Master 2 ESC Kedge Business School Année
2015/2016
LE DESIGN COMME MOYEN DE
(RE)CONSTRUCTION D'UNE
IDENTITE TERRITORIALE CAS DE LA VILLE DE SAINT-ETIENNE
Mémoire de fin d'études
présenté par Inès
Marandon
Maitre de mémoire : Anne
Gombault
Remerciements
Avant d'entrer dans le vif du sujet de mon mémoire, je
tiens à remercier les nombreuses personnes qui ont joué un
rôle important dans l'élaboration de ce mémoire de
recherche.
Tout d'abord, je remercie celles qui m'ont accordé du
temps en participant à des entretiens et
en répondant à mes questions :
+ Nathalie ARNOULD, Design Manager à Saint-Etienne
Métropole ainsi qu'à la Cité du
Design de Saint-Etienne
+ Ivan BONIN, Designer diplômé de Kedge Design
School
+ Anja CLERC, Designer sur la région de Saint-Etienne
+ Charlotte DELOMIER, Designer sur la région de
Saint-Etienne
+ Stéphane DEVRIEUX, Directeur de l'Office du Tourisme de
Saint-Etienne
+ Guillaume GRANJON et Élodie VICHOS, Fondateurs de
l'agence Kaksi Design
+ Bernard LAROCHE, Consultant en « design pour tous
»
+ Philippe MOINE, Designer indépendant
+ Gaëlle SUBILEAU, Chargée de mission, Designers
Plus
Enfin, je remercie toute l'équipe de mon master à
KEDGE BUSINESS SCHOOL du campus de Bordeaux, ma directrice de mémoire
Anne GOMBAULT ainsi que Claire GRELLIER pour ses conseils relatifs à la
réalisation de ce document.
Conclusion de la revue de littérature
52
SOMMAIRE
INTRODUCTION 1
REVUE DE LITTERATURE 3
1 Le design, un moyen de renouvellement urbain
3
1.1 Tentative de définition du design
3
1.2 Un intérêt grandissant pour le design
depuis les années 1980 9
1.3 Le renouvellement urbain par les communautés
créatives 13
1.3.1 Les créateurs, un moteur essentiel des mutations
urbaines ? 13
1.3.2 Le réseau Unesco des villes créatives de
design 17
1.3.2.1 Montréal 20
1.3.2.2 Berlin 23
2 Saint-Etienne, un territoire en reconversion
25
2.1 Une ville créative depuis toujours
25
2.1.1 L'âge d'or industriel 25
2.1.2 L'héritage industriel comme source de
patrimonialisation et de muséification 28
2.1.2.1 Le Musée d'Art et d'Industrie 28
2.1.2.2 Le Musée d'Art Moderne et Contemporain 29
2.1.2.3 Le Puits Couriot en parc-musée 30
2.2 Une politique de renouvellement urbain
tournée vers le design 31
2.3 Naissance de la Cité du Design 34
3 Le design comme nouvelle identité territoriale
37
3.1 Moteurs du développement urbain par le design
37
3.1.1 Une véritable stratégie de positionnement
37
3.1.2 Une alternative à la crise économique 40
3.1.3 Le design pour améliorer la vie des gens 43
3.2 Freins au développement de cette
identité territoriale 45
3.2.1 L'image négative de la ville 45
3.2.2 La proximité avec la ville de Lyon 46
3.3 Le design à Saint-Etienne: quelles
retombées ? 48
3.3.1 La Biennale Internationale du Design, un succès
encourageant pour la ville 48
3.3.2 Un design participatif ancré à Saint-Etienne
50
3.3.3 Valorisation de la « démarche design »
dans le secteur privé 51
RECHERCHE EMPIRIQUE 54
1 Méthodologie 54
2 Résultats de l'enquête 56
2.1 Le design... encore perçu comme
élitiste ? 56
2.2 Discussions autour de cette décision
politique orientée vers le design 59
2.3 Les problématiques de cette reconversion
territoriale 64
ANALYSE DES DONNEES 67
CONCLUSION 71
BIBLIOGRAPHIE 75
1
INTRODUCTION
« Le design, c'est un état d'esprit avant
tout. Le design est fait pour remettre en question, casser les codes,
sensibiliser quelquefois, proposer de nouvelles logiques ». C'est
donc par une définition plurielle que Matali Crasset,
célèbre designer française, décrit le design
lorsqu'on l'interroge.
Qu'existe-t-il de mieux que le design pour rendre accessible
cette vision de la vie alliant l'utile à l'agréable ? Souvent
méconnu et incompréhensible de la part des non-initiés, il
fait pourtant partie de notre quotidien, à travers la machine à
café, l'automobile, etc. C'est donc tout naturellement que les
politiques se sont intéressés à ce concept pour
reconstruire l'identité de leur ville et améliorer la
qualité de vie des habitants. Par conséquent, l'urbanisme s'est
ancré dans cette vision à tel point que certaines villes se sont
même focalisées sur cet objet d'étude menant à des
distinctions. Quels sont ces lieux qui tendent à rompre les codes
grâce au design ? Pourquoi inscrivent-ils dans leur politique une
volonté de l'utiliser pour se développer ? Qu'est-ce qu'une ville
de design selon l'Unesco ? Nous pouvons formuler l'hypothèse que la
régénération urbaine par le design est une
véritable source de développement. Mais quels en sont les moyens
? Est-ce que cette désignation de l'Unesco est une vitrine
constituée de quelques faits concrets, ou bien repose-t-elle
véritablement sur un développement réfléchi ?
Afin d'apporter des réponses à ces
questionnements, il semble intéressant de prendre l'exemple d'une ville
appartenant au réseau mondial Unesco des villes créatives de
design comme Saint-Etienne, qui a obtenu ce titre en 2010. Entre construction
et reconstruction urbaine, comment la politique territoriale tournée
vers le design améliore l'identité d'une ville à l'instar
de Saint-Etienne ?
Tout d'abord, nous verrons comment cette discipline peut
être un moyen de renouvellement urbain, à travers sa
définition et son essor depuis les années 1980. Puis, nous nous
intéresserons aux villes qui ont fait le choix de s'investir dans cette
directive, ce qui nous conduira naturellement à l'exemple de
Saint-Etienne, seule ville française à être reconnue
2
pour son design à l'Unesco. En effet, celle-ci subit
son passé du fait de l'image de « ville noire »
présente dans l'inconscient collectif. Ainsi, une politique urbaine
tournée vers le design a vu le jour, ce qui a conduit à la
naissance de la Cité du Design en 2005. Cet état de fait permet
de conférer une nouvelle identité territoriale à cette
ville, entremêlant avantages et inconvénients. A l'aide de ces
constats, nous verrons si Saint-Etienne a gagné son pari.
3
REVUE DE LITTERATURE
1 Le design, un moyen de renouvellement urbain
1.1 Tentative de définition du design
En anglais, « to design » signifie
littéralement « concevoir ». Il serait donc logique
de penser que le mot design fait référence à tout ce qui
touche à la conception. Mais ce n'est pas si simple que cela. En effet,
l'introduction en 1965 du mot « design » dans notre langue
française a suscité bien des débats, d'après Claire
Fayolle... Ce n'est qu'en 1971 que l'Académie Française accepte
le mot design, même si de nombreux pouvoirs publics et linguistes
proposent de le remplacer par « esthétique industrielle »,
« stylisme », « stylique »... La Presse
véhicule d'ailleurs l'image que design fait référence
à un style, le « style design » lié à
l'univers contemporain... Ces débats autour du langage sont la preuve
d'une « réelle difficulté à cerner la
réalité du design » (Fayolle, 2002).
S'il on demande à plusieurs individus, des designers,
des communicants, bref, des acteurs différentes, de définir le
design, on se rend vite compte que les réponses divergent. Pour certains
comme Mathilde de Brétillot (designer), « c'est le risque de se
tromper, de plaire... ». Pour Béatrice Saint Laurent,
« le design est une pratique, et un objet fonctionnel, avec les
qualités techniques et esthétiques. Il peut également peut
être une forme d'art. » Pour Stéphane Vial, (docteur en
philosophie et maitre de conférences en sciences du design à
l'université de Nîmes), le design est une « philosophie
impliquée ». D'autres prônent le fait que le design n'a
pas de définition, ni de frontières, comme Stéphane
Vial « Design, le mot a bien voyagé, de revues de modes en
conversations détendues, sorte de pin's sémantique (É)
voulant tout dire il ne dit plus rien (Vial, Court traité du
design, 2014) » voici ce que François Barré affirme
lorsque l'on lui demande sa perception du design... Le design est donc une
notion relativement subjective. Il est donc légitime de se poser les
questions suivantes : « Est-
4
il possible de parler de design en général ?
Existe-t-il une pensée design commune et transversale ? »
(Vial, Le design, Que sais-je ?, 2015)
Pourquoi le design est-il si difficile à
définir ?
Stéphane Vial a tenté de trouver des
explications à cette indéfinition du design : d'après lui,
il s'agirait d'un symptôme d'ordre épistémologique :
La notion du design a explosé ces 20 dernières
années, a beaucoup plus évolué entre 1990 et 2010 qu'entre
1960... Laissant place à une multitude d'approches vis à vis du
design aujourd'hui.
S'il on en croit l'expertise de Stéphane Vial et de
Claire Fayolle, tous les deux partagent le même avis : le design fait
parler de lui, et sa signification reste floue et subjective. Le design ne
semble donc pas avoir de définition unique.
S'il on s'intéresse à la définition du
design dans le Design Dictionary, un dictionnaire de référence
spécialisé dans cette discipline, voici ce que l'on peut lire :
« au risque de vous décevoir, cher lecteur, il est impossible
de donner une définition unique et faisant autorité du terme
central de ce dictionnaire - design... »1
L'analyse de Stéphane Vial révèle que le
design est un terme complexe. D'après lui, il est clair que le design
est difficile à définir, tant il existe une multitude
d'approches. Etant donné les points de vue variés concernant ce
qu'est le design, j'ai décidé d'établir une classification
des différentes pensées.
Le design existe depuis toujours
Pour certains, le design a toujours existé. Le mot
design serait alors un nouveau mot pour qualifier les inventeurs
d'autrefois. Ceux qui affirment cela pensent que le design n'est «
propre ni au XXème siècle ni à la
société de consommation ni à la société
industrielle ». Pour eux, « c'est l'un des plus vieux
métiers du monde ». S'il on en croit cette théorie, le
design est donc un nouveau mot, qui dérange peut-être par son
appellation, mais qui n'apporte rien de
1 T. Marshall, Design Dictionary, Basel, Boston,
Berlin, Birkhauser, 2008, p.104
5
plus que ce qu'on appelait inventeur, ou concepteur. Ils
insistent sur le fait que les « beaux objets, objets d'art, objets
industriels, objets de grande consommation se confondent... ».
Le design est partout
Une autre approche2 consiste à «
voir le design partout et à étendre son champ d'application
à tout ce qui nous entoure », soit sur un mode critique
« tout est aujourd'hui affaire de design », soit sur un mode
enjoué au service de l'addiction consumériste : «
envahis par lui, nous ne pouvons plus nous passer du design.
»3 Le design serait donc omniprésent, tout autour
de nous.
Cette vision est dangereuse d'après Stéphane
VIAL, car elle tombe dans le piège du « quand tout est design,
rien n'est design »4. Cette approche a donc ses limites,
et n'apporte pas de définition claire sur ce qu'est le design, car s'il
est tout, il n'est rien...
Le design se distingue de l'artisanat : sa
visée est industrielle
L'industrie et l'artisanat ont tous les deux ont en commun
l'activité de conception, mais le design n'a pas comme l'artisanat, le
même mode de production : à l'inverse de l'artisanat, le design
consiste en la fabrication d'ordre uniquement industrielle, c'est à
dire, non réalisée par les mains mais à l'aide de machines
ou de technologies. Les objets de designers ne sont plus uniques, à
contrario des objets d'art. Le design ferait partie du tout-fait-machine :
Il était une fois un monde manichéen objectif :
il y avait les objets quotidiens d'une part et les objets d'art de l'autre. Une
immense distance les séparait : d'un côté le
tout-fait-machine et de l'autre le tout-fait-main.
La définition officielle, adoptée à Londres
en 1969, au Conseil international des sociétés de design
industriel, indique : « Le design est une activité
créatrice qui consiste à déterminer les
propriétés formelles des objets que l'on veut produire
industriellement » (Maldonado, 1961). Serait objet du design, tout
objet, à la seule condition qu'il date d'après la
révolution industrielle. Pourquoi pas avant ?
2 Flusser V., Petite philosophie du design
(posthume, 1993), Belval, Circé, 2002, p. 11
3 Vial Stéphane, Le design, Paris, Presses
Universitaires de France « Que sais-je ? », 2015
4 Artifact, The Design Concept Anthology,
Call for Papers, janvier 2014
6
Auparavant, celui qui imaginait un objet se confondait avec
celui qui le fabriquait, à savoir l'artisan. La révolution
industrielle engendre le partage des tâches : d'un côté le
designer qui conçoit, de l'autre l'ingénieur qui fabrique.
(Bianchi, 2010)
Un champ d'intervention
large
Le design intervient dans divers secteurs d'activités.
Certains designers sont amenés à répondre à des
commandes industrielles, donc à concevoir divers produits : une affiche,
un logo, des motifs textiles, un biberon, un emballage. L'activité de
chacun relève respectivement du design textile, du graphisme, du design
produit, design industriel, de l'architecture commerciale, du packaging...
Le designer conçoit parfois pour de la consommation de
masse : prenons l'exemple de Philippe Starck qui a déjà
designé des brosses à dents. D'ailleurs, cela n'est donc
pas un hasard s'il on retrouve des designers dans de nombreuses entreprises,
qui collaborent avec des fabricants, des ingénieurs, des marqueteurs,
pour concevoir des produits destinés à une cible parfois massive,
mais surtout qui sera fabriquée en grande série, à
l'identique pour tous.
Les métiers du design peuvent aider à cerner le
champ d'action des designers : là encore, Claire Fayolle affirme que les
métiers du design sont larges : « être designer
n'implique pas une manière unique d'exercer son métier. Certains
travaillent en agence, d'autres en entreprises, ou en tant
qu'indépendant, etc. ». Les designers indépendants
peuvent être amenés à effectuer diverses missions comme
répondre à une commande industrielle, développer un
travail personnel pour une galerie ou un éditeur, etc.
Le design est de l'art
Une théorie intéressante met en avant que le
design peut être assimilé à de l'art. Un bon exemple est le
fait que certains designers voient leurs oeuvres exposées dans des
galeries d'art, et des musées (ex. Charlotte Perriand au Musée
d'Art Moderne de Saint-Etienne). Certains produisent d'ailleurs des oeuvres en
séries limitées, pour donner un caractère unique aux
produits, ce qui les rapproche de l'art dont l'unicité est une
caractéristique principale. On parle même de design d'art.
7
Le design est avant tout fonctionnel
Le designer, lors d'une création, place l'utilisateur
au centre de sa réflexion. Il cherche à comprendre ce dont il a
besoin. Il s'intéresse donc à la fonction de l'objet avant tout.
Prenons l'exemple du design d'un canapé : modifier sa forme ne
transforme pas forcément sa fonction globale, mais change le rapport de
l'usager à l'objet. Il pourra par exemple prendre en compte le confort.
Pour Dieter Rams, « rien n'est laissé au hasard.
L'expérience de l'utilisateur est pensée du début à
la fin » (Saffré, 2013). C'est la raison pour laquelle le
métier de designer ne se réduit pas au métier de simple
décorateur. D'ailleurs, en voici une preuve (Bianchi, 2010) :
En 1983, lorsque le Journal Officiel publia une liste des mots
à proscrire, parmi lesquels «design» et «designer»,
qu'il préconisait de remplacer par «stylique» et
«stylicien», les designers français protestèrent en
disant que leur travail ne consistait pas seulement à choisir la couleur
des emballages.
D'après Stéphane Vial, « le mot
désigne en effet des domaines d'activités et des pratiques
variés ayant pour dénominateur commun de façonner notre
environnement privé et collectif, de la petite cuillère à
la ville ». Claire Fayolle rejoint son avis : les pratiques du design
sont larges et ont comme point commun de changer, d'améliorer notre
environnement privé et collectif. Ainsi, l'essentiel à retenir
serait la théorie suivante : « du moment qu'un objet a une
fonction, quand bien même sa forme serait redessinée par Picasso,
ce n'est pas d'art mais de design qu'il s'agit ».
Le design doit être
esthétique
Pour certains, le design est purement esthétique. On
parle d'« activité créatrice consistant à
remodeler des objets déjà existants sans que la fonction desdits
objets n'en soit fondamentalement modifiée » (Stéphane
Vial, 2015). Cette vision réduit donc le design a un aspect beau,
visuel.
Pour d'autres, le design doit allier à la fois
l'esthétique et le fonctionnel. D'après Dieter Rams, «
après l'utilité du design, une certaine beauté est requise
».
8
Le design est une stratégie
marketing
Philippe Starck considéré comme un grand
designer, est aussi connu pour être un très bon homme d'affaires.
Il a déjà été amené à concevoir des
objets comme la brosse à dents Fluocaril qui s'est vendue à 400
000 exemplaires. Le design serait donc utilisé pour vendre.
Le concept du design évolue
constamment
L'International Council of Societies of Industrial Design
déclare être « actuellement en train de renouveler sa
définition du design industriel, par conséquent l'ancienne
définition est temporairement inaccessible » (International
Council of Societies of Industrial Design, 2014).
Un nouveau concept de design serait donc en train
d'émerger (Stéphane VIAL). A l'heure actuelle, « les
formes se distinguent autant qu'elle se recoupent » sans converger
vers un cadre global unique ; mais « le changement de modèle
est nettement visible », toutes ces nouvelles formes de design sont
centrées sur l'humain, plutôt que sur le marché. Depuis
plusieurs décennies, il s'est développé un «
discours de la méthode en design ». Ceci a conduit à
l'élaboration de plusieurs modélisations de l'acte de design,
dont le « design thinking », mais également
l'émergence d'un nouveau domaine scientifique, la recherche en
design.
Représentation personnelle du
design
A titre personnel, j'ai remarqué que le mot «
design » était un terme (trop) largement utilisé en
communication pour désigner des produits modernes, contemporains. Je
pense que la majorité du grand public perçoit le design comme un
terme qui désigne un « style », quelque chose de moderne et
sobre. Cela reste un avis subjectif mais je pense que nous sommes
prédisposés à méconnaitre les
réalités du design. Avant d'effectuer mes recherches sur le
design, j'étais ignorante de tous ces différents points de vue.
J'ai l'impression de désormais mieux saisir ce qu'est le design, qui
interroge et suscite de nombreux débats. Ce concept ne semble donc pas
compris par tous.
Mais qu'est-il finalement ? D'après mon avis, pour le
comprendre, il est indispensable de s'intéresser au métier du
designer. Ce dernier cherche des solutions pour résoudre les
9
problèmes des utilisateurs, ou tout simplement proposer
des nouveaux modes de vie. Bref, un designer conçoit, en
s'intéressant avant tout à l'usager. L'aspect esthétique
est important mais la fonction reste avant tout une priorité.
Est-ce qu'une ville peut être identifiée comme
ville de design ? Quelle est sa place dans les villes ? Quelles sont ces villes
qui s'y intéressent ? Avant de répondre à ces questions,
nous allons examiner l'intérêt du design en général,
puis nous tenterons de répondre aux interrogations
précédentes.
1.2 Un intérêt grandissant pour Ce design
depuis Ces années 1980
L'Etat s'est beaucoup investi pour soutenir et promouvoir le
design français contemporain. Claire Fayolle a réalisé un
état des lieux du design français contemporain. D'après
elle, « au cours de ces vingt dernières années, le
design a suscité un intérêt général touchant
aussi bien sa médiatisation, son enseignement que son
développement ».
Dans les années 1980, de nombreuses entités ont vu
le jour comme :
- La Délégation aux arts plastiques (1982)
rattachée au Ministère de la Culture qui définit et met en
oeuvre la politique de l'Etat dans le domaine de la création (aide,
diffusion, enseignement)
- L'Ecole nationale supérieure de création
industrielle (1982)
- Un département « Design » à l'Ecole des
Beaux-Arts (1980).
Durant la même époque, les musées
s'intéressent également au design :
- Le centre de création industrielle au Centre Pompidou
organise des expositions importantes dont « Nouvelles tendances »
(1987), « Design français 1960-1990 : trois décennies »
(1988)
- Le musée des Arts décoratifs de Paris inaugure
en 1985 de nouvelles salles dédiées uniquement à la
création moderne et contemporaine.
- De nombreuses galeries dédiées au design
apparaissent à Paris.
En 1979, le comité de développement des
industries françaises de l'ameublement crée, avec le soutien du
ministère de l'Industrie, l'association VIA : Valorisation pour
l'Innovation dans
10
l'Ameublement. Cette dernière consiste à
valoriser et promouvoir la création française dans le secteur de
l'ameublement, en France et à l'étranger. Cette
association finance également des prototypes exposés lors de
divers évènements comme les salons du meuble de Paris et Milan...
Une autre aide est créée par Claude Levy-Soussan en 1983, la
Bourse Agora, qui soutient les projets de jeunes talents (moins de 35 ans).
S'ajoutent à cela la première quadriennale internationale du
design en 1986, à Lyon et dans sa région.
La Presse s'intéresse également au design :
Pascaline Cuvelier et sa célèbre chronique « Glose de
styles » dans Libération ; Chantal Hamaide lance le premier
magazine français « Intramuros » spécialisé dans
le design...
Tous ces exemples montrent que le design devient de plus en
plus visible à partir des années 1980 :
délégations, écoles, musées et galeries d'art,
associations, événements, presse... Néanmoins, le design
reste à cette époque encore oublié par beaucoup de
domaines. Malgré toutes les initiatives positives en faveur du design,
il reste essentiellement « un secteur parmi d'autres, celui du
mobilier et plus largement des accessoires et objets pour la maison
».5 L'industrie française du meuble, mise à
part quelques exceptions comme Roset (Ligne Roset et Cinna), ne s'est
paradoxalement jamais lancée avec dévotion dans la
création contemporaine. Il en est de même pour les médias
qui ne valorisent pas le design : design industriel, packaging, identité
visuelle, architecture commerciale, etc.
Les agences de design sont des « acteurs pourtant
essentiels ». En France, cette époque, il y a deux types
d'agences : les petites agences de moins de 10 salariés, et les grandes
structures, plus rares, comme Dragon Rouge (170 personnes en France) ou
Carré Noir (110 personnes en France).
5 Vial Stéphane, Court traité du
design, Paris, Presses Universitaires de France « Quadrige »,
2010, 124 pages.
11
Les années 1990 sont le début d'un profond
changement, où à cette période, deux manifestations
majeures lui sont consacrées :
- « Caravelles 2 », quadriennale
internationale de design (Lyon, 1991)
- « Design, miroir du siècle » (Grand
Palais, 1993)
La naissance de la collection de design du MNAM-CCI (1992)
fait également partie de cette dynamique. Concernant la politique
design, en 1994, l'APCI met en place l'Observateur du design en 1999 pour
repérer les réalisations innovantes grâce au design et leur
décerner le Label de l'Observateur du design (Agence pour la Promotion
de la Création Industrielle).
Côté musées, une situation paradoxale a
peu à peu vu le jour : les trois principales collections muséales
de design françaises, celles du Centre Pompidou, du musée des
Arts décoratifs de Paris et du musée d'Art moderne de
Saint-Etienne n'offrent guère de visibilité : la première
en raison d'un accrochage restreint, la deuxième pour cause de travaux
de rénovation, la troisième en raison d'une présentation
épisodique. Et les grandes expositions manquent à l'appel.
En parallèle à cet engouement des musées
pour le design, de nombreux musées provinciaux ont montré leur
intérêt pour le design contemporain (dans leur présentation
notamment, souvent grâce à des dépôts du FNAC). Le
design émerge non seulement à Paris mais également dans
les provinces.
Lors des années 1990, le « design
intégré » émerge dans les entreprises : « il
ne concerne plus seulement les grands groupes industriels mais aussi les
PME-PMI tels les équipementiers automobiles - Valeo, Faurecia,
Trèves... ou le monde de la distribution... »
(Pijaudier-Cabot, 2002). Dans les grandes entreprises, les designers sont de
plus en plus reconnus comme étant importants. On assiste à de
nombreux regroupements des équipes de design intégré,
comme par exemple Renault ou Salomon, qui ont créé un
bâtiment autonome de design, ou Décathlon qui instaure un
département de « design avancé ». Durant cette
période, le secteur automobile est un « leader incontournable
en matière de design intégré ». Les designers
sont désormais « appelés à
réfléchir à l'avenir des grandes entreprises, à
l'innovation ». L'avancée du design en entreprise est
également marquée par la multiplication des concours
auprès des étudiants et des professionnels.
12
Les années 2000 sont caractérisées par un
renouveau du vivier créatif. Au début des années
2000, « seul le travail de Philippe Starck, grand
marketeur de sa propre image, semble
retenir les attentions ». C'est également
l'époque où de nouveaux designers se font
connaître : Biecher, Bouroullec, Crasset, Jouin, Colucci,
Ryant, Massaud. On assiste
notamment grâce à de nouvelles initiatives comme
:
- Le Salon du Meuble de Paris qui mise sur le contemporain
dès 1996,
- La création d'un parcours design,
- L'événement Designer's Days
- L'apparition de showroom de grands fabricants italiens comme
Kartell,
- La Biennale Internationale du Design de Saint-Etienne,
- L'apparition de nouvelles galeries...
Les designers français sont de plus en plus
présents sur la scène internationale, d'où une belle
présence au salon international du Meuble de Milan.
Cependant, tout cela reste, dans une certaine mesure, de
la poudre aux yeux : car, en dépit des efforts déployés
par les pouvoirs publics et les énergies individuelles, le design
demeure un secteur d'activité encore méconnu du grand public.
(Fayolle, 2002)
Cette illusion comme quoi le design est encore ignoré
du grand public aurait deux raisons principales : l'une est liée au fait
que « le design englobe un grand nombre de pratiques et de
métiers différents -graphisme, design de produits, design
textile, packaging, dont n'est valorisé qu'un petit secteur, celui du
meuble et des objets du quotidien », l'autre est que « son
omniprésence le rend plus flou, plus difficile à (dis) cerner
».
Ainsi, le design a suscité un intérêt
grandissant depuis les années 80. D'ailleurs, cela n'est pas un hasard
si le design est reconnu par l'Unesco comme un patrimoine à part
entière en 2004. « Quel est l'intérêt de ce
réseau Unesco des villes créatives ? Pourquoi les villes
s'intéressent-elles au design ? Comment le design grandit-il dans une
ville ? », sont des questions auxquelles nous allons tenter de
répondre.
13
1.3 Le renouvellement urbain par les communautés
créatives
1.3.1 Les créateurs, un moteur essentiel des
mutations urbaines ?
Il est impensable de parler de
régénération urbaine par le design sans évoquer la
théorie de Richard Florida sur les « classes créatives
»6.
La capacité de développement économique
des villes dépend de la place qu'y occupe la «classe
créative» : scientifiques, ingénieurs, professeurs
d'université, romanciers, artistes, gens du show-business, acteurs,
designers, architectes, grands penseurs de la société
contemporaine» et professionnels des secteurs «à forte
intensité de savoir» (nouvelles technologies, finances, conseil
juridique, etc.).
En effet, Richard Florida, dans son ouvrage intitulé
« The Rise of the Creative Class », élabore une théorie
sur le bien-fondé du renouvellement urbain par les industries
créatives, notamment en ce qui concerne l'existence d'une « classe
créative ». Cette dernière caractérisée par
des ménages issus des classes moyennes et supérieures, serait
d'après Florida, un moteur essentiel pour la mutation du système
économique local. Cette dernière serait définie par trois
T : le talent, la technologie, et la tolérance. D'après lui, cinq
critères permettent de définir une ville créative : «
indices de haute technologie (pourcentage d'exportation des biens et
services liés à la haute technologie), d'innovation
(nombre de brevets par habitant), de gays, comme représentatifs de la
tolérance (pourcentage de ménages gays), de
«bohémiens» (pourcentage d'artistes et de créateurs),
et de talent (pourcentage de la population ayant au moins le
baccalauréat). »
Pour attirer ces classes créatives, il faudrait par
exemple, mettre en place des stratégies d'amélioration de l'offre
commerciale et résidentielle, puisque ces classes créatives
seraient génératrices d'emploi et de développement de la
ville. La ville se réinventerait donc par la sélection de ses
habitants.
De façon générale, les villes
pionnières de ce concept sont principalement celles qui, historiquement,
ont subi le plus durement le déclin du secteur industriel, telles que
Saint-Etienne ou Lille.
6 Richard Florida, Cities and the creative class
(2005), New York-London, Routledge, 198 p.
14
D'après Florida, les travailleurs de cette «
classe créative » sont attirés par les lieux
créatifs qui sont porteurs d'emploi : pour lui, la
créativité est le moteur de la croissance des villes.
Le concept de « ville créative » a
également été pensé par Charles Landry (Landry,
2000). Les villes détiennent un fort potentiel de
créativité, qu'elles se doivent d'optimiser, et d'après
lui, sept groupes de facteurs participent à ce concept : « les
créatifs, la qualité des dirigeants, la diversité des
talents, l'ouverture d'esprit, l'intensité de l'identité locale,
la qualité des installations urbaines et les possibilités de mise
en réseau. » En quelques mots, la ville créative est,
selon Charles Landry, un modèle de développement territorial, une
sorte de label visant à attirer les investisseurs.
Cette théorie a été l'objet de nombreuses
recherches, notamment concernant ses limites et son
développement7. Elle a notamment été
pensée par le sociologue Alain Bourdin autour de sa
réalité (Bourdin, 2005). D'après lui, Richard Florida
commet trois erreurs dans son ouvrage : - L'utilisation de données
biaisées (analyse de villes centres pour des régions
métropolitaines), imprécises (champ des professions de cette
classe créative trop large) et peu discriminantes (« les
différences entre les villes sont très souvent sans signification
statistique » 8 ). Les indices seraient même « bidons
» d'après Marc Levine.
- L'association de cette classe créative au
développement économique : « d'après les
critiques, l'auteur ne prouve rien » affirme Alain Bourdin.
- L'utilisation du terme classe serait également une
faute. « D'après lui, cette classe créative »
serait un groupe d'individus n'ayant rien en commun mise à part les
modes de consommations, mais « rien ne prouve qu'elle ait une chance
quelconque d'exister comme acteur collectif ».
7 Chantelot Sébastien, « La
thèse de la « classe créative » : entre limites et
développements. », Géographie, économie,
société 4/2009 (Vol. 11) , p. 315-334
8 Elsa Vivant. La classe créative
existe-t-elle ? Discussion des thèses de Richard Florida. Les
Annales de la Recherche Urbaine, Plan Urbanisme - Construction - Architecture,
2006, pp.155-161.
15
Mise à part le désaccord d'Alain Bourdin avec le
fait que cette classe créative serait un facteur de développement
économique, ce débat sur la « classe créative »
a selon lui, permis d'introduire de bonnes questions. Qui peut conduire le
changement urbain et faire changer les villes ? D'après Alain Bourdin,
« l'idée d'une interaction entre des acteurs de
l'économie, de l'activité intellectuelle et de la création
culturelle est au moins digne d'intérêt. ».
L'avis de Jean-Jacques Terrin rejoint la théorie de
Richard Florida. Monsieur Terrin s'est également interrogé sur la
place des créateurs dans la ville contemporaine. D'après lui, il
est évident que « les créateurs contribuent à
l'évolution des modes de vie en proposant de nouveaux usages de l'espace
qui affectent la sociabilité, les services, les modes de travailler,
d'habiter, de se déplacer et se divertir », mais il faut se
poser des questions concernant leur rôle alternatif, et l'influence des
créateurs : il a tenté de répondre aux questions suivantes
:
Comment y vivent-ils ? Dans quelles conditions ? Quelles
formes d'habiter, quels nouveaux usages introduisent-ils ? Dans quels lieux ?
Quels rôles jouent-ils dans la vie de la cité ? Comment
influencent-ils la fabrique de la ville, du territoire ? Comment
contribuent-ils à façonner une industrie créative ?
Il existerait trois rôles importants des
créateurs dans les villes : les créateurs habitants, les
créateurs inventeurs et les créateurs acteurs (Terrin, 2012).
- Les communautés créatives sont
nécessaires pour revaloriser les espaces marginaux ou
délaissés (comme les friches industrielles), d'où
l'importance d'une ville accueillante pour ces communautés. En effet, la
présence de créateurs habitants s'affirme souvent comme
« levier de développement d'un point de vue culturel, social et
économique contribuant à transformer le territoire et son
identité ». Les initiatives de créateurs induisant la
production et la diffusion de manifestations culturelles (comme les spectacles,
festivals ou expositions) sont génératrices de dynamiques
urbaines, qui ont des effets positifs : elles rendent la ville plus attractive
pour les habitants, les visiteurs et les acteurs économiques, politiques
et culturels.
Les créateurs inventeurs permettent par leur regard
« sensible, décalé et souvent critique », de
révéler l'identité et le potentiel des lieux. Les
créateurs « questionnent les usages existants et en devenir,
interrogent l'usage de ces lieux, permettant ainsi la découverte de
nouveaux usages et de nouvelles formes d'habiter ». Ils imaginent
leurs habitations comme de véritables laboratoires expérimentaux
jusqu'à parfois créer de nouveaux modes de vie, en
détournant ou en contournant l'affectation initiale de ces espaces.
16
Enfin, les créateurs doivent faire partie prenante
d'une ville créative, dynamique et solidaire : leur présence se
décline de multiples façons : « durable ou
éphémère, formelle ou informelle, spectaculaire ou plus
discrète ». Les initiatives artistiques transgressent parfois
les frontières entre les publics, les spectateurs et créateurs,
les espaces et temporalités. Elles sont « créatrices de
lien social et favorables à la mise en oeuvre d'une culture urbaine
commune ». Les créateurs sont donc des acteurs primordiaux
à la régénération urbaine et à la
transformation d'une ville pour lui forger une culture, une identité
bien particulière et propre à elle-même.
Un autre modèle s'intéresse à
l'organisation des créatifs dans la ville, et les rapports qu'ils
tissent avec la société et le territoire : celui de la
clubbisation9. Il s'agit d'éviter telle ou telle population
dans la stratégie de commune périurbaine : sont
considérés comme « périurbains tous ceux qui
habitent un village mais travaillent dans une métropole
».10 D'après ce modèle, les créatifs
doivent être intégrés dans la réflexion sur la ville
et « en faire l'un des moteurs du développement et du lien
social : l'ouverture devient alors une nécessité, un
équilibre à trouver et à préserver ». Les
créatifs figurent parmi les forces de travails majeurs de notre
siècle.
Pour conclure, même si les avis divergent concernant
l'existence d'une « classe créative », le développement
d'une ville par les communautés créatives semble être une
théorie perçue comme prometteuse par beaucoup de penseurs. La
régénération urbaine par les industries créatives
est d'ailleurs en harmonie avec les orientations du réseau Unesco des
villes créatives.
9 Michel B. (2013). Les villes
créatives, entre clubbisation et ouverture du développement
territorial. Mémoire de recherche en Géographie,
Université d'Angers, 160 pages
10 Charmes Eric, La ville
émiettée, Essai sur la clubbisation de la vie urbaine, La
ville en débat, 2011, 288 pages
17
1.3.2 Le réseau Unesco des villes
créatives de design
La créativité renvoie à « la
capacité, pouvoir qu'a un individu de créer, c'est-à-dire
d'imaginer et de réaliser quelque chose de nouveau »
(Dictionnaire Trésor de la Langue Française, 2012). Le
traité de Lisbonne en 2009 est la preuve d'une conviction quant au
potentiel de la créativité et de l'innovation portée par
la Commission européenne. Il souligne qu'une ligne créative est
« moteur de croissance économique et comme stratégie de
résistance face aux puissances économiques et industrielles
émergentes. »
Les villes sont, d'après l'Unesco, « les
principaux laboratoires où se développent de nouvelles
stratégies, politiques et initiatives, visant à faire de la
culture et de la créativité un moteur de développement
durable et de la régénération urbaine en dynamisant la
croissance et l'innovation, en promouvant la cohésion sociale, le
bien-être des citoyens et le dialogue interculturel »
(Réseau des villes créatives).
En effet, les villes sont face à des enjeux importants,
comme la crise économique, les tensions sociales et politiques, la
croissance démographique et les enjeux environnementaux : «
Nous constatons que toutes les villes sont confrontées aux mutations du
paysage urbain, aux questions d'identité urbaine, au changement
climatique, à la gestion des déchets, à
l'intégration de l'art dans la ville, à la mobilité et aux
flux de communication. » (Franc, 2006). Elles ont donc un
rôle crucial à jouer pour l'avenir, d'autant plus qu'elles
représentent plus de la moitié de la population mondiale et en
terme économique, elles rassemblent 3/4 de l'activité
économique mondiale...
Le Réseau des villes créatives de l'UNESCO offre
des opportunités inédites aux villes pour, à partir de
processus d'apprentissage par des pairs et de collaborations, tirer pleinement
parti de leurs atouts créatifs et bâtir sur cette base un
développement durable, inclusif et équitable sur les plans
économique, culturel, environnemental et social (Unesco). (Réseau
des villes créatives)
Le réseau mondial de villes créatives est
basé sur la notion d'économie créative. Même si la
créativité n'est pas restreinte au champ culturel et artistique,
le réseau met l'accent sur les domaines artistiques et culturels.
D'après l'Unesco, en soutenant les industries créatives, et en
coopérant avec la société civile et le secteur
privé, les pouvoirs publics peuvent faire la différence et
promouvoir un développement urbain plus durable, qui répond aux
besoins
18
concrets des populations locales. Pour l'Unesco,
l'économie créative est croissante dans le monde, et les
bénéfices sont nombreux : génération de salaires,
création d'emplois, gains à l'exportations,
génération de valeur non monétaire...
Le réseau UNESCO des villes créatives a
été créé en 2004. Comme la carte ci-dessus le
montre, ce réseau est mondial : il regroupe 116 membres dans 54 pays du
monde entier, autour de sept domaines des industries créatives à
savoir : cinéma, musique, artisanat et arts populaires,
littérature, design, arts numériques et gastronomie. Par exemple,
Leipzig en Allemagne est une ville créative Unesco pour l'art et la
littérature, Lyon pour les arts numériques, et enfin, Berlin,
Montréal, ou encore Shanghai pour le design.
Pour devenir « Ville Unesco de Design », une
candidature doit être adressée par le Maire de la ville,
confirmée et approuvée par l'Etat. La ville devra alors
démontrer sa volonté et sa capacité de contribuer aux
objectifs du réseau, en appuyant sur les atouts et la valeur
ajoutée qu'elle apportera au réseau. Elle doit prouver
l'existence de centres créatifs et de groupements socioculturels. La
candidature est examinée par un comité de personnalités
compétentes.
Certaines villes ont choisi le design « pour s'en
sortir et créer une dynamique fédératrice qui rassemble la
population autour d'un projet porteur » (Lacroix M.-J. , 2006).
L'intérêt de ce Réseau pour les villes est de
développer leur singularité créative.
Pour la Directrice de Relations Internationales à la
Cité du design & Ecole supérieure d'art et design de
Saint-Etienne, il ne s'agit ni d'un label, ni d'une compétition. Ce
réseau permet de « promouvoir le développement culturel,
social et économique des villes dans les pays développés
et ceux en voie de développement ». Il contribue
également à « mettre en valeur des pôles de
création et le partage des savoir-faire, expériences et
compétences que détiennent particulièrement les
collectivités territoriales. ». Pour me montréalais
Marc-André Carignan, le statut de Ville Unesco est « une
reconnaissance du potentiel créatif de notre ville, une invitation
à développer Montréal en misant sur le design de
qualité, l'architecture durable et l'innovation. » (Carignan,
2015)
19
Même si les conditions d'attribution de cette
reconnaissance de ville créative du design restent relativement floues,
cette désignation apporte des retombées non négligeables
pour la ville » : visibilité internationale, dynamique
territoriale, facilitation des échanges entre les collectivités
membres du réseau, figurent parmi certaines conséquences de
l'entrée dans ce réseau.
A l'heure actuelle, il existe 16 villes de design : Buenos
Aires, Berlin, Montréal, Nagoya, Kobe, Shenzhen, Shanghai, Séoul,
Saint-Étienne, Graz, Pékin, Bilbao, Curitiba, Dundee, Helsinki,
Turin. Certaines de ces villes ont dû remédier à «
des ralentissements économiques et ont misé sur le design pour
convertir leur économie. Le faible coût de la vie leur a permis
d'attirer et de retenir beaucoup de créateurs. » (Franc,
2006).
Nous allons désormais nous intéresser à
certaines villes de design appartenant au réseau Unesco pour comprendre
les raisons d'une telle qualification et ce qui les rend si uniques. Nous
prendrons les villes de Montréal et de Berlin comme sujet
d'étude.
20
1.3.2.1 Montréal
Montréal est ville Unesco de design depuis 2006. Le
design est reconnu depuis 1986 comme un secteur prioritaire de
développement. La ville de Montréal a mis en place en 1991, un
commissariat au design, consacré exclusivement au développement
et à la promotion du design dans la métropole. Pour la ville de
Montréal, « le design est une activité
d'idéation, création, planification, production et gestion qui
façonne la qualité de son cadre de vie, contribue à la
compétitivité de son économie, participe à son
expression culturelle, renforce son identité et celle de ses entreprises
» (Lacroix M.-J. , 2006).
Pour comprendre pourquoi la ville s'est tournée vers le
design pour se développer et se distinguer, il faut regarder dans le
passé, les événements qui ont marqués la ville
très fortement (Designmtl, 2014).
- La construction de la place Ville Marie en 1962, dont le
bâtiment reste un symbole de la ville québécoise, a
été le point de départ du début de l'histoire
moderne de Montréal. « Ce ne fut qu'un début, car les
projets qui suivirent furent riches en grands projets ».
- L'exposition universelle de Montréal en 1967 sur la
thématique « Terre des Hommes », a accueilli plus de 50
millions de visiteurs et mobilisé les meilleurs talents créatifs.
Parmi les rescapés de l'exposition : Habitat 67, le Pavillon des
Etats-Unis devenu la Biosphère (architectes FABG), le Pavillon de la
France (architecte Jean Faugeron) reconverti en casino.« Habitat 67,
construite d'abord comme projet modèle d'habitation, est l'oeuvre du
jeune architecte Moshe Safdie : ces logements préfabriqués
conçus comme des logements abordables sont devenus des appartements de
luxe très recherchés. »
- Les Jeux Olympiques de 1976 ont également
dynamisé la ville au niveau du design, notamment avec la construction
d'un stade aux formes atypiques.
Les rares oeuvres d'arts massives, convenons-en, on les
doit aux années 1960. Le Stade olympique. Le pavillon de la France
devenu casino. Habitat 67. Les stations du métro. (Cardinal,
2012)
Le passé industriel de Montréal, du à ses
atouts géographiques (ile, fleuve immense et montagne au centre),
notamment en terme de commerce maritime, a également permis à la
ville de s'orienter vers le design : nombreux sont les anciens bâtiments
industriels réhabilitées comme le Bota Bota, un ancien traversier
transformé en spa (conçu par Sid Lee Architecture).
21
Quelle est l'identité de Montréal ?
D'après François Cardinal, chroniqueur à La Presse et
spécialisé dans les affaires municipales et urbaines, «
Montréal est design dans des petites choses comme les commerces, les
restaurants, les espaces publics... ». « L'âme de
Montréal se vit et se révèle par ses commerces, lieux de
consommation et de convivialité, qu'ils soient ultra contemporains, ou
emprunts d'une certaine rusticité. ». Le grand architecte
montréalais Luc Laporte a réaménagé la Brasserie
Française, et de nombreux restaurants et cafés se sont
multipliés « des camions de rues rassemblent les gourmets. »
Pour beaucoup, « le paysage montréalais ressemblent à
des rues colorés, des duplex ou triplex, plus ou moins semblables...
» Le montréalais aime les espaces extérieurs, les
escaliers de toutes les formes, les lofts industriels... La ville est
même envahie par les cyclistes.
Montréal possède une « expertise en ce
qui concerne les projets participatifs, interactifs et surtout,
poétiques » : c'est le lieu de nombreux festivals et
manifestations, un patchwork de cultures, comme le sont aussi les murs
recouverts d'affiches, permettant aux institutions culturelles aux graphistes
d'exposer leur travail. De nombreux espaces publiques ont été
conçus pour « lutter contre la grisaille hivernale ».
« La rue, fait appel à ses créateurs, artistes, designers,
paysagistes. ». Montréal qui manque de lumière en hiver
est la source d'inspiration à de nombreux artistes et designers qui
utilisent la lumière pour jouer avec les places, les murs et
bâtiments : la lumière est devenue un réel leitmotiv dans
la ville.
La ville est d'ailleurs deuxième pour le pourcentage de
sa main d'oeuvre qui occupe des postes dans le « noyau super
créatif11 » avec plus de 450 000 employés dans le
secteur créatif. Le secteur créatif de Montréal est
étendu et diversifié, ce qui permet à la ville de
résister au ralentissement économique, ce qui rejoint la
théorie de Richard Florida. Une étude réalisée par
Statistiques Montréal révèle que la ville attire et
retient les créateurs grâce à sa diversité :
« Plus la diversité et la pluralité règnent dans
une région, plus grandes sont les chances qu'elle attire des gens
créatifs de tout acabit possédant des compétences et des
idées variées. Un mélange hétéroclite de
créateurs est propice à la création de différentes
associations entre individus et groupes d'individus. » (Kevin
Stolarick, 2005)
11Ceux qui travaillent dans les domaines de
l'informatique, des mathématiques, de l'architecture, de
l'ingénierie, des sciences naturelles, physiques et sociales, de
l'éducation, de la formation, du savoir, des arts, du divertissement, du
design et des médias font tous partie du noyau super créatif
(Florida, 2004).
22
D'après Marc-André Carignan, montréalais
diplômé d'architecture, il y aurait un retour progressif à
une culture architectural de qualité dans le paysage urbain de
Montréal, avec par exemple les réalisations du Bureau du Design
(bibliothèque). L'un des meilleur ambassadeur du design
montréalais est le designer d'intérieur Jean de Lessard !
D'après lui, même s'il y a des choses superbes qui se font
ailleurs sur la planète, Montréal se démarque d'une
façon exceptionnelle avec ses capitaux « on fait des projets
adaptés à nos réalités, on fait des projets humains
». Marc-André Carignan est d'accord avec lui, donc le sens
où Montréal, bien qu'elle n'est pas encore prête à
devenir une capitale mondiale du design, est une ville pleine de talents et de
créateurs locaux. Même si auparavant, François Cardinal
rêvait d'une icône architecturale symbolique (ex. Bilbao avec son
musée Guggenheim par Frank Gehry qui a métamorphosé
l'image de la ville), comme « tour audacieuse qui ferait tourner les
têtes », aujourd'hui, il se dit que ça n'est pas
nécessaire, car le design de Montréal est à son image :
une ville à taille humaine, festive, où la création est
omniprésente, « mais certainement pas une ville ostentatoire,
une ville musée, ou même une belle ville selon les canons en
vigueur » (Cardinal, 2012).
Montréal, c'est aussi une ville de savoir, occupant le
premier rang au Canada pour son engagement dans la recherche universitaire. En
tout, ce sont 11 établissements universitaires, et plus de 50 chaires de
recherche pour développer de multiples réseaux internationaux.
Le design est donc porteur de développement au
Québec et son impact économique se fait ressentir à
Montréal. En effet, 65,3% des travailleurs québécois du
design résident dans la métropole montréalaise, soit plus
de 20 000 emplois avec des retombées économiques de plus de 750
millions de dollars (MONTRÉAL, VILLE UNESCO DE DESIGN / UNESCO CITY OF
DESIGN, 2006). La ville de Montréal est donc très créative
et exemplaire en matière de renouvellement urbain par les industries
créatives comme le design.
23
1.3.2.2 Berlin
Berlin est ville de design par l'Unesco depuis janvier 2006.
Elle est la première ville européenne à avoir obtenu ce
titre. Le sénateur Harald Wolf a d'ailleurs déclaré :
« Cette distinction représente une importante reconnaissance
internationale pour notre ville et pour tous les esprits créatifs qui
travaillent, enseignent et vivent ici. Ces dernières années ont
été le témoin de l'évolution d'une scène
créative véritablement fascinante, distinguée par sa
polyvalence, son caractère non conventionnel et sa qualité,
faisant d'elle un facteur économique qu'il ne faut pas sous-estimer
» (Unesco, 2005). L'entrée dans ce Réseau a pour
visée de développer la ville, de consolider les
compétences locales et d'augmenter la présence des produits
culturels sur le marché international.
Le design présente un potentiel économique
intéressant pour la capitale allemande : plus de 11 000 travailleurs
dans le design (les secteurs liés étant la mode, les produits et
meubles, l'architecture, les arts visuels et la photographie) dont 6 700
société de design, qui représentent 1,5 milliard d'euros
en terme de ventes par an (
Unesco.org). Le design est donc au coeur
de l'économie berlinoise. Le secteur est dynamique, comme le
révèle son « taux de croissance supérieur à la
moyenne, que ce soit en termes de nombre de sociétés, de chiffres
d'affaires et d'emplois » (Berlin Paris Invest, 2015). Toujours dans une
politique économique tournée vers le design, la ville a mis en
place des prêts avantageux aux créateurs d'entreprises, mais
également des programmes de formation et de coaching pour les
entreprises des industries créatives.
Qu'est-ce qui attire cette « classe créative
» à Berlin ? « L'environnement, l'espace et les
excellentes conditions de base de la ville sont les fondations du travail
créatif et du développement de produits novateurs. Les designers,
les stylistes, les photographes et les architectes y trouvent la liberté
artistique, des bureaux et des logements abordables, des réseaux et
l'intérêt du public pour leur travail » (Unesco). Un
autre élément attirant les créatifs, ce sont les
événements culturels berlinois (comme le Festival international
du design DMY), mais également toutes les possibilités
d'études dans le domaine du design : la ville compte 5
universités dédiées aux arts et plusieurs écoles ce
qui représenterait environ 5000 étudiants, des futurs
créateurs.
Berlin est une ville exemplaire en matière de design :
elle possède de nombreuses réalisations économiques,
sociales et culturelles, influencées en partie par son héritage
historique. On parle même de Berlin comme étant une
pépinière artistique. De nombreux artistes vivent à Berlin
et depuis longtemps, comme David Bowie qui déclarait déjà
en 1970 « Je suis fasciné par Berlin à cause de la
friction. Cette ville possède l'étrange capacité de vous
faire écrire seulement les choses importantes »12.
En effet, l'univers du design à Berlin est prépondérant,
et fait preuve de dynamisme pour la capitale allemande.
Dès à présent, nous allons nous
intéresser à la ville de Saint-Etienne qui a été
l'objet d'une grande reconversion en terme de politique territoriale. De ce
fait, nous étudierons les raisons qui l'ont amené à parier
sur le design pour se développer.
24
12 Interview de David Bowie dans `Rock & Folk',
n° 146, 1979
25
2 Saint-Etienne, un territoire en reconversion
2.1 Une ville créative depuis
toujours 2.1.1 L'âge d'or
industriel
L'histoire de Saint-Etienne est intéressante pour
comprendre quelles ont été les orientations politiques
territoriales par la suite. Nous allons donc nous intéresser à
son histoire, témoignant d'un dynamisme industriel important, puis nous
aborderons les conséquences de cette activité industrielle tant
positives que négatives.
Autrefois, la ville de Saint-Etienne était une grande
capitale industrielle. On peut même dire qu'elle « ne s'est pas
développée avec l'industrie à la fin du
18ème siècle, elle est née avec »
(Vincent Béal, 2010). En effet, son savoir-faire était
appliqué dans trois industries majeures, qui formèrent pendant de
longues années le noyau dur de cette capitale industrielle :
- la rubanerie. Cette activité très ancienne
à Saint-Etienne était à l'époque,
représentée par plusieurs acteurs : des négociants qui
travaillaient pour des maisons de gros ou de commissaires ; des passementiers,
qui travaillaient à domicile mais également en sous-traitance
pour des compagnons. Ce secteur était, du point de vue
économique, relativement atomique, donc « d'une faible
intensité capitalistique ». Toutefois, la rubanerie a
perduré jusqu'à la Première Guerre Mondiale (1914).
- les industries minières et métallurgiques. A
l'inverse du domaine du ruban, ces dernières étaient «
modernes et capitalistiques ». C'est autour des années 1810
que les industries minières commencèrent à se
développer. Dès 1850, de grandes entreprises de
métallurgie et de sidérurgie (comme la Fonderies de la Loire et
de l'Isère, les Aciéries de Saint-Etienne, et la Compagnie des
Mines de fer) s'implantèrent. La métallurgie évolue
progressivement en se spécialisant vers la fabrication d'aciers
spéciaux, d'alliages complexes, notamment en terme de constructions
mécaniques : la ville devient experte en production de cycles et d'armes
de chasse et de guerre (avec Armeville). C'est l'époque de Manufrance,
une Manufacture Française d'Armes et Cycles, créée par
Etienne Mimard et Pierre
26
Blachon en 1885, considérée comme la plus
emblématique des productions manufacturières de la ville.
A l'époque, la ville était donc portée
par des secteurs dynamiques comme l'armement, la rubanerie et les cycles. Il y
avait même d'autres activités en parallèle. Nous pouvons
citer Casino, dont la première épicerie vit le jour en 1890, mais
également l'entreprise Weiss en 1882, Henry Brun (fabricant de radios et
de télévisions dans les années 1950), ou encore des
chocolateries de renom grâce à l'intérêt de la
bourgeoisie industrielle locale pour cette friandise, comme l'entreprise Weiss
en 1882. La ville est alors une terre d'invention, de création,
« un territoire pionnier animé par une dynamique
spécifique liant l'art et l'industrie » (Franc,
2006).
Comme la ville était fleurissante, il y avait besoin de
main d'oeuvre, et donc beaucoup de travail à offrir : suite à
cette révolution industrielle, la ville a subi une explosion
démographique. L'évolution du nombre d'habitant en est la preuve
: 19 100 habitants en 1820, 94 000 habitants en 1856 et presque 150 000 en 1911
pour l'agglomération stéphanoise. L'histoire ouvrière a
été marquée par la venue de nombreux migrants (italiens,
espagnols, portugais, arméniens, maghrébins, etc.).
Cependant, la concurrence devient de plus en plus rude avec
l'élargissement de la Communauté Economique Européenne, et
la ville a du mal à surpasser cette crise. L'activité
industrielle se réduit peu à peu... Les mines ferment en 1973
à Saint-Etienne, tout comme de nombreuses activités liées
aux rubans, aux cycles... C'est la fin de l'âge d'or industriel.
Suite à cela, la ville se retrouve très
rapidement en retard de développement mais avec un fort potentiel
industriel. La ville doit affronter plusieurs enjeux économiques,
géographiques, etc. « Comment la ville peut-être créer
de la richesse à nouveau ? » devient une problématique,
à l'époque où la ville a perdu des habitants, où
les entreprises industrielles ont fermées... Même s'il reste
quelques entreprises dynamiques (comme Casino et Weiss), la ville se retrouve
dans une situation dramatique. Quelle politique de
régénération urbain va-t-elle choisir ? Comment va-t-elle
relancer son économie ?
Ainsi, nous avons vu que la ville de Saint-Etienne a
été marquée par une industrialisation ancienne. Face
à ce déclin des activité manufacturières
traditionnelles, la ville décide de se
27
reconvertir dans de nouveaux secteurs et pôles
d'excellence, comme l'enseignement supérieur, la technologie
médicale, le traitement de surfaces, l'industrie optique etÉ le
design.
La stratégie d'orienter Saint-Etienne vers le design en
1994 n'est donc pas partie de nulle part. La ville a toujours inventé,
elle a même grandit en innovant, avec l'industrie : les designers
auraient-ils toujours existé au sein de cette ville ? Quel usage
effectuer des anciennes friches industrielles ? Comment utilise-t-elle son
patrimoine industriel et commercial ?
28
2.1.2 L'héritage industriel comme source de
patrimonialisation et de
muséification
La réhabilitation d'anciennes friches industrielles est
une résultante de la stratégie de renouvellement urbain de la
ville de Saint-Etienne des années 1990. Il est intéressant de
constater que le passé industriel a été la source
d'inspiration d'initiatives en faveur de la patrimonialisation et de la
muséification de la ville : en voici un aperçu.
2.1.2.1 Le Musée d'Art et
d'Industrie
La ville de Saint-Etienne a hérité d'un
patrimoine industriel et commercial conséquent. Heureusement, cette
mémoire des industries locales est préservée, notamment
dans le Musée d'art et d'Industrie. Ce lieu de conservation met en
valeur les trois domaines qui ont le plus marqué la ville de
Saint-Etienne, à savoir l'armurerie, l'industrie du cycle et la
rubanerie.
Initialement, dans les années 1833, ce musée
d'art et d'industrie (était un Palais des Arts abritant un musée
classique (quelques oeuvres de Monnet) et une bibliothèque. Ce lieu
devient en 1889, le Musée d'Art et d'Industrie, réunissant les
« beaux-arts » et les « arts industriels ». Sa mission
principale est de montrer les liens entre l'art et la technique de l'ère
industrielle. D'après Ludovic Noel (Directeur de la Cité du
Design), ce musée abrite des « collections exceptionnelles
autour des armes, cycles et rubans ».
Un musée aux racines du design :
rénové par Jean-Michel Wilmotte en 2001 et labélisé
Musée de France, il met en lien le passé, le présent et le
futur de Saint-Etienne. Il offre un « regard contemporain sur les
industries d'art et de design du quotidien » (Musée d'art et
d'industrie de Saint-Etienne).
29
2.1.2.2 Le Musée
d'Art Moderne et Contemporain
Le musée d'art Moderne émane d'une section qui
appartenait autrefois au musée d'art et d'industrie dont nous avons
parlé précédemment.
En 1947, le nouveau conservateur Maurice Allemand parvient
à convaincre la municipalité du bien-fondé pour une ville
moderne, née de la révolution industrielle, d'une politique
tournée vers l'art moderne et contemporain. Entre 1967 et 1987, ce
conservateur poursuit cette orientation vers l'art contemporain, et met en
place une politique d'acquisition dynamique plus fortement tournée vers
l'art contemporain. Grâce à des crédits d'acquisition
alloués, il enrichit progressivement « les collections
d'oeuvres importantes du début du siècle (Picabia, Schwitters,
Alexandra Exter, Magnelli, Hélion...), de la génération
européenne des années cinquante (Dubuffet, Fautrier, Soulages,
Bram Van Velde...) et des artistes contemporains (Klein, Warhol, Dine, Stella,
Judd, LeWitt, Viallat et les artistes français du groupe
Supports-Surfaces...) » (Musée d'art moderne et contemporain
de Saint-Etienne).
La section d'art moderne devient un musée à part
entière en 1987 : conçu par l'architecte Didier Guichard (fil de
Pierre Guichard, ancien directeur du groupe Casino), inauguré le 10
septembre 1987 par le Ministre de la Culture François Léotard :
pris parti d'une fonctionnalité avec une architecture sobre, ainsi
qu'une façade en carreaux de céramique noire, un clin d'oeil au
passé minier de la ville ; le but de ce bâtiment, le rendre souple
pour permettre un espace de vie, d'échange, de formation un lieu ;
localisé en bordure nord de Saint-Etienne.
Dans les années 1990, les axes d'orientation du
musée sont la photographie et le design (soutenu depuis 1995 par le
Conseil général de la Loire). La politique est en faveur du
Design : « la politique de la Ville de Saint-Etienne et de
Saint-Etienne Métropole à l'égard du design a
accéléré, depuis 2001, le développement d'une
collection de design désormais reconnue comme l'une des plus importantes
en France (900 pièces) ». Parmi les oeuvres exposées,
nous pouvons citer celles de Charlotte Perriand, célèbre designer
ayant travaillé au côté du Corbusier. Ce musée
détient la plus importante collection d'art moderne et de design
après le Centre Pompidou (Ludovic Noel, Directeur de la Cité du
Design).
30
2.1.2.3 Le Puits Couriot en
parc-musée
« Que faire des autres friches industrielles et de ce
patrimoine important ? »
(Zanetti, 2011)
L'héritage du passé minier à
Saint-Etienne a été l'objet d'une forte patrimonialisation. Le
Puits Couriot a été en activité (sous la
société des Mines de la Loire) de 1919 à 1973. En 1991,
afin de préserver l'identité minière du bassin de la
Loire, un Musée de la Mine est créé dans l'ancien
chevalement (édifié en 1913). Ce musée est le plus
visité de toute la Loire, avec plus de 70 000 visiteurs par an, c'est
donc une belle réussite. Le Puits Couriot abritant le musée est
devenu un site minier classé Monument Historique.
Le Puits Couriot est un « lieu de vie et de culture
de premier plan ». On y organise des festivals, spectacles, concert,
« un lieu majeur de Saint-Etienne de demain »,
d'après la ville de Saint-Etienne. C'est un lieu de mémoire
chargé d'émotion, un lieu fertile où l'imagination
vagabonde librement (Coignard, 2014).
Depuis 2012, le Parc Couriot a été l'objet d'un
important programme de travaux pour sauvegarder son patrimoine, rendre plus
confortable la venue des visiteurs et renouveler son parcours de visite. Ce
parc a été réhabilité dans le souci de respecter le
patrimoine minier existant. L'équipe du projet (les architectes et
urbanistes Gautier et Conquet ainsi que Michel Corajoud, grand prix de
l'urbanisme et du paysage) a traité le parc et le musée
« comme un même ensemble où tous les usages acteurs
(récréatifs, contemplatifs, culturels...) s'accordent
harmonieusement avec l'emblème patrimonial que constitue le site Couriot
», d'où son appellation Parc musée. Ce sont 8 hectares
de verdure aux pieds du chevalement et des crassiers... où se
mêlent jeux pour enfants, aires de pique-nique, bref, un espace de
détente et de tranquillité. Ce lieu fait résonance avec la
Cité du Design dans le sens où il témoignage de la
« formidable aventure industrielle du territoire » (Ville de
Saint-Etienne).
31
2.2 Une politique Le renouvellement urbain tournée
vers le Lesign
Saint-Etienne n'est pas la seule ville à avoir
été touchée par le déclin de l'activité
industrielle ancienne. Pour rebondir, beaucoup de villes ont mis en place de
nouvelles stratégies de renouvellement urbain, ayant des objectifs
« qui vont bien au-delà de la réhabilitation du cadre
physique » (Le Garrec, 2006), dans le but de mettre en place des
opérations comme levier de développement économique. Ces
politiques sont « inspirées par les politiques de
régénération urbaine expérimentées dans les
villes industrielles britanniques », comme la théorie de la
« Classe Créative » de Richard Florida dont nous avons
parlé précédemment.
Cette orientation stratégique à Saint-Etienne
aurait été mise en place en 1994, à l'arrivée de
Michel Thiollière à la mairie. Avant son arrivée, les
politiques étaient tournées vers le soutien à l'industrie
pour sortir de la crise. Le nouveau maire élargit l'agenda politique
« à des enjeux tels que l'attractivité
résidentielle, la qualité du cadre de vie, et plus
généralement l'image de la ville » (Bréal,
2006). Trois facteurs seraient à l'origine de cet intérêt
pour le renouvellement urbain :
- « L'évolution sociologique de la composition
de la ville », avec une ascension de groupes sociaux et
professionnels liés à la culture, à l'urbanisme et
à l'enseignement.
- « La prise de conscience des problèmes
démographiques de la ville », de plus en plus visibles dans
les villes, avec des centres villes désertés par les classes
moyennes et supérieures (Rousseau, 2008).
- « Au niveau national, une réflexion se met
en place autour d'une réforme des outils d'urbanisme visant à
faciliter la reconstruction de la ville sur la ville ». Un guide des
bonnes pratiques en matière de renouvellement urbain est
rédigé par la Fédération Nationale des Agences
d'Urbanisme, et une loi « Solidarité et Renouvellement Urbain
» votée en décembre 2000 modifie en profondeur le droit de
l'urbanisme et du logement en France (en favorisant la mixité sociale
par exemple).
32
Un événement marquant de renouvellement urbain
de Saint-Etienne est le lancement du projet d'agglomération en 2003,
où Saint-Etienne devient Saint-Etienne Métropole. Ceci est la
preuve d'un effort pour « formaliser une stratégie
économique plus ambitieuse et sélective, stratégie
reposant sur l'appui aux nouvelles technologies pour accélérer la
mutation du tissu industriel local et sur la promotion du design comme nouvelle
compétence transversale » (Vincent Béal,
2010).
Cette stratégie n'a pas été suivie par
tous les acteurs économiques dans les années qui suivirent,
notamment en ce qui concerne « le bien-fondé économique
du choix du design comme vecteur de mutation et de développement
économique ne fait pas l'unanimité ».13
Cette action n'a pas été soutenue de manière transparente
par l'ensemble des élus de la communauté. Les causes seraient une
méfiance quant à la capacité des collectivités
locales à peser sur le développement local, mais aussi la
priorité aux projets de gouvernance interne (communauté
d'agglomération, soit un établissement de coopération
intercommunale) décourageant la mobilisation de la société
locale.
D'après Josyane Franc, l'aventure du design
contemporain commence réellement en 1989, lorsque le département
de design de l'Ecole des Beaux-Arts de Saint-Etienne se fait remarquer sur un
plan national, par la création du premier troisième cycle
français « design et recherche », suivi en 1991 par
la fondation de la revue « AZIMUTS ». Les enseignements se
poursuivent autour du « projet design », sous une
réelle diversité des démarches, des techniques,
matériaux, savoir-faire traditionnels etc. Le design est « au
coeur de la transformation urbaine, des équipements, infrastructures et
des espaces publics » (Franc, 2006).
Nombreuses furent les conséquences de ces
décisions politiques en faveur du design. En 1977, un atelier d'espaces
publics est crée pour faire participer des jeunes créateurs
venant des écoles de la ville (designers, artistes, architectes)
à des projets de conception de nouveaux
13 Vincent Béal, Rémi Dormois et
Gilles Pinson, « Relancer Saint-Étienne. Conditions
institutionnelles et capacité d'action collective dans une ville en
déclin », Métropoles [En ligne], 2010, mis en ligne le
30 novembre 2010, consulté le 22 mars 2016, URL :
http://metropoles.revues.org/4380
33
espaces publics (en partenariat avec les services techniques
de Saint-Etienne). Par la suite, plus de 150 sites (aires de jeux, places,
jardins) ont été rénovés.
En 1998, la Biennale Internationale Design Saint-Etienne ou
« mondial du design » est créée sous
l'initiative de l'Ecole Régionale des Beaux-Arts (désormais Ecole
Supérieure d'Art et Design de Saint-Etienne), dans le but de rassembler
de nombreux acteurs : créateurs, entreprises, écoles,
journalistes, éditeurs... Cette Biennale est liée à des
thématiques larges : cohabitation en 2006, écologie en 2008,
téléportation en 2010... Il y a néanmoins toujours une
volonté de lier le local et le global : l'idée est de «
croiser les métiers du design, ses différentes pratiques et ses
enjeux, avec divers acteurs de l'innovation de la recherche, de
l'économie et de l'enseignement. »14.
14 Centro Cultural Banco do Brasil, Saint-Etienne,
Cité du Design, Brasilia, 2009, 117 pages.
34
2.3 Naissance Le la Cité Lu Design
La Cité du Design est un bel exemple de marqueur de
cette volonté de placer le design au coeur de la politique territoriale.
En effet, le succès des différentes Biennales et le dynamisme de
l'école pionnière permet de voir la Cité du Design
naitre.
En se dotant d'un outil exceptionnel comme La Cité du
Design, Saint-Etienne et son agglomération font un pari sur le design
comme moteur pour son territoire, dans une société qui doit
affronter des mutations de tous ordres, du social à l'économie,
de l'écologie à la technique, qui ont des incidences sur la vie
de chacun (Cité du Design).
L'implantation de cette Cité du Design choisie est le
quartier de l'ancienne Manufrance, symbole d'une grande époque (de 1864
à 2000), où la Manufacture d'armes fabriquait le fleuron de
l'armée française, le fameux « clairon ». La ville
décide de la réhabiliter de manière à créer
un lieu pour changer l'image de la ville « d'une ville industrielle
à une ville beaucoup plus culturelle » (d'après Maurice
Vincent, le maire de l'époque). Ce lieu serait alors une plateforme
d'enseignement supérieur unique en Europe, qui pourrait accueillir la
Biennale internationale du design, d'où l'idée d'une «
Cité du Design ».
La Cité du Design est une plate-forme d'observation, de
création, d'enseignement, de formation et de recherche par le design.
Elle souhaite porter un design qui réponde aux usages, aux besoins et
aux nouvelles pratiques en centrant sa réflexion sur l'humain, par la
conception d'images, d'objets, d'environnements et de services dans l'espace
public et privé (Ville de Saint-Etienne)
Cette Cité du Design est construite dans le but
d'accompagner la mise en oeuvre du design au sein des collectivités
publiques, de dynamiser l'activité des entreprises créatives,
tout en favorisant leur collaboration transversale avec les partenaires
industriels et scientifiques. Elle est définie comme « espace
d'avant-garde dont le but est de former des professionnels qui pensent le
design comme un outil social, grâce à des solutions qui ne perdent
pas de vue les caractéristiques sociales et économiques de la
finalité pour laquelle elles ont été conçues, sans
toutefois négliger le côté pratique et esthétique
» (Frances E., 2008).
35
Elle a l'ambition de devenir le quartier des métiers
créatifs, « qui permet le maillage permanent entre vie
quotidienne, technologies, art, culture et loisirs » : enseignement
supérieur comme atout pour la recherche (ESADSE fondée en 1804,
Télécom Saint-Etienne, l'école d'ingénieurs en
technologie de l'information et de la communication, IRAM, une plateforme de
recherche, veille et formation dédiée aux nouveaux médias,
et Sup Optique). « Autour de la cité, mon projet est de mettre
sur pied un campus créatif, c'est-à-dire rassembler,
au-delà du design, des labos de recherche universitaires, des
écoles d'ingénierie et des entreprises de haute technologie pour
créer un système d'innovations nouveau » (Corriveau,
2011).
Le projet de la Cité du Design débute en 2005 :
ce travail représentant plus de 16 000 mètres carrés de
terrain, a été confié à des architectes de renom :
Finn Geipel et Giulia Andi, appartenant à l'agence LIN. Il ne s'agissait
pas de réhabiliter simplement les locaux, mais de créer une
ville-parc, ouverte sur les quartiers avoisinants. L'objectif de ce projet
architectural d'après la Cité du Design est le suivant :
« créer un lieu tourné vers le futur, susceptible
d'évoluer en fonction des activités de la Cité du Design
avec le développement du territoire ». On y trouve un
mélange entre des friches industrielles réhabilitées et
des réalisations contemporaines (la Tour et la Platine). La Platine est
le lieu d'échange et de connexion entre les espaces et d'accueil du
public.
L'ensemble des activités de la Cité du Design
s'appuie sur l'expertise des designers professionnels qu'elle considère
comme des acteurs économiques dont elle vise à développer
l'activité et l'intégration dans tous les processus de
conception. Son role est d'implanter le design là où il n'existe
pas aujourd'hui, où ses compétences apportent innovation et
développement au service des personnes et de l'associer à des
métiers complémentaires, notamment dans les sciences humaines.
Ses principales activités sont les suivantes :
- Sensibiliser le design à tous les publics, notamment le
grand public (par des ateliers pour enfants par exemple),
- Développer l'enseignement supérieur du design
dans la région Rhône-Alpes (avec
notamment le Consortium Design enseignement supérieur
Rhône-Alpes en 2007), - Observer, rechercher et expérimenter par
le design, au profit d'acteurs publics et
privés,
- Développer et innover par le design,
36
- Valoriser les actions par le design (grâce à des
expositions, conférences, colloques etc.).
En 2006, la Cité du Design organise la Biennale
Internationale du Design pour la première fois, avec des
thématiques liées à ses axes de développement :
depuis ce jours, la Biennale est directement organisée en lien avec la
Cité. La Cité du Design est inaugurée en 2009. Il s'agit
d'une « nouvelle étape de la transformation de tout un
territoire » (Franc, 2006).
Par conséquent, Saint-Etienne a conservé une
réelle capacité à inventer, à rebondir vers la
créativité et l'innovation. En effet, cette capacité
à inventer se retrouve dans les musées mais également dans
son patrimoine industriel et architectural. La ville a su utiliser son
passé industriel comme source pour se reconvertir, en utilisant le
design comme point central de sa politique de reconversion urbaine. Grâce
à son rayonnement culturel, sa Biennale Internationale du Design, et ses
compétences variées, la ville a l'ambition d'accroitre son
attractivité nationale et internationale. Relancer le territoire en
misant sur le design a été une véritable volonté
politique de la ville, ce qui l'a amené à déposer une
candidature pour une désignation ville de design du réseau des
villes Créatives Unesco. Le 22 novembre 2010 la ville entre dans le
réseau des Villes Créatives de l'Unesco grâce au design.
37
3 Le design comme nouvelle identité
territoriale
3.1 Moteurs du développement urbain par le
design 3.1.1 Une véritable stratégie de
positionnement
Le marketing urbain est désormais devenu incontournable
pour les gouvernements locaux qui font face à une concurrence
internationale effrénée (Silvent, 2012). Un territoire qui se
positionne permet de se différencier de ses concurrents. Il sera donc
plus attractif :
Même si la stratégie de développement
territorial ne s'appuie pas sur un savoir-faire local, dans tous les cas, il
faut choisir un domaine sur lequel la ville peut se détacher des villes
concurrentes (Silvent, 2012)
Le marketing urbain, un outil au service de la
différentiation du territoire (Bros-Clergue, 2006). Construire un
avantage concurrentiel est important étant donné le paradigme
concurrentiel (Thisse et Ypersele, 1999). Selon Gouttebel (2003), « le
marketing urbain facilite le positionnement de tel ou tel territoire sur le
marché concurrentiel »
De nombreuses villes ou les régions cherchent à
se créer une marque de fabrique. On parle de city branding
(ville-marque) ou encore, region branding (territoire-marque). Le
slogan comme « I Love New York » est le plus
emblématique du concept de ville-marque. C'est une marque
territoriale devenue culture : « il s'agit de la première
marque de ville avérée ». Son histoire est pourtant
simple : à cause de problèmes de criminalité et de
déficit économique dans les années 1970, la ville subit
une mauvaise image (elle évoque la terreur et la crainte), et n'attire
pas les touristes. L'Etat décide de promouvoir la ville, en
créant un nouveau logo, inspiré du slogan de l'Etat de Virginie
« Virginia is for lovers », avec le slogan « I Love NY
». Cette campagne a été un réel succès,
révélant la puissance de ce logo entré dans la culture
américaine, « mais ce choix de logo met également en
avant une relation d'amour entre des individus et une métropole
».15
15 Maëva CHANOUX et Sarah SERVAL, Institut de
Management Public et de Gouvernance Territoriale, Etat des lieux et
perspectives du marketing urbain, page 11
38
A Saint-Etienne, le design semble donc être un moyen de
positionner la ville, de lui donner une image singulière : «
Ainsi une ville comme Saint-Etienne a construit sa nouvelle identité
autour du design, ce qui lui a permis de changer son image »
(Silvent, 2012). La désignation ville de design du réseau
des villes Créatives Unesco fait de Saint-Etienne un avantage majeur
différenciant majeur : c'est la première et la seule ville de
Design française. Force est de constater que le design est un atout
différenciant de la stratégie marketing de la ville.
D'après Josyane Franc, grâce à la Cité du Design,
Saint-Etienne se positionne comme « un territoire
référent sur la question de l'accompagnement des mutations
sociales, des nouveaux modes de vie et de la dynamique économique dans
un cadre qui se différencie des autres institutions françaises du
design. »
Le design est un fil conducteur de la stratégie de
marketing urbain et un facteur différenciant tant en terme de
structuration de l'offre qu'en terme de promotion du territoire et de
commercialisation. La ville de Saint-Etienne peut appuyer son positionnement
grâce à la présence du design dans de nombreux domaines :
offre de services Design aux entreprises, design dans les formations et
collaborations universitaires, positionnement candidature French Tech,
packaging de produits touristiques d'affaires ou d'agrément,
opérations « Commerce Design », Design Management dans les
services publics, design dans l'espace public, dans les projets urbains et de
construction, design dans les grands événements (Biennale
internationale du Design, Design Map, DME Award).
La vidéo « Clip Unesco » de 2013 met en
valeur le fait que Saint-Etienne est Ville Unesco de design depuis 2010 :
40 lauréats Commerces Design, 60 projets développés
par des designers sur le territoire depuis 2010, 2ème fonds
de design en France au Musée d'art moderne, 110 accompagnements
d'entreprises dans leur stratégie design, 85 000 visiteurs à la
biennale 2010, 1ère ville française à
intégrer le réseau des villes UNESCO de design, 375
étudiants inscrits en 2012/2013 à l'ESADSE.
Quelles sont les raisons de miser sur le design comme
stratégie de renouvellement urbain ? Promouvoir la métropole
à l'international, mais également pour séduire les
investisseurs, les touristes, les étudiants... De manière
générale, l'objectif de cette nouvelle identité est de
rendre la ville de Saint-Etienne plus attractive (Le progrès, 2015):
« Même si la distinction
39
Ville Unesco de Design ne se suffit pas à
elle-même mais vient renforcer la visibilité d'un territoire
» (Antoine LE PESSEC, 2014).
Ainsi, le design peut donc être considéré
comme l'identité voulue de la ville de Saint-Etienne. Les moteurs de
cette reconversion sont nombreux. En plus d'améliorer son image, et de
la rendre plus attractive, le design pourrait-il être une alternative
à la crise et une source de dynamisme pour l'économie de la ville
?
40
3.1.2 Une alternative à la crise
économique
La régénération urbaine axée sur
le design ne serait-elle pas un moyen de développer l'économie de
la ville ? Il semblerait que la réponse est affirmative. En effet, s'il
on regarde le cas de Liverpool, son label de capitale européenne de
la culture en 2008 a permis d'attirer des investisseurs : « la
reconnaissance ville créative de design par l'Unesco permet d'attirer
les investisseurs (entreprises, financiers, promoteurs) dans le but de
réaliser des projets de politiques urbaines. »16
Les villes doivent investir de nouveaux champs comme la
culture, l'art, le sport, les divertissements. Ces domaines qui
jusque-là pouvaient sembler secondaires et surtout non productifs d'un
point de vue économique peuvent donner une nouvelle impulsion aux villes
et générer de nombreux emplois.17
Le territoire cherche à « attirer des
consommateurs qui dépenseront sur son territoire » (Ingallina
et Park 2005).
En outre de la création d'une image et de symboles,
l'instrumentalisation de la culture s'articule également autour d'une
notion purement financière. La construction d'une ville créative
est un enjeu majeur pour attirer les investissements, encourager la
consommation et créer de la richesse in fine.
Le soutien à l'innovation et au design est un
véritable levier de performance pour les entreprises. Il existe un grand
nombre d'entreprises qui réussissent par le design. La présidente
Anne-Marie Boutin ayant crée en 1983 l'Agence pour la Promotion de la
Création Industrielle le confirme :
Ce que le design apporte à l'entreprise dans un premier
temps, c'est la différenciation. Le design permet de faire un produit
qui va se démarquer des autres sans que cela soit pour autant plus cher.
Parfois, le projet est même plus rentable que prévu. Il faut
bien
16 Antoine LE PESSEC, SciencesPo, Mémoire
sur « La démarche design, un outil pour renouveler les processus de
l'urbanisme », 2014, page 20
17 Arte, Les villes créatives comme
alternative à la crise, consultée le 3 février 2016,
disponible sur :
http://gensol.arte.tv/blog/2012/11/27/les-villes-creatives-comme-alternative-a-la-crise
41
comprendre que le designer travaille dans la
transversalité des services, ce qui améliore bien souvent le
temps de réalisation des produits. Il joue un grand rôle dans le
choix des matériaux et techniques en optimisant les
procédés de fabrication. Voilà pourquoi le designer est
une valeur ajoutée à l'entreprise. (Abrial, 2014)
A Saint-Etienne, la stratégie urbaine d'orienter
l'identité et le développement grâce au design aurait une
visée d'ordre financière et économique, en créant
de la richesse (Silvent, 2012). Charles Landry partage le même avis :
« développer la créativité des zones urbaines et
s'ouvrir à la culture permet de relancer l'économie des villes
».
Dans le cas de Saint-Etienne, la Cité du Design
s'intéresse non seulement à la dimension culturelle du design,
mais également à au développement économique pour
le territoire :
Elle les connecte et les rassemble autour de programmes de
recherche, dans des projets de développement économique et
d'attractivité du territoire. Elle organise également des
événements à forte notoriété pour tous les
publics et se différencie des autres institutions françaises du
design en renforçant un axe fort et fédérateur : le
design, les mutations sociales et les dynamiques économiques. (Poirot
Jacques, 2010)
La Cité du Design regroupe une trentaine de personnes
et est financée par la ville et la métropole de Saint-Etienne.
Elle est soutenue par la région Rhône Alpes. Le Mixeur, faisant
partie de la Cité, est un endroit où il y a une émulation
des acteurs économiques, des entreprises se créent, et
collaborent avec des designers. D'après le Directeur de la Cité,
il y aurait une interaction avec plus de 500 entreprises du territoire, ce qui
n'est pas moindre. Le design à Saint-Etienne serait donc synonyme de
rencontre entre le secteur public et privé comme à la Cité
du Design.
D'après l'ancien maire Maurice Vincent, la ville
soutient les entreprises qui accordent une attention particulière au
design : « elle a élaboré un dispositif d'accompagnement
financier afin de venir en aide aux PME n'ayant pas encore engagé de
démarches de design, pour la prestation d'un professionnel du design, en
vue du développement d'un projet » (Corriveau, 2011).
La ville encourage les entreprises à adopter une démarche
design, notamment dans le but de faire évoluer l'économie de la
ville.
Saint-Etienne est également la première ville
européenne à décliner le concept montréalais,
« Commerce Design » depuis 2003. Il s'agit d'un concours
destiné à « récompenser les
42
artistes et commerçants pour la qualité de
l'aménagement intérieur et extérieur de leur
établissement et à mettre en valeur le talent des professionnels
du design et de l'aménagement des lieux de vente »
(Cité du Design). Ce concours encourage les commerçants
à être créatif et innovant, d'ailleurs, plus de 200 ont
candidaté depuis 2003 aux 4 premières éditions.
Outre un développement économique des
entreprises par le design, le fait que Saint-Etienne soit Ville Unesco de
Design est un véritable atout pour attirer des touristes, notamment lors
de la Biennale Internationale du Design qui d'après son directeur est un
succès public. Elle accueille des visiteurs (85 000 en 2008) de plus en
plus nombreux, des spécialistes aux plus curieux. La Biennale attire
aussi bien l'international que le national. Elle est étendue sur
l'ensemble du territoire stéphanois, ce qui offre un rayonnement de
cette dernière sur tout le territoire régional.
Le design attirerait plusieurs formes de tourisme à
Saint-Etienne. Le tourisme d'affaires avec des designers qui viennent du monde
entier à la Biennale Internationale du Design, mais également du
tourisme culturel avec un public attiré par le patrimoine culturel et
créatif (Le Corbusier de Firminy, la Biennale Internationale du Design,
etc.).
Pour conclure, il est évident que le design et la
créativité sont une source de développement
économique pour la ville de Saint-Etienne. D'ailleurs, la région
de Saint-Etienne a réussi avec succès à renouveler son
tissu économique, et se situe en deuxième position de PME-PMI,
après la région parisienne. Le design attire des investisseurs,
des designers et créateurs, des touristes, notamment grâce
à la Biennale Internationale du Design qui a un impact très
positif sur la ville. Mais la politique de régénération
urbaine par le design ne serait-elle pas un moyen d'améliorer la ville
de ses habitants ? Le design n'aurait-il pas un caractère social ?
43
3.1.3 Le design pour améliorer la vie des
gens
Pour Charles Landry, développer les actions culturelles
singulières peut permettre de garantir un « mieux vivre » aux
habitants d'une ville. « Le design permet ainsi d'assouplir les
interfaces entre l'homme et la ville en construisant une ville adaptée
à tous les publics » (Le Pessec, 2014). Le design cherche
à résoudre les problèmes que pourrait rencontrer le monde
(pas seulement économique mais de manière plus large), il a donc
un caractère social. Bastien Kespern, est un designer dont la
préoccupation majeure de son travail et de résoudre les
problèmes d'aujourd'hui. Il s'est d'ailleurs intéressé
à l'engagement citoyen et des questions du type « Comment les
gens pratiquent-ils la démocratie ? » (Kespern, 2015).
Il pratique la pensée design (autrement connue sous le nom de
design thinking) : « c'est un état d'esprit qui va
croiser une analyse objective (chiffres) et une analyse subjective
(émotions, pensées, etc.) ». Cette démarche
place l'utilisateur au coeur du problème, elle cherche à
identifier quels sont les besoins des personnes et quelles sont leurs
motivations. Pour mener son projet lié à la démocratie, il
va par exemple observer les nouveaux comportements des citoyens, les nouveaux
besoins, les nouvelles attentes.
Le design a un caractère social fondamental (Gauthier
Philippe, 2015). Certains chercheurs ont établis cinq principes pour
guider le design du 20ème siècle dans une
démarche sociale. Le guide suivant met en avant le fait qu'une pratique
du design authentique est sociale par nature :
Principe 1. Un acte de design authentique est
un acte social et critique. Il commence par un moment critique,
c'est-à-dire un moment où le designer détecte l'existence
d'une insatisfaction vis-à-vis du monde qui le propulse dans un projet
en vue de rendre ce monde plus habitable pour la collectivité.
Principe 2. Un acte de design authentique est
nécessairement tourné vers l'amélioration de la vie
d'autrui et de la collectivité. Ses objets sont les usages sur lesquels
le designer agit en façonnant les dispositifs de notre monde
habité, artefacts matériels ou immatériels.
Principe 3. Le design est une pratique qui
participe inévitablement à définir les contours du
vivre-ensemble, et il est de la responsabilité des designers d'assumer
pleinement ce rôle et de savoir rendre publique l'idée même
du vivre-ensemble qu'ils mettent en oeuvre.
Principe 4. Aucun apprentissage du design ne
saurait avoir lieu sans une appropriation raisonnée de l'appareil
conceptuel qu'il partage avec les sciences humaines et sociales.
44
Principe 5. La réflexion authentique
en design s'intéresse avant tout aux relations entre les humains et
leurs divers environnements, aux modalités du vivre-ensemble, à
l'expression des cultures contemporaines et aux conceptions du bien commun.
S'il on prend l'exemple de la ville de Lyon, le design urbain
améliore le quotidien des habitants. Lyon City Design Urban Forum 2015
souhaite mettre en avant le design de chantier en expliquant comment le design
accompagne la ville en mutation tout en révélant ses signatures
sensorielles. Ceci n'est donc pas un hasard si Lyon a été
labellisée Lyon Design City et est partenaire de la Cité du
Design de Saint-Etienne.
Nous avons vu que les moteurs au développement de cette
identité territoriale tournée vers le design sont nombreux. En
plus de développer l'économie de la ville et d'être l'objet
d'une véritable stratégie de marketing urbain, le design à
Saint-Etienne pourrait être un moteur de développement social et
améliorer la qualité de vie de ses habitants. Cela dit, il peut y
avoir des obstacles freinant à cette régénération
urbaine. Quels sont ses enjeux ? Sont-ils importants au point de freiner le
développement urbain de la ville de Saint-Etienne ?
45
3.2 Freins au développement de cette identité
territoriale
Même si la nomination de Saint-Etienne comme Ville
Unesco de Design est très prometteuse, les avis ne sont pas
partagés par tous : « le label Unesco n'est pas un
sésame » (Néau, 2013).
3.2.1 L'image négative de la ville
Certains voient encore Saint-Etienne comme une ville noire
à cause de son passé industriel et minier. Cette image freine la
transition de la ville vers une image plus positive et tournée vers le
design.
La désindustrialisation et ses conséquences
sociales et économiques accentuent la prégnance des
représentations négatives de la ville, l'expression de «
ville noire » en particulier, accolée à la ville au temps de
l'industrie lourde (Vant, 1981), semblant toujours s'y attacher. (Rousseau,
2008)
Pire, certains journalistes véhiculent l'image d'une
ville où certains quartiers sont minés par la pauvreté
(Zappi, 2014). Certes, la ville possède encore des fragilités,
notamment au niveau urbanistique. Le passé de la ville lié
à la désindustrialisation a engendré un déclin de
l'emploi et donc, un déclin démographique, la ville ayant perdu
25 000 habitants de 1990 à 2000 : « Saint-Étienne est
l'une des rares villes de taille importante en France à présenter
des quartiers centraux abritant de fortes proportions de populations
paupérisées et d'habitat insalubre. » Certains
quartiers de la ville n'ont pas encore été restaurés et
sont encore à un stade dégradé, abimé. En effet,
nous pouvons citer les quartiers près du centre-ville comme Tarentaize,
Beaubrun et Crêt-de-Roc. Heureusement, la ville a prévu de
rénover ses quartiers anciens dégradés. C'est le cas pour
deux quartiers d'habitat social (Sud-Est et Montreynaud) et deux d'habitat
ancien de centre-ville (Crêt de Roc et
Tarentaize-Beaubrun-Séverine) : « Au total, quelque 5.000
démolitions de logements sont programmées, avec en
parallèle 4.000 constructions et 2.000 réhabilitations, selon les
données fournies par l'Agence Nationale pour la Rénovation
Urbaine » (Meynard, 2004).
46
Qu'en est-il des habitants ? Comment la ville est-elle
peuplée ? Le peuplement de la ville est également un enjeu pour
Saint-Etienne, étant considéré comme un nouvel enjeu
stratégique pour les villes (Christelle Morel Journel, 2011). La ville
doit-elle pour autant mettre en place une politique de gentrification
pour sa régénération urbaine ? Rappelons que la
gentrification est caractérisée par l'éviction des
classes pauvres du centre-ville (Glass, 1964), ou encore par un processus
d'embourgeoisement particulier : cette notion est très partagée,
entre des avis négatifs et des avis positif. On parle alors de
revitalisation des centres-villes. En effet, pour certains, les
conséquences positives surpassent les conséquences
négatives : « depuis le retour de la bourgeoisie dans le coeur
des villes américaines, cette fameuse gentrification, le quartier s'est
enrichi, de nouveaux magasins se sont installés. Et les anciens
résidents? Ils sont restés » (Czarny, 2014).
3.2.2 La proximité avec la ville de Lyon
La situation géographique de la ville comme sa
proximité de Lyon peut également être un frein à
cette régénération urbaine. En effet, nous pouvons nous
demander si la ville de Lyon pourrait concurrencer la ville de Saint-Etienne,
et devenir un inconvénient supplémentaire. La théorie qui
pourrait appuyer cet argument est celle de la montée de la concurrence
interurbaine (Harvey, 1989).
La grande ville de Lyon se trouve à soixante
kilomètres de Saint-Etienne. La communauté urbaine de Lyon a une
volonté politique de développement économique
dédiée au industries créatives, prouvée par le
mandat 2008-2014 qui a pour but de « soutenir et valoriser des
secteurs à fortes composantes créatives (le design, la mode,
l'image en mouvement) et [pour] accélérer les processus
d'innovation par la créativité et le croisement entre
filières. »
Lyon est comme Saint-Etienne, tournée vers le design.
En effet, l'association Lyon Design a d'ailleurs pour objectif de diffuser la
démarche design et de promouvoir les atouts de la métropole pour
en faire un véritable territoire de design. Fondée en 2012 et
présidée par le PDG de Fermob, cette association regroupe : des
designers, des écoles, des industriels et des représentants
d'institutions, « tous unis par la conviction que le design est un
élément du mieux vivre ensemble, déterminant dans la
construction de la société de demain » (Association
Lyon Design).
47
Mais le scénario d'une concurrence avec Saint-Etienne
est à nuancer. En effet, lors de la Biennale internationale du Design
à Saint-Etienne, plusieurs actions sont menées en
parallèle à Lyon dans cette même directive. En 2015, «
Lyon City Urban Forum », a mené des expériences de design
urbain à Lyon pour montrer comment le design pouvait répondre aux
problématiques de la mutation de la ville. Un événement
singulier différent de la Biennale stéphanoise puisqu'il
était focalisé sur l'intervention dans l'espace public à
ciel ouvert pour se focaliser sur le design urbain. Ce « labo de la ville
de demain » s'est basé dans le quartier de la gare de la Part-Dieu,
un « quartier extrêmement représentatif des enjeux du design
urbain » (Raymond, 2015).
Il existe des freins et des moteurs à la
régénération urbaine de Saint-Etienne par le design et
à son entrée dans le réseau des villes créatives
Unesco pour le design. Il est donc intéressant de s'intéresser
aux impacts du design sur la ville. Nous allons tenter de répondre aux
questions suivantes : En quoi peut-on dire que la ville est ville de design ?
Quel est l'impact de l'entrée de la ville dans le réseau Unesco ?
Quelle est la culture design à Saint-Etienne ? Quelle est la
réalité du design à Saint-Etienne ?
48
3.3 Le design à Saint-Etienne : quelles
retombées ?
3.3.1 La Biennale Internationale du Design, un
succès encourageant pour la ville
La Biennale Internationale du Design a marqué un
tournant décisif dans le changement d'identité et le rayonnement
international de Saint-Etienne. Elle semble être un lieu unique :
« faire venir des designers du monde entier, de fédérer
autour d'un événement le monde culturel et économique, ce
qui la distingue d'un salon professionnel ou d'une design week »
(Franc, 2006).
La ville est vue comme un lieu de démocratisation du
design : « depuis sa création la Biennale Internationale Design
Saint-Étienne n'a cessé d'évoluer, de s'enrichir et de
s'organiser autour d'un objectif central : démocratiser le design, le
rendre accessible à tous les publics à travers une vision large
du métier de designer et de ses multiples applications ». La
Biennale cherche à montrer les différents métiers du
design, ses pratiques et ses enjeux, par le biais d'expositions, de
conférences, de rencontrent...
Saint-Etienne rayonne internationalement grâce à
la Biennale. Elle permet à la ville d'avoir une résonnance
mondiale, notamment grâce aux réseaux internationaux de La
Cité du Design et de l'Ecole Supérieur Nationale D'art et de
Design. Ces réseaux ont été mis en place pour «
emmener le territoire vers l'international, être une vitrine et un lieu
de ressource en particulier pour les pays émergents, se positionner
comme un point d'ancrage national fort, mettre en place des programmes communs
de recherche et d'enseignement, développer l'itinérance
d'expositions et d'événements ». D'ailleurs, un bel exemple
de la résonance internationale de Saint-Etienne par la Biennale du
Design est une exposition qui a eu lieu au Brésil (Brasilia, Rio de
Janeiro, Curitiba, et Sao Paulo entre juillet 2009 et janvier 2010)
intitulée « Saint-Etienne - Cité du Design » : elle a
été organisée pour renforcer les liens avec le
Brésil, et afin de présenter l'activité de la cité
pour contribuer à son rayonnement international. Saint-Etienne avait
d'ailleurs accueilli lors des différentes biennales du design, de
nombreux créateurs brésiliens (comme Brazil faz design, Patricia
Bowles, Vera Lopes, l'entreprise Melissa...). Cette exposition issue de la
Biennale internationale Design Saint-Etienne de 2008, invitait les
brésiliens à se questionner sur le rôle du designer face
aux
49
évolutions sociales (comme la problématique de
l'écologie de la planète). Cette exposition est l'exemple de
projets que la Biennale mène afin de faire connaître la
Cité du Design de Saint-Etienne et d'établir des liens solides
avec l'international.
Les bénéfices de la Biennale Internationale
Design pour l'image de la ville sont considérables d'après les
résultats de l'étude réalisée par l'agence
Protourisme en 2016 : « qu'il s'agisse de retombées presse ou
d'opinion auprès du grand public ». « Le public
repart avec une image très positive de la ville », selon
Josyane Franc. En effet, les données chiffrées
révèlent que : « 71% des visiteurs qui n'étaient
jamais venus à Saint-Etienne avant la Biennale ont une bonne image de la
ville après leur passage, contre 11% auparavant ».
D'après l'évaluation de l'impact
économique de la dernière Biennale Internationale Design (ayant
eu lieu de 12 mars au 12 avril 2015), il est clair que la fréquentation
est en augmentation. Celle-ci a progressé de 60 000 personnes avec plus
de 200 000 visiteurs par rapport à 2013. Son chiffre d'affaires
s'élève à 3,3 millions d'euros (entreprises de la
métropole de Saint-Etienne). D'après l'étude, un touriste
aurait dépensé 72 euros par jour sur le territoire de
l'agglomération, et 355 euros pour un visiteur professionnel. En terme
de retombées pour le territoire, 1 euro investi par Saint-Etienne
Métropole pour organiser l'événement aurait 1,25 euros de
retombées.
Ainsi, la culture design est bel et bien un levier de
croissance économique à Saint-Etienne. La Biennale Internationale
du Design est un moteur économique intéressant pour la ville, qui
lui offre une résonnance internationale ainsi qu'une image très
lumineuse.
50
3.3.2 Un design participatif ancré à
Saint-Etienne
A Saint-Etienne, la ville est facteur de design
sociétal (Cité du Design). L'innovation par le design souhaite
prendre en compte la participation citoyenne : les expériences
s'articulent autour du design participatif et du design de service public.
L'innovation et la démarche design à Saint-Etienne est
tournée vers les usagers. Par exemple : le projet « Hôtel
de ville de demain » qui a fait l'objet de réflexions
collectives autour du design. « Le réseau favorise la
démarche apprenante et Saint-Étienne peut y trouver une
opportunité de partager son savoir-faire en terme de design
communautaire » (Franc, 2006). Mais comment définir
le design communautaire ? Il s'agit de placer l'humain et la communauté
au coeur de l'innovation.
Il y a une volonté de démocratiser la culture du
design auprès des habitants. La Biennale du Design a d'ailleurs comme
volonté de montrer « tous les Designs, du plus appliqué
aux objets du quotidien jusqu'aux utopies les plus ouvertes, mais avec le souci
d'en faire un événement populaire » (Jusselme,
2015).
Saint-Etienne serait donc une ville dont le design n'exclue
pas le caractère social. Cela se voit au niveau des aménagements
urbains de la ville : « Concrètement, nous faisons
évoluer nos systèmes de tramway et de bus. Les objets
eux-mêmes évoluent : leur coloration, leur technologie
intègrent désormais une dimension de design importante »
d'après le maire actuel. Le design servirait ainsi à
améliorer la qualité de vie des habitants de la ville.
51
3.3.3 Valorisation de la « démarche design
» dans le secteur privé
La Cité du Design met en avant que le design peut
créer de la valeur pour l'entreprise. En effet, au sein du quartier
créatif de la Manufacture, de nombreux acteurs cherchent à
valoriser le design pour le secteur privé.
Le Mixeur soutient les interactions entre les grandes et
petites entreprises, les autoentrepreneurs, mais également les
télétravailleurs, free lanceurs. « Cet espace de travail
et de diversité accueille une pépinière d'entreprises
créatives, un pôle média, une antenne locale de France
Bleu, un hôtel d'entreprises, une crèche municipale et un ensemble
de services dédiés à la créativité (espace
de co-working, workshop) sur plus de 5.000 m2 » (Entreprendre,
2014).
Appartenant au Mixeur, Designers+ est un réseau de
professionnels du design et des métiers associés dont l'objectif
est le suivant : « Nous agissons pour structurer et animer al
filière design, pour faire émerger des projets et accompagner nos
adhérents dans leur montée en compétence ».
Un laboratoire d'usages des pratiques innovantes (LUPI) a
été mis en place pour stimuler les talents créatifs des
entreprises, notamment au niveau des PME afin qu'elles intègrent le
design dans le développement de nouveaux projets. Pour cela, plusieurs
services sont à disposition des entreprises notamment un coaching, un
accès privilégié aux programmes développés
par la Cité du design, la participation aux programmes de
démonstrateurs, et l'accès à une offre immobilière
pour les porteurs de projets. En tout, plus de 500 entreprises du territoire
stéphanois ont été sensibilisées au design, et
quarante ont été accompagnées dans un projet.
52
Conclusion Le la revue Le littérature
Dans cette revue de littérature, nous avons dans un
premier temps analysé de manière générale le design
comme moyen de renouvellement urbain. La tentative de définition du
design nous a montré que ce concept fait encore beaucoup parler de lui
aujourd'hui. L'histoire témoigne que l'Etat français s'est
beaucoup investi pour promouvoir le design français depuis 1980 et que
le design est reconnu comme un patrimoine Unesco à part entière
depuis 2004. Par la suite, nous avons évoqué les théories
de renouvellement urbain par les communautés créatives, pour en
déduire que la ville créative est un modèle de
développement territorial prometteur. Nous nous sommes interrogés
sur le rôle des créateurs comme les designers dans les mutations
urbaines : sont-ils des inventeurs ? Font-ils partie prenante d'une ville
créative ? Il semble qu'en théorie, les designers devraient donc
être des acteurs essentiels de la régénération
urbaine par le design. D'après le réseau Unesco des villes
créatives de design, ces dernières doivent répondre
à des critères bien précis pour entrer dans ce
réseau Unesco. Beaucoup de villes choisissent le design pour se
valoriser, mettre en valeur leurs savoirs faires, comme Montréal ou
Berlin qui semblent effectivement très créatives et exemplaires
en matière de renouvellement urbain par le design.
Dans un second temps, nous nous sommes
intéressés au cas de la ville Saint-Etienne devenue « ville
de design Unesco » depuis 2010. A travers cette recherche, nous avons
plongé dans son passé pour constater que cette reconversion est
en totale cohérence avec la décision politique de renouvellement
urbain par le design vers 1994.
En effet, la ville s'est développée grâce
à sa créativité, nous pouvons même dire que les
designers ont toujours participé à son évolution.
Après l'âge d'or industriel, la ville s'est retrouvée avec
beaucoup de patrimoine, elle s'en est donc servie pour créer des
musées par exemple. Elle a utilisé son passé pour
rebondir. Dans les années 1998, la ville lance la Biennale
Internationale du Design appelée « mondial du design » afin de
rassembler de nombreux acteurs du monde du design, locaux comme internationaux.
Cet événement lancé par l'école régionale
des Beaux-Arts est un immense succès. C'est grâce à ce
sujet, ainsi qu'aux politiques de la ville, que la Cité du Design voit
le jour en 1009. C'est une nouvelle étape pour la ville, qui marque un
tournant important dans sa reconversion territoriale.
53
Dans une dernière partie, nous avons tenté de
comprendre les motivations des politiques pour orienter la ville de
Saint-Etienne vers le design. Parmi les moteurs, le design pourrait être
un moyen de positionner la ville, d'un point de vue marketing, en terme
d'image. Ainsi, positionner la ville sur ce créneau attirerait de
nombreux acteurs : des touristes, des investisseurs, des créateurs, etc.
Grâce à cela, les résultats économiques pourraient
croitre, créer de la richesse et permettre de lutter contre les
difficultés d'ordre économique.
Un autre argument de cette politique est d'ordre humain : le
design pourrait améliorer le cadre de vie des habitants, les faire
participer à des projets, etc. Même si les raisons de cette
reconversion territoriale sont ambitieuses, elle pourrait rencontrer quelques
obstacles. En effet, même si le design pourrait améliorer l'image
de la ville, cette dernière présente de grandes lacunes qu'elle
va devoir surmonter puisque beaucoup considèrent encore cette ville
comme post-industrielle ou « noire ». Nous nous sommes
également questionnés sur la concurrence des villes entre elles,
notamment à travers la proximité de Saint-Etienne avec Lyon qui
pourrait être un atout ou un frein à ce développement
territorial.
Pour terminer, nous avons tenté d'identifier les
retombées de cette reconstruction territoriale par le design. La
biennale internationale du design a été une réussite, et
un événement essentiel pour cette reconstruction. De plus,
certaines démarches participatives ont permis de créer du lien
avec les habitants et de les intégrer dans cette reconversion. Enfin,
des structures ont été mises en place pour stimuler la
créativité et la démarche design dans le secteur
privé.
Ainsi, nous pouvons nous poser de nouvelles questions sur les
réalités du design à Saint-Etienne. Qu'en pensent les
designers ? Partagent-ils ce point de vue ? Les retombées sont-elles
réellement visibles ? Seules une étude précise sur terrain
et la rencontre avec les acteurs concernés nous permettront d'apporter
des réponses à ces interrogations.
54
RECHERCHE EMPIRIQUE
1 Méthodologie
Objet
Nous allons compléter cette revue de littérature
par le biais d'une étude qualitative, axée sur le terrain. Cette
dernière permettra d'obtenir des réponses et des avis d'acteurs
intéressants concernant le renouvellement urbain de la ville de
Saint-Etienne par le design. La partie empirique sera basée sur des
entretiens individuels, de type semi-directifs, afin de laisser l'interlocuteur
exprimer librement ses pensées. Les entretiens seront enregistrés
suite à l'accord des professionnels, afin d'effectuer la retranscription
la plus fidèle à la réalité.
L'étude s'appuiera sur une méthode
déductive, dont le but est de vérifier si le terrain confirme les
résultats de la revue de littérature. L'idée sera
également de faire émerger d'autres pistes de réflexion et
de confronter les idées reçues et les théories avec la
réalité. Les autres objectifs de la recherche seront les suivants
:
- analyser la situation de la ville de design,
- comprendre les enjeux actuels de cette décision
politique,
- cerner quelle est la place accordée aux designers
dans cette « ville de design Unesco », - mettre en lumière des
pistes de réflexion pour l'avenir de la ville de design.
Voici quelques questions qui seront posées :
> Comment définiriez-vous le design ?
> Qu'en est-il du design en France ?
> Pourquoi le design à Saint-Etienne ?
> Cette reconversion est-elle bien réelle ?
> Quelle est la particularité du design à
Saint-Etienne ?
> Qu'est-ce que le design apporte à la ville ?
> Pouvez-vous comparer Saint-Etienne à d'autres villes
?
> La ville aide-t-elle les créateurs à se
développer ?
·
55
Les personnes interrogées
L'échantillonnage de l'étude est
constitué d'acteurs professionnels variés en lien avec le design
sur le territoire stéphanois. L'idée était
d'échanger avec des responsables stratégiques ayant une vision
globale du sujet. J'ai ainsi interviewée les personnes suivantes :
- Nathalie ARNOULD, Design Manager à Saint-Etienne
Métropole
http://www.citedudesign.com/fr/home/
- Gaëlle SUBINEAU, Chargée de mission chez Designers
Plus http://www.designersplus.fr/
- Stéphane DEVRIEUX, Directeur de l'Office du Tourisme de
Saint-Etienne http://saint-etiennetourisme.com/
- Bernard Laroche, Manager et consultant en « design pour
tous »
http://www.designersplus.fr/adherents/trouver-un-adherent/?adherent=34
Dans le but d'avoir également le point de vue de
designers, j'ai interviewée des designers
exerçants sur le territoire :
- Philippe Moine, Designer entrepreneur
http://www.philmoinedesign.com/
- Charlotte DELOMIER, Designer indépendante
http://www.designersplus.fr/adherents/trouver-un-adherent/?adherent=58
- Anja CLERC, Designer indépendant
http://www.anjaclerc.com/
- Guillaume GRANJON et Élodie VICHOS, Designers et
fondateurs de l'agence Kaksi
Design
http://kaksidesign.com/
56
2 Résultats de l'enquête
D'après la retranscription des entretiens
réalisés, nous pouvons faire ressortir plusieurs
thématiques. Nous aborderons les sujets suivants :
- Leur définition du design et leur vision de la pratique
du design en France,
- La reconversion du design à Saint-Etienne et les avis
concernant cette décision
politique territoriale,
- Les enjeux de cette reconversion territoriale,
- Quelques pistes de développement pour son avenir.
2.1 Le design... encore perçu comme élitiste
?
En ce qui concerne la définition du design, il est clair
que d'après les avis recueillis, le design n'est pas facile à
définir et est mal compris par le grand public.
N. Arnould : « Le mot design a
été galvaudé »
« Le design, c'est partout, c'est tout. C'est simple en
même temps... »
G. Subileau: « Il est perdu entre deux
mondes : le beau et le pragmatique. »
P. Moine : « On va y passer la nuit
là (rires). »
« Jamais avec mes clients, je ne parle
d'esthétique car ce n'est pas le créneau d'entrée.
»
Les interviewés s'accordent pour dire que le design
n'est pas uniquement le beau. En effet, le design s'intéresse à
la fonction, à l'utilisateur. Le designer conçoit en se mettant
à la place de l'usager. On appelle ça le design
thinking.
N. Arnould : « Il est proche des
besoins de l'homme »
« S'il on veut être plus objectif, nous pouvons
nous en tenir à la référence latine du mot
design, le dessein qui signifie concevoir pour : le design
conçoit pour des usagers ou pour un
besoin. »
« Il y a une notion d'empathie, ça a d'ailleurs
été l'objet d'une Biennale. »
G. Subileau : « Il est tourné
vers l'usage »
« La partie stratégique du design est très
importante »
P. Moine : « C'est
réfléchir à des processus, à des concepts
»
57
« Le design est une manière de se
différencier dans l'entreprise »
B. Laroche : « C'est d'abord la
fonctionnalité pour les utilisateurs avant l'esthétisme.
»
« Se mettre à la place des users, c'est
l'essence même du métier. »
« Le design n'existera que si on le pratique
»
G. Granjon et E. Vichos : «
l'utilisation du mot faite par les médias fait référence
le plus
souvent à l'aspect esthétique, voire
artistique et non à la fonctionnalité, à l'usage.
»
Ce qu'il faut probablement retenir de la définition du
design, c'est que le design est là pour questionner, et faire
réfléchir. Il est concret, tangible. Quant au métier du
design, il est en transition. Autrefois tourné vers l'esthétisme
et à la limite de l'art, il est aujourd'hui, même s'il existe
encore du design proche de l'art, tourné vers l'usage et la
fonctionnalité.
Les interrogés ont beaucoup insisté sur le fait
que le design n'est pas bien considéré par les entreprises et le
secteur privé. Les entreprises sembleraient ne pas avoir cerné
l'intérêt du design, à tort étant donné que
le design pourrait être un processus de développement
incontestable.
N. Arnould : «
Incompréhension des entreprises (É) qui ne font pas appel au
design, car elles ne savent pas ce que c'est, et sont plutôt marketing,
communication, »
P. Moine : « Le design est
créateur de valeur, de richesse, et les entreprises ne savent pas
l'utiliser. »
« Les entreprises à mon sens sont assez frileuses
»
« J'ai rencontré des entreprises
françaises qui ne sont même pas curieuses de ce qu'est le design,
qui sont attentistes, qui sont réticentes au changement. Heureusement,
des entreprises comme Décathlon, Apple, évidemment, où le
design fait partie du développement et de la stratégie
d'entreprise (É) ils font cela pour avoir des clients et dégager
de la marge »
B. Laroche : « Le design thinking
dans le processus d'innovation par les usages est de plus en plus reconnu comme
un potentiel de différentiation dans une économie
mondialisée »
|
Ainsi, les interviewés pensent que le design est mal
considéré en France et peu utilisé, notamment dans le
secteur privé. L'utilisation du design au sein des entreprises n'est pas
perçue comme un facteur de développement alors que les
évolutions sociétales et comportementales des consommateurs
auraient grandement besoin de designers. Les causes
58
de cette situation sont nombreuses, voici certaines
explications données par les personnes interrogées :
G. Subileau: « Peu de communication sur
les entreprises qui utilisent de design »
P. Moine : « Culture très
traditionnelle et qui n'est pas ouverte et sensibilisée au design »
« Facteur économique »
|
Spontanément, nombreux ont évoqué les
pays anglo-saxons comme des pays qui ont intégré le design depuis
plus longtemps que la France et qui utilisent davantage le design que les
français. En France, nous serions donc en retard par rapport à
d'autres pays concernant la pratique du design et le design thinking.
Pire, il y aurait un effet de mode, car d'après les professionnels
interrogés, le design thinking serait l'essence-même du
métier de designer.
N. Arnould : « Dans les pays
anglo-saxons, on mélange tout »
P. Moine : « Le design est peu
utilisé en France. »
« L'Angleterre, l'Italie sont des pays qui pratiquent
beaucoup plus le design que les
français. »
« On a l'impression de faire une grande
découverte mais ça n'en n'est pas une (rires). »
« Aujourd'hui, on met du design thinking et usages
à toutes les sauces... »
« Ca devrait bien souvent être la technique au
service du design et non pas l'inverse. »
Que pensent les professionnels du design à
Saint-Etienne ? Saint-Etienne est ville de design Unesco depuis 2010, est-ce
une reconversion censée, naturelle ?
59
2.2 Discussions autour de cette décision politique
orientée vers le design
D'après les avis recueillis, le design est venu
naturellement à Saint-Etienne. Plusieurs facteurs ont été
en faveur de cette reconversion du territoire. La ville a toujours du innover
pour se développer, s'il on regarde un peu son histoire. La
créativité serait donc l'ADN de Saint-Etienne.
N. Arnould : « Le lien entre l'art et
l'industrie existe depuis toujours (É) la construction de
l'Ecole des Beaux-Arts est venue suite à la demande
des industriels (du textile par exemple)
qui avaient besoin de dessinateurs et créateurs. Il y
a donc toujours eu un écosystème
innovant dans cette ville. »
G. Subileau : « Le design
apparaît donc comme un nouveau souffle pour la ville. »
P. Moine : « Le passé plaide en
notre faveur »
« Le design est très logique à
Saint-Etienne »
« Quand Michel Thiollière a axé
l'identité d'une ville sur le design, il s'est pas trompé
»
B. Laroche : « Pouvoir inscrire cette
politique dans l'histoire de la ville est un atout
primordial. »
« Un passé d'innovation est donc indiscutablement
un plus. »
S. Devrieux : « Ville qui a
été tout le temps en renouvellement, en recréation...
Suite à la
crise industrielle, elle a rebondit sur le design
»
G. Granjon et E. Vichos : « Le
passé industriel est une façon de rendre légitime ce
statut »
L'axe de développement du design n'est donc pas
arrivé par hasard à Saint-Etienne et les avis confirment que
cette reconversion est pleine de sens. Le passé industriel est donc le
pilier de cette reconversion, la ville ayant toujours utilisé la
créativité pour se développer. Le design est donc le fil
directeur du développement de la ville.
Aujourd'hui, le design est bien tangible à
Saint-Etienne. En effet, s'il on s'intéresse à la manière
dont est représenté le design dans cette ville, les
résultats sont nombreux. L'Office du Tourisme a mis en place un
Saint-Etienne City Guide afin de faciliter la découverte du
design sur le territoire pour les visiteurs : « il recense les
architectures, les aménagements, les interventions urbaines et les
commerces dans lesquels le design intervient. » Ce guide est
intéressant pour comprendre ce que cherche à valoriser la ville
en terme de design, pour les visiteurs, les amateurs ou simplement les
personnes curieuses. Il est divisé de la manière suivante :
Design dans l'architecture, Design dans l'espace urbain, Design dans les
musées, Design hors Saint-Etienne, Design Management Award, Commerces
design, et enfin, Shopping design. Le design est donc omniprésent
à Saint-Etienne.
Qu'est-ce que la désignation ville de design Unesco
apporte à la ville ? Le design a-t-il un impact sur le territoire ? Nous
allons voir que d'après les données récoltées, le
design apporte beaucoup en terme d'identité et d'image à la
ville.
N. Arnould : « Le design comme
justement vecteur de développement de la ville »
« On va très loin dans les designers comme
création d'une identité stéphanoise »
« Le design a une répercussion forte
»
S. Devrieux : « La désignation
Ville de Design Unesco n'est pas juste une étiquette »
« Pour faire évoluer l'image de Saint-Etienne,
c'est quelque chose de très important »
« Même si c'est pas un label, on peut quand
même dire que ça a labélisé le territoire
»
« Le design est plus qu'une directive pour promouvoir la
ville, c'est un positionnement. »
« Le design c'est quelque chose de vrai à
Saint-Etienne, il est issu de l'industrie, ça s'appuie
sur une réalité, où il y a un vrai
réseau, avec la Cité, avec l'Ecole d'Art et de Design,
les
entreprises, avec beaucoup d'activités
économiques liées au design »
B. Laroche : « Une ville
positionnée sur le créatif, le design »
G. Granjon et E. Vichos : « le design
urbain et les actions qui sont menées en ville
caractérise Saint-Étienne »
60
Finalement, quelle est la marque de fabrique de Saint-Etienne ?
A-t-elle un caractère unique ?
N. Arnould : « L'idée
était d'avoir un lieu unique en France, pour rassembler : une Ecole,
l'Ecole Supérieure d'Art et de Design, un Pole Recherche, une
pépinière d'entreprises et une institution, la Cité du
Design... »
P. Moine : « Si on les voit on va
dire avec un certain angélisme et chauvinisme, on peut dire qu'il y a
quelque chose d'unique. »
G. Subileau: « Saint-Etienne est
vraiment axé lead du design »
« La Cité du Design est un
écosystème unique. »
« Saint-Etienne arrive à montrer que le design
peut s'intégrer sur des espaces où on ne l'attendait pas.
»
S. Devrieux : « Ce côté
créatif, design, c'est très précieux car je vous garantis
que c'est rare que différents secteurs soient derrière un
même positionnement. »
« C'est notre fil rouge qui a le mérite de ne
pas être que touristique. »
G. Granjon et E. Vichos : «
L'intérêt d'une ville de design est de pouvoir attirer des
investisseurs en améliorant le cadre de vie et les services qui sont
proposés aux citoyens et aux entreprises. »
|
61
Où en sommes-nous dans cette reconversion ?
D'après les témoignages, le processus est enclenché et
nous serions au début d'une grande histoire. Il faut toutefois veiller
à l'aspect de pérennisation.
G. Subileau : « La ville est bel et
bien en reconversion même si le processus est long »
« Les choses avancent doucement (É) mais la
ville a du mal avec la dimension de
pérennisation »
N. Arnoult : « Il y a tout une
histoire à écrire »
S. Devrieux : « Mais on est au
début, on a encore pas mal de choses à faire (rires).
»
« On commence effectivement à sentir des
évolutions »
B. Laroche : « Début d'une
reconversion, il y a encore beaucoup de possibilités »
Les avis des acteurs professionnels de la ville de
Saint-Etienne concernant la ville de design sont donc optimistes. Ils voient
que des changements sont en cours et que des actions sont déjà
mises en place pour faire de cette ancienne ville industrielle à une
véritable ville de design. La Biennale du Design en est un exemple
concret, vue comme une véritable réussite. Concrètement,
que pensent les professionnels de cet événement ?
N. Arnould : « La Biennale permet
par exemple de tester des produits, des prototypes dans la ville. Elle met en
oeuvre des démarches participatives. »
« Gros succès (É) au-delà de ce
qu'on peut imaginer (rires). Et qui l'est toujours. »
« Levier du changement de Saint-Etienne (É)
événement fédérateur »
G. Subileau : « La biennale apporte
beaucoup à la ville (É) retombées économiques
intéressantes »
S. Devrieux : « Toute personne qui
vient sur place renvoi des signaux très positifs. »
« Une biennale, ça change complètement
le territoire, on progresse en terme d'image, de notoriété, cet
événement est très intéressant par rapport à
d'autres choses qu'on pourrait faire qui couteraient beaucoup plus cher. On
voit que les territoires en France se battent pour créer des
événements porteurs d'image. C'est très compliqué.
»
P. Moine : « C'est bien pour l'image
de la ville (É) Saint-Etienne n'a pas forcément une image de
ville sympathique (É) le design étant une activité
à la mode (É) ça donne un côté plus brillant
»
« Il faut savoir se réinventer à chaque
fois, je sais que ce n'est pas facile, chaque fois il faut faire mieux que
l'année d'avant »
B. Laroche : « Faire connaître et
rayonner Saint-Etienne dans le domaine du design. »
|
62
« Quelle est la place pour les designers sur le
territoire ? » est également une question qui me semblait
importante d'aborder pour constater comment la ville de design valorise la
présence de designers au sein de son territoire. La ville a une forte
densité de designers au mètre carré. Les créatifs
sont donc bien représentés à Saint-Etienne. La ville de
design accorde une place particulière aux designers : elle les attire,
les aide à se développer, et fait tout pour les garder sur le
territoire. L'association Designers Plus aide les designers sortis
d'école et les autres à se professionnaliser, à être
plus efficaces dans les relations avec les entreprises. Elle valorise leurs
compétences et a créé un Réseau, le réseau
Designers Plus, qui rassemble plus de soixante designers dans la Loire. La
ville de design abrite donc beaucoup de designers sur le territoire ce qui
présente une force indéniable. Ils font partie intégrante
de la reconversion de la ville vers le design.
63
N. Arnould : « Il faut capitaliser sur
les designers qui sortent de l'Ecole »
« En plus, faire travailler les designers de la
région favorise l'économie locale et le circuit court.
»
« Les designers jouent donc un rôle très
important pour la reconversion de la ville par le design. »
G. Subileau : « C'est bien d'avoir
10000 designers au mètre carré mais faut-il encore qu'ils
survivent, tout simplement »
B. Laroche : « L'existence d'un
quartier créatif permet une bonne représentation des
professionnels du design et des professionnels des métiers connexes qui
souhaitent développer des projets avec des designers. »
64
2.3 Les problématiques de cette reconversion
territoriale
Nous avons vu que d'après les avis recueillis,
l'orientation de la ville vers le design est une volonté et une
réalité. La ville de Saint-Etienne a été
pionnière en matière de développement par le design mais
cela ne suffit pas. Les interviewés s'accordent à dire que
certains obstacles freinent cette reconversion.
Les habitants de la ville sont une problématique
essentielle, sur laquelle la ville doit beaucoup travailler.
N. Arnould : « Beaucoup de personnes
ignorent que la Cité du Design apporte énormément à
la ville. »
G. Subileau : « Il y a comme une
gêne de l'argent à Saint-Etienne (É) la Cité du
Design avait été beaucoup critiquée. »
S. Devrieux : « Ce qui nous reste
à travailler le plus, c'est les habitants. Il y a eu beaucoup de travail
là-dessus, mais il y a encore du travail. »
« Incompréhension des habitants envers le design
à Saint-Etienne »
« Une forte augmentation des personnes
stéphanoises qui sont venues à la biennale, donc cela a
commencé à jouer. »
|
Qu'en est-il de la communication ? Auprès du grand
public, la ville répond aux questions simples comme « Qu'est-ce que
le design ? A quoi ça sert ? » dans le but de rendre accessible le
design. Ces actions de démocratisation ciblent également les
professionnels car peu d'entreprises ont connaissance de ce que le design
pourrait leur apporter. Des actions de communication existent mais il semble
que l'on communique peu les retombées de la Biennale du Design par
exemple, ce qui peut expliquer pourquoi les habitants n'ont pas conscience que
cet événement est bénéfique pour la ville.
65
G. Subileau : « Les retombées
de la Biennale positives, on en parle peu »
« la Cité du Design (É) est vue comme
une institution un peu louche ».
« Communication très axée sur le
quartier créatif et la Biennale »
N. Arnould : « le
Saint-Etienne City Guide, c'est vraiment pour découvrir le design dans
la
ville »
S. Devrieux : « On a moins besoin de
trouver plus d'offres concrètes que de travailler la
communication »
Une autre problématique de cette reconversion de la
ville par le design est la conjoncture économique et le contexte
actuel.
B. Laroche : « Les conditions
financières des collectivités locales peuvent parfois donner
envie de freiner. »
G. Subileau : « La vie est plus dure
»
P. Moine : « Hier encore, un
confrère me disait, c'est parce qu'on les oblige de mettre du design
dans la ville »
« Le budget va être diminué pour les
années à venir : il faut sauver notre peau et celle des designers
»
|
Un autre enjeu actuel est que le design pourrait être un
phénomène de mode. Saint-Etienne ne serait pas la seule à
intégrer le design dans son processus de développement. La ville
pionnière de design serait-elle concurrencée par d'autres villes
?
G. Subileau : « Maintenant, toutes les
villes veulent faire du design, c'est tendance »
P. Moine : « On n'est pas unique
(É), on a notre épingle du jeu dans la profession et c'est
très bien. »
« Pas plus qu'à Paris, Milan, Berlin, et New
Castle aussi, pas plus qu'à New Castle non plus. Donc nous ne sommes pas
les seuls (É) Le commerce design, on l'a copié sur
Montréal. »
|
66
Bien que la vision soit optimiste de manière
générale, nous avons vu que des fragilités demeurent et
freinent le développement de la ville. Heureusement, la ville regorge de
potentiel pour continuer dans cette lignée. Notons par exemple que le
coût de la vie n'est pas cher. Un élément très
important pour son développement est le soutien des politiques et de la
ville dans cette direction.
Pour finir, voici quelques pistes de réflexion pour
l'avenir de la ville de design qui ont été évoquées
par les personnes interrogées :
N. Arnould : « Le design pour
améliorer la ville, trouver des systèmes pour
améliorer,
faciliter la collecte sélective... »
« volonté de travailler
avec les villes voisines »
G. Subileau : « Il y a beaucoup
à exploiter ! »
« Les actions très ciblées à
destination des entreprises, ça fonctionne bien »
« Il faut réinventer quelque chose d'où
l'idée de la Slow City, des espaces verts, des potagers
dans la ville, des terrasses... C'est de la vie à
valeur ajoutée, la ville où il fait bon vivre »
P. Moine : « La Biennale, comme c'est
tous les deux ans, on ne peut pas tout miser là dessus
(É) il faudrait un nouveau souffle pour dynamiser.
»
G. Granjon et E. Vichos : « Pourquoi
pas mettre en place une exposition permanente à la
Cité du design sur les racines du design à
aujourd'hui à Saint-Etienne ? »
67
ANALYSE DES DONNEES
Ainsi, nous pouvons désormais confronter les
données récoltées, qu'elles soient empiriques ou
théoriques. Pour rappel, l'objectif de cette étude est de
comprendre comment la politique territoriale tournée vers le design
améliore l'image de la ville de Saint-Etienne. Nous allons dans un
premier temps identifier les idées convergentes par thématique,
puis dans un second temps nous aborderons celles qui divergent. Enfin, nous
établirons en s'inspirant des résultats obtenus quelques
recommandations pour permettre à cette ville de poursuivre son
développement par le design.
IDEES CONVERGENTES
Cette décision politique semble cohérente avec
son passé industriel. Son histoire lui apporte de la matière et
des explications. Ainsi, Saint-Etienne donne l'image d'une ville qui a toujours
dû et su innover pour se mettre en valeur. Le design est bien réel
et tangible à Saint-Etienne. Si on s'intéresse aux
représentations concrètes, les exemples sont nombreux. En effet,
la ville est caractérisée par de nombreux projets d'architectes,
d'urbanistes et de paysagistes, du plus petit aux plus grands acteurs de
renommées internationales. Citons par exemple Norman Foster (le
Zénith), Finn Geipel et Giulia Andi (La Cité du Design), Rudy
Ricciotti (La Maison de l'Emploi)... Le design se retrouve également
dans l'espace urbain de la ville. Saint-Etienne est donc
représentée par un design fort sur son territoire, en terme
d'architecture et de design urbain. De plus, Saint-Etienne City Guide
valorise également le design dans ses musées. En outre, tous
les critères sont remplis pour qu'elle fasse partie du réseau
Unesco des villes créatives : une cité du design, une
école d'arts et de design, des centres de recherches, des entreprises
exerçants dans le design... La ville est même la première
collectivité française à avoir intégré un
Design Manager dans la conception et le déploiement de ses politiques
publiques.
D'après la théorie de Richard Florida, cette
distinction permet « d'attirer de nouveaux designers sur le territoire
ainsi que les classes créatives qui viendront enrichir les politiques
urbaines grâce à leurs compétences. ». Les
classes créatives devraient donc, d'après cette théorie,
jouer un rôle important pour rendre Saint-Etienne attractive et la rendre
prospère économiquement. D'après la recherche empirique,
le territoire abrite beaucoup de designers
68
au mètre carré. Les créateurs sont donc
bien au coeur de cette régénération urbaine, puisqu'ils en
sont de véritables acteurs.
De plus, tous les avis convergent sur l'idée que le
design améliore considérablement l'image de la ville. En effet,
le design est une stratégie de positionnement pour contribuer à
améliorer l'image de Saint-Etienne. D'ailleurs, si on prend l'exemple de
la Biennale Internationale du Design, les résultats sont très
encourageants. D'après l'étude de l'impact de la Biennale 2015,
les signaux renvoyés en terme d'image sont très positifs. En
effet, la Biennale Internationale du design dispose d'une forte
attractivité et joue le rôle de déclencheur pour venir
à Saint-Etienne. La Biennale est un succès en terme d'image, tant
pour l'événement que pour la Ville. 71% des visiteurs pensent que
la Biennale Internationale du Design renvoi une image positive. L'image d'une
ville austère, triste, liées à son passé
industriel, s'efface au profit de celle d'une ville dynamique,
modernisée, associée à la culture et au design. De plus,
93% des visiteurs de la Biennale de 2015 ont affirmé le souhait de
participer à une prochaine édition.
La ville rayonne au niveau national et international
grâce à son appartenance au réseau Unesco des villes
créatives de design. Ainsi, le design améliore nettement
l'identité territoriale de la ville, notamment grâce à
l'événement fédérateur mais également parce
qu'elle est positionnée dans un réseau mondial, aux
côtés de Montréal, Berlin, ou encore Shanghai.
En plus, le design peut être vu comme un levier de
développement économique. En effet, les retombées
économiques liées au design sont intéressantes. Lors de la
biennale du design, toute la ville se dynamise grâce au tourisme. En
terme de données chiffrées, la Biennale Internationale du Design
de 2015 a apporté 3,3 millions d'euros de chiffres d'affaires pour les
entreprises de l'Agglomération (restaurants, hébergement,
stationnement/carburant, transport, shopping, cadeaux/souvenirs, courses
alimentaires).
En outre, certaines entreprises améliorent leur
stratégie en faisant appel à des designers qui apportent de
véritables solutions face aux évolutions sociétales. C'est
donc une manière de lutter contre la crise économique et la
conjoncture où il faut trouver de nouvelles solutions pour perdurer.
69
IDEES DIVERGENTES
La théorie du design social semble néanmoins peu
représentée à Saint-Etienne. En effet, même si
certaines actions de design participatif auprès des habitants ont
été menées, elles restent minimes compte-tenu de
l'importance de la population. Par ailleurs, la volonté de
démocratiser le design à Saint-Etienne semble réelle. On
recense de vraies actions menées pour rendre le design accessible,
à l'instar de certaines campagnes de communication. Néanmoins, le
constat de la perception du design comme élitiste demeure auprès
du grand public. Et les habitants deviennent même un problème pour
le développement de cette identité territoriale. Notons par
ailleurs que la majorité des habitants n'a pas connaissance de ce
qu'apporte la biennale du design à la ville.
A travers la recherche empirique, nous avons vu que certains
pensent que la Cité du Design est un écosystème unique,
rare. Ces derniers voient Saint-Etienne comme une ville à
caractère unique, qui serait unique en son genre. Mais d'autres n'ont
pas ce point de vue : en effet, certains designers ont évoqué le
fait que les meilleurs écoles de design ne sont pas à
Saint-Etienne mais à Paris, que d'autres villes font du design,
notamment au niveau européen. Par conséquent, la ville n'aurait
pas un caractère unique en terme de design.
En ce qui concerne les problématiques de cette
reconstruction territoriale, l'image d'une ville industrielle « noire
» n'a pas été citée comme un frein pour cette
reconversion territoriale. Au contraire, son passé industriel lui donne
du sens. En revanche, le design est mal perçu par les entreprises, qui
n'ont pas conscience de son potentiel. Le secteur privé est de
manière générale peu convaincu des atouts du design, alors
que les designers du territoire ont besoin d'eux pour travailler. Il faut donc
les sensibiliser, des actions sont menées comme par le Collectif
Designers +. Mais le travail est encore long. Si on s'intéresse à
la temporalité, nous ne sommes qu'au début de cette reconversion
territoriale.
Enfin, le design arrive à se concrétiser mais
d'une manière un peu forcée. Certes, le fait qu'il y ait un
design manager au sein de la collectivité territoriale est un
véritable atout pour permettre à la ville de faire travailler les
designers. Mais d'après certains designers, la triste
vérité est liée au fait que le design manager soit parfois
obligé de pousser la collectivité à utiliser le design. En
effet, cela ne devrait pas être forcé, mais naturel et
volontaire...
70
D'après ces résultats et mon opinion
personnelle, nous pouvons établir quelques préconisations
générales pour que la ville stéphanoise continue son
développement par le design.
Il faudrait amplifier les actions de sensibilisation du design
pour le rendre plus accessible, et compréhensible. Ces actions
pourraient être entreprises auprès des habitants, étant
donné que les habitants sont les ambassadeurs d'une ville, mais
également auprès des écoles, et auprès des
entreprises. Des démarches participatives pour solutionner des
problèmes urbains pourraient permettre aux différents publics de
comprendre que le design peut apporter de véritables solutions pour la
ville de demain.
Une autre piste serait de faire vivre la ville par des
événements fréquents afin d'assurer la continuité
avec la Biennale Internationale du Design, présente seulement un mois
tous les deux ans. Pour cela, il serait intéressant de s'inspirer
d'autres villes de design avec à la fois des événements
grands publics, mais également des événements plus
ciblés pour conquérir le secteur privé.
Enfin, la Biennale Internationale du Design étant un
événement moteur de la ville de design, il semble primordiale que
la ville axe tous ces efforts pour la rendre meilleure chaque année et
la rendre unique au monde.
71
CONCLUSION
Durant cette recherche, l'objectif était de comprendre
comment la politique territoriale tournée vers le design améliore
l'image de la ville de Saint-Etienne et quels en sont les enjeux. Nous allons
tenter de conclure sur la place du design à Saint-Etienne afin de
constater si son pari est sur la bonne voie.
Dans la partie théorique, nous avons
réalisé un aperçu du design et de son histoire notamment
sa présence dans les villes créatives de design. Par une
tentative de définition du design, nous avons vu qu'il existait
plusieurs écoles. En effet, certains pensent que le design existerait
depuis toujours et que ce concept est un nouveau mot pour qualifier les
inventeurs et concepteurs. Pour d'autres, le design est de l'art et sa
préoccupation esthétique. On peut encore évoquer bien
d'autres pensées, comme la visée productive purement
industrielle, à l'inverse de l'artisanat où les objets sont
uniques. Bref, le design serait encore un concept complexe ayant une multitude
d'approches. D'ailleurs, le concept évolue constamment et le
métier du designer est amené à évoluer avec les
changements sociétaux.
La notion du design aurait explosé depuis les
années 1980. En effet, s'il on regarde son historique, l'Etat
français semble réellement s'intéresser, soutenir et
promouvoir le design depuis cette période. Au fil du temps, beaucoup
d'initiatives en faveur de cet art ont vu le jour : écoles,
musées, galeries d'art, associations, événements,
délégations... Citons par exemple le département «
Design » crée en 1980 à l'Ecole des Beaux-Arts de Paris ou
encore, la première quadriennale internationale du design en 1986 dans
la région de Lyon. Cependant, le design demeure un secteur
d'activité méconnu du grand public, sans doute à causes de
certaines confusions à son égard.
Les villes se sont intéressées au design pour
créer une dynamique unificatrice qui rassemblerait la population autour
d'un projet porteur et pour faire face à un contexte où les
villes rassemblent 3/4 de l'activité économique et la
moitié de la population mondiale. La qualification de villes
créatives par l'Unesco est appuyée sur la notion
d'économie créative, où les créateurs seraient un
moyen de développement urbain. L'intérêt du réseau
mondial de l'Unesco des villes créatives crée en 2004 est de
promouvoir le développement culturel,
72
économique et social des villes dans les pays
développés et ceux en voie de développement.
Montréal est entrée dans le réseau de l'Unesco en 2006
grâce à son potentiel créatif (plus de 450 000
employés dans le secteur créatif dont 20 000 designers). La ville
aurait intégré du design dans des secteurs très divers.
Pour Berlin, le design est également au coeur de l'économie
urbaine, avec 11 000 travailleurs dans le design. Montréal et Berlin ont
naturellement axées leur politique de développement territorial
par le design et peuvent être considérées comme exemplaires
étant donné les retombées positives.
On assiste depuis plusieurs années à la
transformation de la ville de Saint-Etienne, notamment autour du design. Nous
avons donc tenté de cerner ce qui a amené Saint-Etienne à
se reconvertir grâce au design, puis nous en avons identifié les
moteurs et les freins. Afin de comprendre les raisons d'une telle directive, il
suffit de regarder dans le passé de cette ville : son dynamisme
industriel révèle que la créativité a
été le noyau dur pour son développement depuis la fin du
18ème siècle. Nommons par exemple la rubanerie, les
industries minières, l'armement et les cycles. Le déclin
industriel laisse la ville avec divers enjeux : pénurie
démographique, crise économique, etc. La ville rebondit, toujours
grâce à la créativité, en utilisant son
héritage industriel pour créer du patrimoine et des musés.
Elle se tourne très vite vers de nouveaux secteurs et pôles
d'excellence comme le design en 1994, dont la politique est de placer le design
au coeur de la transformation urbaine, des équipements, infrastructures
et des espaces publics.
Parmi les moteurs de cette orientation, la ville souhaite se
positionner d'un point de vue marketing, pour se créer une marque de
fabrique, et ainsi, améliorer son image. Saint-Etienne voit
également le design comme source de développement
économique et pour lutter contre la crise économique, par le
secteur privé, les investisseurs, le tourisme, etc. Le design pourrait
également avoir un impact favorable sur les habitants pour construire
une ville adaptée à ces citoyens. Les difficultés que la
ville devait affronter sont son image de ville « vieillissante et noire
», pauvre, qui n'aurait pas changé depuis son effondrement
industriel. De plus, la proximité avec la ville de Lyon également
tournée vers le design pourrait concurrencer la ville.
Enfin, nous avons émis les conséquences sur ce
que le design apportait à la ville, en terme d'images mais
également dans d'autres domaines. L'exemple de la ville de Saint-Etienne
a montré que le bilan du développement de la ville par le design
est intéressant. Le
73
design est une réalité à Saint-Etienne,
il lui donne beaucoup de sens, nous pouvons même dire que la ville est
« design » de manière globale (divers secteurs
d'activité, entreprises, habitants, écoles, projets urbains...).
Notons par exemple la Biennale Internationale du Design,
événement fédérateur de la ville et réussite
indéniable. Cette identité de la ville évolue de
manière qualitative notamment grâce à la Biennale dont les
résultats économiques pour le territoire sont de l'ordre de 1,25
euros de retombées pour 1 euro investi. La culture design est un levier
de croissance majeur pour la ville.
Dans la recherche empirique, nous avons interrogé
certains professionnels du design de la ville de Saint-Etienne pour cerner
quelle était leur vision des choses concernant cette reconversion par le
design et ses réalités.
Globalement, le design apparaît comme un nouveau souffle
pour la ville, c'est un vecteur de développement incroyable. Pour les
professionnels, la désignation de ville de design par l'Unesco a permis
de positionner le territoire même si ce n'est pas seulement un label. En
effet, le design est logique et cohérent à Saint-Etienne, de par
son histoire, et il a une répercussion forte. La Cité du Design
est d'ailleurs un lieu unique en France, une sorte d'écosystème
du design qui caractérise également la ville. Saint-Etienne
arrive à montrer que le design peut s'inscrire sur des espaces
inattendus, et que le design dans cette ville n'est pas seulement beau, mais
stratégique, participatif, innovant.
Les designers qui font partie intégrante de la
dynamique territoriale, ont leur place sur le territoire, avec des structures
qui les aide et les encourage à exercer sur le territoire. Des actions
de sensibilisation auprès des entreprises et du grand public sont
menées dans cette directive. Toutefois, il semble y avoir une
ambiguïté concernant l'identité du design à
Saint-Etienne, étant donné que l'une des problématique
essentielle est celle des habitants. Ces derniers semblent encore
considérer le design comme élitiste, abstrait, et ne pas
être conscient de ce que par exemple, la Biennale Internationale apporte
à la ville. Des efforts de communication et de sensibilisations doivent
être poursuivis auprès des habitants, mais également
auprès des acteurs du secteur privé dont l'utilisation du design
reste encore perçue comme accessoire. De même, la ville doit
porter son attention aux créateurs, un moteur essentiel pour la mutation
de la ville. Enfin, même si Saint-Etienne a été
précurseur, d'autres villes commencent à s'y intéresser ce
qui pourrait éventuellement la concurrencer.
74
Pour terminer, nous avons confronté les données
théoriques et empiriques pour cerner les idées communes et celles
qui divergent.
Toutes les sources évoquent le fait que la
décision politique est cohérente avec son passé
industriel. De plus, la ville rayonne au niveau national et internationale,
notamment grâce à la Biennale Internationale du Design, en plus
d'être un levier de développement économique important.
Certaines entreprises du territoire font appel aux designers où le
design permet d'apporter de nouvelles solutions stratégiques pour que
ces structurent perdurent.
Lyon ne semble pas être un obstacle à cette
régénération urbaine, bien au contraire, elle est
partenaire de la Cité du Design et permet ainsi de toucher de nouveaux
publics. La théorie du design social semble minime à
Saint-Etienne malgré quelques actions de design participatif
auprès des citoyens et des efforts de communication pour le
démocratiser. Le caractère unique de la ville serait
également à nuancer, puisque d'autres villes le font aussi, comme
Berlin et Montréal, et à Paris, il y a le Lieu du Design, les
meilleures écoles de design, etc. L'image ancienne de ville « noire
» ne semble pas être une difficulté pour la ville, au
contraire, les visiteurs en repartent avec une bonne image. Notons enfin, que
le design est encore un peu « dirigé » à Saint-Etienne
puisqu'une Design Manager oblige la collectivité territoriale à
mettre du design dans la ville, ce qui permet en outre de faire travailler les
designers locaux. Pour finir, même si certains enjeux demeurent, la ville
semble être sur la voie d'un changement d'identité profond.
Mener ce mémoire de recherche m'a beaucoup
intéressée, j'ai apprécié le fait de mener ce
travail de recherche en autonomie complète. Il m'a permis d'approfondir
mes connaissances sur cette question et de mieux cerner les enjeux de cette
discipline qui présente un potentiel futur incroyable. En effet, je fais
partie de cette ville et j'ai d'ailleurs hâte de découvrir les
prochains projets comme la « rue de la République du design »,
un projet d'expérimentation pour que questionner les nouveaux modes
d'occuper et d'habiter les centre-ville, qui sera présenté
à l'occasion de la Biennale Internationale du Design de 2017 ayant pour
thématique « Les mutations du travail ». Par ailleurs, nous
pouvons nous interroger sur l'avenir de la ville : A quoi ressemblera
Saint-Etienne demain ? Qu'est-ce que le design va apporter comme transformation
majeure à la ville ?
75
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76
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Beaux-Arts. Consulté le février 2016, sur Propos recueillis
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