UNIVERSITE GRENOBLE ALPES
FACULTÉ D'ÉCONOMIE
Master « EIE » (Études
Internationales et Européennes) Spécialité « GODI
»
(Gouvernance des Organisations
pour le Développement International)
Parcours recherche
MÉMOIRE DE RECHERCHE
THEME :
POLITIQUE MONETAIRE, CREDIT ET CROISSANCE EN
INDE
BANGA Josué
Enseignant responsable : Redouane Taouil
Juin 2016
II
AVERTISSEMENT
La Faculté d'économie de
l'Université Grenoble Alpes n'entend donner aucune approbation ni
improbation aux opinions émises dans les mémoires des
candidats au Master ; ces opinions doivent être considérées
comme propres à leur auteur.
Le mémoire est un essai d'application des
méthodes et outils acquis au cours de la formation.
Il ne saurait donc être
considéré comme un travail achevé auquel la
Faculté conférerait un label de qualité qui
l'engagerait.
Ce travail est considéré a priori
comme un document confidentiel qui ne saurait être diffusé
qu'avec le double accord de son auteur et de l'organisme de stage.
III
REMERCIEMENTS
Ce travail de recherche a été effectué
à la faculté d'économie de l'Université Grenoble
Alpes (UGA) pour l'obtention du Master 2 « Etudes Internationales et
Européennes », spécialité « Gouvernance des
Organisations pour le Développement International (GODI) »,
parcours recherche. Sa réalisation a été rendue possible
grâce à des personnes ressources qui, malgré leurs agendas
parfois très chargés, ont bien voulu accorder une attention
particulière à notre sujet de recherche. Nous souhaiterions
remercier à cet effet, le Professeur Redouane TAOUIL, notre directeur de
mémoire, pour ses conseils et ses remarques constructives sans lesquels
ce travail n'aurait pas pu aboutir.
Nos remerciements vont également à Monsieur
Pierre BERTHAUD, responsable du Master GODI, pour son séminaire «
Economie politique de l'intégration internationale et du
développement » qui nous a initié à la recherche
scientifique. A l'ensemble du corps professoral de la faculté
d'économie de Grenoble, nous exprimons notre profonde gratitude. En fin,
nous voudrions remercier notre amie Philippine OREFICE, étudiante
à Sciences Po Lyon, pour sa relecture et ses corrections du document.
Que chacun trouve ici l'expression de notre reconnaissance.
IV
LISTE DES SIGLES ET ACRONYMES
BIT : Bureau International du Travail
BM : Banque mondiale
BRI : Bank for International Settlements
BRICS : Brésil, Russie, Inde, Chine, Afrique du Sud
CAE : Conseil d'Analyse Economique
CC : Commodities and Credit
CPI : Consumer Price Index
CRR : Cash Reserve Ratio
DTS : Droits de Tirage Spéciaux
EMs : Emerging Markets
FMI : Fonds monétaire international
GODI : Gouvernance des Organisations pour le Développement
International
IDH : Indice de Développement Humain
IT : Inflation Targeting
LAF : Liquidity Ajustment Facility
MSF : Marginal Standing Facility
ODD : Objectifs du Développement Durable
PIB : Produit Intérieur Brut
PME : Petites et Moyennes Entreprises
PMI : Petites et Moyennes Industries
PNUD : Programme des Nations Unies pour le
Développement
RBI : Reserve Bank of India
SLR : Statutory Liquidity Ratio
SSI : Small Scale Industry
TIC : Technologie de l'Information et de la Communication
UGA : Université Grenoble Alpes WPI : Wholesale Price
Index
V
SOMMAIRE
AVERTISSEMENT ii
REMERCIEMENTS iii
LISTE DES SIGLES ET ACRONYMES iv
SOMMAIRE v
LISTE DES ILLUSTRATIONS v
LISTE DES TABLEAUX v
INTRODUCTION GENERALE 6
CHAPITRE I : LES FONDEMENTS DE LA POLITIQUE MONETAIRE INDIENNE
12
I. CADRE GENERALE 12
II. INTERACTION ENTRE LA POLITIQUE MONETAIRE ET LE SECTEUR
BANCAIRE
INDIEN 23
CHAPITRE II : POLITIQUE MONETAIRE ET PERFORMANCES
MACROECONOMIQUES 30
I. EVALUATION DE L'IMPACT DE LA POLITIQUE MONETAIRE 30
II. LES DEFIS DES AUTORITES MONETAIRES 42
III. DISCUSSION DES RESULTATS 44
CONCLUSION GENERALE ET RECOMMANDATIONS 46
ANNEXES 48
REFERENCES BIBLIOGRAPHIQUES 49
TABLE DE MATIERES 54
RESUME 56
LISTE DES ILLUSTRATIONS
Figure 1: Evolution de l'inflation annuelle (en %) 17
Figure 2: Composition du secteur bancaire indien 24
Figure 3: Evolution des taux de croissance du PIB et de M3 (en
%) 31
Figure 4: Croissance sectorielle du PIB (en %) 32
Figure 5: Part de l'agriculture dans le PIB (en %) 33
Figure 6: Part du secteur industriel dans le PIB (en %) 35
Figure 7: Part des services dans le PIB (en %) 37
Figure 8: Contribution du crédit domestique au PIB (en
%) 38
Figure 9: Répartition de l'emploi par secteur
d'activité (en %) 40
Figure 10: Evolution de l'IDH 42
Figure 11: Taux d'accès aux services financiers 44
LISTE DES TABLEAUX
Tableau 1: Croissance de la production dans les services (en
%) 35
Tableau 2: Taux de croissance de l'emploi par secteur
d'activité (en %) 40
Tableau 3: Transmission de la politique monétaire par
les taux 48
6
INTRODUCTION GENERALE
« L'économiste a tendance au début,
lorsqu'il travaille sur l'Inde, à utiliser les recettes de ses livres
d'école. Mon expérience en Inde et en Chine, m'a appris qu'il
fallait faire attention et essayer de comprendre les raisonnements locaux, les
croyances collectives, les
instituions », Jean Joseph Boillot in
Chemin A., Gélard J. P. (2010), L'émergence de la
puissance indienne : mythes et réalités, Rennes, Presses
Universitaires de Rennes, p. 218.
L'émergence de l'Inde comme une puissance
économique prend le relai sur son image traditionnellement
associée à une pauvreté de masse. Cataloguée il y a
deux décennies à peine comme l'un des pays les plus pauvres du
monde, longtemps marginalisée sur la chaine internationale, l'Inde
s'affirme aujourd'hui comme une puissance économique brillante et
incontournable avec laquelle il faut désormais composer.
L'accélération de la croissance du PIB constitue sans doute l'un
des traits marquants de son régime de développement
économique. En effet, l'Inde a enregistré au cours de ces trois
dernières décennies une croissance annuelle moyenne
supérieure à 8% et, selon le Fonds monétaire international
elle devrait dépasser la Chine au cours des prochaines années.
Ces performances ont été réalisées, en partie,
grâce à une réforme « mesurée, graduelle,
précautionneuse et progressive » (Mohan, 2013) du secteur
financier et de la politique monétaire.
La politique monétaire constitue en effet, selon
Stiglitz et Greenwald (2005) le moyen le plus efficace par lequel les
décideurs publics peuvent agir sur le niveau de l'activité
économique. Pour Landais (2008), elle est « à la fois
capable de causer un préjudice réel à l'économie
lorsqu'elle ne convient pas et en mesure de lui apporter un
bénéfice appréciable lorsqu'elle est judicieusement
conduite ». Si conformément aux recommandations des
institutions du Consensus de Washington, la plupart des banques centrales des
pays émergents ont adopté des politiques de ciblage d'inflation
en Inde, c'est le pragmatisme qui a longtemps guidé et continue de
guider la mise en oeuvre de la politique monétaire.
Créée le 1er avril 1935, la banque
centrale indienne (Reserve Bank of India) est l'institution
monétaire au coeur de l'émergence actuelle de l'Inde. Ses statuts
stipulent qu'elle a pour but d'assurer une provision adéquate du
crédit aux secteurs productifs de l'économie sans compromettre la
stabilité des prix. Bien que la stabilité des prix soit un
objectif important, la RBI vise aussi le financement de l'économie
à travers sa politique de crédit. Comme le souligne Reddy (2007)
: « dans le cas de l'Inde, l'accroissement de l'output et la
stabilité des prix sont tous deux, des objectifs importants cependant,
selon les circonstances particulières de chaque année la
priorité sera donnée à l'un ou l'autre ».
Décrié par le FMI et clamé par des auteurs
7
8
9
comme Bhattacharya (2006) et Mohan (2008), le pragmatisme des
autorités monétaires indiennes suscite de plus en plus
d'engouement pour les chercheurs.
Malgré la libéralisation économique et
financière progressive entamée par le pays au début des
années 1980, la politique monétaire est restée un puissant
outil de financement de l'économie nationale parfois même au
détriment de l'objectif de stabilité des prix. C'est pourquoi
certains économistes comme Zane (2012) qualifient la RBI de «
banque centrale à l'ancienne » c'est-à-dire une
banque centrale sans un objectif précis d'inflation et toujours
dépendante du gouvernement central. Son indépendance a
été discutée dès sa création en 1935 mais
n'a jamais été respectée par le gouvernement indien
(Rothermund, 1993).
La politique de la RBI est intrinsèquement liée
aux choix du modèle de développement économique du pays
depuis son indépendance en août 1947. En effet, à la fin
des années 1940, la plus grande démocratie au monde a opté
pour un modèle socialiste de développement économique. La
politique monétaire était alors subordonnée à la
politique budgétaire et servait principalement à financer le
déficit de l'Etat par le mécanisme du ratio de liquidité
statutaire (Statutory Liquidity Ratio, SLR). Même si l'ouverture
économique du pays dans le tournant des années 1980 a introduit
des changements importants dans la conduite de la politique monétaire,
les statuts de la banque centrale indienne sont restés les
mêmes.
La place accordée par la RBI au financement de
l'économie est d'autant plus importante que l'Inde fait partie des pays
émergents où le nombre de pauvres reste élevé
malgré une croissance moyenne annuelle qui oscille entre 7% et 8%. Dans
un tel contexte, l'accès des banques aux liquidités de la banque
centrale ainsi que leur activité d'approvisionnement du reste de
l'économie en liquidités permet d'expliquer la dynamique
d'expansion économique (Stiglitz, 2010).
Pour assurer le bon fonctionnement de l'économie
indienne, les banques commerciales, sous le contrôle de la RBI, assurent
le financement des agents économiques opérant dans les secteurs
clés de l'économie nationale. La politique de crédit
constitue à cet effet, une composante essentielle de la politique
monétaire indienne. Grâce à elle, les agents
économiques n'ayant pas accès aux marchés financiers
peuvent développer et financer leurs projets en contractant un
crédit auprès des institutions bancaires. En Inde, ce sont
principalement les PME (petites et moyennes entreprises) et certaines grandes
entreprises n'ayant pas accès au marché qui dépendent du
crédit bancaire domestique pour le financement de leur activité
d'investissement.
C'est au regard de l'importance de la politique
monétaire indienne dans le financement de l'économie nationale,
qu'il est apparu nécessaire d'essayer d'évaluer son impact sur
cette
dernière à travers le thème : «
Politique monétaire, crédit et croissance en Inde
». En effet, il serait injuste de prétendre que les
économistes ont négligé d'examiner les relations entre la
politique monétaire et la croissance économique. Pourtant, force
est de constater selon Landais (2008) qu'il n'existe pas de travail
synthétique dans ce sens. En Inde, les études se sont
focalisées sur l'analyse des canaux de transmission de la politique
monétaire sans véritablement explorer les liens qui existent
entre cette dernière et la croissance économique.
Quels sont les fondements de la politique monétaire
indienne ? Quel a été son impact sur les performances
macroéconomiques de l'Inde entre 1980 et 2014 en termes de croissance
économique, de création d'emplois, de réduction de la
pauvreté et des inégalités ? Quel est l'importance du
crédit bancaire domestique dans le Produit Intérieur Brut (PIB)
indien ? Quels sont les grands défis liés à la gestion de
la politique monétaire dans la période actuelle ?
Bien avant la présentation de l'architecture
générale du mémoire, il s'avère important de
préciser le cadre d'analyse dans lequel s'insère la
présente étude, les objectifs poursuivis, les hypothèses,
la méthodologie utilisée pour collecter et traiter les
données et enfin, les difficultés rencontrées.
L'analyse de l'impact de la politique monétaire sur la
croissance économique via le crédit bancaire, s'appuie
sur les travaux d'économistes néokeynésiens comme Bernanke
et Blinder (1988 ; 1992) qui ont mis en évidence une transmission de la
politique monétaire à l'activité économique via
le canal du crédit bancaire. Les travaux de Stiglitz et Weiss
(1981) sur les asymétries d'information pouvant conduire à un
rationnement du crédit viennent compléter cette proposition
d'analyse.
En effet, les travaux menés par Bernanke et Blinder
(1988, 1992) aux Etats-Unis ont permis de mettre en évidence une
transmission de la politique monétaire par le canal du crédit
bancaire appelé « lending channel ». Ce canal
résulte d'une part, des effets de la politique monétaire sur le
secteur bancaire et d'autre part, du au rationnement d'équilibre du
crédit développé par Stiglitz et Weiss (1981).
Dans le modèle IS/LM traditionnel, les crédits
sont assimilés à des titres financiers, ce qui rend inutile la
prise en compte du marché du crédit. Cependant, Bernanke et
Blinder (1988) ont construit un modèle dans lequel ils intègrent
le crédit et obtiennent un modèle CC (commodities and
crédit) /LM. Dans ce modèle, ce sont les banques qui offrent
plus ou moins les crédits selon les circonstances et qui transmettent
ainsi les impulsions de la politique monétaire (Landais, 2008) ; alors
que dans le modèle traditionnel ce sont les agents économiques
qui s'adressent aux banques pour avoir du crédit. En outre, les sources
de financement ne sont pas substituables dans le cadre de ce modèle de
sorte qu'une politique
monétaire restrictive se traduise par une baisse de
l'offre du crédit bancaire. Ce mécanisme de transmission au
secteur bancaire repose en fait sur le multiplicateur monétaire qui
relie la base monétaire à la masse monétaire, (Drumetz et
Pfister, 2010). Les réserves des banques commerciales auprès de
la banque centrale constituent dans le cadre de cette approche, la cible
privilégiée de la politique monétaire. Les banques
commerciales ne peuvent recevoir des dépôts de leur
clientèle que dans la mesure où elles détiennent
suffisamment de réserves à la banque centrale. Cette contrainte
crée évidemment un lien entre la base monétaire et les
fonds prêtables des banques car elle affecte la quantité de
crédits distribuée par ces dernières. Par exemple, une
politique monétaire restrictive réalisée par une vente de
titres à l'open market, se traduit par une contraction des
réserves des banques commerciales auprès de la banque centrale,
ce qui entraine une réduction de leurs fonds prêtables et donc du
volume de crédits distribués dans l'économie nationale.
Comme par hypothèse il n'y a pas une parfaite substituabilité
entre les différentes sources de financement, les banques auront des
difficultés à émettre de nouveaux titres pour compenser la
contraction de leurs réserves. Cette contrainte les conduit à
réduire leur offre crédit. Les ménages et les entreprises,
en particulier les PME qui ne peuvent se financer sur le marché se
trouvent alors évincés. La conséquence directe de cela est
la baisse de l'activité d'investissement des entreprises suivie d'un
ralentissement de l'activité économique (Barran et al.,
1994). Il s'agit là d'une remise en cause du théorème de
Modigliani-Miller (1958) selon lequel il existe une équivalence entre
les différentes sources de financement pour les entreprises.
Aussi, depuis les travaux de Stiglitz et Weiss (1981), il est
reconnu que les banques commerciales ne sont pas des intermédiaires
passives entre la banque centrale et les utilisateurs finals de la monnaie.
Elles peuvent rationner le crédit selon la qualité des bilans de
leurs clients sans modifier les taux d'intérêts. Il y a en effet
rationnement du crédit lorsqu'un prêt n'est pas accordé
à un demandeur qui en accepte toutes les conditions légales et
financières (Landais, 2008). Plus précisément, une hausse
des taux d'intérêt au-delà d'un certain seuil peut se
traduire par une hausse du nombre d'emprunteurs très risqués.
Dans ces conditions, il vaut mieux rationner le crédit et limiter la
hausse des taux. Ainsi, lorsque le crédit bancaire n'est pas
substituable par d'autres sources de financement- c'est le cas pour les PME
indiennes- le rationnement du crédit amplifie les effets
récessifs d'une politique monétaire restrictive et affecte
davantage la croissance économique. Dans ces deux approches, une
contraction de la masse monétaire (politique monétaire
restrictive) se traduit par une diminution de l'offre de crédit qui
affecte à son tour la croissance économique.
L'objectif principal de la présente recherche consiste
à analyser l'impact de la politique monétaire sur les
performances macroéconomiques de l'Inde. Celle-ci n'étant pas la
seule
variable qui affecte la croissance économique indienne,
il va de soi qu'il est difficile, sans certaines hypothèses
restrictives, d'isoler la contribution spécifique due à celle-ci.
Ainsi, pour des commodités d'analyse il sera supposé
cétéris paribus que la politique monétaire est
l'instrument principal de la politique économique en Inde. Ce n'est
qu'à ce prix qu'on peut l'attribuer la paternité des performances
économiques de l'Inde. Cette hypothèse n'est pas fortuite car
Bhaumik et al. (2011) ont montré que les pays émergents
comme l'Inde font face à des contraintes budgétaires de sorte que
la politique monétaire devient le seul instrument disponible pour les
décideurs publics pour agir sur la croissance.
Plus spécifiquement, cette étude vise à :
(i) explorer les fondements de la politique monétaire indienne, (ii)
analyser les réactions des banques commerciales aux décisions des
autorités monétaires, (iii) évaluer les performances
accomplies par l'économie indienne en termes de croissance
économique, de création d'emplois, de réduction de la
pauvreté et des inégalités et enfin, (iii) identifier les
contraintes qui réduisent l'efficacité de la politique
monétaire.
L'hypothèse principale de l'étude stipule que la
politique monétaire influence significativement la croissance
économique indienne.
Plus concrètement, il s'agira de tester les
hypothèses suivantes : (i) il existe une corrélation
décalée d'une année au moins entre la croissance de la
masse monétaire au sens large (M3)1 et celle du PIB de
l'année courante ; autrement dit, la croissance de la masse
monétaire de l'année courante est positivement
corrélée avec la croissance du PIB de l'année suivante ;
(ii) la part du crédit bancaire domestique dans le PIB augmente
année après année malgré l'accès de
certaines entreprises indiennes aux financement extérieurs grâce
à l'ouverture économique et, (iii) la croissance
économique indienne se traduit par une faible création d'emplois
et une faible de réduction de la pauvreté et des
inégalités. Pour la vérification de ces hypothèses
de départ, il convient de préciser la méthodologie
adoptée.
La présente étude s'intéresse à la
politique monétaire de l'Inde, l'un des pays membres du groupe des BRICS
(Brésil, Russie, Inde, Chine, Afrique du Sud). L'Inde constitue en
effet, un « pays continent » d'Asie du Sud et fait partie aujourd'hui
des pays les plus dynamiques de la planète selon le Fonds
monétaire international. Avec une histoire économique
teintée de socialisme depuis son indépendance, l'Inde se
caractérise par une politique monétaire distincte de la plupart
des autres pays émergents. D'où, la nécessité de
mieux s'en imprégner pour mieux comprendre le dynamisme et les
défis actuels de la plus grande démocratie au monde.
10
1 M3= M2 + divers placements monétaires
avec, M2= M1+ les crédits à court terme, M1= pièces et des
billets circulation + les dépôts bancaires à vue.
11
Cette étude est exclusivement basée sur des
données secondaires. Celles-ci proviennent de plusieurs sources
différentes dont les rapports, les bulletins et les publications
temporaires de la banque centrale indienne ; le rapport 2015 de la Banque
mondiale sur les indicateurs de développement ; du rapport 2015 du PNUD
sur le développement humain ; le rapport du Bureau international du
travail (BIT) ; des ouvrages et des articles de divers auteurs portant sur
l'Inde en générale et sur son économie en particulier. Les
données sont annuelles et couvrent la période allant de 1980
à 2014. Cette délimitation temporelle permettra de voir
l'évolution de certaines variables sur le long terme. Pour ce faire, il
est apparu nécessaire de recourir aux outils statistiques standards tels
que les représentations graphiques et les tabulations. Les
représentations graphiques contenues dans ce mémoire ont
été réalisées par l'auteur grâce au logiciel
Excel à partir des données des sources ci-dessus
mentionnées.
Comme pour toute oeuvre humaine, la réalisation de ce
travail a rencontré quelques difficultés et insuffisances qu'il
convient de préciser. La première grande difficulté tient
à la faible expérience de l'auteur en matière de recherche
scientifique et à sa connaissance encore insuffisante de
l'économie indienne. En outre, n'ayant pas pu collecter des
données primaires sur le terrain, l'étude a été
fondée exclusivement sur des données secondaires qui peuvent
cacher des biais d'estimations des valeurs de certaines variables. Enfin,
l'absence de séries longues pour certaines variables de l'étude a
constitué une contrainte majeure pour notre analyse.
Pour répondre à la question principale de
recherche à savoir : quel est l'impact de la politique monétaire
sur les performances économiques de l'Inde, le mémoire se
décompose en deux grands chapitres. Le premier d'approche
théorique, s'attelle à étudier les fondements de la
politique monétaire indienne. Le deuxième, plus quantitatif,
évalue les performances enregistrées par l'Inde en termes de
croissance économique, de création d'emplois, de réduction
de la pauvreté et des inégalités. Il identifie
également quelques facteurs qui limitent l'efficacité de la
politique monétaire dans l'Inde contemporaine.
CHAPITRE I : LES FONDEMENTS DE LA POLITIQUE MONETAIRE
INDIENNE
L'étude de l'impact de la politique monétaire
sur les performances macroéconomiques de l'Inde nécessite avant
tout de bien comprendre le cadre général dans lequel elle est
mise (I) et la relation qui existe entre celle-ci et le crédit bancaire
(II).
I. CADRE GENERALE
Le préambule des statuts de 1934 de la RBI stipule que
son objectif consiste à la « réglementation de
l'émission des billets et à la détention de
réserves dans le but d'assurer la stabilité monétaire en
Inde et, plus généralement, à faire fonctionner le
système monétaire et de crédit du pays à son
avantage2 » (Reserve Bank Act, 1934, p.11).
L'analyse des fondements de la politique monétaire consistera à
présenter l'évolution de la politique monétaire (1), les
objectifs poursuivis par la RBI (2) et les instruments (3) de sa mise en
oeuvre.
1. Evolution de la politique monétaire depuis la
période pré-réforme
Selon le FMI, la conduite de la politique monétaire
indienne a évolué au cours de ces dernières
décennies en réponse à la libéralisation
économique et financière du pays entamée au début
des années 1990. En effet, le mandat de la Banque centrale indienne a
évolué pour intégrer simultanément plusieurs
objectifs comme le soutien à la croissance, la stabilité des prix
et la stabilité financière. Les actions des autorités
monétaires ont largement été influencées par la
nature des systèmes économiques qui ont marqué l'histoire
du pays.
Pendant la période de planification économique,
la banque centrale avait perdu son indépendance vis-à-vis du
Gouvernement. Elle intervenait alors massivement dans le financement du
déficit public. Comme le souligne Goyal (2014), la première
responsabilité de la RBI à cette époque était de
« trouver les ressources pour financer les dépenses du
gouvernement ». Il y avait une monétisation automatique du
déficit budgétaire (Mohan, 2008) : la RBI accordait au
gouvernement central des crédits de court terme (n'excédant pas
trois mois) pour financer son déficit. La politique monétaire au
cours de cette période était subordonnée à
12
2Traduction de la version anglaise « to regulate
the issue of Bank notes and the keeping of reserves in the view to securing
monetary stability in India and generally to operate the current and credit
system of the country to its advantage » (RBI Act, 1934, p. 11)
la politique budgétaire ; en atteste le ratio du
concours net de la banque centrale au gouvernement qui atteint 92% de ses
crédits en 1980.
Cela n'a rien d'étonnant lorsque l'on sait que cette
période fut également caractérisée par la dominance
des idées keynésiennes qui ont influencé les
décideurs politiques de cette époque. La priorité
était donc accordée aux dépenses publiques, la politique
monétaire apparaissant comme un moyen d'accompagnement du budget de
l'Etat.
Au cours de cette période de pré-réforme,
le secteur financier indien était très fragmenté et
fortement régulé : les taux d'intérêt sur le
marché des titres publics et le crédit étaient
administrés. Le financement du déficit public se faisait alors
par un arrangement institutionnel entre les autorités monétaire
et budgétaire. La banque centrale utilisait le mécanisme du Ratio
de Liquidité Statutaire (Statutory Liquidity Ratio)
-c'est-à-dire la part du passif des banques commerciales investie dans
les titres publics à des taux inférieurs à ceux du
marché - pour apporter son concours au gouvernement.
Plus tard, avec la persistance d'une inflation trop forte, la
stabilité des prix est devenue un objectif important pour la banque
centrale. C'est l'ouverture économique graduelle à partir des
années 1980, qui va modifier de manière importante la conception
et la mise en oeuvre de la politique monétaire. Désormais, la
RBI, pour éviter la dépréciation de la roupie (monnaie
nationale), intervient pour assurer sa convertibilité sur le
marché des changes.
La réforme du secteur financier commence au milieu des
années 1980, mais elle ne connaîtra une accélération
qu'à partir de 1991 suite à la crise des paiements3
qu'a connu le pays. C'est pourquoi Reddy (1999) propose de considérer
l'année 1992 comme celle qui marque la fin de la période
pré-réforme et le début de la période
post-réforme.
La détérioration du déficit public
à partir de 19804, suscite de vives critiques contre les
décideurs politiques (Rangarajan, 1993). Cela conduit le gouvernement et
la RBI à entreprendre des réformes. Entre 1991 et 1993, le pays
est mis sous la tutelle des institutions du Consensus de Washington dont le FMI
qui accorde au gouvernement, un prêt de 1,5 milliards de DTS (droit de
tirage spéciaux) assortit de conditionnalités pour faire face
à la grave crise des paiements que connaissait le pays. Cependant, la
pression des syndicats amène le gouvernement à rejeter dès
1993, le plan de réformes proposé par le FMI et à engager
ses propres reformes de façon graduelle (Drèze et Sen, 2014 ;
Mohan, 2013). La réforme du secteur financier initiée au milieu
des années 1980, a introduit des changements importants dans ce secteur
et conditionné de
13
3 Les causes de cette crise sont essentiellement
l'instabilité politique, la guerre d'Irak au Koweït, et
l'utilisation du budget pour des fins électoralistes, la crise de
confiance des créanciers 4Le concours de la RBI au
gouvernement représente 3/4 de la base monétaire
14
facto, la conduite de la politique
monétaire.
Le comité Chakravarty de 1985 a préconisé
par exemple, la régulation de l'offre de monnaie selon
l'évolution du rapport prix/PIB. Pour atteindre l'objectif
souhaité de l'expansion monétaire, le comité a
également recommandé le contrôle de la base
monétaire. Toutefois, la monétisation automatique du
déficit public rendait difficile l'application de cette proposition.
C'est ainsi que les autorités monétaires se sont rendues compte
de la nécessité de changer l'arrangement institutionnel qui
gouvernait jusque-là la conduite de la politique monétaire et qui
entravait son efficacité. Un accord historique fut signé entre le
gouvernement et la banque centrale au cours de l'année financière
1994-1995. Cet accord entré en vigueur le 1er avril 1997,
prévoyait notamment la suppression du financement automatique du
déficit de l'Etat.
De plus, pour améliorer la liquidité de court
terme, plusieurs mesures nouvelles ont été introduites telles que
les certificats de participation interbancaires (interbank participation
certificates) ; les certificats de dépôts (certificates
of deposits) ; le papier commercial (commercial paper). Ces
réformes structurelles de l'économie conduisent à des
changements importants dans le financement de l'économie par la banque
centrale : les taux d'intérêts jusque-là administrés
et le taux de change deviennent de plus en plus « market-determined
» (FMI, 2015). En 1998, la RBI s'est détachée peu
à peu des instruments directs de sa politique monétaire pour
appliquer des instruments indirects et pour poursuivre plusieurs objectifs
à la fois tels que la croissance, la stabilité des prix et la
stabilité financière.
Toutefois, Zane (2012) et Cottet (2012) soutiennent que
malgré la dérégulation des taux d'intérêts
depuis 1991, le secteur bancaire reste toujours l'un des pans les plus
régulés de l'économie indienne. La RBI est elle-même
toujours sous l'influence des autorités politiques, et continue
d'imposer aux banques commerciales des contraintes en matière de gestion
de leurs portefeuilles. Par exemple, elle décide toujours du pourcentage
minimum que les banques doivent investir dans les obligations d'Etat ou
prêter aux secteurs jugés prioritaires ; elle réglemente
également la politique d'implantation de succursales des banques dans
les différentes régions de l'Etat fédéral. Selon
Boillot (2012) la distribution du crédit en Inde est toujours
dominée par les banques publiques malgré la libéralisation
de ce secteur.
La persistance de l'inflation dans l'économie indienne
jusqu'à la période récente a conduit plusieurs
observateurs à remettre en cause l'efficacité des actions de la
RBI. En particulier, les critiques portent sur le fait que l'utilisation d'un
panel d'objectifs ne fournit pas un ancrage réel pour la politique
monétaire car elle laisse bon nombre d'acteurs du marché dans une
situation incertaine et confuse (Kramer et al., 2008). Il y a donc
d'une part, ceux qui critiquent le fait que la banque centrale indienne accorde
très peu d'importance à l'inflation et de l'autre, ceux qui
15
soutiennent le pragmatisme pratiqué par les
autorités monétaires. Pour mieux comprendre ces critiques, il
convient de détailler les objectifs (2) et les instruments de la RBI
(3).
2. Les objectifs
La Reserve Bank of India est souvent qualifiée
de banque centrale à « l'ancienne » c'est-à-dire une
banque centrale sans un objectif précis d'inflation et toujours
dépendante du gouvernement central. Dans le préambule de ses
statuts de 1934, son objectif principal consiste à orienter les
ressources financières vers les secteurs jugés prioritaires, une
pratique qu'elle a héritée de l'époque de l'Etat dirigiste
(Zane, 2012 ; Boillot, 2014).
Au cours des trois dernières décennies,
plusieurs voix se sont levées pour dire que les banques centrales
devraient avoir un objectif unique : la stabilité des prix. Pour les
défenseurs de cette approche, la politique monétaire n'a aucun
effet sur la croissance de long terme. Par conséquent, les
autorités monétaires devraient se concentrer sur la lutte contre
l'inflation et accorder peu d'importance aux objectifs comme l'emploi et la
croissance (Kramer et al., 2008 ; Patra et Ray, 2010 ; Mohanty, 2011).
Ces auteurs soutiennent que l'objectif unique d'inflation (inflation
targeting, IT) permet aux autorités en charge de la politique
monétaire d'être à l'abri des pressions du gouvernement qui
cherche souvent à atteindre ses intérêts politiques.
Il existe par contre, dans les économies
émergentes comme l'Inde, des arguments qui militent contre
l'instauration des politiques d'inflation targeting par la banque
centrale (Mohan, 2013). D`abord, le dualisme de la structure productive dans
les pays en développement constitue la première raison. En effet,
la production domestique est le plus souvent concentrée seulement dans
quelques secteurs comme c'est le cas en Inde. A cela s'ajoute le faible
développement financier et le faible accès aux capitaux qui
caractérisent la plupart des pays en développement et qui les
rendent vulnérables aux chocs internes et externes. Enfin dans les pays
en développement caractérisés par la répression
financière, les autorités interviennent pour allouer le
crédit aux secteurs prioritaires (Kamin et al., 1998 ; Mohanty
et Turner, 2008). C'est cette philosophie qui semble gouverner la conduite de
la politique monétaire en Inde. La spécificité de
l'économie indienne et les caractéristiques sociales du pays
imposent d'avoir plusieurs objectifs à la fois. C'est pourquoi la
mission de la RBI consiste à assurer une provision adéquate du
crédit aux secteurs productifs de l'économie sans compromettre la
stabilité des prix
Les trois principaux objectifs de la politique
monétaire indienne sont : (i) le soutien à la croissance en
garantissant une distribution adéquate du crédit aux secteurs
productifs, (ii) la stabilité des prix et, (iii) la stabilité
financière.
A. Le soutien à la croissance
Il s'agit de l'un des objectifs les plus importants de la
Banque centrale indienne dans la période pré-réforme et
même dans la période contemporaine. L'objectif de la RBI consiste
à soutenir la croissance en fournissant adéquatement le
crédit aux secteurs jugés prioritaires sans créer trop
d'inflation. Grâce aux multiples instruments dont elle dispose, la RBI
peut décider de la quantité et de l'affectation du crédit
distribué par le secteur bancaire pour stimuler ou freiner
l'activité économique.
De façon pragmatique, les autorités
monétaires accordent la priorité tantôt à la
croissance, tantôt à l'inflation selon la situation dans laquelle
se trouve l'économie nationale. Par exemple, pendant la crise de 2009,
la RBI a baissé son taux directeur pour soutenir la croissance
malgré une inflation à deux chiffres, estimée à
10,87%. Ainsi, pour Mohan (2008), c'est à l'action de la Banque centrale
que l'Inde doit sa capacité à absorber la crise mondiale de
2008.
B. La stabilité des prix
L'inflation en Inde a longtemps été
mesurée par l'Indice des Prix de Gros (Wholesale Price Index,
WPI). Cela s'explique par le fait qu'il n'existait pas d'indice
agrégé des prix de consommation (IPC) au niveau national. Mais
récemment, les autorités monétaires ont
décidé de fondé le calcul de l'inflation sur l'IPC qui
reflète le pouvoir d'achat réel des ménages. La banque
centrale intervient pour accroître ou réduire l'offre de monnaie
afin de maintenir la stabilité des prix, devenue sa priorité
depuis le début des réformes de 1990 (RBI, 2004). L'objectif des
autorités monétaires au lendemain des réformes consistait
à trouver le juste équilibre entre la stabilité des prix
et l'objectif de soutien à la croissance.
Mais force est de constater que malgré l'intervention
de la RBI, l'inflation demeure l'un des plus gros problèmes de
l'économie indienne comme l'illustre le graphique ci-dessous. Entre 1980
jusqu'à la fin des années 19905, l'inflation a connu
une forte fluctuation et a atteint son niveau le plus bas en 1989 (soit 3,26%)
contre 1991 pour son niveau le plus élevé (environ 14%). Entre
1999 et 2005, l'inflation a été maitrisée au tour de 4%.
La reprise de l'inflation entre 2008 et 2010, montre que l'Inde a
été plus ou moins résiliente face à la crise
financière.
16
5 Il convient de préciser qu'avant la
réforme du secteur financier et de la politique monétaire,
l'inflation était essentiellement due à fluctuations du prix des
matières premières et des mauvaises saisons agricoles qui
causaient une flambée des prix.
17
Figure 1: Evolution de l'inflation annuelle (en %)
16
14
12
10
4
8
6
0
2
1980 1982 1984 1986 1988 1990 1992 1994 1996 1998 2000
2002 2004 2006 2008 2010 2012 2014
Source : Fait par nos propres soins avec les données de la
Banque mondiale
Au regard des fortes fluctuations de l'inflation, la RBI est
à tort ou à raison accusée de ne pas lui accorder une
grande importance. Dans la moitié des années 2000, plusieurs
études ont recommandé la mise en place des politiques flexibles
de ciblage de l'inflation. En 2009, à la demande de la commission du
plan, la commission chargée des reformes du secteur financier a
recommandé dans son rapport que la RBI accorde une priorité
à la lutte contre l'inflation en adoptant des politiques de ciblage de
l'inflation. Kramer et al. (2008) estiment que le ciblage de
l'inflation est mieux adapté pour assurer la stabilité
monétaire contrairement à la politique monétaire
discrétionnaire pratiquée par la RBI qui perturbe les
anticipations du marché et donne lieu à des prévisions
inutilement fortes en matière d'inflation. Mohanty (2011) estime
même qu'au-delà de 4 à 5,5%, l'inflation réduit la
croissance du PIB indien.
Toutefois, les opinions divergent sur le bien-fondé
d'une telle proposition. Des auteurs comme Bhattacharya (2006) et Mohan (2008),
Mohan (2013), vantent les mérités du pragmatisme de la RBI tout
en soutenant que l'objectif unique d'inflation n'est ni souhaitable ni
réalisable dans le cas de l'Inde. Pour eux, une politique de ciblage de
l'inflation n'est adaptée que pour les économies où les
marchés financiers sont efficients avec peu de distorsions sur les taux
d'intérêt ; ce qui n'est pas le cas en Inde.
Il convient de préciser néanmoins que depuis
février 2015, après plus de deux décennies d'une conduite
pragmatique de la politique monétaire, le Gouverneur de la RBI, Raghuram
Rajan et le Premier Ministre Modi, ont signé un accord qui
prévoit que les autorités monétaires adoptent une
politique de ciblage d'inflation à court terme. Dans cet accord, la
priorité pour la banque centrale consiste désormais à
assurer « la stabilité des prix tout en ne perdant pas
de
vue l'objectif de croissance » (RBI,
2015).6 La cible d'inflation pour l'année financière
20162017 est fixée à 4% avec une marge de fluctuation de plus ou
moins deux pour cent (#177;2%).
C. La stabilité financière.
La stabilité financière est importante pour
harmoniser la transmission de la politique monétaire. Le
déclenchement de la crise financière de 2008 a suscité de
nombreuses interrogations sur le fonctionnement du système bancaire et
créée une volonté politique pour mieux réguler ce
dernier (CAE, 2012). L'expérience de cette crise montre que les pertes
subies par le secteur bancaire suite à une expansion trop forte du
crédit peuvent être lourdes. Selon la Banque Internationale des
Règlements (BRI), ces pertes déstabilisent le secteur bancaire et
entraînent une contraction de l'activité économique
laquelle, à son tour nuit à l'activité bancaire.
L'ouverture économique et financière et la
concurrence de plus en plus accrue dans le secteur bancaire indien avec le
risque de crise systémique, ont conduit la RBI à
considérer la stabilité financière comme un objectif
primordial (Mohan, 2008). Le but de la banque centrale, prêteur en
dernier ressort, est de développer un système financier robuste,
efficient et diversifié en vue d'asseoir une stabilité
financière et de faciliter la transmission de la politique
monétaire. C'est pourquoi elle impose aux banques le respect des
règles prudentielles de Bâle III en matière de
stabilité financière. Ces règles incluent entre autres
l'amélioration de la qualité des fonds propres ; une meilleure
prise en compte du risque de marché dans la pondération des
actifs ; l'imposition d'une surcharge à certains établissements
financiers en vue de limiter les phénomènes de contagion des
déséquilibres, etc. Toutefois, ce durcissement de la
réglementation à l'égard des banques pourrait à
terme, conduire à une hausse du coût du crédit et à
son rationnement.
L'ensemble de ces objectifs sont réalisés
grâce à un « cadre opérationnel » composé
d'un ensemble d'instruments qu'il convient à présent
d'analyser.
3. Les instruments
Les divers instruments de la RBI peuvent être
divisés en deux grandes catégories : les instruments quantitatifs
et les instruments qualitatifs. Ces instruments permettent à
l'institution monétaire de gérer la liquidité et la
distribution du crédit dans le court, moyen et long terme.
18
6 Voir RBI (2015), Agreement on Monetary Policy
Framework, February, New Dehli.
19
A. Les instruments quantitatifs
Parmi les instruments quantitatifs de la banque centrale
indienne, les principaux sont : (i) les opérations
d'open-market, (ii) les facilités d'ajustement de
liquidité (Liquidity Ajustment Facility), (iii) les
facilités permanentes, (iv) le ratio de liquidités statutaire
(Statutory Liquidity Ratio), (v) le taux d'escompte (bank
rate), (vi) le taux de réserve obligatoire, (vii) le plafonnement
du crédit.
Les opérations d'open-market se rapportent
à l'achat et la vente de titres publics par la banque centrale sur le
marché secondaire. Bien que le marché des titres publics soit
faiblement développé en Inde, ces opérations jouent un
rôle important dans la conduite de la politique monétaire.
Effectuées aux conditions du marché, elles permettent de piloter
les taux d'intérêt de court terme, de gérer la
liquidité bancaire et d'envoyer un signal au marché sur
l'orientation de la politique monétaire.
Dans le cas de l'Inde, elles sont plutôt
utilisées pour réguler la liquidité de l'économie
sur le long terme. Ainsi, lorsqu'il y a un excès de liquidités
dans l'économie, la RBI vend des titres, ce qui conduit à une
contraction de la masse monétaire et du crédit et par
conséquent, le ralentissement de l'activité économique. De
même, lorsque la monnaie se fait rare dans l'économie les
autorités monétaires interviennent en achetant des titres publics
sur le marché secondaire. Cela se traduit in fine par une
expansion monétaire, une hausse des dépôts bancaires et une
expansion du crédit. Les débordements de la politique
monétaire (excès ou insuffisance de la quantité de
monnaie) constatés sont gérés par des mécanismes de
facilité d'ajustement de liquidité.
En effet, la facilité d'ajustement de liquidité
(Liquidity Ajustment Facility) est la première arme
utilisée par la banque centrale indienne pour d'une part absorber
(compenser) les excès (insuffisances) de liquidités
constaté(es) suite à une politique monétaire
expansionniste (restrictive) et d'autre part, pour envoyer les signaux de ses
actions sur les taux d'intérêt du marché. Elle a
été introduite pour la première fois en juin 2000.
A la faveur de la révision générale des
instruments de la politique monétaire intervenues en 2001 et 2004, il a
été recommandé que le soutien de la banque centrale au
marché passe par la facilité d'ajustement de liquidité
(FAL). Celle-ci comporte deux composantes principales : le repo rate
et le reverse repo rate. Le premier permet d'injecter de la
liquidité dans l'économie en cas d'insuffisance tandis que le
second permet d'en retirer lorsqu'il y a en excès. Il s'agit des
mécanismes de correction des débordements de la politique
monétaire.
20
En effet, le repo rate est le taux auquel les banques
empruntent auprès de la banque centrale pour répondre aux besoins
de trésorerie (court terme). Elles y apportent des titres publics comme
garantie. Entre mai 2011 et décembre 2014, ce taux a fluctué
entre 7% et 8%.
Quant au reverse repo rate (taux de prise en
pension), c'est le taux auquel la banque centrale indienne emprunte de l'argent
aux banques commerciales en leur prêtant de titres. En décembre
2014, ce taux s'élevait à 7%. Le reverse repo rate et
le repo rate sont liés : le premier est inférieur de 1%
(soit 100 points de base) au deuxième. Toutes les banques commerciales
indiennes exceptée la Regional Rural Bank sont
concernées par ces deux instruments. Ils sont actionnés par
la RBI pendant les jours ouvrables de la semaine.
D'autres mécanismes quantitatifs tels que les
facilités permanentes (Marginal Standing Facility) ont
été rendus publics par la RBI en mai 2011.
Cette Marginal Standing Facility (MSF) constitue en
quelque sorte une nouvelle Liquidity Ajustement Facility (LAF) et a
été mise en place par la RBI pour la conduite de sa politique de
crédit. Il s'agit d'un taux auquel les banques commerciales peuvent
emprunter au jour-le-jour auprès de la banque centrale contre des titres
publics approuvés.
Elle se distingue de la LAF, en ce qu'elle permet aux banques
d'emprunter auprès de la RBI seulement dans les situations d'urgence,
c'est-à-dire lorsque la liquidité interbancaire s'assèche
complètement ou lorsqu'il y a une forte volatilité des taux
d'intérêts journaliers. Pour freiner cette volatilité, la
RBI autorise les banques commerciales à mettre en gage des titres
publics pour bénéficier davantage de liquidités par le
mécanisme de la MSF mais à un taux d'intérêt
supérieur de cent points de base au repo rate. Il existe en
effet, une relation entre la MSF, le repo rate et le reverse repo
rate.
Le Repo rate est un taux symétrique entre
Reverse repo rate- inférieur de 100 points de base-et le taux
d'intérêt de la MSF qui est supérieur de 100 points de base
au repo rate. Cela veut dire que la différence entre le
Reverse repo rate et la Marginal standing Facility
est de deux cent (200) points de base. Formellement, lorsque le Repo rate
est de x%, le Reverse repo rate vaut (x -1) % alors que le taux
de la MSF est donné par (x+1) %.
La MSF vise donc à contenir la volatilité
journalière du taux d'intérêt interbancaire. Sous cet
instrument, les banques sont autorisées à emprunter auprès
de la banque centrale indienne jusqu'à un pour cent (1%) de leurs
dépôts à vue et à terme.
L'un des instruments quantitatifs les plus anciens de la RBI
est le ratio de liquidité statutaire (Statutory Liuididty Ratio).
Il a servi au financement monétaire du déficit public
pendant la période pré-réforme. Par ce mécanisme,
les banques et les autres institutions financières sont tenues de
conserver une partie du total de leur passifs et engagements sous
21
forme d'actifs liquides (titres publics, métaux
précieux, etc.) auprès de la banque centrale. Le rapport entre
ces actifs et le total du passif de la banque est appelé le ratio de
liquidité statutaire (Statutory Liquidity Ratio). Il s'agit du
montant des actifs liquides hors dépôts que les banques doivent
conserver sous formes de réserves, rapporté au total des
dépôts à vue et à terme.
Il doit être déterminé chaque jour
à la fermeture de comptes. Lorsque les banques échouent à
respecter ce ratio, elles sont pénalisées par la banque centrale
qui leur fait payer un intérêt pour leur manquement. Au
début des années 1980, ce ratio était très
élevé et à même atteint même le pic de 38,5%
en 1990. A la suite des recommandations du premier comité Narasimham sur
la politique monétaire, les autorités ont abaissé ce ratio
pour le ramener à 25% et depuis février 2015 il est de 21,5%.
En outre, le taux d'escompte (Bank rate), est le taux
auquel la RBI fournit de la liquidité à l'ensemble du
système financier (banques commerciales, banques de
développement, banques coopératives etc.). Cette liquidité
peut être prêtée de façon directe aux banques et aux
autres institutions financières ou indirectement à travers un
mécanisme de réescompte par lequel la RBI achète les
titres de créance des banques et les bons du Trésor. Lorsque le
taux d'escompte augmente, le coût de l'emprunt des banques commerciales
auprès de la banque centrale augmente aussi, conduisant ainsi à
une baisse du volume de crédit et partant de la quantité de
monnaie en circulation dans l'économie. A l'inverse, lorsque la banque
centrale abaisse ce taux, les banques empruntent à moindre coût et
peuvent par conséquent augmenter leurs prêts aux agents
économiques.
La grande différence entre le Bank rate et
le Repo rate est que le premier est un instrument de gouvernance de la
politique monétaire dans le long terme tandis que le deuxième
vise à contrôler la quantité de monnaie sur le
marché à court terme. Le taux d'escompte était de 8,50% en
mars 2015 contre 10% dans les années 1980.
L'autre instrument permettant de réguler l'offre de
crédit des banques commerciales est le taux de resserve obligatoire ou
Cash Reserve Ratio. Ce taux n'est rien d'autres que le ratio de fonds
propres rapportés au volume de crédits. C'est un instrument que
la RBI utilise pour assurer la stabilité financière et
contrôler l'offre de crédit des banques commerciales. Entre 1992
et 1997, il a été réduit de 15% à 10% et valait 4%
en mars 2015 contre 5% en 2004. Il fait également partie des anciens
instruments de la RBI et reste toujours utilisé dans les situations qui
requièrent une forte mobilisation de la politique monétaire
(excès de liquidité par exemple) ou dans des situations où
tous les autres instruments ont été utilisés.
Enfin, la RBI peut aussi décider de plafonner le volume
de crédit accordé aux banques commerciales. A travers le
mécanisme de plafonnement du crédit, la banque centrale
informe
22
les banques commerciales des limites de crédit qu'elles
pourront obtenir auprès d'elle. Ainsi, en plafonnant le crédit,
la RBI conduit les banques commerciales à réduire leur offre de
crédit au public. Elle peut aussi décider de l'orientation du
crédit bancaire vers des secteurs spécifiques jugés
prioritaires par les autorités politiques comme cela est inscrit dans
ses statuts. En Inde, ces secteurs concernent notamment l'agriculture,
l'industrie et les services.
Au-delà des instruments quantitatifs, la banque
centrale indienne peut également faire recours à des instruments
qualitatifs.
B. Les instruments qualitatifs
Parmi les instruments qualitatifs de la politique
monétaire indienne, on peut citer : (i) les exigences de marge, (ii) la
régulation ou le contrôle du crédit à la
consommation, (iii) les directives (guidelines), (iv) la persuasion
morale et, (v) l'action directe.
Les exigences de marge se réfèrent à la
différence entre la valeur des titres mis en garantie et le montant
emprunté par les agents économiques. Autrement dit, c'est le
pourcentage de la valeur des actifs qui doit être placé comme
garantie pour un emprunt donné. Ce pourcentage est
déterminé par la Banque centrale indienne qui le fait varier pour
influer sur la distribution du crédit par les banques commerciales.
En outre, la RBI peut également procéder à
un contrôle sélectif du crédit. A travers ce
mécanisme, la RBI impose des règles et des normes concernant le
montant et l'échéance des crédits destinés à
la consommation. A ces instruments les directives, la persuasion morale et
l'intervention directe.
Par le mécanisme des directives, la banque centrale
indienne peut donner des lignes de conduite aux banques commerciales à
travers des déclarations écrites ou orales ou encore des
avertissements. Ces directives revêtent un caractère normatif et
visent à donner aux banques l'orientation de la politique
monétaire souhaitée par l'autorité monétaire.
Quant à la persuasion morale, elle consiste pour la
banque centrale à demander aux banques commerciales de prendre un
certain nombre de mesures selon la tendance générale de
l'économie. Elle peut par exemple demander aux banques de ne pas
réaliser certains types de prêts pour diverses raisons. La
persuasion morale constitue un moyen psychologique informel pour appliquer le
contrôle sélectif du crédit. Enfin, la RBI peut intervenir
directement en prenant des sanctions contre les banques qui n'ont pas rempli
certaines conditions ou exigences. Par exemple, elle peut refuser de
réescompter les papiers commerciaux des banques ou pénaliser ces
dernières en leur appliquant un taux d'intérêt
supérieur à son taux d'escompte pour les
23
demande de crédits excédant une certaine limite.
Le recours à l'un ou l'autre de ces instruments affecte
la distribution du crédit par le secteur bancaire.
II. INTERACTION ENTRE LA POLITIQUE MONETAIRE ET LE
SECTEUR BANCAIRE INDIEN
Pour évaluer l'efficacité de la politique
monétaire indienne via le crédit bancaire, il est
opportun de voir comment les banques commerciales répercutent les
décisions de la RBI sur les crédits qu'elles accordent à
l'économie nationale.
1. Transmission de la politique monétaire au secteur
bancaire
Dans ce point seront développées, la
structuration du secteur bancaire indien et la réaction des banques aux
décisions de politique monétaire de la RBI
A. Le secteur bancaire en Inde
Les banques jouent un rôle important dans la
distribution du crédit dans une économie. Elles constituent les
acteurs clés de la distribution du crédit aux ménages et
aux entreprises. Serge Jeanneau (2007) soutient qu'il y a une
corrélation forte entre le PIB per capita et le crédit bancaire,
tout en suggérant que cela dépend du pays et le niveau de
développement financier de celui-ci.
L'Inde a hérité d'un système financier
peu performant. Les banques commerciales mobilisaient l'épargne des
ménages grâce aux dépôts à vues et à
termes. Elles distribuaient ensuite cette épargne sous forme de
crédits principalement aux grandes entreprises. Les faillites bancaires
des années 1950, ont entraîné une réduction du
nombre de banques passant alors de 566 en 1951 à seulement 90 en 1968.
Cette situation a conduit le gouvernement à nationaliser les banques en
1969.
L'objectif de cette nationalisation était de
créer des banques sociales, d'accroître la couverture
géographique du système bancaire et d'orienter les crédits
vers les secteurs prioritaires. Les banques nationalisées ont ainsi pu
augmenter leurs réseaux avec plus de 55 000 succursales entre 1969 et
1990.
Par ailleurs, elles étaient tenues d'investir une
grande partie de leurs dépôts dans les Bons de Trésor et
d'approuver quasiment toutes les institutions mises en place par le
gouvernement (Mohan, 2008). Elles étaient également tenues de
limiter leurs prêts en-dessous d'un certain
seuil défini par la banque centrale et tout prêt
excédant 50 millions de roupies (environ 75200 dollars US) devait
obligatoirement faire l'objet d'un consortium (regroupement de plusieurs
entreprises pour réaliser un investissement). Les prêts
étaient principalement fournis par les banques sous la forme de
crédits de trésorerie pour servir de fonds de roulement. Il y
avait des restrictions importantes sur la capacité des banques à
financer des projets de long terme.
Bien que l'objectif social de la nationalisation des banques
soit un succès (la couverture du territoire ayant atteint environ 88%)
des banques publiques indiennes montraient des signes de détresse. C'est
ainsi que la réforme du secteur bancaire fut lancée en 1992 par
la RBI à la suite des recommandations du Comité I de
Narasimham7.Cette réforme a ouvert la voie aux banques
étrangères.
Dans le profil des banques dressé par la RBI en 2013 on
déchiffrait au total 89 banques sur le marché bancaire indien,
soit 26 banques publiques (29,21%), 20 banques privées nationales
(22,47%) et 43 banques étrangères (48,31%).
Figure 2: Composition du secteur bancaire indien
50
45
40
35
30
25
20
15
10
5
0
Banques publiques Banques privées Banques
étrangères
Source : Faits par nos propres soins avec les données de
la RBI
Bien que les banques privées nationales et
étrangères dominent en nombre, il convient de préciser que
la distribution du crédit reste largement dominée par les banques
publiques (Boillot, 2012). Selon le rapport 2014 de la RBI, plus de 73% du
crédit du bancaire proviennent de banques publiques alors que les
banques privées ne représentent que 19,4%.
Malgré la libéralisation du secteur bancaire en
1992, la RBI a continué d'imposer aux banques
24
7Il s'agit du comité chargé de la
réforme de la politique monétaire. Il a été
dirigé par Narasimham
25
commerciales des normes de gestion de leurs portefeuilles :
elle déterminait le pourcentage minimum que celles-ci devaient (i)
investir dans les obligations d'Etat, (ii) prêter au secteur agricole,
aux petites et moyennes entreprises et certaines couches vulnérables de
la population. Elle réglementait également la politique
d'implantation des succursales des banques commerciales.
Ce n'est qu'à partir de 1994 que les taux
d'intérêt jadis administrés vont être graduellement
libéralisés et les banques, autorisées à fixer
librement les taux d'intérêt pour les prêts dont le montant
excède 200 000 roupies (environ 3000 dollars US). Aussi, le seuil
obligeant la constitution d'un consortium a été
déplacé. Il est désormais fixé à 500
millions de roupie (environ 7,5 millions dollars US) au lieu de 50 millions de
roupie avant la réforme. En 1996, le contrôle sélectif du
crédit a été supprimé pour l'ensemble des produits
essentiels sauf le sucre. Les années suivantes ont vu
l'élimination complète des contrôles du crédit et
les banques ont été autorisées à développer
leurs propres méthodes pour répondre aux besoins de financement
des emprunteurs. Les restrictions pour l'octroi de crédits de long terme
auxquelles elles étaient soumises ont été
supprimées. A partir de 2006, l'achat de titres publics sur le
marché primaire a été interdit à la banque centrale
(Mohan, 2008 ; Mohan, 2013). Toutefois, pour assurer la stabilité
financière, la RBI invite les banques à éviter de
s'exposer aux risques en veillant au respect des règles prudentielles,
notamment celles de Bâle III.
En résumé, il convient de retenir que les
banques ont acquis plus d'autonomie après la réforme.
Comme le soutien Meltzer (1995), une connaissance
théorique des mécanismes de transmission de la politique
monétaire est nécessaire à l'interprétation des
statistiques sur les variables réelles. C'est pourquoi, il convient
à présent d'analyser la façon dont les banques indiennes
réagissent aux décisions des autorités
monétaires.
B. Réaction des banques aux décisions de
la RBI
Les mécanismes de transmission de la politique
monétaire ont fait l'objet d'une abondante littérature. Les
débats sur la transmission de la monnaie à l'activité
économique se sont longtemps portés sur le clivage entre
keynésiens et monétaristes. Les termes de ce débat ne font
pas l'objet de cette partie. Il s'agira plutôt de faire ressortir les
résultats de travaux empiriques sur ce sujet en Inde.
La transmission de la politique monétaire dans un pays
dépend de plusieurs facteurs dont l'environnement
macroéconomique, le degré de concurrence, la
réglementation, l'état de l'économie, la structure et la
profondeur du système financier dans lequel opère la banque
centrale (Aleem, 2010 ; Mohanty, 2012 ; Taouil, 2016). Les
travaux pionniers de Bernanke et Blinder (1988, 1992) aux Etats-Unis ont permis
de mettre en évidence une transmission de la politique monétaire
par le canal strict du crédit bancaire (lending chanel) qui
opère selon l'équation suivante :
M1 4
1dépôts bancaires 4 1
prêts bancaires 4 1 I & C 4
1 Y
Avec M = Masse monétaire, I = Investissement, C=
consommation, Y = Revenu global.
En effet, une politique monétaire expansionniste se
traduit par un accroissement des réserves et des dépôts
bancaires. Les banques, qui voient leurs réserves et leurs
dépôts augmenter, augmentent en retour le volume de crédit
accordé à l'économie nationale. Les agents
économiques ont accès au crédit et peuvent investir et
consommer davantage. Cela conduit à une augmentation du revenu
global.
Le canal du taux d'intérêt tel que décrit
dans le modèle traditionnel IS/LM suppose que les banques sont des
intermédiaires passifs. Cependant, l'expérience démontre
que les banques, loin d'être de simples intermédiaires passifs
entre la banque centrale et les utilisateurs de la monnaie comme les firmes
(Bernanke et Blinder, 1992), réagissent diversement aux décisions
des autorités monétaires.
Un desserrement de la politique monétaire ne se traduit
pas nécessairement par une expansion de l'offre de crédit et de
la quantité de monnaie en circulation (Taouil, 2016). En l'absence d'une
concurrence pure et parfaite, une politique monétaire expansionniste ne
se traduit pas par une expansion correspondante du crédit. Les banques
peuvent amortir ou amplifier l'expansion monétaire par des comportements
à la marge (Bensaid et Palma, 1993).
Les études sur le mécanisme de transmission de
la politique monétaire dans les économies émergentes comme
l'Inde ont montré que le canal du crédit et celui du taux
d'intérêt8 constituent les plus importants (Kashyap et
al. 1993 ; Pandit et Vashisht, 2011 ; Pandit et al. 2006 ;
Reddy, 2007 ; Mohanty, 2012). Le canal du crédit opère plus
efficacement dans le cas d'une politique monétaire restrictive que dans
le cas d'une expansion monétaire. Par ailleurs, Mohanty (2012) et Reddy
(2007), soutiennent qu'avec l'intégration de l'Inde dans
l'économie mondiale, le canal du taux de change (Obstfeld et Roggof,
1995) devient de plus en plus important.
Analysant l'impact des avoirs des banques sur leurs
réactions à une modification du taux directeur de la RBI, Bhaumik
et al. (2011) concluent que celles-ci réagissent de
façon
26
8 Voir tableau 3 en annexe pour la transmission par
les taux d'intérêt
27
hétérogène selon le niveau de leurs
avoirs. Pour ces auteurs, les avoirs des banques sont déterminants dans
la transmission de la politique monétaire d'autant plus que les banques
publiques occupent une part importante des actifs bancaires et des
portefeuilles de prêts. Leur étude révèle que les
banques publiques indiennes ont une capacité d'ajustement de leurs
portefeuilles, plus forte que les banques privées. Ces réponses
des banques aux mesures de politique monétaire de la banque centrale ne
sont pas sans conséquences sur le marché du crédit en
Inde.
2. Impact de la politique monétaire sur le
marché du crédit
La politique monétaire a un impact plus grand sur la
croissance lorsque le crédit bancaire constitue un déterminant
important des décisions de consommation et d'investissement des agents
économiques. C'est pourquoi il est important d'analyser les
déterminants d'offre et de demande de crédit au sein de
l'économie indienne.
A. Les déterminants de l'offre de
crédit
Du côté des banques, plusieurs facteurs
déterminent leur intérêt à distribuer du
crédit aux agents économiques. En effet, l'activation des
instruments de la politique monétaire par la banque centrale influence
positivement ou négativement l'offre de crédit par les banques
commerciales. Par exemple, une hausse du taux directeur de la RBI se traduit
par une baisse des dépôts et des avoirs des banques commerciales.
Cela les conduit à réduire le volume de crédits
accordé à l'économie nationale puisque par
hypothèse elles ne peuvent pas compenser la baisse de leurs
réserves auprès de la banque centrale. De plus, les banques ne
sont pas des intermédiaires passifs de la politique monétaire
comme cela l'a précédemment été souligné.
Depuis les travaux de Stiglitz et Weiss (1981), il est reconnu que les banques
peuvent rationner le crédit selon le degré de risque de leur
clientèle. En effet, au-delà d'un certain seuil, une hausse du
taux d'intérêt peut se traduire par une hausse du nombre
d'emprunteurs dits « très risqués ». Dès lors,
il vaut mieux rationner le crédit et limiter la hausse des taux. Ainsi,
lorsque le crédit bancaire n'est pas substituable par d'autres sources
de financement- c'est le cas pour les PME et PMI indiennes- le rationnement du
crédit affecte négativement la croissance économique.
Selon les caractéristiques propres à leurs
clients, les banques indiennes, publiques ou privées réagissent
différemment à leurs demandes de crédit (Bhaumik et
Piesse, 2008).
En effet, Bhaumik et Piesse ont montré que les banques
indiennes sont averses au risque avec un degré d'aversion plus
élevé au niveau des banques étrangères. Les banques
publiques entretiennent davantage de relations avec les petites et moyennes
entreprises, les firmes
28
29
publiques et les entreprises rurales tandis que les banques
privées domestiques et étrangères ont un
intérêt plus accru pour les entreprises relativement grandes et
bien structurées. Dans ces conditions, une politique monétaire
restrictive se traduit pas une baisse drastique du crédit accordé
par le système bancaire à l'économie nationale.
B. Les déterminants de la demande de
crédit
La façon dont les banques indiennes réagissent
aux mesures des autorités monétaires et aux
caractéristiques de leurs clients a des conséquences sur la
demande de crédit.
Kashyap et al. (1993), définissent trois
conditions sous lesquelles la politique monétaire affecte la croissance
par le biais du crédit bancaire. Premièrement, les prêts
bancaires ne doivent pas être parfaitement substituables pour les
entreprises. Cela veut dire qu'en cas de baisse du crédit bancaire,
certaines entreprises ne peuvent pas substituer cette baisse par d'autres
sources de financements. Deuxièmement, la politique monétaire
doit être en mesure d'affecter le comportement des banques en
matière de distribution du crédit ; ce qui signifie que les
banques ne sont pas susceptibles d'isoler leur politique de distribution du
crédit des chocs monétaires. Enfin, il faut que l'ajustement des
prix soit imparfait pour que la politique monétaire ne soit pas
neutre.
Dans leur modèle, Pandit et Vashisht (2011),
étudient les déterminants de la demande de crédit par les
entreprises des pays émergents incluant celles de l'Inde. Les
résultats de leur étude suggèrent que, toute chose
égale par ailleurs, les variations du taux directeur de la banque
centrale affectent la demande de crédit des entreprises. Bhaumik et
al. (2011) confirment cela en soutenant que les banques constituent la
première source de financement pour les entreprises indiennes. Par
contre, Zane (2012) nuance cette position et soutient que la première
condition de Kashyap et al. (1993) n'est plus vérifiée
en Inde car la libéralisation financière a permis aux entreprises
indiennes d'avoir accès à des sources extérieures de
financement, ce qui les rend moins dépendantes du crédit bancaire
domestique. Cet argument est confirmé, dans un moindre degré, par
les données de la Banque mondiale qui révèlent que la part
des firmes indiennes ayant recours au financement bancaire est passé de
46,6% en 2006 à 30,3% en 2014. Cette flexibilité des entreprises
face au financement bancaire dépend de plusieurs facteurs dont la taille
(Gertler et Gilchrist, 1991). En cas de baisse du volume de crédits
offerts par le secteur bancaire, les grandes entreprises peuvent compenser
cette baisse en se finançant sur le marché tandis que les petites
entreprises qui présentent plus de risques pour les marchés
financiers sont
exclues de cette source de financement ; ce qui les conduit
à réduire leurs dépenses d'investissement.
Après avoir analysé longuement les fondements de
la politique monétaire et son impact sur le secteur bancaire, il ressort
que la Reserve Bank of India met en oeuvre sa politique grâce
à des instruments quantitatifs et des instruments qualitatifs. Aussi, le
secteur bancaire indien est hétérogène et se
caractérise par la dominance des banques publiques dans la distribution
du crédit. Cette distribution du crédit concerne les petites et
moyennes entreprises et certaines grandes entreprises qui n'ont pas
accès au marché.
Il convient à présent d'évaluer l'impact
de la politique monétaire sur les performances macroéconomiques
de l'Inde sur la période allant de 1980 à 2014. C'est l'objet du
deuxième chapitre de ce mémoire.
30
CHAPITRE II : POLITIQUE MONETAIRE ET PERFORMANCES
MACROECONOMIQUES
« L'inde, si elle intrigue et fascine, interpelle
surtout par les ambiguïtés qui la traversent »,
Aurélie Leroy
Après avoir analysé en détails les
fondements de la politique monétaire indienne, il apparaît logique
d'essayer d'évaluer son impact sur les performances économiques
du pays en vue de confirmer ou d'infirmer les hypothèses de recherche
formulées dès le début. Ce deuxième et dernier
chapitre de l'étude se veut quantitatif en présentant, sous
certaines hypothèses, les données sur la croissance, l'emploi, la
pauvreté et les inégalités. Il identifie aussi quelques
contraintes qui affectent l'efficacité de la politique
monétaire.
I. EVALUATION DE L'IMPACT DE LA POLITIQUE MONETAIRE
Ce point présente les données sur la croissance
économique indienne, l'importance du crédit dans la production
nationale, les efforts de création d'emplois, de réduction de la
pauvreté et des inégalités.
1. Analyse de la corrélation entre la masse
monétaire et la croissance économique
Certains auteurs dont Banu (2013), soutiennent qu'il y a un
lien entre la masse monétaire, le crédit et la croissance
économique. Un accroissement de la liquidité par la banque
centrale entraine une hausse des dépenses d'investissement et de
consommation des agents économiques. L'accroissement de l'investissement
et de la consommation conduit à la création d'emplois et à
l'augmentation des profits pour les entreprises.
Notre étude suggère qu'il y a une
corrélation entre la masse monétaire et le produit
intérieur brut indien. Le graphique ci-dessous, laisse apparaître
une relation décalée d'une année au moins entre la
croissance de la masse monétaire au sens large (M3) et celle du PIB. Il
convient de remarquer qu'en général la réponse du PIB
à l'accroissement de la masse monétaire accuse un retard d'une
année au moins : un accroissement de la masse monétaire dans
l'année courante se traduit par un accroissement du PIB de
l'année suivante. Le graphique montre une relative stabilité de
la croissance de la masse monétaire entre 1980 jusqu'au début des
années 1990. Pour faire face au ralentissement de l'activité
économique et à la grave crise des paiements des années
1990, la RBI a initié une politique de relance monétaire, mais le
redressement économique n'interviendra que plus tard entre 1991et
1992.
31
De même lorsque l'activité économique est
dans sa phase d'expansion avec des pressions inflationnistes, un resserrement
de la politique monétaire ne se traduit pas immédiatement par un
ralentissement de l'activité économique et une baisse de
l'inflation. Celui-ci n'intervient que plus tard après la mise en oeuvre
de la politique monétaire de rigueur. C'est ce que l'on peut observer
par exemple entre 1994 et 1995 où la baisse de la masse monétaire
ne s'est pas traduite automatiquement par un ralentissement de
l'activité économique. Ce ralentissement n'est intervenu que plus
tard à partir de 1995. De l'année 2010 jusqu'au début de
2011, on remarque que le PIB et la masse monétaire décroissent en
même temps. Cela est dû à la mise en oeuvre d'une longue
période de rigueur monétaire initiée par la RBI entre mars
2010 et octobre 2011. En effet, au cours de cette période la banque
centrale indienne a procédé à treize hausses successives
de son taux directeur pour lutter contre l'inflation ; ce qui a limité
l'accès au crédit et déprimé l'investissement des
entreprises entraînant ainsi un ralentissement prolongé de
l'activité économique. Entre 1980 et 2014, la croissance du PIB
est restée relativement forte (supérieure à 5%) avec une
forte baisse enregistrée pendant la grave crise des paiements que le
pays a connue en 1991 (à peine 1% de croissance).
Figure 3: Evolution des taux de croissance du PIB et de M3
(en %)
25
0
Taux de croissance de la masse monétaire M3 Taux
de croissance du PIB
Source : Faits par nos propres soins avec les données de
la Banque mondiale
2. Répartition de la croissance dans les secteurs
prioritaires
L'économie indienne est dominée par trois grands
secteurs que sont : (i) l'agriculture, (ii) l'industrie et, (iii) les services.
La croissance du PIB est principalement dictée par l'industrie et les
services comme on peut le constater sur la figure 4. Ce graphique montre une
forte corrélation entre la croissance de la valeur ajoutée dans
l'industrie et les services avec la
croissance du PIB, tandis que la croissance dans l'agriculture
est beaucoup plus erratique. Cela s'explique par le fait qu'à partir des
années 1980 le secteur agricole a été marginalisé
au profit des autres secteurs. Au début des années 1980, la
croissance dans le secteur agricole était de l'ordre de 12% contre 5%
dans les secteurs de l'industrie et des services. Après les
années 1980, l'agriculture a régulièrement
enregistré des taux de croissance négatives même si elle a
atteint son pic en 1988 avec une croissance supérieure à 15%. En
2014, la croissance de la valeur ajoutée dans l'agriculture ne
représente que 1,12%. A l'inverse, les secteurs de l'industrie et des
services ont enregistré un taux de croissance positifs avec une plus
forte accélération de la croissance dans le secteur des services.
Ainsi, la croissance des services s'élevait à plus de 10% en 2014
contre seulement 3,58% dans les années 1980. La croissance dans
l'industrie est restée relativement stable au cours de la période
(autour de 5% en moyenne) avec des pics enregistrés au début des
années 2000 et pendant la crise de 2008 (plus de 11%).
Figure 4: Croissance sectorielle du PIB (en %)
20
Agriculture Industrie Services croissance du PIB (en %)
-10
Croissance de la valeur ajoutée par secteur
15
10
-5
5
0
1980 1981 1982 1983 1984 1985 1986 1987 1988 1989 1990 1991 1992
1993 1994 1995 1996 1997 1998 1999 2000 2001 2002 2003 2004 2005 2006 2007 2008
2009 2010 2011 2012 2013 2014
Source : Fait par nos propres soins avec les données de
la Banque mondiale
A. Le secteur agricole
L'inde est un géant agricole. Elle occupe la
quatrième place mondiale et plus de la moitié de la population
active indienne est employée dans le secteur agricole9.
Depuis le virage néolibéral des années 1980, il y a eu un
recul des investissements publics agricoles (Boillot, 2006) et le gouvernement
a adopté une nouvelle politique commerciale qui encourage les
activités
32
9 Plus de 75% de la population indienne est aussi rurale
33
exportatrices (Rothermund, 1993). De plus, comme le soulignent
Landy et Varrel (2015), la « forte variabilité annuelle
» des précipitations ont durablement affecté la
production agricole. Tout cela a eu pour conséquence la baisse
progressive de la part de l'agriculture dans le PIB. En effet, bien qu'occupant
la majorité de la population indienne (plus de 58% de la population),
l'agriculture contribue de moins en moins au PIB depuis 1980. Sa part dans le
PIB se chiffrait entre 30% et 35% au début des années 1980 ; elle
ne représentait que 17, 83% en 2014 (voir figure 6). Paradoxalement, les
crédits alloués au secteur agricole ont connu une
évolution exponentielle passant de 5,69 milliards de roupie en 1980
à plus de 4844,99 milliards de roupie en 2013. La baisse des
investissements publics agricoles et l'explosion du crédit dans ce
secteur ont entraîné une marginalisation et un surendettement des
petits agriculteurs. Les prêts usuriers ont conduit certains d'entre eux
qui ne pouvaient pas rembourser leurs emprunts à mettre fin à
leur vie. Ainsi, selon le secrétaire à l'agriculture (Patnaik),
il y a eu entre 1970 et 2008 plus de 200 000 agriculteurs qui se sont
suicidés.
Figure 5: Part de l'agriculture dans le PIB (en %)
40 35 30 25 20 15 10 5 0
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198019821984198619881990 1992 1994 1996 19982000 2002
2004 20062008 2010 2012 2014
|
Source : Fait par nos propres soins avec les données
tirées du Handbook of Statisctics on India economy, RBI
B. Le secteur industriel
Le choix idéologique dès l'indépendance a
fortement marqué le secteur industriel indien (Boillot, 2006). Le
secteur public y représentait plus de la moitié de la valeur
ajoutée jusqu'au début des années1990. Les reformes de
1991 ont conduit à la privatisation progressive de certains grands
groupes industriels dans les domaines comme l'acier, la pétrochimie, les
télécommunications etc. Avec la libéralisation, certaines
grandes entreprises ont rejoint des groupes étrangers pour créer
des joint-ventures.
34
Une particularité de l'industrie indienne reste la
dominance de la petite industrie (small scale industry)
composée principalement de PME dont l'activité dépend pour
la plupart d'entre-elles, du financement bancaire. Après la suppression
des licences industrielles (Licence Raj), il y a eu une expansion
rapide des petites et moyennes entreprises qui représentent aujourd'hui
près de la moitié du secteur industriel hors industrie lourde et
dont le nombre maximal de salariés est de dix personnes. Selon Boillot,
huit cent trente-sept secteurs (837) d'activités étaient
réservés aux small scale industry (SSI) soit environ
7500 produits en 1983. La SSI indienne se caractérise par son dualisme :
une composante traditionnelle utilisant très peu la technologie et une
composante moderne qui représente plus de 75% de la production du
secteur mais avec seulement un tiers des emplois. Le secteur des PME indiennes
est à l'abri de la réglementation du travail ; ce qui explique le
recours des grandes entreprises à ces PME pour développer leur
production tout en échappant aux contraintes liées à la
réglementation.
Selon Boillot (2006), la petite industrie réalisait
près de 40% de la production industrielle et représente de loin
le véritable pourvoyeur d'emplois (65%) avec une croissance de 4%
à 5% par an. Comme l'illustre le graphique ci-dessous, la contribution
du secteur industriel au PIB est passée de 24,28% en 1980 à
environ 30% en 2014 avec un pic enregistré en 2011 (soit environ 33%).
Le graphique montre en effet, une relative stabilité de la part de
l'industrie dans le P11B jusqu'en 2003. A partir de 2003 jusqu'en 2014, la
contribution de l'industrie a enregistré des fluctuations plus ou moins
prononcées : on note une tendance à la hausse entre 2003 et 2008.
De 2008 à 2010, la contribution du secteur industriel au PIB a
enregistré une baisse de l'ordre de 2 points de pourcentage due aux
effets de la crise. A partir de 2011, la contribution de l'industrie au P11B
est rentrée dans une phase baissière jusqu'en 2014. Selon la RBI,
cette atonie de production industrielle entre avril 2013 et janvier 2014,
s'explique par une baisse de l'investissement et de la consommation au cours de
cette période ; conséquence de la rigueur monétaire mise
en oeuvre au cours de cette période.
35
Figure 6. Part du secteur industriel dans le PIB (en
%)
35
30
1980 1982 1984 1986 1988 1990 1992 1994 1996 1998 2000 2002
2004 2006 2008 2010 2012 2014
Source : Faits par nos propres soins avec les données de
la Banque mondiale
C. Les services
La spécificité de l'essor indien tient surtout
à la croissance vertigineuse de ses services (Leroy, 2011). Dans les
années 1980, la croissance dans le secteur des services était
inférieure à 5% par an. Depuis le début des années
1990, le taux de croissance dans ce secteur connaît une forte progression
(de l'ordre de 7,5% par an en 1990) s'est installé autour de 8% à
9% avec une contribution au PIB estimée à plus de 50% en 2014. La
productivité dans le secteur des services indien est l'un des plus
élevés au monde. Le tableau ci-dessous décrit la
croissance de la production dans le secteur des services au cours des
années 1990.
Tableau 1. Croissance de la production dans les services (en
%)
Secteurs Croissance (%) % PIB 2000
Services aux entreprises 19,8 1,1
Communication 13,6 2,0
Banques 12,7 6,3
Hôtels et restaurants 9,3 1,0
Education, santé et recherche 8,4 5,5
Commerce 7,3 13,7
Autres dont loisirs 7,1 0,7
Transport hors ferroviaire
|
6,9
|
4,3
|
Assurances
|
6,7
|
0,7
|
Administration, défense
|
6,0
|
6,1
|
Services juridiques
|
5,8
|
0,0
|
Immobilier
|
5,0
|
4,5
|
Services personnels
|
5,0
|
1,1
|
Transport ferroviaire
|
3,6
|
1,1
|
Total
|
7,5
|
48
|
Source : Gordon et Gupta (2003), secteurs classés en
fonction du taux de croissance, ordre décroissant
Les années 1980 et 1990 ont été
marquées sur le plan mondial par l'internationalisation des
activités des entreprises. L'inde a profité de cette
révolution pour devenir une économie tertiaire et se positionner
comme un leader mondial du numérique. La contribution du secteur des
services au PIB a connu une forte augmentation. Après les
réformes des années 1990, l'Inde s'est dotée d'une
capacité de sous-traitance mondiale dans les secteurs comme la
santé, l'informatique, les services financiers, légaux ou le
tourisme. Les services aux entreprises ont cru de l'ordre de 20% par an depuis
1990, ensuite viennent les services de communication (13,6%) et les services
bancaires (environ 13%).
L'inde est aujourd'hui le premier exportateur des services
informatiques et détenait en 2014, environ 55% du marché mondial
de la sous-traitance informatique (outsourcing)10. Le
secteur des Technologies de Communication et de l'Information (TIC) qui
représente environ 9,5% du PIB, emploie aujourd'hui 3,5 millions de
personnes.
Excepté le léger fléchissement entre 2010
et 2011 dû en partie à la rigueur monétaire engagée
par la RBI au cours de cette période, la contribution du secteur des
services au PIB connait une évolution croissante au cours du temps. Elle
représentait déjà plus de 40% du PIB en 1980. En 2014, sa
part dans le PIB s'évaluait à un peu plus de 52% comme le montre
le graphique ci-dessous.
36
10 En 2011, plus de la moitié des 500 plus
grandes entreprises ont délocalisé une partie de leurs services
ou la totalité de leur développement de logicielle en Inde
37
Figure 7: Part des services dans le PIB (en %)
60
50
40
20
10
0
1980 1982 1984 1986 1988 1990 1992 1994 1996 1998 2000
2002 2004 2006 2008 2010 2012 2014
30
Source : Fait par nos propres soins avec les données de la
Banque mondiale
3. Contribution du crédit bancaire au produit
intérieur brut
En Inde, le crédit domestique occupe une place
importante dans la production nationale comme le montre le graphique
ci-dessous. Les petites et moyennes entreprises qui dominent l'économie
indienne dépendent principalement du crédit bancaire pour leurs
activités d'investissement. Seules les grandes entreprises bien
structurés peuvent accéder aux financements des marchés
financiers. La part du crédit bancaire domestique dans le PIB est
passée de 20,18% en 1980 à plus de 51% en 2014. A partir des
années 2000, il y a eu une forte progression de la contribution du
crédit domestique au PIB. La production des entreprises
bénéficie d'un marché intérieur important de plus
d'un milliard de consommateurs. Boillot (2014) estime que le décollage
économique de l'Inde est dû à deux facteurs principaux : la
population qui représente une « fenêtre d'opportunité
démographique » et le régime démocratique qui offre
une plus grande participation de toutes les castes dans la prise des
décisions. Malgré la rigueur monétaire initiée par
la RBI entre 2010 et 2011, la part du crédit bancaire dans le PIB a
continué à progresser suggérant ainsi qu'une politique
monétaire restrictive ne se traduit pas nécessairement par une
contraction du crédit offert par le système bancaire.
38
Figure 8: Contribution du crédit domestique au PIB
(en %)
60
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50
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40 30 20 10
0
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1980 1982 1984 1986 1988 1990 1992 1994 1996 1998 2000
2002 2004 2006 2008 2010 2012 2014
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Source : Fait par nos propres soins avec les données de la
Banque mondiale
4. Impact social de la politique monétaire A. Impact
sur l'emploi et les salaires
L'inde est également un géant
démographique qui doit faire face aux besoins croissants de sa jeunesse,
notamment en termes de création d'emplois. Malheureusement, sa
montée en puissance s'est traduite par une « croissance sans
emplois » (Drèze et Sen, 2014 ; Boillot, 2006). Comme le souligne
Dejouhanet (2016), depuis le tournant néolibéral, la diffusion de
la croissance est restée « limitée à certaines
régions, à certaines catégories de la population et
à certains réseaux sociaux économiques ».
L'accélération de la croissance a été suivie par
une faible création d'emplois (Papola et Sahu, 2012).
La majorité de la population active indienne est
employée dans les secteurs non organisés tandis que seulement 10%
se retrouvent dans les secteurs organisés (Reddy, 2007). Pour Kotwal et
al. (2011), il y a « deux Indes » : d'un
côté il y a l'Inde des gestionnaires et des ingénieurs
instruits qui ont pu saisir les occasions offertes par la mondialisation et de
l'autre, celle d'une masse de gens insuffisamment instruits qui gagnent leur
vie dans les emplois peu productifs. L'Inde détiendrait ainsi le record
du nombre de pauvres et occupe pourtant la troisième place mondiale en
effectif de milliardaires (Dejouhanet, 2016).
Quelles en sont les raisons ? Il existe plusieurs explications
plausibles à ce paradoxe.
La première explication tient au fait que la croissance
de l'Inde est tirée par des secteurs faiblement intensifs en main
d'oeuvre. Contrairement à certains pays où l'essor
économique s'est d'abord traduit dans l'agriculture puis dans
l'industrie, la croissance indienne a été
principalement portée par le secteur de l'industrie et
celui des services (conception de logiciels, les services financiers et autres
métiers spécialisés) faiblement intensifs en main
d'oeuvre.
Deuxièmement, ce paradoxe de la « croissance
sans emplois » s'explique par le développement de la
sous-traitance en Inde. En effet, les grandes entreprises bien
structurées sont soumises à une législation du travail
très rigides à leur égard. Pour échapper à
cette réglementation, elles développement des relations de
sous-traitance avec les PME à l'abri de la législation du
travail. Comme le soulignent de manière formelle Landy et Varrel (2015),
« si le sous-développement général et la
rareté des emplois sont facteurs de croissance par le bas du secteur
informel, c'est par le haut que le secteur formel lui-même a tendance
à favoriser l'informel, externalisant sa production par la
sous-traitance, afin d'échapper aux lois sociales et d'adopter
suffisamment de flexibilité ». En effet, les petites et
moyennes entreprises sont dispensées, contrairement aux grandes, de
respecter la loi sur le secteur industriel ( Factories Act de 1948)
qui impose certaines conditions de travail dont huit heures de travail
journalier, l'âge minimum de travail à 14ans, le respect du
salaire minimal (570 dollars USD), la protection sociale des travailleurs
(assurance, retraites), le respect des quotas d'emplois réservés
aux basses classes dans les grandes entreprises et
l'administration11.
Pour échapper à toutes ces contraintes, les
grandes entreprises indiennes font recours aux petites et moyennes entreprises
du secteur inorganisé pour développer certaines de leurs
activités. Très hétérogène, ce secteur
emploie 90%12 de la population active et regroupe aussi bien des
sous-traitants d'entreprises informatiques que des fabricants d'allumettes
à domicile (Landy et Varrel, 2015). La plupart des emplois dans ce
secteur sont saisonniers et occupés par des «
chasseurs-cueilleurs de salaire » selon l'expression de Jean
Breman (2009). De plus, les salaires y sont bas et les conditions de travail,
précaires.
L'élasticité de l'emploi dans les secteurs
organisés est devenue presque nulle selon les estimations de la
Commission du Plan en 2002. La conséquence en est que l'Inde connait une
forte croissance économique mais il s'agit d'une croissance qui
génère très peu d'emplois. L'importance croissante du
secteur des services (moins intensifs en main d'oeuvre) dans l'économie
indienne et le développement de la sous-traitance sont les principaux
freins à la création d'emplois malgré les bonnes
performances économiques.
La répartition sectorielle de l'emploi se
présente comme suit entre 1999 et 2010 : la part de l'emploi dans
l'agriculture est passée de 61,7% à 51,8%, mais ce secteur reste
largement
39
11 Il faut aussi préciser en plus que le
syndicalisme n'existe pas dans les secteurs inorganisés indiens.
12 En excluant l'emploi dans le secteur agricole, ce
ratio est de 75%.
40
celui qui occupe le plus grand nombre des indiens actifs (58%
environ). Au cours de la même période, la part de l'emploi dans le
secteur des services est passée de 22,5% à 26,3%. Quant à
celle du secteur industriel elle passée de 15,9% à 21,9% au cours
de la même période. Il y a certes un accroissement de l'emploi
dans les secteurs des services et de l'industrie mais cet accroissement reste
encore faible.
Figure 9. Répartition de l'emploi par secteur
d'activité (en %)
|
70 60 50 40 30 20 10 0
|
|
|
Emploi par secteur (en %)
|
|
|
1994 2000 2005 2010 2012 2013
Agriculture Industrie Services
|
|
Source : Auteur, données Banque mondiale
Quant aux salaires, ils ont fortement augmenté ces
dernières années en Inde mais seulement dans les secteurs qui
exigent une qualification élevée comme dans la construction et
les services financiers. Si dans d'autres pays émergents comme la Chine
la hausse des salaires a été l'oeuvre de l'Etat pour soutenir le
consommateur-salarié, en Inde cette hausse est principalement due
à une pénurie d'une main d'oeuvre qualifiée. Le taux
d'alphabétisation en Inde, bien qu'il soit au-dessus de la moyenne (soit
63%), reste encore inférieur à certains émergents comme la
Chine où il atteint 90%.
Tableau 2. Taux de croissance de l'emploi par secteur
d'activité (en %)
Secteurs
|
1999-2000 à 2000-2004
|
2004-2005 à 2009-2010
|
Agriculture
|
15,2%
|
-8,2%
|
Mines
|
27,7%
|
4,7%
|
Manufacturier
|
43,3%
|
-6,3%
|
Electricité et gaz
|
32,5%
|
-5,3%
|
Construction
|
65,0%
|
70,0%
|
Commerce et hôtellerie
|
37,3%
|
4,5%
|
Transport et logistique
|
43,3%
|
10,8%
|
Servies financiers et business
|
90,6%
|
31,4%
|
Ad. Publique, services sociaux
|
25,5%
|
5,4%
|
Total
|
25,3%
|
0,4%
|
Source : ILO (2015), p.4
B. Impact sur la pauvreté et les
inégalités
Plusieurs auteurs dont Drèze et Sen (2014) ont
montré que la pauvreté a moins diminué en Inde que dans
l'ensemble des pays émergents au cours des deux dernières
décennies malgré une croissance économique forte. Selon la
Banque mondiale, la part de la population indienne vivant en dessous du seuil
de pauvreté (poverty line) estimé à 1,25 dollars
par jour s'élevait à 60% en 1981 ; 41,6% en 2005 et 23,6% en
2011. Malgré cette tendance à la baisse de la pauvreté, il
y a une discordance entre les performances enregistrées en termes de
croissance économique et l'amélioration du niveau de vie des
populations. Les estimations de la banque centrale en 2013,
révèlent qu'environ 21,9% de la population indienne (soit 269,783
millions de personnes) vivent encore en dessous du seuil de pauvreté
revu à la hausse (1,9013 dollars par jour).
Au niveau des indicateurs du développement humain, il y
a certes, une amélioration cependant, la diminution de la
pauvreté cache d'énormes disparités sur le plan national.
La pauvreté reste plus sévère en zone rurale qu'en zone
urbaine où les possibilités d'emplois sont plus nombreuses.
L'indice de développement humain en Inde a connu une forte croissance
entre 1990 et 2010, puis s'est stabilisé autour de 0,60 depuis 2011
(voir figure 10). Le Rapport de 2015 sur le développement humain du PNUD
classe l'Inde 130ème sur 188 pays avec un IDH de 0,609.
L'orientation néolibéral de la politique économique s'est
accompagnée comme dans la plupart des autres émergents, d'un
creusement des inégalités entre villes et campagnes, entre riches
et pauvres, entre Etats (Jaffrelot, 2010 ; Leroy, 2011). L'indice de Gini de
l'Inde est évalué à environ 34% en 2009.
41
13 Le seuil de pauvreté qui était
initialement de 1,25 dollars par jour a été revue à hausse
pour se situer à 1,90 dollars par jour (soit 130 roupie par jour en
monnaie nationale)
42
Figure 10: Evolution de l'IDH
0,700
0,600 0,500 0,400 0,300 0,200 0,100 0,000
|
|
1990 2000 2010 2011 2012 2013 2014
|
Source : Fait par nos propres soins avec les données du
PNUD
II. LES DEFIS DES AUTORITES MONETAIRES
L'inde est confrontée à des faiblesses
structurelles de son économie qui constituent des freins à
l'efficacité de sa politique monétaire. Même si elle
connait aujourd'hui des taux de croissance les plus élevés au
monde, cela ne doit pas « occulter les contradictions et les paradoxes
qui accompagnent son développement actuel » (Leroy, 2011).
Plusieurs facteurs ont d'une certaine manière « lier les mains
de la RBI » (Pandit et Vashsisht, 2011) et empêchent la
politique monétaire d'être totalement opérante. Nous
aborderons seulement deux de ces facteurs à savoir : (i)
l'accélération de l'ouverture économique et
financière, (ii) le faible niveau d'inclusion financière.
1. L'ouverture économique et financière
Depuis l'entame de l'ouverture économique et
financière, la gestion de la politique monétaire est devenue une
question importante pour les autorités monétaires indiennes. Des
auteurs comme Kramer et al. (2008) ont montré que malgré
le faible degré d'ouverture de l'Inde, les conditions domestiques de la
politique monétaire sont fortement influencées par les facteurs
extérieurs tels que la volatilité du taux de change. La gestion
de l'afflux des capitaux a conduit les autorités monétaires
à faire face au problème de la « trinité impossible
» de Mundell (1968), entre la stabilité du taux de change, la
conduite d'une politique monétaire indépendante et l'ouverture
financière de l'économie. D'autres auteurs comme Pandit et
Vashsisht (2011) ont également montré que depuis la
libéralisation de l'économie indienne, la RBI a cessé
de
43
financer l'économie nationale. Ils expliquent que
l'ouverture financière a d'une certaine façon « lier les
mains des banques centrales » des économies émergentes,
réduisant de facto l'efficacité de leurs actions. C'est
aussi la thèse défendue par Zane (2012) pour qui la RBI est
devenue débitrice nette de l'économie nationale et
créditrice net de l'étranger. La RBI aurait cessé, selon
lui, de prendre part au financement de l'économie locale via
des prêts au gouvernement centrale et aux banques commerciales, en
concentrant davantage ses efforts à la défense de la
parité extérieure de la monnaie nationale (la roupie). Les actifs
extérieurs de la RBI sont ainsi passés en moyenne de 19% entre
1949 et 1991 à 83% entre 2003 et 2011. Brahmi et Etoile (2012)
soutiennent que les transformations structurelles combinés avec une
intégration de plus en plus forte de l'Inde dans l'économie
mondiale ont affecté les mécanismes de transmission de la
politique monétaire et partant, son efficacité. Toutefois, pour
ses auteurs, la RBI n'a pas failli à sa mission mais celle-ci est
contrariée par d'autres facteurs sur lesquels elle n'a pas ou a peu de
contrôle.
2. L'inclusion financière
L'inclusion financière selon la RBI recouvre un train
de mesures permettant aux populations vulnérables d'avoir accès
aux services financiers appropriés à moindre coûts,
condition indispensable pour une croissance plus inclusive. Le but de
l'inclusion financière consiste à élargir les perspectives
de développement tout en réduisant l'économie informelle
et la vulnérabilité aux chocs. Une très forte inclusion
financière modifie le comportement des firmes et des consommateurs et
renforce la transmission de la politique monétaire. Selon Mehrotra et
Yetman (2015), l'inclusion financière revêt une importance
capitale pour les banques centrales pour plusieurs raisons.
Premièrement, l'inclusion financière a un impact sur la
croissance de long terme et la réduction de la pauvreté. Un plus
grand accès aux instruments financiers appropriés permet aux
populations vulnérables d'investir dans des actifs physiques, dans
l'éducation et de contribuer ainsi à la réduction des
inégalités entre les différentes couches de la
société. Deuxièmement, l'inclusion financière a des
implications importantes pour la politique monétaire. Une forte
inclusion financière accroît l'efficacité de la politique
monétaire. En effet dans le secteur informel, les canaux de transmission
de la politique monétaire sont inefficients car les agents
économiques dans ce secteur prennent des décisions
indépendamment des actions des banques centrales. En faisant passer
l'épargne du secteur informel de l'économie vers le secteur
formel, l'inclusion financière permet aux autorités
monétaires de rendre plus opérationnels leurs instruments que ce
soit en matière de lutte contre l'inflation ou de soutien à la
croissance ou encore de contrôle du crédit.
En Inde le constat sur l'inclusion financière est
accablant. En effet sur une population totale de 1,267 milliards de personnes
selon les données de la Banque mondiale, à peine 35% de la
population (environ 443 millions de personnes) ont accès aux services
financiers et seulement 8% de la population indienne (un peu plus de 100
millions de personnes) ont accès au crédit (Banque mondiale,
2015). Ce fort niveau d'exclusion financière limite l'efficacité
de la politique monétaire.
Figure 11: Taux d'accès aux services
financiers
65%
35%
92%
8%
ont accès au crédit
n'ont pas accès au crédit
ont accès aux services financiers
n'ont pas accès aux services financiers
44
Source : Fait par nos propres soins avec les données de
Global Findex, World Bank
III. DISCUSSION DES RESULTATS
Dans cette partie nous discutons les résultats obtenus
dans notre étude et les limites de celle-ci afin d'en tirer des
recommandations appropriées.
1. Lien entre masse monétaire et croissance
économique
Notre étude révèle qu'il existe une
corrélation entre le PIB et la masse monétaire au sens large
(M3). Cette corrélation est positive lorsqu'on considère
l'accroissement de la masse monétaire de l'année courante avec
l'accroissement de la production de la période suivante. Ce
résultat vient confirmer la première hypothèse de
l'étude selon laquelle, il existe une corrélation
décalée entre la masse monétaire et le PIB de
l'année courante. Ils sont aussi conformes à ceux obtenus par
Mohanty (2012) qui trouve qu'une politique monétaire restrictive en Inde
affecte négativement l'activité et modère l'inflation avec
des retards de deux à quatre trimestres respectivement. La leçon
que l'on peut tirer de ce résultat est que la politique monétaire
n'agit pas automatiquement sur l'activité économique après
sa mise en oeuvre.
2. Contribution du crédit bancaire
45
L'ouverture économique et financière de l'Inde
au cours des années 1990 a sans doute permis aux grandes entreprises
d'avoir accès aux sources de financements externes. Malgré cela,
le crédit domestique bancaire continue de jouer un rôle
très important dans le financement de l'activité
économique. L'étude révèle que la part du
crédit bancaire domestique au secteur privé est passée de
20% en 1980 à plus de 50% en 2014. La deuxième hypothèse
de l'étude est donc confirmée. Cette part croissante du
crédit bancaire dans le PIE s'explique par la dominance des petites et
moyennes entreprises dans l'économie indienne. Celles-ci
dépendent fortement du secteur bancaire domestique pour le financement
de leurs activités.
3. Impact social de la politique monétaire
Sur le plan social l'étude révèle que les
performances réalisées par l'Inde restent insuffisantes. La
croissance économique s'est accompagnée d'une faible
création d'emplois et réduction de la pauvreté et des
inégalités. Ces faibles performances sociales s'expliquent par
l'accroissement de la part de l'industrie et des services dans
l'économie indienne. Or, ces secteurs et, plus particulièrement
le secteur des services, sont faiblement intensifs en main d'oeuvre. Aussi, la
rigidité de la réglementation du travail à l'égard
des entreprises du secteur organisé n'encourage pas la création
d'emplois. Ces conclusions, également obtenus par Boillot (2006),
Drèze et Sen (2014), confirment la troisième hypothèse de
notre étude selon laquelle, la croissance économique indienne
crée faiblement d'emplois.
4. Les limites de l'étude
La présente étude comporte des limites qu'il
convient préciser. En effet, la méthodologie suivie ne permet pas
de conclure que les performances réalisées par l'Inde au cours de
la période d'étude sont exclusivement attribuables à la
seule politique monétaire. En effet, des facteurs autres que la
politique monétaire, affectent également la croissance indienne
(Mohan, 2008). Le développement du micro-crédit non
régulé par la banque centrale, les investissements directs
étrangers, la productivité dans les différents secteurs
d'activité économique, les aléas climatiques (mousson,
pollution etc.) sont autant d'autres facteurs qui ont des impacts sur
l'économie indienne. Il aurait fallu alors utilisé des
modèles économétriques plus complexes pour pouvoir isoler
les performances économiques uniquement imputables aux actions des
autorités monétaires.
46
CONCLUSION GENERALE ET RECOMMANDATIONS
« La percée fulgurante de l'Inde
entamée au tournant des années 1990 ne semble pas faiblir
malgré le séisme provoqué par la crise mondiale
» Leroy (2011). Depuis le tournant des années 1980 marquant
l'entrée de l'Inde dans la mondialisation, la politique monétaire
continue d'être un outil important de financement de l'économie
nationale. Elle a été conduite de manière pragmatique dans
la plupart du temps et demeure cruciale dans l'explication de la croissance
économique du pays.
La problématique générale de cette
étude consistait à analyser l'impact de la politique
monétaire sur les performances macroéconomiques de l'Inde. Pour
cela il a été supposé les hypothèses suivantes :
(i) il existe une corrélation entre le PI3 et la masse monétaire
; (ii) le crédit bancaire domestique contribue significativement au PI3,
(iii) la croissance est malheureusement faiblement créatrice d'emplois.
Pour vérifier ces hypothèses, des données provenant de
diverses sources agrées ont été mobilisées. Le
traitement de ces données a été rendu possible grâce
à l'usage des outils statistiques standards tels que les
représentations graphiques avec le logiciel Excel et les tabulations.
Les résultats de l'étude suggèrent que la
politique monétaire a un impact certain sur les performances
économiques de l'Inde sur l'ensemble de la période
d'étude. Une expansion monétaire d'une année donnée
affecte la croissance de l'année suivante. De plus, le crédit
bancaire domestique destiné au secteur privé devient de plus
important dans le PI3. Cela s'explique par le fait que les petites et moyennes
entreprises qui dominent l'économie indienne dépendent fortement
du crédit bancaire pour leur activité. Cependant,
l'accélération de la croissance économique ne s'est pas
accompagnée d'une accélération de la création
d'emplois et de réduction des inégalités. L'importance
grandissante de l'industrie et des services faiblement intensifs en main
d'oeuvre, la rigidité de la réglementation du travail à
l'égard des entreprises du secteur organisé sont les principales
causes élucidées par l'étude. Cette étude confirme
l'ensemble des hypothèses de recherche émises dès le
début. Enfin, l'ouverture économique et le faible niveau
d'inclusion financière, sont des contraintes majeures qui limitent
l'efficacité des actions des autorités monétaires
indiennes.
Ce travail de recherche a eu le mérite d'explorer un
thème peu étudié ou partiellement étudié
dans la littérature. En effet, comme cela l'a déjà
été dit en introduction, la plupart des études sur la
politique monétaire indienne se focalisent sur ses canaux de
transmission à l'activité économique sans chercher
à évaluer son impact de long terme sur les performances
47
macroéconomiques du pays. Cette étude constitue
donc une tentative de contribution à la recherche sur les impacts de
long terme des décisions de la banque centrale indienne.
Les résultats de ce travail de recherche, aussi
modestes soient-ils, permettent de tirer des leçons et de faire quelques
recommandations pertinentes en vue d'améliorer l'efficacité de la
politique monétaire de la plus grande démocratie au monde. C'est
pourquoi, il est particulièrement recommandé aux autorités
indiennes de mettre l'accent sur :
(i) L'inclusion financière afin que le plus grand
nombre de personnes présentement
exclues du système bancaire,
puisse avoir accès aux services financiers de base pour améliorer
la transmission de la politique monétaire
(ii) Réformer la législation du travail pour
faire en sorte que les grandes entreprises du
secteur organisé
emploient davantage. Sur ce point le gouvernement pourrait accorder des primes
sous formes d'exonérations fiscales aux entreprises qui emploient le
plus de personnes. A l'inverse, le gouvernement pourrait prendre des mesures
pour lutter contre la précarité des emplois dans le secteur
inorganisé en soutenant davantage les acteurs de ce secteur.
(iii) Il est absolument indispensable d'accroître les
investissements dans le secteur
agricole si les autorités veulent
lutter contre le chômage et le sous-emploi de masse. Au regard de la part
importante de l'agriculture dans l'emploi en Inde, sa marginalisation ne fera
que renforcer les inégalités au sein de la société
;
(iv) Enfin, il s'avère important que les
autorités monétaires puissent adaptés leurs
actions
à la mondialisation qui a créé une forte
interdépendance entre l'économie indienne et le reste du monde.
Par exemple, l'inflation ne peut plus être expliquée uniquement
par des facteurs internes. Les fluctuations du prix des matières
premières et les politiques monétaires des pays
développés affectent aussi l'évolution des prix dans les
économies émergentes.
Dans le cadre du nouveau référentiel de
développement adopté par les Nations unies en septembre 2015,
quel rôle doivent jouer les autorités monétaires indiennes
dans l'atteinte des objectifs de développement durable (ODD) ?
48
ANNEXES
Tableau 3: Transmission de la politique monétaire par
les taux
Repo Rate
|
Reverse Repo Rate
|
Lending Rate
|
Deposit Rate
|
(-)50 bps 5th March 02
|
(-)50 bps 5th March 02
|
|
(-)25 bps 18th May 02
|
(-)25 bps 27th June 02
|
(-)25 bps 27th June 02
|
|
(-)25 bps 24th Aug. 02
|
(-)25 bps 30th Oct. 02
|
(-)25 bps 30th Oct. 02
|
(-)50 bps 9th Nov. 02
|
(-)50 bps 14th Sep. 02 (-)75 bps 14th Nov. 02
|
|
(-)50 bps 7th Mar. 03
|
(-)50 bps 6th Dec. 03
|
(-)25 bps 18th Jan. 03 (-) 25 bps 10th May. 03
|
(-)100 bps 25th Aug. 03
|
(-)50 bps 25th Aug. 03
|
(-)25 bps 18th Sep. 04
|
(-) 25 bps 6th Dec. 03 (-) 25 bps 17th Jan. 04
|
|
(+)25 bps 27th Oct. 04
|
|
(+)50 bps 4th Dec. 04
|
|
(+)25 bps 29th Apr. 05
|
|
(+)25 bps 31st Dec. 05
|
(+)25 bps 26th Oct. 05
|
(+)25 bps 26th Oct. 05
|
|
|
(+)25 bps 24th Jan. 06
|
(+)25 bps 24th Jan. 06
|
|
(+)50 bps 18th Mar. 06
|
(+)25 bps 9th Jun. 06
|
(+)25 bps 9th Jun. 06
|
(+) 50 bps 6th May. 06
|
|
(+)25 bps 25th Jul. 06
|
(+)25 bps 25th Jul. 06
|
(+) 25 bps 5th Aug. 06
|
(+)100 bps 5th Aug. 06
|
(+)25 bps 31st Oct. 06
|
|
(+)50 bps 6th Jan. 07
|
(+)50 bps 20th Jan. 07
|
(+)25 bps 31st Jan. 07
|
|
(+)50 bps 17th Feb. 07
|
(+)50 bps 17th Feb. 07
|
(+)25 bps 31st Mar. 07
|
|
(+)75 bps 14th Apr. 07
|
(+)60 bps 30th Jun. 07
|
(+)25 bps 12th Jun. 08
|
|
(-)50 bps 8th Mar. 08
|
(-)50 bps 17th Nov. 07
|
(+)50 bps 25th Jun. 08
|
|
(+)50 bps 5th Jul. 08
|
(+)50 bps 5th Jul. 08
|
(+)50 bps 30th Jul. 08
|
|
(+)75 bps 16th Aug. 08
|
(+)50 bps 23rd Aug. 08 (+)50 bps 4th Oct. 08
|
(-)100 bps 20th Oct. 08
|
|
|
(-)50 bps 6th Dec. 08
|
(-)50 bps 20th Nov. 08
|
|
(-)50 bps 15th Nov. 08
|
|
(-)100 bps 8th Dec. 08
|
(-)100 bps 8th Dec. 08
|
(-)25 bps 6th Dec. 08
|
|
(-)100 bps 5th Jan. 09
|
(-)100 bps 5th Jan. 09
|
(-)75 bps 3rd Jan. 09
|
(-)100 bps 17th Jan. 09
|
(-)50 bps 4th Mar. 09
|
(-)50 bps 4th Mar. 09
|
(-)25 bps 11th Apr. 09
|
(-)25 bps 14th Mar. 09
|
(-)25 bps 21st Apr. 09
|
(-)25 bps 21st Apr. 09
|
(-)25 bps 4th Jul. 09
|
(-)25 bps 4th Apr. 09 (-) 25 bps 9th May 09
(-) 25 bps 20th Jul. 09 (-) 25 bps 1st Aug. 09
(-) 25 bps 10th Oct. 09
|
(+)25 bps Mar. 10
|
(+)25 bps 21st Mar. 10
|
12
|
|
(+)25 bps Apr. 10
|
(+)25 bps Apr. 10
|
12
|
|
(+)25 bps Jul. 10
|
(+)25 bps Jul. 10
|
8*
|
(+) 25 bps 21st Aug.10
|
(+)25 bps Aug. 10
|
(+)50 bps Aug. 10
|
8*
|
(+) 25 bps 2nd Oct.10
|
Source : Pandit et Vashisth (2011), p. 11
49
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54
TABLE DE MATIERES
AVERTISSEMENT ii
REMERCIEMENTS iii
LISTE DES SIGLES ET ACRONYMES iv
SOMMAIRE v
LISTE DES ILLUSTRATIONS v
LISTE DES TABLEAUX v
INTRODUCTION GENERALE 6
CHAPITRE I : LES FONDEMENTS DE LA POLITIQUE MONETAIRE INDIENNE
12
I. CADRE GENERALE 12
1. Evolution de la politique monétaire depuis la
période pré-réforme 12
2. Les objectifs 15
A. Le soutien à la croissance 16
B. La stabilité des prix 16
C. La stabilité financière. 18
3. Les instruments 18
A. Les instruments quantitatifs 19
B. Les instruments qualitatifs 22
II. INTERACTION ENTRE LA POLITIQUE MONETAIRE ET LE
SECTEUR BANCAIRE
INDIEN 23
1. Transmission de la politique monétaire au secteur
bancaire 23
A. Le secteur bancaire en Inde 23
B. Réaction des banques aux décisions de la RBI
25
2. Impact de la politique monétaire sur le marché
du crédit 27
A. Les déterminants de l'offre de crédit 27
B. Les déterminants de la demande de crédit 28
CHAPITRE II : POLITIQUE MONETAIRE ET PERFORMANCES
MACROECONOMIQUES 30
I. EVALUATION DE L'IMPACT DE LA POLITIQUE MONETAIRE 30
1. Analyse de la corrélation entre la masse
monétaire et la croissance économique 30
2. Répartition de la croissance dans les secteurs
prioritaires 31
A. Le secteur agricole 32
B. Le secteur industriel 33
C. Les services 35
3. Contribution du crédit bancaire au produit
intérieur brut 37
4. Impact social de la politique monétaire 38
A.
55
Impact sur l'emploi et les salaires 38
B. Impact sur la pauvreté et les inégalités
41
II. LES DEFIS DES AUTORITES MONETAIRES 42
1. L'ouverture économique et financière 42
2. L'inclusion financière 43
III. DISCUSSION DES RESULTATS 44
1. Lien entre masse monétaire et croissance
économique 44
2. Contribution du crédit bancaire 45
3. Impact social de la politique monétaire 45
4. Les limites de l'étude 45
CONCLUSION GENERALE ET RECOMMANDATIONS 46
ANNEXES 48
REFERENCES BIBLIOGRAPHIQUES 49
TABLE DE MATIERES 54
RESUME 56
56
RESUME
Le but de cette étude consistait à
évaluer l'impact de la politique monétaire sur les performances
macroéconomiques de l'Inde. Les données utilisées pour
l'analyse proviennent de plusieurs sources et couvrent la période allant
de 1980 à 2014. Le mémoire soutient que la politique
monétaire affecte significativement les performances économiques
de l'Inde.
Les résultats de l'étude révèlent
que la politique monétaire affecte la croissance économique
indienne avec un délai minimal d'un an après sa mise en oeuvre :
une politique monétaire de l'année courante affecte la croissance
économique de l'année suivante. Elle révèle
également que cette croissance se traduit malheureusement par une faible
création d'emplois et faible réduction de la pauvreté et
des inégalités. L'étude identifie enfin les facteurs qui
limitent l'efficacité de la politique monétaire indienne dans la
période actuelle.
Mots clés : Politique monétaire, crédit
bancaire, croissance économique, Reserve bank of india
ABSTRACT
The purpose of this study was to assess the impact of monetary
policy on macroeconomic performance in India. The data used for the analysis
come from many sources and cover the period from 1980 to 2014. The brief argues
that monetary policy significantly affects the economic performance of
India.
The findings of the study reveal that monetary policy affects
the Indian economic growth with a minimum period of one year after its
implementation : a monetary policy for the current year affects economic growth
of next year. It also reveals that this growth unfortunately results in weak
jobs creation and low reduction of poverty and inequality. The study also
identifies the factors that limit the effectiveness of India's monetary policy
in the current period.
Key words : Monetary policy, bank credit, economic growth,
Reserve bank of India