Section I. Les difficultés entravant la gestion
des localités
frontalières
Les difficultés rencontrées dans la gestion
administrative des localités frontalières sont à
appréhender en termes d'insuffisances et de difficultés
rencontrées en la matière (Paragraphe I.) et de
difficultés rencontrées par les populations (Paragraphe
II.).
Paragraphe I. Les insuffisances/difficultés
rencontrées dans la gestion administrative des localités
frontalières
Il s'agit ici de relever les insuffisances liées aux
moyens et aux modes de gestion administrative des localités
frontalières (A) et d'analyser les difficultés
rencontrées par les structures locales de gestion
(B).
A. Les insuffisances liées aux moyens et aux modes
de gestion des localités
frontalières
Ces insuffisances sont perceptibles aussi bien dans la mise en
oeuvre de la coopération transfrontalière (2)
que sur le plan de la gestion interne (1).
1. Sur le plan de la gestion interne
Dans la gestion administrative des localités
frontalières du Burkina, nos études et entretiens ont permis de
relever des insuffisances dont :
? l'absence de dispositions spécifiques
régissant les localités
frontalières54
54 Un référentiel d'orientation et d'intervention
du Gouvernement et des autres acteurs dans le domaine frontalier est en
rédaction : la Stratégie Nationale des Frontières
(SNF).
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L'absence au plan interne, de textes spécifiques
régissant la gestion des localités frontalières et la
soumission exclusive de ces localités aux règles de portée
générale55 font obstacle à leur bonne gestion.
En effet, au regard de la spécificité des localités
frontalières, l'application exclusive des lois régissant les
Collectivités territoriales et les Circonscriptions administratives ne
permet pas de marquer promptement la souveraineté de l'Etat.
? la gestion globale et uniforme de toutes les
circonscriptions administratives du Burkina.
Toutes les circonscriptions administratives du Burkina Faso
sont gérées selon les mêmes perceptions et modes : pour le
cas de la nomination des chefs de circonscription administrative, « bien
que l'on préfère parfois des agents de force de
sécurité et de défense dans les localités
frontalières, il n'y a aucune règle particulière en la
matière »56. Aussi, à l'instar de la
quasi-totalité des départements, ceux frontaliers sont-ils
également confrontés à des problèmes de personnel :
le Préfet se retrouve sans agent d'accompagnement, donc tout seul. Ce
qui porte un coup considérable à l'image et à
l'autorité de l'Etat sur ledit territoire.
? le manque de coordination entre les actions de
la DGAT, de la DGCT et de la CNF.
La Direction Générale de l'Administration
Territoriale, la Direction Générale des Collectivités
Territoriales et la Commission Nationale des Frontières interviennent
quasiment sur les mêmes territoires57. Un défaut ou une
mauvaise coordination dans leurs actions ne facilite pas l'atteinte des
résultats escomptés de part et d'autre.
2. Dans la mise en oeuvre de la coopération
transfrontalière
A ce niveau, les insuffisances sont liées entre autres
à :
55 Règles applicables à toutes les
collectivités territoriales et circonscriptions administratives quelle
qu'elles soient : la loi no055-2004/AN du 21 décembre 2004
portant Code Général des Collectivités Territoriales au
Burkina Faso et ensemble ses modificatifs et le décret
no2012-804/PRES/PM/MATDS/MEF du 08 octobre 2012 portant
modalités de création, d'organisation et de fonctionnement des
circonscriptions administratives au Burkina Faso.
56 La Directrice Générale de l'Administration
Territoriale, entretien, février 2015.
57 Les attributions, supra.
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? l'absence de convention globale de
coopération
Cette absence de cadre juridique de référence
n'est pas de nature à promouvoir et à renforcer la
coopération transfrontalière.
? la coopération transfrontalière plus
informelle que formelle
Bien que la collaboration, les visites entre autorités
locales transfrontalières pour la gestion de certaines
préoccupations des populations frontalières et les vaccinations
synchronisées contre la poliomyélite58
témoignent une avancée notable dans la coopération
transfrontalière, sa non-formalisation constitue un frein au bon
fonctionnement de la coopération.
? Le manque de budget à la disposition des
structures locales pour la mise en oeuvre de la coopération
transfrontalière entre collectivités.
Ce manque constitue une insuffisance, voire un blocage du fait
que les circonscriptions, préfectures notamment chargées de
coopérer avec les structures homologues du Mali, ne disposent pas de
budget propre et l'appui financier en la matière par les structures
centrales (notamment le SP-CNF) ne permet pas de faire suffisamment face aux
charges de l'organisation des activités. A titre illustratif, les
autorités du département de Koloko ont des difficultés
pour recevoir la délégation du cercle de Hèrèmakono
(Mali), qui les avait reçues dans le cadre de la coopération
transfrontalière (cadre de concertations informelles)59.
? L'absence de ligne budgétaire dans le
budget des communes frontalières allouée à la
coopération transfrontalière.
Les communes n'entreprenant pas la mise en oeuvre de la
coopération transfrontalière, leur soutien financier aux
préfectures à cet effet, proviennent de la ligne
budgétaire communale consacrée aux fêtes et
cérémonies. Et, ce soutien est dans la plupart des cas
dérisoire.
A ces insuffisances, s'ajoutent des difficultés
auxquelles sont confrontées les structures locales de gestion.
58 Ces activités ressortent des données de
l'enquête, Koloko, février 2015.
59 Source: entretiens avec les autorités de Koloko,
février 2015.
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B. Les difficultés rencontrées par les
structures locales de gestion
En rappel, les structures locales ici se composent des
collectivités locales et des circonscriptions
administratives60. Cependant, nous analyserons essentiellement les
difficultés rencontrées par la mairie et la préfecture
(1) d'une part, et celles rencontrées par les services
sociaux de base (2) d'autre part.
1. La mairie et la préfecture
A ce niveau, on relève :
? un manque de personnel suffisant
En effet, tandis qu'à lui seul, le préfet occupe
le service, expédie les courriers, assure le secrétariat, tient
les audiences, etc., à la mairie, l'agent de recouvrement par exemple,
est fréquemment en appui des services de l'état civil pour
l'accomplissement de leur mission. Ce qui a pour conséquence le retard
dans la reddition des services, l'atteinte à leur autorité et le
ternissement de l'image de l'Administration.
? un manque de matériel de bureau et de moyens
de déplacement adéquat
Ce qui constitue un obstacle à l'accomplissement des
missions des autorités administratives et des responsables des
collectivités territoriales.
2. Les services sociaux de base
Au niveau des services sociaux de base, les difficultés
rencontrées par l'administration sont liées :
? au manque de personnel
suppléant
Le Centre de santé de Koloko par exemple ne dispose que
de cinq (05) agents dont une seule sage-femme ; toutes les écoles
manquent de personnel suppléant : en cas de maladies ou de congés
de maternité d'un agent, son poste reste vacant et sa classe reste
fermée ou fonctionne en ralenti.
? à la jeunesse du personnel
enseignant
Cette jeunesse qui devrait être un atout en termes de
dynamisme, constitue en même temps un obstacle, notamment
l'instabilité du personnel. Selon le Chef de circonscription
d'éducation de base de Koloko, la circonscription est en
perpétuel
60 Voir supra.
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remplacement du personnel : « après le
CAP61, les enseignants vont dans les villes et la CEB ne
bénéficie pas de leur expérience ».
? au mariage précoce, à
l'élevage et aux travaux champêtres
Ces facteurs constituent un obstacle considérable
surtout pour l'atteinte des objectifs en matière d'éducation
nationale dans les localités frontalières. En effet, le taux de
scolarisation des filles prend un coup dû au mariage précoce. A
cela, s'ajoute l'organisation du troisième trimestre qui est
confrontée à la désertion des classes par les
élèves appelés à rejoindre les champs ou les
troupeaux pour la plupart dès les premières pluies.
? à la vétusté et à
l'exiguïté des infrastructures
Elles font également obstacle à
l'accomplissement de la mission de santé publique notamment.
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