1.8.28. Initiatives de conservation du
lamantin en Afrique de l'Ouest.
a) Approche de conservation internationale
Les principaux outils internationaux de protection du lamantin
Africain (Trichechus senegalensis) sont pris au niveau mondial. Le
lamantin d'Afrique figure dans la catégorie « Vulnérable
» sur la liste rouge des espèces en danger de l'UICN depuis 1986.
Il a été inscrit en annexe 1 depuis Mars 2013 après de
lourde négociation avec le Parlement Européen. Inscrit en Annexe
I de la CMS à la 7ème Conférence des Parties (COP7) en
2009 et en annexe I en 2013 (Mayaka et al., 2013). La
Convention de Ramsar ou Convention sur les zones humides et la Convention de
Paris ou la Convention sur la Lutte contre la désertification
contribuent également à la protection des habitats du lamantin
Africain.
Cependant leurs actions restent très insuffisante du
fait d'un mauvais système de gestion mis en place par les pays membres,
la population de l'espèce continuant de manière
générale à baisser, notamment à cause du commerce
des spécimens qui se développe de plus en plus et des agressions
diverses qui restreignent dangereusement son habitat (Dodman et
al., 2008).
b) Approche de conservation en Afrique
En 2005, en reconnaissance des efforts mentionnés
ci-dessus, ainsi que de la nécessité d'une gestion efficace du
lamantin Ouest Africain, les gouvernements Africain ont, lors de la
7ème Conférence des Parties à la Convention
d'Abidjan, demandés que soient mis en place de nouveaux partenariats et
réseaux pour la conservation d'espèces migratrices telles que le
lamantin Ouest Africain (décision CP 7/5:3) en réponse à
cette décision, le PNUE, par le biais de son programme des mers
régionales et du Secrétariat de la Convention d'Abidjan, et aussi
avec l'appui de l'Agence Suédoise pour le Développement
International (SIDA), a fourni un appui financier à Wetlands
International qui avait déjà lancé un projet majeur sur la
conservation du lamantin Ouest Africain, en vue de produire un rapport
d'étape régional et une stratégie de conservation
proposée pour l'espèce (Dodman et al., 2008 ; Che,
2010, Takoukam, 2011, Ngafack, 2013).
c) Approche de conservation Nationale
Le Cameroun fait partie des pays où les populations
de lamantins sont encore relativement abondantes et gardent de bonnes
perspectives de survie (Ngafack, 2014). Les recherches sur le lamantin
d'Afrique ne sont qu'embryonnaires, mais déjà nous pouvons
entrevoir un futur intéressant quant à l'accentuation de cette
recherche. Le lamantin, espèce vulnérable, est
intégralement protégé en classe A de la Loi 94/01 du 20
janvier 1994 et ses décrets d'application, portant régime des
forêts, de la faune et de la pêche. Les décrets
d'applications 95 466/PM du 20 juillet 1995 et 95/531/PM du 23 Août 1995
ont pour objectif d'assurer la protection du patrimoine forestier et faunique
et participer à la sauvegarde l'environnement, avec l'implication des
populations locales (MINFOF, 1994). Plusieurs chercheurs ont mené des
études au Cameroun dans l'optique d'entreprendre des initiatives de
conservation suite aux forte menaces pesantes sur le lamantin pouvant conduire
à l'extinction locale de l'espèce. Il s'agit de :
ü Recherches anciennes
· Allen (1942) déclare que les lamantins sont
rares au Cameroun ;
· Nishiwaki (1982) affirme dans que les lamantins sont
encore abondants dans le fleuve Sanaga ;
· Powell J. (1996) mène une étude sur la
distribution et la biologie du lamantin en Afrique et il ressort de cette
étude que le lamantin est repartit dans 21 pays en Afrique allant de la
Mauritanie en Angola. Il est trouvé dans des habitats différents
notamment les lagunes d'estuaire, la zone côtière, les
rivières et les lacs. Les conflits hommes - lamantins surviennent
lorsque ceux-ci détruisent les filets de pêche en mangeant les
poissons des pêcheurs et en dévastant les champs de manioc ce qui
augmente la menace sur l'espèce dans son aire de répartition.
· Grigione (1996) mène une étude sur le
statut de distribution du lamantin dans quatre (04) régions du Cameroun
et démontre que les lamantins sont encore abondants dans le pays et leur
densité, basée sur la fréquence des observations
signalées, semble forte dans certaines zones de Korup, Mamfe et
Edéa.
ü Recherches récentes
Che Awah (2010) a mené une étude ethno
biologique sur les perceptions et attitudes des populations locales en faveur
du lamantin dans les Réserves de faune de Douala-Edéa et Lac
Ossa. Il ressort de cette étude que l'état actuel de la
connaissance, de l'attitude et de la perception du lamantin par les populations
locales a atténué les menaces à la conservation du
lamantin dans les Réserves.
Takoukam (2011) a réalisé une étude sur
l'ethnobiologie dans les Réserves de faune de Douala-Edéa et du
Lac Ossa, et l'écologie de l'habitat en déterminant les
densités de population des lamantins dans cinq sites de la
Réserve de faune du Lac Ossa. Il ressort de cette étude que le
lamantin est bien connu par les communautés locales mais leurs
perceptions varient d'un habitat à un autre en raison de la
différence de statut d'un habitat à un autre. D'autre part, les
séries de scannages effectuées en saison sèche montrent
que le lac Mévia représente le site du complexe lac Ossa le plus
probable pour l'observation les lamantins et le canal Lindema - Mevia serait le
site de pâture du lamantin le plus important pendant la saison
sèche.
Mayaka et al (2013) ont publié un
article sur le statut de conservation du lamantin dans le bassin
inférieur du fleuve Sanaga à partir de l'étude ethno
biologique dans les Réserves de faune de Douala-Edéa et du
Lac Ossa. Il ressort que 60% des enquêtés observent le lamantin au
moins une fois par mois sans distinction de l'habitat et de saison, 69 à
100% des répondants perçoivent une tendance constante ou
croissante du nombre de lamantin et les captures (intentionnelles ou
accidentelles) et la dégradation de l'habitat sont les menaces les plus
sérieuses.
Ngafack (2014) a mené une recherche sur l'effet
combiné de sites, de périodes et de saisons sur l'indice de
présence du lamantin (Trichechus senegalensis link, 1795) et
les caractéristiques physiques de l'eau dans la Réserve de faune
du lac Ossa. Il ressort de cette étude que la probabilité de
détecter un indice de présence de lamantin a été
élevée à la station de Mevia avec (P= 0.53, n = 30 scans)
par rapport à celle de plantation ( P= 0.3, n = 30 scans). Il est plus
fréquent de rencontrer un lamantin dans lac Ossa pendant la saison
sèche (56 %, n = 30 scans) que pendant la saison des pluies (26 %, n =
30 scans). Le pH de l'eau a un effet positif significatif sur la
détectabilité des indices de présence de lamantin dans lac
Ossa, tandis que la profondeur a un effet négatif significatif sur la
probabilité d'observation des indices de présence de lamantin
dans lac Ossa.
Toutes ces recherches visent à améliorer
l'état de conservation du lamantin Ouest Africain à des fins de
maintien de l'équilibre écologique, de recherche et
d'écotourisme. Toutefois, certaines actions de conservation
bénéficient de l'appui des bailleurs des fonds comme African
Marine Mammal Conservation (AMMCO) et Cameroon Willdlife Conservation Society
(CWCS) pour des campagnes de sensibilisations des populations locales de
façon à promouvoir les valeurs et connaissance du lamantin. Mais,
tous ces appuis restent très insuffisants pour atteindre les objectifs
fixés dans la politique de conservation du lamantin au Cameroun. Il y a
un fort besoin de renforcer l'appui à la conservation de l'habitat du
lamantin pour réduire les menaces pesantes sur l'espèce.
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