INTRODUCTION GENERALE
La présente étude est un projet de recherche
portant sur le sujet suivant :
Systématique phonologique et morphologique
du baguiro de Zangba (Sud-Est de Centrafrique)
Le baguiro désigne un peuple et
une langue. C'est l'une des langues issues du groupe Sara. Il est
localisé dans la sous-préfecture de Zangba, une région
située au bord du fleuve Oubangui au Sud-est de la République
Centrafricaine. Les Baguiro sont minoritaires, ce qui explique la
méconnaissance de leur parler.
Notre préoccupation se justifie du fait que cette
languese sent menacée et vouée à la disparition, elle doit
en effet être sauvegardée. Ce souci avait suscité la
même chose chez Amadou HAMPATÉ Bâ (1972:2) dans
l'Étrange destin de Wangrin lors qu'il affirme:
«Quand un peuple perd sa langue, il perd aussi son
identité et cesse d'être lui-même ».
Pour que notre travail soit bien structuré, nous
commençons d'abord par une présentation du cadre d'étude,
ensuite nous présenteronsle peuple Baguiro, et enfin nous
ébaucherons les grandes parties de ce travail sans oublié de
proposer un plan de Mémoire en Master II.
1. Présentation du Cadre
d'étude
1.1. Les frontières géo politiques de la
RCA
Avec une superficie d'environ 623 000 km2, enclavé au
coeur du continent africain, la République Centrafricaine (RCA) partage
désormais une frontière avec six (6) pays : le Tchad au nord (sur
1197 km), le Soudan et le Sud Soudan à l'est (sur 1165 km), au sud le
Congo (Brazzaville) sur 467 km et la RDC (République Démocratique
du Congo, ex-Zaïre) sur 1577 km du fleuve Oubangui, et à l'ouest,
le Cameroun (797 km) qui l'isole de l'Atlantique, l'océan le plus
proche, situé à environ 1500 km. Le pays se présente
commeune vaste pénéplaine allongée d'ouest en est, d'une
altitude moyenne de 600 à 700 mètres, et constituant la ligne de
partage des eaux entre le système hydrographique du Tchad et celui de
l'Oubangui et du Congo.
La population est d'environ4,5 millions d'habitants. Les trois
quarts de cette population se concentrent dans le sud-ouest et le Centre-Nord
du pays tandis que la région orientale est peu peuplée. La RCA
est tributaire de la voie fluviale Oubangui-Congo et des routes vers le Tchad
et le Cameroun, la RCA doit encore renforcer son intégration dans la
zone CEMAC
Carte n°1 : Frontières
géo politiques de la RCA
Sud Soudan
Source: VENNETIER(P) et al.1984:Atlas de la
République Centrafricaine, les Éd. Jeune-Afrique, p.2
1.2. Présentation de la zone
d'étude
Zangba est l'une des six (6) sous-préfectures de la
Basse-Kotto. C'est une petite ville située au bord du fleuve Oubangui
dans la partie Sud de la République Centrafricainequi couvre environ
17.604 km2. Elle compte au moins deux(2) grandes Communes qui sont :
Oumbé et Yabongo ainsi que quelques dizaines de villages.
Zangba se trouve à environ 530 km de la capitale
centrafricaine. Elle est limitée à l'Est par la
sous-préfecture de Mobaye,au Nord par la sous-préfecture
d'Alindao, à l'Ouest par la Sous-préfecture de Kouangoet au Sud
par la République Démocratique du Congo. Cette ville était
d'abord un poste de contrôle administratif puis érigé en
sous-préfecture en 1965.
D'après le Bureau Central de Recensement(BCR) et, selon
les récentes études de la population Centrafricaine, notamment le
Recensement Général de la Population et de l'Habitat de 2003, la
population de Zangba est dénombré à cinq mille quatre cent
cinquante-neuf (5459)habitants. Elle n'est pas assez dense et est presque
homogène. On retrouve également un mélange des
ngbuìgù, des Yàkpà et quelques Commerçants
Haoussa.
Les Baguiro connaissent presque tous le Sängö, la
langue Nationale de Centrafrique. Seuls quelques vieillards qui se tiennent
à l'écart l'ignorent. Un bon nombre a une connaissance plus ou
moins bonne d'une autre langue voisine locale le Yàkpà et surtout
le ngbuìgù qu'ils ont acquises. Avec ces populations autochtones,
ils se comprennent entre eux.
Pour d'amples précisions, voici ci-après une
illustration cartographique.
Carte n°2 : Localisation de
Zangba
S/P d'Alindao
Kongbo
Sous-préfecture de Kouango (Ouaka)
S/P de Mobaye
République Démocratique du
Congo
Source : Fond ING au 1/200000,
LACCEG, Guy LASSERRE, Université de Bangui,
Avril 2012
1.3. La situation linguistique de la RCA
Retenons qu'il y a une soixantaine de langues en Centrafrique
qui font parties de deux grandes familles linguistiques: la famille
nigéro-congolaise et la famille nilo -saharienne, la première
étant de loin la plus représentée. Parmi ces langues que
nous citerons, seul le kaba est une langue de la famille nilo-saharienne,
toutes les autres appartiennent à la famille
nigéro-congolaise.
On a toujours pensé que l'implantation de la
diversité ethnique sur le territoire Centrafricain est récente;
mais Daniel BARRETEAU et Yves MONINO après tant de recherche, affirment
que «l'existence des ethnies sur le territoire Centrafricain a duré
depuis plus d'un millénaire ». La RCA a subi aussi de nombreux
flux migratoires. La géolinguistique de la RCA d'après le
classement de GREENBERG dans The languages (1966), comprend Cinq
grands groupes linguistiques aux rangs desquels nous avons les groupes : Gbaya,
Banda, Ngbandji, Ngbaka et Zandé-nzakara.
Carte n° 3 : Carte géolinguistique de la
RCA
Cameroun
Soudan
Sud-Soudan
Tchad
République Démocratique du
Congo
Congo
Source : VENNETIER, P. et al.1984 : 6
1.4. Présentation des langues
Adamawa-Oubanguiennes
Selon BARRETEAU (1978:195), dans Inventaire des
études linguistiques sur les pays d'Afrique noire d'expression
française et Madagascar:
«Les langues oubanguiennes sont
représentées principalement en Centrafrique où cette
langues dominante par son extension géographique et par le nombre de
locuteurs... »
Parmi les langues parlées par plus de 60 000 locuteurs,
mentionnons le manza (220 000), le gbaya du Nord-Ouest (200 000), le gbaya de
Bosangoa (176 000), le gbaya du Sud-Ouest (164 000), le banda du Sud (150 000),
le bokoto (130 000), le banda-banda (102 000), le yakoma (100 000), le gbanou
(95 000), le karé (93 000), le ngbaka ma'bo (88 000), le pana (82 000),
le kaba (72 000), le zandé (62 000) et le mbati (60 000). La
plupart des autres langues ont des locuteurs, parfois moins de 5000.
Diagramme des langues de la famille
Adamawa-Oubanguienne
Adamawa-Oubanguienne
Oubanguienne
Adamawa
Nord-Ouest (M'Bum)
Nord-Est (Sara)
kaba
ngam
Ngambay
Baguirm
Baguiro
Valé
Ngama
Dagba...
Source : la réadaptation de l'ALAC
par l'ILA
2. Présentation du peuple Baguiro
2.1. Historiquedu peuple Baguiro
Au début du second millénaire, l'Égypte a
conquis les territoires au sud de la deuxième cataracte du Nil,
appelés pays de Koush. Des siècles plus tard, les koushistes
eurent leur indépendance, leur roi pris le contrôle de
l'Égypte et fonda la XXVe dynastie noire. De 663-730, trois
(3) royaumes se succédèrent à Koush : Nabita, Makura et
Alodia qui se convertissent au Christianisme. Mais vers les années 652,
les Arabes atteignirent Dongola, capitale de Makura en Nubie et
propagèrent l'Islam à partir du XIe siècle.
Aux siècles suivants, ils s'emparèrent des
royaumes Chrétiens en occupant Kordofan et Darfour.Le royaume d'Alodia
succomba à son tour en 1504. La disparition de ces royaumes
Chrétiens dans le sud Egyptien a donné l'occasion aux
chaméliens de s'emparerde la vallée du Nil. Ces populations vont
migrer dès le XIVe siècle, depuis la vallée du Nil vers
l'ouest en atteignant Kampala vers le sud. De Kampala, ils durent obliquer vers
le sud-ouest, poussèrent jusqu'au Soudan où ils auraient
donné naissance au peuple Sara-Bongo-Baguirmien(SBB) comptant une
trentaine de langues couvrant principalement le Sud-ouest du Soudan, le Sud du
Tchad et le Nord de la République Centrafricaine. Bien que sensiblement
diversifiées, cette famille linguistique forme un groupe
généalogique cohérent, dont l'unité historique est
étayée par l'existence de similitudes phonologiques et
morphologiques mais aussi de pratiques culturelles.
Le peuple Sara de son côté va s'installer sur le
long du cours supérieur du Logone et peupler les deux vallées du
Pendé. Dès le XVIe siècle, les Sara
occupèrent la vallée de l'Ouham (Barh-sara). Ils étaient
l'un des premiers occupants des Batangafo, Kabo et Ndélé. Le
peuple Sara est composé d'une dizaine d'ethnies parmi lesquelles nous
avons : Les Kaba, les Ngam, Les Mbaye, les Ngambaye, les Baguirm, les Ngama,
les Dagba, le Baguiro, etc.
L'histoire du peuple Baguiro est donc liée à
celle du groupe (cf. p.13). Mais selon des sources concordantes, ce peuple
s'appelait des « Baguirm ». Ils étaient des guerriers, des
conquérants à tel point qu'ils étaient constamment en
conquête d'autres territoires. Partout sur leur passage ils tendaient des
« guénos » c'est-à-dire des embuscades. Ils
livrèrent la guerre avec la population présente ; notamment dans
la région de Kouango, Mobaye et Zangba. Finalement, ils
obligèrent les Ngbuìgù, et les
Yàkpàà céder la région de Ndengu qui
deviendra leur première terre d'accueil et de vie définitive.
En effet, les Baguiro qui venaient de s'installer ne
disposaient ni de terre cultivable, ni de pâturage ni de ressources
alimentaires et autres. Ils étaient presque dépourvus de tout.
Sous cette impuissance vitale, ils étaient attirés par la
forêt tropicale de l'autre côté de l'Oubangui. C'est ainsi
qu'une bonne partie a traversé le fleuve Oubangui sur des troncs des
bananiers et s'est dirigé vers le Zaïre, actuel République
Démocratique du Congo où se sont constitué en ethnie
« fulu ».Le reste des Baguiro présent en RCA se sont
répondu progressivement dans la région de Zangba, Mobaye, Alindao
et Kongbo. Avec l'évolution des choses, et pour besoins de services, ils
se trouvent aujourd'hui à Bambari, Bangui et quelques villes de la
République Centrafricaine.
Par ailleurs, une approche onomastique de l'item «
baguiro » justifie les faits historiques, c'est-à-dire le
caractère féroce et tenace de ce peuple ; car à
l'époque, ils se métamorphosaient en hippopotames, en
éléphants en lions, etc.Ces Baguiro métamorphosés,
terrassaient tout sur leurs passages, détruisaient les champs de
bananiers, de maïs, de mils, de patates. C'est ainsi que les
Ngbuìgù, et les Yàkpà ont fini par faire alliance
avec ce peuple qu'ils appelaient des « guiro » synonyme des «
fauves ». Donc, baguiro est la déformation du « baguirm »
: ba (guerriers), guiro (fauves) ; en bref, baguiro veut dire les guerriers
fauves ou encore les fauves conquérants. Dès le XIXe
siècle, l'ère de la colonisation avait commencé et avec
elle se termine l'histoire précoloniale du peuple Baguiro.
2.2. Sociologie du peuple Baguiro
Lasociété baguiro est un système de
conseil comprenant les plus anciens de chaque lignage qui veillent à la
bonne marche de la communauté. Ceux-ci sont censés
défendre les intérêts moraux et matériels de leur
groupe. Les habitations sont composées des cases rondes et
rectangulaires. La plus part des toitures sont faites de pailles et de tuiles
sauvages à l'exception de quelques-unes en tôles d'aluminium.
Autrefois les murs des cases étaient faits de pisées en terre de
termitière pétrie par les femmes habillant une armature de bois.
Mais de nos jours, on préfère des briques de terre cuites ou
séchées au soleil.
L'homme assure l'alimentation de la famille en produits
agricoles, de chasse et de pêche. La femme est vouée à de
diverses activités beaucoup plus domestiques. Elle doit une soumission
entièrement à son mari. Etant polygame, le père ou chef de
famille cohabite successivement avec l'une ou l'autre de ses épouses qui
possèdent chacune une case. Les hommes envisagent de prendre plusieurs
femmes afin d'accroître la main d'oeuvre familiale. C'est ainsi que la
polygamie est fortement répandue dans le milieu Baguiro. Ce sont les
hommes appartenant à trois ou quatre générations d'un
même lignage ainsi que leurs épouses et enfants qui composent un
« groupe cognatique patrilinéaire». C'est-à-dire tous
ceux qui se reconnaissent d'une même descendance. Le mariage traditionnel
étant patrilocal, la femme quitte sa propre famille biologique au moment
du mariage et va fonder son foyer avec son nouveau conjoint. Autrefois, le
choix de la conjointe revenait exclusivement aux parents. Mais de nos jours les
intéressés ont une grande liberté dans ce domaine.
2.3. Activités socio-économiques du
peuple Baguiro
Les Baguiro sont majoritairement des agriculteurs,
cultivateurs, pêcheurs et chasseurs. Ils pratiquent aussi la cueillette,
la forge et plus ou moins la poterie et la vannerie. Les travaux agricoles
s'effectuent essentiellement en saison de pluies. Les champs sont parfois
éloignés des villages. Dans ces champs, ils cultivent les
céréales, aliments de base, accompagnés de quelques
cultures vivrières (le manioc, l'igname, la patate, les légumes,
etc.). Le café est produit pour la commercialisation.
2.3.1. La chasse
En saison sèche, les hommes s'organisent en groupe pour
faire la chasse. Elle ne se fait pas n'importe comment et n'importe où.
Naturellement c'est le chef de terre ou le chef de clan qui l'organise. Ce jour
est considéré comme un évènement important. Cette
chasse est caractérisée par un grand feu de brousse où de
vastes étendues sont ravagées. Ceux qui possèdent de
filets tendent des pièges sur le passage des animaux au moment de leur
délogement, les autres qui disposent de sagaies, de couteaux à
jets, etc., poursuivent les gibiers qui sortent pour se sauver. De retour
à la maison, les chasseurs sont accueillis par tout le village entier.
Le nombre de gibiers tués faits l'histoire de l'homme. Le jour de sa
mort, on lui rend gloire à partir de tout ce qu'il a fait de son vivant
sur terre notamment dans le village.
2.3.2. La pêche
En pays Baguiro, beaucoup de systèmes sont mis en place
pour pratiquer la pêche. Pendant la saison pluvieuse, les hommes
construisent une espèce de barrages sous formes de digue où ils
laissent de petits trous par lesquels l'eau coule. Ils y introduisent des
nasses dans lesquelles viennent se jeter les poissons qu'ils ramassent. Ils
font également la pêche au moyen des filets et hameçons.
Quand les eaux tarissent, les femmes vont dans des marécages pour monter
des barrages et où à l'aide des calebasses, elles écopent
l'eau et chacune ramasse les poissons qui gisent dans la boue.
2.3.3. L'élevage
Par ailleurs, on note la présence d'un petit
élevage de caprins, de porcins et de volaille. Il permet de satisfaire
de besoins immédiats et constitue le prestige des paysans.
2.3.4. L'artisanat
Les activités artisanales sont destinées
à la fabrication des mortiers, des pilons des manches de houe, etc. Il y
a quelques forgerons qui se sont spécialisés dans des objets
variés. Ces objets proviennent des pierres taillées ou du fer
obtenu d'épaves des véhicules. Les femmes se consacrent à
la décoration de calebasses. Elles s'intéressent également
à la poterie qui relève du domaine du sacré où il
faut remplir plusieurs rites pour la réussir.
Dans la société Baguiro, il y a diverses
activités reparties en fonction des contextes. Seulement nous ne
donnerons pas plus de détails comme l'auraient souhaité nos
lecteurs. Sur ce, nous allons procéder à la classification
linguistique du baguiro.
2.4. Statut et classification linguistique du
baguiro
Dans sa classification des langues africaines : The
languages,GREENBERG (1966), range le baguiro dans la branche orientale du
sous-groupe soudanais central. Ce qui signifie que le baguiro est l'une des
langues du groupe linguistique Sara.
Des travaux de A.N. TUCKER et J.M.C. THOMAS, complétant
la documentation sur les langues du Tchad proposent une classification dans
laquelle le baguiro a le statut de sous-groupe.
Mais la classification la plus cohérente est
donnée par Pascal BOYELDIEU (1987) dans : Description des
langues Fer (kara) et yulu du nord Centrafricain. En rattachant le baguiro
à l'ensemble Sara-bongo-baguirmien, il parle d'une parenté
linguistique où cette frange linguistique située à cheval
entre le Tchad, le Soudan et la Centrafrique.
La classification de ces langues du sous-groupe soudanais
central, moins génétique ou généalogique retient
comme élément de base les similitudes lexicales phonologiques,
parfois morphologiques et syntaxiques.
Schéma généalogique des langues
Sara-Bongo-Baguirmiens (SBB)
SBB
Langues et dialectes afférents
*Sara
Ndoka
wad
bagiro
tiye
Kulfa
sime
baguirm
bulala
beraku
'barma
sar
mbay
ngambay
kaba
`bedjond
*Modo
beli
molo
lori
morokodo
nyamusa
gweri
baka
*Bongo
*yulu
*Fer
gula koto
*gula
gulazura
bubu,
gulasara
*ndoga
lito
Source : Boyeldieu (P) &Nougayrol (P),
2004, Les marques personnelles des langues Sara-Bongo-Baguirmiens (SBB),
Louvain-Paris, Peeters (Afrique et Langage 8), 23-42.
Remarque : l'astérisme (*)
représente les langues et les autres écrites sans (*) sont des
dialectes.
Cadre théorique et Conceptuel de
recherche
1. Méthode théorique
Toute recherche exige une certaine méthode d'approche
afin de guider la recherche vers une voie scientifique, car une recherche sans
méthode ou fondement théorique est vouéà des
dérapages. La linguistique en tant que discipline scientifique
possède bel et bien plusieurs méthodes d'approches pouvant guider
le chercheur dans ses analyses. Pour éviter des éventuelles
ratées et pour la validité de notre travail sur le plan
scientifique, nous souhaitons donc suivre les sillages laissés par nos
prédécesseurs.
Pour ce fait, c'est à André Martinet,père
du fonctionnalisme, une théorie issue du courant structural que nous
devons notre vocation et notre formation de linguiste.
Selon ce dernier dans Éléments de
linguistique générale (1970:20) :
«Une langue est un instrument de communication
constituée d'éléments doués d'un contenu
sémantique et d'une expression phonique, les monèmes; cette
expression phonique s'articule à son tour en unités distinctives
et successives, les phonèmes en nombre déterminé, dont la
nature et les rapports mutuels diffèrent aussi d'une langue à une
autre».
Donc, la langue est un système, un ensemble
d'éléments dont chaque élément est défini
par les relations qu'il entretient avec les autres éléments du
système. Ces unités linguistiques quelles qu'elles soient sont
reliées entre elles selon deux fonctions à savoir la fonction de
la mise en opposition (distinctive)et la fonction de la mise en
contexte(combinatoire).
L'analyse structurale d'une langue est faite à
partird'un recueil de données linguistiques brutes (corpus). Lors de
cette analyse, deux opérations (la segmentation et la commutation)
s'effectuenten vue de rendre compte du fonctionnement de la langue.
Dans le cas de notre description et grâce aux
données de notre corpus, nous aurons recours à la
procédure d'identification, de définition et de classement des
différents traits caractérisant le baguiro. Ceci dit, d'un rang
inférieur à un rang supérieur, du phonème au
morphème, du morphème au mot, du mot à la phrase.
La méthode descriptive que nous utiliserons dans la
formulation des règles morphologiques sera celle qui a été
élaborée dans Description systématique du ngbaka-manza
de Bogangolo en Centrafrique par Apollinaire SELEZILO à qui nous
devons notre gout pour la recherche et notre formation pour la linguistique
africaine.
Selon J-M. Essono (2006 : 165) dans Phonétique,
Phonologie et Morphologie cité par Apollinaire SELEZILO :
«La morphologie apparaît comme une passerelle
indispensable entre la phonologie et la morphologie. L'importance de cette
morphologie réside dans le fait qu'elle donne l'occasion de formaliser
les règles qui expliquent les faits linguistiques observés en
phonologie et en morphologie.»
Notons enfin que pour renforcer nos analyses avec les travaux
d'autres linguistes, nous nous sommes inspirés aussi de la
démarche entreprise par Séraphin Personne FÉIKERE dans
Description du gbaya-boro (phonologie-morphologie-syntaxe). C'est
grâce à son intervention ainsi que de son expérience que
notre vocation a pu se réaliser. Toutes ses analyses nous ont
été indispensables dans l'élaboration de ce Projet de
recherche.
2. Définition des concepts
clés
Avant d'aborder les raisons qui nous ont motivées et du
contexte dans lequel s'inscrit ce travail, il nous semble nécessaire de
revenir sur quelques points sémantiques rendant plus intelligibles la
démarche scientifique adoptée.
Selon M. HOUIS (1975:5) :
«La description d'une langue est la
présentation et la classification des régularités
observables [...]. La description linguistique doit être
systématique, c'est-à-dire complète et totale ; elle
est l'analyse des réalités observables du
corpus ».
· La systématique définit par cet
auteurdans son sens courant veut dire «complet, exhaustif» à
partir des données linguistiques brutes recueillies (corpus)
auprès des locuteurs d'une langue donnée qui serviront comme
objet d'une analyse afin d'élucider le fonctionnement d'une langue.
Donc,du point de vue méthodologique, une
systématique phonologique et morphologique est une
étudeextensive, c'est-à-dire basée sur la collecte et
l'observation d'un grand nombre de données réelles. Cette
activité de collecte et d'exploitation de grandes masses de
données s'accompagne d'une activité de réflexion sur les
enjeux, à la fois techniques et théoriques, de la constitution de
corpus pour la phonologie et la morphologie.
· La langue définit par Le Petit Larousse
Illustré(1995:556), est:
«Un système de signes verbaux propre à
une communauté d'individus qui l'utilisent pour s'exprimer et
communiquer entre eux.»
Ferdinand de SAUSSURE, pense que :
«La langue est un trésor déposé
par la pratique de la parole dans les sujets appartenant à une
même communauté. »
Au regard des définitions sus citées, nous
déduisons que la langue est un système de signes linguistiques
vocaux, graphiques ou gestuels qui permet la communication entre les
différents membres d'une communauté donnée.
Pour mieux cerner la Phonologie et la Morphologie, il importe
de les découper, et ceci de la manière suivante:
· Phonologie: Phon= son; Logie =
étude. Donc, la Phonologie est l'étude des Sons.
· Morphologie: Morph = forme; Logie =
étude. Ce qui sous-entend que la morphologie est l'étude
des formes.
A notre avis les découpages de ces termes ainsi que
leurs définitions sont lapidaires. Pour cela, voyons ce que disent les
linguistes:
D'après J. DUBOIS et al. (1973:326) :
«La phonologie est une étude des
éléments d'articulation de deuxième niveau, ou
phonèmes d'une langue donnée. Elle définit le
phonème qui est la plus petite unité dépourvue de sens que
l'on peut trouver dans la chaîne parlée. Quant à la
morphologie c'est l'étude des formes des mots (flexion et
dérivation par opposition à l'étude des fonctions ou
syntaxe »
Catherine FUCHS directeur de recherche au CNRS, affirme
que :
«La phonologie a pour objet le phonème qui est
la plus petite unité phonique distinctive, ainsi /p/ et
/b/ qui permettent de distinguer par exemple
«pain» et «bain». La
morphologie toujours selon elle, étudie la formation des mots et leurs
variations.»
Les approches définitionnelles sus citées, nous
semblent éloquentes. Effectivement, la phonologie est une étude
scientifique qui s'occupe d'une entité abstraite, une classe de sons qui
partagent la même opposition à d'autres sons dans une langue
donnée. Chaque classe s'appelle un /phonème/.Donc, la phonologie
est une étude qui recherche les différences de prononciation qui
correspondent à des différences de sens, c'est-à dire, des
oppositions distinctives dans une langue donnée.
En ce qui concerne la morphologie, c'est une étude
scientifique de la forme des mots, de leur structure, comment ils sont
construits. Autrement dit, c'est une étude qui s'occupe de la plus
petite unité de forme et de sens dite «morphème».
L'intérêt de leur étude se situe du point de vue de leur
forme, de leur fonctionnement et de leur formation dans une langue
donnée.
3. Justification du choix de sujet
Le Projet que nous avons entreprisest une amorce de la
description systématique de la langue baguiro. Qu'on ne prenne surtout
pas le mot «systématique» dans son sens courant de
«complet, exhaustif». L'intitulé indique le fil conducteur qui
nous guidera à étudier la phonologie comme un système de
traits pertinents, un ensemble d'éléments en relations mutuelles
et au tout,mais aussi la morphologie comme un système des
systèmes qui apparaît à travers la systématique des
morphèmes, c'est-à dire tous les morphèmes et les
systèmes qui les sous-tendent.
Puisque que la langue est un outil de communication, le
baguiro est ce système et ce moyen d'expression permettant à sa
communauté de se communiquer. La langue détermine la valeur ou
l'histoire d'un peuple, car on connait une société grâce
à son parler. Ses locuteurs devraient l'entretenir, la préserver
pour mieux perpétuer le savoir qu'elle regorge en la mettant sur un
support. L'enjeu social que représente la description d'une langue peut
expliquer indéniablement notre intérêt porté
à cette langue. Car une langue décrite a plus de chance de survie
plus que celle qui ne l'est pas encore.
Si aujourd'hui notre choix s'est porté sur le baguiro,
ce n'est nullement un fait fortuit, mais c'est pour ces raisons bien
évidentes,surtout du fait que le baguiro est une langue minoritaire en
voie de disparition sur la carte linguistique de la République
Centrafricaine.
Nous nous sommes rendu compte que plusieurs langues
centrafricaines de façon stéréotypées ont fait
l'objet de description et d'étude approfondie. Cependant et,
jusque-là aucune recherche n'a été menée sur le
baguiro, alors que toutes les langues se valent et peuvent exprimer de
façon différente tout le savoir humain.
Il est donc impérieux de recourir aux langues locales
africaines comme moyens de communication et d'information des
réalités modernes si l'on veut atteindre les populations au raz
des villages pour un développement durable.
4. Problématique de recherche
Le contexte de notre recherche étant ainsi posé,
se dessinent les questionnements les plus pertinents auxquels ceux-ci
renvoient. En effet, partant de l'idée qui est celle de montrer en quoi
consiste l'étude phonologique et morphologique du baguiro, nous
répondront aux questions suivantes.
· Pourquoi étudier le baguiro, alors qu'il existe
tant de langues non décrites?
· Pourquoi seulement l'aspect phonologique et
morphologique?
· Quelle est la pertinence d'une telle description sur le
plan scientifique?
5. Hypothèses de recherche
Le baguiro est une langue à tradition orale, c'est
pourquoi si elle est décrite, cela pourrait non seulement la
sauvegarder, mais aussi la faire découvrir aux non natifs.
Cette description est phonologique et morphologique dans la
mesure où ces deux sont les points de départ de toute
étude d'une langue. La phonologie s'occupe de la fonction des sons dans
la transmission d'un message, elle recherche les différences de
prononciation qui correspondent à des différences de sens: ce
qu'on appelle des oppositions distinctives appartenant à deux (2)
classes distinctes que sont les phonèmes. La morphologie quant à
elle, s'occupe des plus petites unités de forme et de sens qu'on appelle
les morphèmes.
Signalons enfin que la pertinence scientifique de cette
description est de faire ressortir les spécificités qui
distinguent le baguiro des autres langues. Aussi, une occasion pour les
linguistes d'enrichir cette langue afin d'être utilisée dans des
secteurs de modernités pour les peuples qui la parlent.
L'étude phonologique et morphologique du baguiro, bien
qu'elle puisse révéler quelques lacunes, nous a semblé
suffisamment cohérente pour mériter d'être
présentée ici. Nous mentionnons que le travail dans lequel nous
nous sommes lancé soit un véritable travail de pionnier.
6. Recensions des écrits
Suite à nos recherches documentaires, nous nous sommes
rendu compte que la langue baguiro n'a jamais fait l'objet d'une
véritable recherche. La plus part des informations que nous avons
reçues concernant les travaux réalisés restent virtuels.
Toutefois, quelques indices certains nous ont révélé les
ouvrages qui suivent :
· BOYELDIEU(P), 1987 Descriptions des langues Fer ou
Yulu, SELAF, Paris (Bibliothèque 47);
· 2000, Identité tonale et filiation des
langues sara-bongo-baguirmienne, (Sprache und Geschichte inAfrica SUGIA,
Beiheft 10);
· 2004, Bongo, ndoka, nduga (kaba de Paoua,
yulu) ;
· NOUGAYROL (P), 1991, Le système des
personnels en bongo-bagirmi, Communication au 22ème Colloque Annuel
de Linguistique Africaine (ACAL), Université de Nairobi;
· 1999, Les parlers gula (Centrafrique, Soudan,
Tchad), Grammaire et lexique, Paris, CNRS Editions.
Il faut signaler que ces ouvrages restent introuvables, ce qui
ne nous permettra pasde faire une analyse du contenu afin de voir leur impact
sur notre sujet. Mais dans la mesure où l'on note quelques similitudes
des variantes dialectales du groupe Sara, nous nous sommes permis de
présenter quelques travaux réalisés à ce sujet
juste pour étoffer une pareille recherche documentaire aussi si pauvre.
· DAOTA(J.R), 1991: La détermination en
Kaba, Mémoire de Maîtrise, Université de
Bangui(FLSH);
Ce chercheur a tenté de faire un rapprochement
structural entre les différents constituants syntagmatiques.
· NADJIROM (B), 2005 : Description phonologique et
lexicale du ngambay parlé dans la rue, Mémoire de
Maîtrise, Université de Bangui (FLSH);
L'auteur a fait un inventaire lexical
spécialisé de la langue ngambay et il a mis l'accent sur les
systèmes phonologiques de cette langue.
· NARIDJIMTEZ (J), 2003 : Esquisse phonologique du
parler Sara de BESSADA du sud du Tchad, Mémoire de Maîtrise,
Université de Bangui (FLSH);
Il convient de noter que ce travail n'est pas archivé
au département de Lettres modernes et nous ne l'avons donc pas pu
consulter. Faute de documentation quelques apports et regards critiques ne
seront pas effectifs comme nous l'aurions souhaité.
7. Objectifs de recherche
Tout travail de recherche exige un objectif et une
perspective, afin de déterminer son apport aux travaux de la
communauté scientifique.
En effet, dans le cadre de la recherche que nous menons, nous
souhaiterons à travers les objectifs linguistiques :
· Expliquer comment un linguiste problématise et
analyse un phénomène phonologique et morphologique
spécifique depuis la collecte des données jusqu'à leurs
théorisations ;
· Présenter les mécanismes de
fonctionnement de la langue baguiro.
Nous supposons enfin qu'à travers les objectifs
généraux, la langue baguiro puisse
êtredotée d'uncodeorthographiquepratique et normé, le cas
échéant être aménagée. Ceci permettrait
à des domaines tels que la Religion, l'Enseignement et bien d'autres
encore d'avoir un outil indispensable pour la confection des ouvrages
pédagogiques, d'alphabétisation et
d'évangélisation
Cadre méthodologique
Pour mener une recherche ou un travail scientifique, il
s'avère indispensable de circonscrire les travaux dans un champ
d'étude. C'est dans ce champ que s'opéreront les démarches
auxquelles est voué le chercheur.
Eu égard à cela, notre méthodologie a
suivi trois (3) grandes phases, à savoir: la phase dite
«Préparatoire», la phase dite «de Terrain» et la
phase dite «Analytique». Signalons que les Atouts-Limites de cette
recherche ainsi que les difficultés rencontrées
compléteront la pertinence de cette démarche
méthodologique.
1. Phase Préparatoire
La phase dite «Préparatoire» a
été primordiale dans l'organisation de notre recherche. Cette
phase est axée sur la population cible et les outils de recueil des
données.
1.1. Population cible
De l'avis de THOMAS, J-M. C. et BEHACHEL, A.
(1980 : 19-20), cité par Apollinaire SELEZILO:
[...Habituellement en Linguistique ou en Sciences humaines
de manière générale, on parle de la population cible quand
on fait allusion à un ensemble de personnes habitant sur un espace
déterminé capable de produire des données de
recherche...]
Nous nous sommes donc focalisé sur les peuples
potentiels de la langue en question. Ces derniers sont localisés dans la
Sous-préfecture de Zangba (cf. Carte N°2).
La principale enquête que nous avons menée sur un
échantillon de certains locuteurs a été
réalisée dans cette localité. Mais compte tenu des
facteurs sociologiques et surtout de la validité scientifique des
données, nous avons pris le risque de cibler deux(2) localités
subsidiaires là où les communautés Baguiro sont
importantes. Il s'agit d'une partie de la ville d'Alindao dans la Basse-kotto,
ainsi qu'une partie du 7è arrondissement (Ngaragba-Kassaï) de la
ville de Bangui.
1.2. Outils de recueil des données
En effet, après avoir ciblé nos sites de
recherche, nous avions proposé et apprêté quelques outils
pour le recueil des données. Cela nous a ainsi amené à
dresser deux (2) questionnaires: l'un réservé à l'histoire
et la sociologie de ce peuple, l'autre d'inventaire linguistique
constitué d'un lexique en français destiné à la
langue. Enfin tout ce qui nous a permis l'enregistrement et d'avoir
l'objectivité est un téléphone portable de marque
«TCNO VELL-COM 80X.
2. Phase de terrain
2.1. Déroulement de la recherche
Notre enquête s'est effectuée en deux (2)
périodes. La première s'étend d'Août à
Septembre 2011. Durant cette période nous avons débuté
dans le 7è arrondissement de la ville de Bangui notamment les quartiers
Ngaragba-Kassaï où nous avons effectué un travail de
pré enquête de neuf (9) jours; ensuite nous avons mené la
principale enquête dans la localité de Zangba durant un
séjour de dix-sept (17) jours.
Dans le souci d'une recherche approfondie et de
compléter quelques insuffisances, nous avons reconduit l'enquête
entre fin Février et début Mars 2012. Lors de cette seconde
période, nous avons bouclé notre recherche après un
séjour de huit (8) jours dans la ville d'Alindao.
Ainsi, ces périodes nous ont permis de recueillir nos
données sur un échantillon de locuteurs potentiel du baguiro.
2.2. Echantillonnage
Il est évident que dans certain cas, nous avons
dû improviser des enquêtes, qui malgré tout nous ont
donné des résultats très intéressants de par leur
nature spontanée. Seulement, nous avons jugé peu utile de
mentionner les identités de nos sources occasionnelles.
En dehors de ces cas, nous avons toujours pris la
précaution d'informer préalablement nos interlocuteurs de notre
démarche intellectuelle, considérant que nous avions un devoir de
transparence vis-à-vis des gens acceptant de se soumettre à nos
questionnements, et ce quelque soit leur statut.
Ainsi, parmi les trente et sept (37) locuteurs
rencontrés et interrogés, il nous semble nécessaire
présenter brièvement ici l'identité de nos quelques
informateurs de référence dans le tableau ci-après:
N°
|
Nom(s)et Prénom (s)
|
Age
|
Catégorie socio-
Professionnelle
|
Lieu de
Résidence
|
01
|
OROKO Luc
|
71 ans
|
Gendarme à la retraite et ancien footballeur.
|
Castor (Bangui)
|
02
|
SANZE Bernard
|
66 ans
|
Ancien combattant,
actuellement chef de groupe
|
Ngaragba(Bangui)
|
03
|
BENGO Georgine
|
68 ans
|
Cultivatrice
|
Alindao
|
04
|
YELO Annie
|
48 ans
|
Ménagère
|
Oumbé(Zangba)
|
05
|
GBIAGNON Félix
|
37 ans
|
Chef de village
|
Ngulibi (Zangba)
|
3. Phase Analytique
3.1. Corpus
Les démarches susmentionnées nous ont permis de
recueillir et de transcrire les données constituant notre corpus.
Celui-ci est constitué d'un recueil de vingt (43) proverbes baguiro,
trois (3) conte et d'un lexique de mille trois soixante-dix (1370) items
baguiro-français.
3.2. Matériaux de description du
corpus
Deux (2) matériaux nous ont favorisé la
description du corpus. Notamment l'Alphabet Phonétique International
(API) et l'Alphabet de l'Institut Africain International (IAI) pour certains
sons. Il faut signaler que presque toutes les données brutes recueillies
ont été dépouillées et transcrites ici à
Bangui. Pour les proverbes et les contes, ceux-ci ont subi une traduction
littérale puis la traduction littéraire. Enfin, pour
déterminer la pertinence de cette démarche méthodologique,
il nous semble nécessaire de présenter brièvement ici les
atouts-limites et difficultés émanant de ce travail.
4. Atouts-Limites et
Difficultés
Pour atteindre l'objectif que nous avons préalablement
fixé, notre ligne de conduite fut d'emprunter la méthodologie
dite «d'observation participante». Cela n'aurait pas remplacé
l'intérêt et l'enrichissement qu'apporte toute expérience
personnelle directement vécue.
Nous avons surtout essayé de garder un recul
nécessaire par rapport à l'enthousiasme procuré par le
«terrain» et ainsi de saisir la substance des
phénomènes rencontrés en évitant la collection de
stéréotypes.
Les limites de ce travail tiennent au choix
méthodologique que nous avons effectué ainsi qu'à la
nature de certains locuteurs que nous avons rencontrés. Notre
présence a souvent suscité quelques interrogations, parfois
quelques suspicions, plus rarement une franche animosité. Les
différentes communautés avec lesquelles nous avons
travaillé n'ont pas toutes eu la même perception de nos travaux.
Par exemples certaines populations relativement accoutumées à la
présence et aux méthodes des chercheurs, ont été
très réactives par rapport à notre travail; d'autres
n'ayant quasiment jamais été des partenaires de travaux à
vocation scientifique, ont été peu réceptives.
D'autres difficultés sont liées bien
évidemment à certaines "prises de contact" non honoré par
maladresse de notre part renvoyant notre demande assez loin et parfois sans
suite.
Notons que par rapport à la situation
géographique de Zangba, étant très isolé voire non
sécurisé, et surtout que cette localité était
inconnue pour nous, suscitait aussi une incertitude pour notre
intégrité physique. Bien que généralement peu
enclin à faire preuve de réalité de leur
société, nos informateurs se sont révélés
assez ouverts à nos recherches.
Signalons enfin que la difficulté majeure est d'ordre
financier, car une recherche de telle envergure exige de moyens financiers
nécessaires. Ce qui effectivement ne pourra donc pas bien entendu
apporter de résultats définitifs à l'attente de nos
lecteurs.
Ebauche de la première partie :
Phonologie
De l'avis de J-M-C. Thomas, et al.1980 : 21
[...quelle que soit l'orientation théorique et
méthodologique des descripteurs, l'établissement de la phonologie
reste considéré comme préliminaire indispensable à
toute description...]
Cette partie est consacrée à la description
phonologique du baguiro. Il sera question d'identifier et d'étudier:
· La phonématique sur l'axe paradigmatique en
utilisant la commutation pour établir des pairs minimales afin de
dégager les traits oppositionnels, le statut phonologique et aussi la
taxonomie de la langue en question; ensuite,
· Les autres études de ces unités
phonologiques seront faites sur l'axe syntagmatique par l'étude des
contextes, des rencontres, des positions, pour dégager les traits
contrastifs. Ces traits pertinents nous permettront de définir les
diverses unités, enfin ce sera la formalisation de quelques
règles morpho-phonologiques et la proposition d'un code orthographique
du baguiro.
Il est à mentionner que nos transcriptions
phonétiques garderont pour leur compte l'Alphabet Phonétique
Internationale(A.P.I) et l'alphabet proposé par l'Institut Africain
International (IAI).
Mais en attendant, il nous incombe de présenter de
façon sommaire ces unités qui feront l'objet de notre analyse
phonologique.
I.1. Phonématique
Le système phonologique du baguiro est constitué
de quarante et un (41) phonèmes dont douze (12) vocaliques et trente
(29) consonantiques qui sont:
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