Depuis plusieurs années, les pères de
l'économie avaient pressenti la convergence entre la théorie
d'assurance et la théorie de l'économie. Borch K. H. (1990)
rapporte ce rapprochement de manière progressive suivant les
différentes recherches qui ont eu lieu au cours du temps. Rappelons
rapidement que l'objectif essentiel de la théorie de l'assurance est de
déterminer la relation entre deux éléments: la prime (P)
payée par l'assuré quand le contrat est conclu, et la fonction
F(x), appelée distribution de probabilité d'une variable
aléatoire X qui est la compensation que l'assuré reçoit
quand les événements spécifiques surviennent au moment
où le contrat est en vigueur. Plusieurs auteurs de l'économie
générale considèrent que le fonctionnement de l'assurance
doit être très proche des principes de l'économie.
Il y a environ 230 ans, dans son livre sur les richesses des
nations, Adam Smith (1776) , a évoqué les concepts d'assurance et
a indiqué que la prime d'assurance doit être suffisante pour
compenser les pertes communes, pour payer les dépenses de gestion et
permettre de dégager un profit tel qu'il devrait être tiré
d'un capital équivalent employé dans n'importe quel commerce
général. A propos de l'effet de l'assurance, Smith signale que le
commerce de l'assurance donne une grande sécurité aux fortunes
des populations en divisant parmi un plus grand nombre, les pertes qui
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Roméo TAYEWO 9
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pouvaient ruiner un individu, il les rend plus
légères et faciles sur toute la mutualité. Pour donner
cette sécurité, il est nécessaire que les assureurs
puissent avoir un capital très grand. Déjà, à cette
époque, Smith avait un bon aperçu des aspects essentiels de
l'assurance. En comparant le succès de la loterie aux faibles profits
des assurances, l'économiste Smith considérait le désir
des populations pour les jeux comme un élément aussi important en
économie que leur aversion pour le risque, c'est-à-dire, la bonne
volonté de payer pour se débarrasser des risques. Au
siècle suivant, il y eut un grand développement de la
théorie économique, mais qui n'a pas conduit à une
profonde compréhension de l'assurance.
Les trois principaux centres qui ont contribué au
développement de la théorie économique sont ceux de
Cambridge, de Lausanne et de Vienne. Les théories économiques
développées dans ces trois centres, jadis appelés les
trois écoles, semblaient différentes en leur temps, et à
ce jour; les différences sont plus fondamentales et on s'y
réfère actuellement comme à une théorie
néo-classique. Le rapprochement entre l'assurance et l'économie
est arrivé progressivement en tenant compte des résultats des
recherches de certains économistes de ces écoles.
Dans l'école de Vienne, Menger Cari qui en est le
fondateur ne semble avoir dit quelque chose d'important à propos de
l'assurance. Son successeur Böhm-Bawerk (1881) a eu une vision de
l'assurance sans tenir compte de l'effet de l'incertitude inhérente
à n'importe quelle activité économique de la moitié
du dix-neuvième siècle. Par ailleurs, les actuaires Allemands et
Australiens ont développé « la théorie du risque
». L'hypothèse de cette théorie avait essentiellement pour
objectif de déterminer le capital qu'un assureur devrait prévoir
en vue de fournir une sécurité adéquate aux acheteurs des
contrats d'assurance. Suivant la compréhension de plusieurs
économistes, le travail de Böhm-Bawerk et des actuaires, a permis
de comprendre que la théorie économique de l'assurance devrait
être basée non seulement sur l'analyse économique standard
mais également sur la théorie des risques.
A Lausanne, il y avait l'école de Walras(1874). Ce
dernier vit l'assurance comme un dispositif pour enlever l'incertitude
inhérente à toutes les activités économiques. Ceci
a fait qu'on développa une théorie pour l'équilibre
économique général sous une
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Roméo TAYEWO 10
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BENIN
pleine certitude, laissant le secteur d'assurance comme un
sujet spécial à être étudié
séparément. C'est la même conclusion que Böhm-Bawerk,
sauf que chez Walras, le lien entre les deux secteurs est la prime d'assurance
qu'un économiste moderne va reconnaître comme « le coût
du capital ».
A Cambridge, A. Marshall/(1880), finit par développer
une théorie économique de l'assurance. Dans ses principes, il
présente les primes d'assurance qu'on a à payer pour se
débarrasser des conséquences de l'incertitude. En appendice
mathématique de son livre, il mentionne le travail de Bernoulli
(D.fl738), comme une estimation intéressante et il semble
reconnaître que le principe de Bernoulli devrait être la clé
au problème des primes d'assurance. Mais, Marshall n'a pas
développé cette idée lui-même, et personne à
l'école de Cambridge n'y a fait allusion. En écrivant à
propos de la conséquence risque, Marshall avait la conviction que les
gens étaient pleins de bonne volonté de payer pour réduire
cette conséquence. Il avait remarqué que les hommes d'affaires
payaient « des primes d'assurance » calculées
proportionnellement avec la valeur actuarielle du risque.
Par la suite, plusieurs travaux ont été
réalisés afin de montrer l'importance du secteur de l'assurance
dans le développement économique d'une nation. La plupart de ces
études aboutissent au fait que ce secteur est essentiel pour le
développement d'une économie et, qu'un solide secteur de
l'assurance est une des caractéristiques essentielles d'un
système économique performant d'où son installation et sa
diversification surtout pour les Pays en Voie de Développement (CEA,
2006). Ainsi, Ripoll (1973) à travers une analyse des stratégies
pouvant faciliter l'installation des institutions nationales d'assurance dans
le cadre du commerce international a essayé de montrer que même
après la décolonisation, les pays en développement n'ont
pas eu la tâche facile en ce qui concerne la création des
institutions nationales d'assurance. En effet, les résistances se sont
manifestées pendant longtemps, et le constat était que
l'expansion des affaires dans les pays en voie de développement,
liée au processus de leur croissance économique, a
été absorbée dans une large mesure par les assureurs et
réassureurs internationaux. La tendance vers l'expansion des grandes
multinationales dans ce secteur constitue donc une partie essentielle de leur
stratégie et, par ailleurs, cette tendance peut encore être
stimulée par leur gouvernement pour qui, les affaires
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réalisées à l'étranger par les
assureurs et réassureurs nationaux peuvent avoir des
répercussions très favorables sur leur balance de paiement.
Ripoll a donc rappelé que le Royaume-Uni a enregistré en 1971 un
excédent net de recettes, dans ce secteur, de 381 millions de livres
avec, depuis 1963, un rythme de croissance cumulative moyenne de 25% l'an. La
Suisse fait encore mieux, en termes relatifs, et en 1968, le solde positif dans
ce secteur atteignait par tête d'habitant, une fois et demi le niveau
obtenu par le Royaume-Uni. Ailleurs, en Europe occidentale, les
résultats sont relativement plus modestes. Cependant, même si
l'expansion de leurs assureurs n'a pu se développer dans les proportions
qu'on vient de mentionner, elle demeure toutefois un objectif prioritaire des
compagnies et également une préoccupation des Etats.
Dans le but d'apprécier l'importance du secteur de
l'assurance, la plupart des auteurs utilisent par convention, comme outil
d'appréciation, le taux de pénétration ; ce qui permet
d'analyser la contribution de ce secteur au PIB et de faire des comparaisons
entre Etats ou groupe de pays. Cette approche a été
utilisée particulièrement dans une étude
réalisée par le Comité Européen des Assurances
(CEA) en 2006 pour analyser la contribution du secteur de l'assurance à
la croissance économique et à l'emploi au sein de l'Union
Européenne (UE). Les résultats de cette étude ont permis
d'identifier des disparités entre les différents marchés
de l'assurance de l'Europe des vingt-cinq (25) pays. Alors que certains pays
affichent des taux élevés, d'autres ont des taux de
pénétration faible. La comparaison de ce taux avec celui des
Etats-Unis permet d'affirmer que le secteur européen des assurances est
moins développé qu'aux Etats-Unis où ce taux est
supérieur à 10%, alors que le ratio moyen pondéré
des vingt-cinq pays de l'Union s'élève seulement à 8,5%.
Il existe également une différence encore plus significative si
cette comparaison est faite au niveau de chaque type d'assurance. Ainsi, le
taux de pénétration de l'«assurance dommages » est
supérieur à 6% aux Etats-Unis contre moins de 3,5% en moyenne
dans l'Europe des vingt- cinq pays. Enfin, on peut retenir que les
différentes tendances observées ne modifient en rien la
conclusion que le secteur de l'assurance recèle un potentiel de
croissance en Europe.
Abondant dans le même sens mais, faisant son
étude sur les pays d'Afrique, Moustassie (2006) constate que la part
relative de l'assurance dans le PIB est encore embryonnaire et que le
marché est, cependant, doté d'énormes potentialités
de
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croissance qu'il convient d'explorer efficacement. A cela, il
ajoute que l'existence d'un code unique des assurances et d'un organe
Supranational de contrôle constitue un atout majeur, non seulement pour
les contrôleurs, mais encore pour les assureurs et les assurés,
notamment les opérateurs économiques qui interviennent
aujourd'hui indifféremment dans la plupart des Etats africains.
Moustassie (2006) note aussi que depuis 5 ans, le marché réalise
des bénéfices globalement importants qui représentent 3
à 4 % des prîmes des émissions dans la région, (ce
qui n'était pas le cas avant l'institution de la Conférence Inter
africaine des Marchés d'Assurance(CIMA)) et dégage un
excédent de solvabilité qui équivaut aujourd'hui à
2,5 fois la marge minimale requise.
Mais pour Thierry (2005), l'appréciation de la place
de l'assurance dans une économie nationale peut se faire selon deux
approches pertinentes : la cotisation par habitant (densité) et le ratio
cotisations/PIB. Pour ce dernier, si l'on considère la
répartition de l'épargne financière, on observe que, parmi
les différents opérateurs du marché financier, les
sociétés d'assurances occupent une place relativement restreinte,
représentant une fraction limitée du total des engagements du
secteur financier. Si l'on examine le ratio cotisations/PIB, critère le
plus souvent utilisé pour évaluer l'importance de l'assurance
dans une économie, la relative faiblesse du secteur de l'assurance est
évidente au sein des économies des pays en développement.
Quant à Mohamed (2009), il apprécie l'importance du secteur
à partir d'une analyse descriptive en mettant l'accent sur la place
prépondérante qu'il occupe dans le processus de
développement. Ceci à cause de la diversité de ses
interventions dans les différents domaines économiques,
financiers et sociaux. Aussi souligne-t-il la nécessité de mettre
en place un cadre législatif et réglementaire adéquat en
vue de moderniser ce secteur, accroître son rendement et améliorer
sa contribution au développement. Il évoque également la
question des assurances dans le domaine agricole, et souligne sa
nécessité du fait du potentiel agricole de plusieurs pays en voie
de développement. Mohamed (2009) propose le renforcement de partenariats
avec les entreprises ayant une expertise suffisante dans le domaine agricole.
La situation du secteur de l'assurance a été également
appréciée à travers l'analyse de certaines variables comme
le nombre de sociétés évoluant dans le secteur, les
différents domaines couverts, le nombre
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BENIN
d'emplois créés, le volume des primes
émises, les institutions réglementant le secteur, etc. Cette
approche est utilisée dans la plupart des études qui cherchent
à apprécier l'importance du secteur dans l'économie. Elle
a été adoptée dans plusieurs études dont
particulièrement le rapport du CEA (2006), ce qui a permis de constater
que plus d'un million de personnes qualifiées interviennent dans ce
secteur au niveau des vingt-cinq pays de l'Union Européenne. Liedtke
(2006), quant à lui, montre que l'assurance joue un rôle
prépondérant dans le domaine financier et que son impact, autre
que celui purement financier sur la croissance économique est
essentiellement lié au mode de fonctionnement des économies
modernes. Il note qu'il existe une forte corrélation entre l'existence
de l'assurance dans certains marchés et la profusion de mesures
préventives et que l'assurance affecte non seulement les comportements
ex-ante par une prévention efficace, mais également les
comportements ex-post. Enfin, Liedtke (2006) conclut que malheureusement, un
certain nombre d'impacts constructifs et efficaces sont négligés
ou ne sont pas étudiés en détail lorsqu'il s'agit de
prendre des décisions politiques.
Keke (2010) constate que malgré les divers textes qui
ont été adoptés par les pouvoirs publics pour
définir les règles et conditions d'exercices de la profession
d'assurance au Bénin, le développement du secteur de l'assurance
n'a pas été meilleur d'où l'apport de ce secteur à
l'économie n'est pas à un niveau très significatif. Ce qui
lui a permis d'étudier la condition du secteur de l'assurance, depuis sa
libéralisation au Bénin. Keke(2010) note aussi que depuis la
libéralisation, ce secteur a entraîné une dynamique au
niveau interne, mais le constat est que ce secteur souffre encore de plusieurs
insuffisances dont principalement un domaine du marché par la branche
Incendie-Accident et Risques Divers(IARD) au détriment de la branche
vie. Il ajoute également que malgré la libéralisation de
ce secteur, sa contribution en matière de mobilisation de
l'épargne et surtout à la croissance est toujours restée
faible. Ainsi, selon le rapport de la Direction Générale des
Affaires Economiques(DGAE), la contribution de ce secteur à" la
croissance qui tournait autour de 0,1% du PIB en 2001 n'a pas connu de grande
variation jusqu' en 2008 (0,87% en2005; 0,9% en 2006; 0,97% en 2007, et
à 1% en 2008), tandis que la prévision pour 2010 tourne autour de
0,2% (DGAE, 2007). Keke (2010) signale que, cette situation observée au
Bénin est
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déplorable lorsqu'on connait l'importance de ce
secteur dans la vie économique d'une nation tant dans la mobilisation de
l'épargne que pour le financement des investissements aussi bien publics
que privés et surtout à la croissance économique.
En utilisant la base de données de l'enquête sur
la santé, le vieillissement et la retraite en Europe (SHARE) de 2005
afin d'estimer les déterminants de la probabilité
de détenir l'assurance dépendance en France,
Courbage (2007), montre que la demande
d'assurance dépendance est avant tout motivée
par des comportements d'altruisme. Elle serait demandée à la fois
pour conserver l'héritage à transmettre et pour
protéger
financièrement les proches en cas de
dépendance, mais aussi pour alléger la charge qui
pèse ou pourrait peser sur les offreurs d'aide
informelle. Blondeau (2002) dans les déterminants du cycle de
l'assurance de dommages en France, montre qu'en assurances
de dommages, le résultat provient des primes et des
revenus financiers, déduction faite du coût des sinistres et des
frais d'exploitation. L'étude empirique effectuée sur l'assurance
de dommages française de 1963 à 1999 permet de vérifier
ces raisonnements intuitifs, et de tester les facteurs influençant la
prime. Elle permet aussi,
par l'intermédiaire d'une analyse de
cointégration multi-variée (Vecteur Auto Régressif VAR),
d'analyser les interactions entre les primes, les sinistres, les frais
d'exploitation,
les capitaux propres, le PIB, les taux d'intérêt
à long terme, et le taux de rendement de la Bourse de Paris.
D'après une analyse empirique transnationale effectuée par Webb
et al (2001), le développement de l'assurance et de
l'intermédiation financière augmente la productivité
totale des facteurs en facilitant une allocation efficace du capital.
Outreville (1990) fut l'un des premiers à examiner la
relation économétrique entre développement de l'assurance
et croissance économique des pays en développement.
D'après ses conclusions, les services d'assurance vie et dommages
causent la croissance économique.
Kugler et al (2005), s'appuient sur une analyse basée
sur l'existence de la relation de cointégration pour montrer en
utilisant les données de la Grande-Bretagne, qu'une
augmentation de la taille (représentée par le
chiffre d'affaires) des différentes branches de dommages a un effet
positif et statistiquement significatif sur la croissance économique.
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