II- Pratique d'identification dans l'Adamaoua de 1960
À 2013.
La mise en place des postes d'identification dans l'Adamaoua
et le développement de la politique d'identification au Cameroun ont un
impact direct sur l'établissement des cartes nationales
d'identité dans cette unité administrative. Les périodes
1960, 1970 et 1980 sont caractérisées par un faible taux
d'identification. Cependant, à partir des années 2000, avec
l'avènement du nouveau système d'identification au Cameroun,
l'action des pouvoirs publics, l'on constate une amélioration des
conditions d'identification dans les postes d'identification repartis dans
l'Adamaoua. Ainsi, pour une bonne compréhension de la pratique
d'identification dans l'Adamaoua, il importe d'étudier
l'établissement des cartes nationales d'identité uniquement dans
les centres urbains de1960 à1999 et le déploiement des postes
d'identification dans les zones rurales à partir des années
2000.
1-Établissement des cartes nationales
d'identité de 1960 à 1999.
La politique d'identification au Cameroun s'est
développée de manière progressive. En fait, au cours des
périodes 1960, 1970 et 1980, les cartes nationales d'identité
étaient délivrées dans les commissariats et
sous-préfectures. La structure administrative de l'Adamaoua ne fut pas
en marge de cette pratique d'identification. En effet, au cours des
années 1960 cette unité administrative ne comptait que quelques
postes d'identification qui, étaient logés dans les
sous-préfectures et quelques commissariats disséminés sur
l'étendue dudit territoire10. C'est dire donc qu'à
cette époque, comme partout au Cameroun, les cartes nationales
d'identité étaient délivrées par les chefs de
circonscriptions territoriales et par des commissaires de police. Cependant, il
faut noter que les postes d'identification qui étaient logés dans
les sous-préfectures et commissariats ne pouvaient que par
conséquent être dans les centres
10 Entretien avec Daagoula Ibrahim, ancien personnel
d'identification, Tibati, 08 juin.
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urbains de la Région de l'Adamaoua. Toutefois, les
populations de localités environnants ces centres urbains, pour se faire
établir leurs cartes nationales d'identité, se rendaient dans ces
sous-préfectures et commissariats. Ainsi, pratiquement, les demandeurs
de cartes nationales d'identité de ces époques se faisaient
souvent accompagner de deux à trois témoins. Selon monsieur
Daagoula, l'absence des pièces pouvant prouver la nationalité
d'un quelconque citoyen demandeur de la carte nationale d'identité,
faisait aussitôt intervenir les témoins qui peuvent être le
chef du village ou du quartier et deux à trois membres de famille. La
présence de ceux-ci n'était donc pas fortuite dans la mesure
où ils étaient chargés de justifier le lieu de naissance,
le domicile et surtout la filiation du citoyen à identifier.
Par ailleurs, la manière dont les postes
d'identification étaient repartis dans l'Adamaoua (au cours de 1960
jusqu'à la fin des années 1990) ne pouvait pas permettre aux
citoyens des zones rurales de l'Adamaoua d'obtenir aisément leurs cartes
nationales d'identité11. C'est par exemple, le cas des
populations de Djohong, Gbatoua-Godolé, Fada, Ngaoui, Lokoti etc. qui se
rendaient, souvent à pieds, à la sous-préfecture de
Meiganga pour se faire établir leur carte nationale
d'identité.
À partir des années 1980, l'identification des
citoyens dans l'Adamaoua fit une légère une avancée. L'on
note dès lors, le déploiement des services d'identification de
Ngaoundéré et de Meiganga dans les zones rurales. Cependant,
cette politique d'identification ne porta pas de fruit, car selon un ancien
personnel d'identification, les populations des zones reculées
étaient encore méfiantes et la politique d'identification avait
manqué de financement et d'appui de la part des autorités
politiques et administratives de la région12.
De manière générale, l'identification
dans l'Adamaoua de 1960 à 1990 est caractérisée par une
faible production. En effet, la procédure d'identification durant ces
années semblait facile par rapport à celle d'aujourd'hui, car le
demandeur pouvait entrer en possession de sa carte d'identité le
même jour de la délivrance. Ceci devrait plutôt attirer bon
nombre de citoyens de l'Adamaoua à se faire identifier. Mais,
11 Nous en parlerons amplement dans la partie
réservée aux obstacles liés à
l'établissement des cartes nationales d'identité dans l'Adamaoua.
Toutefois, nous soulignons cet aspect dans cette partie juste pour expliciter
la pratique d'identification en vigueur dans l'Adamaoua des années 1960,
1970 et 1980.
12 Cet informateur requis l'anonymat.
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paradoxalement, l'on constate plutôt le contraire car
plusieurs citoyens ne connaissaient pas le bien-fondé de
l'identification. Tout de même, il ressort que, l'établissement
des cartes nationales d'identité dans l'Adamaoua dans les trente
premières décennies a manqué d'une politique viable et de
l'appui du gouvernement. Même en exemptant à un certain moment les
frais d'identification, peu de citoyens se faisaient établir leurs
cartes d'identité. Néanmoins, quelques postes d'identification
furent relativement actifs. C'est notamment les postes d'identification de
Ngaoundéré et de Banyo, premièrement à cause de
leur position stratégique (villes frontalières au Tchad et au
Nigeria), deuxièmement à cause de leur potentiel
démographique (voir tableau 2) et enfin à cause de
l'ancienneté de ces postes d'identification installés. De
manière générale, les départements de la Vina et du
Mayo Banyo sont, en fait, les deux premiers départements les plus
peuplés de l'Adamaoua et suivant la logique de l'évolution de la
structure administrative de l'Adamaoua, les postes d'identification ont
été d'abord créés dans les chefs-lieux de ces deux
départements en occurrence Ngaoundéré et Banyo. Ce sont
les postes qui recevaient en moyenne vingt à trente demandeurs par jour.
Par ailleurs, la position de ces deux départements comme carrefours
d'une part (Ngaoundéré) et d'autre part, zones
frontalières aux pays voisins du Cameroun a un impact important sur
l'établissement des cartes nationales d'identité dans les postes
d'identification de ces deux villes. Les postes d'identification de Tibati,
Tignère furent peu productifs à cause du retard de la mise en
place des infrastructures d'identification.
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