INTRODUCTION GENERALE
La préoccupation principielle de la
phénoménologie est le retour à la conscience, c'est
d'ailleurs en cela que la conscience se veut être l'objet de la
phénoménologie. Jeanne Hersch, dans le souci de mettre en
lumière la célèbre formule d'Edmund Husserl, le
retour aux choses mêmes, marquait déjà :
« Sa devise bien connue `'Allons aux choses
mêmes!'' n'appelle nullement à un réalisme naïf. Elle
signifie qu'il est indispensable de saisir l'essence de la conscience si l'on
veut comprendre comment un `'étant quel qu'il soit devient accessible
à la conscience intentionnelle''1(*) ».
Ceci pour dire que la base de toutes connaissances
en phénoménologie serait la saisie de l'essence de la conscience
comme donatrice de sens aux objets et au monde. Cela revient à dire que
la conscience occupe une place importante en phénoménologie.
Aussi, dirions-nous qu'il n'y aurait pas de phénoménologie sans
la description des actes et des données de la conscience, mais qu'il n'y
aurait pas non plus de compréhension profonde du concept de conscience
sans impliquer ou appliquer une forme de phénoménalisation de
celle-ci. Il y aurait donc une sorte de consubstantialité entre la
phénoménologie et la conscience. A bien comprendre, il serait
très difficile objectivement de comprendre le concept de conscience sans
se référer à la phénoménologie qui en a fait
son objet d'étude. De ce fait, si nous nous sommes donné pour
tâche de mieux comprendre le concept de conscience, l'approche
phénoménologique nous semble assez pertinente. Ceci en ce que
finalement le concept de conscience est indissociable de la
phénoménologie, car le concept conscience permet même de
dire ce qu'est la phénoménologie. D'ailleurs, Husserl
écrit ceci à propos de la définition de la
phénoménologie :
« Mettre au claire dans son principe la
nécessité du retour à la conscience, déterminer de
manière radicale et expresse le chemin et les procédures de ce
retour, délimité (...) explorer (...) le champ de la
subjectivité pure, voila ce que signifie la
phénoménologie.2(*) »
Cette citation montre clairement en quoi le concept
de conscience peut nous permettre de définir la
phénoménologie, et donc de comprendre la relation directe qu'il
peut y avoir entre la conscience et la phénoménologie,
étant donné que toute la phénoménologie n'est
finalement que retour à la conscience. Tout ceci pour montrer finalement
qu'il est fondamental de se fonder sur la phénoménologie afin de
comprendre le concept de conscience. Car, la phénoménologie
serait l'une des voies privilégiées afin de comprendre le
fonctionnement de la conscience. C'est donc à juste titre que Sartre dit
« La phénoménologie est une étude
scientifique et non critique de la conscience3(*) ». En clair, la
phénoménologie se serait donc donnée pour tâche
l'analyse scientifique du concept de conscience. Il s'agit bien
évidement ici de mettre en lumière la nécessité
d'un retour à l'approche phénoménologique pour mieux
comprendre l'essence et le sens du concept de conscience.
C'est clairement dans cette logique d'idées
que nous nous sommes proposé d'intituler notre travail de recherche
« Comprendre le concept de conscience en classe de philosophie
au lycée : Approche
phénoménologique ». Le sujet, tel que
formulé, se propose donc d'interroger le concept de conscience dans son
logis, c'est-à-dire, sous la lueur d'une approche fondamentalement
phénoménologique. Clairement énoncé, notre sujet a
donc pour vocation d'aborder le concept de conscience sous l'angle de la
science de la conscience. Nous sommes pour notre part convaincus de
l'importance de travailler sur ce sujet, aussi, l'objectif de ce travail est
double : d'une part, comprendre le concept de conscience sur une approche
phénoménologique. D'autre part, procéder à une
initiation à la phénoménologie en classe de philosophie
au lycée.
L'intérêt de l'étude ce sujet
réside dans le fait de déjà ramener la
compréhension du concept de conscience en phénoménologie
toute en initiant les élèves de classe de philosophie au
lycée à cette doctrine qu'est la phénoménologie. Le
concept de conscience doit donc être ramené et compris dans sa
perspective phénoménologique, étant donné que la
phénoménologique fait de la conscience en philosophie une affaire
sérieuse. La conscience, dans les programmes de classes de philosophie
au lycée reste un concept central, cela sous-entend bien
évidement que la compréhension des autres concepts dépend
de la saisie de cette dernière. D'où l'intérêt de
son examen et le souci de bien la comprendre.
Notre travail sera construit autour de quelques
questions fondamentales, auxquelles la recherche des réponses fera
l'objet de notre argumentaire. De ce fait, qu'est ce que la conscience dans son
acception générale ? Quel serait l'enjeu de l'étude
du concept de conscience en philosophie ? Qu'est ce que la conscience dans
sa perspective empiriste, métaphysique et existentialiste ? Qu'est ce
que la conscience phénoménologique a proprement parlé, et
en quoi elle se distinguerait des autres approches ? Dans quel sens la
saisie du concept de conscience dans son acception
phénoménologique, via la notion d'intersubjectivité, peut
nous aider à mettre en oeuvre une éducation au vivre ensemble,
afin de lutter contre la xénophobie et le tribalisme en classe de
philosophie au lycée ?
En vue de la recherche des réponses
à toutes ces questions fondatrices, il convient d'adopter certaines
stratégies et certains moyens d'investigations. Pour notre part, nous
avons délibérément fait le choix de se fonder sur des
lectures et la documentation pour le travail théorique, et sur les
entretiens et questionnaires pour le travail pratique afin d'intégrer la
dimension professionnelle à notre travail.
Concernant notre cadre théorique, nous
avons construit notre réflexion dans le sillage de certains auteurs tels
que : Edmund Husserl, Jean Paul Sartre, Merleau-Ponty etc.
Dans l'objectif de faire le point sur les concepts
utilisés pour répondre à la problématique choisie,
de cerner les différentes pensées des auteurs de
référence, puis de confronter les différentes pistes
dégagées, nous nous sommes proposé d'adopter en même
temps un plan par point de vue ( consistant à présenter chaque
point de vue) et un plan par aspects et critères ( consistant à
la sélection des angles d'approches). De ce fait, notre argumentaire
s'articulera autour de quatre grandes parties, chacune des parties comptant
environ trois sous parties. La première partie s'intitulera
« Approche générale, critique et enjeu de
l'étude du concept de conscience en philosophie ». Dans
cette partie il sera question d'une approche générale du concept
de conscience, et d'élucider l'enjeu de l'étude du concept de
conscience en philosophie. « Le concept de conscience selon les
courants de pensée philosophiques » sera le titre de
notre deuxième partie. Nous tenterons dans cette partie de mettre en
lumière la perspective empiriste, métaphysique et existentialiste
de la conscience. Comme troisième partie on aura le centre du travail
à proprement parler : « Approche
phénoménologique du concept de conscience ». Dans
celle-ci nous allons naturellement mettre en exergue la vision
phénoménologique du concept de conscience, tout en montrant en
quoi celle-ci serait distincte des autres représentations. La
quatrième partie sera intitulée « Perspective
pratique : approche phénoménologique du concept de
conscience comme piste de solution aux problèmes de xénophobie
et du tribalisme à travers la notion d'intersubjectivité dans les
classes de philosophie au lycée ». Dans cette
dernière nous allons montrer comment ce travail théorique,
philosophique et scientifique peut nous aider à résoudre certains
problèmes pratiques d'ordre social, en l'occurrence la xénophobie
et le tribalisme.
PARTIE I
APPROCHE GENERALE, CRITIQUE ET ENJEU DE L'ETUDE DU CONCEPT DE
CONSCIENCE EN PHILOSOPHIE
L'inventeur de la définition serait, selon
Aristote, Socrate. Pour Socrate, la définition des termes sur lesquels
nous allons débattre permet de mettre à l'épreuve notre
prétendu savoir sur ces derniers, surtout quand il montre à ses
interlocuteurs qu'ils ne savent pas produire une définition
cohérente de ce qu'ils pensent : ils ne pensent donc rien de
défini, rien qui n'ait une extension précise et bien
déterminée. En effet, l'analyse des concepts et de ce que l'on
veut dire, la recherche de l'extension des concepts que nous utilisons est l'un
des aspects majeurs de la philosophie.
C'est ainsi que dans la première sous-partie
de la première partie de notre travail, nous nous sommes proposé
d'abord de définir dans toute sa généralité le
concept de conscience sur lequel nous allons naturellement porter notre
réflexion. C'est donc un préalable philosophique majeur qui
semble s'imposer à nous. A la suite donc de cette définition
générale, nous allons mettre en lumière les enjeux de
l'étude du concept de conscience en philosophie, et enfin exposer en
dernier lieu les différentes critiques du concept de conscience.
I-Approche générale
Peu de mots dans la langue française ont autant
de significations que la « la conscience ». De ce
fait, s'il avait fallu attendre de trouver un langage commun pour pouvoir
parler de la conscience, ce travail de réflexion n'aurait jamais eu
lieu. Il y a la conscience du neurologue, du neuropsychologue, du psychologue
expérimentaliste, du neurophysiologiste, du bio-informaticien, du
psychanalyste, du philosophe. Toutes ces personnes, quelle que soit leur
obédience, s'accordent au moins sur deux points :
-Ce mot n'est applicable qu'à un individu
vivant ;
-Il implique une faculté de connaissance de
soi-même et de l'environnement.
Mais la tendance actuelle est de ne pas
considérer la conscience comme une seule fonction dépendante d'un
seul centre, mais d'en faire la somme de plusieurs activités
cognitives : vigilance ou éveil, mémoire, attention,
perception, planification des actes etc. Cette pluralité fonctionnelle
rend l'étude de la conscience difficile, car elle intéresse de
nombreux domaines de connaissances.
La conscience comme « donnée
immédiate » nous introduit d'emblée au coeur
même de la réflexion philosophique. L'étymologie latine
« Conscientia » nous suggère l'idée de
connaissance, alors qu'un sens moral s'attache à la notion dans le
français du XVIe siècle. Il faut attendre Descartes
pour que le terme, en prenant une signification psychologique, devienne l'un
des objets privilégiés de la démarche des philosophes. En
posant la réalité de la «substance
pensante », Descartes affirme la souveraineté de l'esprit
sur l'ensemble de ses productions et identifie la pensée à la
conscience.
1-La conscience comme connaissance de soi et du monde
Selon Le Petit Larousse Illustré, la
conscience serait : « Une perception, connaissance plus ou
moins claire que chacun peut avoir du monde extérieur et de
soi-même.4(*)»
A bien comprendre la définition proposée par Le Petit
Larousse Illustré, la perception de chacun ici serait une
perception directe, plus ou moins claire et précise du monde
extérieur, de la réalité, c'est serait comme avoir
conscience d'un bruit ou un son. C'est donc la présence de l'esprit
à lui-même dans ses représentations, mais elle est aussi un
redoublement réflexif par lequel le sujet se sait percevant. La
connaissance ici renvoie à la connaissance d'une situation,
c'est-à-dire la découverte par l'esprit d'une situation ou d'un
problème. C'est en ce sens que les expressions telles que prise de
conscience sont souvent utilisées. En parlant de conscience comme
connaissance de soi et du monde extérieur, Le Dictionnaire Axis
rebondit en disant que la conscience : « C'est la
connaissance intuitive, immédiate que l'être humain possède
de son existence, de ses facultés, de ses actes. 5(*)» De cette
définition, nous pouvons déduire finalement que les concepts, les
idées, les manifestations de la volonté sont des expressions les
plus élaborées de la conscience. A bien comprendre, l'ensemble de
pensées, d'émotions, de sentiments, d'images qui se
succèdent en nous et constituent notre vie mentale serait appeler
« Etat de conscience ».
Au regard de toutes ces différentes
définitions, nous pouvons finalement comprendre que la conscience
n'est pas une chose, une propriété, ou une fonction, mais
plutôt une faculté. La conscience serait donc l'organisation
dynamique et personnelle de la vie psychique, elle est cette modalité de
l'être psychique par quoi il s'institue comme sujet de sa connaissance
et auteur de son propre monde. La conscience est donc l'instance suprême
et transcendantale qui anime le sujet. La conscience, en tant qu'elle est
l'organisation même de l'être psychique constitue le lieu des
relations du sujet à son monde.
Avoir connaissance de soi, c'est
« être conscient d'être quelqu'un »,
et avoir connaissance du monde extérieur, c'est « avoir
conscience de quelque chose », tout ceci pour dire que la
conscience est la connaissance prospective que le sujet peut avoir de
lui-même et de son monde. De ce fait, dire d'un être qu'il sent,
qu'il perçoit, qu'il se souvient de quelque chose, qu'il prépare
une action, ou qu'il se sent ou se sait être quelqu'un qui dirige son
existence vers tel ou tel fin, c'est toujours et nécessairement dire
qu'il est conscient.
2- La conscience comme juge : la conscience morale
Dans son fort intérieur, l'homme
aperçoit l'existence d'une loi qu'il ne s'est pas donné
lui-même, mais à laquelle il est tenu d'obéir. Cette voix
qui ne cesse de le pousser d'affectionner et de réaliser le bien et de
déjouer le mal. La conscience morale est donc l'espace le plus profond
et le plus secret de l'homme, le sanctuaire où il est seul, où sa
voix interne se fait entendre. En clair, la conscience morale est un jugement
de la raison par lequel la personne humaine reconnait le caractère moral
d'une action concrète qu'elle va poser. En tout ce qu'il dit et fait,
l'homme est tenu de suivre scrupuleusement ce qu'il sait être juste et
droit. C'est par le verdict de sa conscience que l'homme distingue et reconnait
ce qui est bien ou mal. C'est dans cet enchainement d'idées que Rousseau
rédige :
« Conscience ! Conscience ! Instinct
divin, immortelle et céleste voix ; guide assuré d'un
être ignorant et borné, mais intelligent et libre ; juge
infaillible du bien et du mal, qui rends l'homme semblable à Dieu, c'est
toi qui fais l'excellence de sa nature et la moralité de ses
actions ; sans toi je ne sens rien en moi qui m'élève
au-dessus des bêtes, que le triste privilège de m'égarer
d'erreurs en erreurs à l'aide d'un entendement sans règle et
d'une raison sans principe.6(*) »
Au regard de cet texte, la conscience morale se
comprend comme étant un principe inné de justice et de vertu qui
nous permet de juger de nos actions comme bonnes ou mauvaises. Au-delà
de cela, celle-ci est aussi un guide naturel pour l'homme en matière de
morale, étant donné qu'elle est la preuve de la ressemblance de
l'homme à Dieu. La voix dont nous parle Rousseau est
exclusivement intérieure, privée, nonobstant son caractère
commun à tous les hommes. La conscience morale est donc universelle et
ne relève pas d'un principe acquis, mais d'un sentiment
congénital. Pour le philosophe français, la conscience fait donc
partie de l'essence de l'homme. L'homme responsable de ce fait, est un homme
conscient en quelque sorte. L'homme conscient, serait donc capable de prendre
de la distance par rapport à ce qui l'entoure, agir en connaissance de
cause, à la différence du règne animal. Voila pourquoi
sans la conscience, je ne sens rien en moi qui m'élève au
dessus des bêtes. Autrement dit, sans la conscience, l'homme aurait
un comportement identique à celui des bêtes. Cette conscience
morale, qui nous différencierait des bêtes, est également
perçue comme juge par Kant :
« Le sentiment d'un tribunal intérieur en
l'homme (devant lequel ses pensées s'accusent ou se disculpent l'une
l'autre) est la conscience. Tout homme a une conscience et se trouve
observé, menacé, de manière tenu au respect (respect
lié à la crainte) par un juge intérieur, et cette
puissance qui veille en lui sur les lois n'est pas quelque chose de
forgé (arbitrairement) par lui-même, mais elle est
inhérente à son être. Sa conscience le suit comme son ombre
lorsqu'il pense lui échapper. Il peut bien s'étourdir ou
s'endormir par des plaisirs ou des distractions, mais il ne saurait
éviter de revenir à lui ou de se réveiller de temps en
temps dès lors qu'il en perçoit la terrible. Il peut arriver
à l'homme de tomber dans l'extrême abjection ou il ne se soucie
plus de cette voix, mais il ne peut jamais éviter de l'entendre7(*) ».
Dès le début de cet extrait de texte,
Kant séduit ses lecteurs à travers une approche
définitionnelle de la conscience. Pour le philosophe allemand, la
conscience serait ce devoir de l'homme envers lui-même comme juge de
lui-même. En l'homme apparait donc la force d'une voix, celle de la
conscience, qui l'assujettit, le reproche. Cette conscience est présente
en tout homme, de ce fait, elle est universelle et également propre
à l'être humain. Pour Kant, cette conscience nous
détermine, car tout homme est inévitablement un être
conscient. Cela revient à dire que chacun de nous est doué de
conscience, voila pourquoi nous sommes tous égaux. A travers sa
conscience, l'homme se sent observé. En d'autres termes, rien
ne fuit à l'attention de notre conscience, étant donné que
nous connaissons que nous avons à répondre de ce que nous
réalisons ou de ce que nous avons réalisé. En
conséquence, nous portons en nous ce juge intérieur,
voilà pourquoi nous nous sentons menacé, tenu eu
respect. Lorsque nous éprouvons de telles sentiments, d'angoisse et
de subordination, c'est parce que nous sommes face à quelque chose qui
nous dépasse. Kant pense que ce qui définit la conscience, c'est
la manifestation d'une puissance. La conscience morale est une puissance
qui veille sur les lois. Les lois dont parle Kant ici, sont les lois
morales, les lois de la raison pratique, qui nous contraignent
intérieurement et nous ordonne d'agir d'une manière
universalisable. A bien voir, la raison pratique en fin de compte est synonyme
de conscience morale chez Kant. Voila pourquoi Kant estime que la conscience
morale est inhérente à l'homme, consubstantielle à son
essence. La conscience est inséparable de l'être humain. L'homme
ne peut s'en affranchir. Il peut essayer d'y échapper, de
l'éviter, mais la conscience est forcément existence à soi
et retour sur soi. Nous ne pouvons échapper à nous-mêmes,
cette voix nous appartient, elle est nous. Ainsi, nous ne pouvons pas ne pas
l'entendre. De façon claire distincte, nous nous accordons avec
Rousseau et Kant sur le fait que la conscience morale soit un juge intime, qui
accepte ou conteste nos intensions, d'ailleurs, Le Senne rappelle une
idée analogue lorsqu'il note :
« Ce qui constitue [...] essentiellement la
conscience morale, [...] c'est de promouvoir une intention ou refouler un
projet, c'est, implicitement ou explicitement, approuver ou reprouver.
L'approbation et la réprobation, voila donc l'essence bipolaire de la
conscience morale8(*).»
Pour le philosophe français, la conscience
morale aurait donc une essence double, celle de l'acquiescement et de la
désapprobation de nos actions. Elle est donc de ce point de vue,
comprise comme étant un juge, juge de nos actes et de nos
réalisations.
II-Enjeu de l'étude du concept de conscience en
philosophie
1-Comprendre la conscience, c'est comprendre l'Homme
« Mais, aussitôt après, je pris
garde que, pendant que je voulais ainsi penser que tout était faux, il
fallait nécessairement que moi, qui le pensais, fusse quelque chose. Et
remarquant que cette vérité : je pense, donc je
suis, était si ferme et si assurée que toutes les plus
extravagantes suppositions des sceptiques n'étaient pas capables de
l'ébranler, je jugeai que je pouvais la recevoir sans scrupule pour le
premier principe de la philosophie que je cherchais. 9(*)»
Dans cet aperçu de texte, Descartes
montre comment il aboutit au fondement ultime de la métaphysique,
c'est-à-dire, au premier principe de la
philosophie : « je pense, donc je
suis ». Pour Descartes, il ne suffit pas de douter de toutes
les opinions reçues, il ne suffit pas d'abattre « le logis
où on demeure » : encore faut-il le rebâtir
ensuite en s'appuyant sur des principes clairs et distincts, si clairs et si
distincts qu'ils ne soient contestables par personne.
De ce fait, le principe fondamental sur lequel
Descartes part pour construire sa métaphysique, c'est l'évidence
du Cogito. « Je pense, donc je suis », telle est
la certitude première de l'ordre de la métaphysique
cartésienne.
Ce que nous voulons montrer ici, c'est que le
« je pense, donc je suis » est la première
vérité ou la conscience s'apparait à elle-même comme
sujet, sujet libre et sujet existant. Descartes n'emploie certes pas le mot
conscience, mais plutôt celui de pensée. Mais, on peut pourtant
les identifier si l'on remarque que cette pensée est essentiellement
réflexive, comme l'indique son caractère intuitif. En effet, le
« donc » n'est pas ici un terme déductif. La
pensée n'est pas déduite du doute, et l'être n'est pas
déduit de la pensée. Il s'agit d'une intuition, d'une saisie
immédiate de l'esprit, d'une évidence ponctuelle. Au moment
où le sujet se saisit doutant, il se saisit pensant et étant.
C'est donc au vu du caractère intuitif du Cogito cartésien, que
nous nous sommes proposé de l'identifier à la conscience.
Le « je pense, donc je
suis » étant identifié à la conscience, ce
principe signifie donc que l'Homme est conscient et qu'il n'existe que parce
qu'il est conscient. Le « je pense, donc je suis »
pourrait naturellement aussi s'écrire, « je suis
conscient, donc j'existe ». L'essence de l'Homme est donc la
conscience. A bien comprendre, être Humain, c'est donc avoir conscience
de soi. De plus, pour être humain, il faut être conscient
d'être humain. De ce fait, pour comprendre l'Homme, il faudrait
comprendre la conscience, d'où l'enjeu de l'étude du concept de
conscience en philosophie, car à travers l'étude du concept de
conscience, nous comprenons en même temps ce qu'est l'Homme. La question
« qu'est ce que la conscience ? » serait donc
une question philosophico-anthropologique ; philosophique parce qu'il
s'agit de questionner la conscience en tant que concept, et anthropologique,
parce qu'il s'agit de questionner la conscience en tant qu'elle renvoie
à l'Homme.
Tout ceci pour finalement dire que, la conscience n'est
pas seulement de l'ordre de l'abstraction, mais qu'elle peut aussi être
appréhendée dans l'ordre du réel, de l'existant, car la
conscience renvoie à l'Homme : d'où l'enjeu de son
étude en philosophie.
Mais, si la conscience renvoie à l'Homme, et
que l'enjeu de son étude en philosophie se situerait en cela, reste
à savoir, en quoi l'étude et compréhension de l'Homme
serait centrale en philosophie.
2-La question de l'Homme est au centre de la philosophie
Dans sa Logique, Kant circonscrit le domaine de
la philosophie à partir de quatre questions.
1- Que puis-je savoir?
2- Que dois-je faire?
3- Que m'est-il permis d'espérer?
4- Qu'est-ce que l'homme?
« A la première, poursuit Kant,
répond la métaphysique, à la seconde la morale, à
la troisième la religion, à la quatrième l'anthropologie.
Mais, au fond, on pourrait tout ramener à l'anthropologie, puisque les
trois premières questions se rapportent à la
dernière.10(*) »
Se demander ce qu'est l'homme, c'est tout à la
fois s'enquérir de ce qu'il peut savoir, doit faire, peut
espérer, mais aussi de ce vers quoi il tend, de ce dont il a besoin,
etc. On saisit alors que « qu'est-ce que
l'homme ? », c'est une question englobante dont toute autre
qui viserait quelque aspect de l'homme ne serait qu'un démembrement. Et,
si cette interrogation contient les autres, elle ne peut plus renvoyer à
une subdivision de la philosophie; elle traduit bien plutôt le tout, la
philosophie elle-même.
Ainsi, cette citation permet de retrouver les grandes
composantes classiques de la philosophie en même temps qu'ils insistent
sur le privilège donné à l'homme en philosophie.
Gaétan Saint-Pierre semble donc avoir raison lorsqu'il
écrit : « Qu'en est-il de
l'homme?» Il n'est pas de problèmes philosophiques hors
celui-là. Les autres en découlent et y trouvent leur
solution.11(*)».
Nous comprenons très bien ici que l'Homme est au centre de toute la
philosophie, et que toutes les autres questions philosophiques trouvent
inévitablement leurs réponses en celle de l'Homme.
III- Critiques du concept de conscience
Semblablement à ce que nous avons vu
antérieurement, le cogito de Descartes « Je pense donc je
suis » est l'affirmation que je suis en toute certitude une
chose qui cogite, un sujet doué de conscience. La conscience serait
alors, en ce sens, une faculté que possède notre esprit de saisir
ce qui se passe en nous ou hors nous. La conscience serait le paroxysme de
l'activité psychologique. D'ailleurs, la conscience psychologique peut
se prolonger en une conscience morale qui, selon Rousseau, permet à
l'homme de se rendre « semblable à
Dieu ».
Or, la conscience, même lorsqu'elle se
fait réflexive, n'a pas que des vertus. C'est ainsi
qu'indépendamment de son intermittence, on observe parfois son
caractère accessoire, voire perturbateur, quand elle s'interpose dans le
déroulement d'une action habituelle. Il est alors permis de penser
qu'elle n'est peut être pas nécessaire à l'action, qu'elle
s'oppose même à la vie dont elle n'éclairerait que les
aspects superficiels.
1-Nietzsche : de la superficialité de la
conscience
Nietzsche va être amené à
contester la philosophie traditionnelle de la conscience qui stipulait que la
conscience serait l'apanage exclusif de l'homme. La tradition philosophique
pensant l'homme, définissait la conscience comme l'aptitude de savoir
ce qui se passe en nous et autour de nous. De ce fait, elle institue la
conscience, comme l'aspect la plus élevée de l'activité
mentale. Nonobstant, Nietzsche paraît ne pas être de cet avis,
c'est d'ailleurs en ce sens qu'il écrit :
« La pensée qui devient consciente ne
représente que la partie la plus médiocre, disons la plus
superficielle, la plus mauvaise, de tout ce qu'il pense : car il n'y a
que cette pensée qui s'exprime en paroles, c'est-à-dire en signes
d'échanges, ce qui révèle l'origine même de la
conscience.12(*)»
Nietzsche considère la conscience comme la
partie « la plus médiocre, disons la plus superficielle,
la plus mauvaise de tout ce qu'il pense ». La conscience n'est
donc pas toute l'activité humaine, seule une partie superficielle nous
apparait. De plus elle est « la plus
mauvaise » car elle est la plus lacunaire, elle est
imparfaite. La conscience n'est donc pas toute la vie psychique, car elle ne
correspond qu'à cette partie de l'activité psychique qui se
développe dans la vie en société.
Nietzsche fait la critique de la philosophie
classique de la conscience. Dans la philosophie classique il s'agit d'une
conscience réflexive, c'est-à-dire que c'est le retour de
l'esprit sur ses propres contenus afin d'organiser et trier les données
qui s'y trouvent. Ce retour de l'esprit est ce qui définit la
réflexivité de la conscience. L'être humain est un
être conscient et un être dont l'esprit réfléchit et
se réfléchit. C'est d'ailleurs ce que Descartes va expliquer dans
son cogito. Descartes explique que la conscience est une introspection de nous
même. Il s'agit de l'effet d'une résolution, c'est la
résolution de douter selon un cheminement méthodique. Ainsi
l'être humain parvient à une connaissance de soi même et de
sa nature d'être pensant. C'est une conscience qui, loin d'être
naturelle, est accessible par une méditation
« métaphysique ». Le cogito de Descartes
est tout simplement l'affirmation que je suis une chose qui pense. Quoi que je
pense, je ne peux pas nier que je pense. L'homme doute et douter c'est penser.
Au moment où l'on doute je pense et donc si je doute je suis. Je peux
douter de tout mais je ne peux pas douter de l'acte de douter. Or, Nietzsche
montre dans ce texte que la conscience n'est pas l'expression d'une substance
pensante, c'est la partie la plus superficielle, la plus légère,
il ne s'agit pas de toute vie psychique en tant qu'acte même de la
pensée. Elle est intimement liée au corps de l'homme ainsi qu'au
langage, la conscience n'est que la partie médiocre en nous qui est
intelligible afin de pouvoir vivre en société. Nietzsche fait
donc une critique de la conscience.
2-Marx : la conscience comme produit social
Pour davantage saisir les hommes, il faut comprendre
où ils vivent et où s'expriment leurs idées. Nous
remarquons que les hommes sont dans une société capitaliste et
que leurs idées se manifestent dans cette société et leur
parviennent d'elle. En conséquence, c'est notre être social qui
détermine notre conscience. C'est ce que pense Marx, puisqu'il affirme
dans l'une de ses préfaces :
« L'ensemble de ces rapports (rapports entre les
hommes) forme la structure économique de la société, la
fondation réelle sur laquelle s'élève un édifice
juridique et politique, et à quoi répondent des formes
déterminées de la conscience sociale. Le mode de production de la
vie matérielle domine en général le développement
de la vie sociale, politique et intellectuelle. Ce n'est pas donc la
conscience des hommes qui détermine leur existence, c'est au contraire
leur existence sociale qui détermine leur conscience.13(*) »
Marx est donc l'un des penseurs à
avoir sérieusement mis en doute le statut central de la conscience chez
l'homme. Pour Marx, c'est la société qui fabrique et
détermine jusqu'à notre propre conscience personnelle, et c'est
l'économie, les forces productives matérielles qui sont à
l'origine des idées. On avait cru jusqu'à présent que la
conscience, en tant qu'individuelle, était notre
propriété, a l'abri de toutes les influences extérieures.
Or, non seulement notre conscience est déterminée par notre
existence sociale, mais encore, elle est le reflet de la classe sociale
à laquelle on appartient. C'est ainsi qu'un « être »
prolétarien pense en prolétaire, et un « être »
bourgeois pense en bourgeois. Engels ne pense pas le contraire lorsqu'il
reprend l'affirmation de Feuerbach suivante: « On pense
autrement dans un palais que dans une chaumière.14(*) »
3-Freud et l'émergence de l'inconscient
Le terme inconscient est
étymologiquement composé de « In »
et « Conscient ». Etant un préfixe
privatif, « In » renvoie à ce qui est
opposé au radical « conscient ».
Composé lui-même de « con » comme
préfixe signifiant « avec », le mot
conscient est aussi formé d'un suffixe
« scientia » qui veut dire
« savoir ».
Dans une approche générale,
l'inconscient est éventuellement compris comme étant un ensemble
de représentations repoussées par le moi, parce qu'elles
sont antinomiques aux valeurs morales. Le terme d'inconscient sous la lueur de
la pensée freudienne indique les processus psychiques
spécifiques, qualitativement différents des processus conscients.
Cela revient à dire qu'il n'y a pas prolongement, mais plutôt une
cassure fondamentale avec la conscience. Cependant, la découverte de
l'inconscient conduit à une sérieuse restructuration de
l'idée du sujet. Dorénavant, il serait impossible d'identifier le
sujet à la conscience semblablement fait dans les habitudes
philosophiques depuis Descartes. La psyché de l'homme ne peut davantage
se réduire, ainsi le pensait Descartes, à une conscience de soi
absolument claire à elle-même. Le sujet est à partir de
là composé à la fois d'une conscience et d'un inconscient,
tout en soulignant bien que l'inconscient contient beaucoup plus de
représentations que la conscience. C'est d'ailleurs ce que souligne
Freud lui-même en ces termes :
« Tu crois savoir tout ce qui se passe dans ton
âme [...] parce que ta conscience te l'apprendrait alors. Et quand tu
restes sans nouvelles d'une chose qui est dans ton âme, tu admets, avec
une parfaite assurance, que cela ne s'y trouve pas. Tu vas même
jusqu'à tenir `'psychique'' pour identique à `'conscient'',
c'est-à-dire connu de toi, et cela malgré les preuves les plus
évidentes qu'il doit sans cesse se passer dans ta vie psychique bien
plus de choses qu'il ne peut s'en révéler à ta conscience.
[...] les processus psychiques sont eux-mêmes inconscients, et ne
deviennent accessibles et subordonnés au moi que par une perception
incomplète et incertaine, équivalent à affirmer que
le moi n'est pas maitre dans sa propre maison.15(*) »
Il est évident qu'avec Freud, on ne peut plus
faire de la conscience le fondement de la certitude comme le faisait Descartes.
Avec Freud, la conscience (moi) ne connaît nullement la
majorité du temps ce qui se passe dans son
psychisme (maison). Il faut en conséquence penser que le
médecin et psychiatre s'oppose à l'idée d'une
unité du sujet. Le sujet est à l'avenir précisément
divisé entre sa conscience et son inconscient. Le sujet de ce fait n'est
plus libre et maitre de lui-même. Il est beaucoup plus définit par
ses pulsions que par sa conscience désormais. A partir de Freud, la
notion du sujet n'apparait plus que comme une erreur ou un égarement.
Cette originale manière de concevoir le sujet lui provoquera
suffisamment de critiques, malgré cela, le fondateur de la psychanalyse
reste confiant, étant donné que son hypothèse de
l'inconscient garde un gain de sens, aussi bien qu'il affirme :
« On nous conteste de tous côtés le
droit d'admettre un psychisme inconscient et de travailler scientifiquement
avec cette hypothèse. Nous pouvons répondre à cela que
l'hypothèse de l'inconscient est nécessaire et légitime,
et que nous possédons de multiples preuves de l'existence de
l'inconscient. Elle est nécessaire parce que les données de la
conscience sont extrêmement lacunaires ; aussi bien chez l'homme
sain que chez le malade, il se produit fréquemment des actes psychiques
qui, pour être expliqués, présupposent d'autres actes qui,
eux, ne bénéficient pas du témoignage de la
conscience.16(*) »
Au regard de tout ce qui vient d'être
analysé, le conscient revoie a ce que chacun de nous voit clairement
dans sa conscience. Néanmoins, suivant Freud, cette conscience
paraît ne pas détenir entièrement le pouvoir sous son toit,
c'est ainsi qu'il prône l'hypothèse d'un inconscient qui jouirait
d'une supériorité sur la conscience. Selon Freud, l'inconscient
est cette couche dissimulée du psychisme où le clair regard de la
conscience ne peut pénétrer, il s'agit en clair de la profondeur
de ce qui n'est pas conscient.
PARTIE II
LE CONCEPT DE CONSCIENCE SELON LES DIFFERENTS COURANTS DE
PENSEES PHILOSOPHIQUES
I-Approche empiriste du concept de conscience
L'abandon des grands systèmes comme ceux
édités par Malebranche, Leibniz ou Spinoza, au siècle
précédent, marque le début du XVIIIe siècle. Ces
grandes métaphysiques traditionnelles, sous l'inspiration de Descartes
se sont développées suivant les perspectives du rationalisme.
Suivant le rationalisme, toute connaissance certaine découle de la
raison. Cependant, sous la double influence de Locke et de Hume, émerge
un courant de pensée s'opposant au rationalisme : l'empirisme.
Cette nouvelle doctrine de la connaissance prend son point de départ
dans les critiques adressées par Locke à la doctrine
cartésienne des idées innées. En clair, l'empirisme part
de l'hypothèse que toute connaissance tire son origine des sens. Cette
hypothèse est très ancienne, puisqu'on la trouve
déjà, formulée de manière différente dans la
philosophie ancienne, en particulier chez Aristote à travers la maxime
rien n'est dans l'esprit qui ne fût d'abord dans les sens.
Toutefois, dans notre travail, nous allons précisément voir
comme ces empiristes formulent l'idée qu'ils ont de la conscience. En
clair, qu'est ce que la conscience selon les empiristes ?
1-Approche lockéenne du concept de conscience
La conception lockéenne de la conscience,
traduit non seulement l'appartenance de Locke à la doctrine empiriste de
la connaissance, mais aussi son désaveu à l'égard de la
métaphysique cartésienne. Suivant Locke, la pensée
cartésienne se révèle problématique, puisqu'elle
opère une réduction de la pensée à la conscience,
ce qui conséquemment fait de la conscience une entité
immatérielle : une substance. La philosophie empiriste de Locke a
ceci d'originale qu'elle remet en cause cette manière de saisir la
conscience. Selon Locke, il faut disjoindre la conscience et la substance. La
procédure lockéenne consiste donc à
dé-substantialiser la conscience. Ainsi, il écrit :
« Après ces préliminaires [...],
il nous faut considérer ce que représente la personne ;
c'est, je pense, un être pensant et intelligent, doué de raison et
de réflexion, et qui peut se considérer soi-même comme
soi-même, une même chose pensante en différents temps et
lieux. Ce qui provient uniquement de cette conscience qui est
inséparable de la pensée, et lui est essentielle à ce
qu'il me semble : car il est impossible à quelqu'un de percevoir
sans percevoir aussi qu'il perçoit. Quand nous votons, entendons,
sentons par l'odorat ou le toucher, éprouvons, méditons ou
voulons quelque chose, nous savons que nous le faisons. Il en va toujours ainsi
de nos sensations et de nos perceptions présentes : ce par quoi
chacun est pour lui-même précisément ce qu'il appelle soi,
laissant pour l'instant de coté la question de savoir si le même
soi continue d'exister dans la même substance ou dans plusieurs. Car la
conscience accompagne toujours la pensée, elle est ce qui fait que
chacun est ce qu'il appelle soi et qu'il se distingue de toutes les autres
choses pensantes. [...] aussi loin que peut remonter la conscience dans ses
pensées et ses actes passées, aussi loin s'étant
l'identité personnelle.17(*) »
A partir de ce texte, nous saisissons principalement
que la définition de la conscience chez Locke résulte de celle de
la personne (sujet). En d'autres mots, c'est la conscience qui fait le
sujet chez Locke. Le sujet ne peut être sujet que s'il se
perçoit ainsi. Toutefois, il ne peut se percevoir
comme tel, que par le biais d'une perception intérieure personnelle, qui
lui permet de s'appréhender lui-même : cette perception est
la conscience. Parce que le sujet est `'un être pensant et
intelligent, doué de raison et de réflexion'', de ce fait,
la conscience en conséquence a un rapport étroit avec la
pensée. C'est donc à juste titre que Locke écrit `'ce
qui provient uniquement de cette conscience qui est inséparable de la
pensée, et lui est essentielle à ce qu'il me semble.'' Quand
Descartes assimile la conscience à la pensée, Locke en revanche,
les distingue. Il les différencie certes, mais ne les sépare pas,
car ils sont inséparables. Suivant Locke, la conscience est la
perception intérieure par laquelle qui que ce soit se perçoit
comme soi, étant donné qu'il est utopique pour le sujet
de `'percevoir sans percevoir aussi qu'il perçoit.'' Avec
Locke, le concept de conscience n'a plus le même statut que celui qu'il
avait avec Descartes. Loin d'être une substance, la conscience
désigne dorénavant la perception que le sujet a de
lui-même, et qui lui permet de se concevoir comme tel. Cependant,
lorsqu'on aborde les dernières lignes du texte, on se rend bien compte
que la conscience n'est pas exclusivement la sensation intérieure qui
accompagne chaque perception, elle est aussi une mémoire, puisque Locke
dit aussi loin que peut remonter la conscience dans ses pensées et
ses actes passés, aussi loin s'étant l'identité
personnelle. Somme toute, la conscience n'est plus une substance avec
Locke, parce que n'étant plus assimilée à la
pensée, elle indique à l'avenir cette perception
intérieure par laquelle le sujet se perçoit comme un
soi. En termes clairs, la conscience chez Locke est la perception de
ce qui se passe dans l'esprit propre d'un homme.
2-Perspective humienne de la conscience
Il est essentiel, pour la suite de notre analyse, de
savoir au préalable que la conscience s'entend sous plusieurs
déclinaisons lexicales ; l'Entendement, l'Ego,
le Je, le Sujet, l'Esprit ou encore le Moi.
C'est d'ailleurs les deux dernières déclinaisons qui vont nous
intéresser, puisque Hume appréhende la conscience sous ces
appellations.
« Pour ma part, quand j'entre le plus
intimement dans ce que j'appelle moi-même, je bute toujours sur quelque
perception particulière [...] Je ne peux jamais, à aucun moment,
me saisir moi-même sans une perception, et jamais je ne puis observer
autre chose que la perception. Quand mes perceptions sont supprimées
pour un temps, comme par un sommeil profond, aussi longtemps que je suis sans
conscience de moi-même, on peut vraiment dire que je n'existe pas. Et si
toutes mes perceptions étaient supprimées par la mort [...], je
serais entièrement annihilé, et je ne conçois pas ce qu'il
faudrait de plus pour faire de moi une parfaite non-entité. [...] Je
peux m'aventurer à affirmer du reste des hommes qu'ils ne sont rien
qu'un ensemble, une collection de différentes perceptions qui se
succèdent les unes aux autres avec une inconcevable rapidité et
qui sont dans un flux et un mouvement perpétuels. [...]. L'esprit est
une sorte de théâtre où différentes perceptions font
successivement leur apparition, passent, repassent, glissent et se mêlent
en une infinie variété de positions et de situations. Il n'y a en
lui proprement ni simplicité en un moment, ni identité en
différents moments, [...] Ce sont seulement les perceptions successives
qui constituent l'esprit18(*) »
Dans cet extrait de texte, Hume emploie les termes
tels que moi-même, ou encore esprit pour designer la
notion de conscience. Toutefois, qu'est ce que l'Esprit ou le
Moi suivant Hume ? Suivant le philosophe anglais, lorsqu'on tente
de percevoir le Moi, lorsqu'on essaie d'en avoir conscience, on est
préalablement en présence de nombreuses perceptions. On ne se
perçoit jamais comme un sujet seul, détaché du monde, on
se perçoit toujours comme un sujet dans le monde, c'est-à-dire
comme un sujet qui a des impressions et des idées. On ne peut donc pas
percevoir le Moi sans avoir au même moment des idées ou
des `'impressions successives'' qui portent sur autre chose que le
Moi. D'ailleurs, dès qu'on cesse d'avoir des perceptions, comme
lorsqu'on dort, on perd la conscience du Moi. Les `'perceptions
successives'' d'un homme changent constamment, elles se succèdent
les unes aux autres à tout instant. Il n'existe pas d'impression ou
d'idée qui soit éternelle, immuable, invariable, qui ne soit
jamais remplacée par une autre. Selon le moment, le Moi est
perçu à travers l'une ou l'autre impression, l'une ou l'autre
idée, et il n'est pas lié, ce faisant, à une seule d'entre
elles. Il n'y a donc pas d'idée ou d'impression fixe du Moi.
Davantage le Moi, par conséquent, n'est pas seulement quelque
chose de changeant ; c'est également quelque chose qui peut être
fragmenté. Le Moi ou l'Esprit peut, fondamentalement,
être considéré comme un amas de perceptions distinguables
liées les unes aux autres. En d'autres termes, le Moi n'est
qu'un faisceau de perceptions, étant donné que, suivant Hume,
`'ce sont seulement les perceptions successives qui constituent
l'esprit''.
II-Approche existentialiste du concept de conscience
1-Sartre : la conscience comme
Être-pour-soi
Suivant son ouvrage, l'Être et le
Néant, Sartre procède à une interrogation
phénoménologique de l'être, examen qui abouti à la
distinction d'un couple de modalités de l'être :
«''L'être de la conscience,
écrivons-nous dans l'Introduction, est un être pour lequel il est
dans son être, question de son être'' .Cela signifie que
l'être de la conscience ne coïncide pas avec lui-même dans une
adéquation plénière. Cette adéquation, qui est
celle de l'en-soi, s'exprime par cette simple formule : l'être est ce
qu'il est. Il n'est pas, dans l'en-soi, une parcelle d'être qui ne soit
à elle-même sans distance. Il n'y a pas dans l'être ainsi
conçu la plus petite ébauche de dualité. [...] La
caractéristique de la conscience, au contraire, c'est qu'elle est une
décompression d'être. Il est impossible en effet de la
définir comme coïncidence avec soi [...] La loi d'être du
pour-soi, comme fondement ontologique, c'est d'être lui-même sous
la forme de présence à soi. [...] En effet toute `'
présence à `' implique la dualité, donc séparation
au moins virtuelle. La présence de l'être à soi implique un
décollement de l'être par rapport à soi. [...] la
présence à soi suppose qu'une fissure impalpable s'est
glissée dans l'être. S'il est présent à soi, c'est
qu'il n'est pas tout à fait soit. La présence est une
dégradation immédiate de la coïncidence, car elle suppose la
séparation. [...] Le pour-soi est l'être qui se détermine
lui-même à exister en tant qu'il ne peut pas coïncider avec
lui-même. [...] L'être de la conscience, en tant que conscience,
c'est d'exister à distance de soi comme présence à
soi 19(*)»
En clair, Sartre spécifie dans ce texte deux
modes d'être, à savoir : l'être-en-soi et
l'être-pour-soi. L'être-en-soi,
caractéristique de l'opacité des choses, incapable de distance
avec soi-même, désigne l'être du phénomène. A
l'inverse, l'être-pour-soi, capable de se rapporter à
lui-même, renvoie à l'être de la conscience. La
première approche, celle de l'être du phénomène
nous enseigne que l'être est en-soi. Autrement dit, il n'a aucun
rapport avec soi, ni avec ce qui l'entoure, il est simplement ce qu'il est et
il ne peut être rien d'autre que soi. La particularité
fondamentale de l'en-soi, c'est donc sa positivité :
l'en-soi est tout ce qu'il est, il ne peut même pas devenir
autre chose que soi. L'être-en-soi est donc totalement
contingent : il ne se fonde sur rien et ne se déduit de rien, mais
il est. L'en-soi se donne clairement et totalement dans sa
phénoménalité.
A contrario, le pour-soi est le mode
d'être de la conscience. Alors que l'en-soi s'explique par le
fait d'être ce qu'il est, la particularité foncière de la
conscience est au contraire d'être ce qu'elle n'est pas ou de
n'être pas ce qu'elle est. Ce qui définit en effet ontologiquement
la conscience chez Sartre, c'est le rapport à
soi : « l'être de la conscience [...] est un
être pour lequel il est, dans son être, question de son
être.» La conscience chez Sartre est de ce fait
relation à soi ou encore conscience de soi, c'est ce que veut dire
être-pour-soi. Nonobstant, ce rapport de la conscience à
soi suppose que celle-ci soit capable de prendre une certaine distance avec
soi. Elle n'est donc soi qu'à condition de pouvoir se distinguer de soi,
de n'être pas soi. En conséquence, ce qui définissait
l'en-soi étant la coïncidence avec soi, ce qui
définit le pour-soi, c'est la disjonction d'avec soi. Cette
séparation désigne l'apparition du néant au sein
même de l'être. Le pour-soi est ainsi un trou
d'être au milieu de l'en-soi. Cette définition de la
conscience comme pour pour-soi permet donc à Sartre de mener
une véritable approche ontologique de la conscience, irréductible
à une simple approche psychologique.
2-Merleau-Ponty : la conscience comme
Être-au-monde
Afin de mettre en lumière sa définition
de la conscience, Merleau-Ponty distingue d'abord deux types de
conscience : la conscience naïve et la conscience transcendantale.
Suivant Merleau-Ponty, la conscience naïve est
réaliste, et son réalisme est empirique. La conscience naïve
c'est la conscience perceptive (la perception comprise comme étant le
contacte naïf avec le monde). La conscience naïve est
particulièrement une conscience du monde : « la
conscience du monde n'est pas fondée sur la conscience de soi, mais
elles sont rigoureusement contemporaines : il y a pour moi un monde parce
que je ne m'ignore pas ; je suis non dissimulé à
moi-même parce que j'ai un monde20(*) ». Avec Merleau-Ponty, la conscience
naïve est spontanée, immédiate, c'est la conscience
perceptive ou conscience du monde. La conscience naïve expose notre
accès au monde, parce que nous sommes condamnés à nous
ouvrir au monde au même titre que Sartre parle de l'homme condamné
à être libre. Cette ouverture au monde se réalise
à travers la perception, d'où l'idée d'une conscience
perceptive. Avec la conscience naïve, le sujet percevant vit dans un
univers de sensations et de perceptions. Le sujet percevant est dans une
relation directe avec le monde, parce qu'il n'y pas d'intermédiaire
entre le sujet percevant et le monde perçu. La conscience naïve est
de ce fait conscience du monde vécu. Cette conscience du monde
vécu est au préalable une conscience empirique de mon corps,
étant donné qu'on ne peut percevoir que grâce à
notre corps. Quand avec Husserl, toute conscience est conscience de quelque
chose, avec la conscience naïve de Merleau-Ponty, on dira
plutôt que toute conscience est conscience perceptive.
Toutefois, suivant Merleau-Ponty, la conscience
transcendantale est plutôt la source radicale de significations
d'intelligibilité : « la conscience transcendantale
est le foyer où tous les objets dont l'homme puisse parler et tous les
actes mentaux qui les visent empruntent une clarté indubitable21(*) ». Selon
Merleau-Ponty, la conscience transcendantale est ce sans quoi les mots tel que
réflexion ou penser n'auraient aucun sens. La conscience transcendantale
est donc le point de départ de toute réflexion
philosophique : « l'idée d'une philosophie
transcendantale, c'est-à-dire, celle d'une conscience constituant
l'univers devant elle et saisissant les objets même dans
l'expérience externe indubitable, nous parait une acquisition
définitive comme première phase de la réflexion22(*).» Seulement,
pour le philosophe français, avec la conscience transcendantale, le
sujet transcendant reste finalement relié au monde, inséparable
de celui-ci, même si cette fois-ci ce rapport au monde reste
transcendant : « Le monde est inséparable du sujet,
mais d'un sujet qui n'est rien que projet du monde, et le sujet est
inséparable du monde, mais d'un monde qu'il projette lui-même. Le
sujet est être-au-monde et le monde reste `'subjectif'' puisque sa
texture et ses articulations sont dessinées par le mouvement de
transcendance du sujet23(*).»
Ceci nous conduit donc à une certaine
synthèse entre la conscience naïve et la conscience
transcendantale.
La conscience naïve et celle transcendantale
expriment donc la même composition, mais à des degrés
divers de perception. L'un n'exclut pas l'autre, il y a plutôt un
entrelacement entre les deux. La conscience transcendantale suppose
inlassablement l'existence de la conscience naïve. Le sujet se situant
dans l'attitude transcendantale, n'oublie jamais qu'il est un sujet ayant un
corps qui se situe dans le monde : « La réflexion ne
peut jamais faire que je cesse de percevoir le soleil à deux cents pas
un jour de brune, de voir le soleil `'se lever'' et `'se coucher'', de penser
avec les instruments culturels que m'ont préparés mon
éducation, mes efforts précédents, mon histoire. Je ne
rejoins donc jamais effectivement, je n'éveille jamais dans le
même temps toutes les pensées originaires qui contribuent à
ma perception ou à ma conviction présente.24(*)»
Résultat, quelle soit naïve ou
transcendantale, la conscience chez Merleau-Ponty reste éternellement
inséparable du monde, et le monde indissociable de cette
dernière, c'est en conséquence une conscience comme
Être-au-monde.
III-Approche métaphysique du concept de
conscience
1-Kant : la conscience comme unification des
représentations
« En résumé, l'affaire
des sens, c'est l'intuition ; celle de l'entendement, c'est de penser. Or
penser, c'est unifier des représentations en une conscience. [...].
L'unification des représentations en une conscience, c'est le jugement.
Donc penser équivaut à juger ou à rapporter des
représentations à des jugements en général.
[...]Les moments logiques de tous les jugements sont autant de manières
possibles d'unifier les représentations en une conscience. Mais si ces
mêmes moments servent de concepts, ce sont des concepts de l'unification
nécessaire de ces représentations en une conscience, par
conséquent les principes de jugements valables objectivement. Cette
unification en une conscience est ou bien analytique, par l'identité, ou
bien synthétique par la composition ou l'addition de
représentations distinctes les unes avec les autres. L'expérience
consiste dans la connexion synthétique des phénomènes
(perceptions) en une conscience, en tant que cette connexion est
nécessaire.25(*)»
Suivant Kant dans ce texte, l'identité de la
conscience n'advient que par l'unification de toutes les
représentations que nous avons du monde. C'est-à-dire que la
conscience est le rassemblement de toutes nos représentations.
L'association de toutes nos représentations est la conscience, et elle
ne se tient nulle part ailleurs que dans l'acte d'intégration de nos
représentations. Le travail d'unification des représentations est
en quelque sorte le processus de formation de l'être de la conscience.
Sans cette fusion des représentations, il n'y a pas de conscience.
Mieux, sans la conscience, il n'y a pas de faculté de `'penser'' chez le
sujet, car penser, c'est unifier des représentations en une
conscience nous dit Kant. Suivant le philosophe allemand, la
faculté de penser ne peut s'obtenir que par l'assimilation de nos
représentations en une conscience. De ce fait, la conscience chez Kant
peut être assimilée à l'entendement, puisque le rôle
de l'entendement, c'est de penser.
Toutefois, seule l'activité unifiante des
représentations que nous avons du monde est la condition de
possibilité de la conscience chez Kant.
Seulement, cette conscience, synonyme d'entendement
ou faculté de penser, Kant la nomme le
« Je » dans Anthropologie du point de vue
pragmatique et pense que ce « Je » est ce qui place
l'homme au-dessus des autres créatures :
« Posséder le Je dans sa représentation : ce
pouvoir élève l'homme infiniment au dessus de tous les autres
êtres vivants sur terre. Par là, il est une personne ; et
grâce à l'unité de la conscience dans tous les changements
qui peuvent lui survenir, il est une seule et même personne,
c'est-à-dire, un être entièrement différent [...].
Car cette faculté (de penser) est l'entendement.26(*)» Le pouvoir dont
parle Kant indique en effet la disposition qu'à l'homme de penser, en
conséquence d'être conscient. Le
« je » renvoie de ce fait à cette
capacité de penser qui est l'entendement. Cette
capacité de penser est synonyme de la conscience comme
unification des représentations que nous avons du monde. En clair, c'est
donc la conscience qui installe l'être humain considérablement
au-dessus de toutes les autres créatures vivantes sur la planète
terre.
S'agissant de la conception métaphysique du concept de
conscience, nous allons essentiellement nous focaliser sur la lecture
cartésienne de la conscience. De ce fait, nous allons principalement
rechercher cette conception de la conscience chez Descartes dans l'un de ses
ouvrages les plus célèbres, à savoir : Discours
de la méthode. Dans celui-ci il écrit :
« Mais, aussitôt après, je pris
garde que, pendant que je voulais ainsi penser que tout était
faux, il fallait nécessairement que moi, qui le
pensais, fusse quelque chose. Et remarquant que cette
vérité : je pense, donc je suis,
était si ferme et si assurée que toutes les plus extravagantes
suppositions des sceptiques n'étaient pas capables de l'ébranler,
je jugeai que je pouvais la recevoir sans scrupule pour le premier principe de
la philosophie que je cherchais.(...) Je connus de là que
j'étais une substance dont toute l'essence ou
la nature n'est que de penser, et qui, pour être, n'a besoin d'aucun
lieu, ni ne dépend d'aucune chose matérielle. En sorte
que ce moi, c'est-à-dire l'âme, par laquelle je suis ce que je
suis, est entièrement distincte du corps, et même qu'elle est plus
aisée à connaitre que lui, et qu'encore qu'il ne fut point, elle
ne laisserait pas d'être tout ce qu'elle est. »
Descartes exprime ici sa conception de la conscience
à travers son célèbre « je pense, donc je
suis ». Cette formule sous entend que l'homme reste un sujet
conscient, et que c'est à travers sa conscience qu'il saisi
intuitivement son existence. Saisie intuitive en ce sens qu'elle est
immédiate, sans intermédiaire. La conscience chez Descartes
renvoie donc à son cogito. Mais, en quoi cette dernière est-elle
métaphysique ?
Descartes à la suite de la saisie intuitive,
immédiate de son existence via son cogito, va finalement montrer que ce
cogito est une substance, et c'est à ce instant qu'il met en
lumière le coté métaphysique de sa conception de la
conscience. La conscience est donc métaphysique chez Descartes en ce
sens qu'elle est substantielle, c'est-à-dire que la conscience est une
chose qui existe de telle manière qu'elle n'a besoin que
d'elle-même pour exister. En clair, c'est la substantialisation de la
conscience qui fait de cette dernière soit une conscience
métaphysique chez Descartes.
PARTIE III
APPROCHE PHENOMENOLOGIQUE DU CONCEPT DE
CONSCIENCE
I-Qu'est ce que la phénoménologie ?
La phénoménologie vient
étymologiquement du grec « phainomenon »
désignant « se qui apparait » et de
« logos », c'est-à-dire
« étude ». En clair, elle signifie
l'étude des phénomènes.
1-Phénoménologie comme science
Edmund Husserl (1859-1938), philosophe allemand,
considéré comme le père fondateur de la
phénoménologie, a consacré toute sa vie à fonder
une nouvelle philosophie, ou plutôt de fonder la philosophie comme
science, et c'est cette philosophie qu'il appellera en fin de compte
« phénoménologie ». En clair, la
phénoménologie est donc une science en ce sens que l'ambition de
Husserl était de constituer une philosophie qui soit une science,
précisément en la fondant sur des principes absolument
indubitables. C'est à juste titre que Husserl le pense, puisque la
philosophie à toujours depuis ses origines prétendu être
une science. Mais, malheureusement elle n'a jamais pu satisfaire cette
prétention. La preuve en est, aujourd'hui cette dernière s'est
éparpillée en plusieurs points de vue distincts les uns des
autres. Or, l'idéal de la science, c'est la possession de
vérités absolues. En clair, la science veut des
vérités valables une fois pour toutes et pour tous. En
d'autres termes, la science exige des vérités absolument
indubitables, c'est-à-dire, des vérités qui excluent tout
doute concevable. Mais, si la phénoménologie se veut être
une science, et atteindre les vérités indubitables, elle doit
donc respecter les exigences de la scientificité d'une science
classique. En termes clairs, elle doit avoir une problématique, un objet
d'étude et la méthode à travers laquelle on doit
étudier cet objet.
Concernant la problématique, la
phénoménologie tente de répondre à ces
différentes questions, à savoir : comment se fait-il que
nous puissions, en général, être certains ? Comment la
vérité nous est-elle donnée ? Quelle relation il y
a-t-il entre la conscience et le monde ?
La phénoménologie a pour objet le
phénomène. C'est d'ailleurs en ce sens qu'on voulant fonder
la philosophie comme science, Husserl choisit, pour designer sa philosophie, le
terme de phénoménologie. C'est donc à juste
titre que Husserl écrit dès les premières lignes
d'Idées directrices pour une phénoménologie et une
philosophie phénoménologiques pures :
« La phénoménologie pure à
laquelle nous voulons ici préparer l'accès, en
caractérisant sa situation exceptionnelle par rapport aux autres
sciences, et dont nous voulons établir qu'elle est la science
essentiellement nouvelle ; (...) elle se nomme une science des
phénomènes27(*) »
En clair, le phénoménologue ne devrait
pas viser les choses dans le monde, mais plutôt la manière dont
ces choses là se donnent elles-mêmes à nous,
c'est-à-dire les choses en tant phénomènes. Mais, il ne
faut pas comprendre les phénomènes ici au sens de ce qui
apparait comme chez Kant, les phénomènes chez Husserl
désignent plutôt l'apparait lui-même. Les
phénomènes sont de véritables corrélats de la
conscience, c'est-à-dire les données de la conscience,
données à travers lesquelles la conscience donne sens aux choses
et au monde. En clair, la phénoménologie vise l'analyse
immédiate, intuitive et sans intermédiaire du
phénomène en tant que vécu dans l'expérience.
Mais, si les phénomènes sont les
données de la conscience, cela revient à dire que le
phénoménologue pour avoir accès aux
phénomènes doit nécessairement faire un retour à la
conscience, du moins, à l'essence de la conscience. C'est à la
conscience seule que les phénomènes sont donnés, et elle
à son tour leur donner un sens. De ce fait, il ne peut pas y avoir
saisi des phénomènes en dehors de la conscience car seule la
conscience est porteuse et donatrice de sens. A bien comprendre, la
phénoménologie tient exclusivement à l'expérience
immédiate de la conscience, à analyser l'acte de conscience
où le phénomène nous est donné. De ce fait, le
« retour aux choses mêmes » dont Husserl en
fait le chemin du phénoménologue ne pourrait être compris
que comme le retour à l'essence de la conscience afin de comprendre
comment un phénomène peut nous être accessible en tant
qu'apparait. En termes clairs, la phénoménologie est la
science de la conscience en ce sens qu'elle s'intéresse à la
conscience afin de saisir l'apparait des
phénomènes. C'est donc à juste titre que Husserl
écrit ceci : «(...) la phénoménologie
s'occupe de `'la conscience'', en y comprenant tous les modes
de vécu, les actes et les corrélats de ces actes
-phénomènes-(...)28(*) ». Mais la
phénoménologie ne s'occupe pas de la conscience en tant que fait,
mais plutôt du point de vue de son essence, c'est d'ailleurs en ce sens
qu'elle est une science eidétique, c'est-à-dire une science des
essences. C'est en ce sens que Husserl écrit : « Au
contraire, la phénoménologie pure ou transcendantale ne sera pas
érigée en science portant sur des faits, mais portant sur des
essences ; une telle science vise à établir uniquement des
`'connaissances d'essence'' et nullement de
`'fait''29(*) ». Ce n'est d'ailleurs pas
Merleau-Ponty qui nous dira le contraire, puisqu'il écrit dans l'avant
propos de phénoménologie de la perception :
« La phénoménologie, c'est l'étude
des essences, et tous les problèmes, selon elle, reviennent
à définir des essences : l'essence de la perception, l'essence de
la conscience, par exemple 30(*)»
Après avoir disserté sur la
problématique et l'objet de la conscience, finalement, qu'en est-il de
sa méthode ? C'est cette interrogation qui va nous conduire
à notre deuxième sous titre intitulé la réduction
phénoménologique.
2- La réduction phénoménologique
Nous avons vu que la tache principale de Husserl
était celle de fonder la philosophie comme science. Un pré requis
nécessaire à l'amorce de ce projet était la suspension de
notre croyance naïve et dogmatique en l'existence du monde. La
réduction phénoménologique est donc cette méthode
husserlienne, qui se veut être un procédé intellectuel
consistant à mettre entre parenthèses, à mettre hors jeu,
à suspendre certains jugements et certaines connaissances. De
manière précise, la réduction
phénoménologique consiste donc à suspendre la croyance
au monde réel afin de mettre l'esprit en présence de purs
phénomènes. Comme se veut toute science, la
phénoménologie à travers sa réduction a pour but
principal d'aboutir à une vérité absolument indubitable,
vérité valable une fois pour toutes et pour tous. A cet effet,
la réduction phénoménologique de Husserl est clairement
toute proche du doute méthodique de Descartes, car elle suspend toute
connaissance en quoi on pourrait imaginer le moindre doute. Mais elle s'en
distingue cependant en ce qu'elle ne fait pas disparaitre de la conscience ce
qu'elle met entre parenthèses. C'est donc à juste titre que
Husserl s'évertua d'expliquer clairement cela dans Idées
directrices pour une phénoménologie en ces termes :
« C'est plutôt quelque chose d'absolument
original. Nous n'abandonnons pas la thèse que nous avons
opérée ; nous ne changeons rien à notre conviction
qui en soi-même demeure ce qu'elle est, tant que nous ne faisons pas
intervenir de nouveaux motifs de jugement : ce que
précisément nous ne faisons pas. (...) nous la mettons pour
ainsi dire « hors jeu », « hors
circuit », « entre parenthèses ». Elle est
encore là, comme est encore là dans la parenthèse ce que
nous y enfermons, et comme est là, hors des connexions du circuit, ce
que nous en excluons.31(*) »
De plus, retenons que la réduction
phénoménologique s'applique principalement au monde, l'existence
du monde ne jouit pas d'une certaine évidence selon Husserl, car on peut
concevoir qu'il n'existe pas, et que l'ensemble des expériences
sensibles qui nous le donnent pourrait n'être qu'un rêve
cohérent. Mais en même temps, cette mise entre parenthèses
du monde se signifie pas que le phénoménologue nie l'existence de
ce dernier. C'est d'ailleurs ce que Husserl exprime clairement en ces
mots :
« Ce que nous mettons hors de jeu, c'est la
thèse générale qui tient à l'essence de l'attitude
naturelle ; nous mettons entre parenthèses absolument tout ce
qu'elle embrasse dans l'ordre ontique : par conséquent tout ce
monde naturel qui est constamment « là pour nous »,
« présent », et ne cesse de rester là
à titre de « réalité » pour la
conscience, lors même qu'il nous plait de le mettre entre
parenthèses. Quand je procède ainsi, comme il est pleinement au
pouvoir de ma liberté, je ne nie donc pas ce
« monde », comme si j'étais sophiste ; mais
j'opère la réduction phénoménologique qui
m'interdit absolument tout jugement portant sur l'existence
spatio-temporelle.32(*) »
La réduction phénoménologique est
donc une sorte de conversion intellectuelle, le phénoménologue
passant de l'attitude naturelle, mondaine, naïve, ou dogmatique, à
l'attitude phénoménologique. Dans la première, il croit
à l'existence réelle du monde. Dans la seconde, il suspend sa
croyance et considère toutes choses strictement comme des
phénomènes. C'est donc finalement qu'à travers la
réduction phénoménologique que la philosophie se trouve
finalement fondée comme science rigoureuse. Elle n'est pas une science
exacte au sens des mathématiques, car les phénomènes ne
sont pas mesurables. Mais elle reste science rigoureuse en ce sens que qu'avec
le phénomène elle tient l'absolu. En effet, ce que Husserl entend
par absolu, ce n'est pas un être qui existe par soi sans dépendre
d'aucune cause au sens de la substance chez Descartes, mais seulement
l'être connu d'une manière immédiate et indubitable,
l'être absolument donné.
Que peut-il donc bien subsister quand on met hors
circuit le monde entier, y compris nous-mêmes ?
La réduction phénoménologique
permet donc d'atteindre l'absolu, et le seul absolu qu'elle permet d'atteindre,
c'est la conscience phénoménologique elle-même. Car, avec
la réduction, nous découvrons en somme ceci : nous pouvons,
certes, mettre entre parenthèses la thèse de la
réalité du monde, mais il ne nous est jamais possible de mettre
entre parenthèses la réalité de la conscience
intentionnelle. Ainsi donc, ce qui apparait dans l'intuition reste toujours
contingent, alors que la conscience intentionnelle est absolue. Cette
conscience n'a jamais été constituée, au contraire :
c'est elle qui se constitue les phénomènes en leur donnant un
sens. Ce n'est pas Husserl lui-même qui nous dira le contraire puisqu'il
affirme : « Nous venons de mettre la nature hors
circuit : ce procédé de méthode nous a permis de
manière générale de tourner le regard vers la conscience
transcendentalement pure33(*) ». La phénoménologie a
donc pour domaine la conscience phénoménologique, la conscience
pure, la conscience transcendentalement pure ou encore la conscience
intentionnelle. Ce qui nous conduit à notre deuxième chapitre
intitulé la conscience phénoménologique.
II-La conscience phénoménologique
1-L'influence cartésienne
Selon ce qu'écrit Husserl, la
phénoménologie ne pourrait comprendre sa situation philosophique
actuelle, son présent, sans passer par un examen historique, à
tout le moins de la philosophie moderne depuis Descartes. Voilà pourquoi
dès l'introduction de Méditations cartésiennes,
Husserl écrit ceci :
« Les impulsions nouvelles que la
phénoménologie à reçues, elle les doit à
René Descartes, le plus grand penseur de la France. C'est par
l'étude de ses Méditations que la phénoménologie
naissante s'est transformée en un type nouveau de philosophie
transcendantale. Descartes inaugure un type nouveau de philosophie. Avec lui la
philosophie change totalement d'allure et passe radicalement de l'objectivisme
naïf au subjectivisme transcendantal.34(*) »
Ceci nous amène donc à une étude
brève de la conscience chez Descartes afin de mieux saisir la
conscience phénoménologique. De ce fait, Descartes écrit
ceci dans Discours de la méthode :
« Et remarquant que cette
vérité : je pense, donc je suis, était si ferme et si
assurée que toutes les plus extravagantes suppositions des sceptiques
n'étaient pas capables de l'ébranler, je jugeai que je pouvais la
revoir sans scrupule pour premier principe de la philosophie que je cherchais.
(...) je n'avais aucune raison de croire que j'eusse été ;
je connus de là que j'étais une substance dont toute l'essence ou
la nature n'est que de penser, et qui, pour être, n'a besoin d'aucun
lieu, ni ne dépend d'aucune chose matérielle35(*). »
En clair, pour Descartes, la conscience est
métaphysique, donc substantielle. Substantielle en ce sens que la
conscience pour Descartes est une chose qui existe de telle manière
qu'elle n'a besoin que de soi-même pour exister. En d'autres mots, cette
conscience est renfermée est indépendante et renfermée sur
elle-même. C'est cette conception de la conscience que Husserl va porter
des limites en usant du concept d'intentionnalité.
2-L'intentionnalité de la conscience
L'intentionnalité est cette
propriété commune à tous les états de conscience de
toujours se rapporter à un objet. Voici ce qu'écrit Husserl
à propos dans Méditations Cartésiennes :
«Le mot intentionnalité ne signifie rien d'autre que cette
particularité foncière et générale qu'a la
conscience d'être conscience de quelque chose (...)36(*) ». La
conscience est conscience de quelque chose. Cela signifie que la
conscience est ouverte sur autre chose qu'elle-même et devient
elle-même en se pénétrant de cet autre.
Simultanément, cette chose qui est visée (perçue) par la
conscience n'acquiert une existence que sous le regard de celle-ci.
L'intentionnalité est donc cet échange interactif continuel de la
conscience et du monde, par quoi ce dernier prend sens pour la conscience, et
la conscience pour le monde. Husserl poursuit dans Idées Directrices
pour une Phénoménologie en disant ceci :
« Nous entendions par intentionnalité
cette propriété qu'ont les vécus `' d'être
conscience de quelque chose `'. (...) une perception est perception de...,
par exemple d'une chose ; un jugement est jugement d'un état de
chose ; une évaluation, d'un état de valeur ; un
souhait porte sur un état de souhait, ainsi de suite. Agir porte sur
l'action, faire sur le fait, aimer sur l'aimé, se réjouir sur ce
qui est réjouissant, etc.37(*) »
La conscience phénoménologique est donc
une conscience intentionnelle, une conscience qui est essentiellement rapport
à un objet. C'est la un des principes de la
phénoménologie : « toute conscience est
conscience de quelque chose ». A bien comprendre Husserl,
l'essence de la conscience phénoménologique serait
fondamentalement de viser un objet. De ce fait, l'intentionnalité
définit donc la conscience phénoménologique, en ce sens
que celle-ci n'est pas connaissable en elle-même, mais seulement par
rapport à ses objets. A bien voir, la conscience
phénoménologique est à l'opposé de la conscience
conçue par Descartes. D'une part, on a une conscience fondamentalement
renfermée sur elle-même, indépendante puisqu'étant
une substance, et d'autre part nous avons une conscience portée vers
l'extérieur et dépendante des choses et du monde en ce sens
qu'elle est essentiellement intentionnelle. La conscience
phénoménologique refuse donc d'être substance et s'ouvre
aux choses et au monde dont elle dépend d'ailleurs. Ce
n'est pas Jean-Paul Sartre qui nous dira le contraire, puisqu'il
affirme :
« Du même coup, la conscience s'est
purifiée, elle est claire dans un grand vent, il n'y a plus rien en
elle, sauf un mouvement pour se fuir, un glissement hors de soi ;si, par
impossible, vous entriez « dans » une conscience, vous
serez saisi par un tourbillon et rejeté au dehors, près de
l'arbre, en pleine poussière, car la conscience n'a pas de
« dedans », elle n'est rien que le dehors
d'elle-même et c'est cette fuite absolue, ce refus d'être substance
qui la constituent comme une conscience.(...)Cette
nécessité pour la conscience d'exister comme conscience d'autre
chose que soi, Husserl la nomme
« intentionnalité38(*) ».
En clair, la conscience phénoménologique
« refuse d'être substance », ce n'est pas
une conscience qui n'a besoin que d'elle-même pour exister, au contraire,
elle est intentionnelle et est dépendante des choses et du monde. En
d'autres termes, si on supprimait les objets et le monde, ce serait faire
évanouir la conscience phénoménologique, en ce sens que
celle-ci finalement n'est essentiellement que rapport au monde et aux
objets.
III-La conscience phénoménologique comme
intersubjectivité
« Ce qui est vrai de moi vaut aussi, je le sais
bien, pour tous les autres hommes que je trouve présents dans mon
environnement. Par l'expérience que j'ai d'eux en tant qu'homme, je les
comprends et je les accueille comme des sujets personnels au même titre
que moi-même, et rapportés à leur environnement naturel. En
ce sens toutefois que je conçois leur environnement et le mien comme
formant objectivement un seul et même monde qui accède seulement
de façon différente à toutes nos consciences. (...)En
dépit de tout cela nous arrivons à nous comprendre avec nos
voisins et posons en commun une réalité objective d'ordre
spatio-temporel qui forme ainsi pour nous tous l'environnement des existants,
bien qu'en même temps nous en faisons nous-mêmes
partie.39(*) »
Parler d'intersubjectivité revient donc
à signifier que l'expérience humaine n'est pas celle d'un
être isolé, coupé du monde et des autres, mais plutôt
celle d'un être en rapport avec d'autres. C'est la méconnaissance
de ce fait qui selon Husserl fut la plus grande erreur de Descartes. En faisant
du sujet pensant le point de départ de toute expérience,
Descartes ne pouvait qu'être certain de sa propre existence. Or, affirme
Husserl, ce qui est le principe de toute expérience possible, ce n'est
pas le sujet solitaire, c'est plutôt la communication des
consciences. Chaque conscience reconnait l'existence d'autres consciences
de manière immédiate dans un sentiment originaire de
coexistence. De ce fait, autrui est toujours et déjà
présent à ma conscience. Il faut renoncer à l'idée
que la subjectivité est une donnée originaire. Au contraire, le
sujet se constitue et constitue son monde dans et par sa relation d'avec les
autres.
PARTIE IV
CAS PRATIQUE :
APPROCHE PHENOMENOLOGIQUE DU CONCEPT DE CONSCIENCE
EN CLASSE DE TERMINALE COMME PISTE DE SOLUTION AUX PROBLEMES DE XENOPHOBIE ET
DU TRIBALISME AU GABON VIA LA NOTION D'INTERSUBJECTIVITE
I-De la xénophobie au Gabon
1-Qu'est-ce que la xénophobie ?
Le mot xénophobie vient étymologiquement
du grec « xénos » qui signifie
« étranger » et de
« phobos » qui veut dire « rejet,
peur ou effroi ». De ce fait, au sens littéral, la
xénophobie est une hostilité manifestée à
l'égard des étrangers ou de ce qui est étranger, c'est en
quelque sorte la peur parfois irraisonnée, ou même maladive de ce
qui est étranger. En clair, la xénophobie désigne
l'ensemble des sentiments systématiques de crainte, d'hostilité,
voire de haine envers les étrangers. La xénophobie peut se
manifestée envers ceux qui ne partagent pas la même
nationalité, ethnie, race, culture ou religion que soi. Pour le
xénophobe, l'étranger est perçu comme une menace pour
l'équilibre de la vie de soi, donc comme un ennemi, ce qui entraine des
réactions de peur ou d'hostilité voire les deux en même
temps. Dans les formes les plus extrêmes, la xénophobie peut
dégénérer en violences morale, psychologique ou physique.
2-De la xénophobie au Gabon
Nous nous souviendrons de l'article de Georges DOUGUELI,
(journaliste et rédacteur chez l'hebdomadaire panafricain Jeune
Afrique) intitulé « Gabon : le poison
xénophobe40(*) » dans lequel le journaliste tente de
mettre en lumière l'existence des comportements xénophobes au
Gabon et cela de la part des gabonais. Le diplômé de l'Ecole de
journalisme de Science Po montre qu'il y a « une compagne
xénophobe » au Gabon qui se manifeste par
« des attitudes discriminantes envers les étrangers,
car, « à Libreville, il ne fait pas bon être
identifié comme étranger » estime Georges
DOUGUELI. Pour le journaliste camerounais, au Gabon, les
étrangers sont détestés, et pour preuve, le drame
arrivé en Avril 2015 lorsque des émeutes ont mis le feu à
l'embrassade du Benin à Libreville.
Clotaire MESSI ME NANG, enseignant-chercheur au
département d'histoire et archéologie de la faculté des
lettres et sciences humaines de l'université Omar Bongo de Libreville,
tente lui aussi dans un article publié le 22 Juillet 2016 dans le
journal gabonais d'information en ligne Gabon review d'étaler
ce qui peut être considérer comme étant des comportements
xénophobes de la part des gabonais. Pour le Docteur de
l'université Paris 1 Panthéon-Sorbonne, les attitudes
xénophobes se donnent à voir au Gabon par exemple à
travers le sempiternel « refus de l'intégration sous
régionale exprimé depuis toujours par les
gabonais ». Mais le maître-assistant CAMES en histoire de
l'Afrique ne s'arrête point là, puisqu'il souligne aussi que
« les séries d'incidents
politico-sportifs » montrent bien que les gabonais sont
xénophobes, à l'exemple des rencontres de football qui ont
souvent donné lieu au Gabon à une déferlante de
violence contre certaines communautés étrangères.
Pour l'universitaire gabonais, l'expulsion de 12 000
Béninois du Gabon a qui tous les commerces situés au
marché Mont-Bouët fut incendiés et pillés en
1978 montrent clairement les attitudes xénophobes des gabonais.
Clotaire MESSI ME NANG pense que cette xénophobie est même
constatée par les étrangers eux-mêmes, puisqu'il
affirme :
« Une xénophobie que les étrangers
voient en outre dans des multiples tracasseries policières et les
opérations de rapatriement des immigrés africains en situation
irrégulière. A coté de ces opérations
policières, il faut aussi mentionner les mauvais traitements, les
insultes et les quolibets quotidiens dont sont victimes les étrangers au
Gabon.41(*) »
Ce n'est pas Patrick MOUGUIAMA-DAOUDA, linguiste et
professeur à l'Université Omar Bongo de Libreville qui nous dira
le contraire, puisqu'il a lui à son tour recensé une
rhétorique xénophobe dans le langage courant des gabonais. On
peut par exemple souligner des expressions telles que « gabonais
de souche », « néo-gabonais »,
« gabonais fraichement naturalisé », ou
encore « gabonais sans attaches ». Le professeur
titulaire au CAMES cité dans un site d'actualité juridique et
politique Que Dit La Loi pense qu'il y a manifestation de la
xénophobie au Gabon à travers des « Attitudes
discriminantes(...) des actes d'intimidation des étrangers (insulter ou
menacer). (...) violences morales et d'escroquerie envers les
étrangers(...) des actes de violence physique, de pillage et de
saccage42(*) »
II-Du tribalisme au Gabon
1-Qu'est ce que le tribalisme ?
Le tribalisme est un mode d'organisation sociale
fondée sur un sentiment d'appartenance à une tribu. La tribu
étant un groupe social présentant une certaine
homogénéité culturelle et linguistique. Le tribalisme
conduit souvent à la valorisation de son identité propre, de sa
tribu ou de son ethnie au détriment de celle des autres. On assiste donc
à une affirmation excessive de soi qui passe par la négation de
l'autre. La volonté de puissance pousse à la domination de
l'autre ou, pire encore, à son mépris.
2-Du tribalisme au Gabon
Le professeur Joseph John-Nambo, agrégé
des facultés de droit à l'Université Omar Bongo, dans un
article intitulé Du tribalisme au Gabon montre que les
attitudes et pratiques tribalistes au Gabon se manifestent par exemple à
travers des expressions devenues péjoratives, et souvent
utilisées pour désigner l'autre qui n'est pas de la même
ethnie que soi, en l'occurrence « d'anongoma »
chez les miènè, et « bilop » chez
les fangs. Dans le même article, l'universitaire conclu d'ailleurs que
peu avant la fin de ses jours, Omar Bongo Ondimba, président de la
République Gabonais pendant 42 ans avait reconnu :
« Qu'en plus de l'affairisme et la corruption,
l'ethnisme, le clanisme,
le régionalisme et le tribalisme avait
fait beaucoup de mal au Gabon43(*) »
III-De la nécessite de
l'intersubjectivité comme lutte contre le tribalisme et la
xénophobie au Gabon ; initiation à l'éducation du
vivre ensemble en classe de terminale.
La description de l'approche
phénoménologique qui permettrait de décrire la
constitution d'un monde socioculturel ambiant se donne à voir
dans l'approche intersubjective de la société chez Husserl. On
retrouve plusieurs textes consacrés à l'analyse de la formation
d'une socialité chez le philosophe autrichien, et l'un d'entre
eux nous fournit une analyse très succincte du moment essentiel de la
constitution d'une communauté interpersonnelle harmonieuse,
loin des vises analogues à la xénophobie et au
tribalisme. Il s'agit du texte n°21 des Hua XIV, datant de 1927,
où le phénoménologue y écrit:
« Le lien social se constitue par
conséquent dans des actes qui passent de l'un à l'autre sur le
mode d'un va-et-vient, actes que moi-même et l'autre portons à
l'unité dans le cadre d'une action réciproque, qui, comme les
actes subjectifs individuels, passent consciemment de l'ego à l'alter
ego et se recouvrent en empiétant l'un sur l'autre. Ma volonté
est consciemment en même temps dans la volonté de l'autre, et
inversement. [...] Ainsi, dans une socialité
donnée, une subjectivité s'avance au-delà
d'elle-même a l'intérieur d'une autre subjectivité: la vie
individuelle du sujet ne reste pas en elle-même mais se trouve
liée consciemment et dans une certitude expérientielle a celle
d'une autre, par quoi des actes corrélatifs se rapportant
réciproquement l'un a l'autre y sont afférents pour chacun. Nous
pouvons aussi dire la chose suivante: dès que l'expérience
intersubjective, qui se déroule dans ma subjectivité pure, a
jeté un pont entre moi et l'autre qui existe a présent pour moi,
et dès que, en lui, une expérience consciente, en miroir, a
jeté un pont vers moi, dès ce moment-là, ne faisant a
présent tous les deux plus qu'un, nous n'avons pas seulement
connaissance l'un de l'autre, mais nous nous connaissons aussi en tant que,
nous connaissant l'un l'autre réciproquement, dès ce moment, des
actes de toute sorte, mentaux, d'amour, de haine, de souhait, de
volonté, etc. entrent en scène en nous liant
réciproquement l'un à l'autre et lient ainsi nos sujets en tant
que sujets. La réduction à la subjectivité pure
s'accomplit par conséquent de telle sorte que moi, qui accomplit la
réduction, je ne pose comme valide que la subjectivité pure et
rien d'autre, et puis, pas seulement la mienne propre, [...] mais aussi la
subjectivité d'autrui et, en général, les autres. [...]
Or, pourtant, je ne dois pas seulement poser, comme ayant une validité,
les autres qui, en tant que sujets purs, se donnent à ma conscience en
s'exprimant, mais dans mon intérêt élargi pour tout ce qui
purement subjectif, je dois aussi poser comme ayant une validité
ces entrelacements de la conscience qui délivrent mon moi, tout autant
que celui des autres, de leur isolement. En mettant hors circuit tout
ce qui n'est pas subjectif, toute nature et toute objectivité
grevée de nature qui se trouve en moi et dans les autres, tous les actes
sociaux deviennent également purement subjectifs; par le biais de la
relation qu'entretiennent le Je et le Tu, ils relient mon sujet pur et le sujet
de l'autre qui concerne, jusqu'a former une unité purement
subjective.44(*) »
Husserl nous présente ici le moment essentiel
de la communautarisation spécifiquement sociale, à
savoir la constitution intentionnelle de sa forme spécifique
d'unité intersubjective, qui se tisse entre les humains.
En effet, dans leurs interrelations en tant que sujets, les
humains ne sont pas simplement conscients les uns des autres
séparément, ou chacun de leur côte isolement, mais
ils sont aussi conscients de l'effet que leur conscience entraine chez
celle d'autrui et vice-versa, ce qui permet la constitution
d'actes personnels réciproques. Autrement dit, dans ma relation
en tant que humain avec un autre humain, je ne suis pas simplement conscient
de lui, tout comme il n'est pas simplement conscient de moi, mais je
suis conscient qu'il est conscient de moi au moment même ou j'ai
conscience de lui, de sorte que je puis entrer avec lui dans des formes de
relations interpersonnelles qui outrepassent ma «simple
connaissance» de lui. Pour illustrer ce genre de relation, Husserl
emploie l'exemple d'exaucer la volonté d'autrui: pour qu'un tel acte
soit possible, la simple position d'existence d'autrui ne suffit pas,
car il faut également avoir pose comme valide la conscience
qu'autrui a de moi en tant que je suis conscient de lui, de sorte que
c'est l'enchevêtrement de nos consciences qui rend possible le
fait d'exaucer ou non sa volonté, de même que tous ces autres
actes que Husserl mentionne dans ce passage (actes d'amour, etc.). En clair,
l'intersubjectivité règle le problème de la
xénophobie et du tribalisme tout en initiant une éducation au
vivre ensemble en ce sens qu'elle prône la communication obligatoire
et harmonieuse entre des consciences, communication qui peut
conduire à l'adoption de certaines qualités telles que la
tolérance, et la considération de l'autre comme une fin en
soi. L'être humain est
caractérisé selon Husserl du point de vue de son essence par
un sentiment originaire de coexistence. Cela revient à dire que le
vivre ensemble devrait être l'objectif premier des êtres humains
entre eux, quelque soit leur origine, leur langue, leur nationalité ou
leur couleur de peau. Ce n'est pas Alain qui nous dira le contraire, puisqu'il
affirme : « Les hommes eurent toujours un
grand besoin de s'aimer les uns les autres45(*) .» Alain voulait par là nous
faire comprendre que les relations entre les hommes sont foncièrement
harmonieuses.
IV-Ebauche d'une leçon illustrative de
philosophie sur la conscience en classe de terminale
Fiche de préparation
Nom de l'enseignant : NGOMO Sylvère
Gildas
Cours : Philosophie
Intitulé de la leçon : La
conscience
Niveau d'étude : Terminale
Objectifs généraux : Cette
leçon vise la compréhension du concept de conscience et la
saisie des enjeux du débat entre la conscience métaphysique et
phénoménologique.
Objectifs spécifiques : Au terme de cette
leçon, les élèves devront être capables
d'intégrer les biens fondés du vivre ensemble et accueillir
autrui comme faisant partie de leur quotidien.
Vocabulaires spécifiques :
Métaphysique, phénoménologie, substance,
intentionnel, intersubjectivité.
Problématique : Qu'est-ce qu'une
conscience métaphysique selon Descartes? Qu'est-ce qu'une
conscience phénoménologique selon Husserl ? La conscience
est-elle finalement caractérisée par sa substantialité ou
son intentionnalité ? Peut-on parler d'une conscience
phénoménologique sans aborder la notion
d'intersubjectivité ? Qu'est-ce que
l'intersubjectivité, et en quoi celle-ci peut-elle nous préparer
à une éducation à l'amour de
l'autre ?
LA CONSCIENCE
Plan :
Introduction
I- La conscience
métaphysique chez Descartes (1596-1650)
II- La conscience phénoménologique chez Husserl
(1859-1938)
III- l'intersubjectivité
IV- l'intersubjectivité comme préparation
à l'éducation à l'amour de l'autre
Conclusion
Introduction
Le mot conscience vient du latin
« conscientia », composé du préfixe
« con » qui signifie
« avec », et de
« scientia » qui veut dire
«connaissance». De manière exacte, la conscience veut
donc dire « avec la connaissance ». A bien
comprendre, ce mot n'est applicable qu'à un individu vivant, puisqu'il
implique une faculté de connaissance de soi-même et de
l'environnement. C'est au XVIIe siècle que le mot conscience prend un
caractère métaphysique, notamment avec René
Descartes, puisque selon le philosophe français, la conscience est une
substance. Nonobstant, au XXe siècle, avec Edmund Husserl
précisément, la conscience adopte un caractère
phénoménologique, d'autant puisque pour le
phénoménologue, la conscience est intentionnelle. A ce
moment-là, qu'est-ce qu'une conscience métaphysique selon
Descartes? Qu'est-ce qu'une conscience phénoménologique selon
Husserl ? La conscience est-elle finalement caractérisée par
sa substantialité ou son intentionnalité ? Peut-on parler
d'une conscience phénoménologique sans aborder la notion
d'intersubjectivité ? Qu'est-ce que
l'intersubjectivité, et en quoi celle-ci peut-elle nous préparer
à une éducation à l'amour de l'autre ?
I- La conscience métaphysique chez Descartes
(1596-1650)
Descartes à la suite de la saisie intuitive,
immédiate de son existence via son cogito, va finalement montrer que ce
cogito est une substance, et c'est à ce instant qu'il met en
lumière le coté métaphysique de sa conception de
la conscience. La conscience est donc métaphysique chez Descartes en ce
sens qu'elle est substantielle, c'est-à-dire que la
conscience est une chose qui existe de telle manière qu'elle n'a besoin
que d'elle-même pour exister. En clair, c'est la
substantialisation de la conscience qui fait de cette dernière
soit une conscience métaphysique chez Descartes. C'est ce que Descartes
tente de nous expliquer dans un passage de Discours de la
méthode : « Et remarquant que cette
vérité : je pense, donc je suis,
était si ferme et si assurée(...) je pouvais la recevoir sans
scrupule pour le premier principe de la philosophie que je cherchais.(...) Je
connus de là que j'étais une substance
dont toute l'essence ou la nature n'est que de penser, et qui, pour
être, n'a besoin d'aucun lieu, ni ne dépend d'aucune chose
matérielle »
II- La conscience phénoménologique chez
Husserl (1859-1938)
La conception de la conscience chez Husserl est en
quelque sorte une objection à l'approche cartésienne de la
conscience. Descartes, comme nous venant de le voir, pense que ce qui fait la
conscience c'est son caractère substantielle, c'est-à-dire
qu'elle est une chose qui existe de telle sorte qu'elle n'a besoin que
d'elle-même pour exister. Nonobstant, Husserl lui va montrer que
la conscience est conscience de quelque chose. Cela
signifie que la conscience est ouverte sur autre chose qu'elle-même.
C'est ce que Husserl appelle l'intentionnalité. La conscience
phénoménologique est donc intentionnelle, toujours et
déjà portée vers le monde et les choses. C'est ce que
Husserl explique succinctement dans Idées directrices pour une
phénoménologie en ces termes : «Le mot
intentionnalité ne signifie rien d'autre que cette particularité
foncière et générale qu'a la conscience
d'être conscience de quelque chose. »
L'intentionnalité est donc cet échange
interactif continuel de la conscience et du monde, par quoi ce dernier prend
sens pour la conscience, et la conscience pour le monde. A bien comprendre, la
conscience avec Husserl n'est plus refermée sur elle-même comme la
conscience substantielle chez Descartes, mais plutôt jetée vers le
monde et les choses. Mais dans ce monde vers lequel la conscience
phénoménologique est foncièrement tournée, au
delà des choses qui y existent, il existe aussi d'autres
consciences ? De ce fait, toute conscience est aussi conscience
d'autres consciences. C'est ce qui va nous conduire à aborder la
notion d'intersubjectivité qui revoie à la communication entre
les consciences.
III- l'intersubjectivité
L'intentionnalité de la conscience chez Husserl
nous conduit impérativement à la notion
d'intersubjectivité qui est ce rapport intersubjectif des consciences.
Parler d'intersubjectivité revient donc à signifier que
l'expérience humaine n'est pas celle d'un être isolé,
coupé du monde et des autres, mais plutôt celle d'un être en
rapport avec d'autres. De ce fait, ce qui est le principe de toute
expérience possible, ce n'est pas le sujet solitaire, c'est plutôt
la communication des
consciences. En clair, chaque conscience reconnait l'existence
d'autres consciences de manière immédiate dans un
sentiment originaire de coexistence.
IV- l'intersubjectivité comme préparation
à l'éducation à l'amour de l'autre
Auguste Compte dans Système de politique
positive, précisément au tome II nous disait
déjà : « Toute l'éducation humaine doit
préparer chacun à vivre pour autrui, afin de revivre dans
autrui. ». De l'intersubjectivité qui revient à
dire que l'existence de l'homme n'est pas celle d'un être solitaire,
écarté du monde et des autres, mais plutôt celle d'un sujet
qui soit en relation avec les autres, nous pouvons donc en tiré une
éducation du vivre ensemble. La notion d'intersubjectivité nous
permet donc de nous préparer à une éducation qui nous
permet de vivre avec et pour autrui afin d'avoir une vie socioculturelle
harmonieuse. On est contraint de vivre avec les autres puisque nous partageons
un même monde. L'autre devrait plutôt être atout et non un
frein à notre épanouissement. L'amour est ce qui a toujours
lié et réuni les hommes à en croire Emile Chartier,
d'autant plus qu'il affirme : « Les hommes eurent toujours
un grand besoin de s'aimer ».
Conclusion
En somme, la conscience métaphysique renvoie
à une conscience substantielle, c'est-à-dire, une conscience qui
n'a besoin que d'elle-même pour exister. Cependant, la conscience
phénoménologique est une conscience intentionnelle, conscience
qui est toujours et déjà porté vers les choses et le monde
dont elle en dépend. Cette notion intentionnalité nous conduit
à la notion d'intersubjectivité qui sous entend que
l'expérience humaine n'est pas celle d'un être isolé,
coupé du monde et des autres, mais plutôt celle d'un être en
rapport avec d'autres. De cette notion d'intersubjectivité, nous pouvons
donc en ressortir qu'il n'y a pas d'existence solitaire, de ce fait, il faut
accepter et accueillir l'autre comme faisant partie de notre vie quotidienne.
Cela nous amène donc à éducation aux valeurs du vivre
ensemble et de tolérance.
Sujets de réflexion :
Sujet de type 1 : La conscience fait-elle de l'homme un
être responsable ?
Sujet de type 2 : « la
conscience n'a pas de « dedans », elle n'est rien que le
dehors d'elle-même et c'est cette fuite absolue, ce refus d'être
substance qui la constituent comme une conscience »
Sujet de type 3 :
« Nous entendions par intentionnalité
cette propriété qu'ont les vécus `' d'être
conscience de quelque chose `'. (...) une perception est perception de...,
par exemple d'une chose ; un jugement est jugement d'un état de
chose ; une évaluation, d'un état de valeur ; un
souhait porte sur un état de souhait, ainsi de suite. Agir porte sur
l'action, faire sur le fait, aimer sur l'aimé, se réjouir sur ce
qui est réjouissant, etc. » HUSSERL
E., Idées directrices pour une phénoménologie,
Paris, Gallimard, 2013. P.283.
CONCLUSION GENERALE
« Comprendre le concept de conscience
en classe de Terminale : Approche
phénoménologique » est la thématique
centrale et principale que nous nous sommes proposé de disséquer
tout au long de notre travail. Ce travail de recherche avait somme toute pour
finalité de mettre en lumière la conception du concept de
conscience dans sa perspective phénoménologique. A cet effet,
notre éventaire était centré autour d'une
problématique bien observée, problématique d'ailleurs que
nous nous sommes donné pour tâche d'apporter des réponses
tout au long de ce travail.
Ce travail nous a permis de comprendre que la
conscience de manière générale n'est applicable
qu'à un individu vivant et implique une faculté de connaissance
de soi-même et de l'environnement. D'où la nécessité
de l'interrogation du concept de conscience en philosophie. Car,
pénétrer la conscience, c'est interpréter l'Homme, parce
que la conscience est la nature de l'Homme. Cet appétit de l'examen du
concept de conscience en philosophie se donne à voir en ce que la
philosophie de manière globale met la question de l'Homme au centre de
toute sa réflexion. Cette célèbre conscience est traduite
par le cogito chez Descartes, elle est comprise comme étant une
impression chez Hume, psychologique chez Locke, néant chez Sartre, et
elle est à réaliser chez Merleau-Ponty.
Nous avons démontré dans notre travail
que toutes ces acceptions de l'idée de conscience enfin de compte
n'étaient qu'une sorte d'introduction à la finalité
à proprement parler de notre travail, qui était celle de mettre
en exergue la perspective phénoménologique du concept de
conscience. La phénoménologie étant l'examen des
phénomènes, elle se comprend de ce point de vue comme
étant une science, la science des phénomènes. Or, ces
phénomènes auxquels s'attache la phénoménologie, ne
sont accessibles qu'à travers la conscience, car les
phénomènes en somme ne sont que des données de la
conscience. De ce point de vue, la phénoménologie peut être
aussi bien assimilée à une science de la conscience, car, en
voulant s'intéresser aux phénomènes, elle finira avant
tout par saisir l'essence de la conscience afin de mieux comprendre la nature
des phénomènes. En se donnant donc pour tâche d'obtenir
l'essence de la conscience, afin de saisir la nature des
phénomènes, la phénoménologie se veut de ce fait
être la science des essences. En clair, la phénoménologie
peut avoir une triple définition, au-delà du fait qu'elle soit
étymologiquement la science des phénomènes, elle peut
aussi être considérée comme étant la science de la
conscience d'une part, et d'autre part la science des essences.
La phénoménologie étant une
science, elle possède inévitablement de ce fait une
méthode qui est la réduction phénoménologique afin
de mieux examiner son objet d'étude. Cette réduction
phénoménologique consiste donc à placer l'existence du
monde réel entre parenthèse afin de fixer l'esprit en
présence des purs phénomènes. Cette transformation
intellectuelle permet donc de purifier la conscience de toute impureté,
afin d'obtenir ce qu'on va désigner : la « conscience
pure », la « conscience
transcendantale », la « conscience
transcendentalement pure », l' « être
absolu de la conscience », la « conscience
donatrice originaire », la « conscience
phénoménologique » ou encore la
« conscience intentionnelle ».
C'est exactement ce qui va nous amener à
pénétrer ce qu'est exactement la conscience dans sa signification
phénoménologique. Nous sommes précisément
arrivé au résultat selon lequel, la conscience
phénoménologique est intentionnelle, intentionnelle en ce sens
qu'elle est continuellement rapport à un objet. Cette conscience se
définie fondamentalement par sa relation au monde et aux choses, en ce
sens qu'on ne peut nullement définir la conscience sans mettre en
exergue sa jonction au monde. Ce qui fait la conscience
phénoménologique, c'est donc son intention, et cette intention se
dirige inlassablement vers les choses. Ce n'est pas le célèbre
et grand philosophe chinois Wang YANGMING qui nous dira le contraire,
puisqu'il l'exprime très bien en ces termes : « Ce
qui émane de l'esprit, c'est l'intention. Ce qui constitue
originellement l'intention, c'est l'aptitude à connaitre. Là
où se dirige l'intention, ce sont les choses. (...) Il n'est pas de
principe en dehors de l'esprit, il n'est pas de chose en dehors de
l'esprit.46(*) »
Sachant qu'en phénoménologie, l'esprit est synonyme de
conscience, nous comprenons très bien l'expression de la
consubstantialité qui existe entre la conscience et le monde à
travers ces propos du philosophe de Yuyao. Ce jugement n'est que la
conséquence du rejet de la substantialité de la conscience
prôner par Descartes. Comme nous le disait déjà Sartre,
c'est « le refus d'être substance » qui
fonde la conscience intentionnelle.
En étant intentionnelle, donc portée
vers le monde et les choses, la conscience est aussi relation à
d'autres consciences. D'où l'idée de la notion
d'intersubjectivité, qui signifierai que l'activité humaine n'est
pas celle d'un personne isolé, mais plutôt celle d'un être
toujours en rapport avec d'autres êtres comme lui. C'est cette
compréhension de la vie sociale par la notion d'intersubjectivité
qui nous amène donc à considérer qu'à travers
cette notion, nous pouvons prêcher une éducation au vivre
collectif harmonieux dans nos classes de terminales. Cet apprentissage aura
donc pour objectif de batailler contre les souffrances qui minent le vivre
ensemble, tels que la xénophobie et le tribalisme dans le contexte de la
société gabonaise en générale, et les salles de
classe en particuliers.
* 1 HERSCH J.,
L'étonnement philosophique. Une histoire de la philosophie,
Paris, Gallimard, 2011, p.398.
* 2 HUSSERL E., Notes sur
Heidegger, Paris, Les Editions de Minuit, 1993, p.94.
* 3 SARTRE J.P., cité
par De COOREBYTER V., SARTRE la transcendance de l'Ego et autres
textes, Paris, Vrin, 2003, p.95.
* 4Cf. Le Petit Larousse
Illustré, 2008, p.238
* 5 Cf. Dictionnaire
Axis, volume 2, Hachette, p.658
* 6 ROUSSEAU J.J., Emile, ou
De l'éducation, Paris, Garnier, 1961, p.378
* 7 KANT E.,
Métaphysique des moeurs, IIe partie, Doctrine de la vertu,
introduction et traduction par PHILONENKO A., Paris, J.Vrin, 1996,
pp.112-113
* 8 LE SENNE R.,
Traité de morale générale, Paris, P.U.F., 1961,
p.316.
* 9 DESCARTES R., Discours
de la méthode, quatrième partie, Paris, Gallimard, 1953,
pp.147-148.
* 10 KANT E., Logique,
Paris, Vrin, 1965, p. 25.
* 11GAETAN S.P., «Mort et
Survie d'une Philosophie», dans Pourquoi la Philosophie?, Les
Cahiers de l'Université du Québec, P.U.Q., 1970, p. 30.
* 12 NIETZSCHE F.,
Le Gai Savoir, Édition électronique, Les
Échos du Maquis, 2011.5ème livre, pp.91-92
* 13 MARX K..,
préface de la Contribution à la critique de l'économie
politique, Editions sociales, 1947, p.4
* 14FEUERBACH L. cité
par ENGELS F., Ludwig Feuerbach et la fin de la philosophie classique
allemande, Editions sociales, 1946, p.29
* 15 FREUD S., Essais de
psychanalyse appliquée, « Une difficulté de la
psychanalyse », Paris, Gallimard, 1993, pp.144-146.
* 16 FREUD S.,
Métapsychologie, « l'Inconscient », Paris,
Gallimard, 1968, pp.96-98.
* 17 LOCKE J., Essai sur
l'entendement humain, Livre II, chap. 27, paragraphe 9, traduit et
commenté par BALIBAR E., Paris, Seuil, 1694, pp.149-151.
* 18 HUME D., Traité
de la nature humaine, Livre I : De l'entendement, traduit par FOLLIOT
P., Édition numérique réalisée le 28 janvier 2005
à Chicoutimi au canada, pp.242-243.
* 19 SARTRE J-P.,
L'Être et le Néant, Paris, Gallimard, 1976,
pp.134-135.
* 20 MERLEAU-PONTY M.,
Phénoménologie de la perception, Paris, Gallimard, 1945,
p.344.
* 21 MERLEAU-PONTY M., La
structure du développement, Paris, P.U.F., 1942, pp.300-301.
* 22 MERLEAU-PONTY M., La
structure du comportement, op. cit., p.293.
* 23 MERLEAU-PONTY M.,
Phénoménologie de la perception, op. cit., p.491-492.
* 24MERLEAU-PONTY M.,
Phénoménologie de la perception, op. cit., pp.74-75.
* 25 KANT E.,
Prolégomènes à toute métaphysique future qui
pourra se présenter comme science, Paris, J.Vrin, 2001, 304-305.
* 26 KANT E., Anthropologie
du point de vue pragmatique, Paris, J.Vrin, 1798, p.17.
* 27 HUSSERL E.,
idées directrices pour une phénoménologie et
philosophie phénoménologique pures, Paris, Gallimard, 2013,
p.3.
* 28 Ibid., p.5.
* 29 Ibid., p.7.
* 30 MERLEAU-PONTY M.,
Phénoménologie de la perception, Paris, La librairie
Gallimard, 1945, p.9.
* 31 HUSSERL E., op.
cit., pp.98-99
* 32 Ibid., p.102
* 33 Ibid., p.187
* 34 HUSSERL E.,
Méditations cartésiennes. Introduction à la
phénoménologie, Paris, Vrin, 1992
* 35 DESCARTES R., Discours
de la méthode, quatrième partie, Paris, Gallimard, 1953,
pp.147-148.
* 36 HUSSERL E., op.
cit. p.2.
* 37 HUSSERL E.,
Idée directrices pour une phénoménologie et
philosophie phénoménologique pures. P.283.
* 38 SARTRE J-P cité par
COOREBYTER V., SARTRE La transcendance de l'Ego et autres textes
phénoménologiques, Paris, LIBRAIRIE PHILOSOPHIQUE J.VRIN,
2003, p.89.
* 39 HUSSERL E.,
Idée directrices pour une phénoménologie et
philosophie phénoménologique pures. P.93.
* 40 DOUGUELI G.,
« Gabon : le poison xénophobe »,
Jeune Afrique (en ligne), N°2851, 1 septembre 2015,
http://www.jeuneafrique.com/mag/260602/societe/gabon-le-poison-xenophobie/,
(consulté le 22 aout 2016).
* 41 MESSI ME NANG C.,
« Tribune libre : Quid de la xénophobie des
Gabonais ? », Gabonreview (en ligne), Vendredi 22 Juillet
2016,
http://gabonreview./bolg/tribune-libre-quid-de-xenophobie-gabonais/,
(consulté 22 Août 2016).
* 42 MOUGUIAMA-DAOUDA P.,
cité par Que Dit La Loi « Sur la postface
« Discours sur la Xénophobie » : le Gabon et
ses « étrangers » », Que Dit La
Loi (en ligne), 22 Juillet 2015,
http://www.queditlaloi241.com/sur-la-postface-sur-la-xenophobie-le-gabon-et-ses-etrangers/
, (consulté le 22 Août 2016).
* 43 JONH-NAMBO J.,
« Tribune : Du tribalisme au Gabon »,
KOACI.COM (en ligne),
http://koaci.com/m/tribune-tribalisme-gabon-22592-i.html
(consulté le 25 Aout 2015).
* 44HUSSERL E., Sur
l'intersubjectivité, tome II, p. 123-125, [Hua XIV, n°21, p.
402]
* 45 CHARTIER E., propos
II, 22 décembre 1910, pléiade. P.193.
* 46 YANGMING W. cité et
traduit par CHENG A., « Chuanxi lu I », in Wang
Yangming quanji, Histoire de la pensée chinoise, Edition du Seuil, 1997,
p.6.
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