1.2 Evolution de l'inflation au
Niger
L'évolution historique indique que
l'inflation a toujours été contenue d'une manière ou d'une
autre, dans des proportions raisonnables. En aucun moment, le pays n'a connu
d'inflation trop élevée. Le graphique ci-dessous montre
l'évolution en glissement annuel de l'inflation au Niger.
Graphique 1 : Le taux
d'inflation en glissement annuel au Niger
Source : INS-Niger
L'examen du graphique 1 indique qu'il y a des périodes
de pics de l'inflation; il s'agit des années 1975, 1980 et 1994. En
effet, ces trois périodes correspondent à des chocs
extérieurs importants. Les pics de 1975 et de 1980 correspondent
à l'impact des chocs pétroliers sur l'économie du pays et
celui de 1994 à la dévaluation du FCFA qui changeait pour la
première fois de parité avec la monnaie d'indexation qui
était le franc français. De 1971 à 2013, le taux
d'inflation a surpassé quatre fois, la barre de 15%; il s'agit des
années 1975, 1976, 1980 et 1993. Pour la même période, le
taux d'inflation a atteint dix fois les deux chiffres sur 40 ans.
Pour ce qui concerne la norme de 3%, il faut indiquer que le
taux d'inflation a dépassé ce seuil avec une fréquence de
48.8%.
L'analyse de l'évolution historique des taux
d'inflation indique qu'il y a eu plusieurs périodes de déflation.
Cette déflation s'explique surtout par une conjonction de deux
politiques complémentaires. Il y a d'abord, la politique de rigueur
budgétaire entreprise depuis les débuts des années 1980
due à la baisse du prix de l'uranium. Elle s'est
caractérisée par une baisse drastique des dépenses
publiques à travers un blocage des salaires et la suppression ou la
diminution d'indemnités ainsi qu'une hausse des recettes. Au cours de
cette décennie, l'évolution de la masse monétaire a
été également ralentie passant de 13,43% entre 1980 et
1981 à moins 21% entre 1989 et 1990. Ces différentes politiques
ont entraîné une baisse du niveau général des prix.
Ensuite, il y a les programmes d'ajustement structurel (PAS), qui vont
poursuivre les politiques de compression de la demande intérieure par la
réduction des dépenses publiques et par une augmentation des
recettes fiscales grâce à des réaménagements.
Cependant, au Niger, c'est l'IHPC qui sert de mesure de
l'inflation. La composition de son panier a connu de nombreuses
évolutions de l'indépendance à nos jours. A partir des
indépendances, l'indice des prix qui était calculé
était appelé indice des prix à la consommation
africaine. Cet indice était calculé sur la base de 108
produits.
En 1996, l'Indice Harmonisé
des Prix à la Consommation
(IHPC) a été mis en place pour tous les pays de l'UEMOA. Il a
pour objectif d'harmoniser les indices des prix entre les pays pour les rendre
comparables dans le cadre du suivi des critères de convergence. Pour le
cas spécifique du Niger, 320 variétés de produits sont
suivies avec des pondérations provenant d'une enquête sur les
dépenses des ménages réalisées en 1996. A partir de
2008, des modifications ont été faites sur les
variétés des produits suivis (657 au lieu de 320).
Les produits et leur pondération se présentent
comme suit:
Tableau 1 : Les Produits et leur
Pondération dans l'IHPC au Niger
|
PONDERATIONS
|
INDICE GLOBAL
|
10000
|
I- Produits alimentaires et boissons non
alcoolisées
|
3981
|
II- Boissons alcoolisées, tabacs et
stupéfiants
|
78
|
III- Articles d'habillement et chaussures
|
948
|
IV- Logement, eau, électricité, gaz et autres
combustibles
|
1016
|
V- Meubles, articles de ménage et entretien courant du
foyer
|
419
|
VI- Santé
|
204
|
VII- Transports
|
1301
|
VIII- Communications
|
613
|
IX- Loisirs et culture
|
167
|
X- Enseignement
|
167
|
XI- Restaurants et hôtels
|
750
|
XII- Biens et services divers
|
356
|
Source : INS-Niger
L'examen de ces pondérations permet de voir que
l'inflation sera plus sensible à toute variation des produits
alimentaires, des boissons et du tabac puisque ce poste représente le
tiers de l'ensemble de la pondération. Pour ce poste, ce sont les
céréales non transformées qui occupent la première
place. C'est certainement pour cette raison que d'aucuns expliquent l'inflation
à court terme par la variation des niveaux du prix des
céréales.
Les autres postes les plus importants sont le transport et
l'ensemble constitué du logement, de l'eau, l'électricité,
le gaz et des autres combustibles.
Toutefois, il faut noter qu'il y a des limites à
l'utilisation de l'IHPC au Niger. Que ce soit dans sa forme ancienne ou dans sa
forme actuelle, les relevés de prix des différents paniers ont
toujours concerné la ville de Niamey, les autres localités
étant ignorées par le dispositif. L'hypothèse qui est
faite dans ce cas, est que l'évolution des prix de Niamey est
représentative de l'ensemble du pays, ce qui n'est pas
démontré. Toutefois, un Indice National
Harmonisé des Prix à
la Consommation est en cours
d'expérimentation.
Cependant analysons les causes externes et internes de
l'inflation au Niger.
1.2.1
Les causes externes de l'inflation
Cette rubrique a pour objectif d'analyser les causes de la
flambée des prix des produits alimentaires compte tenu de leur poids
dans le panier de l'IHPC au Niger.
1.2.1.1 Les causes de la
hausse des prix au niveau mondiale
Au niveau mondial, les prix agricoles ont fortement
augmenté depuis 2006 et 2007. Ils ont accusé une hausse encore
plus marquée au cours du premier trimestre 2008. L'indice FAO des prix
alimentaires a augmenté en moyenne de 8% en 2006, de 27% en 2007 et pour
les trois premiers mois de 2008 de 53% par rapport aux trois premiers mois de
2007. Pour les pays à faible revenu et à déficit vivrier,
la facture des importations de céréales a augmenté de 37%
en 2006-2007 et de 56% en 2007-2008.
Pour la deuxième fois en trois ans (2008 à
2011), les prix internationaux des produits alimentaires avaient
augmenté en flèche, faisant craindre une crise des prix
alimentaires similaire à celle de 2008 avec les répercussions que
l'on sait sur les populations pauvres. En février 2011, l'indice des
prix des produits alimentaires de la Banque mondiale a égalé le
niveau record qu'il avait atteint en 2008, tandis que l'indice des prix
agricoles de la Banque était supérieur de 17% à son pic de
2008. Les cours mondiaux du sucre et des huiles alimentaires ont
augmenté depuis juin 2010, à tel point que le cours du sucre a
progressé de 86 % et celui de l'huile de soja de 59% entre cette
période et février 2011. Les cours mondiaux du maïs, du
blé et du riz ont aussi progressé: le prix mondial du maïs
était supérieur de 2% à son niveau maximum de 2008,
même si les cours du blé et du riz se situent encore (en
février 2011) respectivement 21% et 42% en dessous de leurs records de
2008. Selon les prévisions des principales études sur les
perspectives agricoles (OCDE-FAO, Ministère Américain de
l'Agriculture et Banque mondiale), les prix alimentaires internationaux
resteront supérieurs à ceux de la décennie
précédente au moins jusqu'en 2019 sous l'effet de l'interaction
complexe de plusieurs facteurs. En outre, l'indice des prix alimentaires de la
FAO a atteint son niveau le plus haut depuis sa création en 1990. Il a
dépassé en janvier 2011 (231 points) le niveau le plus
élevé atteint au plus fort de la dernière crise
alimentaire en juin 2008 (213,5 points).Cet indice est calculé sur un
panier de cinq groupes de produits (céréales, huiles et graisses,
produits laitiers, viande et sucre), pondéré par leur part dans
le marché international pour la période de
référence 2002-2004. En janvier 2011, il s'est envolé
à 245 contre 151 en juin 2010 pour les céréales, à
278 contre 168 pour les huiles et graisses, à 166 contre 137 pour la
viande et à 420 points contre 225 pour le sucre. Celui des produits
laitiers restent à peu près constant à 221 points.
L'augmentation en 2010 du prix des grains concerne surtout le blé
(+50%), le maïs (+50%) et le soja (+34%). Comparée à celle
du premier semestre 2008 qui avait provoqué des émeutes dans de
nombreux pays, la hausse concerne surtout les huiles, le sucre et les produits
animaux. Elle est actuellement moins forte pour les céréales,
produits particulièrement sensibles pour les consommateurs urbains
vulnérables de nombreux pays fortement importateurs. Cette hausse des
prix sur les marchés internationaux ne se répercute pas encore
sensiblement sur les prix des aliments sur les marchés intérieurs
des pays vulnérables, sauf depuis janvier 2011 pour les pays
importateurs de maïs d'Afrique Centrale. Mais compte tenu du délai
de transmission des prix entre les marchés locaux et internationaux, il
est probablement trop tôt pour constater l'impact sur les prix locaux.
En somme, la hausse des cours peut être lue avec une
marge confortable d'erreur comme le résultat d'un déficit de la
demande sur l'offre. Les raisons sous-jacentes à la croissance de la
demande et à l'inertie de l'offre varient selon les auteurs;
néanmoins, une série de huit facteurs affectant l'une ou l'autre,
à laquelle il convient d'ajouter deux acteurs complémentaires qui
ne leur sont pas directement liés, peut être établie. Ce
sont:
Ø La hausse des prix de l'énergie augmente les
coûts de production, et, in fine, les prix agricoles. Ses implications
sur le coût de l'électricité, du transport, des intrants
chimiques, se combinent par une hausse des coûts de production agricole.
Plusieurs produits se renchérissent parallèlement à la
hausse du pétrole brut;
Ø La hausse de l'offre de biocarburants, et en
particulier d'éthanol produit à partir de maïs
nord-américain qui réduit la production agricole disponible
à des fins alimentaires;
Ø Les aléas climatiques: par exemple l'Australie
a été frappée par deux sécheresses
consécutives en 2006 et 2007 tandis qu'en 2008, l'Europe subissait des
pluies abondantes avec un même résultat de réduction de
l'offre mondiale de céréales;
Ø La croissance de la demande des pays
émergents, et en particulier de la chine. Energivore et
protéinivore, la croissance chinoise à deux chiffres a vu ce pays
se transformer en importateur net de produits qu'il exportait moins de dix ans
auparavant. La chine est aujourd'hui le premier consommateur et importateur de
minerais et métaux, le deuxième consommateur de pétrole,
et le premier importateur mondial de soja et d'oléagineux, de coton, de
laine et de caoutchouc;
Ø Les politiques publiques de restriction à
l'exportation, mises en place en particulier sur le riz, ont accru
l'écart entre la demande et l'offre mondiale disponibles sur un
marché de surcroît déjà étroit;
Ø La baisse du dollar: des estimations de la
sensibilité (dite « élasticité ») des prix
matières premières (libellés en dollars) aux
évolutions du dollar montrent qu'une dépréciation de 1% de
la monnaie américaine se traduit par un renchérissement des cours
du pétrole de 1%, et un renchérissement moyen des cours des
matières premières situé entre 0,5% et 1%;
Ø La restructuration des marchés (baisse des
stocks). La transformation des filières alimentaires durant les dix
dernières années, marquée par une segmentation accrue en
aval entre produits transformés, une multiplication des filières
spécialisées et un accroissement de la dispersion
géographique de la production et de la consommation, s'est
accompagnée d'une réduction marquée des stocks mondiaux;
Ø L'étroitesse des marchés: les produits
agricoles dont la hausse fut la plus précoce et la plus marquée
(céréales) sont relativement peu échangés dans le
monde en proportion de l'offre disponible;
Ø La spéculation: l'influence des marchés
à terme sur l'évolution des cours des matières
premières au comptant (« spot ») est une antienne
qui s'invite à chaque crise dans le débat public.
Plusieurs éléments expliquent qu'en 2006-2008 la «
spéculation » et les « spéculateurs » aient
été particulièrement mis à contribution pour
expliquer l'emballement des cours;
Ø Le sous-investissement dans le secteur agricole: la
crise alimentaire mondiale est avant tout le résultat de l'insuffisance
des investissements observée depuis un certain temps, et qui a
causé la baisse de la productivité agricole des pays en
développement; cette baisse a elle-même été
aggravée par la dégradation des sols.
Globalement tous ces facteurs constituent un ensemble des
causes qui peuvent être source des tensions inflationnistes au niveau des
denrées alimentaires. En effet, la conséquence de ces
phénomènes sera inévitablement une augmentation des
personnes vivant dans la vulnérabilité, plus
particulièrement dans les pays en voie de développement. Comme le
Niger importe plus qu'il exporte l'analyse du taux de couverture s'impose.
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