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Les déterminants du choix de l'itinéraire thérapeutique des maladies mentales

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par Melaine FEUDJIOMENE NGOUANE
institue superieur Larosiere - Diplome d'etat d'infirmier 2014
  

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CHAPITRE I: PROBLEMATIQUE

I - ENONCE DU PROBLEME

Depuis la nuit des temps, la folie interroge les esprits. Son caractère mystérieux et énigmatique a donné naissance aux explications les plus invraisemblables. Ces explications ont été déterminantes pour le destin et le devenir de ceux qui présentaient les signes. (Wissal et al, 2012). En fait, les maladies mentales représentent un réel problème de santé publique et de suivi dans le monde lorsqu'on considère son ampleur de plus en plus croissant et son impact négatif sur la vie des personnes qui en sont victimes. Mais depuis un certain nombre d'année, la santé mentale gagne en priorité car le monde a pris conscience des coûts à la fois économiques et humains pour la société et de la souffrance des individus concernés (Gureje et Alem, 2000). C'est dans ce sens que l'OMS, dans son rapport sur la Santé dans le monde (2001) plaide de façon convaincante pour la Prise en considération des besoins des populations en matière de santé mentale. Environ 450 millions de personnes dans le monde ont de troubles mentaux et neurologiques. En médecine générale, les maladies mentales constituent la deuxième cause de morbidité derrière les maladies cardio-vasculaires.ces maladies sont en fait responsables d'un quart (1/4) d'invalidités.

Les dégâts causes par les problèmes de santé mentale sont énormes. Le rapport « La santé mentale dans le monde présenté par la Faculté de médecine de l'Université Harvard, en 1995 affirme qu'à eux seuls, les problèmes de santé mentale constituent 8,1 % de la charge de morbidité globale. Selon le rapport de l'OMS (2008), ce taux est passé de 8.1% en 1995 à 12.3% en 2008. Ces pathologies peuvent engendrer plusieurs conséquences dont la plus tragique est le suicide. Chaque année, 10 à 20 millions des tentatives de suicide sont liées aux maladies mentales. Elles sont également à l'origine de la discrimination, de la stigmatisation, du rejet, de certaines formes d'inégalités et d'injustices sociales

L'Europe connaît une très forte prévalence de troubles mentaux. Sur les 880 millions d'habitants que comptait la Région européenne, on estimait à environ 100 millions le nombre de personnes atteintes d'anxiété et de dépression ; à plus de 21 millions les personnes souffrant de troubles liés à l'abus d'alcool ; à plus de 7 millions les personnes atteintes de la maladie d'Alzheimer et d'autres démences ; à environ 4 millions les personnes souffrant de schizophrénie ; à 4 millions les personnes atteintes de troubles affectifs bipolaires ; et à 4 millions les personnes souffrant de troubles paniques (Rapport de conférence ministérielle européenne de l'OMS, 2008). Pour pallier à ce problème de prise en charge, un plan d'action pour la santé mentale a été mis sur pied en 2008 dans le but de relever les défis auxquels est confrontée la santé mentale dans ce continent.

En Amérique, l'ampleur du phénomène est inquiétante. Les grandes enquêtes épidémiologiques les plus récentes en Amérique du Nord indiquent que l'on peut diagnostiquer un problème de santé mentale chez 20 % de la population. Une étude réalisée de 2001 à 2003 par le US National Institute of Mental Health (NIMH ) a montrer que 20% des adultes américains souffrent des maladies mentales graves et 50% de la population affectée par des formes moins graves de maladies mentales. Selon un Rapport du Department of health des Etats Unies estime qu'en 2011, 45,6 million de personnes de plus de dix huit ans, 19,6% de la population adulte ont souffert d'une maladie mentale. Ici, le taux de suicide à une prévalence de 23%. Pour remédier d'ailleurs à ce problème, le ministre de la santé et les services sociaux ont sur pied une action québécoise d'action au suicide.

La santé mentale reste un véritable problème de santé publique dans les pays en développement, puisqu'à ce jour les maladies mentales ne bénéficient pas, à l'instar  des maladies infectieuses, des maladies infantiles ou plus récemment,  des maladies non transmissibles  comme les maladies cardiaques, de programmes à l'échelle mondiale. Les questions relatives à la santé mentale se voient généralement accorder une très faible priorité dans les politiques des services de santé. Les problèmes de santé mentale viennent souvent en dernier sur la liste des priorités des responsables politiques. (Gureje et Alem, 2000).

D' après le rapport de l'OMS (2008), 9 malades mentaux sur 10 ne sont pas soignés dans cette partie du monde. Ici les maladies mentales sont totalement déniées, le public en a une perception négative, ce qui serait dû à un manque d'information et d'éducation sur ces affections. La maladie mentale est perçue comme une colonisation de l'esprit par une volonté maligne, laquelle colonisation peut avoir pour causes l'agression d'un génie, d'un ancêtre, d'un sorcier....Les malades sont considérés comme possédés par l'esprit des ancêtres ou agressés a travers la sorcellerie.

En Afrique, on a un psychiatre pour 5 million d'habitants (OMS, 2002). Ces chiffres catastrophiques expliquent en partie la place prépondérante occupée par les pratiques traditionnelles dans les soins portés aux malades. Ceux-ci commencent d'abord par consulter un guérisseur ou un tradipraticien et ne sont pris en charge que très tard dans l'évolution de leur maladie par les services de soins classiques. Le poids des croyances traditionnelles pèse également très fort. Ajouter a cela l'insuffisance d'infrastructures et de personnels spécialisés en santé mentale, le mythe selon lequel ces maladies ne peuvent être soignées à des coûts abordables. Parfois la majorité même des spécialistes de la santé mentale dans les pays en développement (psychiatres, psychologues cliniques, infirmiers spécialisés en santé mentale et travailleurs sociaux) ne semble pas se préoccuper de la réduction du déficit de traitement. Tout cela va pousser les populations africaines fortement influencées par la tradition à se retourner vers d'autres itinéraires de traitement.

Dans la république Malgache par exemple une étude réalisée en 2001 par le MINI (Mini International Neuropsychiatric Interview) estimait à 47% la proportion de la population affectée par les troubles psychiques. Ici les maladies ont une étiologie attribuée le plus souvent à des actes de sorcellerie, à des possessions par des esprits mal intentionnés, au non respect des devoirs dus aux ancêtres, à la transgression de tabous (fady) par exemple. Les traitements doivent donc être pratiqués en conséquence. Il s'agit de traitements complexes impliquant des sacrifices importants et la participation de toute la communauté villageoise, ce qui sous-entend donc une forte solidarité de la famille. En cas de maladie mentale, on fait d'abord appel aux guérisseurs traditionnels, ou bien les recours sont confessionnels, le médecin ne venant qu'ensuite, car les trois quarts des malgaches ignorent la possibilité de soins médicaux pratiqués dans les hôpitaux psychiatriques. Ils connaissent par contre d'autres lieux de soins : toby, villages thérapeutiques confessionnels, lieux de rites ancestraux.

A Abidjan en Côte d'Ivoire, une étude réalisée en 2009 portant sur les itinéraires thérapeutiques des schizophrènes à Abidjan à permis de voir que sur 41 schizophrènes ayant consulté au Service d'Hygiène Mentale (SHM), 14.6% seulement avaient eu le premier recours à la médecine moderne, 7.3% aux marabouts et aux féticheurs, 4.9% à d'autres issues de traitement non précisés. Le choix de ces itinéraires était fonction de l'origine qu'ils attribuaient à la maladie mentale.

En Ethiopie environ 85 % des malades s'adressent aux guérisseurs et aux dirigeants religieux, comme les prêtres, qui sont ainsi amenés, de par l'influence de la tradition et le manque d'infrastructures adéquates, à traiter les maladies mentales. Au Sénégal ils sont près de 90 % à consulter ces gens en cas de maladie mentale.

Au Sénégal pour remédier à l'absence de traitements adaptés ils envisagent d'intégrer les pratiques traditionnelles aux soins classiques. Certaines méthodes des marabouts vont en effet dans le bon sens. Tel est le cas du « Ndëp », cérémonie à laquelle les guérisseurs associent non seulement le malade, mais aussi sa famille et tout le quartier. Etant donné que les maladies mentales affectent la relation de l'individu avec son environnement, le Ndëp apporte une réponse positive en permettant de recréer un lien avec la communauté.

En RDC (République Démocratique du Congo) selon les données du Programme national de santé mentale (PNSM, 2008), au moins 15 millions de Congolais avaient des troubles mentaux, la population de la RDC étant estimée à 60 millions d'habitants. Ici il est rare que les malades mentaux viennent consulter des psychothérapeutes ou des psychiatres en première intention. Ils commencent généralement par les instances informelles que sont les tradipraticiens et les groupes de prières, parce qu'ils, attribuent la pathologie mentale à des causes surnaturelles (PNSM, 2008). Devant la maladie, l'individu a trois attitudes : soit, il va à l'hôpital, soit il va à l'église, soit il va consulter le « nganga » (guérisseur). Ces trois attitudes caractérisent les trois systèmes de soins.

Au Cameroun comme partout en Afrique d'ailleurs, la santé mentale reste encore un sujet tabou, il n'existe pas vraiment d'investigation dans ce domaine, les études épidémiologiques sont encore peu nombreuses et floues, le pays manque un système d'information fiables en santé mentale. Dans les rues de toutes ses villes, les malades mentalement atteints déambulent, on dirait qu'ils font partie du décor. On est parfois tenté de dire que le gouvernement ne fait rien pour eux ou ne se souci de leur avenir et de leur devenir, car il revient à leur famille de voir comment faire pour les empêcher de se balader dans la rue. Le public ici a une perception très négative de ces maladies et les réactions montrent un manque d'information sur les maladies mentales et une méconnaissance de ces maladies. Il n'est pas donc rare d'entendre ceci face à un malade mental : « il a mis sa main où il ne fallait pas », «  il a trempé », ou « c'est la conséquence de l'argent facile » et autant d'autres réactions. Ce qui revient à dire que si on est « fou » ou « folle », c'est forcement parce qu'on à fait quelque chose, ignorant ainsi la possibilité de survenue naturelle d'une maladie mentale chez un sujet. Un rapport publié en 1995 par les Nations Unies en collaboration avec le ministère des Affaires sociales révélait qu'entre 1983 et 1992, le Cameroun comptait 4470 malades mentaux dont 2775 hommes et 1695 femmes. Les provinces du Centre et de l'Ouest semblent les plus touchées. Sur deux années de consultation dans le service de psychiatrie de l'HJY, (2002 et 2003), 1041 patients ont été reçu parmi lesquels 571 femmes soit 54,85% et 470 hommes soit 45,15%. De 2010 à 2013, l'Hôpital Jamot de Yaoundé (HJY) a enregistré 2444 patients hospitalisés dans cette structure hospitalière. Selon le Programme National de Santé Mentale (2006, p15), 20% des consultations enregistrées dans les services de psychiatrie au Cameroun sont liées à des cas de dépression. Ceci laisse voir l'ampleur des problèmes de santé mentale dans ce pays.

Dans une interview accordée au ministre de la santé publique à Yaoundé le 27 décembre 2002, ce dernier confirmait que « désormais on devait s'attendre à ce qu'il ait de moins en moins de malades mentaux en divagation ». Pour donc atteindre cet objectif, un programme à été consacré à la santé mentale dans le cadre de la stratégie sectorielle de santé horizon 2001-2002. Mais lors de la célébration de la journée mondiale de la santé mentale en 2008, sous le thème : « Faire de la Santé Mentale une Priorité. Améliorer les Services par l'intermédiaire de la Sensibilisation et de l'Action Collective », le ministre de la santé publique s'alarmait encore de l'ampleur des dégâts causés par les troubles mentaux. Il a précisé notamment que « les systèmes de santé affrontent des difficultés énormes pour offrir des prises en charge, des traitements et un suivi aux personnes atteintes de troubles mentaux ». Compte tenu de ces difficultés et des souffrances induites par ces maladies aux personnes qui en souffrent et à leur entourage, les personnes victimes des maladies mentales à la recherche effrénée de la guérison se voient obliger de faire recours à d'autres issues de traitements et surtout à ceux correspondant à leurs caractéristiques socioéconomique et démographiques. C'est ici que va intervenir les autres médecines dites parallèles, car ils semblent être moins chères, plus disponibles et plus accessibles.

Le Cameroun est constitué d'une diversité ethnique. Quelque soit la partie du pays ou l'on se trouve il convient de noter que les maladies mentales posent le même problème de prise en charge. Le village Bangang n'échappe pas à cette réalité. Tout autour de nous, nous avons constaté que quand l'un des membres de cette communauté était gravement malade, ceux-ci se rendaient au village et revenaient parfois quand la personne était déjà guérie ou décédé. Le cas le plus marquant a été celui d'un voisin très proche et membre de cette communauté qui était devenu « fou » et dans les deux jours qui suivaient, il n'était plus dans la ville. A notre grande surprise il revient deux mois plus tard déjà guéris et ne présentant plus que les seules traces de chaines sur les pieds et les mains. Quand par curiosité on lui demande où il était tous ces derniers temps, il nous répond : «  j'étais au village pour me faire soigner ». Quand, étonnés, nous lui demandons si les hôpitaux sont finis à Yaoundé pour qu'il parte loin au village pour se faire soigner, il nous dit : «  je n'ai pas d'argent à dépenser dans les hôpitaux. En plus, toutes les maladies ne peuvent pas être soignées à l'hôpital ». C'est fort de ce constat que nous nous sommes posé la question de recherche ci après :

I -1 QUESTIONS DE RECHERCHE

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"Qui vit sans folie n'est pas si sage qu'il croit."   La Rochefoucault