FACULTÉ DES ARTS, LETTRES ET SCIENCES
HUMAINES
UNIVERSITÉ DE NGAOUNDÉRÉ
THE UNIVERSITY OF NGAOUNDERE
DÉPARTEMENT D'HISTOIRE
DEPARMENT OF
HISTORY
LABORATOIRE HOMMES ET SOCIÉTÉ
MAN AND
SOCIETY LABORATORY
FACULTY OF ARTS, LETTERS AND SOCIAL
SCIENCES
1960-2013
Mémoire présenté et soutenu en vue
de l'obtention du Master Recherche en
Histoire
LA CARTE NATIONALE D'IDENTITÉ DANS
L'ADAMAOUA:
Option : Histoire Politique et Relations
Internationales
par
Jean Francis GABANA (09A547LF)
Titulaire d'une Licence en Histoire
Sous la
direction de :
David MOKAM
Maître de Conférences
Année académique
2013/2014
II
DÉDICACE
À
mon oncle
Bétara Narma Paul ;
mes parents Ninga Tenmbar Philippe et Amina
Clémentine.
Né en 1988 à Tibati dans la Région de
l'Adamaoua, Jean Francis Gabana prépare une thèse de doctorat
Ph/D au Département d'Histoire de l'Université de
Ngaoundéré depuis mars 2015. Ses recherches actuelles sont
axées sur les questions d'identité et d'identification des
personnes au Cameroun. S'inscrivant dans le champ de la socio-histoire comme
Gérard
Noiriel, Vincent Denis et Pierre Piazza, Jean Francis Gabana
consacre surtout ses recherches sur le mode d'identification de type africain
et celui de type occidental dans le but de dégager l'état-de
lieu, les enjeux et les écueils du fichage des personnes au
Cameroun.
III
REMERCIEMENTS
La réalisation de ce travail est le fruit de la
collaboration de plusieurs personnes qui ont apporté un soutien
considérable à notre entreprise de jeune chercheur en Histoire.
Nous pensons au Professeur David Mokam qui, malgré ses multiples
occupations tant académiques que personnelles, a accepté de nous
tenir la main dans nos premiers pas dans la recherche. Il a toujours
été là pour nous prodiguer les conseils et les
encouragements. Sa rigueur dans le travail, son sens d'humanisme et la
disponibilité dont il a fait montre durant le temps de la collecte des
données et la rédaction de ce mémoire nous amène
à lui témoigner notre profonde gratitude. Les observations et les
critiques qu'il a formulées en vue de l'amélioration de la
qualité de ce travail étaient d'un apport essentiel dans notre
formation.
Nous adressons également nos remerciements à
l'endroit du corps enseignant du Département d'Histoire qui, pendant
cinq ans nous a formé. Nous exprimons notre gratitude
particulièrement aux professeurs Hamadou Adama, Taguem Fah Gilbert
Lamblin, aux Docteurs Mbengué Nguimé Martin, Abdouraman Halirou,
Fadibo Pierre, Hamoua Dalaïlou, Atoukam Liliane et Tegna Édith.
Dans le même ordre d'idées, nous
témoignons notre reconnaissance à notre grand frère Adamou
Moise, enseignant à la faculté des sciences de
l'université de Ngaoundéré. Son soutien de tous ordres a
été salutaire durant mon cursus académique. Ces
remerciements vont également à notre grande soeur Atta Sylvie,
notre petit frère Ninga Jacques Tenmbar, nos petites soeurs Belbé
Mélanie, Méiramdjo Marie Noèlle, Zimdo Pauline, Atta
Florentine, aux Familles Bétara Narma ; Samaki Pierre et Kaigama Edjiba.
Chers frères et chères dames, recevez nos sincères
remerciements pour tout ce que vous avez fait pour nous.
Nous exprimons notre profonde gratitude à Mbing Nandiba
Marianne qui a été d'un grand soutien moral pour la
réalisation de ce travail. Pour votre assistance durant les nuits
blanches, pour vos mots réconfortants et encourageants durant les
moments les plus pénibles de la recherche, trouvez dans ce travail,
Marianne, l'expression de notre amour pour vous.
iv
Nous remercions tous nos informateurs qui ont pris les risques
de répondre à nos questions et plus particulièrement
Bétara Narma Paul, Personnel d'identification à Meiganga qui, en
plus d'avoir répondu à nos questions, a mis à notre
disposition les documents d'une grande utilité pour ce travail. Ces
remerciements vont également au commissaire de la sécurité
publique de la ville de Meiganga, Aimé Rémi Ndema qui a
apporté une collaboration franche dans la collecte des informations.
Nous remercions aussi monsieur Abbo Jean, Adjudant-chef à Yaoundé
pour le soutien moral et matériel qu'il nous a apporté durant
notre séjour à Yaoundé.
Nous pensons également à notre camarade de
classe Bel-Mboum Biya, décédé le 05 octobre 2014.
C'est également le lieu de remercier l'ensemble des
responsables des bibliothèques notamment ceux de la bibliothèque
centrale de l'université de Ngaoundéré, du programme
Ngaoundéré-Anthropos, de la bibliothèque de la FALSH et le
département d'histoire.
À nos amis Gambo Godlove Simon-Pierre, Ndommo Justin,
Tassibo Mangué Georges, Tandjong Fopa Frank, Kokôo Achille
Patrick, Bago Kaptel Dieudonné et Iya Dezane Thomas nous serons toujours
reconnaissant pour vos apports de diverses natures dans notre évolution
académique.
Toutes nos reconnaissances à nos camarades de promotion
qui durant cinq ans, nous ont apporté leur amitié et la critique
nécessaire pour améliorer la qualité de ce travail. Que
ceux et celles qui ne sont pas cités expressément dans cette
liste de remerciement et qui ont contribué dans la réalisation de
ce travail trouvent ici, l'expression de notre profonde gratitude.
V
RÉSUMÉ
La carte nationale d'identité dans la région de
l'Adamaoua porte sur la question de l'identification des citoyens. À
partir de 1960, année de l'indépendance du Cameroun sous
administration française, le Cameroun dans le but de sécuriser
l'identité et la nationalité, va mettre en place un
système d'identification qui est développé
progressivement. Suite à la mise en place de ce système
d'identification par le gouvernement camerounais, il y eut de vives
réactions des populations de l'Adamaoua. Les périodes 1960, 1970
et 1980 sont caractérisées par une réticence des citoyens
à l'égard de la carte nationalité d'identité dans
l'Adamaoua. Ces réactions des populations de l'Adamaoua ont amené
les pouvoirs publics à réagir en optant pour un contrôle
systématique des cartes d'identité dans les années 1990.
Cependant, à partir des années 2000, l'on constate la mise en
place d'un système d'identification biométrique qui vient
sécuriser davantage l'identité et la nationalité. Suite
à ces mesures, l'on enregistre un taux important de demande de cartes
nationales d'identité dans l'Adamaoua.
Mots clés : carte d'identité,
identité, identification, Adamaoua.
VI
ABSTRACT
This study focuses at the issue of national identity card
in the Adamawa Region. When French Cameroon got it independence, Cameroon in
order to secure the identity and nationality, of its citizens implemented an
identification system which has evolued gradually.
Following the implementation of the identification system by the
Cameroonian government, there were various reactions of the people
of Adamawa. 1960, 1970 and 1980 are characterized by the reluctance of citizens
with regard to the nationality identity card in Adamawa. These reactions led
the government to respond by opting for a routine inspection of
identity cards in the 1990s and the development of political identification
from the 2000s, with the introduction of biometric identification system.
Thanks to these measures a high rate of request for national identity card in
Adamawa was recorded.
Keywords: identity card,
identity, identification, Adamawa.
VII
SOMMAIRE
DÉDICACE i
REMERCIEMENTS iii
RESUME v
ABSTRACT vi
LISTE DES SIGLES ET ACRONYMES vii
SOMMAIRE vii
TABLE DES MATIERES 173
LISTE DES PHOTOS x
LISTE DES FIGURES xi
LISTE DES TABLEAUX xii
INTRODUCTION GÉNÉRALE 1
CHAPITRE 1: INSTITUTIONNALISATION DE LA CARTE
NATIONALE D'IDENTITÉ AU CAMEROUN 27
I-Historique des pièces d'identité officielles
du Cameroun (1922-1960). 29
II-Institution et évolution de la carte nationale
d'identité au Cameroun de 1960 à 2007. 35
III-Avantages et inconvénients de la carte nationale
d'identité. 63
CHAPITRE 2 : ÉTABLISSEMENT DES CARTES
NATIONALES
D`IDENTITÉ DANS L'ADAMAOUA. 77
I- VIII
Évolution de la structure administrative de l'Adamaoua et
la mise en place des postes
d'identification. 79
II- Pratique d'identification dans l'Adamaoua de 1960 à
2013. 96
III-Les réactions des populations à l'égard
de la question d'identification. 105
CHAPITRE 3: BILAN DE L'IDENTIFICATION DANS L'ADAMAOUA ET
LES DÉFIS DE LA POLITIQUE
D'IDENTIFICATION 120
I-Bilan de l'établissement des cartes nationales
d'identité dans l'Adamaoua. 121
II- Impact de l'identification dans l'Adamaoua.
135
III-Obstacles liés À l'établissement et
à l'obtention des cartes nationales d'identité dans
l'Adamaoua. 142
CONCLUSION GÉNÉRALE 154
SOURCES ET RÉFÉRENCES BIBLIOGRAPHIQUES
159
ANNEXES 165
ix
LISTE DES SIGLES ET ACRONYMES
AD : Adamaoua
AEF : Afrique équatoriale
française
CNI : Carte nationale d'identité
CEMAC : Communauté économique
et monétaire de l'Afrique centrale
DSF : Délégation à la
sûreté fédérale
DGSN : Délégation
générale à la sûreté nationale
ELECAM : Elections Cameroon
IFA : Inspection fédérale
d'administration.
MA : Équipe mobile d'identification de
l'Adamaoua
ONEL : Office National des
Élections.
ONU : Organisation des nations unies
PI : Poste d'identification
RDPC : Rassemblement démocratique du
peuple camerounais
SACEL : Société d'assistance et
de conception en électronique
SDN : Société des nations
SYSTEME SENAC : Système de la
sécurisation de la nationalité camerounaise
X
LISTE DES PHOTOS
Photo 1: Échantillon d'une carte de résidence du
citoyen de l'union française en
métropole 35
Photo 2: carte d'identité
officielle de l'État du Cameroun délivrée le 18 juin 1960
au
commissariat spécial de Ngaoundéré.
50
Photo 3:carte nationale d'identité bilingue délivrée
en 1981 à la sous-prefecture de
Tibati. 53
Photo 4: Toise en bois 56
Photo 5: prise de la taille. 56
Photo 7: Appareil photo (marque : Polaroid). 57
Photo 6: Appareil photo et imprimante (marque : Sony). 57
Photo 8 : prise de photo. 58
Photo 9: découpage des photos. 58
Photo 10 : Prise d'empreintes digitales. 59
Photo 11 : Matériels de prise d'empreintes digitales.
59
Photo 12 : une empreinte digitale. 60
Photo 13: empreinte digitale prélevée. 60
Photo 14: Carte nationale d'identité informatisée.
62
Photo 15: un récépissé de demande de carte
nationale d'identité. 63
Photo 16: Poste d'identification de la ville de Meiganga. 89
Photo 17: Poste d'identification de la ville de Tibati. 90
Photo 18: poste d'identification de la ville de Banyo. 91
Photo 19: les citoyens venus se faire identifier dans un poste
mobile. (Hôtel de ville de
la communauté urbaine de Ngaoundéré).
102
Photo 20: service de retrait des cartes du poste d'identification de la
ville de Meiganga
(AD 07) 116
Photo 21: Distribution des cartes nationale
d'identité aux titulaires au poste
d'identification de Ngaoundéré (AD01). 117
Photo
22: cartes nationales d'identité en souffrance dans le poste
d'identification de
Banyo (AD 04) 118
Photo 23: Des cartes nationales
d'identité abandonnées au poste d'identification de la
ville de Tibati 119
XI
LISTE DES FIGURES
Figure 1: Carte de localisation de la zone d'étude.
x
Figure 2: Carte de l'Adamaoua 78
Figure 3: carte des postes d'identification de l'Adamaoua.
95
Figure 4: courbes représentant les demandes de cartes
dans le poste d'identification de
Meiganga entre 1976 et 1978. 124
Figure 5: courbes
représentant les demandes de cartes dans le poste d'identification de
Meiganga entre 1979 et 1981. 125
Figure 6: courbes
représentant les demandes de cartes dans le poste d'identification de
Meiganga entre 1982 et 1984. 125
Figure 7: courbes
représentant les demandes de cartes dans le poste d'identification de
Meiganga 1985 et 1987. 126
Figure 8: courbes
représentant les demandes de cartes dans le poste d'identification de
Ngaoundéré entre 1976 et 1978. 128
Figure 9:
courbes représentant les demandes de cartes dans le poste
d'identification de
Ngaoundéré entre 1979 et 1981. 129
Figure 10:
courbes représentant les demandes de cartes dans le poste
d'identification de
Ngaoundéré entre 1982 et 1984. 130
Figure 11:
courbes représentant les demandes de cartes dans le poste
d'identification de
Ngaoundéré entre 1985 et 1987. 131
Figure 12:
courbes représentant les demandes de cartes dans le poste
d'identification de
Tibati entre 2001 et 2003. 132
Figure 13: courbes
représentant les demandes de cartes dans le poste d'identification de
Tignere entre 2001 et 2003. 133
Figure 14: courbes
représentant les demandes de cartes dans le poste d'identification de
Banyo entre 2001 et 2003. 134
XII
LISTE DES TABLEAUX
Tableau 1: données administratives de la Région de
l'Adamaoua en 2010. 83
Tableau 2: répartition de la population de la
Région de l'Adamaoua 2005-2010. 84
Tableau 3: répartition des postes d'identification de 1960
à 1995. 86
Tableau 4 : répartition des postes d'identification dans
l'Adamaoua en 2013. 92
Tableau 5: répartition des équipes mobiles
d'identification dans l'Adamaoua en 2011. 93 Tableau 6: récapitulatif de
demandes de cartes nationales d'identité du poste
d'identification de Ngaoundéré de 1976 à
1987. 127
Tableau 7. l'évolution des inscriptions sur les
listes électorales région de l'Adamaoua
de 2007 au 10 juin 2011. 141
XIII
Figure 1: Carte de localisation de la zone
d'étude.
INTRODUCTION GÉNÉRALE
2
I-PRÉSENTATION DU SUJET DE RECHERCHE.
Pendant la colonisation en Afrique, les puissances
colonisatrices avaient mis sur pied un système juridique, créant
une structure de citoyenneté dont le but était la discrimination
raciale. D'un côté se trouvaient les colons européens qui
étaient des citoyens à part entière avec les mêmes
droits que les membres de leurs familles vivant en métropole. De l'autre
côté, il y avait les autochtones africains appelés «
indigènes» qui étaient des « sujets »1.
Ce système juridique en vigueur pendant la colonisation était une
forme d'identification des populations dans des colonies.
L'histoire post-coloniale de l'Afrique montre combien il a
été difficile de mettre en place une politique calquée sur
le modèle occidental pour des populations qui avaient déjà
une organisation politique endogène. Les nouveaux États se sont
donc construits dans une logique de continuité et d'amplification du
modèle colonial. Les populations africaines se trouvent ainsi face aux
systèmes politiques et surtout juridiques hérités de la
colonisation en particulier le système de l'identification. Pourtant,
l'institution de la carte d'identité en Afrique s'inscrit dans une
dynamique de construction des États dans ce continent qui a
été successivement victime de la traite négrière,
du partage arbitraire et de la colonisation.
Si bon nombre d'auteurs ont abordé la question de
l'identité, de la nationalité et de la citoyenneté en
Afrique et plus particulièrement au Cameroun, l'étude sur la
carte nationale d'identité du Cameroun reste encore un domaine en
friche. C'est justement pour étudier le contexte d'apparition, les
enjeux et les obstacles à l'identification officielle que nous avons
choisi le sujet sur : « La carte nationale d'identité dans
l'Adamaoua (Cameroun) : 1960-2013 ».
II-RAISONS DU CHOIX DU SUJET.
Plusieurs raisons ont guidé le choix de ce sujet.
Premièrement, ces raisons sont personnelles. En effet, lorsque nous
travaillions au poste d'identification (PI) du commissariat de
sécurité publique de la ville de Meiganga en 2010, nous avions
remarqué la réticence de certaines personnes à se faire
identifier. Toutefois, nous nous
1M.Mamdani, 1996, Citizen and Subject:
Contemporary Africa and the Legacy of Late Colonialism, Princeton:
Princeton University Press, p.30.
3
sommes rendu compte que dans le département du
Mbéré où l'on retrouve plusieurs groupes ethniques, les
Peul sont les plus nombreux à se faire identifier. À cela
s'ajoute le problème de démarchage dans le processus
d'établissement des cartes nationales d'identité (CNI). En fait,
certains citoyens, pour se faire identifier, font recours à une personne
qui assure l'intermédiation avec l'administration. Ce sont des courtiers
localement appelés « Démarcheurs ». Ainsi, il est
important de noter que l'intermédiation dans le processus
d'établissement de la carte nationale d'identité dans l'Adamaoua
crée une distance entre l'administration et les demandeurs de la carte
d'identité et pose un problème concernant la fiabilité des
informations sur l'individu à identifier. Notre préoccupation est
de comprendre les raisons d'une telle intermédiation.
Le choix de ce sujet a aussi une motivation scientifique. Nous
avons constaté que malgré les multiples études sur les
questions d'identité, de nationalité et de citoyenneté, il
n'y a pas jusqu'ici une analyse historienne sur la carte d'identité
nationale du Cameroun en général et plus spécifiquement
dans l'Adamaoua. En étudiant son contexte d'apparition, son importance
et les différents obstacles qui plombent l'identification, ce travail
trouve sa place particulièrement dans l'histoire de l'administration au
Cameroun. Il établit précisément le lien de
causalité entre les pratiques de l'administration coloniale et
l'administration postcoloniale. Cette étude contribuera ainsi à
enrichir l'historiographie camerounaise.
III-CADRE CONCEPTUEL ET THÉORIQUE.
Dans le cadre de notre étude, l'objet est de lever un
pan de voile sur la question de la carte nationale d'identité dans
l'Adamaoua. Ainsi, comme le reconnaît J.L, Amselle., « il est
nécessaire dans tout travail épistémologique de partir de
notions empiriques pour déconstruire et reconstruire un autre espace
plus apte à rendre compte d'une réalité
donnée»2. Il est donc judicieux voire impératif
de définir et de circonscrire le concept de carte nationale
d'identité et les notions connexes telles que : identité et
identification.
2J.L. Amselle, 1976, Les migrations en
Afrique, Paris, Maspero.p.17.
4
L'étude sur la question d'identité regorge assez
de documents ou de directives pour guider les personnes
intéressées à examiner ce domaine. Du latin
Carta, la carte désigne le document imprimé officiel
constatant l'identité de quelqu'un, son appartenance à un
groupement, son inscription sur une liste.3 Analysant cette
définition du dictionnaire Larousse, la carte, dans ce contexte,
désigne en fait le certificat d'identité d'un individu confirmant
son appartenance à un groupe humain ou à un État.
L'identité, étymologiquement issue du latin Identitas
qui dans son sens premier signifie ce qui fait qu'une chose, est
exactement de même nature qu'une autre, est le caractère permanent
et fondamental de quelqu'un ou d'un groupe4.
En droit, l'identité est l'ensemble de faits et de
droits, tels la date, le lieu de naissance, le nom, le prénom, qui
permettent d'affirmer qu'un individu est telle personne sans confusion possible
avec une autre.5 La notion d'identité est au croisement de la
psychologie et de la sociologie mais intéresse aussi la
géographie. La psychologie conçoit l'identité comme une
sorte de sentiment d'harmonie : l'identité de l'individu est le «
sentiment subjectif et tonique d'une unité personnelle et d'une
continuité temporelle ».6
La notion d'identité, en sociologie, renferme toute la
problématique du rapport entre le collectif et l'individuel, le
déterminisme social et la singularité individuelle. Il n'est pas
possible à ce jour, de parler de cette notion sans évoquer les
grands courants de la sociologie qui ont des approches différentes.
L'identité personnelle « subjective », englobe des notions
comme la conscience de soi et la représentation de soi.
Codol7, estime qu'il ne s'agit en fait que d'une «
appréhension cognitive de soi ». Elle englobe trois
caractères qui vont ensemble : « constance, unité,
reconnaissance du même ». Il ne s'agit cependant pas d'une constance
mécanique et d'une analogie réifiée, ni de
l'adhésion stricte à un contenu invariant et figé mais
d'une « constance dialectique » et dynamique impliquant le changement
dans la continuité, dans une dynamique d'aménagement permanent
des divergences et des oppositions.
3 Dictionnaire Universel Larousse, 1997,
p.256.
4 Petit Larousse, 1998, p.619.
5 Ibid., p.779.
6E. Lois-Littré, 1877, Dictionnaire de
langue française, Paris, Hachette, p .205.
7J.Codol, 2001, « Une approche cognitive du
sentiment d'identité », In Information sur les sciences
sociales, p.20.
5
Plus « objective », l'identité sociale
englobe tout ce qui permet d'identifier le sujet de l'extérieur et qui
se réfère aux statuts que le sujet partage avec les autres
membres de ses différents groupes d'appartenance (sexe, âge,
métier etc.). L'identité sociale comprend les attributs
catégoriels et statutaires qui se réfèrent à des
catégories sociales où se rangent les individus (groupes,
sous-groupes : jeune, étudiant, femme, cadre...). C'est souvent une
identité « prescrite » ou assignée, dans la mesure ou
l'individu n'en fixe pas, ou pas totalement, les
caractéristiques.8 Cette identité sociale situe
l'individu à l'articulation entre le sociologique et le psychologique.
Ainsi, souligne Henri Tajfel :
Le rôle joué par la catégorisation sociale
comprend les processus psychologiques qui tendent à ordonner
l'environnement en termes de catégories : groupes de personnes,
d'objets, d'évènements [...] en tant qu'ils sont
équivalents les uns aux autres pour l'action, les intentions ou les
attitudes d'un individu 9
Le concept d'identité sociale développé
par Henri Tajfel10 en 1981, met en exergue les processus
psychologiques impliqués dans le changement social. Il intègre
dans sa théorie trois processus fondamentaux : la catégorisation
sociale ; l'auto-évaluation à travers l'identité sociale ;
la comparaison sociale intergroupe. Ceux-ci permettent d'expliquer
différentes formes de comportements groupaux. Cette théorie est
devenue l'approche dominante des relations intergroupes et est utilisée
comme cadre de référence pour comprendre et expliquer les
concepts tels que la nationalité, la citoyenneté ou la
solidarité sociale. En effet, les comportements des individus,
même en situation interpersonnelle, sont toujours en partie
influencés par leur appartenance à l'un ou l'autre groupe. De
même, l'influence des caractéristiques individuelles n'est jamais
annihilée, même dans le cadre des relations intergroupes.
Néanmoins, situer les comportements sociaux sur un continuum
11 interpersonnel-intergroupe permet de considérer les
caractéristiques personnelles et groupales comme deux facteurs
susceptibles d'influencer une interaction entre individus, de telle sorte
qu'elle se rapprochera plus ou moins de l'un des deux pôles. Cette
approche nous permet, dans ce
8Ibid., p.21.
9 H. Tajfel, 1981, Humans groups and social categories :
Studies in social psychology, Cambridge, UK :Cambridge University Press,
p.72.
10Ibid., p.74.
11 En philosophie un continuum est un objet ou un
phénomène dont on ne peut considérer une partie que par
abstraction.
6
travail, d'analyser le comportement des citoyens de l'Adamaoua
par rapport à la question de l'identification et de
l'identité.
La théorie de « l'égo » et «
l'invention de soi » développée par Kaufmann, stipule que
:
Si on est entré dans « l'âge des
identités » et dans la nécessité de s'inventer
soi-même, ce n'est pas que les structures sociales soient devenues moins
opérantes ou moins déterminantes que par le passé sous
l'effet d'une émancipation magique du sujet, c'est plutôt que ces
structures sociales sont devenues plus contradictoires. Face à ces
contradictions, le reflet ne pouvait que se transformer en réflexion: la
construction identitaire résulte ainsi d'un travail incessant de «
réflexivité ». « Ego doit désormais fabriquer
(avec la matière sociale disponible) la grille éthique et
cognitive conditionnant son action. La construction sociale de la
réalité passe par les filtres identitaires individuels
»12.
Pour Kaufmann, l'identité biographique ne se
réduit pas à l'identité narrative et que les individus, du
fait qu'ils ont conscience de leurs ruptures biographiques, s'attachent moins
à raconter et se raconter « des belles histoires de vie
complètes et limpides » en déniant toute contradiction
qu'à tisser un lien entre chacune d'entre elles. Ainsi, si Kaufmann
retient de l'interactionnisme symbolique le fait que l'identité ne doit
pas être envisagée comme une substance mais comme un processus, il
refuse de réduire la trajectoire sociale à la trajectoire
biographique (ou encore à la carrière) et de négliger le
poids déterminant des cadres sociaux de la
socialisation13.
En géographie, la notion d'identité est
majoritairement mobilisée pour étudier la relation
concrète ou symbolique des individus ou des groupes sociaux à
l'espace. La principale particularité disciplinaire de la
géographie réside dans sa capacité à
appréhender le concept d'identité dans sa dimension spatiale.
Certains géographes se sont ainsi penchés sur l'aspect
multi-scalaire de l'identité, en s'intéressant aux multiples
relations existant entre les différentes échelles identitaires,
au niveau de l'individu, de la collectivité ou encore de l'espace
mondial. Dans cette perspective, Arjun Appadurai
12 J.C. Kaufmann, 2004, L'invention de soi. Une
théorie de l'identité, Paris, Armand Colin/SEJER, p. 88.
13 Ibid., p. 89.
7
s'est par exemple intéressé aux
phénomènes d'hybridation ethnique et culturelle dans les
conditions techno-politiques de la mondialisation14.
La géographie a fait un usage multiple de la notion
d'identité, dont on peut distinguer quatre acceptions principales :
l'identité numérique, l'identité sociale,
l'identité personnelle et l'identité collective. Les
géographes s'étant intéressés ainsi à la
notion d'identité, se sont saisis du concept de différentes
manières. La notion est tantôt abordée dans une perspective
essentialiste, tantôt constructiviste. Il ne s'agit pas ici de choisir
parmi ces acceptions mais de tenir compte de l'ensemble de celles-ci.
Dans son acception numérique, l'identité
répond à une perspective essentialiste. Elle est vue comme un
invariant universel : les êtres et les choses existent en soi et leur
identité ne varie pas à travers le temps15. Sur le
plan historique, on peut rapprocher cette acception aux recherches
effectuées sur la singularité des entités
géographiques (lieux, pays et régions) et aux conditions de leur
persistance dans le temps. Si cette manière de concevoir
l'identité en géographie est largement délaissée
aujourd'hui, elle a été au centre de la théorie du
déterminisme naturaliste, une des théories les plus anciennes et
les plus répandues de la discipline. Cette approche suggère que
des entités sociales découlent des entités
géographiques, qui les inscrivent toutes deux dans la
durée.16
On parle d'identité sociale en géographie
dès qu'un individu ou un groupe se voit attribuer une
caractéristique identitaire par d'autres. Cette forme d'identification
répond à une logique classificatoire dans la mesure où
elle permet à un individu ou un groupe d'ordonner l'autre sur la base de
critères dominants. Si cette catégorisation peut être
d'ordre professionnel, sexuel, ou encore générationnel, les
géographes se sont surtout intéressés à celles qui
renvoient à des logiques de localisation (les quartiers ouvriers, le
continent noir).17
14A. Appadurai, 2002, « Après le
colonialisme »,inCOMMposite,
http://www.commposite.org/index.php/revue/article/view/58/57.
Consulté le 22 mars 2014.
15J. W. Lapierre, 1984, « L'identité
collective, objet paradoxal : d'où nous vient-il? », Recherches
sociologiques, nos 15, p.195.
16B. Debarbieux, 2005, Prendre position :
réflexions sur les ressources et les limites de la notion
d'identité en géographie, Paris, CTHS, p. 341.
17Ibid., p.343.
8
On pense l'identité comme un processus personnel quand
on la conçoit comme le produit d'un exercice de « conscientisation
» de soi : « ce que je pense, que je suis ». L'acception
personnelle de l'identité suggère que bien qu'elle soit
résolument collective, elle n'en reste pas moins un choix individuel, ce
qui laisse à l'individu un rôle essentiel d'acteur18.
Si cette acception n'a été que très peu mobilisée
dans le champ de la géographie, certains chercheurs s'en sont
inspirés dans des analyses sur le rôle des expériences des
trajectoires individuelles et des lieux et dans la construction de cette
identité personnelle. Ainsi, un lieu serait identifiable grâce au
rapport qu'il a avec le passé des individus, de la société
et de l'espace19.
Dans l'optique constructiviste, l'identité collective
se définit comme « le sentiment et la volonté
partagés par plusieurs individus d'appartenir à un même
groupe ». Ainsi, le groupe ne pourrait exister que si les individus le
reconnaissent comme tel20. L'identification collective se
définit par l'élévation au rang de symboles identitaires
d'attributs comme la langue par exemple, qui deviennent des composantes
essentielles de l'identité d'un groupe. En désignant, en
combinant et en écartant tour à tour certains attributs, le
groupe est en permanente reconstruction. Dans ce processus infini de
sélection, ce sont les cas où des référents
géographiques ou des objets matériels fonctionnent comme des
marqueurs identitaires qui ont particulièrement intéressé
les géographes. On parlera dans ce cas d'identité
territoriale.
Concept issu de la géographie française,
l'identité territoriale est la modalité de l'identité
collective la plus étudiée en géographie. Les
géographes ont d'ailleurs eu tendance à systématiquement
mettre en évidence le rôle que l'espace pouvait jouer dans les
processus identitaires. On peut parler d'identité territoriale si on
s'intéresse au rapport qui existe entre une entité
géographique et les groupements humains ou les identités
collectives qui travaillent ces différents groupes. Marie-Christine
Fourny définit l'identité territoriale comme la «
modalité à partir de laquelle une société fonde la
conscience de sa singularité en la référant à un
espace qu'elle institue sien »21. En tant
18 G. Lambony, 2001, De l'usage de la notion
d'identité en géographie. Réflexions à partir
d'exemples sud-africains, Paris, Harmattan, p. 479.
19Ibid., p.483.
20G. Bertrand, 2000, Identités et
cultures dans les mondes alpins et italien (XVIIIe-XXe siècle),
Paris, l'Harmattan, Pp. 209-226.
21 M. Fourny, 2005, « Identités et dynamiques
territoriales. Coopération, différenciation, temporalités
», Thèse d'habilitation à diriger des recherches,
Université Joseph-Fournier de Grenoble, p. 122.
9
que manifestation identitaire collective, l'identité
territoriale prend dès lors forme grâce à un rassemblement
d'une quantité suffisante de gens par l'identification des croyances
personnelles à une croyance commune. L'identité territoriale
apparaît comme une forme d'identité collective dont les attributs
relèvent d'une territorialité.
Le processus de construction de l'identité nationale au
sein des États africains débute après la création
de ces États. Partout sur le continent africain, à compter de
cette période, des normes de pouvoir sont imposées aux
populations qui désormais cohabitent sur des territoires pratiquement
créées22. L'État moderne se greffe ainsi sur
une pseudo-entité politique et territoriale. C'est donc cette
territorialisation qui donne un sens à l'identité
nationale23. Cependant, la construction de l'identité
nationale au Cameroun n'est pas jusqu'à nos jours un acquis, vu les
regains d'intérêt des populations camerounaises à
s'identifier davantage à leurs ethnies qu'à la nation
camerounaise.24 Cet intérêt, selon certains auteurs
comme J.F. Bayart25, P. Gaillard26,
J.P.Fogui27 ou encore P.F. Ngayap28 participe du fait
que, le Cameroun, bien qu'il ait réussi dans la construction de
l'État, a échoué dans celle de la nation. Ainsi, au
Cameroun, le débat sur l'identité a donné naissance au
concept de multiculturalisme. C'est en fait la reconnaissance de la
diversité culturelle du Cameroun, qu'en 1985 le colloque sur
l'identité culturelle camerounaise fut organisé29.Ce
concept apparaît dans le contexte camerounais de manière
globalisante et plus vaste en terme spatial que celui de l'identité
ethnique ou régionale.
Nous entendons par identité dans le cadre de ce
travail, le fait, pour une personne, d'être un individu donné et
de pouvoir être légalement reconnue pour tel sans nulle confusion
grâce aux éléments (état civil,
anthropométrie) qui l'individualisent. Cette définition est
similaire au bertillonnage (système d'identification des criminels,
22 R. Pourtier, 1987, « Encadrement territorial et
production de la nation », in E. Terray (éd), L'État
contemporain en Afrique, Paris, l'Harmattan, p. 352.
23 Ibid.
24 I. Mouiche, 1996, « Mutations sociopolitiques et
replis identitaires en Afrique : le cas du Cameroun », Revue africaine
de Science Politique, Vol.1, n°2, Décembre 1996.
25 J. F. Bayart, 1985, L'État au Cameroun, 2e
éd., Paris, Presses de la fondation Nationale des Sciences
Politiques.
26P.Gaillard, 1994, Ahmadou Ahidjo. Patriote et
despote, bâtisseur de l'État camerounais, Paris, Jeune
Afrique livre.
27 J.P. Fogui, 1990, L'intégration politique au
Cameroun. Une analyse centre-périphérie, Paris, LGDJ.
28P.F.Ngayap, 1983, Cameroun qui gouverne ? De Ahidjo à
Biya, l'héritage et enjeu, Paris, l'Harmattan. 29Lire
à cet effet Ministère de l'information et de la culture, 1985,
l'identité culturelle camerounaise, Yaoundé, Direction
des affaires culturelles.
10
mis en application à partir de 1882, et fondé
principalement sur l'anthropométrie)30 qui, en effet, a
permis le développement du système d'identification. C'est dans
ce sens que l'on peut parler de : établir, consulter,
vérifier l'identité de quelqu'un à travers les papiers
d'identité.
La politique s'est, elle aussi, emparée du sujet et de
nombreux débats ont lieu sur la notion d'identité et notamment
sur le concept de l'identité nationale. À partir des
années 1920, en France, la notion d'identité a pris une autre
dimension avec l'apparition de la carte d'identité. Sous le
régime de Vichy, la carte d'identité va devenir la preuve de
l'appartenance à une nation et sa délivrance est
particulièrement surveillée31. Enfin, c'est en 1955
que la carte nationale d'identité est instaurée, elle est la
première preuve de l'identité dite formelle de l'individu par la
loi. Aujourd'hui la notion de « papiers » a pris une place centrale
en politique et des groupes se sont formés à partir de cette
notion : les « sans-papiers » par exemple. La loi française a
été adaptée et elle punit les individus qui «
n'appartiennent pas » à la nation, c'est-à-dire qui n'ont
pas de papiers d'identité. Elle punit également le fait de cacher
son identité dans les lieux publics avec la récente loi
interdisant le port de la burqa32. La notion
d'identité en politique est centrale, et nous verrons à travers
ce travail l'importance du rôle des pouvoirs publics dans la question
identitaire.
Dans le cadre de ce travail, la carte nationale
d'identité est un document officiel qui permet à une personne
physique de prouver son identité. C'est une pièce de la vie
civile délivrée par l'État camerounais permettant
d'identifier la personne qui en est détentrice. Elle permet à son
titulaire de certifier de son identité. L'identité personnelle et
l'identité comme instrument politique peuvent être
rapprochées. En effet, l'identité de papier est souvent confondue
avec l'identité personnelle puisque les papiers d'identité sont
devenus incontournables dans notre société. La carte nationale
d'identité est un objet que la majorité des Camerounais
possèdent et elle est aujourd'hui incontournable dans notre vie de tous
les jours. Elle sert de document de base pour la confection des listes
électorales, des opérations bancaires et de conscription. Elle
est également synonyme du droit à la nationalité, à
la citoyenneté, au vote etc.
30Dictionnaire universel Larousse, éd. 1997, p.
74.
31 P. Piazza, 2004, « Septembre 1921 : la première
« carte d'identité de Français » et ses enjeux,
Genèse, n° 54, p. 75.
32 Une sorte de voile recouvrant tout le visage.
11
C'est à la fin des années 1990 que la carte
d'identité va être informatisée puis
sécurisée à l'aide de différentes techniques telles
que : le filigrane, les dégradés de couleur, un graphisme
confectionné par ordinateur, etc. En un peu plus de dix ans, le
gouvernement est parvenu à se doter d'un dispositif d'identification des
Camerounais de plus en plus important. Progressivement unifiée, la carte
nationale d'identité est aujourd'hui un moyen efficace pour
vérifier l'identité des individus. De ce qui
précède, il est important de noter que, les pratiques en vigueur
varient d'un pays à l'autre et ont évolué selon le
contexte historique propre à chaque pays.
La première forme d'identification remonte, selon Stya
Swarrio et Livingston33 à l'Égypte ancienne. Cette
forme de document d'identité était en effet l'état-civil
qui apparaît aux environs des années 1250 avant
Jésus-Christ. C'était un document mis sur pied sous le
règne du pharaon Ramsès II à des fins de fiscalité
et de recrutement des jeunes pour le service militaire.
L'identification des personnes durant l'Antiquité et le
Moyen Âge en Europe est régie principalement par la «
reconnaissance interpersonnelle ». Progressivement, les pouvoirs centraux
instaurent un état-civil, voulant connaître leurs ressources
humaines pour des questions de fiscalité, de police et pour lever des
troupes militaires. Ce système d'identification, basé sur
l'état-civil, est notamment tenu par l'Église au niveau du
registre paroissial34.
Au XVIIIe siècle, alors que la justice royale se
substitue à la justice divine, se développent les papiers
d'identité : sauf-conduit, extrait baptistaire, laissant place
progressivement au passeport qui sert au contrôle par la
maréchaussée des « classes dangereuses » (vagabonds et
mendiants, registres de déserteurs, carnets sanitaires lors de grandes
pestes, étrangers et ouvriers), parallèlement à l'essor du
bertillonnage et de la dactyloscopie35.
33Lire à cet effet, S. Swarrio et D.
Livingston, 1960, Introduction aux statistiques de santé,
Londres, Ltd Edimburg. Cité par R.Harouna, 2009, «
L'état-civil au Cameroun de la période coloniale allemande au
début du XXIème siècle », mémoire de DEA,
Université de Ngaoundéré, p.8.
34 J.P. Gutton, 2010, Établir l'identité :
l'identification des Français du Moyen Âge à nos jours,
Lyon, Presses universitaires de Lyon, p.212.
35 Ibid.
12
La carte nationale d'identité existe dans tous les pays
de l'Union européenne sauf au Danemark et au Royaume Uni, où il
existe un registre de la population, et en Irlande. À l'exception de
l'Italie, de l'Autriche et de la Lituanie, les pays qui ont institué la
carte d'identité ont rendu sa détention obligatoire. Au Portugal,
une seule carte d'authentification (personnelle et unique) tient lieu de carte
nationale d'identité, de carte de sécurité sociale, de
carte de santé, de carte de contribuable et de carte
d'électeur.
Les premières traces de papiers permettant de prouver
l'identité en France apparaissent au XVe siècle. Ce sont des
«passeports» ou «sauf-conduits» qui permettent souvent aux
marchands et aux voyageurs de prouver leur identité durant leurs
déplacements. Ils sont établis en général sur des
feuilles volantes délivrés par des juges, des curés ou des
secrétaires d'État. Ce n'est qu'en 1539 que l'édit de
Villers-Cotterrêts renforcé en 1579 par l'ordonnance de Blois rend
obligatoire la tenue de registres baptismaux, de mariages et de
sépulcres et servent à prouver l'identité d'un individu.
Mais le système d'identification reposait encore essentiellement sur la
reconnaissance orale par des tiers, notables en général, de la
commune où réside l'individu.36
C'est en 1921 que le préfet du département de la
Seine, Robert Leullier, instaure la première carte d'identité
française pour remplacer la pratique qui exigeait la présence de
deux témoins pour toutes démarches. Marquant une étape
décisive dans la rationalisation et l'uniformisation des pratiques
étatiques d'encartement des citoyens, le succès de cette carte
fut mitigé : des problèmes d'ordre matériel ralentissent
sa mise en place, la presse de gauche condamne la prise de l'empreinte digitale
qui assimile le citoyen au délinquant37. Bien que le
préfet Leullier projette de la rendre obligatoire, elle ne reste que
facultative.
Au début de la Seconde Guerre mondiale, avec la loi du
27 octobre 1940, le gouvernement de Vichy reprend l'idée, la
développe et, à la suite des mesures antijuives, la rend
obligatoire et l'étend en 1943 à toute la France38.
Après la grande guerre, la carte d'identité disparaît
partiellement et avec le décret n°55-1397 du 22 octobre 1955, elle
devient facultative sur tout le territoire français incluant alors
l'Algérie. En décembre
36Ibid., p.214.
37Piazza, 2004, p.54. 38 Ibid.
13
1995, la carte dite « sécurisée »,
prévue par un décret du 19 mars 1987, est
généralisée et devient gratuite le 1er septembre 1998.
En Afrique, il est hasardeux et même
démesuré de soutenir qu'il existe un document d'identité
avant la colonisation. Néanmoins, il existait un système
d'identification des personnes soit par caste, ethnie, par le lieu de
provenance (région, royaume etc.) et par généalogie. Le
système d'identification a donc été introduit à
partir du XIXème siècle notamment sous l'impulsion
européenne. L'administration coloniale française, pour
contrôler les déplacements, prélever l'impôt de
capitation sur les « indigènes », prendre des mesures
judicieuses contre des épidémies, des maladies et procéder
au recensement de la population, développa le système
d'identification, notamment l'état-civil en multipliant les centres
d'état-civil au Cameroun. L'état-civil était une sorte de
document d'identité permettant d'identifier les indigènes.
Après les indépendances, plusieurs pays africains se sont
arrimés au système d'identification dit « moderne » en
instituant la carte identité. Une manière d'imiter les
États modernes de l'occident qui, en concevant l'idée de
l'identification de leurs populations, ont tenu compte du contexte social,
politique et économique de leurs pays respectifs. Ainsi, la carte
d'identité telle qu'elle est aujourd'hui dans les différents
États africains, reste un plagiat de celle des Occidentaux. L'Afrique,
continent où l'on retrouve une diversité de cultures, se trouve
face à une identification étrangère « moderne ».
En fait, le problème que nous voulons aborder ici est celui du
système d'identification européen dans une Afrique régie
par des ensembles traditionnels. En clair, nous voulons traiter de la question
de l'acceptation de la carte d'identité nationale dans l'Adamaoua ; car
elle se situe dans un contexte beaucoup plus spécifique où elle
semble ne pas avoir vocation. Par ailleurs, l'existence de la carte
d'identité dans la majorité des pays africains a
été concrétisée par des productions
législatives en la matière réglementant son organisation,
ses caractéristiques, son fonctionnement etc.
IV-CADRE GÉOGRAPHIQUE ET HUMAIN.
Le cadre géographique et humain, retenu pour cette
étude est la Région de l'Adamaoua. Le choix de cet espace
géographique n'est pas fait de façon fortuite car, l'Adamaoua est
l'une des Régions du Cameroun, la troisième par sa taille. Elle
compte cinq départements depuis 1983 et est frontalière du
Nigeria à l'ouest et de la République
14
Centrafricaine à l'est. C'est aussi l'une des
Régions où l'on retrouve, jusqu'ici, des citoyens
réticents à l'égard de la question d'identification. Par
ailleurs, c'est également une Région qui accuse un retard en
matière d'infrastructures administratives. L'évolution de la
structure administrative a favorisé le développement de la
politique d'identification. Ceci s'est traduit dans les faits par la
création des postes d'identification dans les unités
administratives et la mise sur pied des équipes mobiles d'identification
dans l'Adamaoua.
En outre, dans la Région de l'Adamaoua, se côtoient
divers groupes ethniques. Ainsi, on y rencontre les Gbaya, les Mbum, les
Vouté, les Dii, les Nkonja, les Ndoro, les Suga, les Mambila, les Tikar,
les Kali, les Kutin et les Peul. À ces groupes dit autochtones,
s'ajoutent les Bamiléké, les Bamoun, les Béti, les Nso'o,
les Sawa et les Mbamois venus du Sud Cameroun. On note aussi la présence
des Toupouri, Fali, Mafa, Moufou, Kapsiki, Massa, Mousgoum, Moundang et
Kotoko.
V-CADRE CHRONOLOGIQUE.
L'historien Joseph Ki-Zerbo39 affirmait : «
L'historien qui veut remonter le passé sans repère chronologique
ressemble au voyageur qui parcourt dans une voiture sans compteur, une piste
sans borne kilométrique ». Ce travail s'inscrit dans la fourchette
chronologique allant de 1960 à 2013.
1960 est la borne chronologique amont de notre thème.
Elle correspond à l'indépendance du Cameroun sous administration
française. En effet, en 1959 le Cameroun français par un nouveau
statut d'autonomie interne n'était plus représenté dans
les assemblées françaises et avait tous les pouvoirs de
législation, d'administration et de juridiction. La même
année et par ce même statut, la nationalité camerounaise
fut reconnue sur le plan international. Ainsi, lorsque le Cameroun sous
administration française accéda à l'indépendance le
1er janvier 1960, l'accord de tutelle approuvé par
l'assemblé générale des nations unies le 13
décembre 1946 cessa d'être en vigueur40.
39J.Ki-Zerbo, 1978, Histoire de l'Afrique noire
d'Hier à Demain, Paris, éd. Hatier. p.16.
39E.Mveng, 1963, Histoire du Cameroun, Paris,
Présence Africaine, p.124 40 Ibid.
15
C'est dans cette situation que le Cameroun sous administration
française indépendant en 1960 et reconnu comme territoire
souverain, institua la toute première carte d'identité
baptisée sous le nom de « carte identité officielle
».
2013 qui est la borne chronologique aval, est l'année
de la double élection (municipale et législative) au Cameroun. En
fait, dans l'optique d'établir les listes électorales
biométriques et de permettre ainsi à tous les Camerounais ayant
atteint l'âge de voter de prendre part au vote, le Président de la
République a rendu la délivrance de la carte nationale
d'identité gratuite.
VI-INTÉRÊT DU SUJET.
L'identification dans les sociétés et les
communautés contemporaines de par le monde est d'une importance notoire.
Elle constitue l'expression de la culture qui est traduite sous diverses formes
selon l'espace, la communauté, le contexte etc. Pour ce qui est de
l'Afrique et singulièrement du Cameroun, la culture de l'oralité
prédomine dans les sociétés qui le composent,
l'avènement de l'identification de type occidental sous l'impulsion du
colonisateur a permis globalement d'uniformiser les référentiels
identitaires des personnes ; donc dans un premier temps à dresser
l'état-civil et dans un second temps à établir la carte
d'identité d'une personne. La carte d'identité traduit ipso
facto l'identité de son détenteur. Dans cette perspective,
la carte d'identité occupe une place importante dans la
société. Comme l'a si bien fait Pierre Piazza41 en
France, l'on pourrait écrire l'histoire du Cameroun à partir de
la carte d`identité. L'intérêt de mener une étude
sur la carte d'identité nationale est évident parce qu'il
n'existe nulle part une synthèse scientifique produite sur la question
de la carte d'identité dans l'Adamaoua. Le travail produit
représente alors une nouvelle piste de recherche dont l'importance sur
le plan historiographique est notable. Notre souci est de mettre à la
disposition de la communauté scientifique, un document relatif à
la structure, à l'organisation et au fonctionnement de la carte
d'identité nationale du Cameroun. Les productions scientifiques sur la
carte nationale d'identité du Cameroun demeurent parcellaires à
cause de manque de sources.
41 Piazza, 2004. p.55.
16
Au plan fonctionnel, la carte nationale d'identité
constitue l'un des moyens les plus efficaces de contrôle de
l'État. Elle aide non seulement à identifier les
disparités géographiques, sociales et ethniques, mais surtout
à lutter contre l'insécurité. En effet, la carte nationale
d'identité permet de contrôler la mobilité humaine à
l'intérieur du territoire national, de contrôler les
entrées, les sorties et de sécuriser la nationalité. Elle
est un outil qui permet de limiter l'immigration clandestine.
Ce travail étudie la carte nationale d'identité
qui, à notre avis a des implications sociales, économiques,
culturelles et politiques évidentes sur l'histoire du Cameroun. Le
gouvernement camerounais y trouvera certainement des éléments de
réponse positifs à son souci de canaliser les énergies de
tous aux efforts du développement national. Des actions concrètes
pourraient être développées par le gouvernement camerounais
pour améliorer davantage les conditions d'établissement des
cartes nationales d'identité. Il met à la disposition de la
délégation générale de la sureté nationale
(DGSN), de l'institution chargée de l'organisation de élections
au Cameroun (ELECAM)42, des organismes nationaux et internationaux
un ensemble de connaissances théoriques susceptibles de motiver une
restructuration de leurs programmes et de leurs méthodes d'intervention
ainsi qu'une réorientation de leur action sur le terrain. Ainsi, la
délégation générale à la sureté
nationale chargée de l'identification au Cameroun trouvera son compte
dans ce travail, dans le cadre de la sensibilisation de la population qui
jusqu'ici est encore ignorante et réticente à l'identification.
La carte nationale d'identité est un outil important dans une
démocratie bien implantée. Les listes électorales sont
établies à partir de celle-ci. La crédibilité, la
transparence, la prévention des fraudes électorales et la
possibilité pour tous les citoyens de participer à la vie
politique passent nécessairement par l'obtention de cette pièce
officielle.
VII-REVUE DE LA LITTÉRATURE.
Plusieurs chercheurs ont consacré des travaux à
la question de l'identification et ont également traité de la
pièce d'identité dans différents pays. Nous avons eu
recours à certains de leurs écrits pour nous imprégner de
ce qui a été déjà fait par rapport à ce
travail. Certes, ces auteurs n'ont pas spécifiquement orienté
leurs études sur la carte
42Elections Cameroon.
17
nationale d'identité au Cameroun, mais la documentation
disponible est d'un intérêt certain.
Les auteurs se sont intéressés à la
naissance de la pièce d'identité. Chiara Lucrezio43
Monticelli analyse de fond en comble la naissance de l'identification en
France. Ainsi, Chiara précise le contexte de l'avènement de
l'identification en France tout en démontrant l'influence du XVIIIe
siècle comme tournant historique pour l'identification en France
notamment avec des techniques et des instruments d'identification individuelle
encore inédits. Toutefois, l'auteur fait une sociologie des
identificateurs, étudie les pratiques d'identification et analyse les
comportements sociaux face au système d'identification en place.
Pierre Piazza44, à partir de l'exploitation
de très nombreuses archives publiques souvent inédites, cerne,
dans une perspective historique accordant une large place au régime de
Vichy, les enjeux politiques et identitaires qui ont accompagné la mise
en oeuvre en France d'une nouvelle procédure d'encartement
généralisé des citoyens au travers de la diffusion de la
carte nationale d'identité. Retraçant le long processus
d'institutionnalisation de ce document, il décrit avec précision
le rôle déterminant joué par certains acteurs dans la
rationalisation des techniques et des dispositifs d'identification
mobilisés par les pouvoirs publics. L'accent est encore mis sur les
réactions, les débats et les multiples formes de
résistances qu'ont suscitées les différentes entreprises
étatiques d'encartement des nationaux.
Nicolas Mariot et Claire Zalc45
s'intéressent également à l'identification telle qu'elle
fut mise en oeuvre par le régime nazi et ses collaborateurs, mais en
prenant pour « objet » les résidents juifs de la ville de
Lens, sous-préfecture du Pas-de-Calais, durant la Seconde Guerre
Mondiale. Au cours d'une enquête, les deux chercheurs montrent que la
déclaration constituait une étape nécessaire à
l'identification des Juifs comme tels par les autorités, mais que
beaucoup parmi les personnes concernées s'y sont finalement
43 C. L. Monticelli, 2008, « Naissance de
l'identification », La Vie des idées, ISSN : 2105-3030,
http://www.laviedesidees.fr/Naissance-de-l-identification.html.
Consulté le 14 avril 2014.
44 P. Piazza, 2004, « Septembre 1921 : la première
« carte d'identité de Français » et ses enjeux »,
Genèses, n° 54.
45 N. Mariot et C. Zalc, 2010, Face à la
persécution. 991 Juifs dans la guerre, Paris, Fondation pour la
mémoire de la Shoah.
18
soumis. Comme si elles avaient intégré le fait
de ne pas se dire juif ne pouvait en rien les prémunir contre la
stigmatisation et les déportations.
L'essor des papiers d'identité est donc indissociable
de celui de la mobilité. C'est ce que la contribution de Vincent
Denis46 vient confirmer. Celui-ci revient en effet sur l'importance
que revêt la « nébuleuse » de leurs papiers pour les
pauvres au XVIIIème siècle. Vincent Denis rappelle en effet
l'importance de la répression policière vis-à-vis du
vagabondage et de la mendicité. Les papiers remplissent en effet, selon
leur nature, deux fonctions principales : marquer l'appartenance à une
communauté et l'autorisation de circuler.
Dans un article particulièrement édifiant, Ilsen
About47 retrace pour sa part l'essor de la gestion policière
de l'immigration en France, qui s'est essentiellement déroulée
durant l'entre-deux-guerres. C'est en effet à partir de 1917 que les
étrangers installés dans l'Hexagone sont tenus de détenir
une carte d'identité, une décision du ministre de
l'intérieur qui entraîna corrélativement la
généralisation d'une pratique devenue aujourd'hui
générale : les contrôles d'identité. Ilsen About
retrace ainsi les multiples modifications de la réglementation en la
matière : dans la durée et les conditions de délivrance,
notamment le montant de la taxe à acquitter pour sa délivrance ;
du document, les différentes couleurs que pouvaient revêtir le
document, matérialisation de la hiérarchie qui
s'établissait - déjà- aux yeux des autorités selon
l'origine géographique et le secteur d'activité du porteur.
Marie-Annick Mattiolli48, abordant la question de
l'identification en Grande-Bretagne, analyse le projet d'une introduction de la
carte d'identité en Grande-Bretagne énoncé dans le
manifeste du New Labour en 2005. En fait, Mattiolli commence par
rappeler l'origine, en évoquant notamment les deux premières
cartes d'identité qui ont vu le jour pendant les périodes de
guerre, entre 1915 et 1919 pour la première et entre 1939 et 1952 pour
la suivante, et, plus récemment, les diverses évocations de
cartes d'identité depuis les années 1980. Ensuite elle
décrit les principales caractéristiques de
46 V. Dénis, 2008, Une histoire de l'identité
1715-1815, Paris, Champ Vallon.
47 I. About, 2010, Histoire de l'identification des
personnes, Paris, La Découverte, coll. « Repères
Histoire ».
48M. A. Mattioli, 2008, « L'introduction de la
carte d'identité en Grande-Bretagne par le New Labour »,
Observatoire de la société britannique, URL :
http://osb.revues.org/661 ; DOI
: 10.4000/osb.66, consulté le 14 avril 2014.
19
cette carte, qui permettent selon l'auteur de mettre en relief
les objectifs que cherche à atteindre le gouvernement travailliste avec
notamment, la réintroduction de papiers d'identité sur le
territoire britannique.
Dans son ouvrage, Gérard Noiriel 49 pose
logiquement le cadre général, expliquant tout d'abord que
l'identification représente un nouveau paradigme en sciences sociales,
succédant à celui de l'identité, tel qu'il a pu être
développé notamment par l'analyse structuraliste. Après
avoir rappelé l'apport décisif de la philosophie en la
matière, Gérard Noiriel explique en quoi le passage de la
communication orale à celle écrite comme fondement de la culture,
ainsi que l'allongement des chaînes d'interdépendance mis en
évidence respectivement par l'anthropologue et le socio-historien, ont
constitué les facteurs décisifs pour expliquer le
développement du souci étatique d'identifier les individus
circulant sur son territoire.
Ces ouvrages nous sont utiles car, d'emblée, les
auteurs dressent un état ponctuel, aussi complet et précis,
servant ainsi une grille de lecture pour comprendre l'identification dans son
évolution et ses caractères en Europe.
Outre ces ouvrages généraux et européens,
d'autres présentent pour ce travail l'intérêt de se pencher
sur la question de l'identification en Afrique et surtout au Cameroun. Le
juriste camerounais s'est penché sur la question de l'identification
notamment l'état-civil. Siméon Ombiono50 fait un essai
de présentation des dispositions légales ayant trait à
l'homme. Comme le remarque si bien l'auteur lui-même, il ne s'agit pas
d'un recueil exhaustif car, ce sont des lois héritées de la
colonisation française et anglaise qui ne collent pas avec le contexte
et les réalités locales camerounaises. Dans son article sur les
noms et prénoms en Afrique, Siméon Ombiono51
relève, dans une perspective juridique que, sur le continent, le nom a
de fonctions multiples. Il permet d'individualiser la personne, de le classer
dans une famille à laquelle elle se rattache et de le situer dans
l'histoire.
49G. Noiriel, 1993, « L'identification des
citoyens. Naissance de l'état-civil républicain »,
Genèse n° 13, pp. 3-28.
50S.Ombiono, s.d. Textes et lois relatifs
à l'état des personnes, Yaoundé, Multi Media,
collection documents Juridiques.
51 S ; Ombiono, 1982, « Les noms et les prénoms
»,in encyclopédie juridique de l'Afrique, Vol. 6, Droit des
personnes et des familles, Abidjan, NEA, pp. 45-54.
20
Emboitant le pas au droit, la sociologie et l'anthropologie
à travers les auteurs tels que Clémentine
Faik-Nzuji52abordent la question des noms et prénoms contenus
sur les fiches d'identification. Elle examine les différentes
circonstances d'attribution des noms et leurs significations dans la
société.
Henri Tajfel 53 s'intéresse à
l'identité sociale. Il s'interroge sur le contexte amenant les individus
à adopter des comportements intergroupes. Selon Tajfel, le contexte
social et l'identification au groupe sont à la base des comportements et
conflits intergroupes. Il pense que la catégorisation sociale est aussi
un outil de définition de soi. Elle définit la place de
l'individu dans la société. Dans cette optique, les groupes
sociaux offrent à leurs membres une identification d'eux-mêmes au
niveau social. C'est en ce sens qu'il définit l'identité sociale
comme les aspects de l'image de lui-même d'un individu qui proviennent
des catégories sociales auxquelles il perçoit qu'il
appartient.
Turner54et al. s'interrogent sur les circonstances
dans lesquelles un individu est capable de se comporter comme membre d'un
groupe. Dans cet ouvrage, chaque individu se classe dans un groupe dans lequel
se trouvent des références qui lui semblent identiques,
similaires ou interchangeables. Ceci permet à l'individu d'organiser son
expérience de l'environnement social en classifiant soi et autrui dans
des catégories distinctes et exclusives.
Dans son ouvrage, Jean Claude Kaufmann55 retient le
fait que l'identité ne doit pas être envisagée comme une
substance mais comme un processus. Selon lui, l'identité sociale ne
devrait pas être réduite à l'identité biographique.
Kaufmann prend pleinement conscience des effets négatifs que peuvent
engendrer la quête, la revendication d'une identité : repli sur
soi ou explosions confuses et violentes.
En linguistique, on retrouve une grande partie d'études
faites sur les noms et prénoms qui sont les premiers substantifs pour
identifier une personne physique. Les
52 C. Faik-Nzuji, 1993, La puissance du sacré.
L'homme, la nation et l'art en Afrique noire, Paris, Maisonneuve
&Larose.
53H.Tajfel, 1981, Humans groups and social
categories: Studies in social psychology, Cambridge, UK : Cambridge
University press.
54 Turner et al, 1987, Rediscovering the social group: a
self-categorization theory, Oxford : Blackwell.
55 J.C. Kaufmann, 2006, « L'invention de soi. Une
théorie de l'identité », revue interrogation ?,
n°3, pp.32-71.
21
premiers travaux sur les noms de famille sont dus au
philologue et écrivain français Albert Dauzat56. Il en
dégagea les grands principes de cette science dès 1925.
Retel-Laurentin et Horvath57 s'interrogent sur les
motifs de choix de nom en Afrique noire et les classent selon les champs des
activités qu'ils évoquent. Cette contribution a le mérite
de se pencher sur une étude comparatiste des sociétés
africaines notamment les Nzakara de la République Centrafricaine.
Sur le plan historique, les écrits sur l'identification
ne manquent pas. L'article de Hamadou Adama58 analyse la
transformation graduelle des patronymes négro-africains portés
par les Peul en noms et prénoms musulmans avant d'aboutir à la
situation caractérisée par une arabisation
quasi-systématique des prénoms des nouveau-nés dans le
septentrion camerounais. L'historien Haman Tukur Sa'ad59
étudie la signification et les caractéristiques des noms peules
dans l'Adamawa.
Plus fourni apparaît le document du ministère
camerounais de l'information et de la culture60 sur
l'identité camerounaise. Ici, la question de l'identité trouve
son prolongement pratique dans le concept du multiculturalisme qui se donne
pour objectif la reconnaissance des diversités ethniques, culturelles,
religieuses, linguistiques, etc. Elle se trouve dans le nouveau texte
constitutionnel par l'affirmation du bilinguisme égalitaire d'une part,
et par la protection et la promotion des valeurs traditionnelles et langues
nationales d'autre part.
Cette documentation variée est d'un
intérêt non négligeable. Ces ouvrages évoquent d'une
manière ou d'une autre la question de l'identification. Cependant aucun
n'étudie spécialement la carte nationale d'identité dans
l'Adamaoua. Ainsi, si nous avons jeté notre dévolu sur ce
thème, c'est en raison de ce vide que la littérature
56 A. Dauzat, 1925, Traité d'anthroponymie
français-Les noms de famille en France, revu par son élève
Marie Thérèse Morlet, réédité en 1977 par
Guénégaud.
57 R. Laurentin et Horvath, 1972, Les noms de naissance
(indicateurs de la situation familiale et sociale en Afrique noire),
Paris, SELAF 30.
58Hamadou. Adama, 1997, « Les nouveaux
prénoms des peuls du Nord-Cameroun : historique et essai
d'interprétation », Ngaoundéré-Athropos,
Révue de Sciences sociales, vol.2, pp. 19-40.
59H.T. Sa'ad, 1987, « Reflection on
fufuldetopoymy. A study of fulbe towns in old Adamawa » in Annals of
Bornu, vol.4, University of Maiduguri, pp. 7- 24.
60 Ministère de l'information et de la culture, 1985,
L'identité culturelle camerounaise, Yaoundé, Direction
des affaires culturelles. Ce document est publié suite à un
colloque organisé à Yaoundé sur l'identité
camerounaise en 1985, sous le haut patronage du Ministère de
l'information et de la culture.
22
camerounaise accuse dans ce domaine. Néanmoins, ces
ouvrages recensés ne rendant pas véritablement compte des
épisodes saillants et de l'évolution de l'identification au
Cameroun, nous ont permis tout au moins d'orienter ce travail.
VIII-PROBLEMATIQUE.
L'institution de la carte nationale d'identité au
Cameroun après l'indépendance, s'inscrit dans une logique de
construction de l'État. Cette pièce d'identité qui semble
entrer par effraction dans une société
hétérogène régie par les normes et les valeurs
traditionnelles a été, dès son avènement,
confrontée aux difficultés d'ordre social, politique et
administratif dans l'Adamaoua. Difficultés auxquelles les
autorités politiques et administratives n'ont pas jusqu'ici
trouvé de solutions adéquates. En outre, les années 1960,
1970 et 1980 sont caractérisées par une indolence des populations
de l'Adamaoua à l'égard de la carte nationale d'identité.
Contrairement, les années 1990 et 2000 sont marquées par une
précipitation des citoyens dans les postes d'identification. De ce
paradoxe, est née la question de l'acceptation de la carte nationale
d'identité dans l'Adamaoua. Quelles sont les raisons qui expliquent la
réticence des citoyens vis-à-vis de la carte nationale
d'identité pendant les trois premières décennies de son
institution et la quête d'une identité officielle à partir
des années 1990 dans l'Adamaoua ? Toutefois il sera question de
restituer quelques séquences de l'histoire du Cameroun à travers
la carte nationale d'identité. Un accent sera également mis sur
les éventuelles réactions de la population et les écueils
liés à l'établissement de la carte nationale
d'identité dans l'Adamaoua.
IX-OBJECTIFS DE LA RECHERCHE.
Le choix d'un sujet comme le nôtre répond
à des visées multiples et variées. Il se propose de
contribuer au débat sur l'identification officielle au Cameroun avec
pour perspective d'aborder une réflexion et des questions pouvant
surgir, face à la frustration éprouvée devant les sources
inexistantes ou très déficientes au Cameroun. Notre ambition,
dans une perspective pratique, consiste à tenter de comprendre le
présent à partir du passé relativement récent du
Cameroun. Plus spécifiquement, il sera question de :
23
- Faire ressortir les repères historiques des
pièces d'identité au Cameroun tout en étudiant le contexte
d'avènement de la carte nationale d'identité et les
différentes modifications qu'a connu ce document.
- Étudier l'identification dans l'Adamaoua et analyser les
différentes réactions de la population.
-Faire un bilan de l'identification et relever les écueils
de la politique d'identification dans l'Adamaoua.
X-METHODOLOGIE.
Thuillier et Tulard relevaient61 : « Pas
d'histoire sans source... ». Nous n'avons pas failli à cette
tradition. Le sujet que nous étudions s'appuie amplement sur des sources
écrites et les sources orales.
En ce qui concerne les sources écrites, nous avons
exploité les documents qui ont un rapport plus ou moins étroit
avec le sujet en question. Les sources écrites sont essentiellement des
ouvrages, des thèses, des documents d'archives, des mémoires, des
lois et décrets, des articles, des rapports et certains journaux.
À cet effet, la recherche des documents écrits a
été réalisée dans les bibliothèques de
l'université de Ngaoundéré notamment à la
bibliothèque centrale, à la bibliothèque de la FALSH et au
programme Ngaoundéré-Anthropos. Dans la ville de
Ngaoundéré, nous avons consulté les ouvrages à la
bibliothèque de SawtuLinjila.
S'agissant des documents d'archives, la collecte des
données archivistiques s'est faite aux Archives Nationales de
Yaoundé, dans les postes d'identification les plus anciennement
créés de la Région de l'Adamaoua, dans les
sous-préfectures et dans les commissariats.
L'enquête orale a été menée dans la
région d'étude auprès des autorités
administratives, militaires, traditionnelles, des personnels des postes
d'identification et des populations. Cette catégorisation des
informateurs a facilité la collecte des données car,
auprès de chaque informateur, nous savions exactement sur quoi
conduire
61G.Thuillier et J. Tulard, 1986, La
méthode en histoire, Paris, PUF, p. 78.
24
l'entretien. La collecte des informations était
réalisée à partir des entretiens et des interviews portant
sur des questions spécifiques. Cette démarche a un avantage dans
la mesure où, elle permet d'entrer en profondeur des problèmes
posés afin de saisir la substance du document à étudier.
Un autre avantage lié à l'entretien est celui de juger les signes
physionomiques de l'interlocuteur. Durant les entretiens, le mutisme des
informateurs sur certaines questions soit dit gênantes, permettait de
tirer certaines conclusions dans l'attente de leur vérification. Les
démarches d'entretien et d'interview étaient adaptées aux
stratégies de collecte des informations sur la question de la carte
nationale d'identité, les formes de résistances de certaines
personnes et les difficultés liées à
l'établissement et à l'obtention de cette pièce dans la
région de l'Adamaoua.
Une autre contrainte liée à l'adoption de la
démarche par échantillonnage est le temps insuffisant
accordé à la recherche de terrain. L'on n'a cessé de le
dire, le temps du Master est extrêmement court. La
péréquation entre le temps de recherche de terrain et l'espace
à parcourir est disproportionnée car, la région de
l'Adamaoua s'étend sur 63701km2 et compte 16 postes
d'identification. Il a été donc nécessaire de
procéder par échantillonnage pour réaliser ce travail.
Néanmoins, les données orales collectées auprès des
informateurs ont été essentielles pour la rédaction de ce
mémoire de Master.
Du point de vue de l'analyse des données, nous avons
mis en exergue l'approche diachronique et synchronique. L'approche synchronique
a consisté à organiser les informations ou les données
collectées sur le terrain en centre d'intérêt. Ce qui a
facilité dans une certaine mesure la compréhension, l'explication
et l'interprétation des faits. Un autre mérite de cette
démarche synchronique est qu'elle permet de simplifier les variables
pour retenir comme vérité historique, le noyau dur des
informations recueillies. Conscient également du fait que, la question
de l'identification est un champ culturel, la démarche synchronique a
permis de comparer les informations autour d'un centre d'intérêt
pour ne retenir que les informations concordantes.
L'approche diachronique a permis de situer chaque fait dans
son contexte historique afin de dégager la dynamique de
l'établissement des cartes nationales d'identité dans la
région de l'Adamaoua. Cette analyse évolutive de l'identification
a permis de placer les faits recensés dans leur contexte. De plus, nous
avons également associé à la démarche
susmentionnée, une approche pluridisciplinaire et
25
interdisciplinaire. Les travaux de la sociologie,
d'anthropologie, de la science politique, de la géographie et du droit
ont été consultés et associés à ce
travail.
Au chapitre des difficultés rencontrées dans la
réalisation de ce travail, nous avons été confronté
aux problèmes de la langue car, nous ne maîtrisons pas le
fufuldé qui est la langue principale de communication dans la
Région de l'Adamaoua. Pour pallier cette difficulté, nous avons
souvent sollicité l'aide d'un interprète. Dans les centres de
documentation de la région, il y a un manque criard d'ouvrages
spécifiques portant sur l'identification officielle au Cameroun.
Quelques travaux académiques, trouvés à
Ngaoundéré-Anthropos, portent essentiellement sur
l'état-civil. Pour surmonter cette difficulté, les données
écrites ont été renforcées par les enquêtes
orales réalisées auprès des acteurs de l'identification et
auprès des autorités administratives de la région de
l'Adamaoua.
L'identification des Camerounais est assurée par la
police camerounaise. Dans l'acception commune, la police est un corps muet qui
ne se livre pas facilement au jeu de question/réponse qui anime tout
chercheur en sciences sociales. Il a été particulièrement
difficile de recueillir les informations auprès de la police car, pour
qu'un agent parle, il faut au préalable, une autorisation de sa
hiérarchie. Tout au départ, on envisageait passer par voie
formelle, c'est-à-dire passer par voie hiérarchique notamment les
commissaires de police, les chefs de poste d'identification afin qu'ils
puissent mettre à notre disposition, les éléments
susceptibles de nous renseigner sur les questions essentielles pour la
réalisation de ce travail.
Face à cette difficulté, nous avons
réorienté notre stratégie de collecte des données
en interrogeant ces personnels en dehors de leurs services et de façon
individuelle. C'est ainsi qu'on a pu interroger, les agents operateurs de
photographie et les chefs des postes d'identification. Une autre
difficulté, pas de moindre est celle du manque des moyens de transport
dans certains localités de la Région de l'Adamaoua. Ce qui rend
particulièrement difficile les déplacements pour la recherche. Le
mauvais état des routes reliant certaines villes de la Région et
le nombre insuffisant des véhicules font en sorte que, le chercheur ne
peut maîtriser son calendrier de recherche car il est soumis aux caprices
des automobilistes. C'est ainsi que, nous avons mis deux jours sur le
tronçon
26
Tibati/Banyo. Le piteux état des véhicules,
combiné au mauvais état des routes rendent la recherche
tortueuse.
Ce travail réalisé à partir des
enquêtes orales et la collecte des sources écrites, souffre du
manque des données iconographiques et des synthèses de production
des postes d'identification. Cependant, malgré le mauvais état
dans lequel se trouvaient certaines archives, nous nous sommes quand même
imprégné de leurs contenus.
Toutefois, les données collectées à
partir des sources écrites et orales ont été suffisantes
pour la réalisation de ce travail. Pour mieux appréhender les
données collectées sur le terrain, nous les avons
organisés autour de trois chapitres :
Le premier chapitre porte sur l'institutionnalisation de la
carte nationale d'identité au Cameroun. Il analyse le contexte
d'avènement de la carte d'identité au Cameroun tout en soulignant
les différentes modifications qu'a connues ce document
d'identité. L'analyse met en relief les procédures et les acteurs
d'identification
Le deuxième chapitre porte sur l'identification dans la
Région de l'Adamaoua. Il analyse les pratiques d'identification dans
l'Adamaoua. Ces pratiques sont conjoncturelles et dépendent de
l'évolution de la structure administrative de l'Adamaoua. Ils
dépendent également de la politique d'identification au
Cameroun.
Le chapitre trois en définitive aborde le bilan de
l'identification dans l'Adamaoua. Il analyse l'impact de l'identification dans
l'Adamaoua et soulève les questions liées à la politique
d'identification.
CHAPITRE I:
INSTITUTIONNALISATION DE LA CARTE NATIONALE
D'IDENTITÉ AU CAMEROUN
28
Historiquement, les systèmes d'identification les plus
anciens permettant de prouver l'identité d'une personne physique sont
ceux de l'état-civil suivi de la carte d'identité classique et du
passeport ordinaire. Dans ces systèmes, l'identification, qui correspond
à une logique de reconnaissance juridique des citoyens par
l'État, se concrétise par l'établissement administratif
d'identifiants comme le nom, le prénom, la date de naissance, le sexe et
le lieu de naissance,
etc. et leur stockage dans des supports en
papier. Délivrés par les pouvoirs publics (maires, officiers de
police, etc.), les premiers documents d'identité étaient
détachés dans des cahiers dont les souches sont en
général gardées par l'administration. Cette conservation
facilitait les vérifications en cas de contrôle et garantissait
l'authentification du citoyen.
De nos jours, les questions d'identification, qui
traditionnellement étaient considérées comme des questions
administratives et policières, sont devenues des enjeux majeurs pour le
renforcement de l'État de droit et le développement
économique d'un pays. En effet, sans possibilité de savoir avec
le degré requis de certitude à qui l'on a affaire, les
transactions et le contrôle de l'intégrité et de
l'accès à un bien tangible ou à un service sont plus
risqués et plus difficiles à réaliser. De même, il
est beaucoup plus complexe pour lutter contre la fraude à
l'identité et le crime. C'est pour gérer ces risques liés
à la traçabilité des transactions et instaurer un
véritable État de droit, ainsi que la confiance dans les
échanges économiques que les gouvernements et les organismes
publics et privés fournissant aux citoyens des droits et des services
ont, de nos jours, fait de l'identification sans équivoque des personnes
physiques une priorité majeure pour un contrôle permanent de
l'intégrité et de l'accès à ces droits et services.
Ce besoin d'identification des personnes physiques avec précision, a
ainsi conduit la plupart des pays, le Cameroun particulièrement,
à la mise en place des systèmes d'identification fiables et
l'instauration de la carte nationale d'identité pour l'authentification
de leurs citoyens. Ce document d'identité qui représente la
preuve de l'identité du citoyen doit être présenté
chaque fois que c'est nécessaire par celui-ci pour faire valoir ses
droits ou avoir accès à certains biens ou services.
Dès lors qu'elle s'inscrit dans une perspective de
longue durée, de la colonisation aux récents débats autour
du 11 septembre 2001, l'histoire de la carte d'identité et de
l'identification s'impose avec acuité et comme un domaine de recherche
aux applications nombreuses. Parallèlement, elle souffre de ses contours
instables qui
29
sont sans cesse susceptibles de révision sur le plan
politique, administratif, culturel et juridique. En effet, il est question dans
ce chapitre de reconstruire le cadre historique pour rendre intelligible les
variétés des phénomènes liés à
l'élaboration d'un nouveau modèle d'identification au Cameroun.
En s'inspirant du travail de Gérard Noiriel1 qui met en
exergue les interactions entre institutions et sociétés, il sera
question de parcourir la genèse du nouveau « savoir de
l'État » à l'aune du concept d'identification. Les
changements politiques et administratifs du Cameroun entre 1960/1961 et 1990
qui touchent les aspects cruciaux de l'existence de la population sont en fait
précurseurs de la dynamique de la politique d'identification au Cameroun
depuis 1960. Toutefois, en se penchant sur les années 1960 en
étroite corrélation avec les notions de nationalité,
citoyenneté et d'identification, nous allons nous imprégner de
l'historiographie contemporaine et des différentes productions
législatives relatives à la carte nationale d'identité
pour déceler le contexte d'avènement de la carte nationale
d'identité au Cameroun. Il s'agit de décrire les enjeux
politiques et identitaires qui ont accompagnés la mise en oeuvre au
Cameroun d'une nouvelle procédure d'encartement
généralisée des citoyens au travers de la diffusion de la
carte nationale d'identité. En retraçant le processus
d'institutionnalisation de ce document, nous allons décrire avec
précision le rôle déterminant joué par les
productions législatives dans la rationalisation des techniques et des
dispositifs d'identification mobilisés par les pouvoirs publics et
analyser l'évolution des énonciations de la carte nationale
d'identité. Tout en mettant en lumière l'historique de
l'identification des Camerounais, l'organisation et le fonctionnement du
système d'identification officielle du Cameroun seront
examinés.
I-Historique des pièces d'identité
officielles du Cameroun (1922-1960).
Introduite par les Allemands et développée par
les Français et les Anglais, vainqueur pendant la première guerre
mondiale, l'identification de la population de manière
générale au Cameroun prend un tournant important à partir
de 1916 et surtout en 1922 avec la présence effective de
l'administration coloniale française via le mandat de la SDN.
1G. Noiriel, 2007, L'identification. Genèse
d'un travail d'État, Paris, Belin.
30
Aux termes des dispositions de l'Article 22 de la
SDN2, le régime de mandat trouve son fondement dans
l'incapacité reconnue aux populations camerounaises de s'administrer
elles-mêmes, après le départ des Allemands. Aux termes du
principal droit reconnu à la France comme puissance mandataire, elle
avait plein pouvoir de législation et d'administration sur le
Cameroun.
À partir de 1923, de nombreux textes législatifs
et réglementaires interviennent pour consacrer la diversité des
statuts et droits privés de personnes établissant ainsi la
distinction entre les français et les administrés (Camerounais).
Ainsi, dans ce contexte de colonisation, le concept d'identification mis sur
pied par la puissance mandataire n'est qu'en fait le fichage des
caractéristiques, des traits, ou des référentiels
identitaires d'une personne. En d'autres termes, il était question
d'unification des faits et actes liés à l'identification d'un
individu dans le but de créer « des papiers d'identité
» de celui-ci. L'identification de type occidental était
organisée autour de deux systèmes : l'état-civil et la
carte de résidence en métropole.
1. L'état-civil de l'époque coloniale.
L'avènement de l'identification de type occidental au
Cameroun, comme dans d'autres pays africains, s'est fait dans un contexte de
colonisation. La reconstruction identitaire a constitué un instrument
majeur de la domination coloniale. Pendant la période coloniale, le
discours de légitimation de la colonisation s'articule, pour
l'essentiel, autour de l'idée d'une entreprise de civilisation. Il ne
s'agissait pas de dominer ni d'exploiter mais de tirer les peuples
colonisés de la barbarie. Ce discours est porteur d'un projet
élaboré de reconstruction identitaire sur le dogme de la
supériorité du modèle européen de civilisation
illustré par les trois vecteurs principaux de l'identité : la
race, la religion et la culture. Les éléments retenus qui
différencient chaque personne des autres au plan de la jouissance et de
l'exercice des droits civils sont : la nationalité, le mariage, la
parenté, le domicile, l'alliance, etc.3
2 Article 22 « La colonisation constitue une mission
sacré de civilisation puisqu'elle vise à assurer le
bien-être et le développement des hommes. Les peuples
libérés de l'occupation allemande et turque, qui ne sont pas
capable de s'administrer eux-mêmes reçoivent les conseils et
l'aide d'un État développé. Ce dernier intervient et agis
pour le compte de la SDN... »
3 AMC, Cameroun français, arrêté portant
organisation de l'état-civil indigène, 1er
mars1935.
31
Bien que les Allemands aient créé un
système d'administration et un système judiciaire,
l'état-civil n'était pas bien mis sur place. Ainsi après
le départ de l'administration allemande du Cameroun et l'annexion
immédiate de la France et de la Grande-Bretagne, l'état-civil va
se mettre en place progressivement. Le Cameroun sous administration
française, dont fait partie l'Adamaoua, va connaître
l'implantation progressive d'un système d'identification de la
population qui aboutit à la mise en place de l'état-civil dans
les centres urbains essentiellement4. Il s'agit des
opérations de collecte de données menées par
l'administration coloniale française dont le but est de
déterminer non seulement le nombre d'imposables, mais aussi renforcer
davantage la politique de « diviser pour mieux régner » dans
la mesure où, à cette époque, l'administration coloniale
française avait organisé uniquement un état-civil pour les
indigènes par les arrêtés du 30 juin 1917, du 16 mars 1935
et celui du 17 décembre 1948.
Dans les années 1920, l'état civil pour le
recrutement extérieur des citoyens français à des fins de
conscription est mise en place. Les premiers centres d'état-civil sont
apparus dans l'Adamaoua sous administration française dans le contexte
du développement des infrastructures administratives entre les deux
guerres (1914-1918 et 1939-1945)5. Les principaux centres
d'état-civil de l'Adamaoua furent installés dans les chefs-lieux
des circonscriptions administratives tels que, Banyo, Ngaoundéré,
Tibati, Meiganga et Tignère.
Dans les registres d'état-civil de cette
période, on peut ainsi voir dans les fiches d'acte de naissance, la
disposition des éléments qui fournissent des renseignements sur
l'identification d'une personne. L'on a :
-Date de naissance .
-Sexe de l'enfant
-Nom et prénom de l'enfant
-Noms, prénoms, âge, profession, domicile, race
de la mère et du père, ceux-ci étant substitués
dans le cas des naissances hors mariage par le chef de famille
maternelle .
4 H. Roger, 2009, « L'état-civil au Cameroun de la
période coloniale allemande au début du XXIe siècle
», mémoire de DEA, université de Ngaoundéré,
p. 68.
5 Ibid.
32
-Noms, profession et domicile du déclarant et des
témoins
La notion de race, qui apparaît sur les fichiers
d'état-civil, trahit la politique coloniale au Cameroun et traduit
clairement la théorie de la race supérieure que prônaient
les colons. Cependant, l'entrée en métropole des Camerounais
pendant la période coloniale était conditionnée par un
autre document d'identité. Il s'agit de la carte de résidence en
métropole.
2. La carte de résidence en Métropole.
D'emblée, il est important de souligner pour
éviter tout malentendu dans cette partie que le Cameroun colonial n'a
pas connu le développement des infrastructures destinées à
l'établissement de la carte d'identité. Cependant, pendant la
colonisation seuls quelques Camerounais déplacés en
métropole ont connu les pratiques d'identification centrées sur
la carte d'identité, carte de séjour ou encore carte de
résidence. En fait, après la deuxième guerre mondiale, la
question de l'identification des indigènes devient celle de
l'accès à la nationalité, au droit de séjour et au
travail pour les migrants. L'accès à la citoyenneté, et
donc au droit de vote, devient la clé de la souveraineté sur le
territoire. Se mettent alors en place une succession de structures et de
procédures pour établir des listes d'indigènes, citoyens
français et « protégés français », en
particulier autour de manipulations administratives de l'état civil.
L'objectif de l'administration est alors de choisir les
«indigènes» parmi la masse des demandeurs de
nationalité et de citoyenneté, pour contrôler à
travers la population «régulière», la situation
politique locale et la présence française dans les
colonies6.
C'est dans le contexte de la régulation d'entrée
et de séjour des migrants coloniaux après 1945 en France, que la
carte de résidence et la carte de séjour ont été
instituées pour identifier les immigrés et ceux des colonies en
particulier. Ainsi, au-delà des droits politiques et civiques auxquelles
elle donne accès, la citoyenneté recouvrait également dans
les possessions françaises, la possibilité de se déplacer
de la colonie pour la métropole tout en étant astreint de
présenter un document attestant de la
6 A.Spire, 2003, « Semblable et pourtant
différents. La citoyenneté paradoxale des « Français
musulmans » en métropole », Genèse, n°
53, p.56.
33
légitimité de sa présence sur le
territoire7. Le droit reconnu aux colonisés de se
déplacer en métropole et d'être contraints de se conformer
aux pratiques policières d'identification se trouve donc au coeur de la
différenciation entre les immigrants coloniaux et les Français.
Il existait en France à partir de l'adoption de la constitution du 27
octobre 1946, trois catégories de migrants coloniaux : Les
protégés français qui sont les Tunisiens et les Marocains,
les ressortissants des territoires associés tels que les originaires
d'Indochine, du Togo et du Cameroun et enfin les ressortissants des
départements et des territoires d'outre-mer. Les ressortissants
marocains et tunisiens ne sont pas soumis à l'ordonnance du 2 novembre
1945 sur l'entrée et le séjour des étrangers en France.
Néanmoins, ils doivent être porteurs d'une carte d'identité
dite de « protégé français », valable pour la
durée de leur séjour en France, ceci en application du
décret du 29 juin 1938 qui précise leur statut en
métropole.
Pour le cas des Camerounais qui nous intéresse dans
cette partie, ils sont soumis lorsqu'ils résident en métropole,
à un statut juridique plus favorable que celui des Marocains et des
Tunisiens. Ils ont une nationalité propre, mais
bénéficient d'une « citoyenneté de l'Union
française » qui leur permet d'être électeurs et
éligibles aux Assemblées politiques de l'Union française.
Jusqu'à la fin de l'année 1952, ils dépendent du
ministère de la France d'outre-mer puis sont soumis à
l'ordonnance du 2 novembre 1945 sur l'entrée et le séjour des
étrangers en France. Même s'ils bénéficient toujours
d'un régime de séjour privilégié : lorsqu'ils
arrivent en métropole, ils sont mis à l'obligation de
détenir un document d'identification spécifique et peuvent, s'ils
en font la demande, en obtenir une « carte de résidence de citoyen
de l'Union française » valable pour dix ans, délivrée
par la préfecture de leur lieu de résidence. Dans un premier
temps, le seul obstacle que rencontrent ces migrants camerounais nouvellement
promus citoyens tient au soupçon concernant l'exactitude de leur
état-civil. Dans la plupart des cas, l'employé de
préfecture adresse une demande de vérification au maire de la
commune dont le migrant est originaire et cette procédure prend parfois
du temps8.
Cependant, une fois ces formalités remplies, ils se
voient délivrer des cartes de résidence portant des mentions
spéciales susceptibles de les différencier de celles des
7Spire, 2003, p.57. 8 Ibid., pp.57-60.
34
autres immigrés et des Français. Sur ce document
d'identification sont disposés les éléments suivants :
-Nom (éventuellement : Épouse pour les femmes)
-Prénom .
-Né (e)
-Provient de
-Fils ou Fille de
-Nationalité .
-Situation familiale
-Date d'entrée .
-Profession
-Adresse .
-Signalement .
Etc.
Au demeurant, la carte d'identité n'était pas
connue unanimement de tous les Camerounais pendant la période coloniale.
Tout ce que l'on peut dire c'est que le système d'identification de type
occidental en vigueur au cours de la période coloniale au Cameroun
était uniquement centré sur l'état-civil indigène.
Néanmoins, les immigrés camerounais en métropole ont connu
la carte de résidence, un document d'identification semblable à
la carte d'identité. L'obtention de cette pièce étant
obligatoire pour tous les immigrés en métropole fut alors un
instrument destiné à contrôler l'identité des
Camerounais qui franchissent les frontières françaises.
Dès lors, à partir de 1960, le Cameroun français en
accédant à l'indépendance mit sur pied un système
d'identification des citoyens. Il est question donc de l'institution de la
carte nationale d'identité.
35
Photo 1: Échantillon d'une carte de
résidence du citoyen de l'union française en
métropole
(c) : Alex Spire, 2003.
II-Institution et évolution de la carte
nationale d'identité au Cameroun
de 1960 à 2007.
Une minutieuse analyse formelle et matérielle des
documents d'identité au Cameroun depuis la période coloniale
permet de découvrir l'évolution de la carte nationale
d'identité qui, de l'état-civil (acte de naissance)
concédé par un officier d'état-civil dès la
naissance d'un individu, se transforme en certificat durable émis par un
bureau créé à cet effet : il s'agit d'un support papier
sur lequel sont annotées des informations de plus en plus
détaillées sur l'identité du possesseur. Bien plus tard,
ce cadre informatif sera renforcé par un support plus
sécurisé. Un tel changement implique nécessairement
l'élaboration d'un code permettant de décrire un individu sur la
base de critères esthétiques et moraux. Dans la poursuite
incessante d'une objectivité maximale
36
de tels critères, ce sont surtout les
caractéristiques physiques qui finissent par jouer un rôle
privilégié pour signaler les personnes.
Les années 1960 et 1990 au Cameroun marquent un
tournant historique pour l'identification. C'est au cours de ces années
que s'articulent et s'élaborent des techniques et des instruments
d'identification individuelle. Le critère de l'appartenance à la
communauté nationale défini par la constitution, avec les droits
et les devoirs qui en dérivent, se greffe en réalité sur
un substrat de savoirs et de pratiques qui sont peu connus de la population.
Trois événements majeurs sont tributaires de l'histoire de la
carte nationale d'identité : l'indépendance du Cameroun sous
administration française le 1er janvier 1960 caractérisée
par une réelle volonté de construction d'un État
souverain, la réunification en 1961 notamment avec la question de la
nationalité du Cameroun et 1990 caractérisée par
l'ouverture démocratique et la lutte contre
l'insécurité.
1-Législation et conditions d'établissement
de la carte nationale d'identité au Cameroun.
Le passage de l'identité à l'identification a
permis d'ouvrir toute une série de législations. Les textes ont
constitué un facteur décisif dans le développement du
système d'identification au Cameroun. L'étude des textes relatifs
à l'identification en général et de la carte nationale
d'identité en particulier permet de mettre en relief le processus de la
mise en place du système d'identification des citoyens camerounais. En
effet, l'essor des papiers d'identité est indissociable de la
législation mise sur pied par l'État. C'est en principe
l'État qui définit la politique d'identification dans le but de
sécuriser la nationalité et l'identité des personnes. La
mise en place des textes relatifs à la carte nationale d'identité
reste cependant intéressante à étudier. Par ailleurs, une
manière de réfléchir sur le fonctionnement du
système d'identification du Cameroun, il importe de faire une certaine
analyse de la procédure d'établissement de la carte nationale
d'identité.
37
1-1. Les décrets et les lois instituant,
organisant et contrôlant la carte nationale d'identité au Cameroun
(1964-2007).
Au Cameroun, la période postcoloniale qui débute
à partir de 1960, est envisagée comme une période de
configuration politique et sociale particulière. Cette période
présente des caractéristiques spécifiques du point de vue
de la mise en oeuvre de l'action politique et juridique. C'est dans cette
optique qu'est né le système d'identification par le biais des
lois et décrets traduisant ainsi l'idée républicaine du
politique. Il s'agit d'inventorier les textes les plus importants qui
régissent l'établissement de la carte nationale
d'identité, tout en analysant leurs contenus. Ainsi, avant de parler des
textes régissant la carte nationale d'identité, il est important
d'expliciter, au préalable, le texte de base de la nationalité,
puisqu'il s'agit de la sécurisation de cette nationalité.
Chaque État souverainement reconnu définit les
lois régissant l'attribution de la nationalité et
détermine ainsi qui sont ses nationaux. L'accession du Cameroun
français à l'indépendance en 1960 a levé les doutes
sur l'existence d'une nationalité camerounaise et a rendu indispensable
l'édiction d'une législation sur cette matière. Le code de
la nationalité camerounaise comme tous les codes de nationalité,
consacre une série d'articles à la nationalité d'origine,
c'est-à-dire à la nationalité conférée
à un individu au moment de sa naissance. Le problème est de
savoir quel est le critère adopté pour déterminer cette
nationalité d'origine. Les techniques sont en nombre limité ou
bien le législateur tient compte de la filiation (jus
sanguinis) ou bien il se base sur le lieu de naissance (jus
solis); ou bien encore, il combine ces deux critères. Le code de
nationalité camerounaise exige que l'enfant légitime soit
né de « parents camerounais » sans donner une
prééminence quelconque au père. Le pluriel semblerait
indiquer que le père et la mère doivent posséder la
nationalité camerounaise. Mais le rapprochement des articles 7 et 20 du
code de la nationalité camerounaise9 montre que le
père a une prédominance absolue puisque l'enfant possède
sa nationalité même si la mère est étrangère
alors que la nationalité camerounaise de la mère ne suffit pas
à conférer à l'enfant cette nationalité lorsque
le
9 Voir le code de la nationalité camerounaise de 1968.
38
père est étranger. Ces règles sont
conformes aux coutumes en vigueur au Cameroun (soudanaises dans le nord,
bantoues dans le sud et Bamiléké dans l'ouest).10
De plus, la combinaison des deux critères dispose que
l'enfant trouvé sur le territoire camerounais et dont les parents sont
inconnus possède la nationalité camerounaise sauf s'il y a
possibilité d'établir ultérieurement sa filiation. Par
ailleurs, la nationalité camerounaise peut être acquise par effet
de mariage, par déclaration de nationalité en raison de
naissance, de résidence ou de l'adoption d'un enfant ou encore par
réintégration des parents11.
Dans la pratique, les magistrats de la juridiction civile sont
les autorités habilitées à délivrer un certificat
de nationalité camerounaise qui, en principe, constitue le document
essentiel pour l'établissement et la délivrance d'une carte
nationale d'identité au Cameroun. Cependant, il est judicieux d'examiner
les lois et les décrets relatifs à l'institution, à
l'organisation et au contrôle de la carte nationale d'identité au
Cameroun.
La loi est une disposition normative et abstraite posant une
règle juridique d'application obligatoire. On distingue d'une part, les
lois constitutionnelles qui définissent les droits fondamentaux, fixent
l'organisation des pouvoirs publics et les rapports entre eux, les lois
organiques qui structurent les institutions de la république et
pourvoient aux fonctions des pouvoirs publics et d'autre part, les lois
ordinaires12. Le décret quant à lui, est un acte, un
arrêté, une décision du pouvoir exécutif ayant pour
but d'assurer le fonctionnement des services publics et l'exécution des
lois. Le décret est donc un complément de la loi, et se
différencie de cette dernière du fait que les lois sont
votées par les Assemblées législatives, tandis que les
décrets sont rendus par les chefs d'État ou de
gouvernement13. Dans le cadre de ce travail, nous allons nous
appesantir sur les lois organiques qui structurent la carte nationale
d'identité au Cameroun.
10 M. Biéville, 1961, «La nationalité en
Afrique : la nationalité camerounaise », Revue
d'outre-mer, p. 600.
11 Voir le code de la nationalité camerounaise,
précisément le chapitre3, les paragraphes 1 ; 2 et 3.
12 Dictionnaire Universel Larousse, 1997, p. 926.
13 Ibid., p.431.
39
L'état-civil est le document de base pour
l'établissement d'une carte nationale d'identité au Cameroun.
Né des cendres des arrêtés coloniaux du 30 juin 1917, du 16
mars 1935 et du 17 décembre 1948, la loi n°68/LF/2 du 11juin 1968
portant organisation de l'état-civil dans la république
fédérale du Cameroun est le premier texte relatif à
l'identification officielle au Cameroun. En effet, cette loi définit les
modalités et les caractéristiques d'enregistrement et
d'établissement des actes de naissance qui sont les documents de preuve
de la nationalité camerounaise. Dans la composition de dossier de
l'établissement d'une carte nationale d'identité, l'absence de
l'acte de naissance compromet la délivrance de celle-ci. C'est pourquoi
un intérêt public de cette loi s'attache à ce que toute
personne vivant habituellement au Cameroun, même si elle est née
à l'étranger soit pourvue d'un acte de naissance, ce qui
garantirait, à cet effet, sa nationalité camerounaise. Cependant,
pour mieux appuyer la politique d'identification au Cameroun, la loi
n°69/LF/3 du 14 juin 1969 portant réglementation de l'usage des
noms, prénoms et pseudonymes complète celle sur
l'état-civil. Cette loi vient ainsi sécuriser et officialiser
l`identité des citoyens camerounais. Elle stipule en son article 1 que :
« les agents publics sont tenus de designer les citoyens dans les actes
officiels par leurs noms, prénoms et éventuellement leurs surnoms
». De ce qui précède, il faut noter que le nom est un
élément essentiel pour l'établissement de la carte
nationale d'identité au Cameroun. C'est le premier identificateur.
Le décret n° 64-DF-394 est celui qui institua la
carte nationale d'identité au Cameroun. Par ce décret, la
délégation à la sûreté fédérale
(DSF) est l'organe tutélaire de l'établissement des cartes
nationales d'identité au Cameroun. Ainsi, ce décret
précise que la carte nationale d'identité est
délivrée par les commissaires et les chefs de circonscriptions
territoriales auxquels le directeur de la sûreté
fédérale délègue sa signature. Par ailleurs, la
validité de la carte nationale d'identité est
précisée dans ce décret à 10 ans14. Au
cours de la même année, la loi n° 64-LF15, rend la
possession de la carte nationale d'identité obligatoire pour tout
citoyen camerounais ayant atteint l'âge de 18ans. Désormais, la
carte nationale d'identité doit être présentée
à toute réquisition de l'agent de la force de l'ordre. La
contravention (falsification, cession, contrefaçon du document
d'identité) à ladite loi, est punie soit d'une amende de 60000
FCFA ou d'un emprisonnement ne pouvant excéder un an. Ensuite, la loi
n° 90-54 du 19
14 Voir article 3 et 6 dudit décret.
15 Voir la loi n° 64-LF du 13 novembre 1964 rendant
obligatoire la carte nationale d'identité.
40
décembre16institue le contrôle
d'identité des personnes au Cameroun. En fait, l'exégèse
de cette loi permet de déduire qu'il existe deux types de contrôle
d'identité : le contrôle de la gendarmerie et le contrôle
administratif. Elle précise dans son article premier que
l'identité de toute personne peut être contrôlée dans
le cadre des opérations du maintien de l'ordre publique. Ce
contrôle peut être réalisé par les autorités
administratives et par les agents de la force de l'ordre en vue de
rétablir l'ordre public lorsqu'il est troublé. Par ailleurs,
d'après cette loi, le contrôle d'identité peut
également être effectué à tout moment et en tout
lieu notamment au cours de la traversée d'une circonscription
administrative ou par des patrouilles des militaires de la gendarmerie, et de
la brigade quel que soit leurs grades et leurs qualités. Il s'agit
là d'un contrôle préventif d'identité. La
gendarmerie détient en permanence le droit de contrôler
l'identité de toute personne rencontrée. Ce contrôle
concerne aussi les automobilistes et les occupants des
véhicules.17Les attributions similaires sont
conférées à la police camerounaise d'assurer le respect et
la protection des institutions, des libertés des personnes, du maintien
de l'ordre et de la sécurité publique.
Plus de trois décennies après l'institution de
la carte nationale d'identité, le décret du 20 juillet 1999,
redéfinit les caractéristiques, les modalités
d'établissement et de délivrance de la carte nationale
d'identité. C'est en fait, une nouvelle procédure
d'établissement qui, progressivement a été mise en place
dans les postes d'identification. Ce décret fixe ainsi un délai
maximum de 24 mois pour remplacer l'ancienne carte nationale d'identité.
Dès lors, ce décret apporte quelques innovations dans le
processus d'établissement de la carte nationale d'identité au
Cameroun. Désormais la carte nationale d'identité est
établie et délivrée à partir d'un certificat de
nationalité ou d'une attestation d'état-civil. Cependant, ce
décret abroge celui de 1964 précédemment cité, en
confiant uniquement l'établissement et la délivrance de la carte
nationale d'identité à la délégation
générale à la sûreté nationale.
Désormais, le délégué général
à la sûreté nationale est la seule autorité
habilitée à signer les cartes nationales d'identité au
Cameroun. Ce décret est abrogé par celui du 4 septembre 2007 qui
apporte juste une légère modification au niveau de la dimension
de la carte nationale d'identité.
16 Loi n° 90-54 du 19 décembre 1990 relative au
maintien de l'ordre au Cameroun.
17 Article 59 de ladite loi.
41
1-2.Les conditions d'établissement de la carte
nationale d'identité au Cameroun.
Au Cameroun, l'on note une dynamique des conditions
d'établissement de la carte nationale d'identité. En fait, les
conditions d'établissement de la carte d'identité ont
progressivement évolué. Le changement du système
d'identification est certainement à l'origine de cette évolution.
Il s'agit ici d'étudier les différentes conditions
d'établissement de la carte nationale d'identité au Cameroun de
1960 à 2013. Ainsi, pour mieux cerner l'évolution des conditions
d'établissement de la carte nationale d'identité, il important
d'étudier les conditions en vigueur de 1960 à 1995 et les
conditions d'établissement de la carte nationale d'identité
informatisée entrées en vigueur au Cameroun en 1995.
1-2-1.Les conditions d'établissement de la
carte nationale d'identité entre 1960 et 1995.
Dans les années 1960 jusqu'au début des
années 1990, pour se faire établir une carte nationale
d'identité, le citoyen se présentait juste dans un poste
d'identification qui peut être une sous-préfecture ou un
commissariat de police muni d'un document de sa nationalité
(état-civil) ou encore, s'il ne détenait aucun document du genre,
il pouvait se faire accompagner par trois témoins dont, le chef de son
village ou de son quartier deux personnes, membres de sa famille18.
Ainsi, après audition des témoins et du demandeur de la carte
nationale d'identité notamment sur son origine, son ethnie, sa situation
familiale et sa filiation, la carte pouvait être délivrée
le même jour par un commissaire de police ou par un chef de
circonscription administrative. Par ailleurs, la délivrance de la carte
au cours de ces années donnait lieu à un droit de timbre dont le
montant était fixé par un décret. Le titulaire pouvait
entrer ainsi en possession de sa carte nationale d'identité le
même jour. Seulement, à cause de l'inertie ou de la nonchalance de
certains, le demandeur mettait des jours avant d'entrer en possession de sa
carte nationale d'identité. En cas de perte de cette pièce, le
titulaire pouvait faire une déclaration dans un délai de quinze
jours au service de délivrance, à l'autorité
administrative ou à la brigade de gendarmerie la plus
proche19. Ainsi, ayant une validité de dix ans, le titulaire
avait la possibilité de se refaire identifié tout en
présentant l'ancienne carte.
18 Entretien avec Daagoula Ibrahim, Tibati, 04 juin 2014.
19 Article 2 de la loi n°64 du 13 novembre 1964 rendant
obligatoire la carte nationale d'identité.
42
1-2-2.Les conditions d'établissement de la
carte nationale d'identité informatisée (1995-2013)
Outre la démarche en vigueur des années 1960
jusqu'à la fin des années 1990, le système
d'identification au Cameroun change de condition d'établissement et de
délivrance de la carte nationale d'identité notamment avec
l'avènement de la carte nationale d'identité informatisée
en 199920. L'obtention de la carte nationale d'identité
diffère cette fois, selon que l'individu est à sa première
demande. Ainsi, pour le cas de la première demande,
l'intéressé devra se rendre dans un commissariat muni des
pièces suivantes : un certificat de nationalité signé du
président du tribunal de première instance, une copie
certifiée d'acte de naissance, une copie d'acte de mariage pour les
femmes mariées, une pièce justificative de la profession, s'il y
a lieu. Il fournit à l'appui de sa demande en plus, quatre photos format
4 x 4, obtenues au poste d'identification. Le demandeur de la carte nationale
d'identité s'acquitte du droit de timbre au tarif en vigueur.
Pour les cas de perte, de vol ou de
détérioration, le citoyen se rend dans un poste d'identification
muni de l'attestation de déclaration de perte, de vol ou de
détérioration délivrée par toute autorité
habilitée, comportant, outre les noms et prénoms, date et lieu de
naissance, la filiation du déclarant ainsi que le numéro et la
référence du poste d'identification ayant délivré
la carte nationale d'identité perdue, volée ou
détériorée.
En ce qui concerne la péremption, le titulaire
présente la carte nationale d'identité périmée ;
l'ancienne carte nationale d'identité ; une copie d'acte de mariage pour
les femmes mariées ; la pièce justificative de la profession,
s'il y a lieu.
Pour le citoyen qui décide de changer de nom, il doit
présenter un document d'état-civil (copie certifiée
conforme d'acte de naissance ; copie certifiée conforme d'un extrait
d'acte de naissance ; copie certifiée conforme d'un jugement
supplétif d'acte de naissance ; duplicata d'acte de naissance ou un
livret familial signé des autorités compétentes) et une
copie certifiée conforme du décret autorisant le changement de
nom
20 Voir le décret n°099/154 du 20 juillet 1999
fixant les caractéristiques et les modalités
d'établissement et de délivrance de la carte nationale
d'identité au Cameroun.
43
ou sa rectification, une copie d'acte de mariage pour les
femmes mariées et la pièce justificative de la profession, s'il y
a lieu.
Pour le cas de changement de filiation le citoyen
présente les documents suivants : l'extrait de jugement ayant
établi le changement de filiation ; l'ancienne carte nationale
d'identité ; une copie d'acte de mariage pour les femmes mariées
; la pièce justificative de la profession, s'il y a lieu.
La délivrance de la carte nationale d'identité
aux personnes réintégrées est conditionnée par la
présentation des documents suivants: un document d'état-civil
(une copie certifiée d'un acte de naissance ou une copie
certifiée conforme d'un extrait d'acte de naissance ou une copie
certifiée conforme d'un jugement supplétif d'acte de naissance ou
un duplicata d'acte de naissance ou un livret familial signé des
autorités compétentes ); une copie du décret de
réintégration; une copie d'acte de mariage pour les femmes
mariées ; la pièce justificative de la profession, s'il y a
lieu.
Enfin, pour les étrangers naturalisés, les
documents suivants sont présentés : une copie certifiée
conforme d'un acte ou d'un extrait de naissance signée des
autorités compétentes ; une copie du décret de
naturalisation conformément au code de nationalité ; le bulletin
n° 3 du casier judiciaire spécial ; l'extrait d'acte de mariage
pour les femmes mariées ; la pièce justificative de la
profession, s'il y a lieu21.
Dès lors, la comparution personnelle du demandeur au
poste d'identification est exigée lors du dépôt du dossier
de demande de carte nationale d'identité non seulement pour le recueil
de sa signature et le relevé de l'empreinte digitale mais aussi pour
vérifier son l'identité .Ainsi, lorsqu'il s'agit d'un demandeur
se trouvant dans l'impossibilité de se déplacer au poste
d'identification pour des motifs médicaux graves attestés par un
certificat médical et en l'absence d'amélioration
prévisible de l'état de sa santé et si la
délivrance de la carte est indispensable et ne peut attendre, les
personnels du poste d'identification , le cas échéant, se
déplacent auprès de cette personne et l'identifient sur
place22.
21 Voir à cet effet, le décret n°2007/254
du 4 septembre 2007 fixant les caractéristiques et les modalités
d'établissement et de délivrance de la carte nationale
d'identité au Cameroun.
22 Entretien avec Nanawa Sylvain, personnel d'identification,
Tibati, 05 juin 2014.
44
Par ailleurs, la décision de refus de délivrance
d'une carte nationale d'identité par la délégation
générale à la sûreté peut résulter de
:
-l'accomplissement incomplet ou non satisfaisant des
formalités exigibles (photos non conformes, absence de preuve de la
nationalité camerounaise, acte de l'état civil ne concordant pas
avec les informations mentionnées sur le formulaire de demande, absence
de justification de domicile, ou divergence entre les informations
portées sur le formulaire de demande et celles figurant sur les
pièces justificatives produites, défaut des empreintes
digitales...).
- l'existence d'une inscription du demandeur au fichier des
personnes recherchées pour opposition à la délivrance de
titres d'identité. Il peut s'agir des cas dans lesquels il est
avéré que le demandeur ne peut se prévaloir de la
nationalité camerounaise (obtention frauduleuse d'un document
d'état civil ou de nationalité camerounaise, perte de la
nationalité à la suite d'une décision judiciaire ayant
acquis autorité de la chose jugée et constatant son
extranéité, décision de répudiation, de
déclination, décret d'opposition à l'acquisition de la
nationalité camerounaise à raison du mariage etc. Il peut s'agir
également des cas dans lesquels, le demandeur a déjà
tenté d'obtenir frauduleusement une carte nationale d'identité ou
un passeport en produisant des documents faux ou contrefaits ou a tenté
d'usurper l'identité d'un tiers. Toute décision de refus de
délivrance d'une carte nationale d'identité est motivée et
notifiée sur le formulaire que le service de délivrance renvoie
au poste d'identification émetteur de la demande. Il appartient dans ce
cas au demandeur de compléter son dossier en fournissant les
pièces originales demandées.
Au demeurant, il est important de noter que la
procédure d'établissement et de délivrance de la carte
nationale d'identité au Cameroun a évolué. L'on constate
dès lors qu'au cours de la période allant de 1960 à 1999,
il fallait juste avoir 18 ans accomplis et se présenter dans un
commissariat ou une circonscription territoriale munie d'un acte de naissance
ou encore être accompagné par quelques témoins pour se
faire établir une carte nationale d'identité 23 .
Cependant, au cours des années 2000, la procédure
d'établissement et délivrance de la carte nationale
d'identité se renforce. Désormais, la carte nationale
d'identité est délivrée sur production d'actes
authentiques de l'état-civil et d'autres documents selon le type de
demandeur de la carte nationale d'identité. Il
23 Entretien avec Bétara Narma Paul, Meiganga, 13 juillet
2014.
45
appartient donc aux services d'identification
d'apprécier cas par cas les documents présentés à
l`appui de la demande d'une carte nationale d'identité. Contrairement
à l'ancienne procédure d'identification, le demandeur ne peut
immédiatement entrer en possession de sa carte d'identité. En
attendant l'étude de la demande et la délivrance de la carte
nationale d'identité par la délégation
générale à la sureté nationale, le demandeur se
contente d'un récépissé valide pour trois mois.
Par ailleurs, il faut noter que le changement de
procédure d'établissement de la carte nationale d'identité
au Cameroun a tout de même influence les acteurs de l'identification.
1-3.Les acteurs de l'identification
L'on ne peut parler de carte nationale d'identité sans
évoquer les acteurs. Ces acteurs, de par leur rôle ont d'une
manière ou d'une autre, fait avancer le processus d'identification via
la production des cartes nationales d'identité ceci sur toute
l'étendue du territoire camerounais. En effet, entre 1960 et 2013, l'on
note une substitution des acteurs de l'identification au Cameroun. Au cours des
trois premières décennies de l'institution de la carte nationale
d'identité, l'on distingue deux structures administratives
chargées d'établir et de délivrer la carte nationale
d'identité. Il s'agit des circonscriptions territoriales et les
commissariats. À partir de 1995, la centralisation des services
d'identification notamment avec l'avènement du système
d'identification biométrique, l'on note un changement remarquable au
niveau des acteurs de l'identification. Notre ambition ici est d'étudier
les acteurs de l'identification de 19601995 et 1995-2013.
1-3-1.Les acteurs de l'identification entre 1960 et
1995.
De 1960 jusqu'à la fin des années 1990, la
Direction de la Sûreté Fédérale (DSF) était
le principal acteur de l'établissement et la délivrance de la
carte nationale d'identité au Cameroun. Ainsi, la carte nationale
d'identité est établie dans les commissariats de police et les
circonscriptions territoriales. Le Directeur de la Sureté
fédérale délègue donc sa signature aux
préfets, aux sous-préfets et aux commissariats de
police24.
24 Voir le décret n°64-394 du 29 septembre 1964
instituant la carte nationale d'identité au Cameroun.
46
Concrètement, les acteurs qui participaient dans la
chaîne de l'établissement et
de la délivrance de la carte nationale d'identité
au cours de ces années sont les suivants :
-le préfet ou le sous-préfet ;
-le commissaire de police ;
- l'opérateur photo ;
-le calligraphe ;
- le secrétaire25.
Les préfets/sous-préfets et commissaires
étaient chargés de contrôler les services d'identification
et de signer les cartes nationales d'identité. L'opérateur photo
quant à lui, produisait les photos d'identité (en noir et blanc).
Le calligraphe étant une personne qui a une belle écriture,
était chargé de remplir le formulaire de la carte. La tâche
du secrétaire consistait à reporter les demandes de cartes
nationales d'identité dans un registre selon l'ordre de passage des
demandeurs26. Cependant, l'avènement du système
d'identification à la fin des années 1990, a eu une influence sur
les acteurs de l'identification.
1-3-2. Les acteurs de l'identification de 1995 à
2013.
L'avènement du nouveau système d'identification
au Cameroun à permit de réaménager les acteurs de
l'identification. La Délégation à la Sûreté
Fédérale (DSF) devenue Délégation
Générale à la Sûreté Nationale (DGSN)
27 demeure l'acteur principal de l'établissement et de la
délivrance de la carte nationale d'identité au Cameroun, mais est
assistée dans cette tâche parla SACEL (société
d'assistance et de conception en électronique) et THALES.
Comme nous l'avons souligné précédemment,
la Délégation Générale à la
Sûreté Nationale (DGSN) est le principal responsable de la carte
nationale d'identité au Cameroun. En fait, au sein de cette structure,
le système SENAC (système de sécurisation de
nationalité camerounaise) est chargé de la gestion, de
l'organisation, de production des cartes nationales d'identité au
Cameroun. Particulièrement, le système SENAC est chargé de
la vérification de la conformité des dossiers des demandeurs.
25 Entretien avec Daagoula Ibrahim, ancien personnel
d'identification, Tibati, 07 juin 2014.
26 Entretien avec Daagoula Ibrahim, ancien personnel
d'identification, Tibati, 07 juin 2014.
27 Voir le décret n°94/034 du 1er mars
1996 portant création d'une délégation
générale à la sûreté nationale.
47
Par ailleurs, la Délégation Générale
à la Sûreté Nationale est chargée de :
-assurer la tutelle de l'identification ;
-la création des postes d'identification ;
-la nomination des chefs de postes d'identification ;
-coordonner et contrôler les activités des postes
d'identification ;
-la vérification, l'authentification et la
délivrance de la carte nationale d'identité au
Cameroun.
Dans sa tâche, la délégation
générale à la sûreté nationale est
assistée par les sociétés privées françaises
SACEL et THALES en partenariat avec le gouvernement camerounais dans
l'émission de la carte nationale d'identité .Celles-ci,
respectivement, sont chargées de fournir les matériels
d'identification tels que les appareils photos, les pellicules pour
l'établissement des demandes dans les postes d'identification et de
traiter les demandes, une fois acheminées au centre de
délivrance.
Les personnels sont constitués des fonctionnaires de la
police et des opérateurs photos. En outre, le chef de poste
d'identification peut être un commissaire de police, un officier de
police ou un inspecteur de police nommé par le
délégué général à la
sûreté.
En clair, il est important de noter que les chefs des
circonscriptions territoriales et les commissaires de police entre 1960 et 1999
pouvaient, se prononcer sur la nationalité du citoyen.
Concrètement, ils pouvaient refuser de délivrer la carte
nationale d'identité à un citoyen car la forme de services
d'identification à cette époque était
décentralisée. Les cartes nationales d'identité
étaient établies et délivrées dans les postes
d'identification disséminés sur tout le territoire du Cameroun.
Cependant, avec la centralisation des services d'identification au Cameroun,
leurs rôles sur la question d'identification sont restreints.
Désormais, les commissaires de police/officier de police sont
chargés de vérifier les dossiers relatifs à
l'identification. Néanmoins, ils ont la possibilité de signer les
récépissés de demandes, valides de trois mois. Ils sont
également chargés de faire les bordereaux généraux
d'envoi ou de transmission de ces dossiers au service central d'identification.
Près de ceux-ci, les opérateurs photos restent incontournables
dans le processus d'identification au Cameroun. Mandaté par la SACEL,
ils sont essentiellement chargés de la production des photos et d'en
vérifier la
48
qualité de ces photos qui seront agrafées sur
les formulaires des demandes correspondants à chaque demandeur.
Au début des années 2000, les chefs de
circonscription tels que, les préfets et les sous-préfets
changent de rôle. Désormais, ils n'interviennent plus directement
dans l'établissement de la carte nationale d'identité, mais ils
sont chargés de délivrer des attestions d'état-civil.
Autrement dit, lorsque le demandeur d'une carte nationale d'identité ne
dispose pas d'acte de naissance, celui-ci doit au préalable se faire
établir une attestation d'état-civil auprès d'un chef de
circonscription. Cette attestation fait office d'un acte de naissance. Ainsi,
elle est délivrée en la présence de trois témoins
dont le chef du village ou du quartier et deux membres de la famille du
demandeur.
2.Évolution des énonciations de la carte
nationale d'identité.
Pour mieux comprendre l'action d'individualisation
identitaire, il importe de procéder à une brève lecture
historique du Cameroun. En effet, le Cameroun a subi une double administration
pendant la période coloniale : le Cameroun français
administré par la France et le Cameroun anglais administré par la
Grande Bretagne depuis le Nigeria. À la veille de l'indépendance,
le problème de nationalité et de l'identité camerounaise
se posait avec acuité. C'est dans ce contexte que survient l'idée
d'un plébiscite dont l'issue devait décider de la situation du
Cameroun. Dans la suite logique des choses, la Résolution 1608 (XV) du
21 avril 1961 (Assemblée Générale de la SDN) prend acte
des résultats. Son article 4, alinéa 9 stipule que « le
Cameroun septentrional s'unira à la Fédération du
Nigéria en tant que province séparée de la région
du nord du Nigéria ». L'article 5 par contre invite
l'autorité de tutelle ainsi que les gouvernements du Southern
Cameroons et de la République du Cameroun à entamer
d'urgence des pourparlers afin de parachever avant le 1er Octobre 1961 les
accords de mise en oeuvre des politiques convenues et déclarées
par les parties intéressées en vue de l'union du Southern
Cameroons et de la République du Cameroun pour former une «
République Fédérale Unie du Cameroun »28.
Ceci marque le début d'un processus d'uniformisation de
l'identité camerounaise et par là, l'encartement de la
nationalité camerounaise. De là, l'on est donc dans l'optique du
bilinguisme ou du multiculturalisme qui est mis en exergue dans les documents
officiels du Cameroun. L'examen des différentes énonciations de
la carte nationale d'identité
28Mveng, 1985, p. 257.
49
permettra certainement de connaitre et de comprendre
l'évolution de la carte nationale d'identité.
2-1.Carte d'identité établie entre 1960
et 1964.
Comme nous l'avons dit précédemment, la forme
d'identification introduite par l'administration coloniale dans notre
société a permis globalement, l'assemblage des faits et des actes
liés à l'identité d'une personne. Le premier souci du
Cameroun sous administration française indépendant le
1er janvier 1960 fut la mise en place des nouvelles institutions qui
lui permettront de vivre son indépendance. C'est alors en 1960 qu'une
politique d'identification sera mise sur pied. Animé par un souci de
sécurisation de la nationalité camerounaise, le gouvernement du
Cameroun sous administration française institue la toute première
carte d'identité29. Cependant, cette carte d'identité
connue sous le vocable de « carte d'identité officielle », n'a
pas connu de succès au niveau de la population qui, à cause des
affres de la récente colonisation se méfiait encore de la
nouvelle administration30. Ainsi, cette carte d'identité
était énoncée comme suit :
-Nom
-Prénoms .
-Surnoms .
-Fils de/et de
-Né le
-Village
-Sous-préfecture
-Préfecture
-Nationalité
-Situation familiale
Etc.
De ce qui précède, force est de constater que
malgré le fait que cette carte d'identité porte toutes les
informations relatives à l'identité d'une personne dans les
moindres détails, elle était l'exclusivité des hommes dans
la mesure où il n'est
29 Nous ne sommes pas entrés en possession de la loi ou
du décret instituant cette carte d'identité, mais les entretiens
menés auprès des personnes ressources confirment cette
information.
30 Entretien avec Hamadou Malloum, marabout, Meiganga, 15 juillet
2014.
mentionné nulle part sur cette carte « Fille de
» ; « Né(e) à » ou encore « est de sexe
». Cette exclusivité découle de la politique
d'identification des Camerounais pendant la période coloniale qui
privilégiait les hommes dans l'optique de les enrôler plus
facilement pour des travaux forcés et pour les
prélèvements d'impôts de capitation. Ainsi, telle qu'elle
est énoncée, la carte d'identité officielle de
l'État du Cameroun fut l'exclusivité du Cameroun oriental
jusqu'en 1964, année qui marque un tournant important pour l'histoire
des institutions en général et de la carte d'identité en
particulier au Cameroun.
Photo 2: carte d'identité officielle de
l'État du Cameroun délivrée le 18 juin 1960 au
commissariat spécial de Ngaoundéré.
50
(c) : Jean Francis Gabana, juin 2014.
51
2-2. Carte nationale d'identité bilingue
établie de 1964 à 2013.
Pour comprendre les différentes modifications sur la
carte d'identité établie à partir de 1964, il est
important d'interroger le contexte politique du Cameroun à partir de
1961. L'année 1961 marque au Cameroun un tournant décisif pour
l'édification de l'État camerounais. C'est
précisément pendant la conférence de Foumban (du 16 au 21
juillet1961), que le débat autour de la nationalité fut
lancé. La délégation du Sud-Cameroun optait pour une
double nationalité tout en conservant la nationalité du
Sud-Cameroun, alors que celle de la République du Cameroun optait pour
la nationalité camerounaise tout simplement. Ainsi, la constitution qui
sanctionna cette rencontre apportait quelques modifications aux suggestions de
la délégation du Sud-Cameroun. Les citoyens du Sud-Cameroun et de
la République du Cameroun acquéraient une seule
nationalité dont la nationalité camerounaise et non une
nationalité du Sud-Cameroun et une autre de la République
Fédérale.31 C'est ainsi que pour promouvoir et
sécuriser cette nationalité camerounaise, le décret
n°64-DF-394 du 29 septembre 1964 instituant la carte nationale
d'identité et la loi n°64-LF du 13 novembre 1964 rendant
obligatoire la carte nationale d'identité sont mises en place. En plus,
la réunification de la République du Cameroun et du Sud-Cameroun
britannique en 1961 est une première étape vers la
création d'un État unitaire. Après la fin de l'UPC,
Ahmadou Ahidjo alors président qui trouvait le système
fédéral trop dispendieux pour le Cameroun entreprit la
transformation d'un État fédéré à un
État unitaire.
De ce qui précède, il est tout à fait
important de noter que, le bilinguisme (langues française et anglais)
est le piédestal de l'identité culturelle camerounaise.
Toutefois, à partir de 1972, dans la logique de la promotion de cette
identité culturelle camerounaise, le bilinguisme égalitaire se
manifeste dans tous les nouveaux textes constitutionnels et sur tous les
documents importants du Cameroun. En fait, l'évolution du Cameroun a une
influence sur la carte nationale d'identité. Ainsi, au recto des cartes
nationales d'identité délivrées entre 1964 et 2013, l'on
note les dispositions en français et en anglais suivantes :
-« RÉPUBLIQUE FÉDÉRALE DU CAMEROUN
» et « FEDERAL REPUBLIC OF CAMEROON » sur les cartes
délivrées entre 1964 et 1972.
31ANY, VCB/B, 1961/2, Foumban conference 17th
Jully-21th 1961.
52
-« RÉPUBLIQUE UNIE DU CAMEROUN » et «
UNITED REPUBLIC OF CAMEROON »sur les cartes
délivrées entre1972 à 1984 (voir photo 3).
-« REPUBLIC DU CAMEROUN » et « REPUBLIC OF
CAMEROUN »sur les cartes délivrées entre 1984 et
2013.
Ce bilinguisme influence également les énonciations
de la carte nationale d'identité. Ainsi, au verso elle est
énoncée de manière suivante :
-Délivrée le
Issued on
-À
At
-Nom
Name
-Prénoms
Surnames
-Né(e) le
Born on
-Fils/Fille
Son/daughter Etc.
53
Photo 3:carte nationale
d'identité bilingue délivrée en 1981 à la
sous-prefecture deTibati
(c) : Jean Francis Gabana, juin 2014.
De ce qui précède, il ressort que contrairement
à la première carte d'identité qui était
l'exclusivité des hommes, cette nouvelle carte nationale
d'identité énoncée en français et en anglais inclut
les femmes notamment avec l'apparition des rubriques « Fille de » ;
« Né(e) à ». Cependant, cette pièce
d'identité qui demeure en vigueur jusqu'au début des
années 2000, n'était pas suffisamment sécurisée
dans la mesure où elle était sur un support carton. Pour les
mesures de sécurisation de la nationalité et de l'identité
des citoyens camerounais, une nouvelle forme de carte nationale entra en
vigueur à la fin de ces années 1990. Cette nouvelle forme est
celle qu'on a appelée expressément « carte nationale
d'identité informatisée ». Toutefois, sur ce nouveau
modèle de la carte nationale d'identité, aucune modification des
énonciations n'est observée. Les mêmes énonciations
en français et en anglais demeurent, sauf que les modifications sont
observables au niveau des rubriques et caractéristiques.
54
2-3. Les rubriques et caractéristiques de la
carte nationale d'identité informatisée.
Avec l'essor des technologies de l'information et de la
communication qui ont rendu les identités mouvantes, donc
insaisissables, le mécanisme d'identification par la carte
d'identité au Cameroun est aujourd'hui capable d'acquitter
convenablement la fonction d'identification des individus avec certitude. C'est
donc pour apporter une solution à cette quête de l'identification
sans équivoque des personnes physiques, face à la fluidité
et la complexité pour lutter contre la fraude à l'identité
et le crime, que le Cameroun a fait recours aux techniques biométriques
d'identification à partir des années 1990. Ces techniques sont
considérées comme les outils scientifiques les plus efficaces du
moment pour identifier et authentifier les citoyens avec certitude.
Le Cameroun s'est inscrit résolument dans cette
dynamique de recherche de la certitude dans l'identification et
l'authentification des personnes physiques, source de renforcement de
l'État de droit et d'une meilleure traçabilité des
transactions, en adoptant les technologies biométriques d'identification
pour ses systèmes d'émission de cartes nationales
d'identité et de passeports. L'année 1999 marque une étape
importante pour le système d'identifiication au Cameroun. En fait, par
le décret presidentiel32 de la meme année, la carte
nationale d'identité est subtituée par la carte nationale
d'identité informatisée.Trois étapes ont marqué la
mise en place de cette nouvelle carte d'identité. Premièrement la
phase du démarrage qui débute en 1995 par la signature du contrat
de service entre le secretariat d'État à la
sécurité interieure et la société
THALES,une filiale de THOMSON.
La seconde étape commence à partir de 1998 avec
le recentrage des activités de service de délivrance au sein des
directions techniques de la délégation générale
à la sûreté nationale, ainsi que la codification des
procedures de la délivrance. Desormais, les cartes nationales
d'identité sont établies dans les postes d'identification
installés dans toutes les dix Régions du Cameroun, mais
délivrées par les directions techniques de la
délégation générale à la sûreté
nationale. Ainsi, les rubriques de cette nouvelle forme de carte nationale
d'identité sont disposées ainsi qu'il suit :
32 Voir le décret n°99/154 du 20 juillet 1999
fixant les caractéristiques et les modalités
d'établissement et de délivrance de la carte nationale
d'identité.
55
- Le nom et le prénom : toute personne possède
un nom de famille (appelé patronyme ou nom patronymique). Ce nom figure
sur l'acte de naissance. Il peut s'agir par exemple du nom du père. Le
nom patronymique est reproduit sur la carte en lettres majuscules. Le
prénom figure en majuscules sur une ligne différente de celle
comportant le nom patronymique. Il est précédé de la
mention «Prénom» en lettres minuscules.
Il est néanmoins autorisé aux femmes
mariées de porter le nom de leur conjoint sur la carte nationale
d'identité. C'est la raison pour laquelle l'on observe sur certaines
cartes nationales d'identité, surtout appartenant aux femmes
mariées la mention « épouse » juste sous la mention
« Nom ». Ainsi, on peut utiliser soit le nom de l'époux ; soit
un double nom (le nom de l'intéressée accolé à
celui de son époux dans l'ordre souhaité). Pour faire figurer le
nom de son conjoint, l'intéressée en question doit fournir, comme
nous l'avons souligné plus haut, la copie intégrale ou la
photocopie de l'acte de mariage. Exemple :
Nom : Amina Épouse Tenmbar Philippe ;
Prénom : Clémentine
Pour celles qui n'ont pas de prénom, rien n'est
mentionné sur la rubrique « Prénom » ;
-la date de naissance : en principe, les dates inscrites dans
les actes de l'état civil sont celles du calendrier Grégorien.
Elle est indiquée en chiffres (ex. 26.07.1988). Le jour et le mois sont
indiqués par un nombre de deux chiffres; les dates de 1 à 9 sont
précédées d'un zéro. Ces chiffres sont suivis d'une
barre. Pour ceux dont la date exacte de naissance n'est pas connue, seule
l'année de naissance est mentionnée ;
- le lieu de naissance : le lieu de naissance est
recopié intégralement selon les informations qui figurent sur
l'acte de l'état civil du demandeur produit, qu'il soit dressé ou
transcrit. A cet égard, le nom de localité, de la ville est
mentionné tel qu'il existait au moment de la naissance du demandeur ;
- le sexe : le sexe qui est mentionné sur l'acte de
naissance est indiqué par la lettre M (masculin) ou F (féminin)
;
- la taille : la taille peut dans certains cas être un
élément d'identification important. Elle est mentionnée
avec exactitude. ;
Photo 5: Toise en bois Photo 4: prise de la
taille.
56
(c) : Jean Francis Gabana, juin 2014.
-la signature du titulaire : la signature du titulaire qui
figure obligatoirement sur la carte nationale d'identité est celle qui a
été apposée par le demandeur sur le formulaire de demande.
Sont à exclure les signatures formalisées par un symbole tel, le
rond, la croix, le trait vertical ou horizontal ; en effet, la signature doit
être la plus personnalisée possible dans la mesure où elle
constitue un élément de l'identification de la
personne33 ;-la photographie : Une photographie d'identité
est un type de photographie représentant le visage d'un individu de
manière relativement neutre, utilisée pour établir son
identité sur certains documents, notamment officiels (carte
d'identité, passeport, permis de conduire, etc.). Elle est
réalisée au Cameroun par un photographe de la SACEL. Elles sont
généralement tirées par planches de plusieurs
clichés identiques, destinées à être
découpées. Leurs caractéristiques, en particulier leurs
dimensions et leur cadrage, font l'objet de normes et standards.
Numérisées, elles peuvent permettre d'utiliser des technologies
de biométrie par le biais de reconnaissance faciale34. Les
photos de carte nationale d'identité au Cameroun doivent respecter une
dizaine de critères. Ces critères sont les suivants :
33 Entretien avec Bétara Narma Paul, Meiganga, 05 aout
2014.
34 Entretien avec Nolla Roger, Ngaoundéré, 03
septembre 2014.
57
V' Elles mesurent 3,5 cm de large sur 4,5 cm de haut ;
V' La taille du visage doit mesurer de 3,2 cm à 3,6 cm.
La zone des yeux doit être
sur le second tiers ;
s la photo ne doit présenter ni sur-exposition, ni
sous-exposition. Elle doit être
correctement contrastée, sans ombre portée sur
le visage ou en arrière-plan ;
V' une photo en couleurs est fortement recommandée ;
V' le fond doit être uni, de couleur claire. Le fond
blanc est recommandé ;
V' la tête doit être nue sans chapeau, foulard,
serre-tête ou autre objet décoratif ;
V' la tête doit être droite et le visage
dirigé face à l'objectif ;
V' Le sujet doit fixer l'objectif. Il doit adopter une
expression neutre et avoir la
bouche fermée ;
V' Le visage doit être dégagé. Les yeux
doivent être parfaitement visibles et
ouverts.
V' La photographie reproduite sur la carte est
numérisée et fait partie intégrante du
support papier. Elle est visible dans la partie gauche de la
carte35.
Photo 7: Appareil photo (marque : Polaroid).
Photo 6: Appareil photo et
imprimante (marque :
Sony).
(c) : Jean Francis Gabana, juillet 2014.
35 Entretien avec Boudié Jacques, Yaoundé, 20
juillet 2014.
58
Photo 8 : prise de photo.
(c) : Jean Francis Gabana, juillet 2014.
Photo 9:
découpage des photos.
(c) : Jean Francis Gabana, juillet 2014.
-L'adresse : l'adresse doit comporter les
éléments essentiels notamment le lieu de résidence du
titulaire de la carte.
59
-L'empreinte digitale : une empreinte digitale ou
dactylogramme est le résultat de l'apposition d'un doigt sur un support
après encrage de celui-ci. Le dessin formé sur le support est
constitué de dermatoglyphes. Les empreintes digitales sont uniques et
caractéristiques de chaque individu. Même les vrais jumeaux
présentent des empreintes digitales différentes. C'est avec le
criminologiste Alphonse Bertillon en octobre 1902, que les empreintes digitales
sont devenues l'une des principales preuves lors des enquêtes
policières et d'identification36. Au Cameroun, lors de
l'établissement de la carte nationale d'identité, les empreintes
digitales du citoyen sont prélevées, mais celle du pouce droit
est représentée sur la carte en question.
Photo 11 : Matériels de prise
d'empreintes digitales. Photo 10 : Prise d'empreintes
digitales.
(c) : Jean Francis Gabana, juillet 2014.
36 J.M. Berlière, 2005, «L'affaire Scheffer : une
victoire de la science du crime ? La première identification d'un
assassin à l'aide de ses empreintes digitales », in Cahiers de
la sécurité, n°56, p. 350.
Photo 12 : une empreinte digitale. Photo 13:
empreinte digitale prélevée.
60
(c) : Jean Francis Gabana, juillet 2014
-La zone de lecture optique : dans la zone de lecture qui se
trouve au verso de la carte nationale d'identité l'on retrouve :
? La durée de validité et la date de
délivrance de la carte : la date d'expiration de la carte est
calculée à partir de la date de saisie ; la date de
délivrance correspond à la date de remise mentionnée dans
le système lors du retour de la carte du centre de production.
? La signature de l'autorité : les cartes nationales
d'identité sont signées au Cameroun par le
délégué général à la
sûreté nationale.
? Le numéro de la carte : elle figure au verso. Ce
numéro qui figure également dans la zone de lecture au
début de la seconde ligne, est attribué par le centre de gestion
par série, par rapport au lieu de délivrance, à la date de
demande et à la date de naissance du titulaire.
Dans la zone de lecture optique située au recto, le
bandeau inférieur blanc a pour objet d'accélérer la
vérification de l'identité lors du passage à la
frontière, notamment dans les aéroports ainsi que dans tous les
lieux publics, en cas de contrôle d'identité par les services de
police et de gendarmerie. Nous avons les indications suivantes :
61
? IDCMR
1167382730<<<<<<<<<<<<<<<<<<<AD
07
?
88O7261M2312190<<<<<<<<<<<<<<<<<<<<0
?
GABANA<<JEAN<FRANCIS<<<<<<<<<<
La mention « IDCMR » signifie identité.
CMR est l'abréviation du Cameroun.
Les chiffres 1167382730 représentent le numéro de
la carte.
Les signes « < » sont des caractères de
remplissage de l'espace vierge jusqu'à la fin de
la ligne ;
AD0737signifie Adamaoua 07 et représente le
code du poste d'identification émetteur de
la demande.
Les chiffres « 880726» représentent,
respectivement, l'année, le mois et le jour de la
naissance du titulaire. (1988/juillet/ le 26).
La lettre « M » signifie masculin et les Chiffres
« 231219» représentent la date de
péremption. (Cette carte se périme le 23
décembre 2019).
La mention « GABANA<<JEAN<
FRANCIS<<<<<<<<<< » représente le nom
du
titulaire.
Ces informations permettent, lors de la lecture automatique,
d'interpréter sans erreur l'identité d'un citoyen. Cependant, sur
cette même carte d'identité figurent d'autres
caractéristiques qui paraissent anodines pour les non-initiés. En
fait, il faut prêter beaucoup d'attention pour pouvoir les remarquer et
les interpréter. La carte nationale d'identité du Cameroun
épouse la dimension de la carte bancaire. Elle mesure desormais 85mm de
long et 54 mm de large. Ainsi, la sécurisation de la nationalité
camerounaise est davantage garantie, dans la mesure où la carte en
carton, suceptible d'etre falsifiée et de se désagréger au
contact de l'eau est remplacée par une autre en format plus solide
(Teslin). Dès lors, les postes d'identifiication clandestins de
délivrance des cartes d'identité sont automatiquement inoperants.
Ainsi, Elle porte les caractéristiques suivantes au recto :
- les nom (s) et prénom (s);
- les dates et lieu de naissance;
- la filiation;
- le sexe;
37 Nous y reviendront à la partie réservée
aux postes d'identification.
- l'adresse;
- la profession;
- la photographie, la signature, le signalement et l'empreinte
digitale du titulaire;
- le sceau de l'État qui fait corps avec la
photographie du titulaire et le montant du droit
de timbre.
Au verso :
- la mention "République du Cameroun", en
caractères gras, de couleur verte;
- le numéro de la carte nationale d'identité;
- la date de délivrance;
- la signature, les noms et prénoms de
l'autorité signataire;
- le drapeau du Cameroun du côté supérieur
droit;
- le Mont Cameroun surplombant le pont sur le
Wouri38.
Photo 14: Carte nationale d'identité
informatisée.
62
38 Voir le décret n°2007/254 du 4 septembre 2007
fixant les caractéristiques et les modalités
d'établissement et de délivrance de la carte nationale
d'identité au Cameroun.
63
Photo 15: un récépissé de demande de
carte nationale d'identité.
(c) : Jean Francis Gabana, juin 2014.
L'introduction de cette biométrie a permis de
construire à ce jour une base de données biométriques
d'identification de la population. Ce système biométrique
d'émission de cartes nationales d'identité camerounaise et de
passeports rend difficile la falsification et permet de déceler toute
tentative de fraude à l'identité, grâce aux
éléments de sécurité physique
intégrés dans la carte d'identité et au triple
système de contrôle basé sur la recherche dans la base de
données biométriques d'identification de la population.
III-Avantages et inconvénients de la carte
nationale d'identité.
L'identification, en fait le besoin de s'identifier, n'est pas
un fait nouveau propre au Cameroun. Mais la transformation du style de vie,
l'anonymat des grandes villes, la situation économique de même que
l'évolution fulgurante de la technologie sont autant de facteurs qui
donnent à cette question une acuité considérable.
L'expérience a démontré que le besoin de s'identifier est
né de deux objectifs poursuivis tant par le secteur public que par le
secteur privé :
64
- identifier une personne pour s'assurer de son
éligibilité à un bien ou à un service;
- retracer les fraudeurs ou les personnes qui ne s'acquittent
pas de leurs obligations sociales ou financières.
Différents documents d'identité ont
différentes raisons d'être et le renseignement à fournir en
vue d'obtenir chaque document correspond à la finalité
intrinsèque de ce document. On utilise un passeport pour contrôler
les entrées et les sorties dans tous les pays. Le permis de conduire
permet de contrôler l'utilisation des véhicules motorisés
qui circulent. Le numéro d'assurance sociale, dans les pays occidentaux
permet de contrôler la perception de l'impôt et le payement des
indemnités. Supplantant tous ces documents d'identité qui
laissent une mesure de choix et d'anonymat, la carte nationale
d'identité permet d'identifier une personne dans les moindres
détails. L'objectif fonctionnel de la carte nationale d'identité
consiste à exercer un certain contrôle sur des personnes tout en
protégeant l'identité de celui-ci de manière à ce
que toute autre personne ne puisse utiliser facilement les informations qui y
figurent. Boudié Jacques par ailleurs, chef du centre de la cellule
d'authentification des demandes, le justifie en ces propos :
Qui dit identité dit authenticité. Il s'agit
d'un processus d'authentification. Nous voulons savoir qui est la personne en
face de nous sans avoir à lui poser une foule de questions, un point
c'est tout. [...] On ne peut toutefois contrefaire les empreintes digitales de
nos dix doigts, car cela nécessite un calcul mathématique, pas
simplement une reproduction [...] je pense que, fondamentalement, la
biométrie dans le système d'identification au Cameroun à
raison d'être39.
Ces propos traduisent manifestement l'avantage de la carte
nationale d'identité informatisée précisément en ce
qui concerne la question de sécurisation et d'authentification de
l'identité des citoyens et la nationalité camerounaise.
Dans le processus de construction de l'État
camerounais, il fallut au préalable se donner les moyens de
connaître l'identité civile des personnes. Il est vrai que les
registres d'état-civil sont utilisés dans ce but, mais
l'avènement de la carte nationale d'identité en 1960, confirme
non seulement le statut d'État souverain, la reconnaissance de la
nationalité camerounaise sur le plan international, la
sécurisation de cette
39Entretien avec Boudié Jacques, chef du centre
de la cellule d'authentification, Yaoundé, 28 juillet 2014.
65
nationalité quoique faillible, mais sert
également d'un outil efficace de contrôle et d'unité
nationale. Il faut souligner sans risque de se tromper que la carte nationale
d'identité fut au Cameroun au lendemain de l'indépendance le
dénominateur commun d'un pays divisé par la colonisation. La
réflexion consiste ici à appréhender les multiples
avantages et inconvénients de la carte nationale d'identité. Il
s'agit en clair d'analyser les avantages sociaux et politiques de la carte
nationale d'identité et de souligner les méfaits de cette
pièce d'identité sur la vie privée des citoyens
camerounais.
1. La carte nationale d'identité : un outil de
contrôle de l'État.
Enclenché en Europe, l'historicité du processus
d'identification qui met en rapport l'individu et l'État est
essentiellement une pratique de l'État. Éventuellement, il est
important d'aborder la question du contrôle de l'État sous l'angle
de rapport entre le face à face et le contrôle à distance.
Ainsi, les contrôles varient en fonction des espaces, du temps et des
lieux. Cependant une tendance générale s'est dessinée au
fur et à mesure de l'affirmation des États puis des
États-Nations40. Qu'il soit légalement obligatoire ou
non de la détenir ou de la porter, la carte nationale d'identité
se distingue des autres pièces d'identité par la réunion
de trois conditions: elle est émise par l'autorité politique;
elle vise des fins d'identification générale et des usages
spécifiques; et elle contient des renseignements qui, en comparaison des
autres pièces d'identité, en font un document
privilégié pour identifier les individus.
La carte d'identité est, d'abord et avant tout, un
outil de contrôle. A cet effet, Alain Bernard, juriste français
écrivait: « La carte nationale d'identité permet, certes,
d'établir l'identité dans les relations privées mais elle
sert surtout lors des contrôles et des vérifications
d'identité dans des procédures d'interpellation menées par
la police »41. Il est donc admis que son premier but est de
servir les besoins de l'État. Ainsi, du point de vue de l'État
camerounais, le premier avantage de rendre la carte nationale d'identité
obligatoire consiste à faciliter les contrôles policiers.
L'obligation pour l'individu de produire sa carte d'identité dans
certaines circonstances est pratiquement inséparable du concept
même de la chose. La carte d'identité confère à la
police des pouvoirs discrétionnaires énormes. Les contrôles
de police représentent en fait un aspect du
40 G. Noiriel, 1999, Les origines républicaines de
Vichy, Paris, Hachette, p.62.
41 A. Bernard, 1997, « Le regard du droit », In
Science Humaines, hors-série, p. 16.
66
contrôle administratif auquel se prête la carte
nationale d'identité. Ce n'est pas un hasard qu'elle soit plus
répandue dans les pays, notamment les pays européens où la
tradition de l'État administratif est plus ancienne et plus
prégnante.
Un autre aspect fonctionnel de la carte nationale
d'identité pour l'État réside dans le fait qu'elle
contribue au contrôle administratif de l'État sur les citoyens
à la fois parce qu'elle réduit le coût de l'information
nécessaire au contrôle et parce qu'elle resserre les mailles du
quadrillage administratif42. Elle réduit le coût de
l'information en facilitant le croisement des bases de données
gouvernementales. La carte nationale d'identité diminue le coût
des croisements de plusieurs manières. Elle porte un numéro ou
une autre forme d'identifiant unique. À tout le moins, elle contient des
informations, incluant normalement l'adresse et la date de naissance de son
titulaire, qui permettent de construire un identifiant composite. A cet effet
Eméguidé François affirme que: « Il y a peu de
chances qu'un monsieur tel, né telle date, qui habite à telle
adresse, et dont la carte nationale d'identité a été
émise tel jour, soit confondu avec une autre personne
»43.
Le caractère obligatoire de la carte d'identité
signifie sans doute que celui qui change de nom, ou rend autrement
périmées les informations qui y figurent, doit en informer
l'autorité émettrice. Ceci permet à l'État
camerounais d'assurer son contrôle sur tous les citoyens à
l'intérieur et hors du territoire national. Toutefois, il suffit que la
carte nationale d'identité fournisse un identifiant unique pour que cet
identifiant soit utilisé par d'autres services gouvernementaux comme par
exemple le ministère du transport (pour l'obtention d'un permis de
conduire), le ministère de la justice (pour l'audition d'un suspect), la
police (pour enquête policière) etc.
Notons aussi que la carte nationale d'identité a permis
de construire une base de données biométriques. La constitution
de la base de données biométrique de la population permet de
mettre à la disposition des services publics et privés
camerounais (ELECAM, l'Institut Nationale de Statistique...) une base
de données de référence sur laquelle ils peuvent s'appuyer
pour personnaliser leurs documents d'identité et leurs recherches sans
avoir recours à de nouvelles collectes et de ressaisies de gros volumes
de données, souvent source d'énormes erreurs pouvant porter
préjudice au principe
42 Entretien avec Hamadjida Oumarou, Meiganga, 08 juillet
2014.
43 Entretien avec Eméguidé François,
personnel d'identification, Yaoundé, 25 juillet 2014.
67
d'unicité des données d'identification de base
des personnes (nom, prénom, date de naissance, lieu de naissance, ...)
qui doivent être strictement les mêmes pour tous Camerounais quel
que soit le document d'identité qu'il présente comme preuve de
son identité.
Comme nous l'avons dit plus haut, la carte nationale
d'identité, permet au gouvernement camerounais de faire des quadrillages
administratifs en vue de lutter contre l'insécurité et de
contrôler la mobilité des personnes au Cameroun. Les acteurs de
l'insécurité ont de plus en plus de difficulté à
passer à travers les mailles du filet des éléments des
forces de l'ordre dont l'une des missions principales est de contrôler
l'identité des personnes à l'intérieur du territoire comme
au niveau des frontières du Cameroun. Cependant, au-delà de cette
importance qu'elle représente pour l'État du Cameroun, il n'en
demeure pas moins que l'on souligne les avantages sociaux, juridiques et
statistiques de la carte nationale d'identité.
2. Multiples avantages de la carte nationale
d'identité.
Lorsqu'un système d'identification ou
d'établissement des cartes d'identité fonctionne
adéquatement et normalement, il constitue une source précieuse
d'information. L'établissement de la carte d'identité
présente pour tout citoyen un intérêt direct, car
sauvegarde par-là, l'identité même du citoyen. En effet, la
carte nationale d'identité est le moyen essentiel d'identité des
individus, quand les données figurant sur ledit document en particulier
le nom et les prénoms empêchent la confusion avec quiconque.
Parlant du nom, il constitue un moyen d'identification des
individus. C'est l'appellation servant à designer une personne sociale
et juridique en vue de l'exercice de ses droits et l'accomplissement de ses
devoirs. Il est aussi un élément de la personnalité.
À ce titre, il ne relève pas seulement de l'identification, mais
de l'identité même de la personne44. Au Cameroun, la
définition ainsi formulée diverge sensiblement suivant les
sociétés et les réalités culturelles et
religieuses. Dans la partie septentrionale du Cameroun par exemple,
précisément chez les Peul, les définitions des noms et
44 F. Terré et D. Fenouillet, 1996, Droits civils :
les personnes, la famille, les incapacités, 6e
édition, Paris, Dalloz, p.127.
68
prénoms varient sensiblement suivant le degré
d'islamisation atteint par chaque groupe clanique
sédentaire.45 Le droit à un nom est proclamé
pour la première fois avec l'avènement de l'identification
occidentale et plus tard après l'indépendance. Ainsi, la loi
n° 69/LF/3 du 14 juin 1969 sur l'usage des noms et prénoms au
Cameroun stipule en son article 1 que personne ne doit porter de nom, de
surnom, de prénom que ceux exprimés dans ses documents
d'identité officielle et renchérie par l'article 4 que les agents
publics, les administrateurs sont ténus de désigner les citoyens,
rigoureusement par les noms et prénoms et les surnoms (s'il existe)
figurant sur leurs documents d'identité officiels46.
Juridiquement, l'établissement de la carte nationale
d'identité attribue le droit à la nationalité
camerounaise. Dans la plupart des États, la nationalité est
conférée par le jus soli (c'est-à-dire qu'elle
dépend du lieu de naissance) ou par le jus sanguinis
(découlant de la nationalité des parents) ou encore selon la
combinaison des deux principes. En fait, la question de la nationalité
est l'une des questions les plus sensibles et complexes liées à
l'établissement de la carte nationale d'identité, et elle peut
compromettre l'identification des demandeurs d'asile ou de refuge, ou encore de
ceux qui appartiennent à des groupes minoritaires ou ethniques victimes
de la discrimination. Le refus d'établir les cartes nationales
d'identité aux Mbororo par l`État du Cameroun en 1964 est un
exemple patent47. Leurs difficultés à
s'intégrer dans la société moderne justifieraient sans
doute le recours à l'inégalité compensatrice en vue de
faciliter la jouissance de leurs droits fondamentaux et de protéger leur
identité. En effet, ces derniers se trouvent confrontés au
problème d'identification dans l'Adamaoua car ils n'ont aucune notion du
concept de nationalité et de citoyenneté. En somme,
l'établissement de la carte nationale d'identité est en
règle générale une condition pour jouir de la
nationalité. La carte nationale d'identité aide le citoyen
à assurer son droit à ses origines, à un nom ou souvent
à l'exercice d'autres droits humains.
Bien plus, certains citoyens qui sont à la recherche
d'un emploi dans le secteur privé ou public, sont confrontés
à de nombreuses formalités administratives encore plus
45 Hamadou Adama, 1997 « Les nouveaux prénoms
peuls du Nord-Cameroun : historique et essai d'interprétions »
Ngaoundéré-Anthropos, revue des sciences sociales, vol.
2, p. 21.
46 Articles 1 et 4 de la loi n° 69/LF/ du 14 juin 1969
portant réglementation de l'usage des noms et prénoms au
Cameroun.
47C. Madjile, 2005, « Les minorités au
nord- Cameroun : le cas des Mbororo », mémoire de DEA,
université de Ngaoundéré, p.80.
69
sélectives. Dans ce cas, on peut aussi bien avoir
besoin de la carte nationale d'identité du citoyen, pour l'ouverture de
son dossier. Elle fournit aussi la preuve de la nationalité lors d'une
demande d'emploi. C'est ainsi qu'on trouvera sur les arrêtés
fixant organisation des concours d'entrée à la fonction publique
camerounaise les prescriptions suivantes : pour l'école nationale
d'administration et de la magistrature (ENAM) et l'institut nationale de la
jeunesse et de sport (INJS), parmi les pièces à fournir, l'on a :
une carte nationale d'identité, un copie certifiée conforme de
l'acte de naissance, un certificat de nationalité, etc. Bien plus, sur
la fiche de demande d'inscription, figurent bel et bien la nationalité,
le nom, le prénom et le lieu de naissance.
La carte nationale d'identité est un document de la vie
civile rendue obligatoire à tous les citoyens camerounais dès son
institution en 1964. L'importance de ce document réside certainement sur
le plan social. Au-delà de sa fonctionnalité sécuritaire,
elle est demandée pour l'obtention d'un passeport ou d'un permis de
conduire, pour se marier, pour ouvrir un compte en banque, pour solliciter un
emploi ou pour hériter. Sa nécessité peut être
perçue voire connue que par ceux qui sont susceptibles de se
déplacer en dehors de leur circonscription administrative. De
manière pratique, il est important de noter que :
- La carte nationale d'identité facilite
l'identification des citoyens pour l'accès aux services publics.
- La carte nationale d'identité fournit une
confirmation rapide et valide de l'adresse du détenteur.
- La carte nationale d'identité est utile lors de
transactions commerciales et bancaires ainsi que pour obtenir des biens
à crédit ou pour un paiement par chèque.
- La carte nationale d'identité facilite le travail des
institutions financières pour l'identification des clients lors de
l'ouverture d'un compte ou les opérations de change.
- La carte nationale d'identité permet
d'éliminer la fraude ou le double paiement dans les programmes sociaux
(prêts étudiants, prestations de la sécurité
sociale).
- La carte nationale d'identité élimine
l'utilisation de cartes comme le permis de conduire, la carte professionnelle
ou la carte d'étudiant/scolaire comme moyen d'identification.
70
- La carte nationale d'identité peut réduire les
fraudes ou les infractions aux lois en permettant aux policiers de
procéder rapidement à l'identification de personnes suspectes ou
recherchées.
- La carte nationale d'identité peut faciliter le
travail des commerçants qui doivent valider l'âge de leurs clients
lors de la vente d'alcool, de tabac ou pour la location de matériel pour
adultes avertis.
- La carte nationale d'identité peut faciliter
l'accès à des services réservés à certains
groupes d'âges.
- La carte d'identité peut faciliter la gestion des
programmes sociaux en permettant aux fournisseurs de services l'accès au
registre central de la carte d'identité afin de vérifier
l'éligibilité des personnes aux programmes et retracer les
personnes qui ne s'acquittent pas de leurs obligations. L'accès au
registre central permet également aux fournisseurs de services de faire
la mise à jour de leurs banques de données et améliorer
l'exactitude des données qu'ils détiennent. Le détenteur
de la carte y trouve également un avantage puisqu'il n'a plus à
signifier son changement d'adresse à chacun des organismes avec qui il
fait affaires, mais seulement à l'autorité émettrice de la
carte48.
Du point de vue statistique, elle peut être un outil de
recensement de la population et surtout d'établissement des listes
électorales et de vote. L'identification enregistre les
événements au fur et à mesure, permet aux autorités
de repérer les tendances à des intervalles beaucoup plus courts,
de l'ordre de l'année, du trimestre voir du mois. Comme nous l'avons
souligné plus haut les études spéciales, les
enquêtes ponctuelles et autres techniques d'échantillonnage
coûtent chers et se révèlent pourtant rentables.
Au-delà de la question touchant la démographie
la carte nationale d'identité est un document essentiel dans une
démocratie bien implantée. Les listes électorales sont
établies au Cameroun à partir de ce document d'identité.
La crédibilité, la transparence, la prévention des fraudes
électorales et la possibilité pour les citoyens d'exercer leur
droit démocratique sont par conséquent conditionnées par
la possession d'une carte nationale d'identité en cours de
validité. Dans le même ordre d'idées, la base des
données de l'identification qui permet approximativement de
connaître le nombre des
48Campaigns of Opposition to ID Cards Schemes,
Privacy International, en ligne sur http//
www. Privacy. org
./idcard/campaigns.htwl.
71
citoyens, est un préalable pour la constitution d'un
fichier électoral. De tels renseignements sont utiles pour le
système électoral en ce qu'ils fournissent des listes à
jour des personnes à voter. La carte nationale d'identité telle
qu'elle est sécurisée aujourd'hui au Cameroun, est un avantage
pour l'établissement des listes électorales et même
à la bonne organisation et au suivi satisfaisant des élections.
Ainsi, le « Guide du président et des membres de la commission de
vote au Cameroun » Stipule que :
L'identification se fait à l'aide d'une pièce
d'identité officielle (carte nationale d'identité), de la carte
d'électeur.... L'électeur titulaire de sa carte nationale
d'identité et dont le nom ne figure sur la liste électorale du
bureau de vote est autorisé à voter même s'il ne dispose
pas d'une carte d'électeur. Par contre, l'électeur titulaire
d'une carte d'électeur mais sans carte nationale d'identité doit
se faire identifier en plus par des témoins inscrits sur la liste du
bureau de vote49.
Par ailleurs, la carte nationale d'identité comporte les
avantages suivants :
-Une forme fiable d'identification;
-La confirmation de l'inscription de l'électeur;
-La capacité pour l'électeur de prouver qui il est
car la carte comprend une
photographie, une signature, des empreintes digitales, etc.;
-Une manière efficace d'identifier un électeur qui
n'a pas d'adresse fixe;
-Un outil qui facilite la prise du vote d'un électeur dans
une région où il n'est pas connu
personnellement.
On peut toutefois souligner que, les informations relatives
à la carte d'identité ne seraient pas consignées dans un
fichier central, puisque l'absence d'un tel fichier réduirait grandement
les avantages éventuels de la carte d'identité par rapport aux
autres pièces d'identité qui existent actuellement. Le
problème que prétend officiellement résoudre la carte
d'identité est celui de la fraude par substitution de personne ou autre
forme de fausse identification. On doit admettre que la carte d'identité
contribue à réduire la fraude à la marge,
c'est-à-dire dans des activités où les avantages du
fraudeur sont trop faibles pour justifier l'obtention d'une fausse carte
d'identité. Le cas des élections est le plus patent à cet
égard.
49Elections Cameroon, 2011, Guide du
président et des membres de la commission locale de vote. p. 10.
72
Dans les relations privées, la carte nationale
d'identité invoque la facilitation des transactions
électroniques. Idée bien étrange encore que
celle-là, puisque le cyberespace s'est développée et
continue de se développer à marches forcées sans attendre
la sollicitude administrative des pouvoirs publics. Plusieurs méthodes,
dont le cryptage, sont apparues pour assurer la sécurité des
transmissions et garantir la signature des correspondants. Le projet de jumeler
la carte d'identité avec une signature électronique serait,
manifestement et efficacement la lutte contre la cybercriminalité.
En somme, si la carte nationale d'identité contient des
informations sur les citoyens et est reliée à un fichier central
accessible aux organismes publics et aux personnes privées, elle
facilite la prévention de la fraude et la recherche des fraudeurs. Elle
doit donner accès à un fichier central qui aide à retracer
les individus. Il est clair que la carte nationale d'identité occupe une
place importante dans un pays qui se veut démocratique. Elle est
importante tant pour l'État que pour les citoyens du point de vue
politique, sécuritaire, administratif et social. Cependant,
l'utilité d'une telle carte doit être mise en balance avec ses
dangers majeurs pour la protection de la vie privée et la liberté
individuelle.
3-Inconvénients de la carte nationale
d'identité.
Plusieurs auteurs ou organismes privés ou publics
rapportent les difficultés les plus fréquentes que l'on rencontre
avec les moyens actuels d'identification. Au niveau du nom de chacun des
individus, il faut bien constater que plusieurs individus peuvent porter le
même nom; plusieurs résidents sont appelés à
déménager sur une base régulière ce qui rend
aléatoire l'adresse qui figure sur leurs cartes d'identité. La
carte nationale d'identité camerounaise a été rendue
obligatoire pour tous les citoyens en 1964.De ce caractère obligatoire,
il s'ensuit des pénalités encourues par ceux qui ne pourraient
l'exhiber une fois interpellés par un agent des forces de l'ordre ;
donc, en tout temps, un citoyen peut se voir demander par un policier, sa carte
nationale d'identité ; s'il ne l'a pas, l'agent des forces de l'ordre
peut lui dresser une contravention et même l'amène au poste de
police pour enquête. De même si un citoyen oubliait d'avertir
l'Administration de son changement de nom, encore là, on pourrait lui
dresser une contravention50. L'instauration d'un tel système
serait de nature à amener de
50 Entretien avec Woulkane Norbert, tailleur, Banyo, 15 juin
2014.
73
nombreux excès et acheminer la société
vers le harcèlement policier, créant une névrose
collective d'État policier.
Par ailleurs, il faut noter qu'il existe des points d'ombre
concernant l'utilisation de carte nationale d'identité. L'officier de
police d'un commissariat de la région de l'Adamaoua soulignait que dans
de très nombreux cas, les renseignements personnels concernant les
citoyens sont fichés à leur insu pour des fins qu'ils ignorent
sans qu'ils en soient postérieurement informés et sans qu'ils
puissent donc s'y objecter efficacement51. La multiplication de
données personnelles détenues dans le secteur privé et
public est susceptible de brimer ou de porter atteinte à la vie
privée des citoyens. Comme l'ont souligné avec justesse Edith
Deleury et al :
La vie privée participe de la dignité humaine.
La vie privée permet à l'individu de s'épanouir par
l'affirmation de ses singularités, d'acquérir un sens de soi
à l'abri de l'indiscrétion ou du jugement d'autrui. Le
développement d'une personnalité propre et unique passe
obligatoirement par le respect d'une sphère individuelle au travers de
laquelle l'individu assume et cultive ses différences52.
La vie privée est donc intimement liée à
l'autonomie individuelle et constitue l'essence même de notre
société libre et démocratique. Il y a en Europe une
résistance réelle à l'idée d'une carte
d'identification universelle, d'une carte d'identité obligatoire. Parmi
les valeurs qui sont remises en question par une carte d'identité, on
retrouve notamment les suivantes : l'autonomie individuelle,
l'autodétermination en matière d'information, l'accès
exclusif au contrôle de la sphère privée de l'individu, le
droit à l'anonymat et à la solitude. Ainsi, Simon Rogerson
justifiait par ailleurs que l'instauration d'une carte d'identité
obligatoire est susceptible d'affecter les rapports entre l'État, la
police et les citoyens, entre les demandeurs de renseignements personnels et
les personnes concernées53.
51 Cet informateur a requis l'anonymat
52 E. Deleury, 1997, « Mémoire sur la carte
d'identité et la protection de la vie privée »,
présenté à la commission de la culture de
l'Assemblée nationale du Québec, Québec, Barreau du
Québec, p. 7.
53There are many countries where it's become
almost impossibly inconvenient not to have an ID card, because so many benefits
and services depend on it. And by inexorable logic of «nothing to hide
nothing to fear anyone not in possession of an ID card, or unwilling to produce
one could easily become an object of suspicion-for a range of officials, from
police to bank clerks. So even a voluntary scheme could easily increase the
risk of harassment of minority groups.
74
Par ailleurs, Simon Rogerson 54 renchérit
que les groupes démunis et les minorités subissent davantage les
inconvénients et le coût social de ces technologies. Ainsi
concrètement :
- La carte nationale d'identité peut engendrer des abus
quant à l'obligation pour le détenteur de la produire à
tout moment à toute personne qui la requiert ;
- La carte nationale d'identité obligatoire pourrait
altérer les relations entre les citoyens et policiers, si ceux-ci
l'exigent en tout temps sans raison valable ;
- En plus, la carte d'identité porte un numéro
unique permanent rattaché au détenteur, le fichier peut devenir
l'objet de convoitise de beaucoup d'entreprises et d'organismes. Les
entreprises et organismes voudront avoir accès au fichier afin de
comparer les données qu'ils détiennent avec celles contenues dans
le fichier pour vérifier l'éligibilité des citoyens aux
services et programmes ou pour retracer ceux qui ne s'acquittent pas de leurs
obligations. Le fichier pourrait également servir à la
constitution de profils sur la consommation de services. Dans certains cas, la
comparaison peut se faire à l'insu de la personne concernée et
lui causer des préjudices si, à la suite de la comparaison, la
personne se voit retirer un service ou une prestation sans qu'on lui ait
donné la possibilité de se faire entendre55.
- La carte nationale d'identité peut s'avérer un
document attrayant pour les criminels et favoriser la fraude et le crime en
développant un marché pour cartes volées ou
contrefaites.
- La carte nationale d'identité est onéreuse
pour le gouvernement qui l'émet ou pour le citoyen qui doit se la
procurer et la renouveler.
- la non-possession prive les citoyens de certains services
publics et privés.
-Elle peut s'avérer très coûteuse à
produire et à mettre à jour. Tel n'est pas toujours le cas, mais
les coûts augmentent à mesure que s'ajoutent des
éléments de sécurité et que la carte s'impose comme
la principale pièce d'identité du citoyen.
-La production de la carte exige une structure administrative
importante.
54We live in age where citizens are becoming
more and more dependent on digital icons, such as credit card, national
insurance numbers and PIN numbers, in order to live and work. Those not in
possession of such icons will fin did difficult to exist and will become
increasingly disadvantaged. The identity car did see as yet another icon but on
which more embracing and having greater potential to alter society radically.
S.Rogerson, 1995, « The Green paper on Identity cards, A response
from the Center for Computing and social responsability »,United Kingdom,
Center for Computing and social Responsibility, p. 1.
55Deleury, 1997, p.8.
75
-Elle doit être produite avec une technologie
appropriée. S'il n'y a pas d'électricité là
où l'établissement se fait et où les cartes sont
délivrées.
En somme. Bien qu'elle soit obligatoire, la carte nationale
d'identité n'est pas à la portée de tous les citoyens
à cause de son coût. Certaines minorités assument les
conséquences de façon plus sensible que les autres citoyens. Une
réglementation efficace de la transmission des renseignements personnels
pose aussi un réel défi. Tout Camerounais résidant au
Cameroun est, sous peine des sanctions prévues à l'article 370 du
Code Pénal, tenu de déclarer à l'officier
d'état-civil territorialement compétent les naissances, et plus
tard à l'âge de 18 ans de se faire établir une carte
nationale dans un poste d'identification de sa localité. Ceci concourt
à l'identification de la personne physique. Ainsi, il y a trois
manières de concevoir la carte nationale d'identité : il y a
d'abord cet angle subjectif qui est celui de l'individu, et qui peut relever de
la déclaration de l'identité individuelle. Là, on va
précisément parler d'identité. Puis, il y a le point de
vue de l'État qui, lui va se fonder plutôt sur des critères
objectifs, voire des critères scientifiques qui sont aujourd'hui au
centre de débats politiques et là, on va plutôt parler
d'identification. La première conception débouche sur la
sécurisation de l'identité et la seconde sur la base de
données de population. Un troisième pan, qui va retenir notre
attention est sa fonction d'ordre social. L'état des personnes recense
donc des mesures de police prises pour identifier les personnes, pour assurer
leur unicité. Pour cette raison, la carte nationale d'identité
est constituée de règles d'ordre public et un instrument de
contrôle et régulation de la sécurité, d'où
la déclaration de Thierry Braspenning56,
L'institutionnalisation de l'identité et de la menace
apporte, paradoxalement, la sécurité. Lorsque l'objet de la peur
a été clairement identifié, on sait mieux ce qui est
menacé et quelle attitude, quelle stratégie peut aider à
s'en prémunir. La survie est une question d'identification. Elle est une
interrogation sur le « qui », le « quoi », le «
pourquoi » et le « comment ». Qui ou qu'est ce qui est
menacé ? Par qui ou quoi ? Pourquoi ? Comment en sortir ? Les
représentations sociales que sont les institutions insèrent la
peur dans un cadre qui sécurise l'environnement systémique.
56T. Braspenning, 2000, « Group identity and
the disintegration of the modern link between Security and fear »,
contribution présentée à l'occasion de la graduate
conference in Political Theory à l'Universitéd'Essex du 12 au 13
mai 2000, p.12.
76
Ces propos traduisent l'importance de la carte nationale
d'identité dans la lutte contre le phénomène de
l'insécurité.
Après avoir étudié le contenu de la carte
nationale d'identité et appréhendé les différents
éléments que le droit civil considère pour distinguer les
personnes, il en ressort que l'autorité publique aurait
intérêt à ce que ces différents
éléments ne disparaissent pas pour que l'individualisation d'une
personne ne puisse être reproduite sans autorisation, sauf usage
personnel. En tout cas, le droit civil a toujours organisé un
système de constatation de l'identité malgré les multiples
contentieux qui l'émaillent.
CHAPITRE II :
ÉTABLISSEMENT DES CARTES NATIONALES
D`IDENTITÉ DANS L'ADAMAOUA.
78
Réalisée par Alpha Ndanga et Jean Francis
Gabana.
Figure 2: Carte de l'Adamaoua
«Nom, profession, origine». Cette trilogie ou ces
composants qu'on pourrait dire élémentaires constituent le noyau
dur de l'identification. Longtemps inscrits dans l'oralité, ils vont
être combinés à des supports écrits. Cette
innovation, retravaillée et affinée, est la source d'une
transformation durable et structurante dans notre société. Il
faut également retenir que la question de l'identification portée
par les administrateurs de tout poil ne saurait s'analyser parle seul prisme
des populations dites mobiles mais
79
font corps avec le contrôle de la population urbaine et
rurale. Notre ambition dans ce chapitre est de montrer que les changements
survenus au niveau politique et administratif sont cependant loin d'être
insignifiants pour la question d'identification dans l'Adamaoua.
L'établissement des cartes nationales d'identité dans l'Adamaoua
constitue sans nul doute un enjeu pour le gouvernement camerounais. Il sera
question de montrer l'impact des ajustements administratifs et des innovations
techniques sur les conditions d'établissement des cartes nationales
d'identité au Cameroun en générale et dans l'Adamaoua en
particulier. En faisant d'une certaine manière le portrait d'une
histoire de l'identification, il s'agit d'explorer les conditions pratiques de
ces transformations dans l'Adamaoua entre 1960 et 2013.
I- evolution de la structure administrative de
l'Adamaoua et la mise
en place des postes d'IDENTIFICATION.
L'Adamaoua représente la complexité et la
pluralité camerounaises. Ces caractéristiques sont par une
dialectique animée d'un côté par une volonté
persistante de bien marquer son identité, sa différence par
rapport aux voisins avec lesquels bien des péripéties de
l'histoire contemporaine ont été partagées. Il s'agit dans
cette partie d'analyser la dynamique de la mise en place des postes
d'identification. Nous insisterons surtout sur les données
administratives, dans la mesure où l'évolution de la structure
administrative de l'Adamaoua a considérablement influencé la mise
en place des postes d'identification dans cette Région.
80
1. Évolution de la structure administrative de
l'Adamaoua.
Après 1911, l'Adamaoua qui faisait partie des
territoires conquis par l'Allemagne, avait deux chefs-lieux de districts que
sont Banyo et Ngaounféré. En 1916, la France retire les
territoires cédés à l'Allemagne en 1911 et intègre
le Cameroun à l'Afrique Équatoriale Française (AEF). Elle
remanie l'organisation administrative et forme les Régions, les
subdivisions et les postes administratives. C'est dont dans ce sillage que la
Région de l'Adamaoua naît. Suite au découpage de 1941,
l'Adamaoua devint Région et eu comme subdivisions
Ngaoundéré, Banyo, Tibati, Meiganga, Tignère.
Avec l'indépendance et la mise en oeuvre d'une nouvelle
organisation du territoire, la Région disparait au profit de la
province. L'organisation administrative du Cameroun connu des changements entre
1959, 1983 et 2008 1 . En fait, après l'indépendance,
les Régions et les districts sont devenus les départements
regroupés en inspection fédérale d'administration (IFA).
Le décret n°59/138 du 08 août modifie les
dénominations des circonscriptions. Ainsi, on peut lire dans l'article
premier de ce décret :
Les circonscriptions administratives de l'État du
Cameroun désignées sous l'appellation de Régions,
subdivisions et postes administratifs prennent respectivement les
dénominations de départements, arrondissements et districts. Les
délégués du gouvernement prennent le titre d'Inspecteurs
généraux de l'Administration2.
Dans cette optique, la «Région du Nord »
devient la « province du Nord » en intégrant le territoire de
l'Adamaoua. L'Adamaoua qui fit donc partie de ce nouveau découpage
administratif, devint ainsi « département de l'Adamaoua » avec
cinq arrondissements notamment Banyo, Tignere, Tibati, Meiganga et
Ngaoundéré comme chef-lieu dudit département. Cette
dénomination perdure jusqu'en 1983.
L'année 1983 est caractérisée au Cameroun
par la création de nouvelles provinces
et de nouveaux départements. Le décret
n°83-390 du 22 aout 1983 a créé cinq (05)
1Hamadou Adama et al, 2014, De l'Adamawa
à l'Adamaoua. Histoire, enjeux et perspectives pour le Nord-Cameroun,
Paris, l'Harmattan, p.10.
2 Article Premier du décret n°59/138 du 08 Aout
1959 du Premier Ministre, chef du gouvernement camerounais.
81
nouvelles provinces en son article2, parmi lesquelles la
province de l'Adamaoua. Le décret n°83-392 de la même
année quant à lui, crée neuf (09) nouveaux
départements. Les articles premier et 2 dudit décret stipulent
que :
Sont et demeurent abrogées les dispositions du
décret n°81-251 du 11 décembre 1981 portant
réorganisation administrative dans province du Nord. (Sic)
Il est créé dans les ressorts territoriaux des
actuels départements de Mbam-et- Djerem, d'Adamaoua, de la
Bénoué des départements suivants :
-le département du Mayo Banyo : chef-lieu Banyo -le
département du Djerem : chef-lieu Tibati
-le département du Mbéré : chef-lieu
Meiganga -le département de la Vina ; chef-lieu Ngaoundéré
-le département de Faro-et- Déo chef-lieu Tignere... Art.2. Les
départements sont composés des
arrondissements et districts suivants :
a) Département de Mayo Banyo Arrondissement de Bankim
Arrondissement de Banyo
b) Département du Djerem
Arrondissement de Ngaoundal
Arrondissement de Tibati
c)Département du Mbéré
Arrondissement de Meiganga
District de Djohong érigé en arrondissement
d) Département de la Vina
Arrondissement de Ngaoundéré
District de Belel érigé en arrondissement
e) Département de Faro- et-Déo
Arrondissement de Tignere
District de Mayo-Baléo érigé en
arrondissement District de Galim-Tignere unité créée
rattachée administrativement à l'arrondissement de
Tignere3...
En 2008, le Cameroun passe des provinces aux régions
administratives. Deux décrets du Président de la
république ont refondu complètement l'organisation administrative
du Cameroun et le régime des attributions des chefs de circonscriptions
administratives. Ce remaniement était attendu, car il était
nécessaire de tenir compte des dispositions de la révision
constitutionnelle de 1996 qui prévoit la décentralisation
administrative et la création des régions.
3 Article 1 et 2 du décret n°83-392 du 22 aout
1983 portant création de nouveaux départements et
arrondissements.
82
La principale innovation de ces textes tient donc au
remplacement des provinces par des Régions, mais également
à la disparition des districts. L'organisation administrative est
essentiellement hiérarchisée. Son étude suppose que l'on
sache quelles sont les différentes circonscriptions administratives
créées dans l'Adamaoua, leur nombre, leur dénomination et
surtout l'impact de la création de ces unités administratives sur
la mise en place des postes d'identification. La Région, il faut le
noter, constitue en même temps une circonscription administrative qu'une
collectivité territoriale décentralisée (comme une
commune), deux notions à ne pas confondre.
Le décret de 2008 transforme, comme nous l'avons
souligné plus haut, les dix (10) provinces en Régions et
érige les districts en arrondissement. Dès lors, en son article
5, ledit décret stipule que :
La Région de l'Adamaoua, dont le chef-lieu est
Ngaoundéré, comprend les départements
suivants :
-Département du Djerem ;
-Département du Faro-et Déo ;
-Département du Mayo Banyo ;
-Département du Mbéré ;
-Département de la Vina4.
Ce faisant, l'Adamaoua passe de onze (11) arrondissements
à 21 arrondissements. Elle compte cinq (05) départements et
vingt-et-un (21) arrondissements. Ainsi, les départements du Faro-et-Deo
et du Mbéré comptent chacun 4 arrondissements, le Mayo-Banyo
trois (03) arrondissements, la Vina huit (08) arrondissements et le Djerem deux
(02) arrondissements (voir tableau 1). Cependant, il ressort que dans ce
découpage administratif, la Vina est le département le plus vaste
et le Faro-et Déo est le moins dense. Le département du Mayo
Banyo est à la fois le moins vaste et le plus dense (voir tableau
2).L'on constate dès lors que, cette évolution des structures
administratives au Cameroun, trahit en principe, la volonté des pouvoirs
publics de rapprocher davantage l'administration des populations.
L'évolution de la structure administrative de l'Adamaoua de 1959 au
récent décret de 20085 a un impact considérable
sur la mise en place des postes d'identification.
4Décret n°2008/376 du 11/12/2008 qui
transforme les 10 Régions et érige les districts en
arrondissements. 5 Ibid.
83
Tableau 1: données administratives de la
Région de l'Adamaoua en 2010.
Départements
|
Chefs-lieux
|
Superficie
|
Arrondissements
|
Vina
|
Ngaoundéré
|
17 196
|
Ngaoundéré 1er, 2eme et
3eme
Belel
Mbe
Ngan-ha Martap
Nyambaka
|
Mbéré
|
Meiganga
|
14 267
|
Meiganga Djohong Dir Ngaoui
|
Mayo Banyo
|
Banyo
|
8 520
|
Banyo Bankim Mayo Darlé
|
Djerem
|
Tibati
|
13 283
|
Tibati
Ngaoundal
|
Faro et Déo
|
Tignère
|
10 435
|
Tignère Galim-Tignère Mayo-baléo Kontcha
|
Total
|
05
|
63 701
|
21
|
Source : MINEFI/Division Économique de
l'Adamaoua/ Rapport Économique de la Région de L'Adamaoua,
Exercice 2010/2011.
84
Tableau 2: répartition de la population de la
Région de l'Adamaoua 2005-2010.
|
Djerem
|
Faro -et- Deo
|
Mayo Banyo
|
Mbere
|
Vina
|
Adamaoua
|
Cameroun
|
Superficie
|
13283
|
10435
|
8520
|
14267
|
17196
|
63701
|
466050
|
2005
|
Population
|
124948
|
82712
|
187066
|
171670
|
317888
|
884289
|
1746383
|
Densité
|
9,4
|
7,9
|
22,0
|
12,0
|
18,5
|
13,9
|
37,5
|
Tx
urbanisation
|
/
|
/
|
/
|
/
|
/
|
38,8
|
48,8
|
2010
|
Population
|
143505
|
95002
|
214849
|
197166
|
365100
|
1.015622
|
19.406.100
|
Densité
|
10,8
|
9,1
|
25,2
|
13,8
|
21,2
|
15,9
|
41,6
|
Tx
urbanisation
|
/
|
/
|
/
|
/
|
/
|
/
|
/
|
Source : Ministère de
l'Économie, de la Planification et de l'Aménagement du
Territoire/ Rapport régional de progrès des objectifs du
millénaire pour le développement/Région de l'Adamaoua,
exercice 2010.
Les données des tableaux précédents
permettront de mieux analyser la mise en place ou encore la disposition des
postes d'identification et de mieux étudier l'évolution des
demandes de cartes nationales d'identité dans l'Adamaoua.
2-La mise en place des postes d'identification.
L'on ne saurait parler de carte nationale d'identité
dans l'Adamaoua sans toutefois évoquer le processus qui a rendu faisable
l'établissement même de cette pièce d'identité aux
citoyens. La mise en place des postes d'identification dans l'Adamaoua s'est
faite de manière progressive. En outre, les postes d'identification sont
nés au rythme de l'évolution de la structure administrative de
l'Adamaoua et au rythme de la croissance
85
de la population de ladite Région. C'est en fait un
processus qui a débuté en 1960, avec la présence de
quelques postes d'identification installés uniquement dans les
localités les plus importantes de l'Adamaoua. Avec l'ouverture
démocratique des années 1990 et l'augmentation de la population
de l'Adamaoua, plusieurs postes d'identification sont créés dans
toutes les circonscriptions administratives de la Région de
l'Adamaoua.
2-1.Les premiers postes d'identification de
l'Adamaoua.
La période post-coloniale au Cameroun est
caractérisée par la mise en place de la nouvelle administration
et plus particulièrement la création des postes d'identification.
Ces postes d'identification, dans leur contexture actuelle dans la
Région de l'Adamaoua, se singularisent par une répartition
relativement inégale. La région de l'Adamaoua, depuis
l'indépendance du Cameroun, connaît une mise en place progressive
des postes d'identification dont la cartographie donne une lecture plus
aisée.
L'analyse de la mise en place des postes d'identification dans
l'Adamaoua, prend en compte les éléments factuels qui expliquent
pourquoi certaines zones ne sont pas dotées de postes d'identification
ou encore ont bénéficié tardivement d'un poste
d'identification. Dès l'indépendance du Cameroun sous
administration française en 1960, les premiers postes
d'identification ont été créés dans le but
d'identifier les citoyens de cette Région frontalière à la
République Centrafricaine et au Tchad réputés pour une
instabilité et pour une émigration de leurs citoyens vers le
Cameroun. En effet, la mobilité des citoyens camerounais et
l'immigration des personnes de nationalités diverses ont justifié
la création des postes d'identification surtout dans les chefs-lieux des
circonscriptions territoriales de l'Adamaoua. Ainsi, les
sous-préfectures et préfectures étaient à cet
effet, considérées comme les postes d'identification. L'Adamaoua
au cours des années 1960, comptait comme nous l'avons souligné
plus haut cinq (05) arrondissements. Dans ces arrondissements furent donc
installés les services d'identification.
La création des structures administratives a fait
également naître les commissariats dans l'Adamaoua. En effet, dans
leurs missions, les circonscriptions territoriales sont accompagnées par
les commissariats. Ainsi, au Cameroun, les commissariats, tels que
définies par le décret de 1964 instituant la carte nationale
d'identité6 dans son article 3, sont des
postes d'identification. Ainsi on peut lire : « La carte nationale
d'identité est établie par les commissaires de police et les
chefs de circonscriptions territoriales auxquels le Directeur de la
Sureté fédérale délègue sa signature
».
Dans la dynamique de la création des postes
d'identification au Cameroun, on note une mise en place de manière
discriminatoire des postes d'identification dans la Région de
l'Adamaoua. On dirait que certaines localités de l'Adamaoua ont
été carrément écartées de la politique
d'identification des citoyens camerounais. Ce sont par exemples les
localités stratégiques telles que Djohong et Ngaoui dans le
Mbéré, Bankim dans le Mayo Banyo, Ngan-ha et Belel dans la Vina,
Ngaoundal dans le Djerem, Konctha dans le Faro-et-Déo. Des
localités stratégiques du point de vue de leurs positions
frontalières aux pays voisins du Cameroun et aussi du point de vue
démographique. Ces localités n'avaient, au cours des
années 1960 et 1970, aucun poste d'identification.
Dès lors, dans les différentes circonscriptions
territoriales, il eut deux postes d'identification seulement dans les centres
urbains. Ainsi, le tableau suivant fait ressortir la répartition des
postes d'identification dans l'Adamaoua de 1960 à 1995.
Tableau 3: répartition des postes d'identification
de 1960 à 1995.
Villes
|
Postes d'identification
|
BANYO
|
Sous-préfecture de Banyo et le commissariat de la ville
de Banyo
|
NGAOUNDÉRÉ
|
Sous-préfecture de Ngaoundéré et le
commissariat
spécial de la ville de Ngaoundéré
|
86
6 Décret n°64-DF-394 du 29 septembre 1964 instituant
la carte nationale d'identité.
87
TIBATI
|
Sous-préfecture de Tibati et le commissariat la ville
de Tibati
|
MEIGANGA
|
Sous-préfecture de Meiganga et le commissariat de la
ville de Meiganga
|
TIGNERE
|
Sous-préfecture de Tignere et le Commissariat la ville
de Tignere.
|
Source : Tableau réalisé
à partir des archives de la délégation régionale de
la sûreté nationale de l'Adamaoua.
Au regard du tableau de la répartition des postes
d'identification dans l'Adamaoua, il est important de noter que, par rapport
à la couverture du territoire de l'Adamaoua, les postes d'identification
sont insuffisants. Ainsi, pour une superficie de 63 701Km2
l'Adamaoua comptait dix (10) postes d'identification installés
uniquement dans les villes importantes.
2-2. Répartition des postes d'identification
dans l'Adamaoua à partir de 1995.
L'année 1995 est marqué la mise en place d'un
nouveau système d'identification au Cameroun et surtout par l'ouverture
de près de 100 postes d'identificatification à travers le
Cameroun. Le Cameroun, au début des années 2000, compte 350
postes d'identification7. Suite à cette réalisation de
la délégation générale à la
surété nationale, la Région de l'Adamaoua,
bénéficia de nouveaux postes d'identification. Ainsi, pour
pallier les difficultés d'établisssement des cartes nationales
d'identité que connaissent les services d'identification et les citoyens
demandeurs, dans certains centres urbains comme Ngaoundéré, Banyo
et Meiganga, de nouveaux postes d'identification on été
créés pour renforcer ceux qui existaient déjà. Par
ailleurs, la mesure prise par le délégué
générale à la sûreté nationale, responsable
principal de l'identification au Cameroun, a permis aussi de créer les
postes d'identification dans certains arrondissements et localités de
l'Adamaoua, ceci pour rapprocher davantage les sercvice d'identification des
populations.
7 Entretien avec Boudié Jacques, Chef de la cellule
d'authentification des demandes de cartes d'identification, Yaoundé, 20
juillet 2014.
88
Chaque département de la région dispose
désormais de deux (02) à cinq (05) postes d'identification,
chargés d'établir les cartes nationales d'identité aux
citoyens camerounais qu'on retrouve dans ces unités administratives. Sur
le plan régional, la délégation régionale de la
sûreté nationale de l'Adamaoua assure la tutelle des postes
d'identification. Elle est chargée d'acheminer les matériels
d'identification dans ces postes. Cependant, il est important de remarquer que,
la nouvelle répartition des postes d'identification dans l'Adamaoua
tient compte de la densité de la population et même de la position
des circonscriptions administratives. Ce faisant, nous avons la
répartition suivante :
Le département de la Vina compte cinq (05) postes
d'identification dont : le poste d'identification de la
délégation régionale de sûreté nationale de
l'Adamaoua ; le poste d'identification du commissariat central ; le poste
d'identification deMbé ; le poste d'identification de Nyambaka et le
poste d'identification de Martap.
Dans le département du Mbéré, nous avons
: le poste d'identification du commissariat de sécurité publique
de la ville de Meiganga ; le poste d'identification du commissariat central de
la ville de Meiganga, mais installé à Meidougou ; le poste
d'identification de Djohong et le poste d'identification de Dir
Dans le département de Mayo Banyo ils sont les suivants
: le poste d'identification de Banyo, le poste d'identification de Bankim et le
poste d'identification de Mayo-Darlé.
Dans le département du Faro-et Déo, l'on a : Le
poste d'identification de Tignere et le poste d'identification de
Galim-Tignere
Dans le département du Djerem, l'on : le poste
d'identification de Tibati et le poste d'identification de Ngaoundal.
Au totale, l'Adamaoua est passé de dix (10) à seize
(16) postes d'identification. Au cours des périodes 1960 ; 1970 et 1980
les postes d'identification étaient logés dans
89
les structures de l'administration territoriales
(préfectures et sous-préfectures).La mise en place du
système d'identification biométrique en 1995 a permis de
centraliser les services d'identification. Désormais, les services
d'identification sont logés dans les structures de la
délégation générale de la sûreté
nationale (commissariats).
Photo 16: Poste d'identification de la ville de
Meiganga.
(c) : Jean Francis Gabana, juillet 2014
Ce poste d'identification qui fut dans l'enceinte de la
sous-prefecture de Meiganga entre 1960 et 1994, est logé dépuis
1995 dans le commissariat de la sécurité publique de Meiganga.
Photo 17: Poste d'identification de la ville de
Tibati.
(c) : Jean Francis Gabana, juin 2014.
Ce poste d'identification fut l'unique du département
du Djerem jusqu'en 1983, année de création de la sous-prefecture
de Ngaoundal, par conséquence, la création d'un nouveau poste
d'identification dans le Djerem. C'est l'un des postes de l'Adamaoua qui,
jusqu'ici, produit le moins de demandes de cartes nationales d'identité
par rapport au autres postes d'identification. Le responsable dudit poste
justifie que la plupart des citoyens de ce département vivent dans les
campagnes et sont préoccupés par les activés de
pêche, par de activés champêtres et par des activités
pastorales8.
90
8 Entretien avec MohamadouSalissou, chef de poste
d'identification AD 06, Tibati, 03 juin 2014.
Photo 18: poste d'identification de la ville de
Banyo.
(c) : Jean Francis Gabana, juin 2014
Le poste d'identification de Banyo fut le tout premier dans le
département de du Mayo Banyo. Logé dans l'enceinte du
commissariat de sécurité publique de la ville de Banyo depuis
1995, ce poste reçoit aujourd'hui, en moyenne 20 à 30 demandeurs
par jour. À cause de l'étroitesse de l'espace, les demandeurs
attendent à l'extérieur leur tour. Monsieur Baino Pagoah,
responsable de ce poste d'identification, explique que, lors des campagnes
d'identification, l'établissement des cartes nationales
d'identité se fait à l'extérieur (à l'aire libre),
car le bâtiment ne peut contenir plus de 10 personnes9. Une
représentation de ces postes d'identification dans un tableau permet de
faire une lecture aisée des services d'identification dans
l'Adamaoua.
91
9 Entretien avec Baino Pagoah, chef de poste d'identification,
Banyo, 14 juin 2014.
92
Tableau 4:répartition des postes
d'identification dans l'Adamaoua en 2013.
Code du poste
d'identification
|
Ville ou Localité
|
Localisation
|
AD 01 : DRSN/AD
|
NGAOUNDERE
|
Délégation générale de la
sûreté nationale de l'Adamaoua
|
AD02 : MAYO-DARLE
|
MAYO-DARLE
|
Commissariat central de
Mayo- Darlé
|
AD03 : BANKIM
|
BANKIM
|
Commissariat central de
Bankim
|
AD 04 : BANYO
|
BANYO
|
Commissariat de sécurité
publique de Banyo
|
AD05 : CIAT CENTRAL
|
NGAOUNDERE
|
Commissariat central de
Ngaoundéré
|
AD06 : TIBATI
|
TIBATI
|
Commissariat Spécial de
Tibati
|
AD07 : MEIGANGA
|
MEIGANGA
|
Commissariat de sécurité
publique de Meiganga
|
AD08 : TIGNERE
|
TIGNERE
|
Commissariat de sécurité
publique de Tignere
|
AD09 : NGAOUNDAL
|
NGAOUNDAL
|
Commissariat central de
Ngaoundal
|
93
AD10 : MBE
|
MBE
|
Commissariat central de Mbé
|
AD11 : DIR
|
DIR
|
Commissariat central de Dir
|
AD12 : GALIM- TIGNERE
|
GALIM-TIGNERE
|
Commissariat central de
Galim-Tignere
|
AD13: DJOHONG
|
DJOHONG
|
Commissariat central de
Djohong
|
AD14 : MEIDOUGOU
|
MEIDOUGOU
|
Commissariat central de
Meiganga
|
AD15 : NYAMBAKA
|
NYAMBAKA
|
Commissariat central de
Nyambaka
|
AD 16 : MARTAP
|
MARTAP
|
Commissariat central de Martap
|
Source : Archives de la
délégation régionale de la sûreté nationale
de l'Adamaoua.
Tableau 5:répartition des
équipes mobiles d'identification dans l'Adamaoua en 2011.
Code
|
Départements
|
Localité de travail
|
MA
01
|
VINA
|
Belel; Bakari Bata; Tchabal ; Idool ; Tello ;Belel-Dibi etc.
|
MA 05
|
MA04
|
MAYO-BANYO
|
Sambolambo ; Nyamboyan ; Mbamti,
Kontcha etc.
|
94
MA06
|
DJEREM
|
Mbakaou ; Allat Mingat ; Tongo. Ngatt ;Pangar ; Kawtal 1 et 2,
Danfili ; Djondé ;Koundé etc.
|
MA09
|
MA07
|
MBERE
|
GbatouaGodolé ; Kombo Laka ; Yarmbang ; Ngaoui ; Lokoti
;Dankalé ;Mbarang ; Zaoro-Fio ; BékaGuiwan.
|
MA14
|
MA08
|
FARO ET DEO
|
Almey ;Wogomdou ; Mayo Lewa ;Lompta etc.
|
Source : Archives de la délégation
régionale de la sûreté nationale de l'Adamaoua.
À la suite de ces tableaux, il est important de noter
que dans chaque département de l'Adamaoua, en plus des postes
d'identification fixes, les équipes mobiles d'identification furent
créées. Ces équipes mobiles d'identification se
déploient surtout à la veille des échéances
électorales dans le but de pallier aux nombreuses difficultés que
connaissent les citoyens des zones rurales et surtout pour permettre aux
citoyens en âge de voter de se faire inscrire sur les listes
électorales. Ces équipes mobiles déployées au cours
de la période des opérations foraines de l'établissement
des cartes nationales d'identité, ont couvert plusieurs zones rurales de
l'Adamaoua permettant ainsi à plusieurs citoyens de se faire identifier.
Une représentation des postes d'identification sur une carte permet de
mieux cerner la disposition des services d'identification dans l'Adamaoua.
95
Figure 3: carte des postes d'identification de
l'Adamaoua.
À la suite de cette carte, force est de constater que
les départements de la Vina et du Mbéré ont respectivement
cinq (05) et quatre (04) postes d'identification. Dans le département de
la Vina, les arrondissements de Nganha-ha et de Belel ne sont pas, jusqu'ici,
dotés de postes d'identification. Dans le département du
Mbéré, l'arrondissement de Ngaoui manque de poste
d'identification. Les arrondissements de Tibati et Ngaoundal dans le
département du Djerem ont chacun un poste d'identification. Dans le
département du Mayo Banyo, tous les trois arrondissements
96
sont dotés des postes d'identification. Dans le
département de Faro et Déo, deux (02) arrondissements
(Galim-Tignere et Tignere) sont dotés des postes d'identification. Les
arrondissements de Kontcha et de Mayo-Baléo n'ont pas jusqu'ici de
postes d'identification. La disposition de ces postes d'identification dans
l'Adamaoua, ne permet pas à certains citoyens d'accéder
facilement aux services d'identification.
II- Pratique d'identification dans l'Adamaoua de 1960
À 2013.
La mise en place des postes d'identification dans l'Adamaoua
et le développement de la politique d'identification au Cameroun ont un
impact direct sur l'établissement des cartes nationales
d'identité dans cette unité administrative. Les périodes
1960, 1970 et 1980 sont caractérisées par un faible taux
d'identification. Cependant, à partir des années 2000, avec
l'avènement du nouveau système d'identification au Cameroun,
l'action des pouvoirs publics, l'on constate une amélioration des
conditions d'identification dans les postes d'identification repartis dans
l'Adamaoua. Ainsi, pour une bonne compréhension de la pratique
d'identification dans l'Adamaoua, il importe d'étudier
l'établissement des cartes nationales d'identité uniquement dans
les centres urbains de1960 à1999 et le déploiement des postes
d'identification dans les zones rurales à partir des années
2000.
1-Établissement des cartes nationales
d'identité de 1960 à 1999.
La politique d'identification au Cameroun s'est
développée de manière progressive. En fait, au cours des
périodes 1960, 1970 et 1980, les cartes nationales d'identité
étaient délivrées dans les commissariats et
sous-préfectures. La structure administrative de l'Adamaoua ne fut pas
en marge de cette pratique d'identification. En effet, au cours des
années 1960 cette unité administrative ne comptait que quelques
postes d'identification qui, étaient logés dans les
sous-préfectures et quelques commissariats disséminés sur
l'étendue dudit territoire10. C'est dire donc qu'à
cette époque, comme partout au Cameroun, les cartes nationales
d'identité étaient délivrées par les chefs de
circonscriptions territoriales et par des commissaires de police. Cependant, il
faut noter que les postes d'identification qui étaient logés dans
les sous-préfectures et commissariats ne pouvaient que par
conséquent être dans les centres
10 Entretien avec Daagoula Ibrahim, ancien personnel
d'identification, Tibati, 08 juin.
97
urbains de la Région de l'Adamaoua. Toutefois, les
populations de localités environnants ces centres urbains, pour se faire
établir leurs cartes nationales d'identité, se rendaient dans ces
sous-préfectures et commissariats. Ainsi, pratiquement, les demandeurs
de cartes nationales d'identité de ces époques se faisaient
souvent accompagner de deux à trois témoins. Selon monsieur
Daagoula, l'absence des pièces pouvant prouver la nationalité
d'un quelconque citoyen demandeur de la carte nationale d'identité,
faisait aussitôt intervenir les témoins qui peuvent être le
chef du village ou du quartier et deux à trois membres de famille. La
présence de ceux-ci n'était donc pas fortuite dans la mesure
où ils étaient chargés de justifier le lieu de naissance,
le domicile et surtout la filiation du citoyen à identifier.
Par ailleurs, la manière dont les postes
d'identification étaient repartis dans l'Adamaoua (au cours de 1960
jusqu'à la fin des années 1990) ne pouvait pas permettre aux
citoyens des zones rurales de l'Adamaoua d'obtenir aisément leurs cartes
nationales d'identité11. C'est par exemple, le cas des
populations de Djohong, Gbatoua-Godolé, Fada, Ngaoui, Lokoti etc. qui se
rendaient, souvent à pieds, à la sous-préfecture de
Meiganga pour se faire établir leur carte nationale
d'identité.
À partir des années 1980, l'identification des
citoyens dans l'Adamaoua fit une légère une avancée. L'on
note dès lors, le déploiement des services d'identification de
Ngaoundéré et de Meiganga dans les zones rurales. Cependant,
cette politique d'identification ne porta pas de fruit, car selon un ancien
personnel d'identification, les populations des zones reculées
étaient encore méfiantes et la politique d'identification avait
manqué de financement et d'appui de la part des autorités
politiques et administratives de la région12.
De manière générale, l'identification
dans l'Adamaoua de 1960 à 1990 est caractérisée par une
faible production. En effet, la procédure d'identification durant ces
années semblait facile par rapport à celle d'aujourd'hui, car le
demandeur pouvait entrer en possession de sa carte d'identité le
même jour de la délivrance. Ceci devrait plutôt attirer bon
nombre de citoyens de l'Adamaoua à se faire identifier. Mais,
11 Nous en parlerons amplement dans la partie
réservée aux obstacles liés à
l'établissement des cartes nationales d'identité dans l'Adamaoua.
Toutefois, nous soulignons cet aspect dans cette partie juste pour expliciter
la pratique d'identification en vigueur dans l'Adamaoua des années 1960,
1970 et 1980.
12 Cet informateur requis l'anonymat.
98
paradoxalement, l'on constate plutôt le contraire car
plusieurs citoyens ne connaissaient pas le bien-fondé de
l'identification. Tout de même, il ressort que, l'établissement
des cartes nationales d'identité dans l'Adamaoua dans les trente
premières décennies a manqué d'une politique viable et de
l'appui du gouvernement. Même en exemptant à un certain moment les
frais d'identification, peu de citoyens se faisaient établir leurs
cartes d'identité. Néanmoins, quelques postes d'identification
furent relativement actifs. C'est notamment les postes d'identification de
Ngaoundéré et de Banyo, premièrement à cause de
leur position stratégique (villes frontalières au Tchad et au
Nigeria), deuxièmement à cause de leur potentiel
démographique (voir tableau 2) et enfin à cause de
l'ancienneté de ces postes d'identification installés. De
manière générale, les départements de la Vina et du
Mayo Banyo sont, en fait, les deux premiers départements les plus
peuplés de l'Adamaoua et suivant la logique de l'évolution de la
structure administrative de l'Adamaoua, les postes d'identification ont
été d'abord créés dans les chefs-lieux de ces deux
départements en occurrence Ngaoundéré et Banyo. Ce sont
les postes qui recevaient en moyenne vingt à trente demandeurs par jour.
Par ailleurs, la position de ces deux départements comme carrefours
d'une part (Ngaoundéré) et d'autre part, zones
frontalières aux pays voisins du Cameroun a un impact important sur
l'établissement des cartes nationales d'identité dans les postes
d'identification de ces deux villes. Les postes d'identification de Tibati,
Tignère furent peu productifs à cause du retard de la mise en
place des infrastructures d'identification.
2-Le déploiement des postes d'identification
à partir des années 2000.
La principale raison qui explique le déploiement des
postes d'identification dans les années 2000 est surtout politique. En
effet, les stratégies variées ont été mises sur
pied pour permettre à tous ceux qui n'ont pas de carte d'identité
d'en posséder puisque, sans carte d'identité personne n'est
autorisé à s'inscrire sur une liste électorale. C'est dans
cette optique que le président de la République a pris une
série de mesures visant à permettre aux citoyens de disposer
d'une carte d'identité. En fait, l'ONEL (Office National des
Élections) avait proposé au gouvernement le maintien de la
validité de la carte nationale d'identité en carton pour les
inscriptions lors des élections législatives et municipales de
2002. Répondant à cette proposition, par décret
n°2002/023 du 23/01/2002 le président de la République
décida de proroger la validité de la carte d'identité en
carton jusqu'au 31 décembre 2003. Par un autre décret, il
prorogea à
99
nouveau ledit délai13. L'objectif une fois
de plus, était de permettre à un maximum de citoyens camerounais
d'avoir une carte nationale d'identité et de s'inscrire sur les listes
afin d'exercer, le moment venu, leur droit de vote. Ainsi, des mesures
allégeant les formalités en matière d'établissement
et de délivrance de la carte nationale d'identité
informatisée sont entreprises par le chef de l'État. Par
décret, il ordonna la réduction de moitié les frais
d'obtention de la carte, la faisant passer désormais de 5000f à
2500f14. Avant de la rendre totalement gratuite, chaque citoyen
concerné par un problème d'identification ne devait
dépenser que la somme de 2800 FCFA au total, à raison de 1800
FCFA pour la photo d'identité et 1000 FCFA pour la taxe spéciale
d'identification. Toute exigence financière allant au-delà de
cette somme est donc réputée illicite et de ce fait, interdite.
Elle devra par conséquent, le cas échéant, être
portée à la connaissance du délégué
général à la sûreté nationale. De la
même façon, aucun paiement ne saurait être exigé lors
du retrait de la carte nationale d'identité15.
Bien plus, du 03 janvier au 30 avril 2011, le Président
de la République rend l'établissement des cartes nationales
d'identité gratuite, afin de pallier leur coût élevé
et encourager dans la foulée les inscriptions sur les listes
électorales. Ces mesures qui
furent valables jusqu'au 19/05/2011, portaient sur les points
suivants :
- l'exemption des frais de timbre lors de la signature par les
autorités administratives des pièces d'état-civil
exigées pour la constitution des demandes d'identification en vue de la
délivrance desdites cartes;
- l'exemption du droit de timbre et de la redevance du greffe
lors des demandes et de la délivrance des certificats de
nationalité, en vue de l'établissement des cartes ;
- la gratuité des imprimés de demandes et de
certificats de nationalité auprès des Tribunaux de
Première Instance territorialement compétents ;
-la mise en place et le déploiement physique des
équipes mobiles d'identification, notamment en milieu rural au
bénéfice des populations éloignées des postes fixes
d'identification ;
- le renforcement des équipes de travail dans les
centres d'identification et les centres de production et d'authentification
;
-la dotation des équipes mobiles d'identification en
matériel roulant conséquent ;
13Cameroon Tribune n° 8918/5117, du 23
Aout 2004, p. 10.
14 Ibid.
15 Déclaration du ministre de la communication, Issa
Tchiroma Bakary, lors du point de presse donné à Yaoundé
le 10 janvier 2011.
100
- le renforcement des centres d'identification et de
production en fournitures et matériel photographique et en consommables
divers ;
- la mobilisation des ressources nécessaires à
la facilitation de l'ensemble de ces opérations.
Les mesures qui viennent d'être énoncées
visaient à accroître l'efficacité du système
d'identification déjà existant sur l'ensemble du territoire
national, dont le maître d'oeuvre est le délégué
général à la sûreté nationale en
étroite complémentarité d'action avec le Ministère
de l'Administration Territoriale et de la Décentralisation et le
Ministère de la Justice.
D'une manière générale, la
stratégie d'identification des populations camerounaises comporte deux
(02) volets opérationnels :
-l'identification spontanée qui se fait dans les trois
cent cinquante (350) postes fixes ouverts dans les zones de grandes
agglomérations disséminées sur l'ensemble du territoire
national ;
-l'identification de proximité par le
déplacement des équipes mobiles d'identification, en direction
des populations situées en zones reculées et d'accès
souvent difficile. Dans le contexte des mesures prescrites par le Chef de
l'État, les postes d'identification fixes ont connu une
amélioration de leur fonctionnement avec d'avantage de
professionnalisme, de célérité, de rigueur et de
courtoisie. Ces postes d'identification restaient donc ouverts au public, de
lundi à vendredi, de 7h30 à 17h30 et le samedi de 7h30 à
12h30.
S'agissant des équipes mobiles d'identification, leur
mise en mouvement fut assurée par le délégué
général à la sûreté nationale et s'effectua
à la demande des autorités administratives, des élites
locales et des responsables des partis politiques. La particularité de
ces équipes tenait pour l'essentiel à la rapidité du
travail effectué et au raccourcissement des délais entre la
collecte des demandes et la mise à disposition des cartes sur le lieu
initial d'identification. Afin d'atteindre le plein objectif visé par ce
moyen d'identification, il était recommandé aux postes
d'identification de faire en sorte que les dossiers à instruire soient
accompagnés des précisions relatives aux points physiques des
rencontres d'identification, au nombre des personnes à identifier par
101
session d'identification ainsi qu'à la mise à
jour préalable de leurs demandes respectives.
Au total, les mesures prescrites par le Chef de l'État
permettent de réduire de près de 50% la dépense
effectuée par tout citoyen en période normale, pour
l'établissement d'une carte nationale d'identité. Ainsi, Issa
Tchiroma Bakary16 justifie la mesure du président de la
République en ces termes :
La mesure prise par le Président de la
République, afin de faciliter à titre exceptionnel
l'établissement et la délivrance des cartes nationales
d'identité aux citoyens Camerounais en âge de voter, notamment de
par l'incidence de près de trois (03) milliards de FCFA qu'elle
crée sur le budget de l'État, indique donc, s'il en était
encore besoin, la ferme détermination du Chef de l'État à
tout mettre en oeuvre, pour assurer une participation optimale des Camerounais
aux prochaines échéance électorales.
S'inscrivant dans la dynamique entreprise par le chef de
l'État, outre la création des équipes mobiles
d'identification dans les zones rurales, le délégué
général à la sûreté nationale entreprit des
mesures pour accompagner la décision du chef de l'État. C'est
ainsi que l'on a observé dans l'Adamaoua, les actions des services
d'identification suivantes :
- Le déploiement des équipes mobiles
d'identification chargées chacune de couvrir au moins un
département du territoire de l'Adamaoua.
- L'identification de proximité par la mise en
mouvement des groupes mobiles d'identification gravitant autour des centres
d'identification pour se rapprocher le plus possible des demandeurs de cartes
nationales d'identité.
- L'amélioration du fonctionnement des postes
d'identification fixes existants, disséminés sur l'ensemble du
territoire régional pour un rendement qualitatif et efficient.
- Le renforcement des équipes de travail dans les
postes d'identification.
- L'intensification de la distribution de proximité des
cartes nationales d'identité en souffrance.
16 Déclaration du ministre de la communication, Issa
Tchiroma Bakary, lors du pont de presse donné à Yaoundé le
10 janvier 2011.
102
Dans tous les cas, les mesures liées à la carte
nationale n'ont pas parfois suffi car, il s'est souvent posé le
problème du défaut d'actes de naissance suscitant dans la
foulée la prise de certaines dispositions. C'est ce qui a motivé
l'établissement des actes de naissance à ceux qui n'en n'avaient
pas. Ainsi, la mesure présidentielle du 31 décembre 2012,
instaurant la gratuité de la carte nationale d'identité au
Cameroun, a mis à nu la difficulté des habitants de Belel,
Ngaoui, Danfili, Sambolambo etc. Faute de poste d'identification, les habitants
de ces localités se sont rués vers les villes proches pour
obtenir leurs pièces d'identité.
Photo 19: les citoyens venus se faire
identifier à l'hôtel de ville de la communauté urbaine de
Ngaoundéré pendant la campagne d'identification.
(c) : Ndjobdi Pierre, juillet 2014.
103
3-Le démarchage dans le processus
d'identification.
Au cours des quatre premières décennies de
l'institution de la carte nationale d'identité au Cameroun, la pratique
du démarchage dans le processus d'identification n'était pas
réellement perceptible. Une lecture historique de la pratique
d'identification dans la Région de l'Adamaoua révèle que
le démarchage dans le processus d'identification s'est accentué
à partir des années 2000. En fait, l'avènement de la carte
nationale d'identité informatisée à la fin des
années 1990, suscita la curiosité des citoyens de la
Région de l'Adamaoua et par conséquent augmenta les demandes de
cartes nationales d'identité. En effet, contrairement aux années
précédentes, l'on constate une forte demande de la carte
nationale d'identité dans l'Adamaoua. Désormais devant certains
postes d'identification de la Région l'on observe de nombreux citoyens
en quête de leur identité officielle. Souvent en rang ou encore
assis dans les salles d'entente du service d'identification, ces citoyens
attendent avec impatience leur tour. Cependant, certains citoyens, pour
éviter des longues attentes font recours aux démarcheurs.
De ce qui précède, il est important de noter que
l'affluence dans les postes d'identification a permis le développement
du démarchage dans le processus d'établissement des cartes
nationales d'identité dans l'Adamaoua. Toutefois, il faut noter que
cette pratique n'est pas officiellement reconnue par le gouvernement
camerounais, mais les écarts constatés entre normes et
comportements de certains personnels d'identification semblent relever de la
mauvaise application des conditions d'établissement de la carte
nationale d'identité. En fait, pour monsieur Ndjobdi Pierre, un
démarcheur est « cet individu qui s'est autoproclamé
personnel d'identification et qui assure l'intermédiation entre le poste
d'identification et le demandeur de la carte d'identité surtout dans le
but de tirer un profit du service rendu»17.
C'est précisément en 2002, année qui
correspond à la toute premières opération foraine
d'établissement des cartes nationales d'identité
informatisée que le phénomène de démarchage
s'amplifie dans la Région de l'Adamaoua. En effet, il faut
répartir aux actions des élites politiques de l'Adamaoua qui,
à la veille des échéances électorales, conduisaient
certains citoyens aux postes d'identification, pour mieux comprendre la
17 Entretien avec Ndjobdi Pierre, personnel d'identification,
Ngaoundéré, 15 septembre 2014.
104
pratique du démarchage qui fait le quotidien de
certains postes d'identification de l'Adamaoua. Certains proches des personnels
d'identification, ou ceux qui ont noués des relations avec ceux-ci sont
devenues au lendemain des années 2000, des acteurs de l'identification
qui, il faut le souligner, ne sont pas reconnus par l'État. Ces derniers
semblent être incontournables pour certains citoyens dans le processus
d'identification. Pour se faire établir leur carte nationales
d'identité, certains citoyens font recours à ces
démarcheurs qui, font authentifier à leur place, leur acte de
naissance, leur certificat de nationalité et les conduisent dans le
poste d'identification18.
Cette pratique semble être récurent chez les
Peul. Monsieur Bétara remarquait que la plupart des Peul qui viennent se
faire établir leur carte nationale d'identité, se font
accompagnés par un démarcheur.19Les raisons d'une
telle intermédiation avancées par quelques citoyens
rencontrés résident, selon eux, au fait que les
démarcheurs connaissent le « Ngomna »20 et
maitrisent mieux qu'eux la procédure d'établissement de carte
nationale d'identité.
Dès lors, cette intermédiation dans le processus
d'identification semble être une norme dans la conscience de certains
individus. Le démarchage a amplifié certaines pratiques qui
existaient déjà dans les services d'identification. Ainsi, l'on
note la surenchère du tarif d'identification, la corruption et le
népotisme dans certains services d'identification de la Région de
l'Adamaoua. Monsieur Hamadou Malloum témoignait que la première
fois qu'il voulait se fait établir sa carte nationale d'identité
informatisée en 2001, le démarcheur lui avait demandé la
somme de 30.000 f21. Les démarcheurs profitent
également des périodes d'affluence dans les postes pour encaisser
frauduleusement de l'argent. Toutefois, des mesures drastiques ne sont pas,
jusqu'ici, prises à l'encontre des démarcheurs, qui constitues
une entrave à l'identification.
18 Entretien avec Nanawa Sylvain, personnel d'identification,
Tibati, 08 juin 2014.
19 Entretien avec Bétara Narma Paul, personnel
d'identification, Meiganga, 03 août 2014.
20 Terme utilisé en Fufuldé pour
désigner l'administration.
21 Entretien avec Hamadou Malloum, marabout, Meiganga, 26 mai
2014.
105
Iii-Les réactions des populations À
l'Égard de la question
d'identification.
Au cours de l'histoire, l'autorité politique imposa
fréquemment aux gens ordinaires l'exigence de laissez-passer, de
documents d'identité ou d'autorisation de circuler. De même, les
esclaves américains avaient besoin d'un passeport intérieur pour
circuler. La majorité des pays africains après
l'indépendance en se dotant du système d'identification
basé sur la carte d'identité, ont imposé la possession de
ces pièces de la vie civile à leurs citoyens. Ainsi, le Cameroun
n'est pas en marge de cette pratique. La finalité de cette partie est
d'analyser les comportements des populations de l'Adamaoua vis-à-vis de
la question de la carte nationale d'identité. De manière
concrète, il s'agira d'examiner les formes de résistance des
populations, les raisons d'une ruée dans les postes d'identification
à un moment précis et enfin il sera question d'analyser les
mobiles de l'abandon des cartes nationales d'identité dans les postes
d'identification de l'Adamaoua.
1. Une passivité des populations à
l'égard de la carte nationale d'identité.
En Afrique en général, la question
d'identification n'est pas universellement perçue comme un droit
fondamental. De ce fait, il ne lui est accordé qu'une infime
priorité. Au Cameroun et dans l'Adamaoua particulièrement, la
possession de la carte nationale d'identité n'est pas
considérée comme une priorité par certains citoyens. Un
tel comportement est justifié par l'ignorance et la
méconnaissance des droits relatifs à l'établissement des
cartes nationales d'identité et l'ignorance même de ce document
d'identité comme pièce officielle. C'est dans cette optique que
Jean Marie Adiaffi met en exergue dans son oeuvre un dialogue entre un agent de
la force de l'ordre le personnage Malédouman en ces termes :
-« Ta carte d'identité ! Ta carte
d'identité ! »
-« Qu'est-ce que cette histoire de carte
d'identité ? Regardez-moi bien. Sur cette joue, cette marque que vous
voyez, c'est ma carte d'identité » « ...carte
d'identité, quel drôle de mot ! (...) Cela ne veut rien dire
(...). Seul le sang, la famille identifient réellement. Seule l'histoire
identifie réellement. Seul le temps identifie réellement
».22
22J.M.Adiaffi, 1980, La carte
d'identité, Paris-Abidjan-CEDA, coll. Monde Noir Poche, p. 28 et
29.
106
Ce dialogue traduit combien de fois la carte d'identité
est étrangère pour l'Africain qui ne trouve dans ce document
aucune importance. En effet, dans les zones rurales de l'Adamaoua,
l'établissement des cartes nationales d'identité n'est pas
considéré comme important par les citoyens qui sont
préoccupés dans leur survie au jour le jour. La valeur de la
carte nationale d'identité est négligée face à des
problèmes plus immédiats et plus tangibles, en oubliant son
potentiel.
Le problème majeur qui se pose ici, est l'absence de
rapports entre le citoyen et les services d'identification. Dès
l'institution de la carte nationale d'identité, le gouvernement
camerounais a manqué à mission qui est celle d'informer et de
sensibiliser la population. Il se trouve donc que certains citoyens dans
l'Adamaoua, face à cette situation, ne pouvaient que manifester une
réticence vis-à-vis de la carte nationale d'identité.
Ainsi, à cause des affres de la colonisation européenne l'on note
tout de même un climat de méfiance des populations au cours des
années 1960 à l'égard de toute entreprise de
l'État. En fait, il est important de noter que la notion
d'identification, qui a été introduite par l'autorité
coloniale était en général mal perçue. Les
populations y voyaient une pratique étrangère qu'on leur imposait
et non un service dont il bénéficiait. L'on pouvait souligner
à cette époque la méfiance des populations à
l'égard de tout fichage, en raison de son usage pour
l'établissement de l'assiette de l'impôt et des listes des
imposables. Cette image a perduré chez certains citoyens de l'Adamaoua
qui, pendant les années 1960, percevaient en la carte nationale
d'identité une pratique étrangère destinée à
les asservir. Il ressort donc que, l'une des raisons qui explique par ailleurs,
la réticence ou la passivité des populations de l'Adamaoua est le
manque de sensibilisation des citoyens au sujet du bien-fondé de la
carte nationale d'identité.
Par ailleurs, l'identification dans l'Adamaoua est
ignorée en tant qu'institution. En dehors d'une franche infime
d'intellectuels ou de professionnels de l'identification, certains citoyens des
zones rurales de l'Adamaoua n'ont pas la moindre idée du sens ou du
bien-fondé de la carte nationale d'identité. Ils
perçoivent mieux l'identification comme quelques formalités
bureaucratiques que l'on doit remplir dans certaines circonstances de la vie,
sans trop de question. L.Tart et M. Francois, analysant l'état-civil en
Afrique, justifient cette ignorance en ces termes :
107
En Afrique..., une telle méconnaissance ne peut
être que la règle, dans la mesure où la notion
d'État moderne représente plus une superstructure ajoutée
comme « pièce rapportée » à la vie courante,
qu'un élément intégré à celle-ci. On
pourrait donc dire que, dans les mentalités, l'état-civil
n'existe simplement pas : il y a juste là une émanation de
l'Administration, des « gens des bureaux »
(Ngomna), qui impose quelques contraintes dans une
série de circonstances en rapport avec les exigences de la
modernité, mais ce n'est nullement porteur de sens
propre23.
De ce qui précède, il ressort que les
législations qui ont été conçues pour
l'identification ont été transposées dans un contexte
où elles n'avaient pas vocation à s'appliquer. Toutefois, les
législateurs de la carte nationale d'identité du Cameroun n'ont
pas tenu compte de la culture et des réalités quotidiennes des
communautés locales. Ces textes sont donc entrés par effraction
chez les populations du Cameroun et de l'Adamaoua en particulier.
De même, il faut souligner la
légèreté des autorités administratives dans
l'Adamaoua au cours des années 1970 en ce qui concerne la gestion de la
question d'identification des citoyens. En outre, la loi n° 64 du 13
septembre 1964 rendant obligatoire la carte nationale d'identité
combinée à l'article 59 du décret de la gendarmerie
instituant le contrôle d'identité n'a pas été
scrupuleusement appliquée. Dans l'Adamaoua, à cette
époque, les citoyens se déplaçaient d'une localité
à une autre sans en permanence présenter leur carte nationale
d'identité à un agent de la force de l'ordre. Ainsi, Madame Diza
Inès témoigne en ces termes :
Au cours des années 1970, il n'existait presque pas de
contrôle rigoureux de pièce d'identité dans les postes de
contrôle routier. Les femmes n'étaient même pas
interpellées pour une question de carte nationale d'identité.
C'est souvent les femmes mariées aux « hommes en tenue » et
celles qui occupaient des postes de responsabilité qui
généralement, détenaient la carte nationale
d'identité24.
Dès lors, il faut dire que la passivité des
populations de l'Adamaoua vis-à-vis de la question de la carte nationale
d'identité réside surtout dans la méconnaissance du
bien-fondé de cette pièce de la vie civile. Cette
passiveté résulte également du manque de sensibilisation
de la population par l'administration. La carte nationale d'identité
23L.Tart et M. François, 1999,
État-civil et recensement en Afrique francophone pour une collecte
administrative de données démographiques, Paris, Les
documents et manuels du CEPED n°10, p.196. 24 Entretien avec Diza
Inès, ménagère, Ngaoundéré, 12 aout 2014.
108
avait été instituée sans aucune campagne
de sensibilisation de la population camerounaise. Cependant, l'ouverture
démocratique au Cameroun notamment les différentes
échéances électorales fut à l'origine de la
ruée des populations dans les postes d'identification. Aussi, pour
atteindre sa mission d'identification des citoyens, l'État camerounais a
pris des mesures coercitives envers les citoyens, en instituant des
contrôles systématiques d'identité.
2. La ruée des citoyens dans les postes
d'identification à partir des années 1990.
Les mobiles qui justifient la ruée des citoyens dans
les postes d'identification de l'Adamaoua sont une conjugaison de plusieurs
faits. En fait, depuis l'institution de la carte nationale d'identité,
des mesures coercitives n'étaient pas aussi prises par l'État
à l'endroit des citoyens réticents et/ou récidivistes. Il
fallut attendre les années 1990, caractérisés par
l'ouverture démocratique et la montée fulgurante de
l'insécurité dans cette Région frontalière avec la
République Centrafricaine, le Tchad et le Nigeria pour assister aux
contrôles systématiques des documents. Cette mesure a amené
plusieurs citoyens à prendre d'assaut les postes d'identification
repartis dans la Région.
La montée de l'insécurité dans l'Adamaoua
est caractérisée par l'émergence du gangstérisme
urbain et rural et la grande criminalité. Face à cette situation
l'autorité mit en place la politique « du tout répressif
»25. Dans le but de reconstruire l'ordre public, la
sécurité et la stabilité dans cette Région, le
contrôle d'identité dans les centres urbains et même les
frontières de l'Adamaoua fut résolument la méthode
employée par l'État pour mettre hors d'état de nuire les
acteurs de l'insécurité et amener les citoyens qui ne disposaient
pas de carte nationale d'identité à s'en procurer. En effet, le
contrôle d'identité est une opération de police visant
à établir l'identité de la personne
contrôlée. Le droit distingue le contrôle d'identité
de police judiciaire, qui s'effectue dans le contexte d'une infraction, et le
contrôle d'identité de police administrative, qui peut avoir pour
objectif de prévenir des infractions, et non simplement de les
réprimer. Les contrôles ne peuvent se faire sur le seul fondement
de l'apparence extérieure, ni non plus sur le seul fait de parler une
langue étrangère26. Dès lors, des patrouilles
mixtes et les opérations de rafle ont été
organisées dans tout l'Adamaoua. L'une des principales
25Nteanjignigni Yaya, 2011, «
L'impératif sécuritaire dans l'Adamaoua (Cameroun) : 1990-2010
», mémoire de master recherches en Histoire, université de
Ngaoundéré. p. 77.
26 Entretien avec Henri Sanama, Commissaire de Police Principal,
Meiganga, 28 mai 2014.
109
missions est de contrôler autant d'identité des
personnes dans la Région. Contrairement aux périodes 1960 ; 1970
et 1980 où il y avait quelques contrôles sporadiques
d'identité au niveau des postes de contrôle de gendarmerie, de
police et au niveau des frontières de l'Adamaoua, il eut cette fois-ci
de la rigueur dans les postes de contrôle de l`Adamaoua et des multiples
descentes des agents de la force de l'ordre dans les zones rurales. Madame
Amina Clémentine rapporte que :
Les militaires de Ngaoundal, de Ngaoundéré et
les gendarmes de Tibati descendaient à Mbakaou. Les villageois
étaient surpris à partir de 4 heures du matin, ceci pour que
personne n'échappe au contrôle des cartes nationales
d'identité. Ceux qui ne disposaient pas de carte nationale
d'identité, étaient immédiatement conduits à Tibati
située à 40 Km où ils iront s'expliquer devant un
commissaire ou un commandant de brigade et ne regagneront le village que s'ils
se sont fait établir leurs cartes d'identité27.
De ce qui précède, il est à noter que la
répression de la force de l'ordre est la base même de la
ruée des citoyens dans les postes d'identifications. Il était
dont difficile que les récidivistes et les malfrats passent entre les
mailles du filet de la police. La seule issue fut donc d'aller dans les postes
d'identification se faire établir leur carte nationale d'identité
pour éviter toute tracasserie de la police dans les centres urbains et
lors des déplacements d'une localité à une autre. Ainsi,
comme les postes d'identification étaient insuffisants au début
des années 1990, ce fut donc la bousculade au niveau de quelques
postes.
Par ailleurs, l'avènement de la carte nationale
informatisée en 1998, a augmenté les demandes des cartes
nationales d'identité dans la région de l'Adamaoua. En plus de la
répression policière dont sont victimes les citoyens, la nouvelle
carte nationale d'identité en format teslin 28 a
suscité la curiosité des citoyens de l'Adamaoua. Toutefois, de
nombreux citoyens se sont dirigés dans les postes d'identification soit
pour remplacer l'ancienne carte en format carton (pour ceux qui
s'étaient déjà fait identifier), soit pour une
première demande (pour ceux qui avaient atteint l'âge requis pour
avoir une carte nationale d'identité)29. Bien qu'elle soit
chère au début pour les citoyens camerounais moyens, plusieurs
citoyens de la région de l'Adamaoua surtout
27 Entretien avec Amina Clémentine, Tibati, 06 juin
2014.
28 Voir le décret n° 2007/254 du 4 septembre
définissant les caractéristiques et les modalités
d'établissement et de délivrance de la carte nationale
d'identité.
29 Entretien avec Baino Pagoah, chef de poste d'identification de
Banyo, Banyo, 14 juin 2014.
110
les Mbororo qui sont généralement
installés dans les zones rurales ont mis les moyens en jeu pour se faire
établir leurs cartes nationales d'identité informatisée.
En masse et surtout accompagnés des démarcheurs, ceux-ci ne
désemplissaient pas les postes d'identification30.
Cependant, le monisme ne pouvant expliquer un fait en
histoire, la répression de la force de l'ordre et l'avènement de
la nouvelle carte nationale d'identité ne sont pas les seules causes de
la ruée des populations dans les postes d'identification de l'Adamaoua.
Il faut également prendre en compte les raisons politiques. En fait, le
citoyen est celui qui bénéficie des droits
politiques31. Par le biais du vote il désigne des personnes
à qui il confie les différents pouvoirs (exécutif,
législatif, judiciaire). L'État camerounais et les Camerounais en
cela ne dérogent donc pas à la règle. La
citoyenneté étant un vecteur d'identité nationale. Les
citoyens souhaitant s'inscrire sur les listes électorales doivent
accomplir un certain nombre d'actes car si le droit de s'inscrire est reconnu
aux citoyens en âge de voter (20 ans)32, il n'a de sens que si
d'autres formalités sont remplies. Dans le cas contraire, le citoyen
(n'ayant pas accompli ces autres formalités) n'a pas droit à
l'inscription sur les listes électorales. C'est ainsi que le citoyen n'a
pas droit à l'inscription s'il ne possède pas de carte nationale
d'identité. La possession de la carte nationale d'identité est
cruciale dans l'inscription sur les listes et c'est justement pour cette raison
que ceux qui ne l'ont pas ne sont pas autorisés à
s'inscrire.
Cependant, la carte nationale d'identité en cours de
validité, constitue le document de base permettant de faire inscrire un
citoyen sur les listes électorales. Monsieur Ndjobdi, rapport que :
En 2004, à cause de l'échéance
électorale, le poste d'identification de la délégation
régionale de la sûreté nationale de l'Adamaoua (AD 01) et
celui du commissariat central de Ngaoundéré (AD 05) ne
désemplissaient pas des demandeurs de carte nationale d'identité.
Il a fallu renforcer l'équipe d'identification pour mener à bout
l'identification en cette période. Par jour le poste d'identification AD
01 à lui seul, produisait en moyenne 350 à 400 demandes de cartes
nationales d'identité.33
30 Entretien avec Mohamadou Salissou, chef de poste
d'identification de Tibati, Tibati, 06 juin 2014. 31D.Schnapper,
2000, Qu'est-ce que la citoyenneté, Paris, Gallimard, p.
105.
32 Lire l'article 11 du code électoral Camerounais.
33 Entretien avec Ndjobdi Pierre, Personnel d'identification,
Ngaoundéré, 03 septembre 2014.
111
La gratuité de l'établissement des cartes
nationales d'identité et l'action des hommes politiques de l'Adamaoua
expliquent également la ruée des citoyens dans les postes
d'identification. Pendant les campagnes d'identification gratuite de 2002,
2004, 2011 et 2013, la sensibilisation mené par les élus locaux
de l'Adamaoua a permis aux citoyens des zones périphériques et
même aux femmes du Saaré34de se rendre dans
les postes d'identification. L'exemption des frais d'identification par le
président de la République à la veille des
échéances électorales a permis aux citoyens démunis
de se rendre en masse dans les centres d'établissement des cartes
nationales d'identité. Au-delà de ces raisons, La dimension
économique explique aussi la ruée de la population dans les
postes d'identification.
À partir des années 2000, les entreprises
bancaires de transfert d'argent en occurrence EXPRESS UNION, EXPRESS EXCHANGE,
MONEYGRAM etc. s'installèrent dans la région de l'Adamaoua. Sans
publicité, avec l'évolution de la technologie de l'information,
ces entreprises permettent en même temps de transférer et
recevoir, en toute discrétion, de l'argent à l'intérieur
et à l'extérieur du Cameroun. C'est en effet, une manière
de déjouer les braqueurs et les coupeurs de route qui jadis avaient
l'habitude d'opérer dans les centres urbains et sur les voies publiques.
Ainsi, pour bénéficier de leurs services, il faut au
préalable posséder une carte d'identité en cours de
validité. Vu cette exigence, les citoyens qui ne possédaient pas
de carte nationale d'identité ne pouvaient que se rendre dans les postes
d'identification pour se faire identifier. Mvuti Pauline explique en ces termes
:
Pour bénéficier de nos services tout usager doit
posséder une carte d'identité permettant de l'identifier. Ce
document nous permet de connaître le bénéficiaire, sans
confusion avec une autre personne et le destinataire. Nous n'acceptons pas par
conséquent les cartes d'identité arrivées à
expiration dans nos services ceci pour prévenir les
fraudes35.
Dès lors, le délégué
régional de la sûreté nationale de l'Adamaoua fait un bilan
de l'identification. Selon ce responsable de l'identification dans l'Adamaoua,
les statistiques sont impressionnantes : « Au niveau des postes fixes, la
région de
34 Les femmes cloitrées
35 Entretien avec Mvuti Pauline, agent EXPRESS UNION de
Ngaoundéré, Ngaoundéré, 28 septembre 2014.
112
l'Adamaoua a établi 87 517 cartes. Au niveau des postes
mobiles, ils ont établi 26 166 cartes. Ce qui donne un total de 113 683
cartes nationales d'identité établies gratuitement dans la
région de l'Adamaoua entre avril et juin 2013 »36.
3. Abandon des cartes nationales d'identité dans les
postes d'identification.
Après la ruée des citoyens dans les postes
d'identification de l'Adamaoua dans le but d'obtenir une carte nationale
d'identité, de nombreux citoyens finissent par abandonner leur carte
nationale d'identité dans lesdits postes. Il existe, dans les postes
d'identification de l'Adamaoua, des milliers de cartes nationales
d'identité en souffrance. Dans les commissariats de police, ces
pièces officielles encombrent l'espace. Les armoires de rangement sont
surchargées. Les cartes s'empilent dans certains commissariats.
Certaines cartes nationales d'identité sont de retour dans les postes
d'identification depuis 2002. Évidemment, elles ont eu le temps
d'atteindre la date d'expiration de leur validité.
Dès lors, l'on pose la question de savoir : où
vivent les potentiels propriétaires? Les citoyens camerounais de cette
Région brillent de plus en plus par un penchant à négliger
même ce qui est important. Les prétextes se multiplient donc pour
esquiver la carte nationale d'identité. Sauf lorsque, pour une
transaction financière, pour tracasserie policière ou pour la
présentation d'un concours, ils se trouvent contraints de venir
auprès des postes d'identification les ayant reçus pour enfin
entrer en possession de leur carte. A la faveur d'une vérification des
pièces personnelles, il se trouve toujours un passager qui perd l'usage
de sa langue devant l'insistance de l'agent de police ou d'un gendarme qui veut
l'identifier. Le plus souvent, ce sont les quolibets des autres occupants du
véhicule contre les agents publics qui mettent un terme à la
confrontation. Le voyage se termine dans certains cas au poste de police.
Parfois, on donne des conseils et la randonnée peut reprendre. Tout se
passe en tout cas comme si certains citoyens avaient horreur d'être en
règle. A un moment, lorsque la sécurisation de ce document a
opéré le passage du simple carton à la version
informatisée, des voix se sont élevées pour pointer du
doigt, le coût élevé de la carte nationale
d'identité. La version miniaturisé a ensuite été
introduite, sans forcément que les mauvaises habitudes
36 Entretien avec Seke Colomban, délégué
régionale de la sûreté nationale de l'Adamaoua,
Ngaoundéré, 30 septembre 2014.
113
changent.
Puis, il y a eu les années électorales. Les
politiques ont pu demander et obtenir de la plus haute autorité du pays,
la gratuité de la carte nationale d'identité. Le chef de
l'État a accédé à cette demande malgré le
fait que cela ait coûté au trésor public. Les populations
de l'Adamaoua ont envahi, des journées entières, les postes
d'identification. Le responsable régional de la police avait
demandé du renfort en ressources humaines à sa hiérarchie,
les récépissés ont été
délivrés. Mais après cet emballement, très peu de
citoyens sont repassés vers les postes d'identification pour retirer
gratuitement ces pièces d'identité.
En 2012, les députés ont interpellé le
vice-Premier ministre, en charge des Relations avec les Assemblées. La
gratuité de la carte nationale d'identité est revenue comme
doléance. En réponse, le vice-premier a fait allusion à
des centaines de milliers de cartes abandonnées à travers le pays
qu'il fallait d'abord retirer, mais Amadou Ali a promis de transmettre la
doléance des élus du peuple à qui de
droit37.
En dehors de l'Assemblée Nationale, certains partis
politiques qui font l'expérience de la biométrie, ont
souhaité que le chef de l'État accorde encore la gratuité
de la carte nationale d'identité aux populations en 2012. Une fois de
plus, le Président de la République a accédé
à cette demande, en incitant cependant ses compatriotes à aller
massivement s'inscrire sur les listes électorales.
Pour l'heure, même les autorités locales de
l'Adamaoua ne peuvent expliquer les véritables raisons de cet abandon
affiché par certains individus au bénéfice desquels le
chef de l'État a accordé l'obtention gratuite de la carte
nationale d'identité. Après investigation auprès de
quelques citoyens et personnels d'identification de l'Adamaoua, il ressort que
l'abandon des cartes nationales d'identité dans cette région est
dû à l'ignorance d'une part et d'autre part à la
mobilité des demandeurs.
En effet, nombreux sont ceux-là qui abandonnent leur
carte nationale d'identité dans les postes d'identification par
ignorance. D'aucuns, après établissement de la
37 Informations relayées par le site
www. Camer.be.cm,consulté le
28 septembre 2014.
114
demande, oublient qu'il faut revenir au poste d'identification
après un délai de quatre à cinq mois (qui correspond au
traitement de la demande et à la date de validité du
récépissé) entrer en possession de leur carte. Ceci tout
simplement parce que l'agent identificateur n'a pas pris la peine d'expliquer
au demandeur la procédure de délivrance de ladite pièce.
Toutefois, le citoyen demandeur n'a aucune idée du lieu d'acheminement
de sa demande et du délai de retour de sa carte d'identité.
D'autres citoyens abandonnent leur carte nationale
d'identité par négligence. Le patriotisme peut se jauger à
ce niveau. Certains jeunes qui se lancent dans la vie active n'ont plus selon
eux, le temps à accorder à autre chose que leur
activité.
Les épouses cloitrées abandonnent leur carte
nationale d'identité dans les postes d'identification, attendant que
leur époux ou leurs démarcheurs qui les avaient
accompagnées se faire identifier, aillent eux-mêmes les retirer.
Cette ignorance qui inclut la négligence et même la
sous-scolarisation met en évidence la lassitude des citoyens camerounais
et de l'Adamaoua en particulier.
Dans le même sillage de l'abandon des cartes nationales
d'identité dans les postes d'identification de l'Adamaoua, il faut
également considérer comme cause la mobilité des
demandeurs. En fait, la plupart des cartes nationales d'identité en
souffrance dans les postes d'identification de l'Adamaoua appartiennent aux
Mbororo, nomades par excellence. Du fait de la transhumance pour leurs
bétails auquel ils accordent plus d'importance qu'à autre chose,
les Mbororo, après avoir reçu le récépissé
de demande, ne reviennent pas toujours retirer leur carte nationale
d'identité. Ils se contentent juste du récépissé,
qui n'a qu'une durée de validité de trois mois, comme
pièce à conviction sans laquelle ils auront des ennuis avec les
agents de la police38. En outre, ils préfèrent refaire
une autre demande de carte une fois arrivé dans la localité
d'accueil abandonnant ainsi, la première carte de retour dans le poste
d'identification qui les avaient reçus.
Par ailleurs, certains citoyens se trouvent contraints
d'abandonner leur carte nationale d'identité dans les postes
d'identification pour des raisons professionnelles. Certains fonctionnaires
affectés dans une Région ou une ville autre que celle où
les
38 Entretien avec Adamou Djaodji, berger, Tignere, 13 août
2014.
115
demandes de leurs cartes nationales d'identité avaient
été établies, se voient obligés de les abandonner.
Les élèves et les étudiants également
délaissent leurs cartes nationales d'identité dans les postes
d'identification parce qu'ils doivent aller continuer les études
ailleurs. Parfois ces derniers se contentent soit du
récépissé, soit de la carte scolaire ou la carte
d'étudiant pour des voyages et des opérations bancaires.
Outre la raison de la mobilité des citoyens, certains
demandeurs abandonnent leur carte du fait que les personnels d'identification
les renvoient à chaque fois qu'ils se pointent au poste
d'identification, ceci pour la simple raison que leurs cartes nationales
d'identité ne sont pas encore délivrées et que la
décision de la délivrance de cette carte ne dépend pas
d'eux mais du service central de traitement de demandes basé à
Yaoundé39. Ces derniers se lassent et ne reviennent que
lorsqu'ils sont bousculés par la police ou lorsqu'il y a un
impératif administratif ou économique.
Compte tenu de l'augmentation des cartes dans les bureaux et
de l'étroitesse de l'espace destiné à contenir toutes les
cartes, c'est dans les postes d'ELECAM, établis à quelques
encablures de ces services, que les autorités du commissariat ont choisi
de déverser ces documents. Cette alternative préconisée
par les responsables de la police aurait pour objectif voilé de
permettre aux individus de s'inscrire sur les listes électorales lors du
retrait de leurs pièces d'identité40.
Cette situation d'abandon des cartes d'identité aux
postes d'identification inquiète non seulement les responsables d'ELECAM
mais aussi les partis politiques. L'engouement affiché au départ
par la population a été considérablement réduit.
Les raisons invoquées pour justifier cet état de choses seraient
la longue file d'attente. « Il faut passer 2 à 3 jours et, avec nos
occupations, il est impossible d'aller passer des semaines aux postes
d'identification », argue Jonathan Djock41, commerçant
au centre commercial de Ngaoundéré. La ville de
Ngaoundéré regorge près de 70 000 cartes nationales
d'identité en souffrance dans les postes
d'identification42.
39 Entretien avec Bétara Narma Paul, Personnel
d'identification du poste d'identification de la ville de Meiganga, Meiganga,
03 aout 2014.
40 Entretien avec Dadjé Jacques, responsable d'ELECAM,
Tibati, 04 juin 2014.
41 Entretien avec Jonathan Djock, Ngaoundéré, 08
septembre 2014.
42Information relayée par le site
www. Camer.be.cm,
consulté le 28 septembre 2014.
116
Photo 20: service de retrait des cartes du poste
d'identification de la ville de Meiganga (AD 07)
(c) : Bétara Narma Paul, juillet 2014.
En mai 2014, le poste d'identification de Meiganga avait 4223
cartes nationales d'identité en souffrance. Le chef de poste a
trouvé comme stratégie de faire des communiqués-radio pour
sensibiliser les potentiels titulaires de venir retirer leurs cartes. Cette
politique a porté plus ou moins de fruits, car la plupart des titulaires
de ces cartes ne sont plus dans la ville de Meiganga ou encore d'autres ne
vivent plus. En septembre 2014, nous avons comptabilisé 3015 cartes
nationales d'identité dans ce poste.
117
Photo 21: Distribution des cartes nationale
d'identité aux titulaires au poste d'identification de
Ngaoundéré (AD01).
(c) :Ndjobdi Pierre, mai 2013.
Vu le nombre des cartes nationales d'identité dans les
postes d'identification de la ville de Ngaoundéré et l'approche
des échéances électorales (municipales et
législatives) de 2013, les autorités administratives et
politiques entreprirent de distribuer le maximum possible des cartes aux
potentiels titulaires. Ainsi, pour ce faire, le personnel d'identification fut
renforcé avec le recrutement des agents chargés de la
distribution. Certaines cartes furent délocalisées pour les
postes d'ELECAM. Ceci concourt à la politique des inscriptions sur les
listes électorales. L'usager qui vient retirer sa carte nationale
d'identité se fait immédiatement inscrire sur place.
118
Photo 22: cartes nationales
d'identité en souffrance dans le poste d'identification de Banyo (AD
04)
(c) : Jean Francis Gabana, juin 2014.
3425 cartes d'identités sont abandonnées dans ce
poste d'identification en juin 2014. Il y a 420 cartes nationales
d'identité expirées et 3005 cartes nationales d'identité
en cours de validité. Le responsable du poste d'identification explique
que malgré les communiqué-radio faites à l'endroit des
titulaires, la moyenne journalière de retrait varie entre 15 et 20
cartes.
119
Photo 23 : Des cartes nationales d'identité
abandonnées au poste d'identification de la ville de Tibati
(c) : Jean Francis Gabana, juin 2014
C'est l'un des postes qui a moins de cartes
abandonnées par rapport aux autres postes. En juin
2014, nous avons comptabilisé dans ce poste
d'identification 789 cartes nationales d'identité. Les
propriétaires, selon le chef de poste d'identification sont
dissimulés dans les campagnes du département du
Djerem43.
Au demeurant, l'évolution de la structure
administrative de l'Adamaoua et l'accroissement de demande de cartes
nationales d'identité ont influencé la mise en
place et la multiplication des postes d'identification dans l'Adamaoua.
De 1960 jusqu'à la fin des années 1990, l'on
note une faible demande de cartes nationales
d'identité par contre, l'on note une ruée des citoyens
dans les postes d'identification au début des
années 2000. Toutefois, la ruée des populations
dans les postes d'identification et les
opérations foraines d'identification ont permis d'établir
des milliers de demandes de carte nationale d'identité.
Cependant, plusieurs cartes sont abandonnées dans les postes
d'identification de l'Adamaoua.
43 Entretien avec Mohamadou
|
Salissou, chef de poste d'identification, Tibati, 03
juin 2014.
|
CHAPITRE III:
Bilan DE l'identification DANS L'ADAMAOUA ET LES
DÉFIS DE LA POLITIQUE D'IDENTIFICATION
121
De la carte nationale d'identité en carton en vigueur
de1960 à la fin des années 1990 à la carte nationale
d'identité informatisée en 1995, qui a permis de sécuriser
davantage l'identité des citoyens et la nationalité camerounaise,
le système d'identification des citoyens camerounais connaît
jusqu'ici des difficultés. En effet, malgré les différents
ajustements de la politique d'identification au Cameroun, les populations de
l'Adamaoua ont du mal à se faire établir leur carte nationale
d'identité. Les raisons d'un tel obstacle découlent certainement
des facteurs inhérents au contexte politique, administratif,
économique camerounais. Ainsi, l'allègement des conditions
d'obtention de la carte nationale d'identité s'imposait à la
veille des échéances électorales, au regard des demandes
des citoyens. En baissant le coût de la pièce de moitié et
en rendant gratuit la délivrance de la carte nationale
d'identité, le chef de l'État a permis à des milliers de
Camerounais d'avoir non plus seulement la possibilité, de s'inscrire sur
les listes électorales, mais aussi simplement, une identité
officielle. Cependant, cette mesure salutaire contrairement aux objectifs de la
politique d'identification des citoyens camerounais, a rendu de plus en plus
fragile l'identité et la nationalité camerounaise à cause
des trafics d'identité et l'acquisition illicite de la
nationalité camerounaise par les étrangers présents. Il
s'agit dans ce chapitre, dans un premier temps, de faire un bilan de
l'établissement des cartes nationales d'identité dans l'Adamaoua
à partir des archives. Puis dans un second temps, de faire ressortir
l'impact de l'identification dans l'Adamaoua. En fin, il sera question de faire
un inventaire des problèmes liés à l'établissement
des cartes nationales d'identité dans l'Adamaoua. L'examen de ces
problèmes permettra de souligner les limites de la politique
d'identification du Cameroun.
I-BILAN DE L'ÉTABLISSEMENT DES CARTES
NATIONALES
D'IDENTITÉ DANS L'ADAMAOUA.
Le bilan de l'établissement des cartes nationales
d'identité dans l'Adamaoua est mitigé. En effet,
démarrée nonchalamment à partir de 1960, la production des
cartes nationales d'identité a pris une vitesse de croisière
à partir des années 2000. Au cours des périodes1960, 1970
et 1980, le faible taux de demandes de cartes nationales d'identité est
justifié comme nous l'avons souligné ailleurs, par l'absence de
sensibilisation des populations sur la question d'identification et par
l'inefficacité des
122
contrôles d'identité dans cette Région.
Les raisons du changement de comportement des populations à
l'égard de la question d'identification, découlent de la pression
de l'ordre gouvernant sur les citoyens, notamment avec les contrôles
systématiques des pièces d'identité dans les centres
urbains comme dans les zones rurales de l'Adamaoua.
Ainsi, pour besoin d'une étude statistique, nous allons
nous appuyer sur les productions des postes d'identification de la
Région de l'Adamaoua de 1976 jusqu'au début des années
2000. Ainsi, il est judicieux de choisir deux postes d'identification de la
Région l'Adamaoua, notamment le poste d'identification de
Ngaoundéré et le poste d'identification de Meiganga, pour
analyser l'état-de-lieu de l'identification au cours de la
période allant de 1976 à 1987. Ce choix n'est pas hasardeux, dans
la mesure où ce sont les deux postes d'identification les plus actifs
par rapport aux autres postes de la Région de l'Adamaoua. Pour les
années 2000, les productions des postes d'identification de Tibati,
Banyo et Tignere seront étudiées. Notre analyse sera
accompagnée des tableaux et diagrammes, ceci pour mieux cerner
l'évolution des demandes et les disparités entre de les
productions dans les postes d'identification.
1. Récapitulation des productions de cartes
nationales d'identité dans l'Adamaoua de 1976 à la fin des
années 1980.
Installés dès 1960, les postes d'identification,
comme nous l'avons souligné ailleurs, furent d'abord installés
dans les centres urbains de la Région de l'Adamaoua. En fait, les postes
d'identification étaient implantés dans les villes de Meiganga ;
de Ngaoundéré ; de Tibati ; de Tignere et de Banyo. Les
populations des localités environnantes se rendaient dans ces villes, se
faire établir leurs cartes nationales d'identité. Bien plus, les
archives des plus anciens postes d'identification de l'Adamaoua
révèlent que la période comprise entre 1976 et 1987 est
caractérisée par un faible taux de demandes des cartes nationales
d'identité. Les postes d'identification produisaient chacun moins de
2000 cartes nationales d'identité par an. L'étude de
l'identification par mois et par an, de deux postes d'identification (Meiganga
et Ngaoundéré) permet de cerner davantage l'état-de-lieu
de l'identification dans l'Adamaoua de 1976 à 1987.
123
Tableau 6: récapitulatif de
demandes de cartes nationales d'identité établies au poste
d'identification de Meiganga de 1976 à 1987.
Années
|
Jan
|
Fév
|
Mars
|
Av
|
Mai
|
Jn
|
Juil
|
Aout
|
Sept
|
Oct
|
Nov
|
Déc.
|
Totaux
|
1976
|
83
|
74
|
72
|
66
|
79
|
81
|
89
|
77
|
64
|
71
|
69
|
66
|
890
|
1977
|
79
|
67
|
66
|
79
|
81
|
59
|
71
|
79
|
/
|
/
|
70
|
81
|
732
|
1978
|
71
|
67
|
57
|
71
|
69
|
54
|
74
|
81
|
97
|
71
|
79
|
57
|
848
|
1979
|
101
|
68
|
67
|
75
|
81
|
89
|
61
|
71
|
77
|
57
|
69
|
/
|
816
|
1980
|
69
|
73
|
103
|
120
|
97
|
101
|
79
|
59
|
67
|
75
|
82
|
83
|
1008
|
1981
|
70
|
74
|
71
|
69
|
61
|
68
|
69
|
67
|
61
|
76
|
71
|
76
|
833
|
1982
|
66
|
77
|
104
|
99
|
89
|
86
|
77
|
69
|
77
|
70
|
79
|
71
|
963
|
1983
|
50
|
57
|
65
|
69
|
77
|
55
|
89
|
79
|
66
|
54
|
79
|
81
|
821
|
1984
|
81
|
89
|
91
|
97
|
71
|
69
|
72
|
68
|
65
|
102
|
67
|
92
|
983
|
1985
|
91
|
73
|
78
|
61
|
59
|
68
|
71
|
101
|
79
|
120
|
71
|
89
|
961
|
1986
|
102
|
79
|
89
|
91
|
77
|
67
|
51
|
59
|
73
|
60
|
71
|
79
|
898
|
1987
|
/
|
74
|
78
|
61
|
67
|
79
|
69
|
79
|
81
|
84
|
91
|
69
|
832
|
|
10585
|
Source : Tableau réalisé à
partir des archives du poste d'identification de Meiganga.
Entre 1976 et 1987, les demandes de cartes nationales
d'identité dans le poste d'identification de Meiganga sont comprises
entre 732 et 1008. En une dizaine d'années, ce poste d'identification a
produit 10585 cartes nationales d'identité. L'on comprend dès
lors que, beaucoup de citoyens de ce département s'intéressaient
peu à la question de l'identification parce qu'il y avait moins de
motivation comme par exemple,
124
les élections. L'on note aussi une inefficacité
des contrôles d'identité au cours de ces années. Les
digrammes ci-dessous, réalisés à partir des données
du tableau précédent, explicitent encore mieux
l'état-de-lieu des demandes de carte nationales d'identité dans
ce département.
Figure 4: courbes représentant les demandes de
cartes dans le poste d'identification de Meiganga entre 1976 et
1978.
120
100
40
80
60
20
0
Jan Fév Mars Avril Mai Juin Juil Aout Sept Oct Nov
Déc
Année 1976
Année 1977
Année 1978
Source : diagramme réalisé
à partir des archives du poste d'identification de Meiganga.
L'analyse de ce diagramme nous permet de déduire que,
au cours des années 1976 ; 1977 et 1978 les productions mensuelles de
cartes nationales d'identité dans le poste d'identification de Meiganga
n'excédaient pas 120. Cependant, la chute que l'on constate au cours des
mois de septembre et d'octobre, est dû au fait que nous ne sommes pas
rentré en possession des données correspondant à ces deux
mois (même explication pour les figures 5 ; 8 ; 9 et 11)
125
Figure 5: courbes représentant
les demandes de cartes dans le poste d'identification de Meiganga entre 1979 et
1981.
140
120
100
40
80
60
20
0
Jan Fév Mars Avril Mai Juin Juil Aout Sept Oct Nov
Déc
Année 1979
Année 1980
Annéé
1981
Source : diagramme réalisé
à partir des archives du poste d'identification de Meiganga.
Les productions mensuelles des cartes nationales
d'identité entre 1979 et 1980 dans ce poste d'identification variaient
entre 59 et 120. Les productions au cours de l'année 1981 ont
été particulièrement linéaires par rapport aux deux
autres années. Ceci semble être le moment où les citoyens
commençaient à s'intéresser à la question
d'identification.
Figure 6: courbes représentant les demandes de
cartes dans le poste d'identification de Meiganga entre 1982 et
1984.
100
80
60
40
Année 1982
Année 1983
Année 1984
20
0
Jan Fév Mars Avril Mai Juin Juil Aout Sept Oct Nov
Déc
120
Source : diagramme réalisé
à partir des archives du poste d'identification de Meiganga.
126
L'on constate à la suite de ce diagramme,
l'évolution des demandes de cartes nationale d'identité dans ce
poste. Toutefois, au cours de ces trois années, les productions
n'avaient toujours pas dépassées 120.
Figure 7:courbes représentant les demandes de
cartes dans le poste d'identification de Meiganga entre 1985 et
1987.
140
120
100
40
80
60
20
0
Jan Fév Mars Avril Mai Juin Juil Aout Sept Oct Nov
Déc
Année 1985
Année 1986
Année 1987
Source : diagramme réalisé
à partir des archives du poste d'identification de Meiganga.
Ces courbes représentent en effet les demandes de
cartes nationales dans le poste d'identification de Meiganga de 1976 à
1987. Ils représentent une dizaine d'années de production de
cartes dans l'unique poste d'identification du Mbéré.
L'étude des productions de cartes nationales d'identité laisse
déduire que les demandes ont évolué. Ainsi, si l'on divise
la période allant de 1976 à 1978, l'on a le résultat
suivant :
- Entre 1976-1978 : 2470 cartes établies ;
- Entre 1979-1981 : 2653 cartes établies ;
- Entre 1982- 1983 :2691 cartes établies ;
- Entre 1984-1986 : 2767 cartes établies
(voir tableau6).
127
Tableau 6: récapitulatif de demandes des cartes
nationales d'identité du poste d'identification de
Ngaoundéré de 1976 à 1987.
Années
|
Jan.
|
Fév.
|
Mars
|
Av.
|
Mai
|
Jn .
|
Juil.
|
Aout
|
Sept
|
Oct.
|
Nov
|
Déc.
|
Totaux
|
1976
|
106
|
/
|
77
|
69
|
58
|
103
|
112
|
67
|
115
|
78
|
85
|
98
|
968
|
1977
|
95
|
173
|
104
|
99
|
71
|
109
|
120
|
57
|
/
|
/
|
89
|
140
|
1057
|
1978
|
166
|
155
|
102
|
75
|
114
|
79
|
171
|
99
|
89
|
175
|
81
|
103
|
1409
|
1979
|
171
|
160
|
132
|
120
|
116
|
101
|
106
|
95
|
104
|
/
|
106
|
108
|
1319
|
1980
|
79
|
171
|
75
|
99
|
81
|
169
|
170
|
81
|
150
|
91
|
89
|
159
|
1414
|
1981
|
65
|
170
|
181
|
/
|
79
|
85
|
92
|
109
|
106
|
104
|
/
|
68
|
1059
|
1982
|
92
|
109
|
103
|
112
|
89
|
97
|
109
|
79
|
99
|
71
|
139
|
141
|
1240
|
1983
|
93
|
103
|
144
|
79
|
112
|
69
|
99
|
/
|
59
|
97
|
121
|
151
|
1127
|
1984
|
102
|
79
|
89
|
122
|
131
|
78
|
89
|
92
|
105
|
140
|
133
|
139
|
1289
|
1985
|
135
|
71
|
79
|
81
|
97
|
104
|
121
|
99
|
89
|
85
|
139
|
71
|
1171
|
1986
|
86
|
101
|
145
|
78
|
134
|
90
|
71
|
89
|
130
|
79
|
/
|
175
|
1178
|
1987
|
182
|
160
|
92
|
171
|
123
|
181
|
103
|
142
|
102
|
69
|
73
|
177
|
1575
|
|
14806
|
Source : tableau réalisé à
partir des archives du poste d'identification de Ngaoundéré
Dans le poste d'identification de Ngaoundéré,
les demandes de cartes nationales d'identité variaient entre 968 et
1575. 14806 cartes nationales d'identité ont été
établies entre 1976 et 1986. Les diagrammes ci-dessous
réalisés à partir du tableau ci-dessus, renseignent mieux
sur les tendances de demandes de cartes nationales d'identité dans le
128
poste d'identification de Ngaoundéré et
permettent de souligner la différence avec le poste de Meiganga.
Figure 8: courbes représentant
les demandes de cartes dans le poste d'identification de
Ngaoundéré entre 1976 et 1978.
200
180
160
140
120
100
40
80
60
20
0
jan fév mars avril mai juin juil. Aout sept Oct Nov
Déc
Année 1976
Année 1977
Année 1978
Source : diagramme réalisé
à partir des archives du poste d'identification de
Ngaoundéré.
Le poste d'identification de Ngaoundéré depuis les
années 1960, produit plus de cartes nationales d'identité que les
autres postes de la Région de l'Adamaoua1. Cependant, les
productions mensuelles au cours de ces trois années n'atteignaient pas
180. La plus grande production est celle du mois d'octobre, notamment avec
175demandes.
1 Entretien avec Ndjobdi Pierre, personnel d'identification,
Ngaoundéré, 17 octobre 2014.
129
Figure 9: courbes représentant les demandes de
cartes dans le poste d'identification de Ngaoundéré entre 1979 et
1981.
200
180
160
140
120
100
40
80
60
20
0
Jan Fév marsAvril Mai Juin juil Aout Sep Oct Nov
Déc
Année 1979
Année 1980
Année 1981
Source : diagramme réalisé
à partir des archives du poste d'identification de
Ngaoundéré.
D'après le diagramme ci-dessus, l'on note une chute de
production au cours de l'année 1979 et par contre une croissance des
demandes au cours de l'année 1980. Au total, 1414 cartes ont
été établies en 1980, tandis 1319 et 1059 cartes ont
été établies respectivement en 1979 et en
1981(voir tableau 7).
130
Figure 10: courbes représentant les demandes de
cartes dans le poste d'identification de Ngaoundéré entre 1982 et
1984.
Source : diagramme réalisé
à partir des archives du poste d'identification de
Ngaoundéré.
À la suite du diagramme ci-dessus, il faut retenir que les
productions au cours des années 1982 ; 1983 et 1984 sont restées
constantes. En trois ans, 3656 cartes ont établies au cours de ces trois
années. Ainsi, en 1982, l'on note1240 cartes produites. En 1983, 1127
cartes ont été produites .En fin, en 1984, 1289 cartes ont
été établies.
131
Figure 11: courbes représentant les demandes de
cartes dans le poste d'identification de Ngaoundéré entre 1985 et
1987.
200
180
160
140
120
100
40
80
60
20
0
Jan Fév Mars Avril Mai Juin Juil Aout Sept Oct Nov
Déc
Année 1985
Année 1986
Année 1987
Source : diagramme réalisé
à partir des archives du poste d'identification de
Ngaoundéré.
Les demandes mensuelles des cartes nationales
d'identité au cours de l'année 1985 sont comprises entre 71 et
135, tandis qu'en 1986 les demandes vont de 86 à 177. En 1987, les
demandes vont de 69 à 177.
À la suite de l'étude de l'évolution des
demandes de carte nationale d'identité dans les postes d'identification
de Meiganga et de Ngaoundéré, force est de constater que la
question d'identification, dans l'ensemble du territoire de l'Adamaoua de 1976
à la fin des années 1980 n'était pas partagée par
tous les citoyens. Certains citoyens trouvaient en cette pratique du
gouvernement une simple formalité bureaucratique sans aucune importance.
En fait, pour d'autres citoyens, il n'y avait aucune motivation d'aller se
faire établir une carte nationale d'identité, dans la mesure
où à cette époque, excepté le voyage, cette
pièce servait moins les citoyens. Seuls quelques citoyens
émancipés s'intéressaient à la question
d'identification dans cette Région.
132
2. Bilan d'identification dans l'Adamaoua de 2000 à
2013.
À partir des années2000, les demandes des cartes
dans les postes d'identification de l'Adamaoua se sont multipliées
à un point où certains postes d'identification de la
Région ne désemplissent pas des citoyens, voulant par tous les
moyens avoir leurs cartes nationales d'identité. Désormais les
postes d'identification produisent deux à trois fois plus de cartes
nationales d'identité que jadis. Ce changement est, dû à
l'augmentation de la population de l'Adamaoua et aux exigences politiques et
économiques survenues dès 1990.L'avènement de la carte
nationale d'identité informatisée à la fin des
années 1990 a aussi accéléré les demandes de cartes
nationales d'identité. En effet, c'est exactement à partir des
années 2001 que les postes d'identification connaissent l'affluence des
demandeurs de cartes nationales d'identité. Les diagrammes ci-dessous
permettent de mieux souligner les différences entre les
périodes.
Figure 12:courbes représentant
les demandes de cartes dans le poste d'identification de Tibati entre 2001 et
2003.
400 350 300 250 200 150 100
50
0
|
|
|
|
|
Année 2001 Anneé 2002 Année 2003
|
jan fév mars avril mai juin juil août sept oct nov
déc
Source : diagramme réalisé
à partir des archives du poste d'identification de Tibati (AD06).
La plus grande production au cours de ces trois années
est celle du mois d'août 2001 avec 375 demandes (voir figure 12). Les
productions mensuelles de l'année 2002 varient entre 212 et 341 demandes
de cartes nationales d'identité. Tandis qu'au cours de
133
l'année 2003 les demandes varient entre 235 et 297.Le
poste d'identification de Tibati (AD 06) produit 200 à 300 demandes
depuis 20112.
Figure 13: courbes représentant
les demandes de cartes dans le poste d'identification de Tignere entre 2001 et
2003.
350
150
100
50
0
jan fév mars avril mai juin juil août sept oct nov
déc
300
250
200
Année 2001
Année 2002
Année 2003
Source : diagramme réalisé
à partir des archives du poste d'identification de Tignere (AD 08).
Le poste d'identification de Tignere depuis 2012, produit
mensuellement entre 200 et 300 demandes3. En 2001, ce poste
d'identification a produit 2268 demandes de cartes nationales
d'identité. En 2002, 2537 demandes ont été établies
dans ce poste. En 2003, l'on note une évolution des demandes de cartes
nationales d'identité avec une production de 2912 demandes.
2 Entretien avec Mohamadou Salissou, chef de poste
d'identification, Tibati, 04 juin 2014.
3 Entretien avec Moussa François, chef de poste
d'identification, Tignere, 12 aout 2014.
134
Figure 14: courbes représentant
les demandes de cartes dans le poste d'identification de Banyo entre 2001 et
2003.
450
400
350
300
Année 2001
Année 2002
Anneé 2003
250
200
150
100
50
0
jan fév mars avril mai juin juil août sept oct nov
déc
Source : diagramme réalisé
à partir des archives du poste d'identification de (AD 04).
Le poste d'identification de Banyo (AD 04) produit depuis les
opérations foraines d'identification de 2011, 350 à 450
demandes4. Cependant, en 2001 les productions mensuelles variaient
entre 292 et 330 demandes. En 2002, les demandes variaient entre 292 et 341 et
enfin 2003, les productions mensuelles variaient entre 301 et 343.
En ce qui concerne les productions du poste d'identification
de Meiganga (AD 07), monsieur Bétara Narma Paul expliquait par ailleurs
que, depuis le début des années 2000, ce poste produit
mensuellement 450 et 500 demandes de cartes nationales
d'identités5. Quant au poste d'identification de
Ngaoundéré (AD 01), depuis 2000, les productions mensuelles sont
comprises entre 550 et 700 demandes6.
Dès lors, il important de retenir après cette
étude statistique que, les demandes de cartes nationales
d'identité dans l'Adamaoua ont évolué et varient selon la
taille de la population de chaque département. L'on note une prise de
conscience des populations
4 Entretien avec Baino Pagoah, chef de poste d'identification,
Banyo, 16 juin 2014.
5 Entretien avec Bétara Narma Paul, personnel
d'identification, Meiganga, 03 aout 2014.
6 Entretien avec Enama Justine Rose, chef de poste
d'identification, Ngaoundéré, 15 septembre 2014.
135
de la Région de l'Adamaoua à partir des
années 2000, manifestement par l'affluence dans les postes
d'identification. Ainsi, la carte nationale d'identité qui est un
document de la vie civile, attire de plus en plus les citoyens camerounais
aujourd'hui qu'avant. Qu'en est-il donc de l'impact de l'identification dans
l'Adamaoua ?
II- Impact de l'identification dans l'adamaoua.
L'identification est une entreprise publique, visant à
contrôler les personnes et de lutter efficacement contre une
éventuelle insécurité. Ainsi, la carte nationale
d'identité a un caractère ambivalent. Il ne s'agit pas de donner
les avantages et les inconvénients de cette pièce dans cette
partie. Il est question ici de relever les effets et les apports de
l'identification sur la vie sociale des citoyens de l'Adamaoua.
1. Fragilisation de la nationalité camerounaise et
trafic d`identité.
Les pièces officielles actuellement les plus
officieuses au Cameroun sont l'acte de naissance, le certificat de
nationalité et, malheureusement, la carte nationale d'identité.
Ces pièces font l'objet de tant de tripatouillages, au point qu'elles
sont délivrées à des expatriés soit pour des
raisons politiques, soit encore pour des buts purement mafieux. On a ainsi vu
des Tchadiens, des Centrafricains et des Nigérians dans l'Adamaoua,
brandir des cartes nationales d'identité camerounaises, obtenues
grâce à l'influence et à la duplicité de
l'élite politique et administrative de la zone, pour gonfler les listes
électorales et se constituer des armes politiques lors des
échéances dont les issues sont incertaines très souvent.
Les cas de duplicité dans les concours administratifs et d'autres
compétitions pour l'accès à la fonction militaire ou aux
diplômes sont des histoires de tous les jours.
L'opération de délivrance gratuite de la carte
nationale d'identité donne des idées à certains
ressortissants des pays voisins. Ils sont coupables des cas de substitution
d'identité et de fausses nationalités. Un faux sans
précédent s'est installé dans les commissariats de police
de la capitale régionale de l'Adamaoua. En effet, la délivrance
gratuite de la carte nationale d'identité décidée par le
chef de l'État Paul Biya suscite par enchantement des convoitises les
plus inattendues. De fait, il y a comme une volonté
136
manifeste d'être camerounais à part
entière de la part de beaucoup de citoyens
étrangers7.
La plupart des étrangers veulent s'arroger le statut de
«Camerounais» sans passer par la procédure en
vigueur8. Selon les révélations faites par certains
personnels d'identification dans l'Adamaoua, il y aurait des tentatives
irrégulières de détention de la carte nationale
d'identité. Les étrangers candidats à ce précieux
sésame usent de toutes sortes de ruses pour obtenir cette pièce.
À plusieurs reprises, les agents les sortent des rangs pour une raison
ou une autre. Le stratagème est simple et désormais connu de
tous. Pour parvenir jusqu'au poste d'identification, ces « candidats
» négocient avec des autorités locales pour disposer d'un
acte de naissance en bonne et due forme. Ironie du sort, certains n'arrivent
pas souvent à situer les villages dont ils sont soit disant originaires
sur la carte du Cameroun. Pour ces derniers, l'acte de naissance suffit
pleinement à ne plus éveiller des soupçons. Le cafouillage
provoqué par la forte demande et la saturation des agents de police est
un facteur facilitant pour échapper à la vigilance. Fidèle
à la tradition du flair de l'argent facilement gagné, des
démarcheurs traînent dans les parages, dans le but de glisser des
dossiers irréguliers dans le système. Très souvent, ils ne
réussissent pas toujours à corrompre toute la chaîne de
délivrance du précieux document. Pour autant, les fameux
intermédiaires disposent de plusieurs tours dans leurs poches. Et ils
finissent parfois à réussir leur coup. C'est le cas, confie un
inspecteur de police dans le département de la Vina, de ce monsieur venu
établir des cartes à une liste de personnes sous la couverture
d'un opérateur économique de la place, avec des actes de
naissance trafiqués9.
L'on s'interroge sur des mesures prises pour éviter
cette situation. Les responsables parlent de plus de vigilance. Pourtant, ils
sont nombreux les Tchadiens et Centrafricains à bénéficier
illégalement de la gratuité. La culture de la double carte
d'identité est réputée dans la région de
l'Adamaoua. Ici les frontières sont poreuses, donnant lieu à la
perméabilité de nationalité. Des doubles, voire triples
identités et nationalités, qui varient en fonction de
l'activité, du lieu et de la circonstance par un simple geste de main
dans la poche. Ce n'est pas un Tchadien qui démentira ou une
7 Entretien avec Bétara Narma Paul, personnel
d'identification, Meiganga, 04 aout 2014.
8 Entretien avec Enama Justine Rose, Chef de poste
d'identification, Ngaoundéré 14 octobre 2014.
9 Cet informateur a requis l'anonymat.
137
Centrafricaine qui niera les faits, puisque jouissant de ces
facilités bon marché. « Avec l'entrée en vigueur de
la libre circulation des hommes et des personnes en zone CEMAC, il serait
patriotique pour tous de préserver leur identité véritable
»10s'exclame ce haut cadre rencontré au cours de notre
enquête. A quoi servent donc les passeports et visas s'il suffit d'une
pirouette pour changer d'identité ?
C'est un fait courant et « normal » que de
posséder la carte nationale d'identitéì de
plusieurs pays : celles du Cameroun, du Tchad, de la RCA ou du Nigeria,
notamment parce que cela facilite l'obtention d'un emploi. Un exemple
d'acquisition de cartes d'identitéì a
étéì observé lors des audiences foraines
organisées de manière expéditive dans les Régions
frontalières par le Cameroun afin de procéder à
l'identification des populations. Les populations de l'ethnie Sango
installées à Ngaoui11, par exemple, pourtant reconnues
comme exclusivement centrafricaine, ont pris massivement la
nationalitéì camerounaise tout en conservant
naturellement leur citoyennetéì centrafricaine.
À part la circulation régionale pour le commerce
ou le travail, par exemple, ces cartes d'identitéì
permettent à des bandits de dissimuler leur véritable
identitéì et de se soustraire à la police ou
à la justice. De ce fait, il semble difficile voire impossible de les
poursuivre lorsqu'ils se cachent dans les pays voisins, faute d'accords
d'extradition ou « par souci de préserver une certaine
tranquillitéì diplomatique ». À
défaut de la mise en circulation du « passeport C.E.M.A.C »
tant annoncé pour une intégration régionale
ordonnée des populations et des économies, à un usage des
cartes nationales identités à des fins de trafics
transfrontaliers, ce que favorise la mauvaise gestion de l'état-
civil.
Des candidats, munis de fausses cartes d'identité
établies sur la base d'actes de naissance appartenant à des tiers
et moyennant des rémunérations la plupart du temps, ont
régulièrement été pris en flagrant délit
dans des salles d'examens. Plusieurs fonctionnaires, militaires, policiers et
cadres d'entreprises ont réussi à passer cette épreuve, en
faisant composer des tiers lors des concours et sont actuellement en fonction.
De même que des étrangers, sous l'effet non pas de l'attrait que
le Cameroun exerce sur leur personne, mais par les effets d'une
municipalité et d'une police
10 Entretien avec Henri Sanama, commissaire de police Principal,
Meiganga, 03 Aout 2014
11 Entretien avec Deke Gabriel, agent de la Mairie de Ngaoui,
Meiganga, 06 Aout 2014.
138
corrompue, brandissent avec fierté des cartes
nationales d'identité camerounaises parce que, très souvent, un
Camerounais de naissance et de souche leur a vendu l'acte de naissance d'un
parent décédé. Cet acte de naissance d'un frère
déjà décédé permet, avec une autre somme
d'argent si nécessaire, de s'établir une carte d'identité,
un passeport, voire de se présenter à des concours
administratifs. Or, l'article 341 du code pénal camerounais condamne
l'atteinte à la filiation. Toute violation à la loi est
réprimée conformément à l'article 134 relatif
à la corruption. Une corruption de la nationalité camerounaise
est actuellement exacerbée par la gratuité de
l'établissement de la carte nationale d'identité dans
l'Adamaoua.
Pourtant, un tribunal spécial a été
créé, et c'est une instance juridique qui a pour mission, de
délivrer des actes de naissance à tous ceux qui en étaient
dépourvus. Cette grâce s'obtenait après accomplissement
d'une condition unique: le témoignage de deux ou trois membres de la
famille du demandeur, attestant que ce dernier était bel et bien de la
famille, du village, du département, de la région et pourquoi pas
du pays. C'est ainsi que des commerçants nigérians,
nigériens, maliens et tchadiens ont acquis la nationalité
camerounaise dans la région de l'Adamaoua. Contre des sommes d'argent
versées à des «témoins», payés pour avoir
attesté de la «camerounité» de ces
étrangers12.
A ce sujet, plusieurs Nigérians, Tchadiens,
Nigériens et centrafricains se sont fait établir un premier acte
de naissance et ont obtenu par ricochet la nationalité camerounaise. Une
situation gravissime qu'un maire de la Région de l'Adamaoua a
dénoncée, faisant état de ce que les Centrafricains
étaient en train d'acquérir illégalement la
nationalité camerounaise13. S'il est vrai que les
autorités camerounaises, conscientes de la présence massive des
ressortissants des pays voisins sur le sol camerounais, ont pris des mesures
conséquentes pour éviter quelque imbroglio, il n'en demeure pas
moins vrai que poussé par la hantise de la refonte biométrique,
l'État du Cameroun ouvre de fait les vannes à ces
étrangers qui verront par ailleurs certaines des tracasseries
policières qu'ils essuyaient prendre un terme. Dans ce contexte,
plusieurs étrangers établis dans les localités de Djohong,
Ngaoui, Meiganga... finissent par ces stratagèmes d'acquérir des
noms camerounais en pseudonyme ou en se mettant en
12Cet informateur a requis l'anonymat. 13 Cet
informateur a requis l'anonymat
139
couple avec des Camerounaises ou des Camerounais pour tromper
la vigilance des autorités. La conséquence est aisément
visible. La question de la gratuite de la carte nationale d'identité, et
celle des actes de naissance pour tous, remet au goût du jour
l'épineux problème de la naturalisation au Cameroun. Car au
regard de ce qui précède, il est un fait que nos jours, des
Tchadiens, Nigérians, Centrafricains et autres peuvent devenir
Camerounais du jour au lendemain. Cette autre trouvaille du gouvernement
camerounais, ouvre le débat sur la double nationalité au
Cameroun. Car comment comprendre, qu'un étranger puisse devenir
facilement camerounais, alors que les Camerounais qui ont la double
nationalité n'ont pas la possibilité d'exercer les droits
civiques.
Dans tous les cas, dans la suite, les maires et les officiers
de police dans les commissariats n'avaient qu'à fermer les yeux ou faire
semblant de n'est rien voir quand il fallait légaliser des pièces
ou établir des cartes nationales d'identité. Les maires
récemment portés à la tête des municipalités
à travers l'Adamaoua devront donc veiller à l'état-civil.
En attendant la venue d'un système moderne et intelligent de
centralisation et de gestion du fichier de l'état-civil national, le
Cameroun doit être habité par des Camerounais et des
étrangers bien accueillis et respectueux des lois de leur pays
d'accueil. Sinon, un ressortissant tchadien pourrait engager un litige foncier
avec un Gbaya, originaire du Mbéré, en brandissant la carte
nationale d'identité attestant qu'il est bel et bien Camerounais et de
surcroît du Mbéré. Néanmoins, l'identification a
permis aux citoyens de l'Adamaoua de participer aux échéances
électorales.
2. La participation aux échéances
électorales.
L'identification des électeurs consiste à
vérifier l'éligibilité des électeurs potentiels et
à inscrire leurs noms et autres renseignements justificatifs sur une
liste électorale. Le processus doit être juste, exhaustif et
inclusif. Cette opération nécessite que l'on adopte des mesures
efficaces pour que les électeurs potentiels connaissent le processus
d'inscription et aient la possibilité de l'utiliser. Par exemple, on
procède à des campagnes d'éducation électorale qui
soulignent l'importance de l'inscription, expliquent les responsabilités
de l'électeur et fournissent des renseignements sur la façon de
s'inscrire. Cependant, l'inscription sur les listes électorales, comme
nous
140
l'avons souligné est conditionnée par la
possession d'une carte nationale d'identité qui atteste que la personne
à inscrire est de nationalité camerounaise. En effet, dans les
années 1990, l'Adamaoua enregistrait un nombre faible des citoyens
inscrits sur les listes électorales. L'une des principales causes de
cette situation fut le défaut de carte nationale d'identité. A
cet effet, monsieur Ngozo Jean déclare que : « Notre
principal problème fut le défaut de carte nationale
d'identité et particulièrement dans les zones rurales et pour
ceux qui en ont, elles ne sont plus valides. D'ailleurs, certains citoyens ne
possédaient même de carte.»14
L'on comprend alors que le défaut de carte est
préjudiciable aux inscriptions sur les listes électorales,
puisque certains citoyens de zones rurales malgré leur volonté,
ne peuvent s'inscrire. Ce défaut de cartes est parfois lié
à celui du défaut d'actes de naissance étant donné
que, dans les zones rurales certains citoyens n'ont pas d'actes de naissance
surtout ceux qui ne sont pas nés dans les centres de santé. Cette
situation fut observée dans la Région de l'Adamaoua. Or, on ne
peut se faire établir de cartes sans actes de naissances. En
réalité, le coût élevé de la carte
d'identité ne les mettait pas à la portée de toutes les
bourses (5000F.cfa et parfois plus). De même, l'éloignement des
lieux d'identification constituait un autre obstacle majeur aux inscriptions.
C'est par exemple le cas dans la localité de Belel où les
citoyens sont obligés de parcourir des kilomètres après
avoir déboursé 2000F.cfa pour le transport seulement lorsque la
route est praticable avec le risque de ne jamais entrer en possession de ladite
carte. Par ailleurs, on ne s'inscrivait pas officiellement avec le
récépissé de la carte sauf si on y joignait son acte de
naissance15. En conséquence, l'obstacle majeur aux
inscriptions sur les listes électorales résidait dont au niveau
de l'obtention de la carte nationale d'identité. C'est ce que confirme
d'ailleurs monsieur Ngozo Jean, lorsqu'il déclare que « le
potentiel électoral est en principe les jeunes en âge de voter et
les femmes, mais malheureusement, ils étaient peu à s'inscrire
justement parce qu'ils ne possédaient pas de cartes nationales
d'identité16 ».Ainsi, pour
remédier à cette situation, à partir de 2002, les
opérations foraines d'établissements des cartes nationales
d'identité à l'approche des échéances
électorales furent organisées sur l'ensemble du territoire
national. Cette politique a trouvé un écho fort dans la
Région de l'Adamaoua. C'est dans cette optique
14 Entretien avec Ngozo Jean, ex-maire de la ville de Tibati,
Tibati, 07 juin 2014.
15 Entretien avec Dadjé Jacques, responsable ELECAM,
Tibati, 08 juin 2014. 16Entretien avec Ngozo Jean, ex-maire de la
ville de Tibati, Tibati, 07 juin 2014.
141
que des milliers des cartes nationales d'identité ont
été établies aux citoyens dans cette région pour
permettre à ceux-ci de voter. Le déploiement des postes
d'identification accompagnés par la défunte ONEL et aujourd'hui
ELECAM dans les zones rurales a permis d'avoir un nombre important des inscrits
sur les listes électorales. Des inscriptions massives sur les listes
électorales dans l'Adamaoua s'est fait de manière progressive
suivant l'allégement des conditions d'établissement des cartes
nationales d'identité au Cameroun. Le tableau suivant met en exergue
l'évolution des inscriptions sur les listes électorales dans la
région de l'Adamaoua.
Tableau 7: l'évolution des inscriptions
sur les listes électorales région de l'Adamaoua de 2007 au 10
juin 2011.
Région
|
Population totale
|
Population électorale
|
Inscrits en 2007
|
Électeurs à inscrire
|
Électeurs inscrits depuis Aout 2010
|
Nombre total
d'inscrits
de 2007
au 10
juin 2011.
|
Adamaoua
|
1015622
|
457029
|
262180
|
194849
|
136485
|
398665
|
Source :
www.Elecam.Cm.
À la suite de ce tableau, il faut noter que, dans le
but était de remédier aux difficultés qu'éprouvent
les citoyens des zones rurales de l'Adamaoua, les autorités des villes
de Meiganga, Ngaoundéré, de Banyo, de Tibati et de Tignère
se sont vues obligées de prendre des mesures parallèles pour
décanter le flux des demandeurs dans les postes d'identification. Ainsi,
les personnels judiciaires sur le ont été envoyés sur les
terrains pour effectuer des jugements supplétifs aux habitants n'ayant
pas d'actes de naissance.
L'opération des « audiences foraines » a
permis à une fraction de la population d'obtenir des actes de naissance
et par le fait même, de se faire établir sur place, des cartes
nationales d'identité grâce à un poste d'identification
provisoire, mis en place
142
dans chaque localité par les équipes
d'identification mobiles. Une initiative entreprise pendant des semaines avec
pour corollaire, l'accroissement du nombre des inscrits sur les listes
électorales. L'absence d'un poste d'identification est un coup dur
vécu non seulement par la population de ces localités, mais aussi
les responsables administratifs qui veulent produire des résultats
probants à la veille des échéances électorales. En
conséquence, on peut constater que depuis le décret ordonnant
l'établissement gratuit des cartes d'identité, les commissariats
de la Région de l'Adamaoua ne se désemplissent pas de monde.
L'argumentaire de son coût élevé comme cause importante de
la non-possession prend donc tout son sens, étant donné que,
même avant la gratuité de la carte nationale d'identité,
plusieurs responsables du parti au pouvoir organisaient déjà les
campagnes d'établissement de celle-ci dans plusieurs localités du
pays. Ce qui avait permis l'établissement de milliers de cartes
nationales à de nombreux citoyens. C'est ainsi, que dans la
région de l'Adamaoua, les leaders politiques responsables du
comité du RDPC chargés des inscriptions sur les listes
électorales dans la Vina ont établi 3000 cartes nationales
d'identité afin de permettre aux citoyens de s'inscrire sur les listes
électorales17. Il est donc clair que toutes les actions qui
ont été entreprises, furent au profit de la carte nationale
d'identité. Ces différentes mesures ont pour objectif de
favoriser les inscriptions sur les listes, ce qui semble porter des
résultats. Cette quête effrénée aux potentiels
électeurs n'est pas neutre car, elle vise à faire participer un
maximum de citoyens aux élections, avec pour objectif la
légitimation de l'élu.
III-Obstacles liÉs À
l'établissement et À l'obtention des cartes
nationales d'identité dans l'Adamaoua.
Comme nous l'avons évoqué
précédemment, l'identification des citoyens qui inclut aussi bien
le fonctionnement de l'administration que la mise en oeuvre des politiques
publiques ne se résume pas seulement à des
phénomènes de « pouvoir de, pouvoir sur », de
domination ou de contrôle de corps. Il s'agit en même temps de
forme de gestion du service d'identification. Cette dimension de la politique
d'identification au Cameroun a souvent été oubliée.
L'administration en général, les agents, les dispositions
d'identification au Cameroun sont perçues comme un processus des
structures caractérisées par la corruption, le népotisme,
le clientélisme, le manque
17 Cette information a été relayée par la
CRTV-Radio, station de l'Adamaoua à l'émission « Gazette
régionale » à 19 h 15 minutes, en date du 05 mai 2013.
143
de professionnalisme etc. Or, quand bien même ce serait
vrai, partiellement, le service d'identification au Cameroun, assure plus ou
moins bien efficacement, sa mission qui est celle d'identifier les citoyens. Il
importe de préciser que la délivrance de la carte nationale
d'identité au Cameron est assurée conjointement par la
délégation générale à la sûreté
nationale (DGSN), la société d'assistance et de conception en
électronique (SACEL)18 et la société THALES. Le
service d'identification pris dans cette situation, constitue, un champ
semi-autonome qui n'est certes pas indépendant de la nature de services.
Diverses recherches ont été menées depuis plusieurs
années sur l'identification et ont en effet, mise en évidence la
convergence des difficultés de l'identification des citoyens. Aux
trajectoires des pratiques d'identification assez similaires à celles de
la France, au Cameroun depuis l'institutionnalisation, l'établissement
et la délivrance des cartes nationales d'identité, connaissent de
nombreuses difficultés. Pour examiner les
origines des difficultés, il faut remonter la
période coloniale. C'est en effet la
colonisation qui non seulement a
mise en place l'État en Afrique, particulièrement, au Cameroun,
mais aussi, à y regarde de prêt à également jeter
les bases de la forme contemporaine d'identification. Ainsi, le système
d'identification au Cameroun semble être inadapté dans les
sociétés régies par des valeurs traditionnelles. La
présente partie devrait contribuer à une meilleure connaissance
des obstacles qui plombent l'établissement des cartes nationales
d'identité dans l'Adamaoua. Ces obstacles se situent à plusieurs
niveaux : administratif, politique, économique, géographique,
professionnel etc.
1. Barrières administratives, politiques et
économiques.
La majorité des pays colonisés par la France
sont dotés des mécanismes d'identification des populations. Par
ailleurs, bon nombre de citoyens au Cameroun, dans l'Adamaoua
précisément, n'ont pas accès aux postes d'identification.
Pour comprendre une telle situation, il s'agit d'analyser les obstacles
administratifs, politiques et économiques.
18Société française issue du
Groupe Fabre
144
1-1. Les obstacles administratifs.
Sur le plan administratif, il se pose un problème au
niveau de la relation entre bureaucrates et usagers. En effet, l'on remarque
que les pratiques de l'administration coloniale ont introduit une très
grande marge de l'arbitraire dans la rationalité procédurale de
la bureaucratie classique de la métropole officiellement importé
dans les colonies en Afrique. Jean-Pierre Olivier de Sardan le remarque si bien
en ces termes :
Il n'y a pas eu de rupture importante entre l'administration
coloniale et l'administration postcoloniale, bien au contraire. Avec les
indépendances, les nouveaux États se sont construits dans une
logique de continuité et d'amplification du modèle colonial. Les
innovations postcoloniales ont plutôt été dans le sens d'un
élargissement ou d'un approfondissement du modèle colonial que de
sa transformation ou de son abolition.19
De ce qui précède, l'on constate qu'il y a une
continuité des pratiques de l'administration coloniale dans
l'administration postcoloniale au Cameroun. En fait, au-delà du
mépris souvent affiché de beaucoup de fonctionnaires
européens pour les administrés africains pendant la colonisation,
ce sont des générations d'auxiliaires et de commis africains qui
ont appris auprès des colonisateurs à édifier une
barrière entre eux même et les populations locales, à
multiplier les signes affirmant leur statut de « privilégiés
», à construire la supériorité par l'affirmation de
l'infériorité des autres et à user de l'arbitraire.
S'inscrivant dans le même sillage, il faut noter que,
les services d'identification dans l'Adamaoua sont caractérisés
par une bureaucratie de mépris, des pratiques de corruption, de
népotisme et même de clientélisme. L'on note à la
fois une sous-administration qui perdure malgré l'évolution du
système d'identification et un décalage entre normes et usages
locaux et usages officiels. Diverses formes de sous-traitance, de
clientélisme et d'informalité loin des règles officielles
d'identification telles que définies par les textes, font le quotidien
des postes d'identification de l'Adamaoua. Cette situation débouche sur
les négociations et l'intermédiation se traduisant par des
multiples arrangements et sans doute à l'origine des premières
formes de corruption faisant la part belle aux « démarcheurs »
presque omniprésents dans les postes d'identification.
19 Intervention de J.P. Olivier de Sardan au colloque IRG/ARGA,
janvier 2007, Bamako(Mali).
145
Le clientélisme bureaucratique dans les postes
d'identification de l'Adamaoua se manifeste par le comportement des personnels.
En effet, pendant les périodes d'affluence dans les postes
d'identification, certains personnels accordent des faveurs à leurs
protégés comme ceux avec qui ils partagent le même groupe
ethnique ou ceux qui les rendent peut être des services ou encore
à leurs parents et connaissance20.
Par ailleurs, l'un des principaux problèmes de
l'identification dans l'Adamaoua est celui de la couverture de services sur
l'ensemble de la Région. En effet, l'on a l'impression, sans risque de
se tromper, que les postes d'identification de l'Adamaoua ont été
créés sur une base discriminatoire. Les zones urbaines telles que
les chefs- lieux de département ont été mieux couvertes
par des postes d'identification que les zones rurales. Jusqu'ici, les zones
rurales de l'Adamaoua tels que Belel, Ngaoui pour ne citer que
celles-là, n'ont pas de poste d`identification. L'absence de poste
d'identification dans ces zones est un obstacle non seulement pour la
population mais aussi pour l'administration. Le constat de ce manquement se
traduit par les propos du responsable ELECAM de Belel : « Si on avait un
poste d'identification dans l'arrondissement de Belel, on ne serait pas dernier
de la classe des inscrits sur les listes électorales dans la
région de l'Adamaoua »21.
Bien plus, l'on note une absence de surveillance et de
supervision adéquates qui assureraient le respect des lois relatives
à l'établissement des cartes nationales d'identité.
Souvent, les informations essentielles ne sont pas scrupuleusement
enregistrées sur les formulaires. Des informations frauduleuses telles
que la limitation d'âge, des changements illégaux de noms,
prénoms lieu de naissance sont enregistrés sur les
formulaires.
En somme, la corruption, le clientélisme, les fraudes,
l'inertie et le laxisme qui caractérisent l'administration camerounaise
sont autant d'obstacles qui plombent l'établissement des cartes
nationales d'identité dans l'Adamaoua. Cependant, la question
d'identification au Cameroun relève surtout de la volonté du
politique. Il se
20 Entretien avec Djouldé Thomas, cultivateur, Tignere, 13
août 2014.
21 Entretien avec Mohamadou Hassan, responsable d'antenne ELECAM
de Belel, Ngaoundéré, 20 aout 2014.
146
trouve donc que dans l'Adamaoua, l'établissement des
cartes nationales d'identité se heurte aux barrières
politiques.
1-2.Les barrières politiques.
L'identification peut se heurter à un obstacle aussi
important que la volonté politique. En effet, Il existe jusqu'ici des
personnes qui ne connaissent pas ce que c'est qu'une carte nationale
d'identité et à quoi sert-elle. Les efforts des politiques ne
suffisent pas jusqu'ici pour pallier aux difficultés. Certaines
populations sont ignorantes et réticentes à la question de
l'identification dans l'Adamaoua. La sensibilisation relève de la
tâche du politique. Cependant, les mesures prises par le politique pour
remédier à ce genre d'obstacle ne sont que conjoncturelles
frustrant ainsi certains citoyens. Le cas des Mbororo de l'Adamaoua est patent.
Ces derniers ne connaissent pas grand-chose de l'administration et ne cherchent
pas à le savoir. D'ailleurs, dans les années 1960, le refus
d'établir les cartes nationales d'identité aux Mbororo, trahit
l'attitude discriminatoire du politique.
1-3.Les barrières économiques.
Bien que la possession d'une carte nationale d'identité
soit un droit fondamental les Camerounais, l'établissement de cette
pièce est payant. Pour les citoyens pauvres, le coût de
l'établissement d'une carte nationale d'identité est inimaginable
puisqu'ils doivent d'abord pallier les besoins urgents. Au-delà du prix
d'établissement, le problème vient aussi du fait que les services
publics sont souvent centralisés. Pour se faire établir une carte
nationale d'identité, certains citoyens des zones rurales doivent se
rendre dans le centre urbain le plus proche ou ils peuvent se retrouver face
à un bureau fermé. C'est par exemple le cas dans le
département du Djerem où les citoyens de l'arrondissement de
Ngaoundal, doivent obligatoirement se rendre à Tibati situé
à 100 km pour obtenir leur certificat de nationalité avant de se
rendre au poste d'identification. Le coût de ce voyage et le fait que,
durant le voyage, aucun revenu familial ne rentre, forme assurément un
obstacle supplémentaire à l'établissement d'une carte
nationale d'identité. Ce constat justifie en fait le faible taux
d'identification dans ce département.
147
2. Les obstacles infrastructurels, professionnels et
géographiques.
Il s'agit de présenter les arguments matériels,
économiques et géographiques qui font obstacle à
l'établissement des cartes nationales d'identité dans l'Adamaoua.
Ainsi, sans ignorer les handicaps des pratiques politiques et administratives,
il est judicieux de chercher ailleurs la justification au manque du
désir spontané de l'établissement des cartes nationales
d'identité dans l'Adamaoua. L'explication réside certainement
dans les facteurs matériels techniques et géographiques.
2-1. Les obstacles infrastructurels.
Dans l'Adamaoua en général, beaucoup reste
encore à faire au niveau des infrastructures administratives. Sans
sous-estimer les efforts ménagés par le gouvernement dans la
création des infrastructures administratives dans l'Adamaoua, les
bâtiments adéquats abritant uniquement les services
d'identification manquent. Dans tous l'Adamaoua, les bâtiments qui
devraient abriter les postes d'identification ne sont pas jusqu'ici construits.
Ce sont parfois les maisons familiales qui servent de locaux des postes
d'identification. Ainsi, ces maisons se trouvent souvent dans des mauvaises
conditions. Elles sont parfois insalubres, non électrifier mettant en
péril les matériels d'identification. Par ailleurs, l'on note les
coupures intempestives d'électricité dans certains
départements rendant ainsi difficile l'établissement des cartes
nationales d'identité, dans la mesure où la prise des photos
devient impossible. Alors, vu la situation alarmante, il ne suffit pas de
créer les postes d'identification, mais de doter ces postes
d'identification des matériels. Cependant, l'utilisation de ces
matériels nécessite aussi un professionnalisme.
2-2. Manque de professionnalisme.
Le manque de professionnalisme des personnels de
l'identification dans l'Adamaoua est obstacle à prendre au
sérieux dans le processus d'établissement des demandes de carte
nationale d'identité. La plupart des personnels rencontrés dans
les postes d'identification de l'Adamaoua ne sont pas des professionnels du
métier. Or
148
l'identification des citoyens est un domaine sensible et
délicat pour lequel il faut des hommes du métier maitrisant tous
les contours de cette pratique. En effet, depuis la mise en place du
système d'identification biométrique au Cameroun, nombre de
citoyens ont du mal à obtenir la carte nationale d'identité
informatisée, ceci à cause des erreurs commises sur les
formulaires par les personnels au moment de l'établissement de la
demande. Le système d'identification biométrique rejette purement
et simplement les demandes de carte nationale d'identité non conformes.
Les raisons d'un tel rejet peuvent être les suivantes :
-les noms mal orthographiés ;
- l'absence ou la mauvaise qualité des empreintes
digitales ;
-la mauvaise qualité des photos ;
-les demandes sans fond de dossier ;
-l'omission volontaire ou involontaire des rubriques ;
-l'absence de la signature du demandeur (voir annexe
4)22.
Tous ces motifs de rejet de demandes de carte nationale
d'identité relèvent de la responsabilité du personnel
ayant établi la demande. Il y a lieu de relever que de nombreuses
demandes de cartes nationales d'identité sont produites dans les postes
d'identification de l'Adamaoua, mais certaines n'aboutissent toujours pas
à la délivrance à cause des manquements ou de la
non-conformité des informations sur les formulaires de demandes.
Malgré cette situation, aucune mesure n'est prise pour
l'amélioration de travail des personnels d'identification dans
l'Adamaoua23. La hiérarchie ne veille pas à ce qu'ils
aient un confort intellectuel permettant à ceux-ci de procéder
lisiblement et fidèlement à l'établissement des demandes
de carte nationale d'identité. Il faut noter qu'il y a un manque des
séminaires de mise et remise à niveau des personnels
d'identification. Ces séminaires pourront permettre la formation et le
recyclage des personnels non formés.
22 Entretien avec Boudié Jacques, Chef de la cellule
d'authentification des demandes de carte nationale d'identité,
Yaoundé, 27 juillet, 2014.
23 Entretien avec Nanawa Sylvain, operateur photo, Tibati, 05
juin 2014.
149
2-3. Barrières géographiques.
La distance qui sépare les zones rurales et les postes
d'identification dans l'Adamaoua représente un handicap pour
l'identification. D'une superficie de 63701 Km2 et 1015622 de
citoyens en 201024, l'Adamaoua compte aujourd'hui seize postes
d'identification reparties sur le territoire. En matière de couverture,
l'Adamaoua est peu couvert par des services d'identification, rendant ainsi
difficile l'accès aux citoyens des zones rurales. En fait, plus la
distance est grande, plus la tâche est difficile et couteuse pour ceux
qui veulent se faire établir leur carte nationale d'identité. Il
arrive souvent que certains personnes parcourent plus de 30 km à pieds
pour se faire établir une carte nationale d'identité et ne
réussissent pas à cause soit du manque des matériels
d'identification qui doivent être acheminés de Yaoundé pour
Ngaoundéré et de Ngaoundéré pour les postes
d'identification de la Région de l'Adamaoua. Certains
départements comme celui du Mayo Banyo et celui du Faro-et-Déo
où les routes sont presque impraticables pendant la saison des
pluiespeuvent passer 5 jours voire une semaine sans matériel
d'identification25.
De plus, le fait que les services de fabrication de la carte
nationale d'identité au Cameroun soient centralisés et
basés uniquement à Yaoundé dans un seul lieu constitue un
handicap pour l'identification et pour les citoyens situés dans les
périphéries du pays.
En fait, le constat montre que, après
l'établissement des demandes de carte nationale d'identité la
plupart des demandeurs doivent atteindre quatre (04) à cinq (05) mois
voire plus avant d'entrer en possession de leur carte nationale
d'identité. D'autres encore se contentent du
récépissé de demande parce que la carte elle-même
n'est pas de retour au poste d'identification les ayant reçus.
Par ailleurs, par confusion ou manque d'attention des
personnels du service central de délivrance renvoient certaines cartes
nationales d'identité dans un autre poste que celui qui a émis la
demande. C'est ainsi que nous avons retrouvés les cartes nationales
d'identité dont la demande a été établie au poste
d'identification de
24 MINEFI/Division Économique de l'Adamaoua : Rapport
Économique de la Région de l'Adamaoua, Exercice 2010 /2011.
25 Entretien avec Baino Pagoah, chef de poste d'identification,
Banyo, 16 juin 2014.
150
Ngaoundal (AD 09) dans le poste d'identification de la ville
de Meiganga (AD 07). Tous ces faits participent de la distance entre certains
citoyens et les postes d'identification et l'écart entre service central
de délivrance et les postes d'identification émetteurs des
demandes de cartes nationales d'identité.
3. Les limites de la politique d'identification du
Cameroun.
La question sur l'amélioration de la
sécurité des documents et la carte d'identité nationale
pour tous les Camerounais demeure jusqu'ici un domaine en friche. Depuis
l'institution de cette pièce, aucun débat n'a été
ouvert pour saisir les enjeux et les problèmes que connaissent la
politique d'identification au Cameroun. La présente partie devrait
contribuer à une meilleure connaissance des limites de la politique
d'identification des citoyens camerounais.
Il n'y avait pas assez de documentation, de recherche ou de
directives pour guider les personnes intéressées à
examiner cette question d'importance nationale. L'examen de cette question
exige soit un niveau de connaissance élevé du système
actuel de documents d'identité gouvernementaux, soit une connaissance de
l'industrie biométrique de pointe ou une connaissance du succès
ou de l'échec des programmes actuels d'identification du gouvernement
camerounais, des travaux de recherche sur l'expérience des autres pays
où il existe une carte nationale d'identité ainsi qu'une
connaissance des problèmes de sécurité liés
à la collecte de données biométriques du gouvernement.
Le débat sur la carte nationale d'identité
soulève en même temps un débat sur une politique nationale
sur l'identité. Étant donné que la carte nationale
d'identité ne représente qu'une méthode possible
d'établir une politique nationale, il fallait élaborer et
établir la politique avant d'examiner toute mesure de mise en
application. Le Parlement devait adopté une politique nationale sur
l'identité ainsi que des principes directeurs fondamentaux après
avoir demandé l'opinion de la population et de l'avoir consultée,
avant que toute stratégie particulière de mise en place ne soit
examinée, y compris la mise en oeuvre d'une carte nationale
d'identité.
151
Au cours de la période d'élaboration d'une
politique nationale sur l'identité, le gouvernement n'a pas
proposé les différentes stratégies d'identification aux
citoyens. En introduisant le système d'identification biométrique
aucune mesure n'a été prise pour expliquer clairement aux
Camerounais pourquoi ce changement est nécessaire et pourquoi le
système actuel répond à la politique
élaborée à l'échelle internationale.
Le Cameroun doit être en mesure d'établir
l'identité des Camerounais, même à l'échelle
internationale. Le gouvernement est signataire d'ententes et d'engagements
internationaux qui exigent que les Camerounais qui voyagent et désirent
entrer dans d'autres pays puissent être identifiés. Au Cameroun,
les départements ministériels se partagent la
responsabilité d'émission des documents d'identité : les
certificats de naissance et de décès par exemple relèvent
de la compétence du ministère de l'administration territoriale et
de la décentralisation alors que les cartes nationales d'identité
et les cartes de résidence sont émises par la
délégation générale à la sûreté
nationale. Différents documents d'identité ont différentes
raisons d'être, et les renseignements à fournir en vue d'obtenir
chaque document correspondent à la finalité intrinsèque de
ce document. Toutefois, on devrait élaborer une politique nationale
uniforme sur les documents d'identité fondée sur des principes
fondamentaux.
L'objectif et la conception d'un système
d'identification nationale camerounaise devraient être à l'image
de la population camerounaise, et non motivés par des pressions
internationales.
L'identité est personnelle à chaque personne.
Avant que le gouvernement n'intervienne en vue d'établir une politique
nationale sur l'identité, qui concerne tous les citoyens, il devait
expliquer clairement le but de l'identification. Étant sans doute le
plus important détenteur de renseignements personnels, le gouvernement
camerounais a reconnu l'importance de la protection de la vie privée des
Camerounais en établissant un commissariat de police qui veille à
la protection des citoyens et de leur vie privée. Ce commissariat doit
prendre le devant en ce qui concerne la protection des renseignements
personnels en introduisant, en faisant promulguer et en mettant en application
la loi sur la protection des renseignements personnels et les documents
d'identité.
152
De plus, la politique d'identification devrait participer
activement à éliminer les préoccupations en matière
de sécurité nationale et internationale au Cameroun et non
permettre aux acteurs de l'insécurité d'avoir illicitement la
carte nationale d'identité, lors de opérations foraines
d'identification.
Toutefois, pour répondre aux préoccupations sur
la réticence et l'ignorance de certains citoyens camerounais en ce qui
concerne la question d'identification, le gouvernement devrait expliquer
ouvertement et honnêtement les obligations que le Cameroun tente de
respecter en apportant tout changement aux politiques d'identification. Les
citoyens sont en droit de connaître l'étendue de cette politique
d'identification.
Le gouvernement camerounais n'a jamais ouvert un débat
public sur des questions touchant les valeurs fondamentales, notamment
l'identification des Camerounais, ou encore présenté un livre
blanc afin de connaître les points de vue de citoyens sur la politique
d'identification qui, pourront permettre de fournir les renseignements
appropriés. C'est souvent à l'approche des
échéances électorales que les politiques présentent
souvent l'importante question d'identification nationale. Toutefois aucune
documentation, des travaux de recherche ou un objectif clairement défini
n'est présenté au public. Il est important d'informer le public
à ce sujet et lui donner l'occasion de s'exprimer sur des questions
capitales comme celle-ci. C'est le moins que l'on puisse faire pour garder la
confiance du public tout au long du processus.
Une politique sur l'identité nationale devrait
renforcer la sécurité nationale. Cette politique devrait
être élaborée par et pour les Camerounais. Elle doit
inspirer une fierté quant à la nationalité et à la
citoyenneté camerounaises. Cela ne veut pas dire que l'État du
Cameroun ne doit pas tenir compte des obligations et des engagements
internationaux. Cela ne veut pas dire également que le gouvernement
camerounais ne doit pas consulter ses alliés et ses voisins pour
connaître leurs préoccupations lorsqu'ils tentent d'identifier et
de trouver des Camerounais ou qui voyagent à l'étranger. Cela
signifie toutefois que la politique et les méthodes mises en oeuvre
soient probablement mieux adaptées pour satisfaire les Camerounais.
153
En clair, Il était question dans ce chapitre d'analyser
l'évolution des productions des cartes nationales d'identité.
Ainsi, il ressort de cette analyse que dans l'Adamaoua, au cours des trois
premières décennies de l'institution de la carte nationale
d'identité,les postes d'identification ont connus un taux de demandes
relativement faible. Par ailleurs, depuis le début des années
2000, les postes d'identification de l'Adamaoua enregistrent chacun de nombres
important de demandes de cartes nationales d'identité. Cependant,
malgré les efforts du gouvernement, l'identification dans l'Adamaoua
fait face à plusieurs difficultés dont les principales sont
d'ordre politique, économique, professionnel, infrastructurel etc.
CONCLUSION GÉNÉRALE
154
155
Au demeurant, il était question tout au long de ce
travail portant sur « la carte nationale d'identité dans
l'Adamaoua», d'examiner les attitudes des citoyens à l'égard
de la question d'identification. Au terme de ce travail, il ressort que la
carte nationale d'identité a été instituée d'abord
au Cameroun oriental indépendant en 1960, puis par la
concrétisation de productions législatives, elle a
été généralisée en 1964 après la
réunification. Avec l'unification des deux Cameroun cette pièce a
connu des modifications au niveau des énonciations. Elle est
passée d'une énonciation en français pour une
énonciation bilingue, justifiée par la promotion
l'identité culturelle camerounaise. Ce changement a marqué une
étape important pour la politique d'identification du Cameroun dans la
mesure où il s'agissait de mettre fin aux idées de double
nationalité qui animait certains citoyens du Cameroun Occidental. La
carte nationale d'identité dans son évolution est passée
de support papier (carton) en vigueur jusqu'aux années 2000 à un
support plus sécurisé (Teslin), pour ainsi résoudre le
problème de sécurisation de l'identité et de la
nationalité et de s'arrimer aux normes internationales
d'identification.
La carte nationale d'identité donne au citoyen sur le
territoire national une identité établie et véritable et
un signe d'appartenance à une communauté, à une nation
où le citoyen à sa place. Elle est la clé qui permet
d'accéder à certains services, comme par exemple des services
bancaires qui offrent une sécurité et une discrétion dans
les transactions. Elle garantit au citoyen pendant toute sa vie, le droit de
prendre part à la vie sociale et politique de son pays.
L'accent a été aussi mis l'évolution de
la structure administrative de l'Adamaoua. Cette évolution a eu un
impact sur la politique d'identification dans cette Région, notamment en
ce qui concerne la mise sur pied des postes d'identification. L'étude de
la mise en place des postes d'identification dans l'Adamaoua a permis de cerner
les pratiques d'identification. L'identification mieux, l'établissement
des cartes nationales d'identité de 1960 au début des
années 2000, se faisait uniquement dans les postes d'identification
répartis sur le territoire de l'Adamaoua. Dans l'Adamaoua, la politique
d'identification a été mise sur pied de manière
progressive, avec l'évolution de cette structure administrative. D'abord
présent dans les chefs-lieux de départements et d'arrondissement,
les postes d'identification furent multipliés à partir de 1995,
notamment avec la mise sur pied du système d'identification
biométrique. À partir des
156
années 2000, il y a eu changement dans la politique
d'identification. Non seulement, à l'approche de chaque
échéance électorale les frais d'identification
étaient diminués et souvent même exemptés, mais les
équipes mobiles d'identification se déployaient dans les zones
qui ne disposent pas de postes d'identification pour identifier sur place les
citoyens. Ce fut une manière de permettre aux Camerounais de participer
à la vie politique de l'État et de sécuriser leur
identité et la nationalité camerounaise.
Avec la politique de campagne d'identification
(l'allègement des conditions d'établissement des cartes
nationales d'identité, exemption des frais d'identification)
débutée en 2002, il été révéler dans
ce travail, le déploiement des équipes mobiles d'identification
dans certains localités de l'Adamaoua, permettant aux populations de
Belel, Ngaoui, Yargbang, Gbatoua Godolé, Kombo Laka, Danfili, de Mbakaou
etc. de se faire identifier.
Par ailleurs, il s'agissait également dans ce travail
d'analyser les différentes réactions des populations de
l'Adamaoua à la question d'identification. Toutefois, il ressort de
cette analyse que dès son institutionnalisation, la carte nationale
d'identité n'a pas aussitôt été acceptée de
tous les citoyens. Les trente (30) premières années ont
été marquées par l'ignorance ou la réticence des
citoyens vis-à-vis de la carte nationale d'identité. Plusieurs
citoyens des zones rurales et même de centres urbains ont
été réticents vis-à-vis de la question de la carte
nationale d'identité à cause d'un manque de communication, de
sensibilisation ou d'information de la part du gouvernement. La carte nationale
d'identité fut introduite sans une consultation des citoyens
camerounais.
Les raisons d'une politique nationale d'identification des
citoyens n'avaient pas été clairement explicitées aux
Camerounais. L'inefficacité des contrôles d'identité,
l'inadaptation et la méconnaissance des lois relatives à
l'identification par les citoyens de l'Adamaoua sont quelques raisons
importantes qui expliquent les faibles taux d'établissement des cartes
nationales d'identité dans l'Adamaoua au cours des périodes 1960
; 1970 et 1980. Les périodes 1990 et 2000 ont été
marquées par une ruée des citoyens dans les postes
d'identification de l'Adamaoua. Cette ruée est liée à
l'ouverture démocratique du Cameroun, à l'implantation des
services bancaires et surtout aux contrôles systématiques
d'identité dans cette Région qui accueille de nombreux
immigrés centrafricains, tchadiens et nigérians. Toutefois,
l'allègement des conditions
157
d'identification et les opérations foraines
d'établissement des cartes national d'identité ont permis
d'établir et délivrer des milliers de cartes nationales par les
postes d'identification de la Région de l'Adamaoua. À la suite de
ces opérations, de nombreuses cartes nationales d'identité ont
été abandonnées dans les postes d'identification. Il a
été question dans ce travail de mettre en lumière, les
mobiles qui expliquent l'abandon des cartes dans les postes d'identification.
Ces raisons découlent de la mobilité des titulaires d'une part et
d'autre part de l'ignorance du mécanisme d'identification par certains
citoyens.
Le bilan d'identification dans l'Adamaoua renseigne sur
l'évolution de demandes des cartes nationales. Ce bilan a permis de
souligner les disparités entre les postes d'identification de
l'Adamaoua. Les données collectées dans les postes
d'identification ont permis de conclure que le poste d'identification de
Ngaoundéré produit plus de cartes que les autres postes
d'identification de la Région de l'Adamaoua. Bien que la politique
d'identification ait permis à plusieurs citoyens de l'Adamaoua d'avoir
une identité officielle et de participer à la vie politique, il a
été question de souligner l'impact de l'identification sur le
plan sociopolitique.
Par ailleurs, les fraudes qui font le quotidien de certains
postes d'identification et de l'Adamaoua et les opérations foraines
d'identification ont permis aux étrangers (immigrés) en
présence dans l'Adamaoua d'acquérir illicitement la
nationalité camerounaise fragilisant et rendant ainsi faillible le
système de sécurisation de la nationalité camerounaise.
Étant un document incontournable dans les services
administratifs du Cameroun, elle a permis à plusieurs citoyens de se
faire inscrire sur les listes électorales. Le pourcentage des inscrits
sur les listes électorales dans l'Adamaoua, a considérablement
évolué à cause de la campagne d'identification gratuite
instituée par le chef de l'État dès 2002.
Un travail sur la carte nationale d'identité dans
l'Adamaoua ne pouvait se faire sans analyser les écueils qui plombent la
politique d'identification dans cette Région. Les obstacles de la
politique d'identification dans l'Adamaoua sont d'ordres administratif,
politique, économique, infrastructurel, professionnel et
géographique. Sur
158
le plan administratif, le népotisme, le
clientélisme et l'inertie caractérisent les postes
d'identification de l'Adamaoua. Le manque de volonté des politique de
développer les infrastructures notamment les bâtiments pouvant
abriter les postes d'identification et les routes reliant les localités
enclavées de l'Adamaoua participe à rendre plus difficile la
tâche aux citoyens et rend également pénible la pratique
d'identification dans l'Adamaoua. Le manque de professionnalisme des personnels
d'identification demeure un problème dont le gouvernement doit apporter
des solutions, en organisant par exemple des séminaires de formation, de
remise à niveau ou de recyclage. Cela permettra à ceux-ci de
faire moins d'erreur sur les formulaires de demandes de cartes nationales
d'identité.
En fin il a été question de souligner les
manquements de la politique d'identification. La politique d'identification du
Cameroun, bien qu'elle ait évolué présente des limites.
D'emblée, dès l'institution, le gouvernement n'a pris aucune
disposition pour informer les citoyens sur les véritables raisons de la
mise sur pied de la carte nationale d'identité. L'une des raisons de la
mise sur pied du système d'identification biométrique
était de lutter contre le vol d'identité et l'acquisition
illicite de la nationalité camerounaise. L'on constate que dès la
mise en la place du nouveau système d'indentification, les postes
d'identification clandestins ont automatiquement disparu laissant place aux
nouvelles stratégies de vol d'identité et d'acquisition de la
nationalité. Tout se passe comme si les autorités administratives
ignoraient ce qui se passe dans les centres d'état-civil et dans les
postes d'identification où les documents d'identité sont souvent
délivrés frauduleusement aux étrangers. Ce qui remet en
cause les objectifs de la politique d'identification au Cameroun qui sont entre
autres, protéger et sécuriser l'identité des citoyens
camerounais et sécuriser la nationalité camerounaise.
SOURCES ET RÉFÉRENCES BIBLIOGRAPHIQUES
A-Sources
1. Archives
-ANY, 2AC1513, Loi n°68-LF-3 du 11 juin 1968 portant code de
la nationalité camerounaise.
-ANY, J.O 67/3, décret n°099/154 du 20 juillet 1999
fixant les caractéristiques et les modalités
d'établissement et de délivrance de la carte nationale
d'identité au Cameroun. -ANY, J.O 64/22, loi n° 64-LF du 13
novembre 1964 rendant obligatoire la carte nationale d'identité.
-ANY, J.O 69/3, loi n° 69/LF/ du 14 juin 1969 portant
réglementation de l'usage des noms et prénoms au Cameroun.
-ANY, 2AC8746, loi n° 90-54 du 19 décembre 1990
relative au maintien de l'ordre au Cameroun.
-ANY, J.O 64/22, loi n°64 du 13 novembre 1964 rendant
obligatoire la carte nationale d'identité.
-ANY, VCB/B ?1961/2, Foumban conference 17th Jully-21th
1961.
-Loi n° 1990/043 du 19 décembre 1990, fixant les
conditions d'entrée et de sortie du territoire Cameroun.
-Loi n°715 du 10 décembre 1960 portant sur le
maintien de l'ordre public
-Loi n°90-54 du 19 décembre 1990 relative au maintien
de l'ordre
-Décret n°64-DF-394 du 29 septembre 1964 instituant
la carte nationale d'identité. -Décret n°83-392 du 22
août 1983 portant création de nouveaux départements et
arrondissements
-Décret n°2007/254 du 4 septembre 2007 fixant les
caractéristiques et les modalités d'établissement et de
délivrance de la carte nationale d'identité au Cameroun.
-Décret n°2008/376 du 11/12/2008 qui transforme les
10 Régions et érige les districts en arrondissements.
159
.
160
2. Sources orales
N°
|
Noms et âge
|
Profession
|
Ville d'entretien
|
Date
d'entretien
|
01
|
Amina Clémentine
40 ans
|
Ménagère
|
Tibati
|
06 juin 2014
|
02
|
Baino Pagoah 49 ans
|
Chef de poste d'identification
|
Banyo
|
16 juin 2014
|
03
|
Bétara Narma Paul
41 ans
|
Personnel
d'identification
|
Meiganga
|
04 août 2014
|
04
|
Boudié Jacques /
|
Personnel
d'identification
|
Yaoundé
|
20 juillet 2014
|
05
|
Dadjé Jacques
37 ans
|
Responsable antenne communale d'ELECAM
|
Tibati
|
04 juin 2014
|
06
|
Daagoula Ibrihim /
|
Ancien personnel d'identification
|
Tibati
|
04 juin 2014
|
07
|
Deke Gabriel 32 ans
|
agent de la Mairie
|
Meiganga
|
06 août 2014
|
08
|
Djaodji Adamou
38 ans
|
Berger
|
Tignere
|
13 août 2014
|
09
|
Djouldé Thomas
|
Cultivateur
|
Tignere
|
13 août 2014
|
10
|
Eméguidé François /
|
Personnel
d'identification
|
Yaoundé
|
25 juillet 2014
|
11
|
Enama Justine Rose /
|
Chef de poste d'identification
|
Ngaoundéré
|
07 octobre 2014
|
12
|
Diza Inès 48 ans
|
Menagère
|
Ngaoundéré
|
12 août 2014
|
13
|
Hamadjida Oumarou /
|
Officier de Police
|
Meiganga
|
08 juillet 2014
|
161
14
|
Hamadou Malloum 81 ans
|
Marabout
|
Meiganga
|
15 juillet 2014
|
15
|
Jonathan Ndjock
36 ans
|
Commerçant
|
Ngaoundéré
|
08 septembre 2014
|
16
|
Mohamadou Hassan
37 ans
|
Responsable de l'antenne communale d'ELECAM
|
Ngaoundéré
|
15 août 2014
|
17
|
Mohamadou Salissou
53 ans
|
Chef de poste d'identification
|
Tibati
|
03 juin 2014
|
18
|
Moussa François /
|
Chef de poste d'identification
|
Tignere
|
12 août
|
19
|
Mvuti Pauline 23 ans
|
Agent EXPRESS UNION
|
Ngaoundéré
|
28 septembre 2014.
|
20
|
Nanawa Sylvain 37 ans
|
Personnel
d'identification
|
Tibati
|
05 juin 2014
|
21
|
Ndjobdi Pierre 39 ans
|
Personnel
d'identification
|
Ngaoundéré
|
17 octobre 2014
|
22
|
Ngozo Jean 56 ans
|
Ex-maire
|
Tibati
|
07 juin 2014
|
23
|
Nolla Roger /
|
Chef d'antenne SACEL
|
Ngaoundéré
|
03 septembre 2014
|
24
|
Sanama Henri
54 ans
|
Commissaire de police
|
Meiganga
|
07 juin 2014
|
25
|
Seke Colomban /
|
Commissaire divisionnaire
|
Ngaoundéré
|
07 octobre 2014
|
26
|
Souley Febadi 39 ans
|
Inspecteur de police
|
Meiganga
|
03 aout 2014
|
27
|
Woulkane Norbert 48 ans
|
Tailleur
|
Banyo
|
15 juin
2014
|
162
B-RÉFÉRENCES BIBLIOGRAPHIQUES
1. Ouvrages
-About, I., 2010, Histoire de l'identification des
personnes, Paris, La Découverte. -Adiaffi, J.M., 1980, La carte
d'identité, Paris-Abidjan-CEDA, Monde Noir Poche. -Amselle, J.L,
1976, Les migrations en Afrique, Paris, Maspero.
-Bayart, J. F., 1985, L'État au Cameroun, 2e
éd., Paris, Presses de la fondation Nationale des Sciences
Politiques.
-Bertrand, G., 2000, Identités et cultures dans les
mondes alpins et italien (XVIIIe-XXe siècle), -Paris,
L'Harmattan.
-Debarbieux, B., 2005, Prendre position :
réflexions sur les ressources et les limites de la notion
d'identité en géographie, Paris,
CTHS.
-Dénis, V., 2008, Une histoire de l'identité
1715-1815, Paris, Champ Vallon.
-Fogui, J.P., 1990, L'intégration politique au
Cameroun. Une analyse centre-périphérie, Paris, LGDJ.
-Gaillard, P., 1994, Ahmadou Ahidjo. Patriote et despote,
bâtisseur de l'État camerounais, Paris, Jeune Afrique
livre.
-Gutton, J.P., 2010, Établir l'identité :
l'identification des Français du Moyen Âge à nos jours,
Lyon,Presses universitaires de Lyon.
-HamadouAdama et al, 2014, De l'Adamawa à
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L'Harmattan.
-Kaufmann, J.C., 2004, L'invention de soi. Une
théorie de l'identité, Paris, Armand Colin/SEJER.
-Ki-Zerbo, J., 1978, Histoire de l'Afrique
noire d'Hier à Demain, Paris, éd. Hatier. -Lambony, G.,
2001, De l'usage de la notion d'identité en
géographie. Réflexions à partir
d'exemples sud-africains, Paris,Harmattan.
-Mamdani, M., 1996, Citizen and Subject: Contemporary
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Press.
-Mariot, N., et Zalc, C., 2010, Face à la
persécution. 991 Juifs dans la guerre, Paris, Fondation
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des affaires culturelles.
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Présence Africaine.
-Ngayap, P.F., 1983, Cameroun qui
gouverne ?De Ahidjo à Biya, l'héritage et
enjeu, Paris, l'Harmattan.
163
-Noirel, G., 2007, L'identification. Genèse d'un
travail d'État, Paris, Belin.
-Noiriel, G., 1999, Les origines républicaines de
vichy, Paris, Hachette.
-Schnapper, D., 2000, Qu'est-ce que la
citoyenneté, Paris, Gallimard.
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-Tajfel, H., Turner J., 2001, Anintergrative theory of
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US : PsychologyPress.
-Thuillier, G., Tulard, J., 1986, La méthode en
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2-Articles
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»,
http://www.commposite.org/index.php/revue/article/view/58/57.
Consulté le 30 mai 2014.
-Berlière, J.M., 2005, «L'affaire Scheffer : une
victoire de la science du crime ? La première identification d'un
assassin à l'aide de ses empreintes digitales », in Cahiers de
la sécurité, n°56, pp.15-42.
-Bernard A., 1997, « Le regard du droit », In
Science Humaines, hors-série, pp. 34-68. -Biéville, M.,
1961, «La nationalité en Afrique : la nationalité
camerounaise », Revue d'outre-mer, pp. 592-631.
-Hamadou Adama, 1997, « Les nouveaux prénoms des
peuls du Nord-Cameroun : historique et essai d'interprétation »,
Ngaoundéré-Athropos, Revue de Sciences sociales, vol.2, pp.
19-40.
- Kaufmann,J.C., 2006, « L'invention de soi. Une
théorie de l'identité », Revue interrogation
?, n°3, pp.32-71.
- Mattioli, M.A., 2008, « L'introduction de la carte
d'identité en Grande-Bretagne par le New Labour », Observatoire
de la société britannique,
http://osb.revues.org/661 ;
DOI : 10.4000/osb.66, consulté le 14 avril 2014.
-Monticelli, C. L., 2008, « Naissance de l'identification
», La Vie des idées, ISSN : 2105-3030,
http://www.laviedesidees.fr/Naissance-de-l-identification.html.
Consulté le 14 avril 2014.
-Mouiche, I., 1996, « Mutations sociopolitiques et replis
identitaires en Afrique : le cas du Cameroun », Revue africaine de
Science Politique, Vol.1, n°2, pp.63-88.
-Noiriel, G., 1993, « L'identification des citoyens.
Naissance de l'état-civil républicain », in
Genèse n° 13, pp.75-89.
164
- Ombiono, S., 1982, « Les noms et les prénoms
», in encyclopédie juridique de l'Afrique, Vol. 6,
Droit des personnes et des familles, Abidjan, NEA, pp. 45-54.
-Piazza, P., 2004, « Septembre 1921 : la première
« carte d'identité de Français » et ses enjeux»,
Genèses, n° 54, pp.68-91.
-Pourtier, R., 1987, « Encadrement territorial et production
de la nation », in Terray E. (éd), L'État contemporaine
en Afrique, Paris, l'Harmattan, pp. 352-391.
-Spire, A., 2003, « Semblable et pourtant différents.
La citoyenneté paradoxale des « Français musulmans » en
métropole », Genèse, n° 53, pp.48-68.
3-Mémoires et Thèse
-Fourny, M., 2005, « Identités et dynamiques
territoriales. Coopération, différenciation, temporalités
», Thèse d'habilitation à diriger des recherches,
Université Joseph-Fournier de Grenoble.
-Harouna, R., 2009, « L'état-civil au Cameroun de la
période coloniale allemande au début du XXIème
siècle », mémoire de DEA en Histoire, Université de
Ngaoundere. -Madjile, C., 2005, « Les minorités au nord- Cameroun :
le cas des Mbororo », mémoire de DEA, université de
Ngaoundéré.
4-Dictionnaire
-Dictionnaire Universel Larousse, 1997.
-Lois-Littré E., 1877, Dictionnaire de langue
française, Paris, Hachette. -Petit Larousse, 1998.
5-Journaux
- Jeune Afrique économie, 1995, n°190, pp. 13-17
- Cameroon Tribune n° 8918/5117, du 23 Aout
2004.
- Cameroon tribune, n°4790 du 20 décembre 1990.
- Cameroon tribune, n°2508 du lundi 4 novembre 1996.
6-Sites internet consulté
-
http://www. Camer.be.cm,
-
http://www.fri.fr/actu
fr/articles/ -
http://www.camerooninfos.net
ANNEXES
165
ANNEXE 1 : décret définissant les
caractéristique et les modalités d'établissement et de
délivrance de la carte nationale d'identité informatisée
du Cameroun.
166
Source : Archives du Ministère de l'administration
territoriale et de la décentralisation.
167
ANNEXE 2 : désignation des chefs de postes
d'identification de la Région de l'Adamaoua (avril 2014).
Source : Archives de la délégation régionale
de la sûreté nationale de l'Adamaoua.
168
ANNEXE 3 : Procès-verbal de ramassage des demandes du
poste d'identification de Meiganga (AD 07)
169
ANNEXE 4 : fiches de rejet des demandes de cartes
nationales d'identité
170
171
172
173
TABLE DES MATIERES
DEDICACE i
REMERCIEMENTS iii
RESUME v
ABSTRACT vi
LISTE DES SIGLES ET ACRONYMES vii
SOMMAIRE vii
TABLE DES MATIERES 173
LISTE DES PHOTOS x
LISTE DES FIGURES xi
LISTE DES TABLEAUX xii
INTRODUCTION GÉNÉRALE 1
CHAPITRE 1: INSTITUTIONNALISATION DE LA CARTE
NATIONALE D'IDENTITÉ AU CAMEROUN 27
I-Historique des pièces d'identité
officielles du Cameroun (1922-1960). 29
1. L'état-civil de l'époque coloniale. 30
2. La carte de résidence en Métropole. 32
II-Institution et évolution de la carte nationale
d'identité au Cameroun
de 1960 à 2007. 35
1-Législation et conditions d'établissement de la
carte nationale d'identité au
Cameroun. 36
174
1-1. Les décrets et les lois instituant, organisant et
contrôlant la carte nationale
d'identité au Cameroun (1964-2007). 37
1-2.Les conditions d'établissement de la carte nationale
d'identité au Cameroun. 41
1-3.Les acteurs de l'identification 45
2.Évolution des énonciations de la carte nationale
d'identité 48
2-1.Carte d'identité établie entre 1960 et 1964.
49
2-2. Carte nationale d'identité bilingue établie de
1964 à 2013. 50
2-3. Les rubriques et caractéristiques de la carte
nationale d'identité informatisée. 54
III-Avantages et inconvénients de la carte
nationale d'identité. 63
1. La carte nationale d'identité : un outil de
contrôle de l'État. 65
2. Multiples avantages de la carte nationale d'identité.
67
3-Inconvénients de la carte nationale d'identité.
72
CHAPITRE 2 : ÉTABLISSEMENT DES CARTES
NATIONALES
D`IDENTITÉ DANS L'ADAMAOUA. 77
I- Évolution de la structure administrative de
l'Adamaoua et la mise
en place des postes d'identification. 79
1. Évolution de la structure administrative de
l'Adamaoua. 80
2-La mise en place des postes d'identification.
84
2-1. Les premiers postes d'identification de l'Adamaoua. 85
2-2. Répartition des postes d'identification dans
l'Adamaoua à partir de 1995. 87
II- Pratique d'identification dans l'Adamaoua de 1960
à 2013. 96
1-Établissement des cartes nationales d'identité
uniquement dans les centres urbains
(1960-1999). 96
2-Le déploiement des postes d'identification à
partir des années 2000. 98
3-Le démarchage dans le processus d'identification.
103
III-Les réactions des populations à
l'égard de la question
d'identification. 105
1. Une passivité des populations à l'égard
de la carte nationale d'identité. 105
2. La ruée des citoyens dans les postes d'identification
à partir des années 1990. -- 108
3. Abandon des cartes nationales d'identité dans les
postes d'identification. 112
CHAPITRE 3: BILAN DE L'IDENTIFICATION
DANS
L'ADAMAOUA ET LES DÉFIS DE LA
POLITIQUE
D'IDENTIFICATION 120
I-Bilan de l'établissement des cartes nationales
d'identité dans
l'Adamaoua. 121
1. Récapitulation des productions de cartes nationales
d'identité dans l'Adamaoua de
1976 à la fin des années 1980. 122
2. Bilan d'identification dans l'Adamaoua de 2000 à 2013.
132
II- Impact de l'identification dans l'Adamaoua.
135
1. Fragilisation de la nationalité camerounaise et trafic
d`identité. 135
2. La participation aux échéances
électorales. 139
III-Obstacles liés à
l'etablissement et à l'obtention des cartes nationales
d'identite dans L'Adamaoua. 142
1. Barrières administratives, politiques et
économiques.
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143
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1-1. Les obstacles administratifs.
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144
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1-2.Les barrières politiques.
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146
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1-3.Les barrières économiques.
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146
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2. Les obstacles infrastructurels, professionnels et
géographiques.
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147
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2-1. Les obstacles infrastructurels.
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147
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2-2. Manque de professionnalisme.
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147
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2-3. Barrières géographiques.
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3. Les limites de la politique d'identification du Cameroun.
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150
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CONCLUSION GÉNÉRALE
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154
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SOURCES ET RÉFÉRENCES BIBLIOGRAPHIQUES
159
176
ANNEXES 165
177