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Les déterminants du choix de l'itinéraire thérapeutique des maladies mentales

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par Melaine FEUDJIOMENE NGOUANE
institue superieur Larosiere - Diplome d'etat d'infirmier 2014
  

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B- LA MEDECINE TRADITIONNELLE/PARALLELE/COMPLEMENTAIRE/ ALTERNATIVE

Selon la définition officielle de l'OMS, la médecine traditionnelle se « rapporte aux pratiques, méthodes, savoirs et croyances en matière de santé qui impliquent l'usage à des fins médicales de plantes, de parties d'animaux et de minéraux, des thérapies spirituelles des techniques et d'exercices manuels (- séparément ou en association -) pour soigner, diagnostiquer et prévenir les maladies ou préserver la santé ». Autrement dit, c'est l'ensemble de toutes les connaissances et pratiques explicables ou non pour prévenir ou éliminer un déséquilibre physique, mental ou social en s'appuyant exclusivement sur l'expérience vécue (Libery, 2009). Ces pratiques sont transmises de génération en génération, oralement ou par écrit. Malgré les campagnes de sensibilisation pour favoriser le recours aux structures de soins de la médecine moderne, l'attachement des populations à la médecine traditionnelle demeure et celle-ci est toujours d'actualité et prend en charge une partie importante de la population tant urbaine que rurale. Cette médecine est donc pratiquée par les tradipraticiens, les guérisseurs, les marabouts, les féticheurs.... On appelle ainsi guérisseur, féticheur, marabout ou tradithérapeute, toute personne reconnue dans sa communauté comme compétente pour dispenser des soins de santé à l'aide de substances végétales ou animales.

Chez l'africain, il n'y a pas de rupture totale entre le monde des vivants et celui des morts ; les ancêtres se perpétuent dans leur descendance, interviennent dans leur vie. Certains cultes permettent la communication entre les deux mondes dans le but «  d'apaiser la colère » de ces ancêtres et de les rendre toujours fière de leur descendance. Dans tous les groupes humains, les dieux, les esprits ou les ancêtres, voire une combinaison de tout cela, représentent des forces dotées d'une charge émotionnelle considérable (Ruratotoye, 2008). Le recours aux forces invisibles se faisant par des rituels. Penser à ce que réclame ou souhaite un dieu ou à ce que veulent les ancêtres, par l'intermédiaire de rituels, provoque des émotions de peur, de culpabilité, mais aussi, à l'inverse, un sentiment de sécurité et un profond réconfort (Libery, 2009); cela construit ainsi d'une manière particulière le psyché de chaque membre d'un groupe. Mais les esprits que ce soit ceux de la nature ou ceux des ancêtres doivent être satisfaits pour ne pas faire entrave aux humains par la maladie ou tout autre malheur. De là, la nécessité du culte des ancêtres, des rituels d'évitement, afin de ne pas déranger les esprits de la nature ou violer leur domaine, ou des cultes de possession, soit pour exorciser, soit pour apprivoiser l'esprit qui dérange un membre de la famille. Etant donné que les maladies mentales sont souvent attribuées à la colère des ancêtres ou des dieux, les rites, les rituels, les cultes des crânes... peuvent constituer des traitements pour ceux qui croient à ces esprits.

Cependant, l'africain croit également en l'existence d'un Dieu omnipotent, omniscient, et omniprésent à qui il fait recours en toute situation. C'est d'ailleurs pour cette raison que dans nos sociétés actuelles, l'Eglise occupe une place de choix dans le traitement des maladies de l'esprit. Les pasteurs thérapeutes des Eglises ont ainsi une fonction particulière au cours de la prise en charge des malades mentaux (Ruratotoye, 2008). Face aux limites de la médecine moderne (elle se concentre sur le soma et le psyché est ainsi négligé), aux effets secondaires des médicaments (qui engendrent d'autres maladies), tout porte à croire que Dieu seul est la solution. En plus, la médecine moderne ne tient pas compte de l'idée ou des représentations que se font les individus des maladies ; Elle s'intéresse seulement à la biologie et oublie les problèmes fondamentaux liés à la personnalité et à ses crises. Ainsi, pour les adeptes de l''eglise, Dieu parait être celui à qui il faut s'adresser en toute confiance en cas de maladie mentale.

On n'ignore pas le climat social de plus en plus tendu ou rien ne semble rassurer personne, la santé économique de plus en plus précaire, les exigences de la performance professionnelle, l'angoisse face à la précarité de l'emploi, les critères de réussite élevés, les fermetures d'entreprises, l'augmentation des familles monoparentales, le taux de suicide toujours croissant, le terrorisme international, ...etc. qui pèsent de tout leur poids sur l'équilibre psychoaffectif de tout un chacun. Face à toutes ces réalités du contexte social, le phénomène des Eglises est fondamental dans la prise en charge des souffrances psychiques. Elles proposent à la société un ensemble de réponses adéquates, auxquelles une collectivité a droit quand elle ne comprend plus rien (Ruratotoye, 2008). Les Eglises étayent leur force d'adhésion sur le fait qu'elles prennent en charge ce que les institutions officielles négligent ou rejettent. Elles sont incontournables pour les réponses qu'elles donnent aux questions existentielles de la société et qui seraient difficilement abordables par la logique médicale occidentale. Ainsi la médecine complémentaire gagne du terrain en répondant de plus en plus aux questions et aspirations symboliques liées à la santé.

Il faut noter que le choix d'un itinéraire thérapeutique ne se fait pas de façon anodin car en plus des facteurs sus cités, plusieurs autres facteurs concourent à leur choix. Un facteur est un élément qui conditionne un résultat. Un déterminant est ce qui décide d'une chose ou d'une action (Le Robert, 2008). Ces deux termes sont donc des synonymes.

Dans le cadre de notre étude, un déterminant est un élément ou un facteur qui décide du choix de l'itinéraire thérapeutique en cas de maladie mentale. Ces facteurs peuvent être d'ordre socio-économiques, sociodémographiques, socioculturels, psychosociaux...

Ø Les facteurs socio-économiques : ce sont des facteurs qui concernent à la fois le domaine social et le domaine économique. La situation économique des individus joue ainsi un grand rôle dans choix de leurs itinéraires thérapeutiques en cas de maladie. C'est ainsi que dans la plupart de cas et surtout dans le contexte Africain, les hôpitaux modernes sont plus fréquentés par les hautes, voire les classes sociales moyennes. La basse classe pour sa part trouve sa place dans les autres médecines dites alternatives. Cette dernière classe ne fait appel à la médecine moderne qu'en dernier ressort, ce qui engendrerait parfois des résistances car le temps d'aller des marabouts aux féticheurs, des charlatans aux tradipraticiens, des Eglises et vis vers sa permet à la maladie qui pouvait être soignée au départ de devenir chronique.

Le coût des soins quant à lui influence la fréquentation des formations sanitaires. En général, les coûts de soins traditionnels sont inférieurs à ceux de la médecine moderne, mettant ainsi la tradithérapie à la porté de toutes les bourses. Il en découle que, toutes choses égales par ailleurs, le choix de la médecine traditionnelle lors d'une épisode de maladie dépendra des avantages comparatifs de ses coûts et surtout de sa flexibilité sur la médecine occidentale. Dans ces conditions, les ménages les plus démunis ont le plus recours à la médecine.

Aussi, l'éloignement géographique des centres de santé du fait des coûts supplémentaires qu'il engendre dans la quête d'une thérapie moderne, influence le type de recours thérapeutique lors d'un épisode de maladie. Cet éloignement influence positivement la demande de la médecine traditionnelle.

Ø Les facteurs socioculturels : c'est tout ce qui est relatif à la structure sociale et à la culture et qui contribue à les caractériser (Larousse Médical, 2010). Comme facteurs socioculturels pouvant concourir au choix d'un itinéraire thérapeutique, nous pouvons avoir :

- La perception qu'on les gens du village Bangang c'est-à-dire l'idée qu'ils se font des sur les maladies mentales ; La perception des individus sur un système de soins, ainsi que sur son efficacité détermine leur recours à ce mode de thérapie. Toutes choses égales par ailleurs, plus un système est jugé compatible avec leurs croyances ou leurs attentes, plus les individus auront recours à ce système.

- La religion : A travers les normes, les valeurs et les pratiques qu'elles véhiculent, la religion est un facteur susceptible d'influencer les perceptions, les attitudes et les comportements des individus concernant le recours thérapeutique. Ainsi, les pasteurs thérapeutes des Eglises occupent de nos jours une très grande place dans la prise en charge des malades mentaux qui croient en leurs pouvoirs de guérison. Il faut aussi noter que les animistes dans leur croyance aux esprits trouvent quelque part satisfaction.

- L'habitude. L'importance particulièrement considérable accordée aux us et coutumes traditionnels par la population en Afrique influence fortement le choix de leurs itinéraires thérapeutiques ; Aussi, les croyances étiologiques des maladies et les normes culturelles entrent en jeu. Ceci est particulièrement vrai en Afrique où dans un contexte de crise économique, les individus ont tendance à se conformer de plus en plus aux us et coutumes traditionnels.

Ø Les facteurs psychosociaux : selon le dictionnaire universel 2001 le terme psychosocial est définit comme tout ce qui est relatif à la psychologie des individus dans leur rapport avec la vie sociale. Ces facteurs expliquent les comportements thérapeutiques des individus à partir de leurs motivations, perceptions, connaissances... .La perception d'un caractère de gravité de la maladie modifie l'attitude des parents. Elle les incite à s'adresser à un recours « spécialisé » plutôt que « domestique » où à ne rien faire. Parmi ces facteurs, nous pouvons citer :

- L'ignorance : (manque de connaissances sur les maladies mentales) ; le niveau scolaire participe dans une très large mesure au choix de l'itinéraire thérapeutique.

- Les préjugés c'est à dire les idées (pour la plupart de temps erronées) qu'ils se font des maladies mentales les orientent plutôt vers les itinéraires thérapeutiques autres que ceux conventionnels.

Ø Les facteurs sociodémographiques établissent un lien entre le comportement thérapeutique et les caractéristiques sociodémographiques telles que l'âge, le sexe, le milieu de résidence, la parité, le niveau d'instruction, le statut socio-économique.

En fait, l'âge et la parité sont des prédicateurs significatifs de l'utilisation des services de santé. Plusieurs études ont montré une relation inverse et linéaire entre l'âge ou la parité et l'utilisation des services de santé maternelle et infantile ou des services de santé en général (Mboko, 2010). Le milieu de résidence quant à lui est d'une manière générale, détermine l'utilisation massive des services de santé modernes par les populations urbaines, et à l'inverse, une plus grande propension des populations rurales à recourir à la médecine traditionnelle ou à l'automédication.

TABLEAU I : MODELE D'ANALYSE

CONCEPTS

DIMENS-SIONS

COMPOSANTES

INDICATEURS

Maladies

mentales

Névroses

-Névrose d'angoisse

Agitation, fatigabilité, irritabilité, perturbation du sommeil, difficulté de concentration

-Névrose phobique

phobies des situations, phobie des objets, des animaux...

-Névrose obsessionnelle

-Les thèmes obsessionnels, les rites et les rituels obsessionnels

-Névrose hystérique

Symptômes hystériques, les manifestations physiques

-Névrose post

- Traumatique

Cauchemars, traumato-phobie, réactions d'anxiété fatigue, dépendance

psychoses

Psychoses aiguës

BDA, psychose puerpérale, l'accès confusionnel

 

Psychoses chroniques

Schizophrénie, paranoïa, troubles bipolaire de l'humeur

 

Troubles de l'humeur

Troubles dépressifs

Détresse, pleurs, dégoût de la vie, anxiété, agitation, ralentissement psychomoteur

Troubles bipolaires

Syndromes dépressifs

Syndromes maniaques

Itinéraires thérapeutiques

Médecine moderne

Services de santé mentale

-Psychologues ;

-Psychiatres ; -Infirmiers spécialisés en santé mentale.

Médecine traditionnelle

Tradithérapeutes

Marabouts/féticheurs

Dignitaires religieux

Pasteurs/prêtres exorcistes

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"Un démenti, si pauvre qu'il soit, rassure les sots et déroute les incrédules"   Talleyrand