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Université de Liège Faculté des
sciences
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Elaboration d'une méthode d'évaluation de
l'efficacité de la gestion de l'Aire Marine
Protégée de Joal-Fadiouth au
Sénégal
Bouée délimitant l'AMP de
Joal-Fadiouth
(c) Balland M.
Marie Balland
Année académique 2008-2009
Travail de fin d'études présenté en vue de
l'obtention du master en sciences et gestion
de l'environnement, option
gestion et développement durable.
Promoteur: M. Mormont
Département des sciences et gestion de l'environnement,
Unité de Socio-économie, Environnement et Développement
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Cet ouvrage a été imprimé sur du papier
certifié FSC Mixed Source
Remerciements
Je remercie tout d'abord mon promoteur, Monsieur Mormont, qui
m'a soutenue et aiguillée tout au long de ce travail.
Un grand merci à la Commission Universitaire pour le
Développement qui m'a accordé sa confiance en m'octroyant une
bourse de voyage pour mon stage au Sénégal.
Mes remerciements à Claude Sène, mon responsable
académique au Sénégal, pour ses conseils et pour m'avoir
guidée vers l'AMP de Joal-Fadiouth.
Bien sûr, je remercie la Direction des Parcs Nationaux
parce qu'elle m'a autorisée à réaliser ce stage sur l'AMP
de Joal-Fadiouth. Ma reconnaissance va tout particulièrement au
Lieutenant Mamadou Cara Diédhiou pour m'avoir accompagnée durant
ce stage, ainsi qu'au Lieutenant Amar Fall et à l'adjudant Al Hassane
Seck Mané.
Enfin, toute ma reconnaissance aux membres du comité de
gestion de l'AMP et aux habitants de Joal-Fadiouth pour leur accueil chaleureux
et pour le temps qu'ils m'ont accordé.
Et pour terminer, je remercie ma famille, mes proches et plus
particulièrement Charly pour leur soutien.
Résumé
Le recours aux Aires Marines Protégées (AMPs)
pour lutter contre la surexploitation des ressources halieutiques est de plus
en plus fréquent. Les AMPs se multiplient à travers le monde mais
elles ne pourront atteindre leurs objectifs qu'à condition d'être
gérées de manière efficace. Ce n'est que très
récemment que des outils ont été développés
afin d'aider les gestionnaires d'AMP à évaluer
l'efficacité de leur gestion.
En 2004, au Sénégal, ont été
créées 5 AMPs, dont celle de Joal-Fadiouth. Comme la
majorité des AMPs à travers le monde, celle-ci ne dispose pas de
procédure globale d'évaluation de son efficacité.
Dans ce travail, nous avons développé, sur base
d'indicateurs socio-économiques, écologiques et de gouvernance,
une méthode d'évaluation de l'efficacité de la gestion de
l'AMP de Joal-Fadiouth. Les indicateurs proviennent initialement d'un guide
réalisé par l'IUCN et le WWF. Ensuite, un stage sur le terrain
m'a permis de collecter des données spécifiques à cette
AMP. Suite à l'analyse de ces données, les indicateurs ont
été adaptés aux ressources et à la situation de
celle-ci.
Ce travail a abouti à l'élaboration d'une
série d'indicateurs de gouvernance qui forme une grille de lecture qui
pourrait certainement être également appliquée à
d'autres AMPs cogérées. Onze indicateurs biophysiques
basés uniquement sur des données qui ont déjà
été collectées à l'AMP de Joal-Fadiouth ont
également été développés. Concernant les
indicateurs socio-économiques, l'analyse n'a ciblé que quelques
indicateurs. Nous avons constaté que le questionnaire n'est pas le
meilleur moyen de collecter les données liées aux valeurs et
préoccupations environnementales des individus ; il serait plus
approprié d'effectuer une analyse globale des perceptions qu'ont les
individus de leur territoire ou de se référer plutôt
à des pratiques.
III.2.1. Localisation de la commune de Joal-Fadiouth 33
Table des matières
Remerciements Résumé
INTRODUCTION 1
I ETAT DES LIEUX 3
I.1. Des Aires Marines Protégées pour
contrer la surexploitation des océans 3
I.2. Historique d'un cadre législatif
4
I.3. Gestion des AMPs 6
I.4. Évaluation de l'efficacité de la
gestion d'AMP 7
I.4.1. Intérêt d'effectuer une évaluation de
l'efficacité de la gestion 7
I.4.2. Développement d'outils 8
I.4.3. Cadre de l'UICN pour l'évaluation de
l'efficacité de la gestion des aires
protégées 9
I.5. Evaluation de la gestion d'AMP à partir
d'indicateurs. 11
I.5.1. Indicateurs biophysiques 11
I.5.2. Indicateurs sociaux 12
I.5.3. Indicateurs économiques 12
I.5.4. Indicateurs de gouvernance 13
I.5.5. Niveau de l'évaluation en fonction du type
d'indicateur 13
II. DESCRIPTION DES INDICATEURS DU GUIDE DE L'UICN 14
II.1. Indicateurs biophysiques 15
II.2. Indicateurs de gouvernance 20
II.3. Indicateurs socio-économiques
24
III. DESCRIPTION DU MILIEU ETUDIE 27
III.1. Situation de la pêche en Afrique de
L'ouest et au Sénégal 27
III.1.1. Afrique de l'Ouest, une écorégion
particulière 27
III.1.2. Création d'un réseau d'AMP en Afrique
de l'Ouest 28
III.1.3. La pêche artisanale au Sénégal,
un secteur en crise 29
III.1.4. Création d'AMPs au Sénégal 31
III.2. Description de la commune et de l'AMP de
Joal-Fadiouth 32
III.2.2. Situation socio-économique 33
III.2.2.1 population 33
III.2.2.2. Exploitation des ressources
halieutiques...................................................34
III.2.3. Caractéristiques biophysiques 35
III.2.3.1. Hydrologie marine 35
III.2.3.2. Flore 35
III.2.3.3. Faune 36
III.2.4. L'AMP de Joal-Fadiouth 39
III.2.4.1. Présentation générale
III.2.4.2. Historique de la mise en place d'une
institution de gestion de l'AMP
IV. METHODES DE COLLECTE DES DONNEES 43
IV.1. Recherche de données existantes
44
IV.2. Entretiens avec les principales parties prenantes
45
IV.3. Questionnaire destiné aux habitants de
Joal-Fadiouth 47
V. ADAPTATION DES INDICATEURS AU CAS D'ETUDE 52
V.1. Ajustement du questionnaire 53
V.2. Evaluation de la gouvernance 59
V.2.1. Evaluation et adaptation des indicateurs du guide de
l'UICN 59
V.2.2. Indicateurs supplémentaires 78
V.2.3. Synthèse des indicateurs de gouvernance 83
V.2.4. Niveau de l'évaluation 85
V.3. Evaluation des perceptions et des connaissances de
la communauté 86
V.3.1. Analyse des résultats 86
V.3.2. Synthèse 93
V.4. Évaluation biophysique 95
V.4.1. Evaluation et adaptation des indicateurs du guide de
l'UICN 95
V.4.2. Synthèse des indicateurs biophysiques 112
V.5. Mise en relation avec les objectifs et les
indicateurs du plan de gestion 113
CONCLUSIONS 117
REFERENCES .122
Sigles ..125
1
INTRODUCTION
Les côtes sénégalaises sont parmi les plus
poissonneuses au monde. La pêche joue un rôle
socio-économique primordial dans ce pays. Néanmoins, depuis une
cinquantaine d'années, ce secteur est en crise ; on observe une
surcapacité de pêche et les ressources halieutiques ne cessent de
s'amenuiser.
Afin de contrer ce phénomène et de
protéger l'extraordinaire biodiversité que révèlent
ses côtes, le Sénégal a misé sur le
développement d'Aires Marines Protégées (AMPs).
Joal-Fadiouth fait partie des 5 AMPs qui ont été
créées, de manière participative, en 2004.
Cependant, les AMPs ne pourront atteindre leurs buts ambitieux
que si elles sont gérées de manière efficace. Or, ce n'est
que très récemment qu'ont été
développés des outils pour aider les gestionnaires d'AMP à
évaluer l'efficacité de leur gestion. A Joal-Fadiouth, comme dans
la majorité des AMPs à travers le monde, aucune procédure
globale d'évaluation n'existe ; tout au plus certains paramètres
sont mesurés isolement.
L'objectif de ce travail est de développer, sur base
d'indicateurs socio-économiques, écologiques et de gouvernance,
une méthode d'évaluation de l'efficacité de la gestion de
l'AMP de Joal-Fadiouth.
L'idée est d'adapter les indicateurs du guide
réalisé par l'Union International pour la Conservation de la
Nature (UICN) et le WWF - "Guide sur les indicateurs naturels et sociaux
destinés à évaluer l'efficacité de la gestion des
aires marines protégées" (Pomeroy et al. 2006) - de
manière à élaborer une méthode d'évaluation
spécifique à l'AMP de Joal-Fadiouth. Un stage au niveau de l'AMP
de Joal-Fadiouth m'a permis de récolter des données
spécifiques à cette AMP. Sur base de l'analyse de ces
données, j'ai développé des indicateurs adaptés aux
ressources et à la situation de cette AMP ainsi qu'aux
possibilités techniques dont disposent les acteurs de terrain pour
collecter les données.
Autrement dit, les données qui sont
récoltées et analysées à propos de l'AMP de
Joal-Fadiouth permettent une première évaluation de
l'efficacité de la gestion de l'AMP mais, avant tout, dans le but
d'adapter les indicateurs du guide le l'UICN à cette AMP.
Il s'agit donc d'un objectif méthodologique - mettre au
point une méthode d'évaluation adapté à l'AMP de
Joal-Fadiouth - et pratique - les indicateurs proposés pourront
être
2
directement utilisés par les gestionnaires de l'AMP de
Joal-Fadiouth pour effectuer un suivi des ressources de l'AMP et évaluer
l'efficacité de leur gestion.
Concrètement, je commencerai par exposer un état
de lieu général de la question des AMPs et de l'évaluation
de l'efficacité de leur gestion. Ce chapitre sera suivi d'une
présentation des indicateurs du guide de l'UICN et d'une description du
lieu d'étude qui permettra de situer le contexte socio-économique
et biophysique dans lequel a été développée l'AMP
de Joal-Fadiouth. La méthode de collecte des données sera
explicitée et enfin, sur base de l'analyse des données
collectées sur le terrain, des indicateurs seront adaptés
à l'évaluation de l'efficacité de la gestion de l'AMP de
Joal-Fadiouth.
I ETAT DES LIEUX
3
I.1. Des Aires Marines Protégées pour
contrer la surexploitation des océans
Surcapacité de pêche, développement des
technologies de prospection et techniques destructives laissent peu de chance
aux poissons. Combinée aux effets de la pollution, la surpêche
risque de transformer nos océans en désert liquide. Aujourd'hui,
la crise est généralisée ; selon les chiffres de la FAO
publié en 2005, 75% des ressources marines sont en passe d'être
surexploitées et 90% de la biomasse des grands prédateurs a
disparu (Guerin et Ody, 2007). La survie des écosystèmes marins
est menacée. Les conséquences de cette catastrophe
annoncée sont, certes, écologiques mais elles sont aussi
économiques et sociales. Les populations côtières voient
d'ores et déjà leurs ressources alimentaires et
financières s'amenuir.
Le recours aux aires marines protégées (AMPs)
comme outil de gestion des pêcheries est de plus en plus fréquent.
En effet, celles-ci constituent des milieux particulièrement propices au
renouvellement des ressources halieutiques1.
Le congrès mondial de la conservation (Montréal,
octobre 1996) a défini une AMP de la façon suivante : «
Tout espace intertidal2 ou infratidal3 ainsi que ses eaux
sus-jacentes, sa flore, sa faune et ses ressources historiques et culturelles
que la loi ou d'autres moyens efficaces ont mis en réserve pour
protéger en tout ou en partie le milieu ainsi délimité
».
Les rôles des AMPs sont multiples : protection des
espèces et des habitats, conservation de la biodiversité,
restauration des stocks de pêche, gestion des conflits entre divers
utilisateurs de la ressource (Pomeroy et al., 2006). Les effets des AMPs ne se
limitent donc pas à des effets environnementaux et écologiques,
les AMPs ont également des effets sociaux et économiques. Ces
deux derniers effets ne sont, hélas, pas toujours positifs ; la
1 Le terme halieutique
désigne tout ce qui à trait à l'exploitation
des ressources vivantes aquatiques. Les ressources halieutiques
représentent les stocks d'espèces aquatiques
exploitables.
2 L'espace intertidal
correspond à la zone côtière comprise entre
les niveaux des marées les plus hautes et les niveaux des marées
les plus basses.
3 L'espace infratidal
correspond à la zone côtière continuellement
immergée.
4
création d'AMP peut limiter fortement l'accès
des populations locales aux ressources, surtout dans leurs premières
années de fonctionnement. La grande majorité des AMPs ont
été établies avant tout pour des raisons de protection de
la biodiversité mais, comme nous le verrons dans le prochain chapitre,
on ne peut, aujourd'hui, dans un contexte de développement durable,
négliger les répercussions de celles-ci sur les populations
côtières.
I.2. Historique d'un cadre législatif
La fonction initiale des AMPs était de « mettre
sous cloche » une zone d'intérêt biologique ou
esthétique. Cette vision des aires protégées est
aujourd'hui dépassée.
La conférence des Nations Unies, à Stockholm en
1972, représente la naissance d'une conscience environnementale et va,
pour la première fois, à travers une déclaration,
insérer l'environnement dans le droit international. Par la suite, on
assiste à une forte expansion des AMPs qui vont inévitablement
s'étendre à des zones occupées et utilisées par des
populations autochtones. Néanmoins, la prise en compte de l'homme et des
aspects socio-économiques dans les politiques de conservation de la
biodiversité n'apparaît timidement que dans les années 80,
dans le cadre du programme de MAB (Man And Biosphere) de l'UNESCO4.
Ce programme encourage la création d'un réseau d'AMPs et met en
évidence l'utilisation rationnelle des ressources5. Cette
première tentative d'intégrer l'homme comme partie prenante de
son environnement annonce déjà l'évolution majeure que va
entrainer la conférence de Rio en 1992 (Cazalet, 2004).
En effet, de la conférence de Rio vont naître
plusieurs textes. Nous en retiendrons trois particulièrement : La
déclaration sur l'environnement et le développement, L'agenda 21
et La convention de Rio sur la diversité biologique. La
première réaffirme l'importance du rapport entre environnement et
développement et fait émerger le concept de développement
durable qu'il consacre dans son principe 46. L'agenda 21
présente les actions et stratégies qui permettent de
concrétiser le développement durable. On y trouve une
référence aux AMPs
4 Une liste des signes et de leur signification est
disponible en fin d'ouvrage.
5 L'utilisation rationnelle des
ressources se définit comme une utilisation des ressources
au bénéfice de l'humanité d'une manière qui soit
compatible avec le maintien des propriétés naturelles des
écosystèmes (Cazelet, 2004)
6 Principe 4 : « Pour parvenir à un
développement durable, la protection de l'environnement doit faire
partie intégrante du processus de développement et ne peut
être considérée isolément. »
5
dans le chapitre 15.5g. : « Parmi les mesures in
situ, on devrait notamment renforcer les systèmes de zones
protégées (zones terrestres, marines ou aquatiques), et
préserver, entre autres éléments, les zones
dulçaquicoles et autres zones humides vulnérables et les
écosystèmes côtiers, tels qu'estuaires, récifs
coralliens et mangroves;». Il s'agit néanmoins toujours de
conférences, de déclarations d'intention ou de plan d'action qui
ne sont donc pas contraignants pour la communauté internationale. La
convention de Rio sur la diversité biologique va pallier à
cette faiblesse par un engagement contraignant des états signataires.
Aujourd'hui, presque tous les états de la planète y ont
adhéré dont la plupart des pays d'Afrique. L'article 8 de la
convention prévoit la mise en place d'un système d'aires
protégées, préconisé pour répondre aux
objectifs de sauvegarde des espèces et de leurs habitats et pour la
reconstitution d'écosystèmes dégradés. Cette
création doit autant que possible s'accompagner d'un mécanisme,
éventuellement réglementaire, de gestion du patrimoine biologique
à l'intérieur et sur les pourtours des aires
protégées. La majorité des états membres, y compris
la plupart des états africains, ont réalisés une
traduction interne de ces règles. (Cazalet, 2004 ;
Doumbè-Billé, 2001)
D'autres instruments plus spécifiques vont suivre. En
1995, la FAO élabore le code de conduite pour une pêche
responsable. Celui-ci tente d'appliquer le concept de durabilité
aux activités halieutiques. Ce code ne fait pas directement
référence aux AMPs mais certaines recommandations sont
directement applicables aux aires protégées. Ainsi, l'article
10.1.2 et 10.1.3 7 appuie la prise en compte et la participation des
communautés de pêcheurs dans la gestion des zones
côtières (FAO, 1995). En 1995, également, l'UNESCO
(programme MAB) élabore un cadre statutaire pour les réserves de
biosphères : la stratégie de Séville. Celui-ci
prône la démarche systémique et pluridisciplinaire et la
reconnaissance des savoirs locaux. Il préconise des partenariats entre
communautés locales et autorités responsables. (Cazalet, 2004)
Enfin, lors du sommet mondial sur le développement
durable de 2002, un engagement a été pris sur la création
de «zones marines protégées conformes au droit international
et
7 Article 10.1.2 « Eu égard aux
multiples utilisations de la zone côtière, les Etats devraient
veiller à ce que des représentants du secteur des pêches et
des communautés de pêcheurs soient consultés au cours des
processus de décision et qu'ils prennent part à d'autres
activités en rapport avec la planification de l'aménagement et le
développement des zones côtières.» Article 10.1.3
« Les Etats devraient mettre en place, le cas échéant,
des cadres institutionnels et juridiques en vue de déterminer les
utilisations possibles des ressources côtières et régir
l'accès à ces ressources, en tenant compte des droits des
communautés côtières de pêcheurs et de leurs
pratiques coutumières de manière compatible avec un
développement durable.»
6
basées sur des informations scientifiques, y compris
des réseaux représentatifs, d'ici à 2012 ». (Pomeroy
et al, 2006)
Ces législations servent de base au
développement de législations nationales dans les pays en voie de
développement. C'est également sur ces instruments que repose
l'évolution du concept d'AMP ; d'abord considérées comme
des zones qu'on souhaitait isoler complètement des humains, elles se
sont ensuite adaptées aux nécessités du
développement économique et social pour devenir des lieux
d'intégration de la science et de la gestion au bénéfice
du développement durable.
I.3. Gestion des AMPs
Les AMPs recouvrent moins de 1% de la superficie totale des
océans et moins de 10% de celles-ci atteignent leurs buts en
matière de gestion (Kelleher et al, 1995 IN Pomeroy, 2006). Aujourd'hui,
des engagements sont pris pour la création d'AMPs et leur nombre ne
cesse de se multiplier. Cependant, les AMPs ne pourront atteindre leurs buts
ambitieux d'utilisation durable des ressources halieutiques, de conservation de
la biodiversité et de meilleure qualité de vie pour les
populations côtières que si elles sont gérées de
manière efficace.
« Un processus de gestion comprend la planification, la
conception, la mise en oeuvre, la surveillance, l'évaluation, la
communication et l'adaptation » (Pomeroy, 2006). Lors de la mise en place
d'un processus de gestion, il est indispensable de commencer par définir
quels sont les buts généraux que l'AMP vise à atteindre.
Ceux-ci servent alors de base à l'élaboration d'une série
d'objectifs spécifiques, réalistes et mesurables qui permettront
de rendre compte des progrès dans l'AMP. L'idéal est que
l'établissement des buts et objectifs de l'AMP soit défini de
manière participative afin de refléter un équilibre entre
les besoins et les souhaits de toutes les parties prenantes8 et de
les associer au projet dès le départ. Ensuite, des actions sont
menées pour atteindre ces objectifs. On comprend aisément qu'il
est nécessaire qu'un processus de suivi et d'évaluation soit
inclus dans le processus de gestion afin de vérifier l'efficacité
des actions menées, c'est ce que nous verrons dans le chapitre
suivant.
8 "Les parties prenantes sont des individus,
des groupes ou des organisations de personnes qui sont
intéressées ou affectées (positivement ou
négativement) par l'AMP, ou impliqués dans l'AMP d'une quelconque
manière "(Pomeroy et al, 2006). Généralement on
considère principalement des groupes ou organisations de personnes
plutôt que des individus isolés.
7
Notons que la gestion des AMPs peut être menée selon
trois modes principaux :
- la gestion centralisée qui
implique une faible participation des parties prenantes puisque la gestion est
conduite par une administration centrale ;
- la gestion communautaire ou locale
qui au contraire implique une forte participation des parties
prenantes et qui donne la responsabilité de la gestion aux
communautés locales ;
- la gestion collaborative ou cogestion
qui consiste à répartir la responsabilité et
l'autorité entre le gouvernement et les parties prenantes locales. Il
faut savoir que lorsque les acteurs locaux sont impliqués dans le
processus de gestion, ils ont un sentiment d'appropriation de l'AMP, ce qui
garantit leur soutien et la durabilité de la conservation (Pomeroy,
2006).
I.4. Évaluation de l'efficacité de la
gestion d'AMP
La gestion efficace des AMPs nécessite un retour
permanent d'informations. « L'évaluation du processus de gestion
consiste à examiner les résultats des actions menées et
à apprécier si ces actions produisent les effets escomptés
» (Pomeroy, 2006).
I.4.1. Intérêt d'effectuer une
évaluation de l'efficacité de la gestion
De nombreuses raisons peuvent justifier l'entrée dans
un processus d'évaluation de l'efficacité de la gestion d'une
AMP. L'évaluation doit avant tout être considérée
comme un outil pour aider les gestionnaires dans leur travail.
Dans la pratique, les résultats d'évaluation ont
trois issues principales :
- Aider les gestionnaires à améliorer leurs
performances. C'est ce que l'on appelle la gestion
adaptative. Elle est basée sur un processus cyclique, qui
« permet aux informations concernant le passé de nourrir et
d'améliorer la façon dont la gestion est pratiquée par la
suite » (Hockings et al., 2008). Il s'agit donc d'un système
d'apprentissage par lequel les résultats des suivis et
évaluations sont mobilisés pour la révision
régulière des plans de gestion.
- Rendre des rapports, communiquer des résultats. Une
gestion responsable et transparente induit une plus
grande confiance et un plus grand soutien de la part des
8
autres parties prenantes et de la communauté locale
mais aussi des supérieurs, du gouvernement et des bailleurs de fond.
- Et/ou améliorer l'allocation des
ressources, c'est-à-dire la manière dont les
ressources sont affectées. Les ressources matérielles,
financières et humaines qui sont consacrées aux aires
protégées sont très souvent insuffisantes. Dans cette
situation, il est primordial de pouvoir justifier toutes demandes de ressources
supplémentaires.
Le processus d'évaluation en lui-même peut
également apporter certains avantages ; il permet souvent
d'améliorer la communication et la coopération entre les
gestionnaires et les autres parties prenantes. Il permet également aux
gestionnaires d'aborder leurs problèmes sous un nouvel angle (Hockings
et al., 2008).
Notons qu'il est important de communiquer clairement les
avantages et les objectifs de l'évaluation auprès des parties
prenantes afin d'éviter que celle-ci ne soit perçue comme un
contrôle avec sanction potentielle.
I.4.2. Développement d'outils
Cela fait moins de 20 ans que des études sont
réalisées afin d'évaluer l'efficacité d'aires
protégées et de leur gestion. Toutefois, jusqu'à
présent, il s'agissait toujours d'études individuelles se basant
sur l'expérience et ne s'inscrivant dans aucune structure globale. De
plus, les premières évaluations étaient limitées
dans leurs champs d'investigation ; elles n'impliquaient guère les
parties prenantes et n'essayaient pas d'évaluer les aspects sociaux.
Ce n'est qu'au XXIème siècle que la situation a
évolué lorsque la Commission Mondiale des Aires
Protégées de l'UICN a développé un cadre
général d'évaluation, publié initialement en 2000 ;
celui-ci a par la suite été mis à jour et est paru en 2008
sous une nouvelle version : Évaluation de l'efficacité : Un
cadre pour l'évaluation de l'efficacité de la gestion des aires
protégées 2ème édition par Hockings
M. et al. Nous détaillerons quelque peu le contenu de ce cadre dans le
point suivant. A partir de ce cadre, sont nés toute une série de
systèmes d'évaluation dont certains dédiés
spécifiquement aux AMPs tels que l'« Instrument de suivi de
l'efficacité de la gestion des Aires Marines Protégées
» rédigé par Francis Staub et Marea E. Hatziolos (2004)
ou le « Guide sur les indicateurs naturels et sociaux destinés
à évaluer l'efficacité de la gestion des aires marines
protégées » de l'UICN (Pomeroy R.S. et al., 2006) qui
nous servira de référence tout au long de ce travail. A l'heure
actuelle, la majorité des AMPs n'ont pas encore connu
d'évaluation de leur efficacité (Hockings et al.,
|
Fig.2 : niveaux possibles pour l'évaluation de
l'efficacité de la gestion des aires protégées (Hockings
et al. 2000)
|
9
2008). Le défi aujourd'hui est donc de promouvoir leur
utilisation et leur intégration dans les systèmes de gestion des
AMPs.
I.4.3. Cadre de l'UICN pour l'évaluation de
l'efficacité de la gestion des aires protégées
Le cadre de l'UICN pour évaluer l'efficacité de
la gestion (Hockings et al. 2008) est basé sur un processus cyclique en
six étapes (Contexte, Planification, Intrants, Processus, Extrants et
Résultats) tel que représenté à la figure 1.
Idéalement, ces six étapes doivent être
évaluées si on veut bien comprendre le système de gestion
et son efficacité. Elles représentent trois grands thèmes
de la
gestion : Conception/Planification,
Pertinence/Justesse et Production de résultats
(fig.1).
|
|
Fig.1 : Cadre d'évaluation de l'efficacité de la
gestion des aires protégées (Hockings et al. 2008)
|
Ces trois grands thèmes de la gestion peuvent aussi
représenter trois niveaux de l'évaluation (fig.2). Ainsi, l'
« Instrument de suivi de l'efficacité de la gestion des Aires
Marines Protégées » rédigé par Francis
Staub et Marea E. Hatziolos en 2004 pour la Banque mondiale concerne surtout le
premier niveau d'évaluation alors que le « Guide sur les
indicateurs naturels et sociaux destinés à évaluer
l'efficacité de la gestion des aires marines protégées
» (Pomeroy R.S. et al., 2006) cible plutôt le
3ème niveau.
10
L'évaluation de premier niveau se concentre sur
l'analyse du contexte (valeurs, menaces, parties prenantes, environnement
politique) et de la planification (buts, objectifs, stratégies). Elle se
base donc principalement sur des données existantes et sur les opinions
des gestionnaires, ce qui demande donc peu d'efforts de collecte des
données et ne nécessite qu'un faible investissement en temps et
en coût. Finalement, ce type d'évaluation permet de classer les
problèmes et d'améliorer les processus de gestion mais il
renseigne fort peu sur l'atteinte des objectifs (Staub et Hatziolos 2004).
L'évaluation de second niveau est, d'après
Hockings et al. (2008), la plus facile à mener. Il s'agit
d'évaluer l'adéquation du système de gestion : les
intrants (ressources en personnel, en temps et en équipement
disponibles) et les processus (les pratiques de gestion), ce qui, à
nouveau, demande peu d'effort de collecte.
L'évaluation de troisième niveau évalue
les extrants (exécution des activités prévues par le plan
de travail) et les résultats (les objectifs à long terme sont-ils
atteints ?). L'évaluation des résultats mesure les effets
réels du système de gestion, d'où son importance capitale.
Même si les autres aspects de la gestion semblent efficaces, une aire
protégée qui n'atteint pas ses objectifs échoue.
L'évaluation des résultats est donc primordiale. Toutefois, elle
requiert généralement un travail important de collecte des
données et est souvent difficile et coûteuse.
Les études qui estiment chacun des six
éléments de la figure 1, devraient donner une vision assez
complète et convaincante de l'efficacité de la gestion car elles
permettent de faire des liens entre les différentes phases du cycle de
gestion. Inversement, les études qui n'évaluent que certains
éléments du cycle doivent être interprétées
avec prudence étant donné qu'elles ne fournissent pas toutes les
informations nécessaires à la compréhension de
l'entièreté de la dynamique de gestion. Néanmoins, les
limites de temps et de moyens justifient souvent de ne se focaliser d'abord que
sur certains éléments plus faciles à évaluer ou
jugés plus importants.
11
I.5. Evaluation de la gestion d'AMP à partir
d'indicateurs.
Un indicateur est "une variable qualitative ou
quantitative qui peut être obtenue à partir de mesures sur le
terrain ou à partir de modèle et qui est directement liée
aux objectifs de gestion ou à une question scientifique »
(Claudet, 2006). Un indicateur peut résulter de
l'intégration de diverses mesures complexes ou être une simple
variable représentant un système plus complexe. Les variables
peuvent ensuite être comparées à un point de
référence dans le temps ou dans l'espace. Leur principale
fonction est de communiquer ; ils sont toujours la simplification d'une
réalité complexe. Les indicateurs d'évaluation de
l'efficacité de la gestion d'une AMP doivent être, bien entendu,
en rapport avec les objectifs de l'AMP.
Ceux-ci peuvent être classés en quatre
catégories : les indicateurs biophysiques, les indicateurs sociaux; les
indicateurs économiques et les indicateurs de gouvernance.
I.5.1. Indicateurs biophysiques
La mesure d'indicateurs biophysiques permet de
caractériser l'état des écosystèmes marins et
côtiers et d'évaluer ainsi les bénéfices de l'AMP
sur leur évolution. Chaque indicateur biophysique se rapporte à
un certain nombre d'objectifs spécifiques et inversement chaque objectif
peut être évalué par divers indicateurs (voir. Pomeroy et
al., 2006, p57; Pelletier et al., 2005, p24).
Ces indicateurs peuvent également s'avérer
utiles lorsqu'on s'intéresse aux conditions socio-économiques. En
effet, si les ressources halieutiques sont préservées voire en
augmentation à l'intérieur de l'AMP, cela constitue un capital
naturel et une sécurité pour l'avenir des populations
côtières. De plus, puisqu'il n'y a pas de frontière dans
l'océan les stocks de poissons en augmentation dans l'AMP vont voyager
à l'extérieur de l'AMP ; c'est ce que l'on appelle «
l'effet réserve ». Pour cette raison il est intéressant
d'évaluer les effets de la gestion de l'AMP, d'une part, à
l'intérieur de l'AMP et, d'autre part, à l'extérieur de
celle-ci.
Les indicateurs biophysiques et les méthodes de
collecte des données sont largement documentées dans la
littérature. La majorité des indicateurs biophysiques ont recours
à des méthodes de récolte des données rigoureuses
et exigeantes en termes de temps et de ressources.
12
Remarquons que le milieu marin fait preuve d'une certaine
inertie. Ainsi, les actions ne se répercutent pas directement sur le
milieu marin ; c'est pourquoi on considère qu'il faut compter au minimum
deux ans avant d'apercevoir les effets biophysiques d'une AMP (Pomeroy et al.
2006).
I.5.2. Indicateurs sociaux
Nous venons de voir que les AMPs peuvent avoir des impacts sur
les conditions de vie des communautés locales à travers, par
exemple, l'augmentation des ressources. Inversement, les facteurs sociaux,
économiques, culturels et politiques influencent les performances de
l'AMP. Particulièrement, la perception qu'ont les communautés
locales de l'AMP affecte leur degré d'appui ou d'opposition et par
conséquence, l'efficacité de l'AMP.
Les effets sociaux des AMPs sont faiblement documentés
par rapport aux effets écologiques et économiques. D'après
Dominique Pelletier et son équipe (2005), deux principales raisons
peuvent expliquer cela ; la première est que les effets sociaux sont
souvent assimilés aux effets économiques et la seconde est que
ceux-ci sont plus souvent perçus comme des obstacles à la
réalisation des objectifs de la gestion des AMPs, que comme de
véritables attentes. En fait, la plupart des études sur les
aspects sociologiques sont plutôt descriptives et peu d'indicateurs ont
déjà été développés.
I.5.3. Indicateurs économiques
Les indicateurs économiques sont destinés
à mesurer les bénéfices économiques nets de l'AMP.
On distingue les effets directement mesurables par les prix du marché
(bénéfices du tourisme, bénéfices de la pêche
aux alentours et dans l'AMP, coûts et bénéfices de la
gestion, etc...) et ceux qui ne peuvent pas être traités sur un
marché car ils sont liés par exemple à des services.
La plupart des indicateurs ont tendance à
évaluer les impacts économiques directs uniquement plutôt
que la valeur économique globale. En effet, il est plus complexe
d'évaluer la valeur économique globale puisqu'il faut pour cela
évaluer également les services et la valeur d'usage pour le futur
(Pelletier et al. 2005). Les indicateurs d'impacts économiques directs
sont parfois eux aussi difficiles à mesurer car les données
liées aux revenus peuvent être délicates à obtenir.
Dans ce cas, certains indicateurs indirects (mode de vie matériel,
qualité de la santé humaine) peuvent être
utilisés pour obtenir des informations sur les bénéfices
économiques de l'AMP. Cependant, il est souvent très difficile de
déterminer si ces effets sont liés directement à l'AMP ou
au développement général de la région (Pomeroy et
al., 2006). Il est donc toujours indispensable de comparer les données
de bénéfice et de coût de l'AMP avec un scénario
sans AMP (Pelletier et al., 2005).
I.5.4. Indicateurs de gouvernance
« La gouvernance des ressources consiste à
gérer les utilisateurs et les intentions des utilisateurs par le biais
d'un ensemble de droits, de règles et de stratégie et de normes
sociales communes » (Pomeroy et al., 2006). La gouvernance des
ressources inclus donc des moyens d'application comme le contrôle et les
sanctions mais aussi des mesures d'incitation pour favoriser certaines
conduites. Ainsi, par définition, une AMP est un outil de
gouvernance.
I.5.5. Niveau de l'évaluation en fonction du
type d'indicateur
Indicateurs écologiques, sociaux et économiques
Indicateurs de gouvernance
Les indicateurs biophysiques, sociaux et économiques sont
des
indicateurs « de résultats ».
Ils
permettent une évaluation de troisième niveau axée
sur l'atteinte des objectifs. Au contraire, les indicateurs de gouvernance sont
dans de nombreux cas, des indicateurs « de planification », «
d'intrant » et « de processus » ou parfois également des
indicateurs « d'extrants » (fig.3).
13
Fig.3 : mise en relation des indicateurs avec le cadre
d'évaluation de l'efficacité de la gestion d'aires
protégés de Hockings et al. (2008)
14
II. DESCRIPTION DES INDICATEURS DU
GUIDE DE L'UICN
La Commission mondiale des aires marines
protégées de l'UICN et le Fonds mondial pour la nature (WWF) ont
lancé ensemble en 2000 un grand projet sur la gestion efficace des AMPs.
Leur objectif était de développer un guide reprenant un ensemble
d'indicateurs naturels et sociaux destinés à évaluer
l'efficacité de la gestion des AMPs. A cette fin, des dizaines de
personnes dans le monde entier se sont mises au travail pendant trois ans. Au
départ, une étude sur les buts et objectifs des AMPs dans le
monde a été menée. Ensuite, des recherches ont
été effectuées sur 130 indicateurs pour finalement en
retenir 44. Enfin, les 44 indicateurs ont été testés sur
des sites pilotes afin d'être améliorés et
présentés de manière pratique dans un guide à
l'usage des gestionnaires et praticiens.
Dans un premier temps, j'ai choisi de baser mon travail
exclusivement sur ce guide, intitulé : "Comment va votre AMP ? Guide
sur les indicateurs naturels et sociaux destinés à évaluer
l'efficacité de la gestion des aires marines
protégées" (Pomeroy et al. 2006).
Malheureusement, n'ayant disposé du plan de gestion de
l'AMP de Joal-Fadiouth que durant mon stage, je n'ai pas pu utiliser les
objectifs spécifiques de l'AMP de Joal-Fadiouth pour sélectionner
des indicateurs tel qu'il est préconisé dans le guide. Cependant,
les buts et objectifs auxquels sont associés les indicateurs
présentés dans le guide, regroupent des buts et objectifs
couramment associés à l'utilisation d'AMP. Nous pouvons donc nous
permettre, dans un premier temps, de considérer ces objectifs comme des
objectifs de l'AMP de Joal-Fadiouth.
Je vais présenter dans ce chapitre les indicateurs du
guide de l'UICN (Pomeroy et al. 2006) qui m'ont servi de
référence pour préparer mon travail de terrain et sur base
desquels j'ai pu ensuite adapter une méthode d'évaluation
à l'AMP de Joal-Fadiouth. Chaque indicateur sera présenté
de manière succincte. Certains indicateurs qui ont dès le
départ été écartés - pour des raisons qui
seront expliquées en temps voulu - ne seront pas
présentés.
15
II.1. Indicateurs biophysiques
? Indic. B1 : Abondance des espèces
focales
Cet indicateur mesure le nombre d'individus de chaque
espèce particulière relevé à l'intérieur de
l'AMP. C'est l'une des mesures les plus fréquemment utilisée pour
évaluer la réussite biologique de l'efficacité de la
gestion. Il représente l'état d'une population d'espèces
dans un milieu donné à un moment donné.
La première étape, avant la collecte des
données est de dresser une liste des espèces focales9.
Ensuite, diverses techniques existent pour mesurer l'abondance d'une population
d'espèces focales (L'évaluation du nombre d'individus
observé in situ, la télédétection ou
l'évaluation des quantités débarquées des
espèces focales capturées dans le site concerné).
Cet indicateur permet ainsi de mesurer si la population des
espèces focales s'accroît au fil du temps ou si elle est plus
importante à l'intérieur de l'AMP qu'à
l'extérieur.
? Indic. B2 : Structure des populations d'espèces
focales
La structure de la population représente "la
probabilité que des individus de taille et âge différent
soient rencontrés au sein d'une espèce focale donnée"
(Pomeroy et al., 2006).
Les données concernant la taille et l'âge peuvent
être collectées simultanément aux données pour
l'indicateur précédent ; la taille peut être
déterminée par une estimation de la longueur in situ ou par
mesure directe de la longueur d'individus capturés. On peut
fréquemment déterminer l'âge approximatif des individus
directement à partir de leur taille ou d'autres caractéristiques
physiques.
Cet indicateur permet d'établir la distribution des
individus d'une espèce par taille et/ou par âge. Grâce
à ces données, si la taille/ l'âge de première
reproduction de l'espèce est connu, il est possible d'évaluer son
potentiel reproducteur.
Une population ne subissant pas ou peu la pression humaine
à davantage de chance de comporter un nombre suffisant d'individus en
âge de se reproduire. On considère donc que
9 Une espèce focale
est "un organisme ayant de la valeur sur le plan
écologique et/ou humain et qui présente un intérêt
prioritaire pour la gestion par l'intermédiaire de l'AMP" (Pomeroy
et al., 2006). Divers types d'espèces focales sont
détaillés dans le guide tels que les espèces
cibles (présentant un intérêt en raison
de leur utilisation) ou les espèces vedettes
(espèces charismatiques ayant une importance sociale
et culturelle)
16
dans une AMP efficacement gérée, les individus
doivent être répartis entre les différentes classes
d'âge. Cependant, beaucoup d'espèces côtières
changent de milieu selon leur stade de développement. Dans ce cas,
l'absence de reproducteurs n'est pas nécessairement signe d'un mauvais
état de la population. Une bonne connaissance de la biologie des
espèces évaluées parait donc primordiale.
La comparaison des distributions de taille à
l'intérieur et à l'extérieur de l'AMP peut suggérer
un effet de propagation de certaines classes de taille particulière.
? Indic. B3 : répartition et complexité de
l'habitat
L'habitat est défini comme "l'espace occupé
par un organisme, une population ou une communauté pour y vivre, et
caractérisé à la fois par ses propriétés
biotiques et physiques" (Pomeroy et al. 2006). La
répartition de l'habitat dans un espace donné est
représentée par la localisation, la configuration et
l'étendue des divers types d'habitats. La complexité de l'habitat
représente la diversité des types d'habitat sur l'espace
considéré.
Les organismes sont inféodés à un certain
habitat. L'apparition d'une perturbation qui entrainerait un changement de la
structure de l'habitat peut avoir un impact sur certaines espèces et
modifier l'équilibre écologique.
La collecte des données nécessite d'effectuer un
inventaire complet des habitats de l'AMP - au minimum sur 20 à 30 % de
la superficie totale de l'AMP. Il est nécessaire de collecter trois
types de données des données sur la composition des habitats
(caractéristiques biotiques et abiotiques), l'état des habitats
et la répartition physique des habitats.
Les données recueillies permettront de réaliser
une cartographie des habitats. Les changements dans la répartition et la
complexité de l'habitat peuvent avoir une origine naturelle ou
anthropique. L'estimation de l'étendue des activités humaines
mise en relation avec les changements de l'habitat peuvent aider à
comprendre l'origine de ces derniers.
17
? Indic. B4 : composition et structure de la
communauté
La communauté représente "l'ensemble de
toutes les populations d'organismes d'une zone géographique
donnée, qu'ils soient indigènes ou exotiques"(Pomeroy et al.
2006). La composition de la communauté correspond à la nature de
toutes les espèces qui forment cette communauté. La structure de
la communauté est définie par l'abondance relative des
espèces, leur répartition et la manière dont elles sont
organisées.
Les méthodes de collecte des données sont
similaires à celles employées pour les indicateurs B1, B2 et B3.
Cependant, celui-ci nécessite de répertorier absolument tous les
organismes vivants observés sur le site échantillonné.
Cet indicateur permet d'acquérir une connaissance
approfondie des espèces et de leur organisation, connaissance qui peut
être mise à profit afin de mieux cibler les actions de gestion.
? Indic B7 : Type, niveau et rentabilité de
l'effort de pêche
Le type d'effort "décrit la nature et le
degré de la force d'extraction déployée lors des
activités de pêche, à la fois en termes de technologie et
de main d'oeuvre qualifiée.".
Le niveau d'effort "permet de mesurer la quantité
des forces de travail (nombre de personnes) et le temps (nombre d'heures/
jours) utilisés lors des activités de pêche."
L'efficacité ou la rentabilité de l'effort de
pêche "est mesurée à travers le nombre (d'individus) ou
le poids (biomasse) d'une espèce capturée par unité
d'effort (jour ou heure par personne ou équipe de personnes) en fonction
de la méthode de pêche et de la technologie
utilisées." (Pomeroy et al. 2006)
L'effort de pêche doit être évalué
pour chaque espèce séparément parce qu'il est
différent pour chacune. Si on l'évalue de manière globale
pour toute une série d'espèces, la raréfaction d'une
espèce risque d'être masquée par d'autres espèces
qui se portent bien.
Les données sont récoltées auprès
des services de pêche, à travers des enquêtes auprès
des pêcheurs et par des observations lors des activités de
pêche.
L'évolution au cours du temps peut être
observée. Il est intéressant également de calculer
l'efficacité de l'effort de pêche à proximité de
l'AMP et dans des zones plus éloignées afin d'évaluer
l'effet de propagation.
18
? Indic. B8 : Qualité de l'eau
La qualité de l'eau est "une mesure abiotique et
biotique (en cas de pollution bactérienne) des paramètres
environnementaux ambiants présents dans la colonne d'eau" (Pomeroy
et al. 2006). Ces paramètres sont la température, la
salinité, la teneur en oxygène, la turbidité, le taux de
sédimentation, la charge nutritive et également la concentration
en toxines et en certains types de bactéries.
Il existe des techniques simples de collecte des
données pour chaque paramètre. Il est préférable
d'évaluer régulièrement les différents
paramètres physicochimiques (toutes les semaines ou tous les mois).
Notons que la qualité de l'eau à tendance à varier selon
les saisons.
Les divers paramètres physico-chimiques de l'eau sont
des facteurs limitant pour les organismes. La qualité de l'eau renseigne
donc sur la santé de l'écosystème. Un grand nombre
d'activités anthropiques peuvent influencer la qualité de l'eau
(déversement dans la mer ou à proximité de déchets,
de pétrole ou de substance toxiques, érosion terrestre, etc.). La
réduction des activités réputées polluantes devrait
donc faire partie des activités du plan de gestion. Cependant, la
qualité de l'eau étant influencée par des sources
extrêmement variées, l'évolution de cette dernière
n'est pas nécessairement attribuable à la gestion de l'AMP.
Malgré qu'une relation entre qualité de l'eau et réussite
de l'AMP soit délicate à établir, cet indicateur parait
important à suivre étant donné son influence sur les
objectifs déclarés de l'AMP.
? Indic. B9 : Zone présentant des signes de
rétablissement
Cet indicateur mesure la superficie qui a été
"restaurée" sur la superficie totale de l'AMP ou les populations
d'espèces focales "restaurées".
L'évaluation de cet indicateur, nécessite
d'avoir défini au préalable des objectifs de
"rétablissement" sous forme de seuils mesurables. Cet indicateur peut
donc être considéré comme une manière d'analyser les
autres indicateurs biophysiques. Il s'agit alors d'évaluer si le "seuil
de rétablissement" est atteint pour les différents
indicateurs.
Remarquons que la définition du "seuil de
rétablissement" est très subjective et peut donc être
sujette à des controverses.
19
? Les indicateurs suivants sont particulièrement
complexes à évaluer ; par conséquent il n'y a pas de
données disponibles à leur sujet et il n'est pas possible dans le
cadre d'un mémoire de les collecter.
Il s'agit des indicateurs :
- B5 : succès du recrutement au sein de la
communauté pour lequel l'auteur précise: "Cet
indicateur figure parmi les indicateurs d'efficacité de la gestion les
plus complexes et les plus avancés de ceux présentés dans
ce guide. [...] la mesure de cet indicateur ne doit être effectuée
que par des individus hautement qualifiés [...]."
- B6 : Intégrité du réseau
trophique pour lequel il est noté : "La collecte des
données permettant de mesurer cet indicateur avec précision n'est
pas une tâche simple ou facile. [...] l'équipe devra mener des
entretiens et organiser des groupes de réflexion avec des
spécialistes (chercheurs, pêcheurs, personnel scientifique de
l'AMP par exemple) afin de dégager et de caractériser (sur le
plan fonctionnel) les divers rôles et niches connus qu'occupent les
organismes au sein des différents niveaux trophiques, y compris leurs
multiples relations prédateur-proie ainsi que la façon dont ces
relations évoluent dans le temps et les raisons de cette
évolution."
20
II.2. Indicateurs de gouvernance
Etant donné le nombre important d'indicateurs
proposé par le guide (16 indicateurs), je vais les présenter de
manière très succincte. Les méthodes de collecte des
données ne seront pas présentées pour chaque indicateur
mais de manière générale, elles s'appuient sur des
documents tels que le plan de gestion et des questionnaires ou des entretiens
avec les parties prenantes. Pour plus d'informations, il est conseillé
de se référer au guide (Pomery et al. 2006).
? Indic. G.1 : Niveau de conflit sur les
ressources
Cet indicateur permet d'identifier et de caractériser
d'éventuels désaccords liés à la gestion ou aux
prises de décision à propos de l'AMP.
Il est intéressant d'évaluer au cours du temps
si les conflits ont tendance à diminuer ou à augmenter.
? Indic. G2 : Existence d'un organisme de décision
et de gestion
Cet indicateur permet de déterminer s'il existe une
institution reconnue qui assure la gestion de l'AMP et qui prend les
décisions. Notons qu'une AMP est généralement plus
efficace si les décisions et la gestion sont menées par les
mêmes organismes (Pomeroy et al. 2006).
? Indic. G3 : Existence et adoption d'un plan de
gestion
Le plan de gestion donne une direction aux actions à
entreprendre. Il fournit un cadre pour les gestionnaires. L'indicateur G3
permet d'apprécier s'il existe un document reprenant les objectifs de
l'AMP ainsi que les structures administratives, les stratégies de
gestion, et les procédures de contrôle et d'évaluation et
si ce document est applicable. Pour être applicable, le plan de gestion
doit être reconnu par l'ensemble des institutions responsables.
Celui-ci doit être disponible auprès des
gestionnaires. Il convient de réaliser un contrôle du son
contenu.
21
? Indic. G4 : Compréhension locale des
règles et réglementations de l'AMP
Cet indicateur évalue si les parties prenantes sont au
courant des règles et réglementations et si elles comprennent
leur signification. Il est évident que si les règles ne sont pas
comprises, elles risquent de ne pas être respectées.
? Indic. G5 : Existence et adéquation de la
législation habilitante
Il s'agit de déterminer s'il existe une
législation formelle soutenant l'AMP - qui peut se trouver aux niveaux
international, national et local - et sa compatibilité avec le plan de
gestion de l'AMP.
? Indic. G6 : Disponibilité et affectation des
ressources administratives de l'AMP
L'indicateur G6 détermine le degré
d'accès aux ressources humaines, matérielles et
financières dont dispose l'équipe de direction pour assurer les
activités de gestion.
? Indic. G7 : Existence et utilisation d'étude
et de contributions scientifiques
Les sciences naturelles sont primordiales pour comprendre des
écosystèmes complexes comme ceux inclus dans les AMPs. De
même, les sciences sociales sont nécessaires pour identifier et
comprendre le réseau des parties prenantes et les problèmes qui
peuvent survenir. Pour une gestion optimale, une collaboration entre
gestionnaires et scientifiques doit être établie dès les
débuts de l'AMP et se poursuivre à toutes les étapes de
son développement.
Cet indicateur permet de définir si des études
scientifiques ont été menées et d'évaluer si
celles-ci ont pu être mises en valeur et utilisées dans les
actions de gestion de l'AMP.
? Indic. G8 : Existence et niveau d'activité des
organismes communautaires
Les organismes communautaires peuvent représenter des
utilisateurs des ressources ou d'autres parties prenantes de l'AMP. Cet
indicateur évalue si des organismes communautaires existent, leur
organisation et leur degré d'intervention dans les processus de
décision et de gestion.
22
? Indic. G9 : Degré d'interaction entre les
gestionnaires et les parties prenantes
Celui-ci est défini à travers le nombre de
réunions entre les différents acteurs (gestionnaires, personnel,
parties prenantes) ainsi que la participation et la prise en compte de l'avis
des différents participants aux réunions.
? Indic. G10 : Proportion des parties prenantes
formées à l'utilisation durable
Cet indicateur permet de déterminer quelles formations
sur l'utilisation durable des ressources ont été données
aux parties prenantes, combien sont-elles à avoir participé
à chaque type de formation et leur niveau de satisfaction
associé.
? Indic. G11 : Niveau de formation assuré aux
parties prenantes en matière de participation
Pour participer de manière efficace à la gestion
de l'AMP les parties prenantes doivent acquérir certaines connaissances,
compétences et comportements adéquats à cette tâche.
Cet indicateur mesure l'importance des activités de renforcement des
capacités des parties prenantes à participer à la gestion.
Il s'agit de déterminer le type de formation et le taux de
participation.
? Indic. G12 : Niveau de participation des parties
prenantes aux processus et activités de gestion et niveau de
satisfaction associé
Cet indicateur évalue le niveau d'implication des
parties prenantes dans les prises de décision concernant la gestion de
l'AMP ainsi que dans les activités de gestion. Il estime
également la satisfaction des parties prenantes quant à leur
possibilité de participer à la gestion et leur satisfaction quant
à la prise en compte de leurs opinions. (Pomeroy et al., 2006)
? Indic. G13 : Niveau d'implication des parties
prenantes dans la surveillance, le suivi et l'application
Celui-ci évalue la participation des parties prenantes
aux activités de surveillance de l'application de la
réglementation. Hormis les activités formelles de surveillance
telles que les
23
patrouilles en mer, les parties prenantes peuvent
également de façon informelle pratiquer des activités de
surveillance.
La participation des parties prenantes à ce type
d'activité a pour effet de renforcer la conformité de celles-ci
parce qu'elles se sentent concrètement investies dans la gestion de
l'AMP.
? Indic. G14 : Procédures d'application de la
réglementation clairement définies
Cet indicateur renseigne sur l'existence de procédures
déterminant la manière d'agir face aux infractions.
Il est important que les procédures d'application des
règles de l'AMP soient définies de manière fixe et
formelle pour que le personnel de l'AMP puisse l'appliquer sans
ambigüités et que les utilisateurs soient conscients des
conséquences d'actes illégaux.
? Indic. G15 : Etendue des activités d'application
de la réglementation
Il s'agit de mesurer le nombre de patrouilles de surveillance
effectuées ainsi que de réunir des informations comme la
durée des patrouilles, le nombre et le type d'infraction
observées etc.
? Indic. G16 : Degré de diffusion des
informations visant à encourager la conformité des parties
prenantes
Cet indicateur détermine quelle quantité
d'informations sur les objectifs et avantages de l'AMP ainsi que sur les
règles et règlements a été donnée aux
parties prenantes. L'efficacité des moyens mis en oeuvre sera
également évaluée.
24
II.3. Indicateurs socio-économiques
Le guide de l'UICN (Pomeroy et al. 2006) présente 16
indicateurs socio-économiques différents. Les informations
relatives à ces indicateurs sont en grande partie issues
d'enquêtes auprès de ménages, de pêcheurs ou
d'institutions publiques. Etant donnée la durée relativement
courte de mon stage (moins de 2 mois) je savais déjà avant mon
départ que je n'aurais pas le temps de mener de larges enquêtes
auprès de la population de Joal-Fadiouth. Je ne pouvais réaliser
qu'une enquête et le questionnaire ne pouvait pas être trop long et
trop disparate pour ne pas importuner les individus interrogés.
J'avais donc directement choisi de ne tester que certains
indicateurs.
Tout d'abord j'ai laissé de côté les
indicateurs qui nécessitent l'utilisation d'un groupe
témoin10.
Ensuite, j'ai décidé de sélectionner
uniquement des indicateurs pour lesquels les données peuvent être
collectées simultanément, par le biais d'un questionnaire
destiné aux habitants de Joal-Fadiouth. Ainsi, j'ai écarté
un certain nombre d'indicateurs qui nécessitent de mettre en oeuvre
d'autres méthodes de récolte des données11.
Enfin, j'ai écarté l'indicateur
"pourcentage de groupe de parties prenantes occupant des positions de
leadership" (S15) car il me semble qu'il serait plus
intéressant de le placer parmi les indicateurs de gouvernance.
Finalement, je vais présenter dans ce chapitre 7
indicateurs socio-économiques pour lesquels les données peuvent
être collectées simultanément à travers des
enquêtes auprès des habitants de la commune.
10 C'est le cas des indicateurs "Mode de
vie matériel" (S7) et "Qualité
de la santé humaine" (S8) et
"Infrastructure communautaire et activités
commerciales"(S11). Il est en effet difficile de
distinguer les effets de l'AMP des effets du développement
économique globale de la région sur le mode de vie
matériel, la santé et les infrastructures. Il est donc
nécessaire de comparer les résultats obtenus avec une
communauté voisine aux mêmes caractéristiques mais ne
subissant pas les effets de l'AMP.
11 C'est indicateurs sont les suivants :
"Modèles locaux d'utilisation des ressources marines"
(S1), "Perception des récoltes des ressources
locales" (S5), "Nombre et nature des
marchés" (S12), "Niveau de
connaissance des parties prenantes sur l'histoire naturelle"
(S13) et "Changement des conditions des sites, des
caractéristiques et/ou des monuments ancestraux et historiques"
(S16).
25
? Indic. S2 : Jugements de valeur et croyances locales
à l'égard des ressources marines
Cet indicateur évalue la manière dont les
valeurs et les croyances concernant les ressources marines influencent les
comportements des individus. Il est intéressant de suivre cet indicateur
au cours du temps afin de déterminer si l'AMP et les activités
à son sujet influencent les valeurs et croyances des individus. De plus,
ces informations peuvent permettre aux gestionnaires d'adapter les
activités de gestion.
? Indic. S3 : Degré de compréhension des
conséquences de l'action de l'homme sur les ressources
Celui-ci évalue la compréhension qu'ont les
individus des liens entre des faits humains et leurs répercussions sur
les ressources. Cet indicateur permet de déterminer quelle proportion de
perception est erronée ou réaliste. Cette connaissance peut
permettre d'adapter des programmes éducatifs et ensuite de suivre leurs
répercussions sur les conceptions des individus.
? Indic. S4 : Perception de la disponibilité des
produits de la mer
Cet indicateur mesure la manière dont les individus
perçoivent la disponibilité des produits de la mer sur le
marché local. Il nous renseigne sur l'impact qu'a l'AMP sur la
sécurité alimentaire des ménages vivant à
proximité de celle-ci.
? Indic. S6 : Perception de la valeur non marchande et de
non usage
Il s'agit d'évaluer les jugements que portent les
individus sur la valeur des ressources côtières qui ne sont pas
commercialisées (valeur non marchande) et sur
la valeur des ressources pour ceux qui ne les utilisent pas (valeur
de non usage). La valeur non marchande
comprend les usages directs (se baigner, plonger) et les
usages indirects (l'habitat pour les ressources marines, la protection
contre les tempêtes) et la valeur de non usage
englobe la valeur d'existence, la valeur d'option
(possibilité d'utilisation future) et la valeur de transition
(ressource disponible pour les générations futures). Les
informations recueillies renseignent sur la valeur de l'AMP en termes non
monétaires et permettent de comprendre comment évolue dans le
temps la valeur donnée à l'AMP par la communauté.
26
? Indic. S9 : Répartition des revenus des
ménages par source
Cet indicateur détermine quelles sont les principales
sources de revenus des ménages. Celui-ci permet d'avoir une meilleure
idée du degré de dépendance des ménages locaux
à l'égard des ressources côtières et donc des
impacts que peut avoir l'AMP sur la communauté. Il est souhaitable qu'au
fil du temps les sources de revenus se diversifient et que la communauté
soit moins dépendante de l'AMP.
? Indic. S10 : Structure professionnelle des
ménages
Cela correspond à établir une liste de
l'ensemble des membres du ménage et de la (les) profession(s) de chacun.
Comme l'indicateur précédent, il permet d'évaluer la
dépendance vis-à-vis des ressources côtières et les
changements d'activités au cours du temps.
? Indic. S14 : Diffusion des connaissances formelles
à la communauté
Cet indicateur évalue les connaissances qu'ont les
membres de la communauté des informations provenant des scientifiques.
Il s'agit tout d'abord de dresser une liste des informations scientifiques qui
ont été diffusées à la communauté. Ensuite,
il convient de demander aux répondants s'ils connaissent ces
informations et s'ils peuvent les décrire. Cet indicateur est
intéressant car il permet d'améliorer les programmes
éducatifs sur l'AMP.
27
III. DESCRIPTION DU MILIEU ETUDIE
III.1. Situation de la pêche en Afrique de
L'ouest et au Sénégal III.1.1. Afrique de l'Ouest, une
écorégion particulière
Les côtes d'Afrique de l'Ouest sont certainement parmi
les plus poissonneuses au monde. Six pays se partagent ces 3200 km de
côte : la Mauritanie, le Sénégal, la Gambie, la
Guinée Bissau, la Guinée et le Cap Vert. Trois types principaux
d'écosystème y sont représentés : le
sénégalo-mauritanien, le capverdien rocheux insulaire et
l'estuarien-mangrovien en Guinée et Guinée Bissau
(Stratégie régionale pour les Aires Marines
Protégées en Afrique de l'Ouest). En raison de leur
similarité sur le plan physique, biologique et socio-économique,
on considère que ces écosystèmes forment une
"écorégion".
Toute cette écorégion a la particularité
de connaitre des upwellings permanents. Les upwellings sont des remontés
d'eau froide profonde qui entrainent une quantité importante de
nutriments vers la surface. Ces nutriments, combinés à l'action
du soleil, induisent une prolifération importante de phytoplancton qui
se trouve à la base de la chaine alimentaire en milieu océanique,
ce qui explique la richesse biologique de ces eaux. Ainsi, les populations
côtières se sont spécialisées dans la pêche
mais aussi dans la transformation et le commerce des ressources
halieutiques.
Une autre caractéristique de cette
écorégion est qu'elle se partage de nombreuses espèces de
poissons, mammifères marins et oiseaux qui se déplacent le long
du littoral. Les pêcheurs eux-mêmes se déplacent largement
sur le littoral, d'un pays à l'autre.
60% des 23 millions d'habitants que comptent les pays de
l'écorégion vivent à proximité du littoral. La
pêche est une activité cruciale pour l'économie de ces six
pays. La production totale est estimée à 400 millions de dollar
US (Stratégie régionale pour les Aires Marines
Protégées en Afrique de l'Ouest).
Cependant, la pêche industrielle fait aujourd'hui
concurrence aux pêcheurs locaux traditionnels. Les pays de
l'écorégion ont en effet vendu une grande quantité de
licences de pêche à des pays étrangers, ce qui contribue,
certes, aux recettes du pays mais qui exerce une pression supplémentaire
sur les ressources halieutiques. A cela, s'ajoutent d'autres pressions
sur le littoral telles que la coupe de mangrove pour obtenir
du bois de chauffe ou pour développer la riziculture, l'érosion
côtière due au prélèvement de sable et la pollution
par rejet des eaux usées et autres déchets anthropiques dans
l'océan. Cette dégradation du littoral et de ses ressources a un
impact direct sur les populations côtières qui voient leur
principale source de revenus et d'alimentation s'amenuiser.
III.1.2. Création d'un réseau d'AMP en
Afrique de l'Ouest
La protection des ressources halieutiques est à ce jour
une nécessité en Afrique de l'Ouest. Face aux incertitudes
scientifiques sur l'état des stocks et aux difficultés de
gérer et contrôler la pêche, le recours aux AMPs constitue
une assurance qu'une partie des ressources soit à l'abri des
exploitations. Un choix judicieux quant à leur localisation - par
exemple, au niveau de site de nourrissage et de frayère ou d'autres
habitats particuliers et sensibles (récifs coralliens, mangroves,
herbiers marins) - en fait des lieux particulièrement propices à
la régénération des ressources halieutiques et à la
protection de la biodiversité marine et côtière.
28
Etant donné les liens étroits qui existent entre
les six pays de l'écorégion, une harmonisation des mesures de
protection est nécessaire. C'est dans ce contexte qu'à
été créé le Programme Régional de
Conservation de la Zone Côtière et Marine (PRCM) en Afrique de
l'Ouest ainsi que la Stratégie Régionale pour les Aires Marines
Protégées en Afrique de l'Ouest (fig.4). Ces deux documents ont
été signés en 2003 par l'ensemble des six pays d'Afrique
de l'Ouest regroupé en Commission Sous-Régionale des
Pêches. L'objectif de cet accord est d'organiser les AMPs en
réseaux cohérents. Cette démarche se veut participative et
au bénéfice des populations et de la biodiversité.
Fig.4 : couverture de la Stratégie Régionale pour
les AMPs en Afrique de l'Ouest (disponible à l'url:
http://www.papaco.org/publication/strategie%
20AMP%20du%20PRCM.pdf)
29
Depuis, l'Afrique de l'Ouest a fortement renforcé son
réseau d'AMP et compte à ce jour 24 AMPs (Goyet, 2008). 15 de ces
AMPs ont créé en avril 2007 le RAMPAO (Réseau
régional d'AMP en Afrique de l'Ouest) dans le but d'institutionnaliser
et de renforcer la cohérence et la fonctionnalité du
réseau des AMPs (Fall, 2008). La liste des 24 AMPs de
l'écorégion d'Afrique de l'Ouest est présentée en
annexe I.
La Commission mondiale pour les aires protégées
a constaté récemment une absence d'évaluation dans la
gestion de la plupart des aires protégées. Suite à ce
constat, la Fondation Internationale du Banc d'Arguin, dans le cadre de l'appui
à la mise en oeuvre de la Stratégie Régionale des AMPs en
Afrique de l'Ouest, a invité, du 23 au 24 avril 2007, des
représentants des AMPs des six pays de l'écorégion
à participer à un atelier d'échange et de renforcement des
capacités sur l'évaluation de l'efficacité de la gestion
des AMPs. Le cadre d'évaluation de l'UICN (Hockings et al. 2008) a
été présenté aux participants de cet atelier de
même que le guide méthodologique de l'UICN (Pomeroy et al. 2006).
(RAMPAO, 2007)
III.1.3. La pêche artisanale au
Sénégal, un secteur en crise
Le Sénégal dispose d'une façade maritime
de 700 km et d'une Zone Economique Exclusive d'environ 200 miles marins. Le
plateau continental s'étend sur 31 000 km2. La grandeur du
plateau continental, la diversité des biotopes (côtes sableuses,
rocheuses, zones humides côtières, mangrove, vasières)
ainsi que les fréquents upwellings et le climat chaud et
ensoleillé favorise le développement d'une grande
diversité d'espèces marines. (Centre de suivi écologique,
2005)
La pêche est une activité extrêmement
développée sur les côtes Sénégalaises. Les
prises annuelles pour l'année 2000 ont été estimées
à 418 764 tonnes dont 88 020 tonnes destinées à
l'exportation ce qui représente plus de 30% des recettes d'exportation
du pays. La pêche joue donc un rôle socio-économique
essentiel; elle contribue à hauteur de 2,5% du PIB national et emploie
directement ou indirectement 600 000 personnes soit environ 17% de la
population active. De plus, elle est une source de nourriture indispensable
puisqu'elle représente 75% de la consommation en protéines
animales. La pêche au Sénégal est dominée par le
secteur artisanal qui assure 88% des débarquements. (Centre de suivi
écologique, 2005)
Au Sénégal, la pêche artisanale est
organisée autour de la famille et se transmet de père en fils.
Les pêcheurs artisanaux doivent supporter des coûts importants en
termes d'achat
30
et d'entretien du matériel (pirogue, filets, moteurs)
mais aussi en termes de fonctionnement (carburant, glace). Afin de rentabiliser
leurs investissements et de gagner suffisamment pour subvenir au besoin de leur
famille, une main d'oeuvre nombreuse, solidaire et bon marché est
indispensable. Le recrutement se fait donc en priorité au sein de la
famille, les familles nombreuses étant favorisées ; les
garçons partent en mer avec le père ou les aînés
alors que les filles jouent un rôle indispensable dans la transformation
et la commercialisation des produits de la pêche. Ainsi, de
génération en génération, le nombre de
pêcheurs s'accroît à un rythme aussi rapide que la
démographie des communautés concernées.
Un second phénomène permet d'expliquer
l'augmentation effrénée de la capacité de pêche
artisanale sénégalaise. Le Sénégal applique le
principe de libre accès aux pêcheries, ce qui signifie que
l'accès aux ressources halieutiques est entièrement libre. Ce
principe explique la présence dans les pêcheries artisanales de
pêcheurs occasionnels et de reconvertis provenant d'autres secteurs. Plus
particulièrement, les redoutables sécheresses qui ont
frappé les deux bandes tropicales de 1968 à 1973 (Sircoulon,
1976) ont conduit de nombreux agriculteurs à abandonner leurs terres
pour se tourner vers d'autres activités comme la pêche.
Ces deux phénomènes, ont entraîné
progressivement une surcapacité12 de la pêche
artisanale au Sénégal, la surcapacité entraînant
elle-même une surexploitation des ressources. Le nombre de pêcheurs
étant de plus en plus nombreux et les ressources de moins en moins
importantes, la concurrence entre les usagers s'est développée,
et certains, faute d'alternative, ont recours à des techniques de
pêche non durables telle que la pêche de juvéniles ou
l'utilisation de monofilament ce qui ne fait qu'aggraver la situation de
crise.
Enfin, suite à la dévaluation du franc CFA de
1994, la demande extérieure en poissons nobles est devenue encore plus
importante que par le passé, ce qui a entrainé une pression
encore plus forte sur les ressources halieutiques.
Il est maintenant clairement établi que les ressources
halieutiques du Sénégal ont fortement régressés.
Les quantités de poissons à haute valeur commerciale tel que le
thiof (mérou, Epinephelus aenus) seraient aujourd'hui cinq fois
moins importantes qu'en 1950 (Diouf, 2004). Les quantités
débarquées diminuent - une diminution des volumes
débarqués de 17,4% a été observée entre 2005
et 2006 - et de nombreux pêcheurs se voient contraints d'abandonner la
pêche (Direction des pêches maritimes, 2007).
12 On dit qu'il y a surcapacité
lorsque les moyens matériels déployés ainsi
que la force de travail exercée surpassent le potentiel halieutique de
la zone ciblée.
31
III.1.4. Création d'AMPs au
Sénégal
Jusqu'à présent, les tentatives des services des
pêches pour contrer cette crise n'ont pas porté leurs fruits
(Diouf, 2004). Il est intéressant de savoir que le secteur de la
pêche au Sénégal est un secteur très informel. Le
code de la pêche définit des règles concernant la taille
des mailles, les tailles minimales de capture autorisée et
l'interdiction du monofilament. Pourtant, dans la pratique, ces règles
ne sont absolument pas appliquées et aucun contrôle sérieux
n'est effectué (Abdou Karim Sall, Communication personnelle). Le recours
aux AMPs est alors apparu comme une première solution - qui devra bien
sûr être combinée à d'autres mesures de gestion des
pêches comme la régulation de l'effort de pêche et des
restrictions sur les engins de pêches - pour inverser la tendance et
restaurer les ressources halieutiques.
En 1976, trois AMPs avaient déjà
été créées au Sénégal. Il s'agit du
Parc National de la Langue de Barbarie, du Parc National des Iles de la
Madeleine et du Parc National (et Reserve de Biosphère depuis 1981) du
Delta du Saloum. Une quatrième à été
créée en 1986, la Reserve Naturelle de Poponguine. Ces quatre
Parc Nationaux sont constitués d'une partie terrestre et d'une partie
maritime. Elles ont été crées avec pour objectif principal
la conservation des milieux et de la biodiversité.
Dans le cadre du PRCM, un grand nombre
d'institutions13 ont pris ensemble l'initiative de créer de
nouvelles AMPs au Sénégal. Cette initiative s'est voulue
participative, plurisectorielle et pluridisciplinaire. Les choix des zones pour
la création des nouvelles AMPs a donc été
décidé en collaboration avec des experts et des
représentants des différents groupes d'intérêt.
Après deux ans de travail, cinq sites ont été retenus sur
base de critères écologiques, économiques et sociaux.
C'est ainsi que sont nés les AMPs de Saint-Louis, Cayar, Joal-Fadiouth,
Abéné et Bamboung (fig.5). La superficie totale ainsi
protégée est de 82 500 hectares (WWF, 2003). Le décret
présidentiel n° 2004-14-08 du 04 novembre 2004 portant
création de ces cinq AMPs va leur donner un statut juridique.
En termes de gestion, l'objectif est d'aboutir à un
système de cogestion, dans lequel les acteurs locaux seraient fortement
impliqués dans la gestion, appuyés par des agents
représentants de l'Etat. Depuis 2006, la gestion des AMPs au
Sénégal relève de la compétence
13 Les institutions à l'origine de la
création de nouvelles AMPs au Sénégal sont: le WWF, la
Direction des parcs nationaux, la Direction des pêches, la Direction de
la surveillance et de la protection des pêches, le Centre de recherches
océanographiques de Dakar-Thiaroye, l'UICN, Wetlands International, la
FENAGIE, GAIPES et l'Océanium (Diouf, 2004)
32
du Comité technique interministériel
chargé des aires marines protégées qui a été
créé par l'arrêté interministériel n°
0016554 du 03/03/2006. Celui-ci est sous la double tutelle du Ministère
de l'économie maritime et du Ministère de l'environnement et de
la protection de la nature. Le mandat de ce Comité est de faciliter la
coordination de la mise en place des AMPs et la définition des
procédures de leur gestion concertée. Cependant, dans la
pratique, ce Comité n'a jamais vu le jour et la gestion est
confiée aux agents de la Direction des Parcs Nationaux (DPN).
Fig.5 : Situation des AMPs de Saint-Louis, Cayar, Joal-Fadiouth
et Abéné au Sénégal (WWF, 2003)
33
III.2. Description de la commune et de l'AMP de
Joal-Fadiouth III.2.1. Localisation de la commune de Joal-Fadiouth
La commune de Joal-Fadiouth se trouve sur la petite côte
du Sénégal, dans le département de Mbour, dans la
région de Thiès (fig.6). Elle a été
créée en 1966 par regroupement de trois localités :
l'importante flèche sableuse de Joal, le complexe laguno-insulaire de
Fadiouth et Ngazobil (fig.7). Elle s'étend sur une superficie de 5035 ha
dont 65% de terres inondées et dispose de 20,7 km de côte.
Fig.6 : localisation de Joal-Fadiouth au Sénégal
(tiré d'une carte disponible à l'url :
http://www.leboucheaoreille.net/carnets/carte_s
enegal2.jpg)
Fig.7: image SPOT 2005 des localités de Joal et de
Fadiouth (Sène, 2008)
III.2.2. Situation socio-économique
III.2.2.1. Population
D'intenses flux migratoires combinés à une
évolution démographique importante ont entrainé une
augmentation rapide de la population de Joal-Fadiouth. La population est ainsi
passée de 11 170 habitants en 1976 à 19 003 habitants en 1988
(Sène, 2008) pour atteindre en 2003, 33 090 habitants (Architecture et
Climat, 2007). Pratiquement 90% de la population vit à Joal
(Architecture et Climat, 2007).
Contrairement à la majorité des
Sénégalais qui sont d'origine wolof et de religion musulmane, les
habitants de Joal-Fadiouth sont majoritairement d'origine sérère
(51% de sérère pour 29% de wolof) et bien que 84% des habitants
de la commune soient musulmans, la petite ile de Fadiouth est à 90%
chrétienne (enquêtes ménages, juin 2003 IN Architecture
et
34
Climat, 2007). Cette diversité culturelle en fait une
commune riche en traditions et très tolérante.
(c) Balland M
Fig.8: activités au quai de pêche de Joal
III.2.2.2. Exploitation des ressources halieutiques
Le centre de pêche de Joal est le premier port de
pêche artisanale du pays (fig.8). Les mises à terre sont de
l'ordre de 150 000 tonnes par an, soit une valeur commerciale estimée
tournant autour des 15 milliards de F CFA (23 millions d'euros) (selon les
chiffres fournis par le poste de contrôle des pêches maritimes de
Joal-Fadiouth). Plus de 30% de la population active de Joal-Fadiouth travaille
dans le secteur de la pêche ou ses activités connexes
(calculé à partir des données enquêtes
ménages, juin 2003 IN Architecture et Climat, 2007).
Les techniques de pêche piroguière sont
très diversifiées : filet dormant de fond ou encerclant, filet
tournant, senne de plage, pêche à la ligne ou à la
palangre, casier à seiche, etc. La pêche à pied est
également pratiquée par les pêcheurs de crevettes utilisant
le Killi et pour la cueillette d'huîtres ou le ramassage des arches - ces
deux dernières activités sont presque exclusivement
féminines.
Des pêcheurs de toute la région viennent
pêcher dans la zone de Joal, réputée pour sa richesse
spécifique, sa haute productivité et ses activités de
pêche permanentes tout au long de l'année. Cependant, les
ressources halieutiques à Joal-Fadiouth, comme partout au
Sénégal, s'amenuisent, d'où l'importance de mettre en
place des mesures de protection.
III.2.3. Caractéristiques biophysiques
III.2.3.1. Hydrologie marine
L'année est partagée en deux grandes saisons :
la saison froide de janvier à mai caractérisée par des
eaux froides venant du nord et de nombreux upwelling et la saison chaude
caractérisée par l'arrivée d'eau d'origine tropicale. Des
matières organiques sont également apportées des eaux
continentales par les bolongs14. (Sène, 2008)
Le plateau continental est spécialement large face
à Joal-Fadiouth et l'eau y est particulièrement calme.
Il apparait que Joal-Fadiouth bénéficie en effet
de toutes les conditions favorables au développement des
activités de pêche.
III.2.3.2. Flore
III.2.3.2.1. La mangrove
(c) Balland M.
Fig.9: Rhizophoracées
35
La mangrove est une formation halophile15
typiquement tropicale. On la trouve dans des zones soumises aux marées
telles que des embouchures, lagunes ou estuaires. Les arbres qui constituent
ces formations sont communément appelés des
palétuviers16.
La mangrove de Joal-Fadiouth a une superficie d'environ 400 ha
(Diouf, 2003). On y trouve principalement trois espèces de
"palétuvier": Rhizophora mangle et Rhizophora racemosa
de la famille des Rhizophoracées
14 Les bolongs sont des
chenaux caractéristiques des côtes du Sénégal et de
la Gambie. Ces cours d'eau sont soumis à la marée et l'eau de mer
s'y mêle à l'eau douce. Ils peuvent être de la taille de
petits affluents ou pour certains disparaitre temporairement. Ils sont
généralement bordés de mangrove.
15 Qui affectionne les milieux salés.
16 Palétuvier est
le nom vulgaire donné aux différents arbres des régions
intertropicales qui ont la caractéristique d'avoir les racines
baignées par les eaux de la mer.
36
caractérisée par des racines échasses
(fig.9) et Avicennia africana de la famille des
Verbénacées caractérisée par des pneumatophores
(racines aériennes). On trouve également deux espèces de
Combrétacées, Conocarpus erectus et Laguncularia
racemosa (le Paletuvier gris). (Sène, 2008)
Cet écosystème a un rôle
prépondérant dans la conservation de la biodiversité et
des ressources halieutiques. Il sert de refuge pour de nombreuses
espèces d'oiseaux et constitue une nourricière et une zone de
frayère pour les jeunes poissons et crevettes. Il abrite
également des espèces particulières comme des
huîtres, des balanes, des arches, des crabes qui sont consommées
et commercialisées par les habitants de Joal-Fadiouth.
III.2.3.2.2. L'herbier marin
A Joal-Fadiouth, on trouve un important herbier marin
constitué d'algues macrophytes source de nourriture, entre autres pour
la tortue verte.
III.2.3.2.3. Réserve naturelle communautaire de
Ngazobil
Celle-ci couvre une superficie de 439,46 ha. Elle est
considérée comme le seul témoin de ce qu'était
l'écosystème forestier de la petite côte de Rufstique
à la pointe de Sangomar. Une quarantaine de familles de
végétaux y sont représentées. (Rapport annuel
d'activités 2008 de l'AMP de Joal-Fadiouth)
III.2.3.3. Faune
III.2.3.3.1. Ressources halieutiques
Quatre types de ressources halieutiques sont exploités
(Centre de suivi écologique,
2005) :
- Les ressources pélagiques
hauturières (thon, espadon, voilier) qui transitent par
les côtes sénégalaises; leur exploitation est donc
saisonnière.
- Les ressources pélagiques
côtières (sardinelles, chinchards, maquereaux) qui
jouent un rôle primordial dans l'alimentation des populations à
faible revenu. Ces espèces effectuent des migrations saisonnières
entre la Mauritanie et les Iles Bissagos.
37
- Les ressources démensales
côtières qui sont localisées sur le plateau
continental entre 0 et 200 m de profondeur. Elles sont
représentées par des crustacés (crevette blanche,
langouste, crabe), des céphalopodes (poulpe, seiche, calamar) et des
poissons (rouget, dorade, mérou, sole, etc.). Celles-ci possèdent
une forte valeur marchande et sont donc principalement destinée à
l'exportation. La majorité de ces espèces sont
surexploités - en 1996, les prises moyenne étaient de 156 000 t
alors que la production d'équilibre est estimée à 130 000
t. (Centre de suivi écologique, 2005)
- Les ressources démensales profondes
qui se situent entre 150 et 1000 m de profondeur. Il s'agit des
crevettes gambas, de l'alistado et de poissons tels que le merlu, le
requin-chagrin et la langouste rose.
Le premier inventaire réalisé par le Centre de
Recherches Océanographiques de Dakar-Thiaroye (CRODT) fait état
de 31 espèces de poissons, 2 espèces de crustacés
(Penaeus notialis et Portunus validus), 1 gastéropode
(Cymbium glans), 1 céphalopode (Sepia officinalis
hierredda) et 1 hippocampe (Hemiramphus brasiliensis). Cependant
celui-ci n'est pas exhaustif puisque l'engin utilisé a une certaine
sélectivité (senne de plage de 12 mm de maillage) et que
l'inventaire n'a été réalisé qu'à une seule
période de l'année. (Sène, 2008)
L'inventaire des espèces présentes dans les
captures effectuées par le poste de contrôle des pêches
maritimes de Joal en 2003, récence, quant à lui, 50
espèces. (Sène, 2008)
III.2.3.3.2. Faune malacologique
Les arches (Anadara senilis) et les huitres
(Crassostrea gasar) sont les principaux mollusques présents et
exploités à Joal-Fadiouth. Les arches sont ramassées -
principalement par les femmes de Fadiouth - à marée basse sur la
lagune ou dans les bolongs. Les huitres vivent accrochées aux racines
échasses de Rhizophora.
III.2.3.3.3. Avifaune
En raison de son important réseau de mangrove,
Joal-Fadiouth présente une très grande diversité d'oiseaux
d'eau. Environ 70 espèces différentes ont été
recensées par les agents de la DPN (rapports annuels d'activités
de l'AMP 2007 et 2008 de Joal-Fadiouth). On y rencontre différentes
espèces d'Aigrette, de Bécasseau, de Goéland, de Mouette,
de Sterne, de
38
Héron, de Cormoran, de Pélican et bien d'autres
encore. Parmi celles-ci 22 sont des espèces protégées
(voir annexe II).
III.2.3.3.4. Reptiles
Parmi les sept espèces de tortues marines, six seraient
inventoriées au Sénégal. Cinq de la famille des
Cheloniidae : la tortue verte (Chelonia mydas), la tortue caouanne
(Caretta caretta), la tortue imbriquée (Eretmochelys
imbricata), la tortue olivâtre (Lepidochelys olivacea) et
la tortue de Kemp (Lepidochelys kempii), et une de la famille des
Dermochelyidae : la tortue luth (Dermochelys coriacea).
Toutes ces espèces sont protégées par
diverses conventions (Bonn, Berne, CITES). Elles sont à ce jour en
danger d'extinction, la tortue Luth étant en danger critique
d'extinction (liste rouge de l'UICN).
La tortue verte est la plus présente à
Joal-Fadiouth car cette espèce principalement herbivore se nourrit de
l'herbier marin.
Depuis 1986, les tortues marines sont protégées
au Sénégal, ce qui n'a pas empêché le commerce et la
consommation de tortues marines d'être pratique courante à
Fadiouth. Ce n'est que dans les années 2000, suite aux campagnes de
protection de la tortue marine menées à Joal-Fadiouth par l'UICN
et la Fondation Internationale du Banc d'Arguin (FIBA) puis par le WWF, que
cette pratique est devenue beaucoup moins fréquente.
III.2.3.3.5. Mammifères marins
Le lamantin, espèce en voie de disparition, est
fréquemment rencontré dans les eaux de Joal-Fadiouth.
39
III.2.4.. L'AMP de Joal-Fadiouth
III.2.4.1. Présentation
générale
Le site de Joal-Fadiouth dévoile des habitats
exceptionnels, et une extraordinaire biodiversité. La
nécessité de préserver ces habitats et cette
biodiversité pour des raisons écologiques mais également
socio-économiques, ont justifié le développement d'une AMP
dans cette zone.
L'AMP de Joal-Fadiouth a été créée
par décret présidentiel n°2004-1408 le 04 novembre 2004.
D'une superficie de 17 400 ha, elle comprend les dépendances maritimes
de la commune, un bras de mer et un important réseau de mangrove. Ses
coordonnées géographiques sont présentée
figure10.
AMP de Joal-Fadiouth
|
Positions à terre
|
Positions en mer
|
Longitude
|
Latitude
|
Longitude
|
Latitude
|
Début
|
16°46'7W
|
14°04'5N
|
16°51'7W
|
14°04'5N
|
Fin
|
16°52'2W
|
14°13'0N
|
16°57'2W
|
14°13'0N
|
Fig.10 : références cartographiés de l'AMP
de Joal-Fadiouth (Sène, 2008)
Elle est divisée en trois zones (selon le règlement
intérieur de l'AMP de Joal-Fadiouth) :
- Le noyau central (fig.11, zone
1) qui part de la plage et s'étend jusqu'à 4,5
km au large et va de la limite Nord à Ngazobil jusqu'à la limite
Sud à Diourom Niary Gouy. Cette zone inclut une zone de grossissement et
de frayère pour les poissons et deux lieux dénommés, en
raison de leur fréquentation, le puits de lamantins et la mare des
tortues marines.
- La zone à usage multiple
(fig.11, zone 2) de même largeur que le
noyau central et qui démarre à 4,5 km de la côte et
s'étend jusqu'à la limite extérieure de l'AMP à 8
km de la côte. Certains types de pêches responsables y sont
autorisés.
- la zone de mangrove et de bolongs
(fig.11, zone 3) qui inclut les zones
d'ensemencement d'arche et les parcs à huitre. Des activités
d'exploitation durable
des arches et des huitres et des activités
éco-touristiques y sont permises.
Ngazobil
Joal
Fadiouth
3
1
2
Fig.11 : situation de l'AMP de Joal-Fadiouth (Sène,
2008)
Diourom Niary Gouy
40
III.2.4.2. Historique de la mise en place d'une
institution de gestion de l'AMP
Le site de Joal-Fadiouth a été choisi pour la
création d'une AMP sur base de critères écologiques mais
aussi économiques et sociaux par des experts et des représentants
des divers groupes d'intérêt. Dés le départ, le
processus de création de cette AMP s'est donc voulu participatif et
pluridisciplinaire. Une des conditions à la création d'une AMP
à Joal-Fadiouth était que les populations de Joal-Fadiouth
soutiennent le projet. Une réunion générale
a rassemblé tous les acteurs, qui se sont montrés
favorables à la création d'une AMP dans leur commune. Le conseil
municipal a donc accepté l'AMP.
En novembre 2004, l'AMP de Joal-Fadiouth a été
reconnue officiellement par arrêté présidentiel, l'objectif
fut alors de la rendre fonctionnelle.
La première étape a été de
réunir une équipe de réflexion
qui s'est tenue au niveau de la mairie et qui regroupait la
mairie, la Direction des Parcs Nationaux (DPN), la Direction des Pêches
Maritimes (DPM), la Direction des Eaux et Forêt, le WWF et d'autres ONG
impliquées, des délégués de quartier, les chefs
religieux, des pêcheurs et toutes autres personnes concernées par
la création de l'AMP.
A partir de cette équipe de réflexion, a
été créée une équipe de
démarrage de 6 personnes représentant les parties
prenantes principales; c'est-à-dire un agent de la DPN, un agent du
service local des pêches, un représentant de la mairie, un
représentant du WWF et
41
deux pêcheurs dont l'actuel président du
comité de gestion. Le rôle de cette équipe de
démarrage était de préparer le partenariat qui devait
aboutir à un système de cogestion. Ainsi, il s'agissait
d'identifier les parties prenantes directes et indirectes, de les informer et
de les structurer en un organe de gestion.
Des représentants des différents groupes des
parties prenantes ont donc été choisis - chaque organisation de
parties prenantes a choisi son représentant - pour constituer l'organe
de gestion de l'AMP. Ainsi, le 21 février 2006, a été
établi le Comité de gestion de l'AMP de Joal-Fadiouth
composé de 20 membres. Ceux-ci représentent
principalement des organisations locales (GIE, organisations professionnelles
et autres associations), mais aussi certains services étatiques (mairie,
DPN, DPM, service des eaux et forêt) (détail en annexe III). Le
Comité de gestion est la principale instance de décision et
l'organe exécutif de l'AMP. Toutes les décisions en
matière de gestion doivent être discutées et
décidées en son sein (voir annexe III pour les mandats
précis du comité de gestion). Quatre commissions ont
été formées :
- la commission de surveillance et de gestion des conflits ;
- la commission de pêche durable, de gestion des ressources
naturelles et
d'aménagement technique et touristique ;
- la commission de sensibilisation, communication, formation et
organisation ;
- la commission de recherche et de partenariat.
L'étape suivante a été
l'élaboration d'un Plan de travail annuel pour l'année 2006. Une
première série d'activités prioritaires a ainsi
été décidée par le comité de gestion. Parmi
celles-ci figurent le zonage participatif et l'élaboration et la
validation du règlement intérieur de l'AMP qui sont deux
activités indispensables pour aboutir à une AMP fonctionnelle.
Le zonage a été effectué par le
comité de gestion en collaboration avec le WWF et diverses personnes
ressources sur base principalement des connaissances locales des
pêcheurs.
L'élaboration des règles et
réglementations s'est également effectuée de
manière participative. Les agents de la DPN ont proposé une
ébauche de règlement aux membres du comité de gestion qui
ont eu le loisir de donner leur avis à ce propos. Ensuite, le
conservateur a fait une proposition de réglementation qui a
été discutée en réunion élargie du
comité de gestion - c'est-à-dire que des personnes ressources
supplémentaires étaient présentes. La proposition a
été lue et commentée article par article, et des
amendements ont été effectués.
42
D'autres activités essentielles ont été
menées, depuis, par le comité de gestion en collaboration avec
les agents de la DPN et le WWF. Dès 2006, l'activité principale
fut la communication : rencontres au quai de pêche, émissions
radio, éducation environnementale dans les écoles, mise en place
de panneaux, surveillance dans l'AMP pour informer de ses limites. Depuis 2007,
les agents de la DPN, procèdent également au suivi aviaire tous
les mois et au suivi des tortues marines de juillet à janvier. Enfin,
depuis 2008, la surveillance est couplée à l'arrestation et la
verbalisation des pêcheurs récidivistes.
Le balisage n'a été réalisé que le
30 janvier 2009. Pour tous les acteurs, cet événement a
réellement rendu l'AMP fonctionnelle.
Néanmoins, jusqu'à présent celle-ci
fonctionne sans plan de gestion officiel. Le processus de formulation du plan
de gestion a démarré officiellement le 19 avril 2005; le WWF et
les partenaires locaux se sont rassemblés au cours d'une
assemblée générale. Une équipe de sept personnes
(l'ancien conservateur de l'AMP, le président du comité de
gestion, un agent du CRODT et 4 représentants du WWF) ont alors
travaillé pendant trois ans a l'élaboration d'une première
version du plan de gestion qui est sortie en septembre 2008. Celui-ci doit
encore être approuvé par tous les membres du comité de
gestion et par les agents de la DPN avant d'être officialisé.
43
IV. METHODES DE COLLECTE DES DONNEES
Afin de collecter les données nécessaires
à la mise au point d'une méthodologie de suivi de
l'efficacité de la gestion de l'AMP de Joal-Fadiouth, je me suis rendue
à Joal-Fadiouth du 20 avril au 10 juin. J'ai effectué mon stage
auprès des agents de la Direction des Parcs Nationaux qui m'ont
présenté les membres du comité de gestion et m'ont fourni
des documents précieux pour mon travail.
Le travail de collecte des données s'est
effectué en trois étapes, sur base de trois méthodes
différentes :
1. La première consistait à rassembler des
données existantes provenant de diverses institutions.
2. La seconde étape concernait la récolte de
données qualitatives sur base d'entretiens avec les principales parties
prenantes dans la gestion de l'AMP.
3. Enfin, la troisième étape dans la
récolte des données s'est effectuée sur base d'un
questionnaire destiné aux habitants de Joal-Fadiouth.
Chacune des trois méthodes va être
détaillée dans ce chapitre.
44
IV.1. Recherche de données existantes
Cette méthodologie a surtout été
employée afin d'obtenir des données relatives aux indicateurs
biophysiques. En effet, la majorité des indicateurs biophysiques
nécessitent des moyens matériels et des compétences
techniques trop importants pour pouvoir être mesuré dans le cadre
d'un mémoire. J'ai donc rencontré plusieurs institutions et
personnes ressources susceptibles de pouvoir me fournir des données
biophysiques sur l'AMP.
Voici la liste des documents obtenus ainsi que l'institution
qui me les a gracieusement fournis :
Institutions consultées
|
Documents obtenus
|
WWF WAMER (Claude Sène)
|
- Plan de gestion de l'AMP de Joal-Fadiouth
|
DPN
|
- Rapport d'activités annuel 2007
- Rapport d'activités annuel 2008
- Arrêté portant création du comité de
gestion
- Arrêté portant règlement intérieur
de l'AMP
|
Comité de gestion de l'AMP
|
- Court métrage sur l'AMP de Joal-Fadiouth
|
Mairie de Joal-Fadiouth
|
- Plan directeur d'urbanisme de la commune de
Joal-Fadiouth, banque de données départementales
et urbaines
- Enjeux du tourisme dans la commune de Joal-
Fadiouth : milieu naturel amphibie (Etienne Guirane Dieng,
2006, mémoire de fin d'étude, technicien du tourisme)
|
Quai de pêche de Joal-Fadiouth
|
- Résultats généraux des mises à
terre de 2000 à
2009 (armement piroguier, répartition mises à
terre, transformation artisanale, carburant)
|
Parmi ces documents, certaines informations ont
également été très utiles pour l'évaluation
à travers d'autres indicateurs. En particulier, le plan de gestion a
été un outil essentiel pour la réalisation de ce
travail.
45
IV.2. Entretiens avec les principales parties
prenantes
La méthode utilisée pour cette partie du travail
a été la collecte de données qualitatives à travers
des entretiens. Il s'agissait de rencontrer individuellement diverses personnes
ressources représentant dans la plupart des cas des associations membres
du comité de gestion de l'AMP de Joal-Fadiouth. L'objectif de ces
entretiens était d'obtenir des informations concernant les indicateurs
de gouvernance présentés dans la section II.2.
La préparation des sujets à aborder avec les
différentes personnes lors des entretiens s'est donc effectuée
essentiellement à partir des indicateurs de gouvernances du guide de
l'UICN (Pomeroy et al. 2006).
Avant mon stage, j'avais pris soin de préparer une
série de questions pour chaque indicateur de gouvernance. Cependant, il
s'est avéré plus intéressant de laisser libre cours aux
conversations. De ce fait, ce qui correspondait à un questionnaire de
plusieurs pages s'est rapidement transformé en guide d'entretien
beaucoup plus succinct, ne reprenant que les grands thèmes à
aborder avec mes interlocuteurs. C'est ainsi que nous avons pu aborder des
sujets que je n'avais pas nécessairement prévu mais qui ont
enrichi mon travail.
Finalement les thèmes repris dans mon guide d'entretien
sont les suivants :
- L'association
- Ses débuts dans l'AMP (comment, motivations,
attentes)
- Participation (aux réunions, aux activités,
à l'élaboration des réglementations)
- Formation (quand, quoi, satisfaction)
- Questions par rapport aux commissions (activités,
membres, budgets, matériel, projets)
Commission de surveillance et de gestion des conflits : rendu
des infractions, procédures, patrouilles (nombre, temps, parcours,
sanctions)
Commission de pêche durable, de gestion des ressources
naturelles, d'aménagement technique et touristique: nouveautés
touristiques, changement dans le milieu de la pêche
Commission de sensibilisation, communication, formation et
organisation: formations (nombre, type, par qui, pour qui), informations (quoi,
supports, public cible, budjet, information sur le règlement),
Commission recherche et partenariat: études
scientifiques (menées, en cours, responsable, pourquoi, méthodes,
résultats
- Que pensez-vous du transfert de compétence de la DPN
vers le ministère de la pêche?
|
Voici la liste des personnes rencontrées :
Direction des Parcs Nationaux :
Conservateur de l'AMP
Lieutenant Amar Fall
Lieutenant Mamadou Cara Diédhiou
Adjoint au conservateur
Comptable
Adjudant Al Hassane Seck Mané Membres du
comité de gestion de l'AMP :
Consultant au WWF WAMER
Claude Sène
Abdou Karim Sall
|
président du comité de gestion
membre de l'association des jeunes pêcheurs
|
Ibrahima Samb
|
responsable de la commission de surveillance de l'AMP
membre de l'association des jeunes pêcheurs
|
Mamadou Lamine Dioh
|
responsable de la commission recherche et partenariat
membre de la commission communication et sensibilisation
éco-guide
|
Léopold Diouf
|
vis-président du comité de gestion
membre de l'interprofessionnelle du quai de pêche
pêcheur
|
El Hadji Faye
|
secrétaire général du comité de
gestion éco-guide
|
Demba Mare
|
responsable de la commission gestion des conflits
président de l'interprofessionnelle de pêche
|
Élisabeth Dioh
|
trésorière du comité de gestion
membre de la commission communication et sensibilisation
trésorière de l'association "Femmes
et coquillages"
|
Pierre Dioh
|
2ème adjoint au maire
|
Souleye Sabaly
|
responsable du poste de contrôle de Joal-Fadiouth
|
Autres :
Iboumbodj Sanè
Responsable du quai de pêche de Joal, chargé
production
Membre des jeunes pêcheurs
Pêcheur 1
46
Pêcheur 2
47
De plus, pour compléter ou confirmer certaines
informations reçues durant les entretiens, j'ai rempli l'
"instrument de suivi de l'efficacité de la gestion des Aires Marines
Protégées" de Francis Staub et Marea E. Hatziolos (2004)
avec l'adjoint au conservateur de l'AMP et ensuite avec le président du
comité de gestion de l'AMP.
IV.3. Questionnaire destiné aux habitants de
Joal-Fadiouth
Sur base d'un questionnaire, j'ai interrogé des
habitants de Joal-Fadiouth. J'ai tenté de diversifier les lieux de
rencontre et le profil des personnes interrogées. À cet effet,
j'ai relevé pour chaque individu le lieu de la rencontre, le sexe, la
catégorie d'âge et j'ai commencé par leur poser les trois
questions suivantes :
- Depuis combien de temps habitez-vous Joal-Fadiouth ?
- Dans quelle localité de Joal-Fadiouth habitez-vous?
Joal/ Fadiouth/ Ngazobil
- De combien de personnes se compose votre ménage ?
- Quel est votre métier ? Qu'exercez-vous comme
activité ?
Ensuite, les questions ont toutes été
préparées pour répondre à des indicateurs
socio-économiques ou de gouvernance.
Un premier questionnaire a été
préparé avant mon stage à l'AMP de Joal-Fadiouth. Pour
chacun des 7 indicateurs socio-économiques sélectionnés
dans la section II.3, une série de questions a été
rédigée à destination des habitants de Joal-Fadiouth. La
récolte des données concernant 2 indicateurs de gouvernance
s'effectue également par le biais d'une enquête menée
auprès de la population.
Le guide propose déjà un certain nombre de
questions qui peuvent être posées pour répondre à
ces 9 indicateurs. Les questions ont donc été soit directement
issues du guide, soit légèrement complétées ou
modifiées pour les adapter aux connaissances préalables que
j'avais de l'AMP de Joal-Fadiouth. Par exemple, une question sur les coraux a
simplement été transformée en une question sur la mangrove
mais les modifications sont pour l'instant restées superficielles.
48
Voici les questions correspondant à chaque indicateur :
? Indic. S2 : Jugements de valeur et croyances locales
à l'égard des ressources marines
- Pourquoi la mer et les mangroves sont elles importantes pour
vous ?
- Est-ce que vous connaissez des techniques de pêche qui
nuisent à la ressource ?
Par exemple : pêche à la dynamite ; filet à
petites mailles ; filets dérivants - Pourquoi les individus
pratiquent-ils ce genre d'activité destructrice ?
- D'après vous, qu'est ce qui a un impact sur la
disponibilité en poisson dans la mer ?
Le nombre de pêcheurs impact très / assez /
peu / pas important
La volonté de Dieu impact très / assez /
peu / pas important
Les techniques de pêche destructrices impact
très / assez / peu / pas important
- Que pensez-vous des stratégies actuelles de gestion des
AMPs?
- Les stratégies actuelles de gestion des AMPs
enrichissent-elles les croyances et traditions culturelles locales?
- Pouvez me dire si vous êtes tout à fait d'accord/
plutôt d'accord/ d'accord/ neutre/ pas d'accord/ pas du tout d'accord
avec les propositions suivantes :
o Nous devons préserver la terre et la mer sinon elles ne
pourront subvenir à nos besoins à l'avenir
o Nous n'avons pas à nous préoccuper de la mer et
des poissons, Dieu les préservera pour nous
o Nous devrions préserver la mer pour que nos enfants et
leurs enfants aient du poisson.
? Indic. S3 : Degré de compréhension des
conséquences de l'action de l'homme sur les ressources
- Quels sont selon vous les événements,
activités ou changements qui ont eu ou ont un impact sur l'environnement
naturel ?
- Quels changements au niveau de l'environnement naturel
imputez-vous à ces menaces ?
- Comment comparez-vous ces menaces en termes de niveau d'impact
?
? Indic. S4 : Perception de la disponibilité des
produits de la mer
- Le mois dernier, pendant combien de jours votre famille n'a
pas eu une alimentation en quantité suffisante ? jamais/ une fois par
semaine/ deux fois par semaine/ plus de deux fois par semaine/ préciser
le nombre de jours
- Le mois dernier, pendant combien de jours votre famille n'a
pas eu de produits de la mer frais locaux en quantités suffisantes en
raison de leur indisponibilité ? jamais/ une
49
fois par semaine/ deux fois par semaine/ plus de deux fois par
semaine/ préciser le nombre de jours
- L'année dernière, pendant combien de jours votre
famille n'a pas eu de produits de la mer frais locaux en quantités
suffisantes en raison de leur indisponibilité ? pendant quelle saison ou
quel mois ? jamais/ précisez le nombre de jours/ précisez les
mois ou la saison
- Avez-vous noté des changements en matière de
disponibilité des produits de la mer depuis la mise en place de l'AMP
?
- Pensez-vous que l'AMP a un impact sur la disponibilité
des produits de la mer frais locaux ? oui : positif ou négatif ? / non,
pourquoi?
? Indic. S6 : Perceptions de la valeur non marchande et
de non usage
Pouvez me dire si vous désapprouvez (un peu ou
fortement), approuvez (un peu ou fortement) ou êtes neutre face à
ces déclarations:
- Si la mangrove n'est pas protégée, nous n'aurons
pas de poissons à pêcher (valeur non marchande indirecte).
- Je voudrais que les générations futures
profitent des mangroves (valeur de transmission liée au non usage).
- La pêche devrait être limitée dans
certaines zones même si personne ne pêche dans ces zones simplement
pour permettre aux poissons et aux mollusques de se reproduire (valeur
d'existence).
- Nous devrions restreindre le développement dans
certaines zones côtières afin que les générations
futures puissent bénéficier d'environnements naturels (valeur de
transmission).
- Les herbiers n'ont aucune valeur pour les individus (valeur
d'existence).
? Indic. S9 : Répartition des revenus des
ménages par source
- Quelles sont les différentes sources de revenus au sein
de votre ménage ?
- Quelle est l'importance relative de chaque source de revenus
au sein de votre ménage ? (proportion en pourcentage)
Si vous étiez déjà à Joal-Fadiouth
il y a 5 ans:
- Est-ce que vos sources de revenus se sont modifiées ces
5 dernières années ?
- D'après vous pourquoi? Quelles sont les causes ?
(concurrence, moins de poissons, moins d'accès, lien avec l'AMP)
50
? Indic. S10 : Structure professionnelle des
ménages
Membre du foyer
|
Age
|
Sexe
|
Niveau d'études
|
Activité principale
|
Activité secondaire
|
Activité tertiaire
|
1
|
|
|
|
|
|
|
2
|
|
|
|
|
|
|
3
|
|
|
|
|
|
|
4
|
|
|
|
|
|
|
Etc.
|
|
|
|
|
|
|
|
? Indic. S14 : Diffusion des connaissances formelles
à la communauté
Pour chaque information scientifique fournie à la
communauté:
- Connaissez-vous ?
- Pouvez-vous décrire le type d'information scientifique
qui vous a été fournie?
- Avez-vous confiance en ces informations? Pour quelle
raison?
- De quelle façon ces informations peuvent-elles
être améliorées?
? Indic. G4 : Compréhension locale des
règles et réglementations de l'AMP
- Connaissez-vous les règles et réglementations
pour la gestion de l'AMP ?
- Pouvez-vous énumérer celles que vous connaissez
?
- Quelle institution a élaboré et émis
chaque règle et réglementation?
- Trouvez-vous les réglementations claires et simples
?
o règles très complexes et difficiles à
comprendre (1)
o règles complexes et difficiles à comprendre
(2)
o règles moyennement complexes (3)
o règles simples et faciles à comprendre (4)
o règles très simples et faciles à
comprendre (5)
- Pensez-vous que les règles et réglementations
sont crédibles et pertinentes ?
- Pensez-vous que les règles et réglementations
sont socialement acceptables ?
- Quelles règles et réglementations jugez-vous
acceptables ou inacceptables ?
Pourquoi ?
- Pourquoi les règles et réglementations ont-elles
été conçues telles qu'elles sont ?
51
? Indic. G16 : Degré de diffusion des
informations visant à encourager la conformité des parties
prenantes
- Des ateliers et cours de formation vous ont-ils
été dispensés lors de la planification de l'AMP?
- Combien et de quels types?
- Des ateliers et cours de formation vous ont-ils
été dispensés lors de la mise en place de l'AMP?
- Combien et de quels types?
- Avez-vous été satisfait des ateliers et cours de
formation? Oui/Non
- Pourquoi?
- Avez-vous été impliqué dans le choix des
ateliers et cours de formation?
- Quels types de diffusion d'informations ont été
proposés? - Lesquels estimez-vous les plus efficaces personnellement? -
Pourquoi?
- Les informations reçues ont-elles changé votre
comportement en termes de conformité? Oui/Non
- Comprenez-vous mieux les règles,
réglementations et dispositions d'application grâce aux ateliers?
Oui/Non
- Comprenez-vous mieux la finalité de l'AMP grâce
aux ateliers? Oui/Non
- Comprenez-vous mieux les écosystèmes marins et
côtiers grâce aux informations qui vous ont été
fournies? Oui/Non
Ce questionnaire est un questionnaire de départ, qui
n'est pas encore adapté à l'AMP de Joal-Fadiouth. J'avais
prévu de réaliser l'enquête auprès des habitants
dans les dernières semaines de mon séjour afin d'avoir l'occasion
de modifier le questionnaire en fonction des premières connaissances que
j'aurai acquises sur l'AMP et sur les habitants de Joal-Fadiouth. De plus,
j'avais conscience que ce questionnaire était trop long et que le
vocabulaire utilisé dans les questions de guide de l'UICN (Pomeroy et
al. 2006) est trop complexe pour des individus dont la langue maternelle n'est
pas le français.
52
V. ADAPTATION DES INDICATEURS AU CAS
D'ETUDE
Je vais procéder à l'évaluation de l'AMP
de Joal-Fadiouth sur base des indicateurs du guide de l'UICN (Pomeroy et al.
2006) présenté dans le chapitre II. Je vais regrouper et analyser
toutes les informations que j'ai pu obtenir sur cette AMP concernant chacun des
indicateurs. Parallèlement, j'évaluerai la pertinence d'utiliser
chaque indicateur pour l'analyse de l'AMP de Joal-Fadiouth et je tenterai, si
nécessaire, de proposer une version d'indicateurs plus adaptée
aux données et aux conditions particulières de cette AMP.
Concernant le questionnaire destiné à la
population de Joal-Fadiouth, il a été nécessaire de
l'ajuster un maximum aux conditions du terrain avant de démarrer
l'enquête, sans quoi certaines questions risquaient d'être
complètement inadaptées. La première section sera donc
consacrée à cette tache.
53
V.1. Ajustement du questionnaire
Après environ un mois passé à
Joal-Fadiouth, j'avais déjà reçu beaucoup d'informations
sur la gestion de l'AMP. J'avais rencontré plusieurs
représentants de parties prenantes et eu l'occasion de discuter de
manière informelle avec des membres de la communauté à
propos de l'AMP. J'ai également eu l'occasion de tester le questionnaire
sur une première habitante de Joal avec qui j'avais
sympathisé.
Le premier constat a concerné la longueur et la
complexité du questionnaire. N'oublions pas que le français n'est
pas la langue maternelle des habitants de Joal-Fadiouth : leur langue
maternelle est le sérère ou le wolof. Ils apprennent le
français à l'école - pour autant qu'ils y soient
allés - et à la télévision ou la radio. Il a donc
été nécessaire de réduire le questionnaire et de
simplifier certaines questions.
Tout d'abord, j'ai rassemblé les indicateurs S2 et S6
qui concernent tous deux les valeurs des individus à propos des
ressources côtières.
Plutôt que de demander aux individus s'ils approuvent
les propositions pour l'indicateur S6 (§IV.3.), j'ai posé les trois
questions suivantes :
- Est ce important pour vous de protéger
l'environnement à Joal-Fadiouth? Très important/ assez important/
un peu important/ pas important
- Pour vous, est-ce important de protéger la mer et les
mangroves? Très important/ assez important/ un peu important/ pas
important
- Pourquoi est-ce important de protéger la mer et les
mangroves?
Ces questions devraient permettre d'évaluer si la
population attache une grande importance à la protection de
l'environnement et comment elle justifie la nécessité de
protection - les individus interrogés évoqueront-ils des valeurs
d'usage, de non usage ou d'existence?
Par ailleurs, j'ai appris que d'autres problèmes
environnementaux tels que les inondations ou la pollution par les ordures
ménagères menacent la commune de Joal-Fadiouth. J'ai donc
souhaité demander aux habitants de Joal-Fadiouth :
- Quels sont les principaux problèmes environnementaux
à Joal-Fadiouth ? (citez par ordre d'importance)
54
J'ai placé cette question avant celle sur la mer et les
mangroves pour ne pas influencer la réponse.
Enfin, j'ai conservé une question de l'indicateur S2 mais
j'y ai ajouté un impact naturel qui est "les conditions
hydro-climatiques" :
- D'après vous, qu'est ce qui a un impact sur la
disponibilité en poisson dans la mer ?
Les conditions hydro-climatiques impact très /
assez / peu / pas important
Le nombre de pêcheurs impact très / assez /
peu / pas important
La volonté de Dieu impact très / assez /
peu / pas important
Les techniques de pêche destructrices impact
très / assez / peu / pas important
Finalement, j'ai regroupé ces questions sous un nouvel
indicateur relativement proche des indicateurs S2 et S6 et qui devrait nous
fournir le même type d'informations.
? Ind. Socio-éco. 1. Perception de
l'environnement et de la nécessité de le
protéger
5. Est-ce important de protéger l'environnement à
Joal-Fadiouth ? très important/ assez important/ un peu important/ pas
important
6. Quels sont les principaux problèmes environnementaux
à Joal-Fadiouth ? (par ordre d'importance)
7. Pour vous, est-ce important de protéger la mer et les
mangroves ? très important/ assez important/ un peu important/ pas
important
8. Pourquoi est-ce important ?
9. D'après vous, qu'est ce qui a un impact sur la
disponibilité en poisson dans la mer ?
Les conditions hydro-climatiques impact très /
assez / peu / pas important
Le nombre de pêcheurs impact très / assez /
peu / pas important
La volonté de Dieu impact très / assez /
peu / pas important
Les techniques de pêche destructrices impact
très / assez / peu / pas important
L'indicateur S3 sera représenté par une seule
question.
? Ind. Socio-éco. 2 : Degré de
compréhension des conséquences de l'action de l'homme sur les
ressources
10. Quels sont les comportements, les activités qui ont
eu un impact négatif sur l'environnement ces dernières
années ?
55
J'ai conservé l'indicateur S4 car il me semble
particulièrement intéressant de connaitre l'impression des
individus sur la disponibilité des produits de la mer. De plus, afin
d'obtenir directement des données sur l'évolution au cours du
temps, j'ai demandé aux répondants comment ils perçoivent
l'évolution des prix et des espèces de poissons sur le
marché ces dernières années (questions 13. et 14.
ci-dessous) et à quelle cause ils imputent les changements
observés (question 15.). Enfin, il était intéressant de
savoir si ceux-ci ont remarqué des changements depuis la mise en place
de l'AMP (question 22.). Cette question a été posée
après d'autres questions relatives à l'AMP.
? Ind. Socio-éco. 3. perception de la
disponibilité des produits de la mer
11. Le mois dernier, est ce qu'il y a des jours où vous
n'avez pas pu acheter des produits de la mer parce qu'ils étaient trop
cher où indisponible?
12. Sur une année, y a-t-il des saisons, périodes
où les produits de la mer sont plus chers ou indisponibles?
13. Ces dernières années, le prix du poisson
a-t-il tendance à augmenter ou à diminuer?
14. Ces dernières années, est-ce que les
espèces de poissons que l'on trouve sur le marché ont
changé?
15. Quel est selon vous la cause de ces changements ?
22. Avez-vous remarqué des changements au
niveau de la quantité de poissons disponible, du prix, des
espèces depuis la mise en place de l'AMP ?
Pensez-vous que l'AMP à un impact sur la quantité
de poissons, les prix, les espèces disponibles? (Positif ou
négatif ?)
|
Jusqu'à présent, les questions qui ont
été formulées concernent les perceptions ou les
connaissances des habitants au sujet de l'environnement et des ressources.
Puisqu'il fallait réduire fortement la longueur du questionnaire, nous
nous sommes limités à ce sujet et n'avons pas maintenu les
indicateurs S9 et S10 qui concernent les activités et sources de revenus
des ménages. Par contre, nous avons conservé les indicateurs de
gouvernance puisque j'ai effectué une analyse de tous les indicateurs de
gouvernance du guide de l'UICN (Pomeroy et al. 2006).
L'indicateur social S14 et de gouvernance G16 concernent tous
deux la diffusion d'informations aux populations. Le S14 cible les informations
scientifiques. Or, étant donné qu'il n'y a presque pas eu
d'études scientifiques réalisées sur l'AMP de
Joal-Fadiouth, il n'y a pas eu de diffusion d'informations purement
scientifiques vers la communauté. L'indicateur G16 cible tout type
d'information mais surtout les ateliers et cours de formation. Des ateliers et
cours de formation ont été organisés pour les membres du
comité de gestion - qui ont été interrogés à
ce sujet lors des entretiens - mais pas pour la population de Joal-Fadiouth en
général. En bref, il n'était pas très pertinent
d'utiliser ces deux indicateurs pour interroger les
56
habitants. Par contre, je sais que différents supports
d'informations ont été utilisés pour communiquer à
la population de Joal-Fadiouth sur l'AMP. Les outils de diffusion
d'informations utilisés par le comité de gestion et la DPN sont
des panneaux d'informations, des émissions radios et des T-shirts. J'ai
donc demandé aux habitants de Joal-Fadiouth s'ils connaissent ces
supports d'informations, ce qu'ils en ont retenu et ce qu'ils en pensent.
Différentes activités, auxquelles les habitants ont pu
participer, ont également été organisées. Il s'agit
d'une campagne de replantation de mangrove, de deux campagnes de suivi des
tortues et des olympiades environnementales. Ces activités ont
été l'occasion de diffuser des informations sur l'AMP et la
protection de l'environnement. J'ai également formulé une
question à ce sujet (question 29).
J'ai donc remplacé les indicateurs S14 et G16 par un
indicateur "diffusion d'informations dans la
communauté".
? Indic. G16' : Diffusion d'informations dans la
communauté
23. Avez-vous participé à des séances
d'informations, des activités, des ateliers ou des réunions en
rapport avec l'AMP ou de manière plus générale avec
l'environnement?
24. Connaissez-vous les panneaux d'informations ?
oui / non
Pouvez-vous décrire le type d'informations qui vous ont
été fournies à travers ces panneaux ?
Est ce que vous les trouvez - Clair et compréhensible ?
oui / non / moyennement - Intéressant ? oui / non / moyennement
intéressante Comment les panneaux d'informations pourraient ils
être améliorés ?
25. Connaissez-vous les émissions de radios sur
l'AMP ? oui / non
Pouvez-vous décrire le type d'informations qui vous ont
été fournies à travers ces émissions radios
?
Est ce que vous trouvez les émissions de radios
sur l'AMP
- Clair et compréhensible ? oui / non / moyennement
- Intéressant ? oui / non / moyennement
intéressante
26. Connaissez-vous les T-shirts du WWF ? oui / non
Savez-vous ce qu'il est écrit sur ces T-shirts ?
27. Avez-vous reçu des informations à partir de
discussions ou réunions avec des membres du comité de gestion
ou le chef de votre quartier ?
Pouvez-vous décrire le type d'informations qui vous ont
été fournies à travers ces discussions?
Comprenez-vous mieux les objectifs, la raison d'être de l'AMP suite
à ces discussions? Oui / non / un peu
28. Avez-vous reçu des informations à partir de
discussions informelles avec d'autres membres de la
communauté?
29. Avez-vous participé à des activités
liées à l'AMP ?
Replantation de la mangrove, campagne de suivi des tortues
marines, olympiade environnementale Pour quelles raisons vous êtes
vous impliqué ?
Comprenez-vous mieux les objectifs, la raison d'être de
l'AMP depuis que vous avez participé à ces activités ?
30. Souhaiteriez-vous recevoir plus d'informations à
propos de l'AMP ? Oui / non / un peu
31. Selon vous quel est le meilleur moyen de diffuser de
l'information sur l'AMP et de manière plus générale sur
l'environnement et la gestion des ressources naturelles dans la
communauté ?
|
57
Cet indicateur est avant tout un indicateur de gouvernance car
il évalue l'efficacité des moyens mis en oeuvre pour informer la
communauté.
Nous avons également créé quelques
questions plutôt sur les connaissances qu'ont les individus sur l'AMP de
manière générale, ce qui compléte l'indicateur
précédent. Les connaissances qu'acquièrent les individus
dépendent de l'efficacité des moyens de diffusion mais peuvent
être considérées comme un indicateur social car elles
évaluent l'objectif d'accroitre les connaissances et la
compréhension de la communauté en matière de
conservation.
? Ind. Socio-éco. 4. Connaissances
générales sur l'AMP
16. Savez-vous qu'il y a une Aire Marine Protégée
à Joal-Fadiouth? Oui/ non
17. Savez-vous ce que signifie « Aires Marines
Protégées » ? Comment définiriez-vous une AMP ?
18. Savez-vous depuis quand existe celle de Joal-Fadiouth?
19. Par qui a-t-elle été mise en place ?
20. D'après vous pourquoi a-t-elle été mise
en place ? et pour qui ?
21. Connaissez-vous les objectifs de l'AMP?
Ces questions ont été posées juste avant
l'indicateur de gouvernance précédent.
58
Enfin, pour l'évaluation de l'indicateur de gouvernance
G4, quelques questions ont été retenues
? Indic. G4 : Compréhension locale des
règles et règlementations de l'AMP
32. Connaissez-vous les règles et réglementations
pour la gestion de l'AMP ? Pouvez-vous énumérer celle que vous
connaissez ?
33. Comment avez-vous reçu des informations à
propos des règles et réglementations ?
34. Trouvez-vous les réglementations claires et simples
?
35. Savez vous comment et par qui ont été
élaborées les règles et réglementations ?
36. Pensez-vous que les règles et réglementations
sont réalistes (possible à appliquer) ? tout à fait /
assez /
peu / pas réaliste
37. Pensez-vous que les règles et réglementations
sont socialement acceptables (acceptables par la population) ? tout à
fait / assez / peu / pas acceptable
Quelles règles et réglementations jugez-vous
acceptables ou inacceptables ?
Pourquoi ?
La version du questionnaire qui regroupe toutes ces questions,
c'est-à-dire tel qu'il a été posé aux habitants de
Joal-Fadiouth est présentée en annexe V.
59
V.2. Evaluation de la gouvernance
Les informations concernant la gouvernance de l'AMP
proviennent principalement des entretiens mais aussi de certains documents tels
que le plan de gestion de l'AMP, le règlement intérieur de l'AMP
ou les rapports d'activités de la DPN. Les questionnaires m'ont
également permis de collecter des données pour
l'évaluation à travers les indicateurs G4 et G16'.
Par ailleurs, à mon retour du Sénégal,
j'ai découvert dans le plan de gestion de l'AMP (Sène, 2008) des
activités et des objectifs rattachés à la gouvernance.
J'ai également lu un document intitulé "Pour des
systèmes irrigués autogérés et durables :
façonner les institutions" (Ostrom, 1992) qui m'a inspiré
certains principes de durabilité pour les systèmes
auto-organisés.
Les indicateurs que je proposerai à la fin de ce
chapitre, seront donc basés sur le guide de l'UICN (Pomeroy et al. 2006)
et adaptés à l'AMP de Joal-Fadiouth en fonction des informations
obtenues sur la gouvernance de cette AMP et des deux documents
précédemment cités (Sène, 2008 ; Ostrom, 1992)
V.2.1. Evaluation et adaptation des indicateurs du
guide de l'UICN
? Indic. G.1 : Niveau de conflit sur les
ressources
Un travail de fin d'études consacré
principalement aux conflits liés à l'AMP de
Joal-Fadiouth17 a été réalisé
l'année passée. Je ne vais donc pas développer l'analyse
de cet indicateur. Il est néanmoins un indicateur très
intéressant à suivre dans le temps.
Dans le même registre, un indicateur évaluant
l'existence de mécanismes de résolution des conflits
serait intéressant. Il s'agit d'un principe
présenté dans le travail d'Ostrom (1992) comme "principe
respecté dans tous les systèmes auto-organisés
durables". Il indiquerait si les conflits peuvent être pris en
compte et traités par une organisation de l'AMP. Il peut arriver que des
règles soient ambigües ou puissent être
interprétées de différentes manières. Dans ce cas,
il est nécessaire de pouvoir discuter et trancher lorsque des
différents se produisent.
17 MAULE Philippe, 2008, Problèmes et
voies de solution à la mise en place des aires marines
protégées (AMPs), étude de cas de l'AMP de Joal-Fadiouth,
Sénégal. Travail de fin d'études en vue de
l'obtention du Master en Sciences et Gestion de l'environnement.
60
Au niveau du comité de gestion de l'AMP de
Joal-Fadiouth, il existe une commission de surveillance et de gestion des
conflits. Le responsable de la gestion des conflits est Demba Mare. Il est
également le président de l'interprofessionnelle des
pêcheurs du quai de pêche de Joal. Cette place qu'il occupe au quai
de pêche depuis 2003 lui confère un certain respect et une
légitimité pour intervenir dans les conflits avec les
pêcheurs. Il tente de régler les conflits à l'amiable
plutôt que d'avoir directement recours au commissariat. Il a
constaté une diminution des conflits depuis la création de
l'AMP.
"Maintenant les pêcheurs comprennent (le
rôle de l'AMP), il y a moins de conflits. Au début il y en
avait beaucoup parce que tout début est difficile. Maintenant il y en a
un ou deux par mois" (Demba Mare, responsable de la gestion des conflits
à l'AMP, président de l'interprofessionnelle des pêcheurs
du quai de pêche Joal).
Proposition d'indicateur :
En plus de ces deux indicateurs, il est intéressant
d'évaluer la "nature des conflits"; c'est-à-dire le sujet des
conflits.
Ces trois indicateurs peuvent être regroupés sous un
indicateur plus général :
Conflits liés à l'AMP
- Niveau des conflits
- Nature des conflits
- Existence de mécanismes de résolution
des conflits
? Indic. G2 : Existence d'un organisme de décision
et de gestion
L'AMP de Joal-Fadiouth est régie selon le principe de
la cogestion. Les acteurs locaux sont donc les principaux gestionnaires,
appuyés par des représentants de l'état
Le comité de gestion de l'AMP représente les
acteurs locaux; il est à la fois l'organe de gestion et la principale
instance de décision. Il a été reconnu officiellement par
l' "arrêté portant création et statut du comité
de gestion de l'Aire Marine Protégée de Joal-Fadiouth". Il
est composé de 20 membres représentant différentes parties
prenantes de l'AMP. Parmi ceux-ci ont été élus un
président, un vice-président, un secrétaire et une
trésorière qui forment "le bureau".
61
D'après l'article 12 de cet arrêté
"Les décisions du Comité de Gestion ne sont appliquées
qu'après avis favorable du Conservateur de l'Aire Marine
Protégée de Joal-Fadiouth après analyse de
conformité aux textes de lois et règlements en vigueur en
matière de conservation de la biodiversité. Le bureau
exécutif du comité travaille sous la supervision du conservateur
de L'AMP." Aucune décision ne peut donc être prise sans que
celle-ci n'ait été approuvée par le conservateur de l'AMP.
Le conservateur de l'AMP est un agent de la DPN. Il représente donc
l'Etat.
Proposition d'indicateur
Cet indicateur évalue également si l'organisme
de décision et de gestion est reconnu de manière officielle. Cet
indicateur pourrait donc être nommé : Existence d'un
organisme de décision et de gestion reconnu
légalement.
? Indic. G3 : Existence et adoption d'un plan de
gestion
Une version provisoire du plan de gestion est sortie en
septembre 2008. Il est prévu qu'il soit applicable de 2009 à
2013. Il n'a à ce jour pas encore été approuvé par
le conservateur et les membres du comité de gestion.
Celui-ci comprend :
- une présentation générale de l'AMP
(localisation, statut, limite, gestion, règlement) ;
- une description détaillée de l'environnement
biophysique (climat, géologie,
hydrologie, espèces) et du contexte
socio-économique (démographie, agriculture,
tourisme, patrimoine) ;
- une évaluation de la valeur patrimoniale des habitats,
des espèces et de la
biodiversité ;
- une présentation des objectifs à long terme ;
- une description des contraintes et des menaces pouvant
influencer la gestion ;
- une description des activités prévues mises en
relation avec les objectifs ;
- un plan de travail précis (période, budget pour
chaque activité) ;
- des indicateurs de suivi des objectifs du plan.
Le plan de gestion parait très complet sur ces
différents sujets. Une description approfondie du contexte a
été réalisée ; les valeurs, les menaces,
l'environnement socio-économique ont été
détaillés. La planification est également très
précise : explication de
62
chaque objectif, description des activités
prévues, plan de travail. Le plan de gestion fournit donc une bonne
évaluation de premier niveau tel que définie par Hockings et al.
(2008) et explicitée dans l'introduction (I.4.3.).
Par contre, la partie sur les indicateurs de suivi parait fort
succincte. Ces derniers sont présentés à la fin du
document sous la forme d'un tableau sans explications supplémentaires
(annexe XI).
Par ailleurs, le plan de gestion donne peu d'informations sur
le personnel, les installations et le matériel disponible. Il ne donne
pas non plus de procédure d'application des règles et de
surveillance.
Enfin, un grand nombre d'activités ont
déjà été réalisées à l'AMP de
Joal-Fadiouth. Des formations ont également été
dispensées aux membres du comité de gestion. Celles-ci ne sont
pas mises en valeur dans le plan de gestion. En effet, il est important de
savoir que malgré l'absence de plan de gestion officiel un grand nombre
d'activités sont déjà menées sur le terrain. Ces
activités sont programmées dans le Plan de travail annuel et
principalement soutenues et financées par le WWF. La DPN et le
comité de gestion travaillent en suivant trois objectifs18
qui sont :
- Conserver la biodiversité marine et côtière
;
- Améliorer le rendement de la pêche ;
- Augmenter les retombées socio-économiques de la
population.
Les objectifs à long terme définis dans le plan
de gestion ne sont pas identiques à ces trois objectifs. Il s'agit de
:
- Conservation des habitats et des espèces ;
- Développement durable des populations locales ; -
Communication et sensibilisation du public ; - Gestion administrative
efficace.
Il me semble qu'il serait peut être intéressant
de reprendre comme objectifs généraux dans le plan de gestion les
objectifs déjà adoptés par la DPN et le comité de
gestion.
18 Ces objectifs sont repris sur les panneaux
d'information réalisés par la DPN et cités par les
principaux acteurs locaux.
63
? Indic. G4 : Compréhension locale des
règles et réglementations de l'AMP
Les règles ont été
élaborées en collaboration avec les représentants des
parties prenantes. On peut donc penser que celles-ci doivent être
compréhensibles par tous.
"Les règles ont été faites par nous,
donc bien sur elles sont compréhensibles" (Ibrahima Samb,
responsable de la commission de surveillance de l'AMP, représentant de
l'association des jeunes pêcheurs)
Cependant, il faut avant tout que celles-ci soient
diffusées à la population. A cet effet, les membres du
comité de gestion ont été chargés d'informer
l'association qu'ils représentent.
"Les autres membres de "Femme et coquillage" ne les ont
pas lues mais on les a informées. On a fait des rencontres pour les
informer que là on pêche pas etc." (Elisabeth Dioh,
trésorière du comité de gestion, représentante de
l'association "femme et coquillage")
L'information a également été
diffusée lors de manifestation au quai de pêche, lors
d'événements culturels et à travers des émissions
radios. Les émissions radios ont principalement insisté sur le
zonage de l'AMP, les zones interdites à la pêche et la protection
des tortues (d'après Pierre Dioh, membre du comité de gestion,
2ème adjoint au maire). De plus, les premières
surveillances de l'AMP avaient pour objectif d'informer et de sensibiliser les
pêcheurs.
On peut maintenant se demander si la diffusion a bien
été efficace. D'après les réponses au questionnaire
réalisé auprès des habitants de Joal-Fadiouth (Annexe V.,
question 31 à 37), la moitié des personnes que j'ai
interrogées connaissaient au moins une règle. L'interdiction de
pêcher et de manger la tortue semble la plus connue des règles ; 4
individus sur les 11 interrogés l'ont citée. Cela n'est pas
surprenant puisque deux campagnes de protection de la tortue marine ont
été menées à Joal-Fadiouth ; l'une par l'UICN et le
FIBA entre 2000 et 2002 et l'autre par le WWF en 2006. La connaissance des
règles et réglementations par les habitants parait finalement
assez faible. Cependant, il n'est certainement pas nécessaire, ni
possible, que tout le monde connaisse toutes les règles. Il faudrait
peut être d'abord se demander ce que tel ou tel groupe d'utilisateurs
doit savoir.
Enfin, n'oublions pas, que même si la diffusion a
été efficace et que les utilisateurs savent les actes qui leur
sont interdits, il n'est pas encore garanti qu'ils respectent les
règles.
" Il n'y a jamais eu une loi qui dit aux pêcheurs
abandonnez ça et les pêcheurs le font." (Abdou Karim Sall,
président du comité de gestion, président de l'association
des jeunes pêcheurs)
64
Pour cela, il faut que les règles soit
légitimes, acceptées et que la raison d'être de chaque
règle soit comprise. C'est pour cette raison qu'il est essentiel de
faire participer les diverses parties prenantes dès l'élaboration
de l'AMP et qu'il est important de communiquer et sensibiliser toute la
population lors de la mise en place de l'AMP. Il est nécessaire
également d'assurer un certain contrôle pour que les infractions
soient sanctionnées. Ces aspects - l'étendue des activités
de surveillance et la conformité des parties prenantes - seront
évalués à travers l'indicateur G15.
"L'objectif de la communication est que la population
comprenne que nous ne sommes pas là dans le but d'interdire mais que si
on interdit certaines choses c'est pour protéger et conserver, pour
viser à une exploitation durable, pour eux" (Lieutenant Mamadou
Cara Diédhiou, adjoint au conservateur)
Par ailleurs, nous avons mentionné ci-dessus que
l'élaboration des règles s'est effectuée en collaboration
avec les représentants des parties prenantes. Il serait donc
intéressant de savoir si elles ont été satisfaites de leur
participation et si elles sont satisfaites du résultat, c'est à
dire des règles et réglementation en vigueur dans l'AMP. Ce sujet
sera développé au niveau de l'indicateur G12
Proposition d'indicateur
Il apparait que divers éléments conditionnent le
fait que les parties prenantes connaissent et comprennent les
réglementations. Les aspects liés à la participation des
parties prenantes à l'élaboration des règles et les
aspects liés à l'étendue des activités de
surveillance et à la conformité des parties prenantes seront
développés par la suite. Nous pouvons pour l'instant nommer un
indicateur "Diffusion, connaissance et compréhension locale des
règles et réglementations de l'AMP" qui serait
subdivisé en deux "sous indicateurs" :
- Diffusion des règles et
réglementations de l'AMP dans la communauté
- Connaissance et compréhension locales des
règles et règlementations de l'AMP
65
? Indic. G5 : Existence et adéquation de la
législation habilitante
Cinq nouvelles AMPs, dont l'AMP de Joal-Fadiouth, ont
été créées par décret n° 20041408 le 04
novembre 2004.
Le règlement intérieur de l'AMP a été
reconnu officiellement par arrêté préfectoral.
L'article 20 de règlement intérieur
précise : "Les infractions au présent règlement
intérieur seront poursuivies et réprimées
conformément aux textes de Loi et règlement en vigueur (Code de
la pêche, Code de la chasse et de la protection de la Nature, Code de
l'Environnement, le Code Forestier et le Code des contraventions)". Ainsi,
ces différents codes soutiennent le règlement intérieur de
l'AMP.
? Indic. G6 : Disponibilité et affectation des
ressources administratives de l'AMP
Dans la pratique les AMPs sont toujours sous la tutelle de la
DPN. Cinq personnes sont engagées par l'Etat pour la gestion de l'AMP de
Joal-Fadiouth : un conservateur de l'AMP, un adjoint au conservateur et un
comptable - tous trois agents de la DPN - ainsi qu'un chauffeur et un garde.
Pour l'instant, les compétences en termes de gestion des AMPs au
Sénégal ne sont pas claires. Un transfert de compétence du
ministère de l'environnement au ministère de la pêche vient
d'être décidé. En attendant que la situation
s'éclaircisse, depuis février 2006, les agents de la DPN se
relayent à l'AMP pour s'occuper des affaires courantes.
Les agents de la DPN reçoivent un budget de
fonctionnement. Le budget est réparti en catégories (fourniture
de bureau, carburant, entretien du matériel informatique, eau,
électricité, téléphone, etc.). Lorsque le budget
d'une catégorie est épuisé, il leur faut trouver l'argent
ailleurs. Les agents de la DPN estiment que ce budget n'est "vraiment pas
suffisant".
"Quand le budget d'une catégorie est vide, on
demande au WWF" (Adjudant Al Hassane Seck Mané, comptable)
Jusqu'en 2008, les agents de la DPN en service à l'AMP
de Joal-Fadiouth ne disposaient pas de locaux. Le service occupait, sous
autorisation du préfet de Mbour, un bâtiment loué par
l'Etat pour une coopération Coréenne pendant 8 mois. Ensuite,
à partir de juin 2007, les agents de la DPN ont occupés ces
locaux sans autorisation et ce n'est qu'en mars 2008 que l'Etat a permis
effectivement son occupation.
Un inventaire du matériel est disponible dans le
rapport annuel d'activité 2008 de la
DPN.
66
Le comité de gestion est uniquement financé par
le WWF. Le secrétaire général reçoit 5000 F CFA
(7,5 €) pour organiser les réunions; c'est-à-dire pour
téléphoner aux membres du comité de gestion.
Le WWF subventionne également l'activité de
surveillance en mer. Un budget est délivré pour l'achat du
carburant et un moteur de 40 cv est mis à la disposition du
comité de surveillance. Chaque membre participant à la
surveillance reçoit également 1000 F CFA (1,5 €) et une
collation par sortie.
Les autres commissions n'ont aucun budget
régulièrement mis à leur disposition. Cependant,
lorsqu'elles souhaitent développer une activité
particulière, une requête peut être effectuée
auprès du WWF qui tentera d'apporter une solution.
? Indic. G7 : Existence et utilisation d'études
et de contributions scientifiques
Un état de référence a été
effectué par des membres du Centre de Recherches Océanographiques
de Dakar-Thiaroye (CRODT) en novembre 2006. Ils ont effectué une
pêche expérimentale à la senne de plage de 12 mm de
maillage dans différentes zones de l'AMP. Les espèces
capturées ont été répertoriées ainsi que le
poids total pour chaque espèce par station. La taille de certaines
espèces a également été relevée. Ces
données ont contribué à l'élaboration du zonage de
l'AMP. Une nouvelle évaluation de ce type a été
menée en avril 2009. Ces études pourront permettre de
réaliser un suivi des ressources halieutiques et d'observer leur
évolution dans le temps.
Une étude globale de tout l'environnement de
Joal-Fadiouth a également été menée par le
Laboratoire d'Etude et de Recherche en sciences Géomantiques (LERG).
Celle-ci avait pour objectif d'étudier les activités
pratiquées à Joal-Fadiouth, les pratiques anciennes, leur
évolution, etc.
Ces deux études seraient les seules qui aient
été menées sur l'AMP de Joal-Fadiouth.
67
? Indic. G8 : Existence et niveau d'activité des
organismes communautaires
Dans notre cas, le comité de gestion est principalement
composé de représentants d'organismes communautaires. Par le
biais de leurs représentants, les organismes communautaires sont donc
les principaux décideurs et gestionnaires de l'AMP.
La question qu'il me semble alors intéressant de se
poser est celle de la représentativité des organismes
communautaires : toutes les parties prenantes sont-elles
représentées par un organisme communautaire lui-même
représenté dans le comité de gestion ? Cet indicateur se
rapprocherait alors de l'indicateur socio-économique S15
"pourcentage de groupe de parties prenantes occupant des positions de
leadership" du guide de l'UICN (Pomeroy et al. 2006) qui mesure le nombre
d'acteurs originaires de groupes de parties prenantes qui sont
représentés dans la gestion de l'AMP.
L'équipe de démarrage était
chargée d'identifier les parties prenantes directes et indirectes et de
les organiser en un organe de gestion. De plus, comme le signale l'article 17
de l'arrêté portant création du comité de gestion,
il est toujours possible par la suite d'intégrer une partie prenante
omise ou qui viendrait d'être créée.
En ce qui concerne les représentants de chaque
organisme communautaire, chacun a été choisi par les membres de
l'association dont il fait partie.
Proposition d'indicateur :
Finalement, on pourrait imaginer un indicateur du type
"Existence et représentativité des organismes
communautaires"
? Indic. G9 : Degré d'interaction entre les
gestionnaires et les parties prenantes
Les réunions du comité de gestion ont lieu tous
les mois et les réunions du bureau deux fois par mois. Sauf en cas
d'empêchement, tous les membres assistent aux réunions.
La liberté d'expression semble être
assurée aux réunions et les décisions sont prises en
commun accord :
"S'il y a une décision à prendre, le bureau
informe tout le monde et chacun dit ce qu'il pense. Si il y a des points sur
lesquels on n'est pas tous d'accord, on laisse de côté puis on y
revient et on discute jusqu'à être tous d'accord" (El Hadji
Faye, secrétaire général de l'AMP, éco-guide)
68
"C'est très libre, tout le monde ose donner son
avis" (Mamadou lamine Dioh, président de la commission recherche et
partenariat, éco-guide)
? Indic. G10 : Proportion des parties prenantes
formées à l'utilisation durable
? Indic. G11 : Niveau de formation assuré aux
parties prenantes en matière de participation
Ces deux indicateurs concernent les formations qui sont
assurées aux parties prenantes. Il semblerait que certaines formations
ne rentrent pas nécessairement dans une de ces deux catégories,
par exemple, les formations assurées aux éco-guides. Je vais donc
former un indicateur unique qui reprend toutes les formations assurées
aux parties prenantes.
Jusqu'à présent, le conservateur de l'AMP et les
membres du comité de gestion, en partenariat avec les ONGs, ont
reçu un certain nombre de formations dans la but de comprendre les
mécanismes de fonctionnement et de gestion durable des ressources
naturelles. Il s'agit toujours de formations qualifiantes de courte
durée.
Tous les membres du comité de gestion ont eu l'occasion de
suivre :
- Un séminaire sur la communication sociale ;
- Une formation de 4 jours sur la cogestion en 2007 ;
- Une visite d'échange de 3 jours à Bamboung ; - Un
séminaire sur le suivi des tortues marines.
Tous semblent satisfaits des formations qu'ils ont
reçues.
"On a beaucoup appris. Le plus intéressant
c'était la visite d'échange f...] ça nous a donné
des idées, on a appris sur la pratique, le concret" (Mamadou lamine
Dioh, président de la commission recherche et partenariat,
éco-guide)
Le président du comité de gestion ainsi que le
conservateur de l'AMP ont également suivi les formations suivantes :
- Une formation sur les AMPs de 21 jours en 2005 ;
- Une formation sur la décentralisation en 2006 ;
- Une formation supplémentaire plus importante (22 jours)
sur la cogestion, suivie
également par la trésorière du comité
de gestion ;
- Une formation sur les zones humides en 2008.
69
Le président du comité de gestion est tenu,
à son retour de formation, de faire une restitution de ce qu'il a
appris. Il ramène également des informations sous forme de livre
ou de cd.
« Nous avons profité pleinement de leur formation
» (Ibrahima Samb, responsable de la commission de surveillance de
l'AMP, représentant de l'association des jeunes pêcheurs)
Les éco-guides ont également reçu une
formation d'un mois organisée par l'UICN.
Notons que cette liste n'est probablement pas exhaustive, elle
est basée uniquement sur les informations reçues lors des
entretiens.
Le plan de gestion prévoit des activités de
renforcement des capacités qui sont :
- Former les acteurs en cogestion des ressources marines et
côtières et des AMPs ;
- Organiser des visites d'échanges pour le partage
d'expériences ;
- Organiser des sessions de formation pour les
éco-guides et autres volontaires ;
- Former les membres du comité de gestion et des
agents techniques à la
surveillance ;
- Organiser des sessions de formation en éducation
environnementale pour les
formateurs et enseignants.
On remarque que les trois premières activités
prévues par le plan de gestion ont déjà été
réalisées.
Cependant, beaucoup de participants à ces formations,
même s'ils en sont satisfaits, pensent qu'elles sont insuffisantes et
sont demandeurs de formations supplémentaires.
"Ce n'est pas suffisant, on aimerait plus de formation, on a
demandé au WWF, surtout par rapport à la surveillance"
(Léopold Diouf, vis président du comité de gestion,
membre du GIE interprofessionnel de pêche)
"Ce n'est jamais parfait, ca doit être continu"
(El Hadji Faye, secrétaire général du comité
de gestion)
Il est très positif de voir que les membres du
comité de gestion sont demandeurs de formations; cela signifie qu'ils
sont conscients de leurs limites et souhaitent renforcer leurs
capacités.
70
Proposition d'indicateur
Au vu de ces informations, il me semblerait opportun de
créer un indicateur général "Formations
assurées aux parties prenantes" qui regrouperait des
indicateurs concernant la réalisation des formations prévues dans
le plan de gestion et la satisfaction associée à ces formations
:
- Formation des acteurs en cogestion des ressources
marines et côtières et des
AMPs
- Visites d'échanges pour le partage
d'expériences
- Sessions de formation pour les éco-guides et
autres volontaires
- Formation des membres du comité de gestion
et des agents techniques à la
surveillance
- Sessions de formation en éducation
environnementale pour les formateurs et
enseignants
- Autres formations
- Niveau de satisfaction associé à ces
formations
- Demande en formations
supplémentaires
? Indic. G12 : Niveau de participation des parties
prenantes aux processus et activités de gestion et niveau de
satisfaction associé
L'AMP de Joal-Fadiouth étant régie selon le
principe de la cogestion, la participation des parties prenantes a
été très importante, depuis la conception de l'AMP, aussi
bien au niveau de la prise de décision que des activités de
gestion.
Comme nous l'avons détaillé dans le chapitre
III.2.4.2., tout le processus de mise en place de l'AMP a été
participatif. L'implication des parties prenantes dans le processus de mise en
place de l'AMP permet d'obtenir, dès le départ, le soutien des
acteurs locaux et l'enracinement dans le contexte local.
J'ai obtenu des informations plus précises quant
à la satisfaction des parties prenantes concernant leur participation
à l'élaboration des règles et réglementation et
leur satisfaction quant au règlement en lui-même. La
majorité semble satisfaite de sa participation au processus
d'élaboration des règles et réglementations.
"Tout le monde a dit sa pensée sur tous les
articles" (El Hadji Faye, Secrétaire général du
comité de gestion)
71
Mais tous n'ont pas l'impression d'avoir été
entendu.
"Je pense que je n'ai pas été
écouté" (Pierre Dioh, membre du comité de gestion,
2ème adjoint au maire)
Certains pensent également que quelques règles
ne sont finalement pas adaptées et devraient être
modifiées. Certaines règles ne seraient pas adéquates et
trop contraignantes à appliquer. Par exemple, il est absolument interdit
de couper la mangrove. Or les habitants de la commune ont toujours besoin d'un
minimum de bois. Les habitants de Fadiouth qui connaissent la mangrove savent
maintenir un équilibre. Par exemple, ils ne coupent pas pendant
l'hivernage car ils savent qu'il s'agit de la période de croissance la
plus importante. Il devrait donc être possible de maintenir un
prélèvement rationnel et de conserver un équilibre entre
régénération et prélèvement.
Deux habitants originaires de Fadiouth, ont eu le même
type de réflexion à propos de la viande de tortue.
"On aime trop la viande de tortue, ça nous manque,
on devrait nous permettre d'en prélever une partie à un certain
moment" (jeune femme originaire de Fadiouth)
"Il faut protéger mais encore en manger" (jeune
homme, Fadiouth)
Les parties prenantes sont également investies dans la
gestion quotidienne. Les commissions de surveillance et de communication sont
particulièrement actives dans ces domaines. Toutes les activités
de communication ont été menées en collaboration entre la
DPN et le comité de gestion, avec le soutien du WWF. En ce qui concerne
l'activité de surveillance, l'indicateur suivant (G13) y fait
directement référence.
Le degré d'interaction entre gestionnaires et parties
prenantes ainsi que la participation des parties prenantes aux prises de
décision ont été discuté à l'indicateur
G9.
Proposition d'indicateur
Cet indicateur est très large ; la participation des
parties prenantes peut se situer à différents niveaux et à
différents moments. Pour plus de clarté, il serait donc judicieux
de subdiviser cet indicateur et afin d'avoir une vue d'ensemble sur
l'implication des parties prenantes, il serait intéressant d'y inclure
les indicateurs G8, G9 et G13
72
Ce qui nous amènerait à ce type de structure :
Participation des parties prenantes
- Existence et représentativité des
organismes communautaires
- Participation des parties prenantes aux
activités de conception et de mise en place de l'AMP et niveau de
satisfaction associé
- Participation des parties prenantes aux
activités quotidiennes de gestion (dont les activités de
surveillance et de suivi)
- Degré d'interaction entre gestionnaires et
parties prenantes
- Implication des parties prenantes dans les
décisions de gestion et niveau de satisfaction
associée
? Indic. G13 : Niveau d'implication des parties prenantes
dans la surveillance, le suivi et l'application
Les parties prenantes sont très impliquées dans
la surveillance de l'AMP. La commission de surveillance est chargée de
mener cette activité. Tous les membres du comité de gestion sont
susceptibles d'y participer. Des membres de l'association des jeunes
pêcheurs prennent régulièrement part à cette
activité. L'équipe de surveillance doit bien sûr toujours
être accompagnée par un agent assermenté (soit les agents
de la DPN, soit des agents du service des pêches).
Pour le moment, en réalité, ils ne sont que
quelques-uns à réellement s'investir dans cette activité
(quelques membres de la commission de surveillance et des jeunes
pêcheurs).
Il existe aussi une surveillance plus informelle. Par exemple,
El Hadji Faye (secrétaire générale du comité de
gestion, éco-guide) va parfois marcher la nuit sur la plage. S'il
surprend un pêcheur, il appelle le président du comité de
gestion.
Cet indicateur est maintenant repris ci-dessus, il fait partie
de l'indicateur général G12 "participation des parties
prenantes".
73
? Indic. G14 : Procédures d'application de la
réglementation clairement définies
L'article 20 du règlement intérieur de l'AMP
stipule que "Les infractions au présent règlement
intérieur seront poursuivies et réprimées
conformément aux textes de Loi et règlement en vigueur (Code de
la pêche, Code de la chasse et de la protection de la Nature, Code de
l'Environnement, le Code Forestier et le Code des contraventions)." Ce
sont donc ces codes qui déterminent la manière d'agir face aux
infractions et le montant des amendes. Il n'y a pas de procédures
spécifiques à l'AMP.
Néanmoins, des procédures adaptées
à l'AMP sont d'usage. Ibrahima Samb, le président de la
commission de surveillance, m'a expliqué la procédure à
suivre lorsqu'une pirogue est aperçue dans l'AMP :
- Lorsqu'on voit une pirogue on se dirige vers celle-ci ;
- Si on constate une infraction (pêche dans l'AMP) :
- On demande au capitaine de diriger l'embarcation vers la
plage,
- On prend le nom de la pirogue, le numéro, la couleur
et la longueur,
- On verbalise une fois à terre. Si c'est la
première fois que la pirogue est arrêtée, on sensibilise et
on le libère. Par contre, si il s'agit d'un cas de récidive, on
dresse une amende de 10 000 à 50 000 F CFA (15 à 75 €) -
variable en fonction de la bonne volonté des personnes
interpellées - et on confisque le poisson ainsi que le filet et le
moteur pour une semaine.
Les amendes et transactions sont versées au
trésor public (70%) et les ristournes distribuées aux membres
ayant participés à la surveillance (30%).
Notons qu'il est indispensable que les usagers qui enfreignent
les règles encourent des sanctions. La gravité et le contexte de
la faute doivent influencer l'importance de la sanction. Ainsi, les
récidivistes doivent être plus sévèrement punis. En
d'autres termes, les sanctions doivent être
différenciées et graduelles. Ce principe est un
des principes généraux qui est respecté dans tous les
systèmes auto-organisés durables (Ostrom, 1992).
74
? Indic. G15 : Etendue des activités d'application
de la réglementation
Les patrouilles de surveillance ne sont pas
régulières. Au début, il y avait pratiquement une
patrouille par jour. Maintenant, une à deux patrouilles sont
effectuées par semaine. Cependant, durant certaines périodes,
davantage de patrouilles seraient nécessaires mais les ressources
humaines et matérielles sont insuffisantes.
"Avant l'hivernage, l'idéal serait d'aller en
surveillance tous les jours et toutes les nuits mais l'équipe et le
matériel sont trop faibles pour cela." (Ibrahima Samb, responsable
de la commission de Surveillance de l'AMP, représentant de l'association
des jeunes pêcheurs)
La durée des patrouilles est variable également,
de 2h30 à 7h parfois. Le circuit est variable mais les patrouilleurs ont
tendance à privilégier la partie sud qui est plus
sollicitée par les pêcheurs.
Les agents de la DPN relèvent le nombre d'infractions
observées lors de chaque patrouille de surveillance. Celles-ci sont
disponibles dans les rapports annuels d'activité de la DPN.
Fig.12 : graphique du nombre de pirogues
appréhendées en fonction de temps
Les données concernant le nombre de pirogues
appréhendées en train de pêcher dans la zone interdite sont
représentées à la figure 12. On observe que le nombre de
pirogues appréhendées se situe généralement entre 0
et 5 par sortie excepté le 2 septembre où il a été
étonnamment très élevé (23 pirogues
appréhendées). Ce graphique ne nous apporte pas d'informations
quant à l'efficacité de la gestion de l'AMP. Tout d'abord parce
que les données n'existent, jusqu'à présent, que pour
l'année 2008. Or, on peut difficilement comparer des mois
différents entre eux puisque l'activité de pêche en
elle-même peut varier fortement d'un mois à l'autre
(espèces différentes, pêcheurs saisonniers, etc.). Ensuite,
pour que les nombres de pirogues appréhendées par sortie soit
comparables, il faudrait que les sorties soient de durée comparable ou
connaitre la durée des sorties et rapporter le nombre de pirogues
appréhendées
75
par heure. Enfin, il serait intéressant de connaitre
l'origine des pirogues appréhendées (pirogues de pêcheurs
locaux ou étrangers) puisqu'il semblerait, d'après les membres de
l'équipe de surveillance, que les infractions par les pêcheurs
locaux sont de moins en moins fréquentes. Les problèmes
viendraint surtout des étrangers qui ne connaissent pas
nécessairement l'AMP ou ne la respectent pas. En fait, le nombre de
pirogues locales appréhendées nous fournit une information sur la
conformité des parties prenantes - les pêcheurs respectent-ils
l'AMP? - ce qui est un indicateur d'efficacité de la gestion
(efficacité de la sensibilisation et de la surveillance). Par contre, le
nombre de pirogues étrangères appréhendées nous
renseigne davantage sur les pressions que subissent les ressources.
Proposition d'indicateur
Cet indicateur regroupe en réalité trois
indicateurs, qui fournissent des informations différentes;
l'étendue des activités de contrôle, la conformité
des parties prenantes et la pression sur les ressources halieutiques, ce
dernier n'étant pas un indicateur de gouvernance.
Par ailleurs, nous pourrions regrouper cet indicateur avec le
précédant sous un indicateur plus général
nommé "activités de contrôle et résultats"
qui reprendrait les indicateurs suivants :
- Étendue des activités de
surveillance
- Procédures d'application de la
réglementation clairement définies
- Sanctions différenciées et
graduelles
- Évolution du nombre d'infraction par les
pirogues locales
? Indic. G16 : Degré de diffusion des
informations visant à encourager la conformité des parties
prenantes
L'évaluation des informations qui ont été
données aux parties prenantes sur les règles et
réglementations fait partie de l'indicateur G4. D'autres
activités de communication et de sensibilisation ont été
organisées par les membres du comité de gestion et la DPN, avec
le soutien du WWF, tel que :
- des émissions à la radio locale « la
côtière » tous les mardis ;
- des Olympiades environnementales dans 11 écoles de la
commune ;
- des réunions avec les délégués de
quartier ;
- la diffusion de supports comme des T-shirts et des banderoles
;
- la mise en place de panneaux de signalisation et
d'interprétation ;
76
- des rencontres au quai de pêche ;
- le tour des places publiques pour rencontrer les notables.
La communication a été une activité phare
ces premières années car il est indispensable de commencer par
informer et sensibiliser la communauté afin qu'elle comprenne la raison
d'être de l'AMP et l'importance de la respecter.
La population a été interrogée sur la
connaissance de ces supports d'informations (panneaux d'informations,
émissions radios et T-shirt), leur clarté, l'information
apportée, etc. ainsi que sur leur éventuelle participation
à des réunions ou activités en lien avec l'AMP. Les
résultats bruts sont présentés en annexe VI.
Aucune des 11 personnes interrogées n'a
participé à des séances d'informations ou des
réunions sur l'AMP. Par contre, certains ont exprimé leur souhait
d'y assister.
"Il faudrait faire des réunions de quartier pour
les jeunes, c'est toujours pour les femmes les réunions" (jeune
homme, Fadiouth)
La majorité des individus interrogés connaissent
les panneaux d'informations. Tous les trouvent clairs et intéressants
même si beaucoup ne peuvent pas se souvenir de ce qui y était
indiqué. Quant à la manière de les améliorer, 3
personnes trouvent qu'il n'en faudrait pas plus et 3 pensent qu'on pourrait en
mettre plus.
Les 11 individus interrogés connaissent tous les
émissions radios. Certains ne l'écoutent que d'une oreille mais
la majorité se souvient de sujets qui y ont été
abordés. A nouveau, presque tous les trouvent claires et
intéressantes.
Les T-shirts sont également connus de tous, 3 personnes
sur les 11 m'ont dit en prosséder un.
Enfin, tous ceux qui ont répondu à la question
"souhaiteriez-vous recevoir plus d'informations" ont répondu par
l'affirmative. Ils citent surtout les réunions comme moyen de diffuser
l'information.
Une autre série de questions a été
posée aux individus de la communauté concernant leurs
connaissances de l'AMP. Ces informations pourraient également servir
à l'évaluation de cet indicateur. Cependant, elles seront
présentées en tant qu'indicateur social.
En bref, les individus interrogés ont connaissance des
supports d'informations mis à leur disposition mais ne prêtent pas
toujours attention à leur contenu. Il semble que la radio et les
réunions soient les meilleurs supports pour informer la population. Cela
parait logique
77
quant on sait que 40% de la population de Joal-Fadiouth n'a
reçu aucune instruction et ne sait, par conséquent, pas lire les
panneaux d'information, les T-shirts ou les banderoles. Les émissions
radios et les réunions, en wolof, peuvent par contre être
entendues et comprises par toute la population.
L'impact de la communication pourrait être
évalué à travers les pratiques des individus. Si la
communication a été efficace, les individus devraient adopter des
pratiques plus respectueuses de l'environnement. Par exemple, nous pouvons
évaluer les impacts des campagnes pour la protection de la tortue marine
menée par l'UICN et le FIBA entre 2000 et 2002 et par le WWF en 2006,
par l'analyse de données concernant la pêche et le commerce
illégal de tortue marine. Des données de ce type sont disponibles
dans le plan de gestion (Sène, 2008)
Période
|
Débarquement moyen quotidien des unités de
pêche
|
Prix de la tortue au débarquement
|
Prix du kg de la chair de tortue
|
Nombre de
revendeurs
|
Années 60
|
Faible
|
Très faible
|
Très faible
|
Quasi-inexistant
|
Années 70
|
Assez faible
|
250 à 1000
|
25 à 50
|
Une dizaine
|
Années 80
|
5 à 20
|
500 à 1500
|
75 à 125
|
Assez nombreux
|
Années 90
|
10 à 40
|
3000 à 6000
|
200 à 250
|
40 à 50
|
2000-2004
|
5 à 20
|
10000 à 15000
|
300 à 400
|
10
|
2005-2006
|
2 à 5
|
10000 à 15000
|
400 à 500
|
5
|
Fig.13 : évolution de l'importance de la capture de la
tortue à Joal-Fadiouth (Sène, 2008)
On remarque dans le tableau de la figure 13 que les
débarquements de tortues marines et le nombre de revendeurs ont
augmenté jusque dans les années 90. Ensuite, à partir des
années 2000, simultanément à la première campagne
pour la protection de la tortue marine, ces valeurs diminuent
sérieusement. Il semble donc que cette campagne ait porté ses
fruits. Un suivi dans le temps reste important afin de vérifier que ce
commerce ne se reconstitue pas. Ce type d'indicateur pourrait également
être considéré comme un indicateur social puisqu'il
évalue des changements dans les comportements des individus.
Proposition d'indicateur
Nous pourrions regrouper toutes les informations qui
concernent la communication et développer un indicateur appelé
:
78
Importance et impact de la communication autour de
l'AMP
- Importance des activités de
communication
- Diffusion des informations dans la
communauté
- Résultats en termes de conformité
ou de pratiques des membres de la communauté
V.2.2. Indicateurs supplémentaires
Quelques indicateurs supplémentaires, qui n'ont pas
été placés parmi les indicateurs définis ci-dessus,
paraissent également intéressants à prendre en compte pour
compléter cette procédure d'évaluation.
Tout d'abord, il s'agit d'un principe de durabilité
exprimé par Ostrom (1997) qui est "limites clairement
définies". En effet, les limites de l'AMP doivent être
définies de manière claire et formelle et indiquées
physiquement par des écriteaux et des balises sans quoi il est
pratiquement impossible d'interdire l'accès à l'AMP. Les limites
de l'AMP de Joal-Fadiouth sont définies dans son règlement
intérieur et le balisage a été effectué le 30
janvier 2009. Il est considéré comme l'événement
qui a rendu réellement l'AMP fonctionnelle.
Nous avons évalué la participation des parties
prenantes à la mise en place des règles et réglementations
ainsi que la diffusion de celles-ci dans la communauté et les
connaissances de la population à ce sujet. A propos des règles et
réglementations, deux aspects me paraissent aussi importants à
prendre en compte. Il s'agit de l'existence d'un règlement
intérieur de l'AMP reconnu légalement - ce qui est
indispensable pour que le règlement puisse être appliqué et
les infractions sanctionnées - et l'existence de
procédure de révision des règles et
réglementation. En ce qui concerne ce dernier point, l'article
19 du règlement intérieur de l'AMP précise que "en cas
de besoin, ce présent règlement peut être amendé par
le comité de gestion et adapté au contexte de l'AMP."
D'après plusieurs membres du comité de gestion, certains
points du règlement devraient être révisés. Par
exemple, une partie des amendes et transactions perçues lors des
surveillances en mer pourraient revenir au comité de gestion, ce qui
n'est pas prévu jusqu'à présent.
79
Nous avons vu lors de l'analyse par l'indicateur G6 que les
membres du comité de gestion sont tous bénévoles et que
les commissions ne reçoivent aucun budget de fonctionnement. Lorsqu'une
commission a besoin de matériel ou d'argent pour une activité,
elle se tourne vers le WWF. Sans le soutien du WWF, le comité de gestion
n'aurait absolument rien. Or le WWF ne subventionnera pas indéfiniment
l'AMP de Joal-Fadiouth. Il est donc indispensable que le comité de
gestion tende vers une autonomie financière. Ainsi, il serait opportun
de créer un indicateur pour évaluer le niveau d'autonomie
financière. Pour l'instant, aucune activité ne procure
de rentrées d'argent au comité de gestion de l'AMP. Le tourisme
pourrait être une opportunité de financement pour l'AMP. L'ile de
Fadiouth reçoit déjà jusqu'à 20 000 touristes par
an. Cependant, la grande majorité arrive en masse en car, visite l'ile
de Fadiouth en une demi journée et repart vers les plus grosses stations
touristiques comme Saly. Finalement, les retombées économiques
pour les habitants de la commune sont insignifiantes. Les faibles
bénéficies de ce tourisme reviennent à la cinquantaine
d'éco-guides, aux piroguiers et aux marchands artisanaux de Fadiouth.
Pourtant, le potentiel touristique de Joal-Fadiouth est énorme. Tout
d'abord, il y a l'avantage des plages, de la mer et de l'ensoleillement. On
pourrait développer un tourisme lié à la nature et
à l'AMP puisque la biodiversité à Joal-Fadiouth est
extraordinaire ; on y trouve la mangrove, énormément d'oiseaux,
des tortues, des dauphins, des baleines, des requins qui pourraient être
découverts sur des circuits pédestres, en pirogue, à
cheval, en charrette ou en plongée sous marines. Joal-Fadiouth
révèle également un important patrimoine culturel,
historique et archéologique (cimetière mixte de Diotio, greniers
sur pilotis, village de naissance de Léopold Sedar Senghor, fêtes
religieuses, danses folkloriques et nombreuses manifestations culturelles
sérères, tournois de lutte traditionnelle). Le
développement du tourisme à Joal-Fadiouth nécessitera un
renforcement des capacités d'accueil et d'hébergement et des
solutions concernant les problèmes d'insalubrité des plages ainsi
que les coupures d'eau et d'électricité qui sont pour l'instant
des freins au développement de ce secteur. D'ici 2012, un nouvel
aéroport sera en service à 1h de Joal-Fadiouth, une
opportunité de plus à saisir. Notons, qu'outre le tourisme,
d'autres activités plus ciblées pourraient financer le
comité de gestion. D'après Mamadou Lamine Dioh (membre du
comité de gestion de l'AMP, éco-guide), un excellent moyen de
créer un revenu, tout en sensibilisant, serait d'organiser des tournois
de lutte car il s'agit du sport favori des pêcheurs.
(c) Balland M. (c) Balland M.
(c) Balland M.
80
Fig.14 : quelques sites visités par les touristes à
Joal-Fadiouth.
En haut à gauche : greniers à mil, bolongs et
mangrove
En haut à droite : place de Fadiouth avec ses vendeurs
d'artisanats
En bas à gauche : cimetière mixte de Diotio
En bas à droite : tortue verte observée sur les
plages de Joal-Fadiouth (Sène, 2008)
Dans un autre domaine, lors de la création d'une AMP,
il arrive fréquemment que certains utilisateurs ne puissent plus exercer
leur activité. Dans le cas de l'AMP de Joal-Fadiouth, les pêcheurs
de crevettes au Kili et les pêcheurs à la senne de plage sont les
plus défavorisés car il leur est maintenant interdit de pratiquer
leur activité19. Si ces utilisateurs n'ont pas la
possibilité d'exercer une autre activité, ils se sentiront
lésés et n'auront peut être pas d'autre choix que de
frauder pour subvenir à leurs besoins. Pour éviter ce type de
situation, il est important de prévoir dès le départ avec
ces utilisateurs des plans de reconversion. A Joal-Fadiouth,
les pêcheurs de Kili ont monté un projet de reconversion qui
consiste en la transformation des produits de la mer par des fours. Ils ont
reçu du WWF un financement de 3 millions de francs CFA (4580 €).
Les senneurs de plage vont également être
19 Ces deux types de pêche se pratiquent
uniquement à partir de la plage, le long de la côte. Cette zone
fait maintenant partie de l'AMP et ces types d'activités y sont
prohibés.
financés par le WWF à hauteur de 6 millions de
francs CFA (9160 €) dans le but de créer un fonds de crédit
révolving qui leur permettra de se lancer dans de nouvelles
activités génératrices de revenus.
Le plan de gestion 2009-2013 de l'AMP de Joal-Fadiouth
prévoit une série d'activités associées à
chaque objectif spécifique. Nous pourrions donc évaluer le
taux d'exécution des activités prévues dans le
plan de gestion. Par exemple, voici la liste des activités qui
sont associées aux objectifs biophysiques :
OBJECTIFS A LONG TERME
OBJECTIFS SPECIFIQUES DU PLAN
Améliorer les connaissances sur la dynamique des
espèces et des habitats
Préserver les ressources marines et
côtières de l'AMP
Conservation des habitats et des
espèces
ACTIVITES
Faire une situation de référence
complète de l'AMP (inventaires des habitats et des
espèces)
Mettre sur pied un dispositif de suivis
écologiques (inventaires et suivis), socio-économiques et de
diffusion des données pour l'aide à la
décision
Développer des mécanismes de gouvernance
locale des pêcheries
Organiser et assurer la surveillance permanente de
l'AMP
Effectuer le balisage complet de l'AMP
Mettre en place une signalisation (pancartage) de
l'AMP
Organiser des campagnes de reboisement et d'entretien de
la mangrove
Protéger et/ou restaurer les habitats et
espèces clés de l'AMP (mangrove, zone d'alimentation et de ponte
de la tortue...)
Appuyer/renforcer les initiatives de repos biologique de
la faune malacologique (arches et huîtres)
Développer un programme de protection et de
suivi des tortues marines
81
L'exécution des ces activités pourrait être
mesurée sur une échelle du type :
0 = activité pas encore démarrée
1 = activité en phase de démarrage
2 = activité partiellement accomplie
3 = activité accomplie mais des lacunes persistent
4 = activité pleinement accomplie
82
Ainsi, à partir des informations que j'ai obtenues, j'ai
évalué le taux d'exécution de ces activités de la
manière suivante :
ACTIVITES
|
TAUX
D'EXECUTION
|
Faire une situation de référence
complète de l'AMP (inventaires des habitats et des
espèces)
|
2/4
|
Mettre sur pied un dispositif de suivis
écologiques (inventaires et suivis), socio- économiques et de
diffusion des données pour l'aide à la
décision
|
0/4
|
Développer des mécanismes de gouvernance
locale des pêcheries
|
2/4
|
Organiser et assurer la surveillance permanente de
l'AMP
|
2/4
|
Effectuer le balisage complet de l'AMP
|
3/4
|
Mettre en place une signalisation (pancartage) de
l'AMP
|
4/4
|
Organiser des campagnes de reboisement et d'entretien de
la mangrove
|
4/4
|
Appuyer/renforcer les initiatives de repos biologique
de la faune malacologique (arches et huîtres)
|
4/4
|
Développer un programme de protection et de suivi
des tortues marines
|
4/4
|
Une évaluation détaillée justifiant les
taux d'exécution assignés à chaque activité est
disponible en annexe IV.
Si nous additionnons les taux d'exécution obtenus pour
chaque activité, nous obtenons un total de 25/36, donc un taux
d'exécution de 70%. Les activités liées aux objectifs
biophysiques prévues dans le plan de gestion ont été
accomplies à 70% alors que le plan de gestion lui-même n'a pas
encore été adopté. On constate, avec beaucoup de
satisfaction, que le comité de gestion, la DPN et le WWF n'attendent pas
un plan de gestion formel pour agir ensemble pour la conservation des habitats
et des espèces.
Enfin, il serait propice de terminer par un indicateur
évaluant l'existence de procédure d'évaluation et
de suivi. A ce jour, la majorité des AMPs ne disposent pas de
procédure d'évaluation de leur gestion car, comme nous l'avons vu
dans l'introduction, ce procédé est assez nouveau.
Néanmoins, même si aucune procédure générale
d'évaluation n'existe à l'AMP de Joal-Fadiouth, un suivi de
certains paramètres (paramètres physicochimiques de l'eau,
effectif piroguier et tonnage débarqué) et de certaines
ressources (ressources halieutiques, oiseaux d'eau, tortues marines et
mangrove) est déjà initié - ce qui me permettra d'adapter
à ces données des indicateurs biophysiques au point V.4.
83
V.2.3. Synthèse des indicateurs de
gouvernance
Du travail d'analyse des données et d'adaptation des
indicateurs réalisé ci-dessus, il ressort 23 indicateurs de
gouvernance. Parmi ceux-ci, certains sont déjà subdivisés
en "sous-indicateurs". Afin de rendre cette importante série
d'indicateurs plus claire, je vais poursuivre le classement à deux
niveaux ; c'est-à-dire regrouper certains indicateurs sous des
indicateurs plus généraux. Je vais également essayer de
les classer dans un ordre relativement logique.
Voici finalement une série d'indicateurs de gouvernance
qui devrait permettre une évaluation approfondie de la gouvernance de
l'AMP de Joal-Fadiouth :
Ind. Gouv. 1. Participation des parties
prenantes
1.1 Existence et représentativité des organismes
communautaires
1.2 Participation des parties prenantes aux activités de
conception et de
mise en place de l'AMP et niveau de satisfaction
associé
1.3 Participation des parties prenantes aux activités
quotidiennes de gestion
(dont les activités de surveillance et de
suivi)
1.4 Degré d'interaction entre gestionnaires et parties
prenantes
1.5 Implication des parties prenantes dans les décisions
de gestion et niveau
de satisfaction associé
Ind. Gouv. 2. Cadre légal, documents
officiels
2.1 Existence d'un organisme de décision et de gestion
reconnu légalement
2.2 Existence d'un règlement intérieur de l'AMP
reconnu légalement
2.3 Existence et adéquation de la législation
habilitante
2.4 Existence et adoption d'un plan de gestion
2.5 Limites clairement définies
Ind. Gouv. 3. Existence de procédure de
révision des règles et réglementation
Ind. Gouv. 4. Diffusion, connaissance et
compréhension locale des règles et
réglementations de l'AMP
4.1 Diffusion des règles et réglementations dans
la communauté
4.2 Connaissance et compréhension locales des
règles et règlementations de
l'AMP
Ind. Gouv. 5. Importance et impact de la communication
autour de l'AMP
5.1 Importance des activités de communication
84
5.2 Diffusion des informations dans la communauté
5.3 Résultats en termes de conformité ou de
pratiques des membres de la
communauté
Ind. Gouv. 6. Activités de
contrôle
6.1 Étendues des activités de surveillance
6.2 Procédures d'application de la réglementation
clairement définies
6.3 Sanctions différenciées et graduelles
6.4 Évolution du nombre d'infraction par les pirogues
locales
Ind. Gouv. 7. Formations assurées aux parties
prenantes.
7.1 Formation des acteurs en cogestion des ressources marines et
côtières et
des AMPs
7.2 Visites d'échanges pour le partage
d'expériences
7.3 Sessions de formation pour les éco-guides et autres
volontaires
7.4 Formation des membres du comité de gestion et des
agents techniques à
la surveillance
7.5 Sessions de formation en éducation environnementale
pour les
formateurs et enseignants
7.6 Autres formations
7.7 Niveau de satisfaction associé à ces
formations
7.8 Demande en formations supplémentaires
Ind. Gouv. 8. Conflits liés à
l'AMP
8.1 Niveau des conflits
8.2 Nature des conflits
8.3 Existence de mécanismes de résolution des
conflits
Ind. Gouv. 9. Mise en place de plans de
reconversion
Ind. Gouv. 10. Disponibilité et affectation des
ressources administratives de l'AMP
Ind. Gouv. 11. Niveau d'autonomie
financière
Ind. Gouv. 12. Existence et utilisation d'études
et de contributions scientifiques
Ind. Gouv. 13. Taux d'exécution des
activités prévues dans le plan de gestion
Ind. Gouv. 14. Existence de procédures
d'évaluation et de suivi
V.2.4. Niveau de l'évaluation
85
Nous avons vu dans l'introduction (section I.5.5.) que les
indicateurs de gouvernance peuvent être des indicateurs de planification,
d'intrants, de processus ou d'extrants. La grande majorité20
des indicateurs décrits ci-dessus sont des indicateurs de
processus - qui évaluent les pratiques de gestion.
Les indicateurs regroupés sous l'indicateur
général Ind. Gouv. 1. qui évaluent la participation des
parties prenantes peuvent également être considérés
comme des indicateurs de processus. Cependant, les indicateurs 1.1 et 1.2
évaluent plutôt la manière dont s'est mise en place
l'institution de gestion et non l'efficacité de la gestion en
elle-même. En ce sens, ils sortent un peu du cadre d'évaluation de
l'UICN qui évalue exclusivement la gestion. La participation des parties
prenantes représente l'appréciation d'une condition à la
gestion participative.
L'indicateur Ind. Gouv. 10. qui évalue les ressources
administratives de l'AMP est un indicateur
d'intrant.
Les indicateurs qui font partie de l'indicateur
général Ind. Gouv. 2. "cadre légal, document officiel"
sont des indicateurs d'extrants de la phase de mise
en place de l'AMP et de l'institution de gestion - à l'exception du 2.3
qui est plutôt un indicateur de
contexte-planification.
Enfin, l'indicateur Ind. Gouv. 13. est clairement un indicateur
d'extrants.
20 C'est le cas des indicateurs Ind. Gouv.3., Ind.
Gouv.4., Ind. Gouv.5., Ind. Gouv.6., Ind. Gouv.7., Ind. Gouv.8., Ind. Gouv.9.,
Ind. Gouv.11., Ind. Gouv.12. et Ind. Gouv.14.
86
V.3. Evaluation des perceptions et des connaissances de
la communauté
Etant donné le peu de temps dont je disposais sur le
terrain, j'ai réduit de manière drastique l'évaluation
socio-économique. A travers mon questionnaire, j'ai choisi de ne cibler
que l'aspect perception et connaissance de la communauté concernant
l'AMP.
Le temps qui m'était imparti et les conditions de
terrain ne m'ont pas permis d'interroger un échantillon de personnes
suffisant pour prétendre à des résultats
représentatifs de toute la communauté (11 habitants ont
été interrogés). Cependant, ces résultats
permettent d'avoir un premier aperçu de différents opinions
d'habitants de la commune, ce qui devrait nous aider à évaluer la
pertinence du questionnaire.
J'ai surtout interrogé des personnes en
français. Cependant, certains habitants ne parlent pas ou peu le
français. Avec l'aide d'un habitant qui a joué le rôle
d'interprète, j'ai pu interroger une personne en wolof.
Dans cette section, nous allons donc analyser les
réponses aux différentes questions et apprécier la
pertinence du questionnaire pour une évaluation selon les 4 indicateurs
socio-économiques. Le questionnaire est disponible en annexe V et les
données brutes se trouvent en annexe VI.
V.3.1. Analyse des résultats
? Profils des personnes interrogées
6 hommes et 5 femmes ont été interrogés
à Joal-Fadiouth. La plupart sont nés dans cette commune (7
personnes sur 11) ou y résident au moins depuis 7 ans. Etant
donné que pratiquement neuf dixièmes des habitants habitent la
localité de Joal, j'ai en grande majorité interrogé des
habitants de Joal ; sur 11 personnes interrogées, 9 vivent à Joal
et 2 à Fadiouth. Les lieux de rencontre ainsi que les activités
des personnes rencontrées sont assez diversifiés (voir annexe
VI).
87
? Ind. Socio-éco. 1. Perception de
l'environnement et de la nécessité de le
protéger
Pour presque toutes les personnes interrogées il est
très important de protéger l'environnement à
Joal-Fadiouth.
Le principal problème environnemental à
Joal-Fadiouth est, d'après la majorité des répondants, le
problème des déchets (cité par 6 individus sur les 11).
Les termes suivants sont employés pour parler du problème
d'ordure : "envahissement par les déchets", "il n'y a pas de
poubelles", "la plage est sale", "la mer est comme une poubelle". Il est
vrai que les ordures sont omniprésentes dans le paysage de la commune.
Le problème le plus visible serait donc le plus important ou du moins le
premier auquel pensent de nombreuses personnes. La mer et les mangroves sont
vaguement évoquées par deux personnes mais sans précision.
Je suis surprise de constater qu'aucun habitant n'a évoqué le
problème de la surpêche.
En ce qui concerne la question sur l'importance des mangroves
et de la mer, absolument tous les répondants ont répondu qu'il
est très important de protéger la mer et les mangroves. Diverses
raisons ont été invoquées, souvent en lien avec "les
poissons". Nous pouvons tenter d'associer chaque réponse à
une valeur (cfr §II.3 indic. S6)
Pourquoi est-ce important de protéger la mer et
les mangroves?
|
Valeur associée
|
Parce qu'on y trouve des poissons, tortues, huitres. Si tu
n'as pas les moyens tu peux te servir dedans
|
Valeur d'usage direct
|
Pour les poissons
|
Valeur d'usage indirect (ou/et d'existence) ?
|
Pour les poissons, parce qu'elle purifie l'air
|
Valeur d'usage indirect (ou/et d'existence) ?
|
Parce que nous en profitons
|
Valeur d'usage direct
|
On y plante les palétuviers
|
?
|
La nature doit être protégée parce
qu'on profite tous quand le poisson se reproduit
|
Valeur d'usage indirect
|
Parce que c'est un lieu de repos pour les poissons, faut
les laisser en paix
|
Valeur d'existence
|
Parce que c'est notre principale richesse
|
Valeur d'option ?
|
Pour les tortues, les poissons
|
Valeur d'usage indirect ou/et d'existence ?
|
Parce que les huitres diminuent
|
Valeur d'usage indirect (ou/et d'existence)?
|
Les poissons se reproduisent dans la mangrove
|
Valeur d'usage indirect ou/et d'existence?
|
|
|
88
On constate qu'il n'est pas aisé, sur base de ces
courtes réponses, de situer la valeur sous jacente. Etant donné
l'importance des ressources marines dans l'alimentation, je pense qu'il est
évident que les valeurs d'usage direct et indirect prédominent.
Cependant, il serait intéressant de pouvoir évaluer la valeur de
non usage isolément. Des valeurs culturelles sont certainement
associées à la mangrove. Des discussions plus approfondies sur le
sujet pourraient certainement permettre de mieux cerner la perception qu'ont
les individus de la mer et de la mangrove.
Les questions 5 et 7 qui débutent par "Est-ce
important de protéger..." paraissent trop "suggestives". Il en est
de même pour les affirmations des indicateurs S2 et S6 du guide de l'UICN
(Pomeroy et al. 2006) que l'on demande aux répondants d'approuver ou de
désapprouver (§IV.3.). Il est commode en effet d'approuver une
proposition du type " Nous devrions préserver la mer pour que nos
enfants et leurs enfants aient du poisson. " ou d'affirmer que "oui,
il est important de protéger l'environnement". Par contre, dans la
pratique, beaucoup n'appliquent pas ces idées. Il faudrait plutôt
évaluer les valeurs des individus par rapport à leurs actions.
Par exemple, afin de savoir si les individus sont prêts à
s'impliquer dans la protection de l'environnement, il suffirait de leur
proposer de participer au nettoyage de la plage un tel jour. S'ils y
participent, cela signifie qu'ils sont réellement prêts à
s'impliquer.
Enfin, concernant la dernière question pour cette
partie (question 9), on peut constater que les personnes interrogées
considèrent pour la plupart que les techniques de pêche
destructives et le nombre de pêcheurs ont un impact très important
sur la disponibilité des poissons dans la mer. A propos des conditions
climatiques les avis divergent et pour ce qui est de la volonté de Dieu,
une seule personne pense que c'est très important et l'une
préfère ne pas se prononcer. Les répondants sont donc
conscients de l'impact important que peuvent avoir les actions humaines sur la
disponibilité des ressources halieutiques.
89
? Ind. Socio-éco. 2. Degré de
compréhension des conséquences de l'action de l'homme sur les
ressources
J'ai constaté, lors de l'analyse, que la question 10
"Quels sont les comportements, les activités qui ont eu un impact
négatif sur l'environnement ces dernières années?" et
la question 6 "Quels sont les principaux problèmes environnementaux
à Joal-Fadiouth?" analysée ci-dessus sont finalement
très similaires. Pourtant, comme nous allons le voir, les
réponses sont tout à fait différentes.
Il n'y a que l'augmentation de la population qui a
été citée - par des personnes différentes - une
fois en réponse à la question 6 et deux fois à la 10. Les
autres réponses sont toutes différentes. Parmi les
activités citées par les répondants pour la question 10,
la pêche revient 4 fois alors qu'elle n'a pas été
citée une seule fois comme problème environnemental à la
question 6. De même, la coupe de bois est citée par 3 individus
comme activité ayant eu un impact négatif sur l'environnement
alors que le déboisement n'a pas été cité comme
problème environnemental. Par contre, plus personne n'a
évoqué le problème des déchets à la question
10. Ceci peut être simplement dû au fait qu'ils venaient d'en
parler justement 2 questions auparavant.
Si "le déboisement" et "la (sur)pêche" n'ont pas
été répondu à la question 6, il est probable que
soit dû à une différence d'interprétation ; les
répondants ont peut être interprété la question
autrement que comme nous l'envisagions. Le concept de "problèmes
environnementaux" n'est peut être pas très clair. Il est
possible d'interpréter la question 6 de la manière suivante :
"Qu'est ce qui pose problème dans mon environnement, ce qui m'entoure
T". Les déchets sont donc, ainsi, évidement, les premiers
évoqués. Certaines réponses sont également un peu
hors contexte tel que "protéger la mangrove" et "les
tortues, les petites espèces" ce qui montre que finalement cette
question n'est peut être pas assez clair. La question 10 parait plus
claire : "qu'est ce que l'homme fait qui est mauvais pour l'environnement" ; il
ne parait pas y avoir d'autres façons de l'interpréter. Pourtant
2 réponses sont également complètement hors sujet :
"il y aurait besoin de renforcer la digue" et "il est difficile de
trouver un terrain". Il ne faut pas oublier que le français n'est
pas la langue maternelle des habitants de Joal-Fadiouth. Certains mots de
vocabulaire peuvent donc ne pas être compris par tous,
particulièrement des mots tels que "environnement".
En bref, ceci nous montre que deux questions qui donnent
l'impression de déclencher les mêmes réponses peuvent
être interprétées très différemment l'une de
l'autre par l'individu questionné. La manière de poser la
question est donc extrêmement importante.
90
? Ind. Socio-éco. 3 : Perception de la
disponibilité des produits de la mer
La majorité des répondants n'ont pas pu acheter
des produits de la mer certains jours du mois précédent car ils
étaient trop chers ou indisponibles. D'après 8 des 11 personnes
interrogées, il y a moins de poissons pendant l'hivernage. Seule une
personne pense qu'il y en a plus durant l'hivernage mais qu'ils se conservent
moins car on ne sait pas les sécher.
En ce qui concerne le prix du poisson, la majorité (8
individus sur les 11) trouve qu'il augmente, une personne le trouve stable et
l'une répond simplement : "c'est toujours trop cher".
Les répondants sont unanimes; les espèces de
poissons que l'on trouve sur le marché varient. Presque tous trouvent
qu'on ne voit plus certaines espèces ou que certaines deviennent
rares.
Ces changements seraient dus à la surexploitation ou
raréfaction (4 personnes sur 11), à l'augmentation des
pêcheurs et des besoins (2 personnes sur 11) ou à un trop grand
nombre d'intermédiaires dans le marché (1 personnes sur 11).
En bref, de manière globale, les personnes
interrogées perçoivent une raréfaction de certaines
espèces et une augmentation des prix.
Lorsqu'un peu plus loin dans le questionnaire, on leur demande
s'ils observent des changements depuis la mise en place de l'AMP, 4 disent
remarquer un retour de certaines espèces de poissons et/ou une
augmentation des quantités et 4 n'ont pas perçu de changement. Il
est surprenant, à première vue, de constater que ceux qui disent
observer le retour de certaines espèces et/ou une augmentation des
quantités sont ceux qui disaient, précédemment, qu'il y a
moins d'espèces qu'avant et/ou que le prix augmente.
En réalité, la question des effets de l'AMP sur
les ressources halieutiques semble jusqu'à présent très
peu claire. Les pêcheurs que j'ai interrogés à ce sujet
m'ont tous affirmé que des espèces de poissons rares
étaient revenues et que les stocks augmentaient. Cependant, j'ai eu une
discussion avec un Français qui vit à Joal depuis 7ans pour
écrire des guides éco-touristiques sur la région. Celui-ci
m'a dit avoir rencontré des pêcheurs d'un grand âge à
qui il a également demandé s'ils percevaient des effets
liés à l'AMP, mais ceux-ci disent ne pas percevoir d'effet. J'ai
également discuté avec des agents du service des pêches du
poste de contrôle de Joal-Fadiouth. D'après ces derniers, les
espèces pêchées à Joal sont toujours les
mêmes, ce sont les quantités qui varient : certaines
espèces augmentent alors que d'autres continuent de diminuer. En fait,
les agents m'ont expliqué que certaines espèces nobles qui
91
étaient devenue rares réapparaissent comme le
thiof parce qu'il pond dans l'estuaire donc au niveau de l'AMP. Par contre les
effets de l'AMP ne se font pas ressentir sur les espèces migratrices et
qui sont menacées au niveau mondial.
"C'est tout à fait le début mais les
premiers effets de l'AMP se font sentir. f...] Par contre, on observe peu
d'effet par exemple sur les sardinelles ou la Carpe blanche car ce sont des
espèces en constant déplacement " (Iboumbodj Sanè,
responsable du quai de pêche de Joal, chargé production)
Ainsi, même si certaines espèces
réapparaissent progressivement à Joal-Fadiouth, les
débarquements totaux y sont toujours en diminution (voir indicateur B7
ci-après). Ce constat nous rappelle l'importance de mettre en oeuvre des
réseaux d'AMP et des stratégies mondiales de conservation des
mers et océans.
Finalement, les perceptions d'habitants qui paraissaient
surprenantes à première vue ne sont pas nécessairement
contradictoires. Il est tous à fait possible qu'ils remarquent un retour
timide de certaines espèces mais, qu'à côté de cela,
de manière globale, ils observent que la pêche n'est pas vraiment
meilleure, que certaines espèces continuent de se faire de plus en plus
rares et que les prix restent élevés. De même, les vieux
pêcheurs qui ont une vision peut être plus globale et sur de plus
long laps de temps observent surtout que les ressources halieutiques ne cessent
de diminuer alors que d'autres pêcheurs qui ont une moins longue
expérience et des références plus récentes, se
réjouissent peut être plus rapidement du retour progressif de
quelques espèces.
92
? Ind. Socio-éco. 4 : Connaissances
générales sur l'AMP
La première question était de demander aux
personnes interrogées de définir à leur manière une
AMP. 9 personnes sur les 11 ont répondu à cette question. Il est
intéressant de constater que les définitions données sont
directement associées à la fonction de protection et de
préservation de l'AMP. Tous associent donc bien l'AMP à un outil
de protection.
"Pour protéger les eaux et préserver nos
ressources" (étudiante, Fadiouth)
Nous constatons également que la majorité inclut
dans leur définition l'idée de protection d'un milieu et
de ses ressources.
"Service chargé de protéger la mer et tout ce
qui se trouve dedans" (gendarme, Joal)
"La mangrove, le bras de mer, le rivage, protéger
où les poissons se reproduisent" (retraité, Joal)
Par contre, la plupart ne savent pas quand a été
créé l'AMP de Joal-Fadiouth, ni par qui elle a été
créée.
En ce qui concerne les raisons pour lesquelles l'AMP a
été créée, les cinq personnes qui ont
répondu à cette question évoquent l'exploitation excessive
des poissons.
"Parce que les gens attrapaient des poissons trop petits"
(homme, Joal)
À la question suivante ("pour qui a-t-elle
été mise en place?"), tous ceux qui y ont répondus,
disent "pour la population" ou "pour tous" ou même
"pour tout le pays". Ils perçoivent donc bien le
bénéfice commun que peut procurer l'AMP.
Les objectifs de l'AMP ne sont pas connus par la grande
majorité des personnes interrogées.
Finalement, les personnes interrogées semblent avoir
compris le concept d'AMP, son rôle et que c'est pour eux que celle-ci a
été créée mais ils ne savent pas répondre
à des questions plus formelles concernant depuis quand et par qui elle a
été créée ou ses objectifs.
93
V.3.2. Synthèse
Suite à l'analyse des réponses aux questions de
l'indicateur "Perception de l'environnement et de la nécessité de
la protéger", nous avons surtout retenu qu'il est très difficile
de saisir les valeurs des individus. Une autre méthode que le
questionnaire pourrait être envisagée ; il faudrait passer par des
discussions plus profondes et plus longues incompatibles avec le système
du questionnaire ou évaluer les valeurs des individus par leurs actions
plutôt que par leurs paroles.
Nous avons remarqué en comparant les réponses
aux questions 6 et 10 que la formulation des questions et le choix du
vocabulaire employé sont primordiaux. Une attention particulière
doit être apportée à cet aspect lors de la rédaction
d'un questionnaire. Par ailleurs, ces deux questions nous ont permis de
remarquer que les habitants interrogés ont d'autres
préoccupations liées à leur "environnement" telles que
l'accumulation des déchets ou la surpopulation. Cependant, à
travers les questions qui ont été formulées, nous ne
disposons pas d'informations supplémentaires sur l'importance
accordée à chaque problème, les liens qui sont fait entre
eux ou avec d'autres éléments, etc.
Le questionnaire ne paraît donc pas être le
meilleur moyen d'obtenir des informations quant aux valeurs des individus et
quant à leurs préoccupations environnementales. De plus, l'aspect
culturel qui est fortement lié aux valeurs n'est pas du tout
abordé. Il serait intéressant de réaliser une analyse plus
globale de la perception qu'ont les habitants de Joal-Fadiouth de leur
territoire afin d'avoir une vision plus générale de ce qui
importe pour eux et de la place donnée à la nature. La prise en
compte de ces aspects dans la gestion, permettra d'adapté les mesures de
gestion afin qu'elles ne soient pas en contradiction avec les valeurs et les
perceptions des individus mais aussi de mieux cibler les actions de
communication.
Les perceptions qu'ont certains habitants de la
disponibilité des produits de la mer concordent assez bien avec l'avis
des agents du service des pêches. Ces propos pourraient être
vérifiés à partir de données chiffrées. En
fait, les perceptions des individus sur la disponibilité des produits de
la mer, en plus de nous fournir des informations sur la sécurité
alimentaire, peuvent nous donner des pistes de recherche pour confirmer
certaines impressions.
Pour finir, l'indicateur sur les connaissances
générales qu'ont les individus de l'AMP nous a permis de
remarquer que ce concept d'AMP est assez bien compris et intégré
par la population.
94
En bref, les questions se rapportant aux deux derniers
indicateurs semblent pertinentes pour nous fournir des informations sur les
aspects sociaux. Il s'agit des indicateurs :
Ind. Socio-éco. 3 : Perception de la
disponibilité des produits de la mer Ind. Socio-éco. 4 :
Connaissances générales sur l'AMP
Par contre les questions liées aux deux premiers
indicateurs sont moins pertinentes et il serait opportun d'évaluer ces
deux indicateurs selon une méthode moins stricte et plus globale
d'évaluation des perceptions et des pratiques.
95
V.4. Évaluation biophysique
Les données biophysiques n'ont pas été
collectées pour répondre aux indicateurs du guide de l'UICN
(Pomeroy et al. 2006) puisqu'elles ont été collectées
antérieurement et indépendamment de mon travail. J'ai
recherché dans les divers documents obtenus, des données qui se
rapprochent de chaque indicateur biophysique. Je vais les présenter et
les analyser ci-dessous. Ensuite, je proposerai des indicateurs plus
appropriés aux possibilités de suivi de l'AMP de Joal-Fadiouth.
Par ailleurs, je formulerai des recommandations pour rendre les données
qui sont collectées à Joal-Fadiouth plus adéquates pour
développer un suivi à long terme de l'efficacité de la
gestion de l'AMP.
V.4.1. Evaluation et adaptation des indicateurs du
guide de l'UICN
? Indic. B1 : Abondance des espèces
focales
J'ai obtenu des données d'abondance sur des
espèces capturées par pêche expérimentale, sur une
espèce particulièrement vulnérable qui est la tortue
marine et enfin sur les espèces d'oiseaux d'eau. En plus de concerner
des espèces très différentes, ces trois séries de
données ont été obtenues par des méthodes
distinctes. Je vais donc directement scinder cet indicateur en trois
indicateurs, provisoirement nommés: "Abondance des espèces
capturées par pêche expérimentale", "Abondance de la tortue
marine" et "Abondance des espèces d'oiseaux d'eau".
- Indic. B1.1 : Abondance des espèces
capturées par pêche expérimentale
Données disponibles
Un inventaire des ressources halieutiques a été
réalisé par le Centre de Recherches Océanographiques de
Dakar-Thiaroye (CRODT) en novembre 2006 afin de déterminer l'état
de référence. Trois stations dans l'AMP ont été
échantillonnées par pêche expérimentale :
"Ngazobil", "Fadiouth" et "la Côtière". Pour chaque station trois
prélèvements ont été effectués, ce qui
conduit à trois prélèvements le long de la limite Nord de
l'AMP, trois le long de la limite Sud et trois au centre, de la plage vers le
large. L'engin qui a été utilisé est une senne de plage de
12 mm de maillage. Les espèces capturées ont été
répertoriées ainsi que le
96
poids total pour chaque espèce par station. Les
résultats sont disponibles dans le plan de gestion de l'AMP
(Sène, 2008) et consultables en annexe VII.
Analyse des données
36 espèces ont été
répertoriées. Parmi celles-ci se trouve 31 espèces de
poissons, 2 espèces de crustacés (Penaeus notialis et
Portunus validus), 1 gastéropode (Cymbium glans), 1
céphalopode (Sepia officinalis hierredda) et 1 hippocampe
(Hemiramphus brasiliensis).
Les 5 espèces les plus importantes en termes de poids
sont Mugil cephalus (19,1 kg au total pour les trois stations),
Penaeus notialis (17 kg), Hemiramphus brasiliensis (14,85
kg), Gerres melanopterus (11,8 kg) et Sepia officinalis hierredda
(9,8 kg)
Les captures totales par station sont similaires entre "La
Côtière" et "Ngazobil" (36,85 kg et 37,75 kg respectivement) et
est un peu plus importante à Fadiouth (44,95 kg). Le nombre
d'espèces rencontrées dans chaque station est pratiquement
identique : 20 à la "Côtière", 19 à "Fadiouth" et 21
à "Nagazobil". Notons que 9 espèces sont rencontrées dans
les trois stations et 6 dans 2 stations. Les 21 espèces restantes ne
sont donc rencontrées que dans une seule station.
Un second inventaire a été effectué en
avril 2009. Les résultats ne sont pas encore disponibles mais, puisqu'il
a été réalisé en avril et étant
données les variations saisonnières, nous ne pourrons pas
comparer ces nouvelles données aux résultats
précédents.
Nouvelle proposition d'indicateur
Deux indicateurs peuvent être imaginés : un
indicateur qui évalue l'abondance d'un maximum d'espèces, comme a
tenté de le faire l'étude du CRODT21 et un indicateur
qui se focalise sur certaines espèces particulières tel que
recommandé dans le guide de l'UICN (Pomeroy et al. 2006). Tous deux
répondent à des objectifs quelque peu divergents ; je vais les
détailler ci-dessous.
La protection de la biodiversité étant l'un des
objectifs principaux de l'AMP de Joal-Fadiouth, il parait intéressant de
suivre l'évolution d'un maximum d'espèces différentes. A
ce titre, l'indicateur "Composition et structure de la communauté"
(indicateur B4, présenté section II.1.) serait très
intéressant puisqu'il répertorie tous les êtres vivants sur
le site échantillonné mais il nécessite un investissement
en temps et en personnel très important. Il
21 Il ne s'agit bien sûr pas d'un inventaire
exhaustif des ressources halieutiques de l'AMP puisque, d'une part, la
méthode de prise n'est pas adaptée à la capture de toutes
les espèces présentes dans l'AMP et d'autre part, certaines
espèces ne sont présentes que durant certaines périodes de
l'année.
97
parait donc opportun de retenir un indicateur tel que
"abondance et biodiversité des espèces halieutiques"
qui allie mesure de l'abondance et de la biodiversité sans
toutefois nécessiter une évaluation de la composition de toute la
communauté. Les données pourront alors être
collectées par pêche expérimentale comme l'a
effectué le CRODT.
Le guide de l'UICN (Pomeroy et al., 2006) recommande
d'établir une liste des espèces focales avant de collecter les
données. Nous pourrions décider de suivre plus
particulièrement des espèces locales qui se reproduisent ou se
développent dans l'AMP, ce qui renseignerait plus spécifiquement
sur l'efficacité de l'AMP. Un indicateur de ce type serait
"abondance d'espèces locales". Les données pour
cet indicateur peuvent être soutirées des données
collectées pour l'indicateur présenté dans le paragraphe
précédent.
Recommandation pour une méthode de suivi
Afin de démarrer un suivi des ressources halieutiques,
il serait nécessaire de réaliser les mesures chaque année
ou tous les deux ans, plus ou moins les mêmes jours de l'année et
dans des conditions hydro-climatiques similaires. Les lieux de collecte ainsi
que la technique utilisée devront être rigoureusement identiques
(filet de même maille, de même longueur, même durée de
mise à l'eau des filets, etc.). Il est recommandé de
réaliser au minimum une mesure durant la saison sèche et une
durant la saison des pluies car certaines espèces migratrices ne sont
présentes que durant une partie de l'année.
Le suivi des ressources halieutiques permettra de surveiller
l'apparition ou la disparition de certaines espèces ainsi que
l'évolution dans le temps des quantités totales
prélevées, des quantités pour chaque espèce et de
l'abondance relative des espèces. On pourra en effet se demander si
certaines espèces se développent plus ou moins que d'autre et
porter une attention particulière aux espèces locales dont
l'évolution dépend plus de l'efficacité de l'AMP et moins
de facteurs extérieurs contrairement aux espèces migratrices.
Il serait aussi intéressant d'effectuer les mêmes
prélèvements dans les eaux voisines de l'AMP. Cela permettrait de
mettre en évidence un éventuel effet réserve, ce qui
correspond à un bénéfice direct pour les pêcheurs et
assurerait leur soutien à l'AMP. Par ailleurs, puisque les 3 stations
semblent assez différentes du point de vue des espèces
capturées, il pourrait être intéressant de réaliser
un inventaire des habitats dans ces mêmes stations. On pourrait ainsi
peut être corréler les espèces rencontrées avec des
habitats particuliers.
98
? Indic B1.2 : Abondance de la tortue marine
Données disponibles
Lors de la campagne de suivi des tortues marines de 2007, 12
nids ont été découverts : 9 à Finio et 3 à
Ngazobil. Sur ces 12 nids, 5 ont été submergés pas de
grandes marées et un détruit par un varan du nil. 7 nids ont donc
éclos et 517 petits ont été lâchés à
la mer.
Lors de la seconde campagne, en 2008, aucun nid n'a
été découvert. Il n'y aurait pas eu de remontés de
tortues cette année là, les tortues marines ne se reproduisant
pas chaque année.
Nouvelle proposition d'indicateur
La plage de Joal étant une zone de ponte pour les
tortues marines, le relevé du nombre de nids parait être la
méthode la plus appropriée pour un suivi régulier de
l'évolution de la population des tortues marines dans l'AMP. De plus,
cette campagne allie suivi des tortues et protection des pontes. L'indicateur
à retenir serait donc "Nombre de nids et de naissances de
tortues marines".
? Indic B1.3 : Abondance des espèces d'oiseaux
d'eau Données disponibles
Tous les mois, un recensement des oiseaux d'eau est
effectué par les agents de la DPN ; les oiseaux sont identifiés
et comptés. Ces données sont disponibles dans les rapports
d'activités de la DPN (DPN, 2007 et 2008).
Un tableau recensant les différentes espèces
d'oiseaux d'eau présentes dans l'AMP en 2007-2008 est
présenté en annexe VIII.
Analyse des données
La faune aviaire de l'AMP de Joal-Fadiouth est très
riche : 59 espèces d'oiseaux d'eau ont été
recensées en 2007 et 61 en 2008, avec un total pour les deux
années de 69 espèces différentes. Une observation plus
détaillée du tableau (voir annexe VIII.), nous apprend que 8
espèces qui étaient présentes en 2007 ne l'étaient
plus en 2008 mais, que, à l'inverse, 10 espèces absentes en 2007
ont été observées en 2008. Pourtant, le suivi aviaire n'a
pas été effectué les 4 derniers mois de cette
deuxième année, ce qui peut expliquer l'absence de certaines
espèces tel que les Milans dans le relevé de cette année.
En effet, le Milan noir et le
99
Milan royal, en 2007, n'ont été observés
qu'au mois de novembre. Finalement, il semble que la diversité aviaire a
plutôt tendance à augmenter dans l'AMP de Joal-Fadiouth.
Fig.15 : graphique du nombre d'oiseaux d'eau relevé lors
des suivis mensuels de 2007 et 2008.
En ce qui concerne l'abondance de l'avifaune, étant
donné le nombre élevé d'espèces d'oiseaux d'eau
différentes recensées, nous nous contenterons d'examiner le
nombre total d'individus, toutes espèces confondues, relevé lors
de chaque mission de suivi (fig.15). Le suivi n'ayant pas été
réalisé de septembre à décembre 2008, nous devrons
nous contenter de comparer le 8 premiers mois de l'année. On remarque
que le nombre d'individus observés en 2008 est plus important qu'en 2007
pour chaque mois, excepté le mois de juillet. Sur ces 8 mois, le nombre
total d'individus observés est de 29 015 en 2007 contre 57 192 en 2008.
Le nombre total d'oiseaux d'eau a donc presque doublé en un an. Cette
extraordinaire augmentation a été remarquée par certains
habitants de Joal-Fadiouth. Ceux-ci l'imputent à une augmentation de la
quantité de poissons dans l'AMP. Les oiseaux d'eau se nourrissant
d'espèces aquatiques, cette hypothèse est tout à fait
envisageable. Cependant, nous ne disposons pas encore de données qui
permettraient de démontrer une augmentation de l'abondance des
espèces aquatiques dans l'AMP. Par ailleurs, cette augmentation est peut
être due simplement à une diminution des activités
susceptibles de déranger les oiseaux puisque le règlement
intérieur de l'AMP les interdit formellement22. La gestion de
l'AMP apparait donc très efficace pour la protection et le
développement des oiseaux d'eau.
22 Le règlement intérieur de l'AMP
stipule qu'"il est formellement interdit de mener toute activité de
nature à perturber les équilibres écologiques des
écosystèmes ou qui dérangent gravement la faune aquatique
et aviaire." (article 3) ; celui-ci précise également
qu'"il est formellement interdit de piéger, de capturer et de vendre
les oiseaux d'eau et autres oiseaux protégés par les textes en
vigueur dans l'emprise de l'AMP" (article 6) et que "sont
rigoureusement interdits le ramassage, la collecte, la destruction d'oeufs de
tortues marines et des oiseaux et de leur nid" (article 8)
100
Nouvelle proposition d'indicateur
La technique de collecte des données qui est
utilisée par les agents de la DPN est le comptage des individus
observés, in situ, le long d'un parcours prédéfini. Toutes
les espèces d'oiseaux d'eau ont été
répertoriées. Les données permettent donc une analyse de
l'abondance et de la diversité des oiseaux d'eau telle que nous l'avons
réalisée ci-dessus. Il est également possible de suivre
l'évolution de l'abondance de chaque espèce individuellement. Ces
données pourraient être regroupées sous un indicateur
"Composition et abondance des oiseaux d'eau".
Recommandation pour une méthode de suivi
La méthode de suivi parait tout à fait
appropriée et révèle déjà des
résultats très encourageants.
Notons que parmi ces espèces un bon nombre sont des
espèces protégées, une attention particulière
devrait être portée à leur évolution.
101
? Indic. B2 : Structure des populations d'espèces
focales Données disponibles
Durant la campagne du CRODT de 2006, la longueur totale (LT)
à également été relevée pour les individus
de certaines espèces. Les graphiques de distribution des
fréquences de taille sont présentés pour deux
espèces de chaque station aux figures 16, 17 et 18.
LT adulte = 55 cm
Demi-bec brésilien
20
15
10
5
0
20 21 22 23 24 25 26 27 28 29 30 31 32 33 34 35 36 37 38 39
40
Hemiramphus brasiliensis
Longueur totale (cm)
Médiane = 29 cm
LT adulte = 50cm
Thiekem
15
10
5
0
10 11 12 13 14 15 16 17 18 19 20
Galeoides decadactylus
Longueur totale (cm)
Médiane = 13 cm
Fig.16 : distribution des fréquences de taille de
Hemiramphus brasiliensis et de Galeoides decadactylus
à la station "Ngazobil" (Sène, 2008)
LT = Longueur Totale
Mugil cephalus
LT adulte = 60 cm
15
10
5
0
10 11 12 13 14 15 16 17 18 19 20 21 22 23 24 25 26 27 28 29
30
Mulet à grosse tête
Longueur totale (cm)
Médiane = 19 cm
Longueur totale (cm)
Médiane = 17 cm
10 11 12 13 14 15 16 17 18 19 20 21 22 23 24 25 26 27 28 29
30
8
Tilapia
Carpe
LT adulte = 26 cm
6
4
2
0
102
Fig.17 : distribution des fréquences de taille de
Tilapia et de Mugil cephalus à la station "la
Côtière" (Sène, 2008)
LT = Longueur Totale
Longueur totale (cm)
Médiane = 12 cm
Pomadasys jubelini
Dorade grise
LT adulte = 60 cm
5 6 7 8 9 10 11 12 13 14 15 16 17 18 19 20
15
10
5
0
Mulet à grosse tête
Mugil cephalus
LT adulte = 60 cm
Longueur totale (cm)
Médiane = 15 cm
5 6 7 8 9 10 11 12 13 14 15 16 17 18 19 20 21 22 23 24
25
20
15
10
5
0
Fig.18 : distribution des fréquences de taille de
Pomadasys jubelini et de Mugil cephalus à la station
"Fadiouth" (Sène, 2008)
LT = Longueur Totale
103
Analyse des données
Les distributions des fréquences de taille obtenues
comparées à la LT adulte montrent, pour chaque espèce, que
les individus capturés sont de très petite taille. Par exemple,
les Galeoides decadactylus adultes ont une LT de 50 cm alors que la
médiane calculée pour les LT des individus capturés est de
13 cm. Il en est de même pour les 8 espèces ; la médiane
obtenue est toujours largement inférieure à la LT adulte.
Cette distribution des fréquences de taille traduit le
caractère juvénile des individus de ces espèces à
l'intérieur de l'AMP. Ceci montre que l'AMP de Joal-Fadiouth est un lieu
de développement pour les juvéniles de plusieurs espèces
et probablement un lieu de frayère. Cependant, plusieurs raisons peuvent
expliquer l'absence totale d'adulte : soit nous ne sommes pas en période
de ponte et ceux-ci ont migré vers d'autres zones, soit l'exploitation
par l'homme ne laisse le temps qu'à très peu d'entre eux
d'atteindre l'âge adulte.
Proposition d'indicateur
Les données disponibles correspondent à
l'indicateur B2. Nous pouvons le maintenir comme indicateur de suivi de la
gestion de l'AMP de Joal-Fadiouth.
Recommandation pour une méthode de suivi
La méthode de suivi semble appropriée.
Toutefois, on peut se demander comment ont été choisies les
espèces pour lesquelles les tailles ont été
mesurées. Il serait intéressant de se focaliser sur certaines
espèces cibles ou particulièrement vulnérables.
Des connaissances approfondies sur le mode de vie de ces
espèces devraient permettre une meilleure interprétation des
résultats. Par ailleurs, l'évolution de la répartition des
individus par classe de taille au cours du temps permettra d'observer
d'éventuels changements dans la structure des populations et d'estimer
le taux de croissance de la population.
? Indic. B3 : Répartition et complexité de
l'habitat Données disponibles
Une étude réalisée par Diouf en 2003 a
permis d'obtenir des données de superficie de mangrove sur base de
photos aériennes de 1954, 1978 et 1997. Ces données figurent dans
le plan de gestion 2009-2013 de l'AMP.
104
Trois zones majeures, représentées à la
figure 3, ont été déterminées par Diouf (2003) :
- Une zone centrale B (appelée mangrove des
cimetières) représentant la zone des amas coquillers de Diotio,
Facao et Fassanda ;
- Une zone A (mangrove de Joal) située au Nord de la piste
de Fadial ;
- Une zone C (mangrove de Fadiouth) au Sud du Chenal de
Diotio.
Fig.19 : Zonation par secteur de la mangrove de la lagune de
Joal-Fadiouth (Diouf, 2003)
Les superficies de mangrove de ces différentes zones
sont représentées figure 20.
Fig.20 : Histogramme des estimations des superficies de mangrove
par zone pour les années 1954, 1978 et 1997 (Diouf, 2003)
105
Analyse des données
La zone C est visiblement la plus importante en termes de
surface (fig.19). On remarque, sur le graphique de la figure 20, que la
superficie totale a diminué entre 1954 et 1997 ; elle est passée
de 424,72 hectares à 403,26 hectares. Deux causes peuvent être
imputées à cette diminution de surface : les variabilités
climatiques - plus particulièrement les périodes de grande
sécheresse - et l'impact anthropique à travers l'exploitation du
bois. La zone B, contrairement au zone A et C, a une superficie plus importante
en 1997 (54,18 ha) qu'en 1954 (51,49 ha). Si la zone B est mieux
conservée que les autres zones, cela est probablement dû à
des considérations culturelles (mangrove des cimetières).
Néanmoins, on remarque également une diminution de la superficie
de la mangrove dans la zone B entre 1978 et 1997.
Proposition d'indicateur
La mangrove constitue un habitat particulier propice au
développement de nombreuses espèces aquatiques. Elle est, en
effet, considérée comme une zone de frayère et de
nourrissage primordiale pour de nombreuses espèces de poissons et de
mollusques ; d'où l'importance de suivre son évolution.
Les données recueillies correspondent donc à la
répartition d'un habitat, la mangrove. L'indicateur B3 suggère de
caractériser tous les types d'habitats rencontrés dans l'AMP ou
du moins une grande proportion. En attendant qu'un tel travail puisse
être réalisé au niveau de l'AMP de Joal-Fadiouth, le suivi
d'un habitat essentiel tel que la mangrove est primordial. Ainsi nous pourrions
retenir un indicateur du type : "répartition de la
mangrove".
Recommandation pour une méthode de suivi
Des données plus récentes sur les superficies de
mangrove permettraient d'évaluer l'impact des mesures de protection
(AMP, campagnes de reboisement) sur son évolution. D'après une
étude de Dièye (2007) la mangrove réapparaitrait
progressivement en bordure des bolongs entre 1988 et 2005. Ces observations
devraient être confirmées par des données
chiffrées.
106
? Indic. B4 : Composition et structure de la
communauté
L'évaluation de cet indicateur est
particulièrement fastidieuse puisqu'elle nécessite l'observation
de tous les êtres vivants du site échantillonné. Des
données de ce type n'ont encore jamais été recueillies
pour l'AMP de Joal-Fadiouth. Cependant, un relevé de tous les
végétaux présents dans la réserve communautaire de
Ngazobil a été effectué. Notons que la réserve
communautaire de Ngazobil ne fait juridiquement pas partie de l'AMP de
Joal-Fadiouth mais elle se situe juste à limite de celle-ci et elle est
représentée dans le comité de gestion de l'AMP.
Données disponibles
Une synthèse des végétaux de Ngazobil se
trouve dans le rapport annuel d'activité 2008 de la DPN, il est repris
en annexe IX.
Analyse des données
97 espèces différentes, répartie sur 40
familles, ont été répertoriées dans la
réserve communautaire de Ngazobil. La diversité
végétale est donc extrêmement importante en ce lieu.
Proposition d'indicateur
La conservation de la biodiversité étant un
objectif phare de l'AMP, le suivi de la diversité végétale
semble tout à fait approprié. On pourrait ainsi nommer un
indicateur "Composition végétale de la réserve
communautaire de Ngazobil". Ces informations pourraient
éventuellement être complétées par une
évaluation de l'abondance relative.
Recommandation pour une méthode de suivi
Un relevé de ce type effectué tous les ans
à tous les trois ans permettrait de surveiller la disparition ou
l'apparition d'espèces. Une attention particulière devra
être apportée à l'apparition de nouvelles espèces
car elles sont susceptibles d'avoir un effet négatif sur la flore
endémique particulièrement s'il s'agit d'espèces
invasives.
Avec, en plus, des informations sur l'abondance relative, il
serait possible de surveiller l'évolution relative de chaque
espèce et de prévenir une éventuelle prolifération
excessive ou raréfaction de certaines espèces.
107
? Indic B7 : Type, niveau et rentabilité de
l'effort de pêche Données disponibles
Au poste de contrôle du quai de pêche de
Joal-Fadiouth, j'ai pu obtenir les "résultats généraux des
mises à terre" des années 2000 à 2008. Ces
résultats comprennent des données sur l'armement piroguier
(pirogues locales/étrangères), les mises à terre (tonnage
débarqué, valeur commerciale estimée, consommation
locale), la transformation artisanale et le carburant consommé. Un
tableau récapitulatif des données pour chaque année se
trouve en annexe X.
Analyse des données
A
B
C
|
Fig.21 : évolution des "résultats
généraux des mises à terre" de 2000 à 2008
A : graphique du tonnage débarqué
par année (avec courbe de tendance en rouge)
B : graphique de l'effectif piroguier moyen par
année
C : graphique du tonnage capturé par
pirogue
|
|
Le tonnage total débarqué oscille autour des 150
000 tonnes par an (fig.21A). De manière globale, il a tendance à
diminuer au cours du temps. Depuis 2000, la valeur la plus faible
enregistrée est celle de l'année 2008 avec un tonnage de 131 657
tonnes alors que la plus importante est de 172 210 tonnes en 2001.
108
En ce qui concerne l'effectif piroguier (fig.21B), il a
fortement augmenté entre 2001 et 2003 ; il est passé de 498
à 774 pirogues. Ensuite, celui-ci diminue jusqu'en 2005 pour atteindre
575 pirogues. Les 3 années qui suivent, le nombre de pirogues reste
stable, au alentour des 600.
On pourrait s'attendre à une augmentation des captures
lorsque l'effectif piroguier augmente entre 2001 et 2003. Or,
particulièrement en 2002 mais également en 2003 les captures sont
inférieures à celle de 2001. L'augmentation du nombre de
pêcheurs n'entraine pas une augmentation globale des captures, ce qui
signifierait que le niveau maximum d'exploitation des ressources est
globalement atteint dans les années 2000.
Le graphique C (fig.21) semble confirmer cette
hypothèse. Nous remarquons une chute des captures par pirogue entre 2001
et 2002 lorsque l'effectif piroguier commence à grimper. Cette
observation semble traduire un problème de surcapacité de
pêche, ce qui confirmerait que le niveau maximum d'exploitation soit
atteint en 2001.
La diminution de l'effectif piroguier entre 2003 et 2005 est
probablement due à la diminution importante des captures par pirogue
observée en 2002, elle-même due, comme nous venons de le voir,
à l'augmentation du nombre de pirogue entre 2001 et 2003.
Ces 4 dernières années, les valeurs
observées sur les 4 graphiques sont relativement plus stables mais en
2008 l'effectif piroguier est toujours supérieur à celui de 2000
alors que le tonnage débarqué est le plus faible jamais
observé depuis 2000.
En bref, il semble que le niveau maximum d'exploitation soit
largement atteint. Malgré la présence de l'AMP de Joal-Fadiouth,
aucun signe flagrant d'amélioration n'est visible sur ces graphiques. Si
les quantités totales débarquées continuent de diminuer
alors que l'effectif piroguier reste stable, cela signifiera que le niveau
maximum d'exploitation est globalement bel et bien dépassé et que
les ressources s'épuisent progressivement.
Notons, néanmoins, qu'il s'agit d'un constat global et
qu'il est possible que certaines espèces soient tout de même en
augmentation mais masquées par de fortes diminutions des stocks d'autres
espèces. Comme nous l'avons discuté au niveau de l'indicateur
Socio-éco. 3 (§V.3), l'AMP peut difficilement avoir beaucoup
d'impacts sur les espèces migratrices et surexploitées ailleurs
dans le monde. Ainsi, si on veut évaluer l'effet de l'AMP
spécifiquement, il serait plus pertinent d'évaluer
l'évolution des quantités de certaines espèces locales et
qui se reproduisent ou se développent dans l'AMP.
109
Proposition d'indicateur
Les données disponibles ne permettent pas une
évaluation aussi poussée que ce que recommande l'indicateur du
Guide de l'UICN (Pomeroy et al. 2006). Nous ne disposons pas de données
sur les technologies et sur le temps consacré à la pêche et
encore moins pour chaque espèce séparément. L'analyse
combinée du tonnage débarqué total et de l'effectif
piroguier peut déjà fournir un bon aperçu de la situation
globale de la pêche. A partir des données disponibles au poste de
contrôle du quai de pêche de Joal-Fadiouth, on peut imaginer un
indicateur simple et précis du type : "Analyse globale du
tonnage débarqué et de l'effectif piroguier". Au poste
de contrôle, il existe aussi des données de tonnage
débarqué par espèce par mois. Afin d'évaluer plus
spécifiquement l'efficacité de l'AMP, on pourrait utiliser les
données concernant certaines espèces locales et analyser
l'évolution des quantités débarquées de ces
espèces par année. Cet indicateur s'appellerait
'"Evolution des tonnages débarqués des espèces
locales".
Recommandation pour une méthode de suivi
La collecte des données nécessaires à
l'évaluation de cet indicateur est effectuée
systématiquement tous les mois par les agents du service des
pêches de Joal, ce qui est très positif. Un traitement des
données similaire à celui effectué ci-dessus devrait
également être effectué chaque année.
? Indic. B8 : Qualité de l'eau
Données disponibles
Divers paramètres physico-chimiques ont
été mesurés à l'occasion de l'état de
référence de novembre 2006 par le CRODT. Il s'agit de la
température, la salinité, l'oxygène dissous, le pH, la
chlorophylle totale et la turbidité. Les résultats sont repris
dans le plan de gestion 2009-2013 de l'AMP de Joal-Fadiouth (Sène,
2008).
Analyse des données
- Température (°C)
Les températures mesurées sont d'environ
30°C avec une légère diminution en fonction de la
profondeur. Les eaux sont chaudes, ce qui est caractéristique du mois de
novembre (début de la période de transition vers la saison
froide).
- Salinité (g/l de Na Cl - %o)
110
Le taux de salinité varie entre 34 et 35 %o.
Les eaux de surface sont moins salées au niveau de la côte qu'au
large.
- Oxygène dissous (% de saturation)
Les valeurs en oxygène dissous sont en moyenne de 65%
et décroissent de la surface vers le fond
- Chlorophylle totale (ug/l)
La quantité de chlorophylle totale moyenne est de 8
ug/l, les concentrations les plus élevée étant
observée au fond (9ug/l). Ces valeurs sont élevées pour la
saison (Sène, 2008).
- pH
Le pH est situé entre 8 et 8,5 mais aucune tendance
n'est observée sur le plan vertical ou horizontal
- Turbidité (ppm)
La turbidité décroit vers le large et en
profondeur. Les valeurs se situées entre 6 et 7 ppm, ce qui est assez
faible.
Proposition d'indicateur
Toute variation inhabituelle d'un paramètre
physico-chimique est susceptible de constituer un facteur limitant des
processus biologiques des êtres vivants. Des variations dans la
qualité de l'eau peuvent donc entrainer la disparition ou l'apparition
d'espèces dans la zone étudiée. Il est donc important de
suivre l'évolution des paramètres physico-chimiques de l'eau mais
aussi de mesurer la charge nutritive, la densité de toxines ou de
bactéries à travers un indicateur tel que "la
qualité de l'eau".
Recommandation pour une méthode de suivi
Les paramètres physico-chimiques de l'eau varient en
fonction de la période de l'année, d'où l'importance
d'effectuer des relevés à des périodes fixes de
l'année et plusieurs fois par an. Il serait intéressant
également de mesurer plusieurs fois par an la charge nutritive, la
densité en toxines et en bactéries - ces deux dernières
pouvant permettre de déceler une pollution anthropique à
proximité de l'AMP.
Ces données pourraient être facilement
récoltées plusieurs fois par an car elles ne nécessitent
pas d'investissement important en temps et en personnel. Cependant, un
investissement important en matériel devra être
réalisé au départ.
111
? Indic. B9 : Zones présentant des signes de
rétablissement Données disponibles
Cet indicateur nécessite d'avoir préalablement
défini des "seuils de rétablissement". Le plan de gestion
définit, en lien avec des objectifs, des cibles. Les cibles qui
concernent la conservation des habitats et des espèces pourraient
être assimilées à des seuils de rétablissement.
Notons néanmoins que les cibles pourront être
révisées avec le plan de gestion, il s'agit donc plutôt de
seuil provisoire à viser pour se rapprocher d'un "état de
rétablissement".
Ces cibles sont (Sène, 2008) :
1) L'augmentation de la biodiversité
spécifique et de la biomasse des espèces marines de 20 à
30 % de la situation de référence
2) Le reboisement de 10 à 20 % de la superficie de
mangrove
3) L'augmentation du recrutement des tortues marines de 10
à 20%
Analyse des données
Ces seuils devraient aider à l'analyse des
résultats de certains indicateurs. Ainsi, on pourra évaluer
l'indicateur "Abondance et biodiversité des espèces halieutiques"
en considérant que l'objectif de conservation des espèces marines
sera atteint lorsqu'on recensera 20 à 30% d'espèces en plus et
une biomasse également supérieur de 20 à 30%. De
même en ce qui concerne l'indicateur "Répartition de la mangrove"
(objectifs de reboisement de 10 à 20%) et "Nombre de nids et de
naissances de tortues marines" (objectif d'augmentation du nombre de nid de 10
à 20%).
Proposition d'indicateur et recommandation pour une
méthode de suivi
L'indicateur "Zones présentant des signes de
rétablissement" est un outil intéressant pour analyser
d'autres indicateurs mais il faudra garder à l'esprit qu'il s'agit de
seuils très subjectifs et susceptibles d'être modifiés en
fonction, par exemple, de nouvelles données scientifiques.
112
V.4.2. Synthèse des indicateurs biophysiques
Ind. Biophys. 1. Abondance et biodiversité des
espèces halieutiques
Ind. Biophys. 2. Abondance des espèces
halieutiques locales
Ind. Biophys. 3. Nombre de nids et de naissances de
tortues marines
Ind. Biophys. 4. Composition et abondance des oiseaux
d'eau
Ind. Biophys. 5. Structure des populations
d'espèces focales (taille)
Ind. Biophys. 6. Répartition de la
mangrove
Ind. Biophys. 7. Composition végétale de
la réserve communautaire de Ngazobil
Ind. Biophys. 8. Analyse combinée globale du
tonnage débarqué et de l'effectif
piroguier
Ind. Biophys. 9. Evolution des tonnages
débarqués des espèces locales
Ind. Biophys. 10. Qualité de l'eau
Ind. Biophys. 11. Zones présentant des signes
de rétablissement
V.5. Mise en relation avec les objectifs et les
indicateurs du plan de gestion
Au départ, lorsque je préparais mon travail de
terrain, je ne connaissais pas les objectifs de l'AMP de Joal-Fadiouth. J'ai
donc récolté un maximum d'informations en me basant sur ceux qui
sont "couramment associés à l'utilisation d'une AMP"
(Pomeroy et al.2006) et sur les indicateurs qui y correspondent. Par contre,
lors de mon séjour sur place, j'ai découvert que les
gestionnaires de l'AMP travaillent en suivant trois objectifs
généraux et j'ai également eu accès au plan de
gestion provisoire de l'AMP qui détermine des objectifs
spécifiques.
Voici les objectifs qui sont repris dans le plan de gestion
provisoire 2009-2013 de l'AMP de Joal-Fadiouth (Sène, 2008) :
Objectifs à long terme
Objectifs du plan
1.1. Améliorer les connaissances sur la dynamique
des espèces et des habitats
1. Conservation des habitats et des
espèces
1.2. Préserver les ressources marines et
côtières de l'AMP
1.3. Protéger et/ou restaurer les habitats et
espèces clés de l'AMP (mangrove, zone d'alimentation et de ponte
de la tortue...)
2. Développement durable des populations
locales
2.1. Améliorer les conditions de vie des
populations locales
2.2. Promouvoir des mécanismes de financement
durable de la gestion de l'AMP et le développement
local
3. Communication et sensibilisation du public
3.1. Promouvoir des comportements responsables
favorables à la gestion durable de l'AMP et des ressources marines et
côtières associées
4. Gestion administrative efficace
113
4.1. Renforcer les capacités des acteurs
impliqués dans la gestion de l'AMP
4.2. Assurer une meilleure gestion administrative de
l'AMP
114
ainsi que les trois objectifs généraux qui
guident le travail des gestionnaires sur le terrain :
a) Conserver la biodiversité marine et
côtière
b) Améliorer le rendement de la
pêche
c) Augmenter les retombées
socio-économiques de la population
J'ai donc veillé à ce que les indicateurs
développés ci-dessus répondent à ces objectifs.
Puisqu'ils sont assez classiques et généraux, toutes les
données dont je disposais se sont avérées utiles pour
créer des indicateurs adaptées à l'AMP de Joal-Fadiouth et
à ses objectifs.
Les indicateurs de gouvernance représentent les
conditions nécessaires au développement d'une gestion
participative efficace de l'AMP. On peut considérer la série
d'indicateurs de gouvernance qui a été établie dans ce
travail comme une grille de lecture pour l'évaluation de la gouvernance
de l'AMP de Joal-Fadiouth. Ils répondent de manière plus ou moins
directe aux objectifs 4.1, 4.2, 3.1 et 2.2. Cependant, étant
donné que le gouvernement sénégalais, comme les
populations, ont souhaité dès le départ appliquer le
principe de la gestion participative, je pense qu'un objectif pourrait
être ajouté au plan de gestion afin d'insister sur cet aspect.
Nous pourrions nommer celui-ci : "Participation et
représentation efficaces des parties prenantes"(objectif 5)
Les indicateurs socio-économiques que j'ai
développés ciblent l'évaluation des perceptions et des
connaissances de la communauté et ne représentent donc qu'une
partie des possibilités en termes d'évaluation
socio-économiques. D'autres indicateurs pourraient être
utilisés par exemple pour évaluer le niveau de satisfaction des
visiteurs, l'impact sur les coutumes et traditions ou la dépendance de
la population vis-à-vis des ressources côtières. Pour
l'instant, les indicateurs qui ont été développés
répondent aux objectifs 2.1, 3.1, c et b.
Enfin, les indicateurs biophysiques ont été
adaptées à des données qui existaient déjà.
Des indicateurs plus performants existent et pourraient certainement permettre
une évaluation plus précise et plus poussée de la
situation écologique de l'AMP mais ces indicateurs nécessitent
des compétences et des moyens importants. Les indicateurs
proposés ici ont l'avantage d'être directement applicables pour
une évaluation des bénéfices biophysiques de l'AMP. Ils
correspondent aux objectifs 1.1, 1.2, 1.3, a et b.
Les correspondances entre les différents indicateurs et
les objectifs de l'AMP sont présentées dans un tableau
récapitulatif à la figure 22.
115
Par ailleurs, quelques indicateurs sont proposés dans
le plan de gestion de l'AMP (annexe XI.). Tous sont représentés
dans ce travail à l'exception de l'indicateur "évolution des
revenus des populations locales". Il s'agit d'un d'indicateur
socio-économique qui se rapproche très fort des indicateurs S7,
S8 et S11 sur le mode de vie, la santé et les infrastructures (Pomeroy
et al. 2006). Je n'ai pas évalué ces indicateurs car ils
nécessitent l'utilisation d'un groupe témoin pour distinguer
l'effet du développement économique global de l'effet de l'AMP.
Ils ne sont pas pour autant des indicateurs moins intéressants mais
comme je l'ai explique dans la description des indicateurs (§II.3), je ne
disposais pas de suffisamment de temps pour tester tous les indicateurs
socio-économiques.
Indicateur
|
Objectifs
|
Ind. Gouv. 1.
|
Participation des parties prenantes
|
5.
|
Ind. Gouv. 2.
|
Cadre légal, documents officiels
|
4.2
|
Ind. Gouv. 3.
|
Existence de procédure de révision des
règles et réglementation
|
4.2
|
Ind. Gouv. 4.
|
Diffusion, connaissance et compréhension locale des
règles et réglementations de l'AMP
|
3.1
|
Ind. Gouv. 5.
|
Importance et impact de la communication autour de l'AMP
|
3.1
|
Ind. Gouv. 6.
|
Activités de contrôle
|
3.1, 4.2
|
Ind. Gouv. 7.
|
Formations assurées aux parties prenantes.
|
4.1
|
Ind. Gouv. 8.
|
Conflits liés à l'AMP
|
4.2
|
Ind. Gouv. 9.
|
Plans de reconversion
|
2.2
|
Ind. Gouv. 10.
|
Disponibilité et affectation des ressources
administratives de l'AMP
|
4.2
|
Ind. Gouv. 11.
|
Niveau d'autonomie financière
|
2.2
|
Ind. Gouv. 12.
|
Existence et utilisation d'études et de contributions
scientifiques
|
4.1
|
116
Ind. Gouv. 13.
|
Taux d'exécution des activités prévues dans
le plan de gestion
|
4.2
|
Ind. Gouv. 14.
|
Existence de procédures d'évaluation et de suivi
|
4.2
|
Ind. Socio-éco. 1.
|
Perception de l'environnement et de la nécessité de
le protéger
|
3.1
|
Ind. Socio-éco. 2
|
Degré de compréhension des conséquences de
l'action de l'homme sur les ressources
|
3.1
|
Ind. Socio-éco. 3
|
Perception de la disponibilité des produits de la mer
|
2.1, b
|
Ind. Socio-éco. 4
|
Connaissances générales sur l'AMP
|
3.1
|
Ind. Biophys. 1.
|
Abondance et biodiversité des espèces
halieutiques
|
1.2, 1.1, a, b
|
Ind. Biophys. 2.
|
Abondance des espèces halieutiques locales
|
1.3, 1.2, 1.1, b
|
Ind. Biophys. 3.
|
Nombre de nids et de naissances de tortues marines
|
1.3
|
Ind. Biophys. 4.
|
Composition et abondance des oiseaux d'eau
|
1.1, 1.2, 1.3, a
|
Ind. Biophys. 5.
|
Structure des populations d'espèces focales (taille)
|
1.2, 1.1, (1.3), b
|
Ind. Biophys. 6.
|
Répartition de la mangrove
|
1.3
|
Ind. Biophys. 7.
|
Composition végétale de la réserve
communautaire de Ngazobil
|
1.1, 1.2, 1.3, a
|
Ind. Biophys. 8.
|
Analyse combinée globale du tonnage
débarqué et de l'effectif piroguier
|
1.2, b
|
Ind. Biophys. 9.
|
Evolution des tonnages débarqués des espèces
locales
|
1.2, 1.1, 1.3, b
|
Ind. Biophys. 10.
|
Qualité de l'eau
|
1.1, 1.3
|
Ind. Biophys. 11.
|
Zones présentant des signes de rétablissement
|
1.3, 1.2
|
Fig.22 : tableau récapitulatif des correspondances entre
les différents indicateurs et les objectifs de l'AMP
117
CONCLUSIONS
L'objectif de ce travail était de développer une
méthode d'évaluation de l'efficacité de la gestion de
l'AMP de Joal-Fadiouth adaptée aux ressources et à la situation
de cette AMP mais aussi aux possibilités techniques dont disposent les
acteurs de terrain pour collecter les données. Pour répondre
à cet objectif pratique, d'une part, j'ai souhaité explorer un
maximum d'indicateurs aussi bien sur les aspects de la gouvernance que sur les
aspects biophysiques et autant que possible sur les aspects
socio-économiques. Les analyses des différents indicateurs ainsi
que de la gestion de l'AMP de Joal-Fadiouth sont donc très succinctes
mais suffisantes pour développer des indicateurs adaptés à
un suivi dans cette AMP particulière. D'autre part, j'ai
privilégié des indicateurs simples qui nécessitent des
investissements limités en matériel et en temps.
L'évaluation des aspects liés à la
gouvernance a abouti au développement d'une série d'indicateurs
adaptés à l'AMP de Joal-Fadiouth. Ceux-ci forment une grille de
lecture qui permet d'évaluer tous les aspects de la gouvernance de cette
AMP : participation des parties prenantes, communication, formation, cadre
légal, activités de contrôle, etc. L'évaluation de
la gouvernance demande peu d'effort de collecte des données - quelques
entretiens avec des acteurs clés et les documents principaux de l'AMP
sont généralement suffisants. Cette partie de mon travail se
révèle d'ailleurs être la plus complète tant du
point de vue des indicateurs qui ont été développés
que de l'évaluation de l'efficacité de la gestion en
elle-même.
En ce qui concerne les indicateurs socio-économiques,
l'analyse n'est que fort partielle étant donné les importants
investissements en temps nécessaires pour collecter ces données.
Elle a été limitée à des indicateurs de perception
et de connaissance. Les données ont été collectées
par le biais d'un questionnaire. L'analyse des réponses nous a permis de
vérifier la pertinence des questions. Les questions se rapportant
à deux des indicateurs se sont révélées pertinentes
pour fournir des informations sur les aspects sociaux. Par contre, la
méthode du questionnaire ne s'est pas révélée des
plus adéquate pour collecter des données concernant les valeurs
et préoccupations environnementales des individus. Il serait plus
approprié d'effectuer une analyse globale des perceptions qu'ont les
individus de leur territoire ou de se référer plutôt
à des pratiques.
De ce travail, ressortent également 11 indicateurs
biophysiques. Les indicateurs biophysiques demandent un travail de collecte des
données souvent difficile et coûteux. Pour
118
cette raison, je n'ai développé que des
indicateurs qui se basent sur des données qui ont déjà
été collectées à l'AMP de Joal-Fadiouth. Ainsi, les
méthodes de collecte des données sont déjà connues
sur le terrain. Les indicateurs biophysiques proposés dans ce travail
permettront aux gestionnaires d'exploiter ces données pour
évaluer l'efficacité de l'AMP de Joal-Fadiouth.
Les résultats de la gestion, c'est-à-dire les
effets biophysiques et socio-économiques, ne se manifestent
généralement que progressivement, après plusieurs
années de gestion. Par contre, l'évaluation de la gouvernance qui
est plutôt une évaluation de second niveau sur le cadre
d'évaluation de Hockings et al. (2008), fournit plus rapidement des
informations pouvant être mobilisées pour réviser les
pratiques de gestion. Par ailleurs, les résultats de la gestion sont
fortement dépendants de l'efficacité des processus de gestion et
autres aspects de la gouvernance. Il est donc fortement recommandé
d'évaluer la gouvernance avant ou parallèlement à
l'évaluation biophysique ou socio-économique. Toutefois, une AMP
qui réussit sur le plan de la gouvernance mais ne fournit pas de
résultats échoue puisqu'elle n'atteint pas ces objectifs.
Bien que la visée principale de ce travail fût
d'évaluer et d'adapter des indicateurs, une première brève
évaluation de l'efficacité de la gestion de l'AMP de
Joal-Fadiouth a été menée simultanément et quelques
résultats intéressants méritent d'être retenus.
L'évaluation de la gouvernance a fourni des résultats très
satisfaisants en termes de participation. Les parties prenantes semblent avoir
été investies dès le départ dans tout le processus
de mise en oeuvre et de gestion quotidienne de l'AMP. Des documents officiels
donnent un statut à l'AMP et à son comité de gestion. Seul
le plan de gestion n'a pas encore été ratifié, ce qui
n'empêche pas les acteurs de terrain de travailler en suivant leurs
propres objectifs. La communication a été une activité
très importante ces premières années. Les campagnes pour
la protection des tortues marines semblent avoir été très
efficaces comme le montrent les résultats concernant la pêche et
le commerce illégal de ces espèces qui ont sérieusement
diminué depuis les campagnes. Diverses formations ont été
dispensées aux gestionnaires et parties prenantes. Ceux-ci en sont
satisfaits mais en souhaiteraient davantage, signe de leur investissement dans
la gestion de l'AMP. La principale faiblesse de l'AMP de Joal-Fadiouth est le
manque de moyens et de financements, ce qui à un impact négatif
sur le développement d'activités aussi importantes que la
surveillance. Puisqu'il semble que l'état sénégalais ne
soit pas disposé à investir davantage dans les AMPs, il est
crucial de développer localement des activités
génératrices de revenus pour le comité de gestion comme,
par exemple, l'écotourisme. Un second point faible
119
concerne le peu d'études scientifiques qui sont
réalisées sur les ressources de l'AMP. Le suivi ne concerne que
certains paramètres isolés et aucun processus global
d'évaluation n'existe.
Concernant les résultats de l'évaluation
socio-économique, nous avons remarqué que les individus
interrogés ont assez bien intégrés le concept d'AMP.
Cependant, uniquement 11 personnes ont été interrogées, ce
qui est insuffisant pour représenter toute la population. La question
des effets de l'AMP sur les ressources halieutiques a donné lieu,
à première vue, à des résultats assez
contradictoires mais qui, en y regardant de plus près, sont peut
être le reflet de la réalité de l'effet de l'AMP sur les
ressources : un effet très variable d'une espèce à
l'autre.
Pour la majorité des indicateurs biophysiques, les
données ne permettent pas encore de tirer de conclusions quant à
l'efficacité de l'AMP. En effet, tous les indicateurs biophysiques ne
peuvent être évalués que par rapport à un
état de référence ou du moins par rapport à des
données antérieures car c'est l'évolution au cours du
temps de la variable mesurée qui peut fournir une information sur
l'efficacité de l'AMP. Ainsi, les indicateurs qui ont été
développés à partir d'un seul relevé de
données comme c'est le cas des indicateurs basés sur les
données de l'état de référence du CRODT (Ind.
Biophys. 1., 5. et 10.) ne permettent pas de tirer de conclusion quant à
l'efficacité de la gestion. De même, l'indicateur
"répartition de la mangrove" pour lequel nous disposons uniquement de
données antérieurs à la création de l'AMP ne nous
renseigne évidement pas encore sur d'éventuels effets de la
gestion de l'AMP. Néanmoins, lors de la prochaine collecte de
données, nous disposerons de valeur de référence pour
effectuer une première évaluation. Pour certains indicateurs, les
données disponibles ont tout de même déjà permis de
réaliser une première évaluation. Ainsi, l'analyse des
données de la DPN de 2007 et 2008 sur le suivi aviaire montre que la
quantité d'oiseaux d'eau a sérieusement augmenté en
seulement une année. L'AMP a donc apparemment un effet positif sur le
nombre d'oiseaux d'eau fréquentant cette zone. L'analyse combinée
du tonnage débarqué et de l'effectif piroguier au quai de
pêche de Joal entre 2000 et 2008, fournit des résultats moins
réjouissants ; le niveau d'exploitation serait globalement largement
atteint. Même si certains stocks d'espèces locales se
reconstitueraient grâce à l'AMP - ce qui reste à
vérifier - globalement, les ressources halieutiques s'épuisent,
ce qui n'est finalement pas surprenant étant donné que beaucoup
de ressources migrent et sont surexploitées ailleurs dans le monde. Ces
résultats nous rappellent que même si l'AMP peut avoir localement
un effet très positif sur la protection des espèces marines et
côtières, la majorité d'entre elles circulent, et donc leur
pérennité dépend aussi de nombreux facteurs
extérieurs. Une coordination des mesures de gestion à grande
échelle est donc indispensable.
120
Les indicateurs d'évaluation de l'efficacité de
la gestion de l'AMP de Joal-Fadiouth développés dans ce travail
ne couvrent pas tous les domaines de l'évaluation telle que
définie par le cadre de l'UICN (Hockings et al.2008). Le contexte et la
planification sont en partie évalués dans le plan de gestion de
l'AMP mais ce niveau de l'évaluation n'a pas été
envisagé dans ce travail. Les indicateurs de gouvernance qui ont
été mis au point permettent une évaluation assez
complète des intrants, des processus et des extrants. Les indicateurs
biophysiques et socio-économiques évaluent exclusivement les
résultats, c'est-à-dire l'atteinte des objectifs de l'AMP. Les
indicateurs biophysiques qui ont été développés
permettent une évaluation de nombreux aspects des objectifs
biophysiques. Cependant, ils sont limités par le fait qu'ils ont
été développés uniquement à partir de
données qui ont déjà été collectées.
D'autres indicateurs biophysiques pourraient certainement compléter ceux
qui ont été développés mais ils ne seraient utiles
qu'à condition d'avoir ensuite, sur le terrain, les possibilités
de collecter les données. Il serait surtout nécessaire
d'approfondir l'aspect socio-économique : tester d'autres indicateurs et
d'autres types de questionnaires.
Une évaluation plus approfondie de l'efficacité
de la gestion de l'AMP de Joal-Fadiouth pourrait être menée sur
base des indicateurs développés dans ce travail et
éventuellement d'indicateurs supplémentaires. Des liens entre les
indicateurs de gouvernance, biophysiques et socio-économiques pourraient
être établis. Les résultats de l'évaluation
devraient ensuite permettre d'adapter les pratiques de gestion pour
améliorer l'efficacité de l'AMP (gestion adaptative).
Il serait très intéressant de regrouper les
indicateurs sous forme d'un guide spécifique à l'AMP de
Joal-Fadiouth. Celui-ci reprendrait une explication de chaque indicateur, de
ses faiblesses et de ses points forts et des méthodes précises de
récolte des données. Ce guide, à l'usage des gestionnaires
de l'AMP de Joal-Fadiouth, faciliterait la transmission des conclusions de ce
travail à ces derniers.
En dehors du cas précis de l'AMP de Joal-Fadiouth, ce
travail fournit également des perspectives intéressantes. Les
indicateurs biophysiques développés dans ce travail sont assez
spécifiques à l'AMP de Joal-Fadiouth mais le même principe
pourrait être appliqué pour développer des indicateurs de
suivi adaptés à une autre AMP : sur base d'indicateurs
"universelles", rechercher des données qui sont déjà
collectées sur le terrain et adapter ensuite les indicateurs. Les
observations méthodologiques concernant l'évaluation des valeurs
et préoccupations environnementales des individus sont tout à
fait généralisables. Enfin, la grille
121
de lecture formée par l'ensemble des indicateurs de
gouvernance est applicable quasiment telle quel à toute AMP régie
selon le principe de la cogestion.
122
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125
Sigles
AMP = Aire Marine Protégée
CRODT = Centre de Recherches Océanographiques de
Dakar-Thiaroye
DPM = Direction des Pêches Maritimes (sous la tutelle du
Ministère de l'Economie Maritime et des Transport Maritimes
Internationaux de la République Sénégal)
DPN = Direction des Parcs Nationaux (sous la tutelle de
Ministère de l'Environnement de la Protection de la Nature des Bassins
de Rétention et des Lacs Artificiels de la République du
Sénégal)
FAO = Food and Agriculture Organization of United Nations. En
français, l'Organisation des Nations Unies pour l'alimentation et
l'agriculture
F CFA = Unité monétaire de la Communauté
financière africaine (1€ = 656 Franc CFA)
FIBA = Fondation Internationale du Banc d'Arguin
MAB = Man And Biosphere. En Français, programme "homme et
biosphère" de l'UNESCO
PRCM = Programme Régional de Conservation de la Zone
Côtière et Marine
RAMPAO = Réseau régional d'AMP en Afrique de
l'Ouest
UICN = Union International pour la Conservation de la Nature
UNESCO = United Nations Educational, Scientific and Cultural
Organization
WWF = World Wildlife Fund. En français, Fonds mondial pour
la nature
WWF WARMER = WWF West African Marine Ecoregion.
Indic. B, Indic. G et Indic. S font
référence aux indicateurs Biophysiques, de Gouvernance et
Socio-économiques du guide de l'UICN (Pomeroy et al. 2006)
Ind. Biophys., Ind. Gouv. et Ind. Socio-éco.
font référence aux indicateurs Biophysiques, de
Gouvernance et Socio-économiques adaptés à l'AMP de
Joal-Fadiouth, établis dans ce travail