B- LA MEDECINE
TRADITIONNELLE/PARALLELE/COMPLEMENTAIRE/ ALTERNATIVE
Selon la définition officielle de l'OMS, la
médecine traditionnelle se « rapporte aux pratiques,
méthodes, savoirs et croyances en matière de santé qui
impliquent l'usage à des fins médicales de plantes, de parties
d'animaux et de minéraux, des thérapies spirituelles des
techniques et d'exercices manuels (- séparément ou en association
-) pour soigner, diagnostiquer et prévenir les maladies ou
préserver la santé ». Autrement dit, c'est l'ensemble
de toutes les connaissances et pratiques explicables ou non pour
prévenir ou éliminer un déséquilibre physique,
mental ou social en s'appuyant exclusivement sur l'expérience
vécue (Libery, 2009). Ces pratiques sont transmises de
génération en génération, oralement ou par
écrit. Malgré les campagnes de sensibilisation pour favoriser le
recours aux structures de soins de la médecine moderne, l'attachement
des populations à la médecine traditionnelle demeure et celle-ci
est toujours d'actualité et prend en charge une partie importante de la
population tant urbaine que rurale. Cette médecine est donc
pratiquée par les tradipraticiens, les guérisseurs, les
marabouts, les féticheurs.... On appelle ainsi guérisseur,
féticheur, marabout ou tradithérapeute, toute personne reconnue
dans sa communauté comme compétente pour dispenser des soins de
santé à l'aide de substances végétales ou
animales.
Chez l'africain, il n'y a pas de rupture totale entre le
monde des vivants et celui des morts ; les ancêtres se perpétuent
dans leur descendance, interviennent dans leur vie. Certains cultes permettent
la communication entre les deux mondes dans le but « d'apaiser
la colère » de ces ancêtres et de les rendre
toujours fière de leur descendance. Dans tous les groupes humains, les
dieux, les esprits ou les ancêtres, voire une combinaison de tout
cela, représentent des forces dotées d'une charge
émotionnelle considérable (Ruratotoye, 2008). Le recours
aux forces invisibles se faisant par des rituels. Penser à ce
que réclame ou souhaite un dieu ou à ce que veulent les
ancêtres, par l'intermédiaire de rituels, provoque des
émotions de peur, de culpabilité, mais aussi, à
l'inverse, un sentiment de sécurité et un profond
réconfort (Libery, 2009); cela construit ainsi d'une manière
particulière le psyché de chaque membre d'un groupe. Mais les
esprits que ce soit ceux de la nature ou ceux des ancêtres doivent
être satisfaits pour ne pas faire entrave aux humains par la maladie ou
tout autre malheur. De là, la nécessité du culte des
ancêtres, des rituels d'évitement, afin de ne pas déranger
les esprits de la nature ou violer leur domaine, ou des cultes de possession,
soit pour exorciser, soit pour apprivoiser l'esprit qui dérange un
membre de la famille. Etant donné que les maladies mentales sont
souvent attribuées à la colère des ancêtres ou des
dieux, les rites, les rituels, les cultes des crânes... peuvent
constituer des traitements pour ceux qui croient à ces esprits.
Cependant, l'africain croit également en l'existence
d'un Dieu omnipotent, omniscient, et omniprésent à qui il fait
recours en toute situation. C'est d'ailleurs pour cette raison que dans nos
sociétés actuelles, l'Eglise occupe une place de choix dans le
traitement des maladies de l'esprit. Les pasteurs thérapeutes des
Eglises ont ainsi une fonction particulière au cours de la prise en
charge des malades mentaux (Ruratotoye, 2008). Face aux limites de la
médecine moderne (elle se concentre sur le soma et le psyché est
ainsi négligé), aux effets secondaires des médicaments
(qui engendrent d'autres maladies), tout porte à croire que Dieu seul
est la solution. En plus, la médecine moderne ne tient pas compte de
l'idée ou des représentations que se font les individus des
maladies ; Elle s'intéresse seulement à la biologie et
oublie les problèmes fondamentaux liés à la
personnalité et à ses crises. Ainsi, pour les adeptes de
l''eglise, Dieu parait être celui à qui il faut s'adresser en
toute confiance en cas de maladie mentale.
On n'ignore pas le climat social de plus en plus tendu ou rien
ne semble rassurer personne, la santé économique de plus en plus
précaire, les exigences de la performance professionnelle, l'angoisse
face à la précarité de l'emploi, les
critères de réussite élevés, les fermetures
d'entreprises, l'augmentation des familles monoparentales, le taux de
suicide toujours croissant, le terrorisme international, ...etc. qui
pèsent de tout leur poids sur l'équilibre psychoaffectif de tout
un chacun. Face à toutes ces réalités du contexte social,
le phénomène des Eglises est fondamental dans la prise en charge
des souffrances psychiques. Elles proposent à la société
un ensemble de réponses adéquates, auxquelles une
collectivité a droit quand elle ne comprend plus rien (Ruratotoye,
2008). Les Eglises étayent leur force d'adhésion sur le fait
qu'elles prennent en charge ce que les institutions officielles
négligent ou rejettent. Elles sont incontournables pour les
réponses qu'elles donnent aux questions existentielles de la
société et qui seraient difficilement abordables par la
logique médicale occidentale. Ainsi la médecine
complémentaire gagne du terrain en répondant de plus en plus aux
questions et aspirations symboliques liées à la santé.
Il faut noter que le choix d'un itinéraire
thérapeutique ne se fait pas de façon anodin car en plus des
facteurs sus cités, plusieurs autres facteurs concourent à leur
choix. Un facteur est un élément qui conditionne un
résultat. Un déterminant est ce qui décide d'une chose ou
d'une action (Le Robert, 2008). Ces deux termes sont donc des synonymes.
Dans le cadre de notre étude, un déterminant
est un élément ou un facteur qui décide du choix de
l'itinéraire thérapeutique en cas de maladie mentale. Ces
facteurs peuvent être d'ordre socio-économiques,
sociodémographiques, socioculturels, psychosociaux...
Ø Les facteurs socio-économiques : ce sont
des facteurs qui concernent à la fois le domaine social et le domaine
économique. La situation économique des individus joue ainsi un
grand rôle dans choix de leurs itinéraires thérapeutiques
en cas de maladie. C'est ainsi que dans la plupart de cas et surtout dans le
contexte Africain, les hôpitaux modernes sont plus
fréquentés par les hautes, voire les classes sociales moyennes.
La basse classe pour sa part trouve sa place dans les autres médecines
dites alternatives. Cette dernière classe ne fait appel à la
médecine moderne qu'en dernier ressort, ce qui engendrerait parfois des
résistances car le temps d'aller des marabouts aux féticheurs,
des charlatans aux tradipraticiens, des Eglises et vis vers sa permet à
la maladie qui pouvait être soignée au départ de devenir
chronique.
Le coût des soins quant à lui influence la
fréquentation des formations sanitaires. En général,
les coûts de soins traditionnels sont inférieurs à ceux
de la médecine moderne, mettant ainsi la tradithérapie
à la porté de toutes les bourses. Il en découle
que, toutes choses égales par ailleurs, le choix de la
médecine traditionnelle lors d'une épisode de maladie
dépendra des avantages comparatifs de ses coûts et surtout
de sa flexibilité sur la médecine occidentale. Dans ces
conditions, les ménages les plus démunis ont le plus
recours à la médecine.
Aussi, l'éloignement géographique des centres
de santé du fait des coûts supplémentaires qu'il engendre
dans la quête d'une thérapie moderne, influence le type de
recours thérapeutique lors d'un épisode de maladie. Cet
éloignement influence positivement la demande de la médecine
traditionnelle.
Ø Les facteurs socioculturels : c'est tout ce qui
est relatif à la structure sociale et à la culture et qui
contribue à les caractériser (Larousse Médical, 2010).
Comme facteurs socioculturels pouvant concourir au choix d'un itinéraire
thérapeutique, nous pouvons avoir :
- La perception qu'on les gens du village Bangang
c'est-à-dire l'idée qu'ils se font des sur les maladies
mentales ; La perception des individus sur un système de
soins, ainsi que sur son efficacité détermine leur recours
à ce mode de thérapie. Toutes choses égales par
ailleurs, plus un système est jugé compatible avec leurs
croyances ou leurs attentes, plus les individus auront recours à ce
système.
- La religion : A travers les normes, les valeurs et les
pratiques qu'elles véhiculent, la religion est un facteur susceptible
d'influencer les perceptions, les attitudes et les comportements des individus
concernant le recours thérapeutique. Ainsi, les pasteurs
thérapeutes des Eglises occupent de nos jours une très grande
place dans la prise en charge des malades mentaux qui croient en leurs pouvoirs
de guérison. Il faut aussi noter que les animistes dans leur croyance
aux esprits trouvent quelque part satisfaction.
- L'habitude. L'importance particulièrement
considérable accordée aux us et coutumes traditionnels par la
population en Afrique influence fortement le choix de leurs itinéraires
thérapeutiques ; Aussi, les croyances étiologiques des
maladies et les normes culturelles entrent en jeu. Ceci est
particulièrement vrai en Afrique où dans un contexte de crise
économique, les individus ont tendance à se conformer de plus en
plus aux us et coutumes traditionnels.
Ø Les facteurs psychosociaux : selon le
dictionnaire universel 2001 le terme psychosocial est définit comme tout
ce qui est relatif à la psychologie des individus dans leur rapport avec
la vie sociale. Ces facteurs expliquent les comportements
thérapeutiques des individus à partir de leurs motivations,
perceptions, connaissances... .La perception d'un caractère de
gravité de la maladie modifie l'attitude des parents. Elle les incite
à s'adresser à un recours « spécialisé »
plutôt que « domestique » où à ne rien faire.
Parmi ces facteurs, nous pouvons citer :
- L'ignorance : (manque de connaissances sur les maladies
mentales) ; le niveau scolaire participe dans une très large mesure
au choix de l'itinéraire thérapeutique.
- Les préjugés c'est à dire les
idées (pour la plupart de temps erronées) qu'ils se font des
maladies mentales les orientent plutôt vers les itinéraires
thérapeutiques autres que ceux conventionnels.
Ø Les facteurs sociodémographiques
établissent un lien entre le comportement thérapeutique et les
caractéristiques sociodémographiques telles que l'âge, le
sexe, le milieu de résidence, la parité, le niveau d'instruction,
le statut socio-économique.
En fait, l'âge et la parité sont des
prédicateurs significatifs de l'utilisation des services de
santé. Plusieurs études ont montré une relation inverse et
linéaire entre l'âge ou la parité et l'utilisation des
services de santé maternelle et infantile ou des services de
santé en général (Mboko, 2010). Le milieu de
résidence quant à lui est d'une manière
générale, détermine l'utilisation massive des services de
santé modernes par les populations urbaines, et à l'inverse, une
plus grande propension des populations rurales à recourir à la
médecine traditionnelle ou à l'automédication.
TABLEAU I : MODELE D'ANALYSE
CONCEPTS
|
DIMENS-SIONS
|
COMPOSANTES
|
INDICATEURS
|
Maladies
mentales
|
Névroses
|
-Névrose d'angoisse
|
Agitation, fatigabilité, irritabilité, perturbation
du sommeil, difficulté de concentration
|
-Névrose phobique
|
phobies des situations, phobie des objets, des animaux...
|
-Névrose obsessionnelle
|
-Les thèmes obsessionnels, les rites et les rituels
obsessionnels
|
-Névrose hystérique
|
Symptômes hystériques, les manifestations
physiques
|
-Névrose post
- Traumatique
|
Cauchemars, traumato-phobie, réactions
d'anxiété fatigue, dépendance
|
psychoses
|
Psychoses aiguës
|
BDA, psychose puerpérale, l'accès confusionnel
|
|
Psychoses chroniques
|
Schizophrénie, paranoïa, troubles bipolaire de
l'humeur
|
|
Troubles de l'humeur
|
Troubles dépressifs
|
Détresse, pleurs, dégoût de la vie,
anxiété, agitation, ralentissement psychomoteur
|
Troubles bipolaires
|
Syndromes dépressifs
Syndromes maniaques
|
Itinéraires thérapeutiques
|
Médecine moderne
|
Services de santé mentale
|
-Psychologues ;
-Psychiatres ;
-Infirmiers spécialisés en santé mentale.
|
Médecine traditionnelle
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Tradithérapeutes
|
Marabouts/féticheurs
|
Dignitaires religieux
|
Pasteurs/prêtres exorcistes
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