Histoire de la production du coton dans les cercles de la moyenne vallée du fleuve Sénégal de 1920à 1960.( Télécharger le fichier original )par Insa BA Université Cheikh Anta DIOP - Master 2 2014 |
2-ProblématiquePour bien comprendre certains problèmes de développement que connaissent beaucoup de peuples des pays pauvres, les questions relatives à la culture du coton doivent être prises en compte. L'importance d'une telle affirmation réside dans le fait que le facteur « exploitation agricole » constitue à lui seul, un phénomène qui influe sur l'économie métropolitaine. Ce fait mérite d'être approfondi pour bien comprendre l'évolution de la culture du coton dans la moyenne vallée du fleuve Sénégal, car beaucoup de retards économiques que connait actuellement le Sénégal, peuvent être justifiés par une colonisation agricole telle que la colonisation du Walo et de sa vallée, qui participe grandement au développement des puissances coloniales. Dans cette optique, la culture du coton est considérée dans les colonies comme un critère du niveau politico-économique d'une puissance. En outre, il n'y pas de domination économique sans le travail forcé considéré comme moteur de développement des territoires conquis dans la mesure où l'occupation des sphères d'influence prédispose la France à se hisser au rang des grandes puissances impérialistes. Or une puissance coloniale ne peut être forte que si elle a des territoires conquis : « Un peuple qui colonise c'est un peuple qui jette les assises de sa grandeur dans l'avenir et de sa suprématie future. Toutes les forces vives de la nation colonisatrice sont accrues par ce débordement au dehors de son exubérante activité. Au point de vue matériel le nombre des individus qui forme la race augmente dans une proportion sans limite ; la quantité des ressources nouvelles, des nouveaux produits, des équivalents en échange jusqu'alors inconnus qui se trouvent solliciter l'industrie métropolitaine est incommensurable. »7(*) Au lendemain de la première guerre mondiale (1914 1918), les activités de l'industrie textile en France connurent une diminution liée aux difficultés d'approvisionnement en matières premières et à la perte de ses placements à l'étranger. Jean Suret canal, historien éminent de l'Afrique, évalue à 10 milliards de franc-or en Russie8(*).Or les importations de coton en provenance des Etats Unies d'Amérique, qui commençaient à rivaliser avec celles des anciennes puissances, exigeaient plus de fonds. La seconde guerre mondiale ne permit pas de relancer la culture du coton dans les colonies et coupa la France de ses sources d'approvisionnement, elle amena le gouvernement Français à adopter enfin une véritable politique cotonnière dans ses territoires africains. Forts de ces expériences ; celui-ci met en place dès la fin du conflit deux organismes chargés de promouvoir la culture cotonnière en Afrique tropicale : l'Institut de recherche du Coton et des Textiles (IRCT) en 1946 et la Compagnie Française pour le Développement des Fibres Textiles (CFDT) en 1949. La diminution des quantités de fibre et l'accroissement de la consommation des filatures, avaient nécessairement provoqué une hausse du cours de la matière première9(*). L'Europe n'était plus à l'abri d'une rupture de stock et une incertitude pesait désormais sur l'avenir de l'industrie textile. Pour éviter une asphyxie de ses unités de production, le gouvernement français décida de s'affranchir en partie du ravitaillement étranger. Il s'intéressa davantage aux produits coloniaux en renforçant l'exportation en provenance de ses possessions .Dès lors l'accent fut mis particulièrement sur la culture du coton en Afrique Occidentale Française. En effet, la politique de mise en valeur appelée « plan Sarraut » (du nom d'Albert Sarraut, Ministre des colonies), élaborée en 1921, aboutit à une intensification d'une nouvelle production agricole10(*). C'est pourquoi, pour nombre de dirigeants français, le salut économique passe par les colonies qui doivent devenir les principaux fournisseurs de matières premières et les premiers industriels s'intensifient, et font de la question coloniale une affaire nationale : « la production du coton est devenue une nécessité nationale. L'intention fermement poursuivie par les Américains d'arriver progressivement à manufacturer toute leur récolte est de nature à apporter dans peu d'années une gêne considérable à notre industrie textile .C'est un danger très réel auquel il faut parer et qui menace non seulement la France mais tous les pays de l'Europe »11(*) Ainsi, le programme d'action mis au point en 1919 par le ministre des Colonies SIMON, est axé sur la réalisation de grands travaux d'infrastructures ouvrant la voie à une exploitation économique accrue des colonies. Leur réalisation doit être confiée à des entreprises privées, avec le soutien de l'État. C'est dans ce contexte que l'ingénieur des travaux publics de l'État Émile Bélime, se voit chargé d'une mission d'étude des possibilités d'irrigation dans la vallée du fleuve Sénégal. L'économie coloniale y fut organisée autour de la production des fibres textiles. Certes avant l'arrivée des Européens, la population autochtone y pratiquait la culture du coton : « le coton a été signalé par tous les voyageurs qui ont parcouru le Sénégal et le Soudan. On le rencontre partout et parfois en assez grandes quantités »12(*). Cependant, l'action menée par la France dans le cadre de la colonisation française effective en Afrique Occidentale Française, fit de la vallée du fleuve une plaque tournante de l'économie métropolitaine .Cette région devint une zone agricole par excellence parmi les autres contrées de l'Afrique de l'Ouest. Leur population était constituée de cultivateurs. Mais les champs de la plupart des villageois étaient peu étendus .Autour des cases, on remarquait quelques cotonniers dont les récoltes servaient à tisser des bandes utilisées pour l'habillement. Ainsi d'après Valentin Fernandes : « Les négres les mettent à tous usages, soit pour se vêtir, soit pour se coucher. Ce sont leur linceul, leurs serviettes ; leurs nappes ; leurs habits ; leurs drapeaux. »13(*). L'histoire de la culture du coton dans la vallée du fleuve Sénégal est très mal connue, celle de son origine en particulier demeure énigmatique. Elle n'a fait l'objet que de quelques rares études, fautes de sources vraisemblablement. Peu de travaux en langue française lui ont été consacrés ; un article de J. Vuillet, « l'introduction de la culture du cotonnier en Afrique Occidentale » (1920), et surtout l'ouvrage de l'administrateur de la France d'Outre - mer, Charles Monteil, le coton chez les noirs, qui porte principalement sur la période médiévale et moderne et demeure des références malgré leur ancienneté. De ce fait, la question principale de notre étude porte sur la politique agricole mise en place par le pouvoir colonial. Plus concrètement, ce travail portera sur les interrogations suivantes : -Cette étude s'attache-t-elle plus particulièrement au développement de la culture du coton dans la vallée du fleuve ? Implique-t-elle une réflexion sur le rôle assigné aux cercles du fleuve dans le processus de la production du coton ? -Quelle a été la politique agricole mise en place par le pouvoir colonial ? Les mesures prises en la matière ont - elle été effectives ? Quels en furent les résultats ? -Quel a été l'intérêt de la culture du coton pour le pouvoir métropolitain et pour les indigènes ? Quels sont les obstacles et les difficultés rencontrés par le souverain colonial tout au long de cette période ? Autant de questions qui suscitent des réponses dans cette étude. * 7 Paul Leroy, (-B.,), De la colonisation chez les peuples modernes, 1874. * 8 Suret Canal (J), L'Afrique Noire, l'ère coloniale 1900- 1945. Editions sociales, Paris, 1982, p.352. * 9 Schwartz (A) 0p. Cit., id. confirme qu'entre 1912 et 1920 le cout des importations cotonnières de la France avait doublé à cause de l'augmentation du prix et de la détérioration du cours du change. * 10 Le plan Sarraut favorisait la mise en place des infrastructures favorable à l'extension des cultures des cultures d'exportation. La construction des chemins de fer, de port et le système d'irrigation en A.O.F étaient évalués en environ 900millions de francs. * 11 Henry, (y.) « Irrigation et cultures irriguées en Afrique de l'Ouest », Paris, Larose, 1918, pp222-223. * 12 Lecomte, (H.), « le coton : Monographie, Culture, Histoire économique », Paris, challamel 1900, pp43-44. * 13 Labat,P.J.B. ,Nouvelle relation de l'Afrique occidentale contenant une description en acte du Sénégal et des pays situés entre le Cap blanc et la rivière de Sierra -Léone....avec un état ancien et présent des compagnies qui y font le commerce, Paris, Guillaume Cavalier, tome2,1728,p.2235-236. |
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