Les aspects socio-juridiques de la prise en charge des refugiés: cas des refugiés maliens( Télécharger le fichier original )par Saïdou KABORE Ecole nationale d'administration et de magistrature - Administrateurs civils 2014 |
Paragraphe II: La procédure de détermination du statut de refugiésComme nous le savons, la protection des citoyens aussi bien que celui des «étrangers» en quête de sécurité sur son territoire est une responsabilité qui incombe à l'Etat. Pour ce qui concerne le réfugié dont l'un des mandats du H.C.R. est de lui assurer la protection internationale, l'exercice de cette obligation au Burkina Faso est subordonné à la satisfaction de plusieurs étapes. Il est de la responsabilité première des États de déterminer le statut des personnes qui demandent l'asile sur leur territoire31(*). Conformément au Décret N° 2011-118/PRES/PM/MAECR en son article 4, la détermination du statut de réfugié est confiée à la CONAREF qui a créé en son sein un comité d'éligibilité. Ce Comité présidé par un représentant du Ministère en charge des Affaires Etrangères et de la Coopération Régionale, se réunit en session ordinaire au moins une fois tous les deux (2) mois, sur convocation de son Président et en session extraordinaire sur convocation de son Président32(*). Les compétences du Comité d'éligibilité s'articulent autour de : - la détermination du statut de réfugié des requérants d'asile; - la décision du retrait, d'annulation ou de cessation du statut de réfugié; - la réouverture et la clôture des dossiers de requête d'asile.33(*) En ce qui concerne la procédure proprement dite, l'article 2 du Décret N°2011-119, fait obligation à tout requérant d'asile, à son entrée sur le territoire national, de se faire enregistrer et introduire une demande de statut de réfugié auprès des services compétents de la CONAREF dans les quinze (15) jours suivant son entrée. L'article 3 du même décret dispose que « Tout ressortissant étranger se trouvant sur le territoire du Burkina Faso et qui ne peut retourner dans son pays d'origine ou dans son pays de résidence habituelle pour une des raisons énoncées à l'article 3 de la loi N° 042-2008/AN du 23 octobre 200834(*), portant statut des réfugiés au Burkina Faso, est fondé à introduire une demande d'asile auprès des services ci-dessus visés à l'article 2. » Nous pouvons aisément remarquer ici l'absence de délai pour introduire la demande d'asile. Aussi nous pouvons relever que la reconnaissance de la qualité de réfugié est ouverte à: - Toute personne qui, craignant avec raison d'être persécutée à cause de sa race, de sa religion, de sa nationalité, de son appartenance à un certain groupe social ou de ses opinions politiques, se trouve hors du pays dont elle a la nationalité et qui ne peut ou, du fait de cette crainte ne veut se réclamer de la protection de ce pays ; ou qui, si elle n'a pas de nationalité et se trouve hors du pays où elle avait sa résidence habituelle, à la suite de tels événements, ne peut ou en raison de ladite crainte, ne veut y retourner ; - Toute personne qui, du fait d'une agression, d'une occupation extérieure, d'une domination étrangère ou d'événements troublant gravement l'ordre public dans une partie ou dans la totalité de son pays d'origine ou du pays dont elle a la nationalité, est obligée de quitter sa résidence habituelle pour chercher refuge dans un autre endroit à l'extérieur de son pays d'origine ou du pays dont elle a la nationalité ». On comprend ainsi que, si les réfugiés sont des étrangers dans les pays qui les accueillent, ils ne sont pas des étrangers ordinaires qui bénéficient toujours de la protection de leur pays d'origine. La demande d'asile adressée au Coordonnateur National de la CONAREF est un dossier comportant un formulaire de renseignements, copie d'une pièce d'identité et de tout autre document justificatif de la situation de requérant d'asile35(*). Notons que la demande est irrecevable si le requérant a été admis en qualité de réfugié dans un premier pays d'asile ou, pour d'autres raisons justifiées, y jouit d'une protection et peut encore en bénéficier36(*). Le requérant d'asile régulièrement enregistré est soumis, dans les trente (30) jours qui suivent la date d'enregistrement, à un entretien de Détermination du statut de réfugié37(*). Le requérant d'asile doit comparaître en personne devant le Comité d'éligibilité afin de fournir toutes explications utiles. Cependant, en cas d'afflux massif de requérants d'asile, il peut être accordé aux membres d'un même groupe, le statut de réfugié selon le principe prima facie38(*) et sur la base d'informations objectives se rapportant à la situation qui règne dans le pays d'origine39(*). C'est le cas essentiellement des réfugiés maliens au Burkina Faso suite à la guerre au Nord Mali. Notons qu'outre la révision dont peut faire l'objet une décision de rejet si des éléments ou des motifs nouveaux l'exigent, le requérant peut formuler un recours dans un délai de soixante (60) jours à compter de la date de notification de la décision contestée auprès du Coordonnateur national s'il y a des éléments nouveaux et si cette décision n'est pas fondée sur la sécurité d'Etat ou sur une faute grave40(*). Cela constitue une protection en plus pour le demandeur d'asile au Burkina Faso. Au Sénégal par exemple, l'admission d'une personne au statut de réfugié tout comme la constatation de la perte de ce statut sont décidées par décret sur avis d'une commission. Ainsi, le réfugié ne peut exercer aucune voie de recours, ce pour deux raisons au moins. D'une part, on ne saurait soumettre un avis à la censure du Conseil d'Etat, d'autre part, le décret est toujours positif. A contrario, il n'y a aucune notification au réfugié de la décision de refus, qui est un acte de gouvernement, donc insusceptible de recours. Le réfugié ne peut même pas, compte tenu de la nature juridique de la décision, prétendre agir au bout d'un certain temps en cas de silence du Président de la République41(*). Le dossier est transmis à un comité de recours devant lequel le requérant devra comparaitre en personne pour un entretien. Lorsque le recours est acceptée, le requérant est admis au statut de réfugié et reconnu comme tel. Cependant lorsque le recours est rejetée, notification en est faite au requérant qui doit, soit régulariser son séjour au Burkina Faso auprès des services chargés de l'immigration, soit quitter le territoire national dans les soixante (60) jours suivant la date de la notification42(*). Cependant nous pouvons relever que même si la majorité (tableau 1) des refugiés maliens que nous avons enquêtés estiment l'octroi de leur statut de réfugiés satisfaisant, les 25% le juge peu satisfaisant. Si ces différents textes posent les règles de la protection et de l'assistance aux réfugiés, ce sont des structures internationales, régionales et nationales qui contribuent à les mettre en exécution ou à surveiller leur application. Ces structures feront l'objet de notre étude au chapitre II. * 31Les Etats peuvent être supplée dans cette tâche en cas de défaillance par le HCR * 32Article 20 du Décret N° 2011-118 * 33Article 19 du Décret N° 2011-118 * 34 Englobe la définition du réfugié contenue dans l'article 1er de la Convention du 28 juillet 1951 relative au statut des réfugiés, complétée par le Protocole du 31 janvier 1967 et / ou à celle de l'OUA du 10 septembre 1969. * 35Article 4 du Décret N° 2011-119 * 36Article 5 du Décret N° 2011-119 * 37Article 6 du Décret N° 2011-119 * 38Le principe prima facie (à première vue): c'est une procédure de détermination collective de la qualité de réfugié selon laquelle, sauf preuve du contraire, chaque membre du groupe est considéré à première vue comme réfugié. C'est cette procédure qui est adoptée uniquement en cas d'afflux important de demandeurs d'asile. * 39Article 9 du Décret N° 2011-119 * 40Article 12 alinéa 2 et 13 du Décret N° 2011-119 * 41 Seul le Président de la République décide, par décret, de l'admission d'une personne au bénéfice du statut de réfugié ou constate la perte de ce bénéfice au Sénégal. * 42Article 21 du Décret N° 2011-119 |
|