REPUBLIQUE DEMOCRATIQUE DU CONGO ENSEIGNEMENT SUPERIEUR ET
UNIVERSITAIRE UNIVERSITE DE KISANGANI
B.P 2012 KISANGANI
INFERTILITE DU COUPLE : ETUDE EPIDEMIO- CLINIQUE ET
EVALUATION DE LA PRISE EN CHARGE A KISANGANI
Par
Bruce WEMBULUA SHINGA
Travail présenté en vue de l'obtention du grade
de Docteur en médecine chirurgie et accouchement.
Directeur: Pr Dr KATENGA BOSUNGA
Encadreur : Ass. Dr Mike MAINDO
ANNEE ACADEMIQUE 2011/ 2012
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INTRODUCTION
Problématique
L'infertilité est définie comme
l'impossibilité d'obtenir une grossesse au bout de 12 mois ou plus de
rapports sexuels réguliers, non protégés et par un couple
en âge de procréer. (L. J. Heffner, 2003 ; E. Soto et A. B.
Copperman 2011 ; Nana et al, 2011).
Depuis toujours, les hommes ont été
confrontés aux problèmes de reproduction. Toutefois, la demande
des couples et les possibilités thérapeutiques offertes n'ont
fait que s'accroître au fil du temps.
Actuellement, dans les sociétés de plus
en plus industrialisées, l'absence de démarrage de la grossesse
désirée s'accompagne d'un profond impact psychologique et
émotionnel au sein du couple et dans la société. Frappant
comme la mort, elle provoque une rupture existentielle et symbolique. (David et
Revidi 2000 ; Errol et Schorge, 2001 ; Couet, 1999).
En Afrique plus que dans le monde civilisé, le
mariage demeure une règle quasi universelle. Pour les femmes, comme pour
les hommes, la maturité sociale passe nécessairement par le
mariage et la constitution d'une descendance qui est une richesse, une garantie
pour la vieillesse.
Qu'elle soit d'origine masculine, féminine ou
mixte, l'infertilité inflige à chaque sexe la même
souffrance.
Pour l'homme, elle signifie souvent atteinte de sa
virilité et de sa puissance sexuelle. Elle est lourde à porter
dans notre culture, d'autant plus que le père transmet son
nom.
Pour la femme par contre, elle signifie plus
impossibilité de grossesse qu'absence de lien génétique.
La grossesse lui confère, en effet, le statut social et fantasmatique de
femme et de mère, d'où un sentiment d'échec personnel et
social si elle est impossible (échec dans son identité
féminine).
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Pour le couple l'absence d'enfant après une
période est souvent la source d'infidélité et de divorce
sans parler des conflits familiaux. (David et Revidi 2000 ; Adjamagbo et
Antoine, 2004 ; Dyer cité par Mubikayi 2010 ; Nana et al, 2011).
Quoi que les causes de ce problème soient nombreuses,
signalons néanmoins qu'a l'issue d'une enquête étiologique
minutieuse, aucune cause n'est découverte pour 2 à 3% des cas.
Elle est purement d'origine masculine pour 40% des cas, féminine dans
40%, et mixte dans 20% des cas. (The gale encyclopedia of medicine, 2006).
Contrairement aux anciennes considérations où
seule la femme était responsable de l'infertilité au sein du
couple, la part de l'homme est dès lors prouvée. Plusieurs
études à travers les âges (Mauvais J. et al. 1986 ; Errol
et Schorge, 2001 ; Keith, 2007 ; Poncelet et Sifer, 2011.), quoi qu'à
des proportions variées, admettent pour significative la
responsabilité de l'homme. La plus récente des études en
la matière chez nous à Kisangani est celle de Juakali qui a
porté sur l'analyse du spermogramme et de la spermoculture de 168 sujets
ayant consulté pour désir de procréation. Cette
étude a révélé que 57,5% de ces sujets avait un
spermogramme pathologique (Juakali, 2005).
Outre son impacte psychosocial, l'infertilité s'inscrit
à l'échelle mondiale comme un problème de santé
publique de par sa fréquence et son ampleur. Environ 48.5 à 72.4
millions (7- 9%) des couples dans le monde ont un problème non
résolu de fertilité. (Boivin et al. 2006 ; Maya et al, 2012). Aux
Etats unis et en Europe occidentale, ce problème concerne environ 10
à 15% des couples mariés (L. J. Heffner, 2003).
Une récente étude danoise montre que 17% des
femmes travaillant en secteur tertiaire n'ont pas d'enfants à 35 ans. Il
semble donc de plus en plus difficile de savoir si cette «
épidémie d'infertilité » est due plus à des
facteurs sociaux ou
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biologiques, d'autant plus que l'âge est un facteur
très influant dans la fertilité du couple (Olivennes et al, 2006;
Errol et Schorge, 2001; The gale encyclopedia of medicine, 2006 ; Zoron et
Savale, 2005).
En Afrique, plus particulièrement à la
région subsaharienne, le taux d'infertilité est globalement
élevé avec des variations d'une région à une autre.
(Larsen et al, 2009). Il est de 20/30% au Cameroun (P.N. Nana et al, 2011),
30,3% au Nigéria (Olatunji et al, 2003).
En République démocratique du Congo (RDC), les
quelques études faites tant sur la stérilité masculine que
féminine prouvent l'importance du problème. C'est le cas de celle
réalisée à l'institut médical chrétien du
Kasaï de 2004 à 2007, qui a révélée d'une
part, une prévalence de 11% et d'autre part, la responsabilité
partagée entre l'homme et la femme (34,6% vs 21,4%) (Mubikayi et al,
2010).
A cette ère d'avancée de la technologie
biomédicale, l'arrivée des techniques de fécondation
in vitro (FIV), de congélation
embryonnaire et du don d'ovocytes, a fait évoluer le regard de la
société sur la stérilité du couple qui n'est plus
une fatalité mais devient une pathologie accessible à traitement
médical. (Poncelet et Sifer, 2011). Ces nouvelles techniques, non
seulement qu'elles sont quasi inaccessibles voire inexistantes dans les pays en
voie de développement vu leur coût, elles suscitent en outre des
sérieuses questions d'éthique dont l'ampleur peut être
déduite de la citation reprise ci/dessous, dite de l'insémination
artificielle :
C'est un acte difficile à vivre car d'un acte intime,
naturel, porteur d'un message d'amour, il se transforme en acte médical
vécu en laboratoire (...) Pour l'homme, cela l'oblige à une
éjaculation sur commande ce qui nécessite une masturbation en
laboratoire le jour de l'ovulation de sa conjointe. (Paycheng, 1999).
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L'infertilité est donc considérée
comme un véritable fléau, une vrai calamité, un
problème de santé publique dont la gravité dépend
de la culture (Chenge, 2004 ; J. Ikechibulu et al., 2003).
Dans ce contexte épidémiologique et au
sein d'une ville où d'une part une portion importante de la population
masculine a pour métier ceux exposant les testicules à une
permanente hausse de température (Toleka, Taxi moto, chauffeurs de
voiture, boulanger,...) et où, d'autre part, l'avortement clandestin et
les maladies sexuellement transmissibles demeurent fréquents : tous
facteurs favorisant l'infertilité (Juakali 2005, Labama, 2005 ; R. Andy,
2009), nous avons jugé utile d'y mener une étude analytique et
multicentrique au sein de 4 différentes formations médicales
à savoir : les Cliniques universitaires de Kisangani, la Polyclinique
Evangélique de Kisangani (PEKIS), la Polyclinique du Canon et le centre
de santé Gloria. Cette étude qui s'étale sur une
période de 2 ans (du 1er Mars 2010 au 1er Mars 2012) devrait
préciser :
v La prévalence ainsi que les facteurs
favorisants de l'infertilité,
v Les étiologies les plus
fréquentes,
v Les moyens diagnostiques disponibles.
Objectifs.
Objectif général :
L'objectif global de notre étude est de
fournir au clinicien gynécologue un bilan de son travail quotidien dans
le domaine de la stérilité. Lui exposer par nos résultats
les défis actuels à relever dans les conditions que sont les
nôtres de manière à recadrer dans la mesure du possible les
démarches diagnostiques et thérapeutiques de l'infertilité
conjugale au bénéfice des couples accablés.
Objectifs spécifiques :
La présente étude se propose plus
spécifiquement de:
v Déterminer la prévalence de
l'infertilité du couple dans la ville de Kisangani.
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v Préciser les facteurs de risque ainsi que
les différentes étiologies spécifiques aux types
d'infertilité.
v Identifier les investigations les plus
demandées et réalisées ainsi que les issus du
traitement.
v Déterminer les responsabilités entre
partenaires.
Hypothèses
v Le taux de fécondité étant
évalué à 6,3 en RDC (Unicef, 2010), la prévalence
de l'infertilité serait donc faible avec prédominance de
l'infertilité secondaire.
v Les avortements avec manoeuvres
endo-utérines et les IST seraient des principaux facteurs favorisants de
l'infertilité secondaire ; le niveau d'étude universitaire et
l'âge avancé de la femme pour l'infertilité
primaire.
v Les pathologies tubaires et utérines
constitueraient les principales causes de l'infertilité
féminine.
v La responsabilité serait partagée
entre les deux conjoints avec prédominance de l'implication de l'homme
sur celle de la femme.
v La proportion de réalisation des
investigations serait basse vue leur coût ; ce qui influencerait
négativement les résultats escomptés.
Intérêt du sujet
Ce présent travail s'étant
ajouté parmi les rares études menées dans ce cadre dans
notre milieu, permettra de clarifier la situation actuelle de
l'infertilité du couple dans la ville de Kisangani en constituant une
base des données variées. Cette dernière sera de grande
utilité tant pour les cliniciens que pour les chercheurs en vue d'une
appréhension concrète du problème et d'une prise en charge
totale et concise des couples infertiles.
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En outre, la connaissance des facteurs favorisants que
fournira cette étude permettra la mise en train des mesures
prophylactiques efficaces capable d'endiguer les conséquences au sein de
la société.
Subdivision du travail
Hormis l'introduction, ce travail comporte quatre chapitres :
+ Le premier est consacré aux notions
générales.
+ Le deuxième concerne l'approche
méthodologique.
+ Le troisième chapitre présente les
résultats, et
+ Le quatrième chapitre a pour objet la discussion des
résultats.
+ Une conclusion et quelques recommandations mettront un terme
à ce
travail.
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