de
prévention, le principe pollueur-payeur, le principe de
précaution, le principe de participation du public aux décisions
environnementales, le principe d'accès à la justice en
matière d'environnement, le principe de non-régression du droit
de l'environnement. Cependant il ne définit aucun de ces
principes209.
Enfin, le Tribunal de la Nature étant un tribunal
moral, il tient aussi compte de sources non juridiques que ne pourrait
appliquer une juridiction internationale.
En effet, la Cour tient compte aussi du consensus
émergeant de la société civile, traduisant une
communauté de vues ou d'expériences sur l'indispensable
réaction collective en vue de stopper la dégradation continue de
la planète terre210.
205 Projet de statut du Tribunal international de conscience de
la nature, Article 16.
206 Projet de statut du Tribunal international de conscience de
la nature, Article 20.
207 Projet de statut du Tribunal international de conscience de
la nature, Article 26.
208 Projet de statut du Tribunal international de conscience de
la nature, Article 27.
209 Projet de statut du Tribunal international de conscience de
la nature, Article 14.
54
210 Projet de statut du Tribunal international de conscience de
la nature, Article 14.
Le bien-fondé d'une juridiction internationale
spécialisée en droit de l'environnement
Chapitre II: Le Tribunal international des droits de la
nature
La Convention des peuples pour l'établissement d'un
Tribunal international des
droits de la nature reconnaît l'existence du Tribunal
international des droits de la nature à compter du 4 décembre
2015211. Si cette Convention vient renforcer la
légitimité du Tribunal, elle aurait dû
cependant précéder la création du Tribunal pour fonder
juridiquement son existence.
La Convention précise les objectifs du
Tribunal212 et énonce que le fonctionnement du Tribunal doit
respecter les statuts et règles de procédures adoptés par
les parties ou le Tribunal213. Peuvent être parties à
la Convention les représentants d'une nation, une tribu ou un peuple
indigène, d'une organisation qui souhaite promouvoir l'implantation
effective des droits et devoirs de la Déclaration universelle des droits
de la Terre-Mère ou d'une population locale. D'après la
Convention, la Global Alliance for the Rights of Nature assure le
secrétariat intérimaire de la Convention, jusqu'à ce que
les premiers membres du Tribunal, qui sont désignés par la Global
Alliance for the Rights of Nature, désignent le premier
secrétaire général214.
La Global Alliance for the Rights of Nature a
désigné les premiers membres du Tribunal qui ont exercé
leurs fonctions le 4 et 5 décembre 2015215, et assure
présentement de secrétariat de la
Convention216. Le Tribunal s'est doté d'un statut le 4
décembre 2015217.
En vertu de son statut, le Tribunal international des droits
de la nature est une « institution judiciaire
autonome218 ». Ainsi le Tribunal ne se prétend pas
être un tribunal moral comme le Tribunal de la Nature, bien qu'il le soit
dans les faits. Tout comme le Tribunal de la Nature, ce Tribunal n'applique pas
que le droit international. Il doit en effet appliquer les « lois de
la Nature », à savoir les connaissances acquises par les
sociétés humaines sur le fonctionnement de la
Terre-Mère219. Le Tribunal est doté d'un
Défenseur de la Terre-Mère qui assume les fonctions de
procureur220. Enfin, il peut conclure des contrats de
coopération avec d'autres institutions dans le but de renforcer et
promouvoir la Déclaration de la Terre-Mère et la Convention des
peuples pour l'établissement d'un Tribunal international des droits de
la nature221.
211 Convention des peuples pour l'établissement d'un
Tribunal international des droits de la nature, Article 1er.
212 Convention des peuples pour l'établissement d'un
Tribunal international des droits de la nature, Article 2.
213 Convention des peuples pour l'établissement d'un
Tribunal international des droits de la nature, Article 3.
214 Convention des peuples pour l'établissement d'un
Tribunal international des droits de la nature, Article 14.
215 Site internet de Valérie Cabanes, Le Tribunal
international des droits de la nature.
216 Site internet de Global Alliance for the Rights of Nature,
Tribunal international des droits de la nature - Paris.
217 Statut du Tribunal international des droits de la nature.
218 Statut du Tribunal international des droits de la nature,
Article 1.
219 Statut du Tribunal international des droits de la nature,
Articles 3 et 27.
220 Statut du Tribunal international des droits de la nature,
Article 10.
55
221 Statut du Tribunal international des droits de la nature,
Article 24.
Le bien-fondé d'une juridiction internationale
spécialisée en droit de l'environnement
Chapitre III : Le modèle de la Land and
Environment Court
Une juridiction spécialisée en droit de
l'environnement uniquement aurait une expertise précieuse
nécessaire à la réalisation de l'objectif de protection de
l'environnement. C'est l'approche retenue lors de la création de la Land
and Environment Court de l'Etat de Nouvelle-Galles-du-Sud en Australie.
La Land and Environment Court (LEC) de l'état de
Nouvelle-Galles-du-Sud222 a
1er
été créée le septembre 1980 par une
loi nommée « Land and Environment Court
Act 1979223 »
(ci-après nommée loi de création de la LEC). Le but
était de créer une juridiction spécialisée en droit
de l'environnement, selon une approche anglo-saxonne appelée «
one stop shop ». Cette approche consiste à permettre au
justiciable d'avoir accès à plusieurs services en un même
lieu. Dans le cas présent, ces services concernent le droit de
l'environnement, le droit de l'urbanisme et le droit foncier.
En effet, avant la création de la LEC,
différents tribunaux224 étant compétents dans
le domaine de l'urbanisme et le droit de l'environnement n'existait pas en tant
que tel. Le Parlement de la Nouvelle-Galles-du-Sud a donné à la
LEC la compétence pour traiter de tous les sujets qui relevaient
auparavant de la compétence de ces différents tribunaux. Une
large juridiction a été conférée à la LEC en
matière environnementale, d'urbanisme et foncière. Cette
juridiction est exclusive, dans la mesure où aucun autre tribunal ne
peut empiéter sur la juridiction conférée à la
LEC.
La LEC est compétente dans tous les domaines
définis par la loi de création de la LEC ou une autre
loi225. Elle est aussi compétente pour toutes les affaires
qui ne font pas expressément partie de son champ de compétence
mais qui sont rattachées à un de ses domaines de
compétence226. En vertu de la loi de création de la
LEC, elle est compétente dans huit domaines227 à
savoir:
- les appels en matière de planification et de protection
environnementales
- les appels en matière de droit des collectivités
et autres
- la propriété foncière, l'évaluation
foncière, l'estimation foncière et les compensations
financières
- les mesures d'exécution civile de planification et
protection environnementales et des contrats de
développement
222 La Nouvelle-Galles-du-Sud est un des six Etats
fédérés qui composent l'Australie, avec l'état de
Victoria, de Queensland, de Tasmanie, de l'Australie méridionale et de
l'Australie occidentale. A cela s'ajoutent deux territoires : le Territoire du
Nord et le Territoire de la capitale australienne.
223 Site internet de la LEC, History.
224 à savoir la Land and Valuation Court, le Valuation
Boards of Review, le Local Government Appeals Tribunal, la Local Court and la
District Court of New South Wales et la Supreme Court of New South Wales.
225 Land and Environment Court Act 1979, article 16 (1)
226 Land and Environment Court Act 1979, article 16 (2)
56
227 Land and Environment Court Act 1979, article 16 (3)
Le bien-fondé d'une juridiction internationale
spécialisée en droit de l'environnement
- les mesures sommaires d'exécution de la planification et
la protection environnementales - les appels des condamnations à des
infractions environnementales
- les autres appels relatifs à des infractions
environnementales
- les affaires minières.
En vertu de la loi de création de la LEC, la LEC est
compétente en droit administratif de l'environnement en première
instance et en appel228. Elle est
compétente en droit civil de l'environnement en
première instance, appel et cassation229. Enfin, elle est
compétente en droit pénal de l'environnement en
appel230.
Ainsi, la LEC a une compétence large, qui couvre aussi
bien le droit administratif, le droit civil que le droit pénal de
l'environnement. La liste des matières dans lesquelles la LEC est
compétente est très détaillée et de ce fait
longue.
En s'inspirant de la LEC, il est possible de concevoir une
juridiction internationale avec une compétence large pour
déterminer la responsabilité civile ou pénale de personnes
physiques ou morales, publiques ou privées, ayant commis un dommage
volontaire ou involontaire à l'environnement.
Cependant, il est peu probable que les Etats acceptent une
telle soumission à une juridiction internationale, en raison de la
restriction à leur souveraineté nationale que cela entraine. En
revanche, il est plus probable qu'ils acceptent la création d'une
juridiction internationale compétente uniquement pour connaître de
la responsabilité pénale des personnes privées (physiques
ou morales) ayant commis des dommages graves à l'environnement.
Titre III : Les avantages et inconvénients de la
création de cette juridiction Chapitre Ier : Le risque de
conflit de juridictions
La création d'une nouvelle juridiction internationale
spécialisée en droit de l'environnement comporte un
inconvénient juridique : elle risque de causer un conflit de
juridictions.
Il existe en outre une multiplication des juridictions
internationales, non plus seulement au niveau régional mais aussi
universel231, parmi lesquelles se trouvent la CPI, le Tribunal
international du droit de la mer et l'ORD de l'OMC.
228 Land and Environment Court Act 1979, article 17 et 18.
229 Land and Environment Court Act 1979, article 19, 20 et 21.
230 Land and Environment Court Act 1979, article 21 A et 21 B.
57
231 Pierre-Marie Dupuy et Yann Kerbrat, Droit international
public, p 21.
Le bien-fondé d'une juridiction internationale
spécialisée en droit de l'environnement
En effet, l'aspiration à soumettre les manquements des
Etats aux droits allégués au jugement d'une autorité
tierce a connu un développement certain au cours des dernières
décennies, notamment à l'échelon
régional232. Dans le cadre des Organisations Internationales
à vocation universelle de la famille des Nations Unies, des juridictions
administratives destinées à régler des différends
survenus entre les OI, concernant leur fonctionnement ou leurs agents, sont
apparues. C'est aussi le cas du Tribunal international du droit de la mer et de
la Cour Pénale Internationale vus précédemment, ainsi que
des juridictions ad hoc, telles que le Tribunal Pénal International pour
le Rwanda et celui pour l'ex-Yougoslavie.
Par conséquent, la création d'une nouvelle
juridiction internationale spécialisée en droit de
l'environnement risque de conflit de juridictions, notamment avec la CIJ, la
CPI, le Tribunal international du droit de la mer, et les quasi-juridictions en
matière de droits humains ou l'ORD de l'OMC.
Cette multiplication des juridictions internationales
permanentes pourrait à terme, poser certains problèmes, de
caractère institutionnel mais aussi substantiel233. Cela pose
en théorie la question de la garantie d'une suffisante unité
d'interprétation des normes internationales appliquées par ces
diverses juridictions, à savoir le droit international
général mais aussi les conventions internationales faisant
l'objet d'un examen judiciaire.
Cependant, en pratique les juridictions internationales
hésitent de moins en moins à se référer les unes
aux autres. Elles veillent à une sorte d'harmonisation d'ensemble de
leurs jurisprudences respectives sur des sujets identiques ou voisins.
A titre d'exemple, dans l'affaire du boeuf aux
hormones précitée, l'Organe d'appel de l'ORD de l'OMC
n'a pas hésité à se référer à
l'arrêt de la CIJ dans l'affaire relative au projet
Gabèikovo-- Nagymaros (aussi précitée),
pour constater que la CIJ s'était abstenue de se prononcer sur le
caractère d'ores et déjà coutumier du principe de
précaution en droit international de l'environnement.
Ainsi, en pratique, l'expérience des dernières
années manifeste que les alarmes
relatives à la fragmentation du droit international du
fait de jurisprudences discordantes ne sont pas confirmées de
façon déterminante234.
La doctrine propose par ailleurs d'instituer un
mécanisme de question préjudicielle au profit de la CIJ sur la
détermination, l'interprétation ou l'application d'une
règle conventionnelle ou coutumière de droit international public
dont l'élucidation est nécessaire à une juridiction pour
rendre son jugement235. Cependant, cette solution se heurterait en
pratique à de sérieux obstacles, d'ordre technique, psychologique
et politique. En revanche, des solutions plus souples et moins
formalisées sont concevables, telles que la rencontre entre juges de
différentes juridictions, pour veiller à l'interprétation
des normes intéressées.
232 Pierre-Marie Dupuy et Yann Kerbrat, Droit international
public, p 633.
233 Pierre-Marie Dupuy et Yann Kerbrat, Droit international
public, p 635.
234 Pierre-Marie Dupuy et Yann Kerbrat, Droit international
public, p 636.
58
235 Pierre-Marie Dupuy et Yann Kerbrat, Droit international
public, p 637.
59
Le bien-fondé d'une juridiction internationale
spécialisée en droit de l'environnement Chapitre II: Une
chance de combler les lacunes du droit international de
l'environnement
Cependant, la création d'une nouvelle juridiction
internationale spécialisée en droit de l'environnement offre de
nombreux avantages. En outre, la rédaction de son statut serait
l'occasion de :
- définir la notion d'environnement en vertu du droit
international
- définir les grands principes et les termes
utilisés en droit international de l'environnement (devoir de diligence,
principe de précaution, principe de prévention, principe
pollueur-payeur, principe de participation du public aux décisions
environnementales, principe d'accès à la justice en
matière d'environnement, principe de non-régression du droit de
l'environnement, notion de développement durable et de
générations futures, évaluation environnementale...)
- rappeler l'obligation des Etats de protéger
l'environnement en droit international en vertu de leur devoir de diligence,
dont découle l'obligation coutumière des Etats de prendre des
mesures nécessaires et proportionnées, destinées à
s'assurer que les activités exercées dans les limites de leur
juridiction ou sous leur contrôle ne causent pas de dommage à
l'environnement dans d'autres Etats ou dans des régions ne relevant
d'aucune juridiction nationale
- rappeler l'obligation coutumière des Etats de
réaliser une évaluation environnementale pour tous les grands
projets susceptibles d'avoir un impact transfrontalier majeur sur
l'environnement et définir son contenu pour les projets communs à
plusieurs Etats
- rappeler la nécessité pour les Etats de
coopérer entre eux afin de protéger l'environnement, en
particulier l'obligation des Etats développés de coopérer
avec les Etats en voie de développement pour assurer la
répression des atteintes à l'environnement
- renforcer les moyens et les pouvoirs des institutions
environnementales existantes
- créer une juridiction internationale à
compétence large, à savoir une juridiction composée
d'experts en droit international de l'environnement, compétente pour
engager la responsabilité civile ou pénale de personnes publiques
ou privées, physiques ou morales, ayant commis un dommage volontaire ou
involontaire à l'environnement.
Pour établir une nouvelle juridiction internationale, il
faudrait définir:
- Sa composition/son organisation : Qui compose la juridiction
? Comment ces personnes sont-elles désignées ? Sont-elles
nommées ou élues ? Par qui sont-elles désignées ?
Sur quels critères ? Pour quelle rémunération ? Pour
combien de temps ? Combien de juges composent la Cour? Où la Cour
siège-t-elle? En quelles formations siège-t-elle? La Cour
mette-elle en place une COP / une assemblée des parties? Dispose-t-elle
d'un secrétariat / un greffe ? Qui préside la Cour et selon
quelle procédure cette personne est-elle désignée? La Cour
dispose-t-elle d'un Procureur chargé de mener l'enquête?
- Sa compétence : Dans quels domaines la Cour est-elle
compétente? Est-elle compétente pour juger des Etats, des
personnes physiques, des personnes morales autres que les Etats? Peut-elle
juger de la responsabilité civile et/ou pénale de ces personnes?
Une autre convention internationale autre que celle qui crée la Cour
peut-elle attribuer une compétence à la Cour? La Cour est-elle
compétente en première instance uniquement ou aussi en appel et
cassation ? Qui gère la recevabilité des demandes? Sur quels
critères les demandes sont-elles irrecevables? La Cour peut-elle rendre
des avis consultatifs?
60
Le bien-fondé d'une juridiction internationale
spécialisée en droit de l'environnement
- Les procédures : Dans quelles langues la Cour
rend-elle ses décisions ? De quelle manière la Cour exerce-t-elle
sa compétence ? Quelles sont les règles relatives aux
enquêtes et aux poursuites, au procès et aux peines applicables?
La Cour peut-elle prendre des mesures conservatoires ? Quelle est la force
juridique de ses décisions? Quels moyens de preuve sont admis?
- Les appels de ses décisions : Les décisions de
la Cour sont-elles susceptibles d'appel ? Selon quelles règles? Dans
quels délais?
- L'exécution de ses décisions : La Cour
opère-t-elle une surveillance de l'application de ses décisions?
Quelles sont les sanctions en cas de non-application des décisions de la
Cour?
- Le financement : Par qui la Cour est-elle financée?
- Les modifications de son statut : Quelles sont les
règles d'amendements de son statut ? Son statut peut-il être
modifié par la Cour elle-même et/ou ses parties?
Le statut de cette nouvelle juridiction peut prendre plusieurs
formes. En outre, les éléments de droit international de
l'environnement matériel peuvent être inclus directement dans le
statut de la juridiction, comme c'est le cas pour le statut de la CPI avec des
éléments de droit international pénal matériel. Par
ailleurs, le statut peut être une annexe à une convention
internationale environnementale générale, comme c'est le cas du
statut du Tribunal international du droit de la mer, annexé à la
Convention de Montego Bay. Le PNUE pourrait être chargé du
secrétariat de cette nouvelle juridiction.
61
Le bien--fondé d'une juridiction internationale
spécialisée en droit de l'environnement
Conclusion
La création d'une nouvelle juridiction internationale
spécialisée en droit de l'environnement permettrait de pallier le
défaut d'exercice des Etats de leur compétence civile ou
pénale sur les personnes relevant de leur contrôle ou juridiction
ayant commis un dommage à l'environnement. Si elle est dotée
d'une compétence large, cette nouvelle juridiction serait plus efficace
que l'extension de la compétence de juridictions internationales
existantes, au regard d'un objectif de protection de l'environnement.
Cependant, une telle juridiction, avec une compétence aussi
générale, requiert une volonté au sein des Etats qui
semble pour le moment inexistante.
A défaut, un objectif plus réaliste semble
l'extension de de la compétence de la Cour Pénale Internationale
en matière d'écocide, qui consisterait à élever le
crime environnemental au rang de crime international. Cela permettrait a minima
la répression des atteintes à l'environnement les plus graves. Il
est cependant à déplorer que la CPI ne puisse connaître des
crimes commis par des personnes morales de droit privé. Cela ne
m'empêche pas de rêver à la création future d'une
juridiction internationale environnementale à compétence plus
large.
62
Le bien-fondé d'une juridiction internationale
spécialisée en droit de l'environnement
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http://www.icj-cij.org/jurisdiction/index.php?p1=5&p2=1&p3=4
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Le bien--fondé d'une juridiction internationale
spécialisée en droit de l'environnement
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http://www.lec.justice.nsw.gov.au/Pages/about/history.aspx
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bolivien, M. Evo Morales Ayma, sur les changements climatiques, 22 septembre
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http://www.un.org/fr/sections/about--un/funds--programmes--specialized--agencies--and--
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Nations Unies, Organes principaux:
http://www.un.org/fr/sections/about--un/main--organs/index.html
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Le bien--fondé d'une juridiction internationale
spécialisée en droit de l'environnement
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Organisation Mondiale du Commerce, Inde etc./Etats--Unis:
l'affaire «crevettes--tortues» :
https://www.wto.org/french/tratop
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Organisation Mondiale du Commerce, Portail des textes juridiques:
https://www.wto.org/french/docs
f/legal f/legal f.htm#dispute
Organisation Mondiale du Commerce, Présentation technique
du Mémorandum d'accord relatif aux règles et procédures
régissant le règlement des différends:
https://www.wto.org/french/docs
f/legal f/ursum f.htm#Understanding
Organisation Mondiale du Commerce, WTO Analytical Index on GATT
Article XX :
https://www.wto.org/english/res
e/booksp e/analytic index e/gatt1994 07 e.htm#fnt13 37
Polly Higgins, Press:
http://pollyhiggins.com/press/
Programme des Nations Unies pour l'Environnement, Division de la
Coordination du Fonds mondial pour l'environnement:
http://www.unep.org/dgef/AboutUNEPGEF/tabid/54444/Default.aspx
Tribunal de la Nature, Charte de Bruxelles:
http://www.tribunal--
nature.org/index.php/charte--de--bruxelles.html
Tribunal de la Nature, La démarche :
http://www.tribunal--
nature.org/index.php/presentation--de--la--demarche.html
Tribunal de la Nature, Pétition internationale:
http://www.tribunal--
nature.org/index.php/world--petition.html
Tribunal de la Nature, Soutiens dans le monde:
http://www.tribunal--
nature.org/index.php/soutiens--dans--le--monde.html
Tribunal international du droit de la mer, le Tribunal :
https://www.itlos.org/fr/le--tribunal/
Tribunal Monsanto, Comment?
http://fr.monsantotribunal.org/Comment
Valérie Cabanes, Le Tribunal international des droits de
la nature:
http://valeriecabanes.eu/le--tribunal--international--des--droits--de--la--nature/
69
Union Internationale de la Conservation de la Nature, A propos,
L'union :
https://www.iucn.org/fr/secretariat/l--union
70
Le bien-fondé d'une juridiction internationale
spécialisée en droit de l'environnement
Waternunc, Présentation du Tribunal pour les crimes contre
la nature et le futur de l'humanité:
http://www.waternunc.com/assets/pdf/
pdf3/Tribunal Nature-Presentation fr-2.pdf
Waternunc, Projet de statut du Tribunal international de
conscience de la nature:
http://www.waternunc.com/assets/pdf/
pdf3/bases juridiques tribunal-2013-4.pdf
Waternunc, Tribunal international de la nature:
http://www.waternunc.com/fr2013/tribunal
international nature interview Alfredo Pena Vega 2013.php
Vidéo
Juge Antonino Abrami entendu le 10 juillet 2010 par la Commission
Environnement du Parlement Européen :
http://weblet.environnement.org/client/
DVLPT lettre forme.asp?ID=1860&Mode=dispatc h&USER ID=211
Rapport
Rapport de UNEP et Interpol, The environmental crime crisis, 2014
:
http://www.unep.org/unea1/docs/RRAcrimecrisis.pdf
Dissertation
International criminal law & the protection of the
environment, Loïc BARNIER
71
Le bien--fondé d'une juridiction internationale
spécialisée en droit de l'environnement
Table des matières
Remerciements 2
Sommaire 3
Liste des abréviations et des signes
conventionnels 4
Titre préliminaire: Introduction 5
L'absence de définition juridique consensuelle de
l'environnement 5
Dans les conventions internationales 5
Dans la coutume internationale 6
Dans les principes généraux du droit international
8
Dans la jurisprudence internationale 9
Dans la doctrine internationale 10
L'obligation juridique des Etats de protéger
l'environnement 10
Dans les conventions internationales 10
Dans la coutume internationale 11
Dans les principes généraux du droit international
12
Dans la jurisprudence internationale 12
Dans la doctrine internationale 16
Problématique et annonce de plan 16
Partie Ière : Le bien-fondé de
l'existence d'une juridiction internationale compétente en
droit de l'environnement 21
Titre Ier : Les institutions internationales de
protection de l'environnement 21
Chapitre Ier : Les Organisations Internationales (OI) 21
Chapitre II: Les Conférences des Parties (COP) 23
Chapitre III : Les Organisations Non Gouvernementales (ONG) 24
Titre II : La réciprocité avec les
règles du droit international économique 25
Chapitre I: Le détournement des règles du droit
international économique 26
Chapitre II: L'absence de pouvoir de sanction propre de l'ORD
28
Titre III : Les juridictions nationales 31
Chapitre Ier : Les dommages à un territoire régi
par le droit international 31
Chapitre II: Les dommages au territoire d'un autre Etat 32
Chapitre III : Les dommages aux autres espaces 33
Partie II : Le bien-fondé de l'extension de la
compétence de juridictions internationales
existantes 35
Titre Ier : La Cour Internationale de Justice (CIJ)
35
Chapitre Ier : La compétence actuelle de la CIJ 36
Chapitre II: L'extension possible de la compétence de la
CIJ 39
Titre II : La Cour Pénale Internationale (CPI)
41
Chapitre Ier : La compétence actuelle de la CPI 42
Chapitre II: L'extension possible de la compétence de la
CPI 43
Titre III : Le Tribunal international du droit de la mer
45
Chapitre Ier : La compétence actuelle du Tribunal 46
Chapitre II: L'extension possible de la compétence du
Tribunal 47
72
Le bien--fondé d'une juridiction internationale
spécialisée en droit de l'environnement
Partie III: Le bien--fondé de la création
d'une nouvelle juridiction internationale spécialisée
en droit de l'environnement 48
Titre Ier : Initiatives et propositions politiques ou
doctrinales 48
Chapitre Ier : De juridictions internationales compétentes
en droit de l'environnement 48
Chapitre II: De tribunaux moraux internationaux compétents
en droit de l'environnement 50
Titre II : Sources d'inspiration de la nouvelle
juridiction 52
Chapitre Ier : Le projet de statut du Tribunal de la Nature 52
Chapitre II: Le Tribunal international des droits de la nature
55
Chapitre III : Le modèle de la Land and Environment Court
56
Titre III : Les avantages et inconvénients de la
création de cette juridiction 57
Chapitre Ier : Le risque de conflit de juridictions 57
Chapitre II: Une chance de combler les lacunes du droit
international de l'environnement 59
Conclusion 61
Bibliographie 62
Conventions internationales 62
Conventions générales sectorielles en droit de
l'environnement 62
Statuts de juridictions internationales 62
Conventions en droit international économique 63
Soft law 63
Principes généraux du droit 63
Textes constitutionnels 63
Lois 65
Décisions de justice 65
Doctrine 66
Articles 66
Ouvrages généraux 67
Ouvrages spéciaux 67
Manuel 67
Autres 67
Sites internet 67
Vidéo 70
Rapport 70
Dissertation 70
Table des matières 71
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