V.7. Outils d'analyse des
pratiques d'acteurs à questionner pour la durabilité de
l'agriculture urbaine
Penser des projets agricoles durables dans un espace incertain
comme l'espace urbain ou périurbain, renvoie nécessairement aux
valeurs propres des acteurs et à la manière dont chacun est
capable de les transcender dans le souci d'un champ d'application plus large
que le sien propre.
Parmi les outils disponibles pour apprécier la
durabilité de l'intégration de projets agricoles dans des projets
de développement des aires urbaines, l'ANT6 (Callon, 1986 ;
Latour, 1987 ; Law, 1992 cités par Peltier C.) et la démocratie
dialogique (Callon et al, 2001, cités par Peltier , 2010) nous offrent
un cadre propice.
La figure 1 présente le schéma de Callon et al.
sur la construction d'un espace dialogique visant la construction d'un monde
commun selon les axes de l'exploration des mondes possibles et de la
composition du collectif.
Pour prendre en compte la durabilité dans les processus
de développement territorial, Peltier (2010) y a ajouté un autre
schéma (Figure 2) selon deux axes également : le passage de la
logique de secteur à la logique de territoire, l'affirmation de la
durabilité des questions de société allant de la
négation à l'éducation pour un développement
durable (EDD).
6 Actor-network Theory
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Figure 1: L'espace
dialogique
Source : Callon et al, 2001, Agir dans un monde
incertain, Le Seuil (cité par Peltier, 2010).
Figure 2: Espace dialogique et développement
durable
Source : Peltier (2010)
L'axe de la « territorialisation » propose comme
exploration des mondes possibles un élargissement des acteurs parties
prenantes de la question (Peltier, 2010):
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ï secteur - les acteurs sont
confinés dans un cloisonnement thématique (conception technique
du métier) ; les acteurs du cadre interne » (secteur professionnel,
technique, considéré) sont informés ;
ï secteur « territorialisé » - les
acteurs « hors du cadre interne » sont consultés ;
ï ouverture territoriale - les acteurs « hors du
cadre interne » sont informés ;
ï inscription territoriale - décision
partagée.
L'axe de l'« intégration d'une durabilité
forte » apprécie, comme exploration du collectif, l'état
d'avancement, de composition, d'une culture commune en développement
durable :
ï durabilité niée- les groupes
constitués nient la question ;
ï durabilité concédée - sous la
pression sociétale, les groupes constitués, dominants, acceptent
l'intégration de la préoccupation, un questionnement en termes de
durabilité, donc de groupes émergents ayant une vision
différente de la leur ;
ï durabilité assumée- la question est
devenue incontournable et est au coeur des problèmes et de leur
résolution ;
ï EDD - la question de l'éducation pour le
développement durable est au coeur des questions abordées.
Relevant d'une pédagogie constructiviste
bachelardienne, cette construction théorique d'un monde commun en
durabilité cherche à identifier chez les acteurs en
présence les blocages et obstacles à la construction de ce monde
commun en durabilité. Elle est sensible aux valeurs que ceux-ci portent
tout autant qu'à une éthique considérée comme
hiérarchisation des valeurs en accord avec l'horizon commun vers lequel
les acteurs cherchent à tendre (Massé, 2003 cité par
Peltier, 2010). Elle est basée sur la formulation d'hypothèses
comme des trajectoires possibles pour la diversité des acteurs.
S'appuyant sur les nécessités fonctionnelles du milieu, elle
intègre tout à la fois les normes, le possible, le
souhaité et le souhaitable (Fabre & Fleury, 2007 cité par
Peltier, 2010).
Ce dernier outil nous permet d'apprécier
différentes situations territoriales concernant l'intégration de
la question agricole à la question urbaine. On distinguera ainsi
différentes situations allant des cas extrêmes où les
acteurs en présence, restent enfermés dans leur logique de
secteur et nient une réelle prise en compte des valeurs et objectifs du
développement durable, intègrent la voix de l'autre dans leurs
propres décisions et mettent en oeuvre une véritable
démarche pédagogique d'éducation au développement
durable aussi bien
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pour leurs propres structures que pour
les autres acteurs du territoire, tout en sachant que cette démarche
peut être déstabilisante pour eux-mêmes.
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