2 Saint-Etienne, un territoire en reconversion
2.1 Une ville créative depuis
toujours 2.1.1 L'âge d'or
industriel
L'histoire de Saint-Etienne est intéressante pour
comprendre quelles ont été les orientations politiques
territoriales par la suite. Nous allons donc nous intéresser à
son histoire, témoignant d'un dynamisme industriel important, puis nous
aborderons les conséquences de cette activité industrielle tant
positives que négatives.
Autrefois, la ville de Saint-Etienne était une grande
capitale industrielle. On peut même dire qu'elle « ne s'est pas
développée avec l'industrie à la fin du
18ème siècle, elle est née avec »
(Vincent Béal, 2010). En effet, son savoir-faire était
appliqué dans trois industries majeures, qui formèrent pendant de
longues années le noyau dur de cette capitale industrielle :
- la rubanerie. Cette activité très ancienne
à Saint-Etienne était à l'époque,
représentée par plusieurs acteurs : des négociants qui
travaillaient pour des maisons de gros ou de commissaires ; des passementiers,
qui travaillaient à domicile mais également en sous-traitance
pour des compagnons. Ce secteur était, du point de vue
économique, relativement atomique, donc « d'une faible
intensité capitalistique ». Toutefois, la rubanerie a
perduré jusqu'à la Première Guerre Mondiale (1914).
- les industries minières et métallurgiques. A
l'inverse du domaine du ruban, ces dernières étaient «
modernes et capitalistiques ». C'est autour des années 1810
que les industries minières commencèrent à se
développer. Dès 1850, de grandes entreprises de
métallurgie et de sidérurgie (comme la Fonderies de la Loire et
de l'Isère, les Aciéries de Saint-Etienne, et la Compagnie des
Mines de fer) s'implantèrent. La métallurgie évolue
progressivement en se spécialisant vers la fabrication d'aciers
spéciaux, d'alliages complexes, notamment en terme de constructions
mécaniques : la ville devient experte en production de cycles et d'armes
de chasse et de guerre (avec Armeville). C'est l'époque de Manufrance,
une Manufacture Française d'Armes et Cycles, créée par
Etienne Mimard et Pierre
26
Blachon en 1885, considérée comme la plus
emblématique des productions manufacturières de la ville.
A l'époque, la ville était donc portée
par des secteurs dynamiques comme l'armement, la rubanerie et les cycles. Il y
avait même d'autres activités en parallèle. Nous pouvons
citer Casino, dont la première épicerie vit le jour en 1890, mais
également l'entreprise Weiss en 1882, Henry Brun (fabricant de radios et
de télévisions dans les années 1950), ou encore des
chocolateries de renom grâce à l'intérêt de la
bourgeoisie industrielle locale pour cette friandise, comme l'entreprise Weiss
en 1882. La ville est alors une terre d'invention, de création,
« un territoire pionnier animé par une dynamique
spécifique liant l'art et l'industrie » (Franc,
2006).
Comme la ville était fleurissante, il y avait besoin de
main d'oeuvre, et donc beaucoup de travail à offrir : suite à
cette révolution industrielle, la ville a subi une explosion
démographique. L'évolution du nombre d'habitant en est la preuve
: 19 100 habitants en 1820, 94 000 habitants en 1856 et presque 150 000 en 1911
pour l'agglomération stéphanoise. L'histoire ouvrière a
été marquée par la venue de nombreux migrants (italiens,
espagnols, portugais, arméniens, maghrébins, etc.).
Cependant, la concurrence devient de plus en plus rude avec
l'élargissement de la Communauté Economique Européenne, et
la ville a du mal à surpasser cette crise. L'activité
industrielle se réduit peu à peu... Les mines ferment en 1973
à Saint-Etienne, tout comme de nombreuses activités liées
aux rubans, aux cycles... C'est la fin de l'âge d'or industriel.
Suite à cela, la ville se retrouve très
rapidement en retard de développement mais avec un fort potentiel
industriel. La ville doit affronter plusieurs enjeux économiques,
géographiques, etc. « Comment la ville peut-être créer
de la richesse à nouveau ? » devient une problématique,
à l'époque où la ville a perdu des habitants, où
les entreprises industrielles ont fermées... Même s'il reste
quelques entreprises dynamiques (comme Casino et Weiss), la ville se retrouve
dans une situation dramatique. Quelle politique de
régénération urbain va-t-elle choisir ? Comment va-t-elle
relancer son économie ?
Ainsi, nous avons vu que la ville de Saint-Etienne a
été marquée par une industrialisation ancienne. Face
à ce déclin des activité manufacturières
traditionnelles, la ville décide de se
27
reconvertir dans de nouveaux secteurs et pôles
d'excellence, comme l'enseignement supérieur, la technologie
médicale, le traitement de surfaces, l'industrie optique etÉ le
design.
La stratégie d'orienter Saint-Etienne vers le design en
1994 n'est donc pas partie de nulle part. La ville a toujours inventé,
elle a même grandit en innovant, avec l'industrie : les designers
auraient-ils toujours existé au sein de cette ville ? Quel usage
effectuer des anciennes friches industrielles ? Comment utilise-t-elle son
patrimoine industriel et commercial ?
28
2.1.2 L'héritage industriel comme source de
patrimonialisation et de
|