Chapitre 3 : LA VULNERABILITE URBAINE AUX
INONDATIONS
Les problèmes environnementaux auxquels les villes
sénégalaises sont confrontées tiendraient pour la plupart
à la sensibilité du tissu socio-économique aux
aléas naturels. Les caractéristiques socio-économiques des
villes regorgent d'une spécificité laquelle, en dehors de leurs
composantes physiques (relief, hydrographie, etc.), en fait des zones propices
à toutes les formes de perturbations environnementales. Dans le contexte
actuel, le redressement pluviométrique trouvent une situation
socio-économique fragile, augmentant la vulnérabilité des
territoires urbains face aux inondations.
Cette réalité urbaine frappe la commune
d'arrondissement de Thiès-nord qui a connu une évolution urbaine
importante comme la ville de Thiès de manière
générale. L'urbanisation accélérée ne suit
pas l'évolution sociale mettant en péril des populations pauvres
et dépourvues de capacités d'adaptation efficace pour faire face
au contexte climatique en pleine mutation.
Ainsi se pose la question de la vulnérabilité
urbaine de notre zone d'étude que nous tentons de mettre en
évidence dans ce chapitre où il sera question de spécifier
le cadre urbain de la vulnérabilité à travers la
croissance démographique, l'urbanisation incontrôlée et le
système d'assainissement.
L'objectif étant de voir si les dispositions de la
commune d'arrondissement ne la rendent pas fragile à « l'agression
extérieur », ici le climat.
3-1 La vulnérabilité urbaine
spécifique
La ville est par nature un centre de gravité et un lieu
d'attraction particulièrement pour les populations issues du monde
rural. Or au Sénégal, ce dernier est marqué par un
dépeuplement sans précédent induit par la
sécheresse qui l'a durement affecté et a compromis les espoirs
des ruraux. La « solution » a été un rush vers les
villes comme ce fût le cas de Thiès.
Cette tendance migratoire pour la commune d'arrondissement de
Thiès-nord a participé à renforcer les capacités
démographiques (solde naturel) de la zone devenue incapable de supporter
sa propre population à fortiori l'apport démographique
constitué par le monde rural. A cette démographie galopante
s'ajoute une urbanisation incontrôlée qui se caractérise
par un étirement dans tous les sens.
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3-1-1 La croissance démographique sur un site
vulnérable
La croissance urbaine de la ville de Thiès se
caractérise par une accélération de la croissance
démographique (Figure 22). Cette démographie
galopante est liée, d'une part à un croit naturel
élevé et d'autre part au mouvement migratoire. Pour ce dernier,
c'est la situation de « ville escale » (A. Cissé, 2004) ou
plutôt de ville relais en raison de sa proximité avec la capitale
Dakar, qui explique son importance.
En effet, la forte migration vers Dakar d'une frange
importante de la population du Sénégal à cause de la
sécheresse s'est souvent faite d'escale dans la ville de Thiès.
Cette croissance démographique s'est fortement manifestée dans la
commune d'arrondissement de Thiès-nord en raison aussi de sa situation
au niveau local.
années
350000
300000
250000
Population
200000
150000
100000
50000
0
Source : ANSD, 2008
Figure 22: Evolution et projection de la population de la
ville de Thiès
Comme nous l'avons montré dans la première
partie, la démographie galopante de la zone se matérialise par
une demande d'espace plus forte et une occupation anarchique de l'espace urbain
particulièrement sur un site inondable. La conséquence directe de
cet état de fait demeure l'occupation de zones inhabitables ou
irrégulières mais qui hélas sont «
régularisées » par les autorités locales.
A Nguinth, situé dans une dépression, la forte
croissance démographique s'exprime souvent par des habitations
précaires et est loin de connaître son épilogue en raison
d'une part de la Zone d'Aménagement Concerté (ZAC) crée en
2004 et d'autre part du rattachement de certains villages tels Pognène,
Thionah et Thiapon.
67
Cette occupation a été pourtant avalisée
par les autorités locales qui peut-être n'avaient pas senti le
retour vers des conditions normales de la pluviométrie.
Malheureusement, cette population vit depuis 2007 sous les
eaux à chaque saison des pluies (Photo 3).
Photo 3: Maisons inondées en permanence à
Thiès-nord (S.B.NGOM, 2013)
La commune d'arrondissement de Thiès-nord
constituée par l'ancienne zone nord de la commune de Thiès
devenue ville depuis 2008, a connu une évolution démographique
qui a suivi le développement des infrastructures administratives et
socio-économiques de la ville de Thiès et conditionnée
dans une moindre mesure par la sécheresse des années 1970 et
1980.
La création de la mission catholique, de l'atelier du
chemin de fer et de la base militaire ont favorisé la venue de
populations qui occupaient les quartiers de Nguinth et de Diakhao. D'autres
quartiers périphériques apparaissent tels Médina Fall, le
plus peuplé de la commune d'arrondissement, Takhikao créé
en 191021 etc.
Ces infrastructures ont participé à la mise en
place de la population à Thiès et à l'émergence de
beaucoup de quartiers mais la population n'était pas trop importante du
point de vue de sa démographie. On voit par là que la croissance
démographique sur le site de la commune ne pouvait pas être un
facteur de vulnérabilité même si les pluies étaient
beaucoup plus importantes à cette époque.
21 Source : délégué de quartier
de Médina Fall,
68
L'importance de la croissance démographique s'est
beaucoup plus matérialisée à partir des années 1970
et 1980 qui coïncident au plus fort de la baisse de la
pluviométrie. L'évolution comparée montre une
accélération de la croissance démographique dans le
contexte de sècheresse qui a marqué les années 1970 et
1980 dans la zone d'étude. Les populations rurales ont migré vers
la ville augmentant de facto la population urbaine et encourageant l'occupation
du sol dans un contexte de baisse des nappes, de rareté des marigots.
Aujourd'hui, l'augmentation de la population a suscité
des besoins de plus en plus d'espace. Elle a même favorisé
l'étirement de la commune d'arrondissement absorbant ainsi les villages
comme Diassap, Pognène, Thionah qui sont devenus des quartiers à
part entière de la commune d'arrondissement.
Des quartiers de la commune sont affectés par le
phénomène des inondations (Figure 23) et depuis
2007, la tendance suit la hausse.
Figure 23: Zones inondables dans la commune
d'arrondissement de Thiès-nord (S.B.NGOM, 2013)
69
Si le contexte pluviométrique des années 1970 et
1980, caractérisé par la baisse assez importante des pluies, a
participé à la croissance démographique de la zone, il
n'avait pas permis une meilleure régulation de la croissance urbaine.
Cela en raison des conditions favorables qu'il offrait à l'habitat.
En effet, le besoin d'espace induit par la croissance
démographique a, dans une certaine mesure, poussé les populations
à s'installer massivement dans des zones anciennement occupées
par les eaux (Nguinth) ou situées sur les voies naturelles des eaux
(Médina Fall, Escale nord).
A l'état actuel des choses, la population augmente en
même temps que les besoin d'espaces. Or la commune d'arrondissement de
Thiès nord est, dans ces caractéristiques physiques, assez
limitée pour héberger cette population.
Face à ces indicateurs se trouvent une situation
pluviométrique caractérisée par des apports de plus en
plus importants d'eaux et qui fait ressortir les anciennes zones
d'hébergement des eaux et les voies naturelles de ruissellement.
Le cas le plus frappant est le quartier de Nguinth où
le développement actuel de la végétation (Photo
4) sur le quartier montre bien un rehaussement de la nappe qui
était abaissée certainement en raison des périodes
sèches des années 1970, 1980 et 1990.
Photo 4: Zone de remontée de la nappe de
Nguinth et sa couverture végétale (S.B. NGOM, 2013)
70
Les conditions hydrogéologiques de ce quartier
caractérisées aujourd'hui par un relèvement de la nappe
font que les populations vivent dans les eaux durant presque toute
l'année.
Si l'existence de ce quartier date de longtemps, (après
la création de la mission catholique en 1886), son urbanisation s'est
accélérée dans les conditions climatiques sèches
des années 1970 et 1980. Les populations en venant n'ont pas
trouvé cette zone dans l'état actuel qu'elle est. Elles ont pour
la plupart trouvé une zone sèche et favorable à
l'habitation.
Aujourd'hui, elles vivent avec les eaux qui, même en fin
de saison pluvieuse, continuent de cohabiter avec elles.
La croissance démographique est un indicateur essentiel
de la vulnérabilité des milieux urbains. Elle est souvent
à l'origine de désarticulation des plans d'urbanisation des
villes (difficulté de définir une limite communale), d'occupation
de zone non ædificandi et le rythme de cette croissance « est sans
rapport avec celui du développement des capacités de production
économique » (ANSD, 2010).
Dans la commune d'arrondissement de Thiès-nord, elle
est à l'origine de l'occupation, par les populations, de certaines zones
situées sur les voies d'eau. Avec la rapidité de l'urbanisation,
cette population devient de plus en plus vulnérable car l'urbanisation
des villes sénégalaises en général et de
Thiès en particulier ne suit pas ou n'accompagne pas les dynamiques
démographiques posant ainsi de réels problèmes
environnementaux dont les inondations.
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